[CG(21)11 Annexe / Appendix] French only

Approvisionnement en énergie et efficacité énergétique

aux niveaux local et régional : vers une transition énergétique

Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux

Commission des Questions d’actualités

Proposition de Rapport réalisé par :

Gérard Magnin, Energy Cities

Draft 1 – 30 Mai 2011

Introduction

L’énergie n’est pas un bien comme un autre : comme l’air et l’eau, l’énergie est indispensable à la vie des êtres humains. Elle ne peut donc être pensée uniquement comme un produit banal dont l’avenir ne serait guidé que par des relations de marché ou interétatiques. L’énergie doit aussi être l’affaire des citoyens, des acteurs locaux et naturellement des autorités locales et régionales

La Commission des questions d'actualité du Congrès qui couvre les Commissions du développement durable, de la cohésion sociale, et de la culture et de l'éducation, a décidé de préparer un rapport sur le sujet de ‘’l’approvisionnement en énergie et l’efficacité énergétique aux niveaux local et régional’’. Cette décision fait suite à un débat sur ce sujet qui s’est tenu lors de la session de mars 2011 de la Chambre des régions du Congrès.

Dans le compte rendu de la Commission des questions d'actualité, il est indiqué que:

-       il y a ‘’deux axes essentiels pour assurer l’efficacité énergétique : diminuer la demande et favoriser le recours aux énergies renouvelables.

-       les collectivités locales et régionales doivent disposer des compétences suffisantes dans l’approvisionnement en énergie et son utilisation, et toute action visant à mieux gérer les ressources énergétiques doit impliquer les acteurs locaux et régionaux.

Le Congrès a déjà, dans le passé, délibéré sur ces questions sous deux aspects :

-       l’Energie : la Commission du Développement Durable avait adopté en 2008 un rapport (CG/DEV(14)20) intitulé : ‘’Action publique territoriale : vers une nouvelle culture de l'énergie’’.

-       le Climat : une recommandation (215 / 2007) intitulée ''Face au changement climatique : les actions des collectivités territoriales’’ ainsi qu’un  rapport intitulé ‘’Changement climatique : renforcer la capacité d’adaptation des pouvoirs locaux et régionaux’’ CG(14)33REP en 2008.

Ces documents demeurent complètement d’actualité et doivent être pris en considération.

Le présent rapport intervient dans un contexte marqué par :

-       un accroissement tendanciel continu des prix des énergies, en particulier ceux du pétrole, du gaz, et de l’électricité,

-       le ‘’pic pétrolier’’ qui, selon l’Agence Internationale de l’Energie (World Energy Outlook 2010) aurait été atteint dès 2006,

-       l’accident nucléaire de Fukushima qui met au premier plan la question de la sûreté de l’énergie atomique, et amène plusieurs pays à abandonner cette voie,

-       un intérêt croissant pour améliorer l’efficacité énergétique en tant que solution majeure aux problèmes rencontrés,

-       la maturité économique et technologique d’un large éventail de ressources énergétiques renouvelables,

le tout sur un fond d’urgence climatique quand bien même les négociations internationales ne progressent que très lentement.

En outre,l'année 2012, qui sera marquée par le Sommet de la Terre vingt ans après la célèbre Conférence de Rio qui a posé les bases d’une gouvernance mondiale durable de notre planète, a été déclarée par l'ONU ‘’l'Année internationale de l'énergie durable pour tous’’.

Conclusion du Rapport

‘’Action publique territoriale : vers une nouvelle culture de l'énergie’’ adopté en 2008

Les autorités locales et régionales doivent devenir les acteurs majeurs

de la nouvelle culture énergétique.

L'implication des autorités territoriales a une influence très importante sur le développement local, les activités économiques, les emplois, l’environnement local et global, la qualité de la vie, l’attractivité des villes et la réduction de la précarité énergétique des habitants en difficulté.

Elles peuvent aussi influencer les politiques nationales et européennes par leur capacité à démontrer pratiquement que d’autres voies sont possibles. Pour toutes ces raisons, les autorités locales et régionales doivent prendre un rôle de leadership dans une politique énergétique principalement orientée vers l’exploitation de leurs potentiels : celui des économies d’énergie avant tout, qui est le moins coûteux à exploiter et qui est très important (plus de 50% des consommations actuelles) dans les bâtiments, les transports, l’urbanisme, puis l’utilisation des ressources énergétiques renouvelables locales, l’amélioration des rendements énergétiques grâce à la production combinée d’électricité et de chaleur.

Elles doivent se doter des outils pour imaginer leur futur énergétique ; partager une vision commune de l’avenir de leurs territoires ; construire et mettre en œuvre une politique énergétique intégrée à tous les domaines de la vie locale ; mesurer les progrès obtenus par exemple au travers d’une certification du management énergétique, comme l’ont déjà engagé de nombreuses villes, en particulier suisses, allemandes, et françaises.

Elles doivent s’engager volontairement, comme la Commission européenne vient de le proposer aux Maires, à atteindre et dépasser les objectifs énergétiques de l’Union européenne. Cela implique des changements de comportements individuels et collectifs, dont naturellement ceux des décideurs locaux, régionaux et nationaux, lesquels doivent montrer l’exemple. C’est à ce prix que l’on pourra changer la donne et traduire dans les faits la « nouvelle culture » de l’énergie.

Le présent rapport couvre en particulier le champ suivant, au niveau territorial :

-       L’efficacité énergétique dans les consommations énergétiques des bâtiments des secteurs résidentiels et tertiaires publics et privés, du transport urbain et régional, des TPE et PME, ainsi que celles nécessaires à la fabrication des produits manufacturés et agricoles ou à leur fonctionnement.

-       L’efficacité énergétique liée à la production et à la distribution d’énergie locale, par exemple dans les réseaux de chaleur, les installations de la cogénération, et l’utilisation des surplus de chaleur non utilisés (par exemple issus de l’incinération des déchets ou de processus industriels).

-       Les sources d’énergie renouvelable, en particulier celles mobilisables sur place ou proche des lieux de consommation (par exemple solaire, vent, biogaz, biomasse géothermie et potentiels thermiques marins ou lacustres).

1.     La poursuite des tendances actuelles est impossible

Le 21ème siècle est annonceur de changements très importants dans le domaine de l’énergie pour plusieurs raisons :

-       Du côté des ressources : la limite physique des ressources énergétiques fossiles et fissiles est devenue une hypothèse très sérieuse. Par exemple, l’Agence Internationale de l’Energie a déclaré[1] que le pic pétrolier / peak oil se serait produit dès 2006, ce qui prédit un accroissement significatif des tensions sur les marchés d’approvisionnement pétroliers dans les prochaines années et décennies.

-       Du côté des rejets de gaz à effet de serre : les conséquences de nos consommations énergétiques en termes de dérèglement climatique menacent l’équilibre de la biosphère ; les prévisions du Groupe d’Experts Internationaux sur le Climat – GIEC / Internal Panel on Climate Change – IPCC / ont été confirmées et, dans l’Accord de Cancun (COP16), les Etats ont accepté l’objectif de limiter à 2°C l’augmentation de la température moyenne du globe.

-       La montée en puissance des pays émergents met fin à une situation où 25% de la population des pays industrialisés consommaient 75% de l’énergie mondiale. La forte croissance de ces pays, surtout si elle devait s’ajouter à un niveau restant élevé des consommations énergétiques des pays dits industrialisés, contribuerait à accroître de façon significative les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre.

-       Cela aurait pour conséquence de renforcer les tensions déjà perceptibles et pourrait être source de conflits armés pour l’accès aux gisements, de risques aggravés pour les populations et les écosystèmes, ainsi que de migrations climatiques et de vulnérabilité énergétique de nombreux pays, régions, villes et groupes sociaux, mettant en péril la cohésion sociale et territoriale.

-       Le haut niveau de prix énergétiques qui résulterait de la poursuite de la trajectoire actuelle, pourrait rendre l’énergie inaccessible à une partie croissante de la population, laquelle ne serait plus à même de satisfaire ses besoins de confort et de mobilité minimaux, ce qui accélèrerait l’exclusion sociale.

Pour toutes ces raisons, il est impossible de penser le 21ème siècle comme le simple prolongement du 20ème, siècle durant lequel les premiers symptômes de dysfonctionnement sont apparus. Le choix qui s’offre à nous est de savoir si nous allons affronter ce défi de gré, c’est-à-dire en anticipant ces risques pour les éviter et les limiter, ou si nous allons devoir les affronter de force au fil des crises qui ne manqueront pas de se produire de façon de plus en plus rapprochée.

L’enjeu dépasse largement la question de l’énergie au sens strict. C’est une question qui interroge le devenir de nos sociétés.

2.     L’urgence d’engager la transition vers un nouveau paradigme énergétique

Une transition suppose de passer d’une situation donnée à une autre qui en sera significativement différente. Le paradigme encore dominant à ce jour est le suivant :

-       Alors qu’autrefois les territoires, les acteurs économiques et les habitants, géraient de façon précautionneuse les sources d’énergie locale afin de garantir leur pérennité, la civilisation industrielle a rompu le lien entre énergie et territoire : la première révolution industrielle (charbon) et surtout la seconde (pétrole puis gaz et réseaux d’électricité interconnectés) ont conduit à une séparation presque totale entre les lieux où l’on produit de l’énergie et ceux où l’on consomme cette énergie. De puissantes sociétés énergétiques se sont interposées pour assurer l’approvisionnement énergétique et finalement imposer leurs choix aux consommateurs et souvent aux décideurs en fonction de leurs intérêts.

-       Il en est résulté une priorité donnée à l’offre d’énergie plutôt qu’à la maîtrise de la demande, aux énergies de stock (fossiles puis fissiles) plutôt qu’aux énergies de flux (renouvelables), aux technologies et systèmes centralisés plutôt qu’à ceux  décentralisés. Chacun s’est progressivement déresponsabilisé vis-à-vis de son approvisionnement en énergie et de l’impact de ses consommations sur l’atmosphère. Les consommateurs et les citoyens, mais aussi les autorités locales et régionales ont très souvent été écartés des grands choix décisionnels. ‘’Plug and Play’’ peut résumer cette situation.

Ce système hérité du 19ème et surtout du 20ème siècles, qui engendre de très importants gaspillages et déstabilise les équilibres de la biosphère, donne aujourd’hui de nombreux signes de fatigue. Il n’est pas durable. Le paradigme énergétique du 21ème siècle devra être très différent si l’humanité veut se donner les moyens de se perpétuer dans la paix et la cohésion sociale.

Le futur paradigme énergétique sera marqué par les éléments suivants :

-       La quantité d’énergie nécessaire à la satisfaction de nos besoins de confort, de mobilité, d’alimentation, de production, etc., sera très significativement inférieure à ce que nous consommons aujourd’hui[2]

-       Les énergies de flux vont prendre le pas sur les énergies de stock : nous devrons aller vers une satisfaction presque totale de nos besoins énergétiques par des ressources renouvelables à l’horizon de notre siècle.

Ce nouveau paradigme est émergent. Il est déjà en construction, en particulier au travers d’initiatives d’autorités locales et régionales, notamment celles situées dans des pays décentralisés qui donnent au niveau local de grandes responsabilités et favorisent donc leurs initiatives. Les technologies et les systèmes adéquats sont déjà disponibles, et les exemples de mise en œuvre ne manquent pas. C’est pourquoi, nous pensons qu’il faut accélérer le processus de transition énergétique (ou l’engager là où il n’a pas encore démarré) afin de préserver nos sociétés de la vulnérabilité, de les orienter vers un avenir précautionneux de l’usage des ressources naturelles et respectueux de l’équilibre de la biosphère.

3.     L’importance du rôle des autorités locales et régionales dans la transition vers une Europe économe en énergie et privilégiant les ressources renouvelables

Il résultera du changement de paradigme une modification significative des jeux d’acteurs :

-       Le niveau local deviendra déterminant. C’est là où l’on vit, travaille, étudie, se distrait. C’est là que sont localisés les bâtiments qu’il faudra rénover thermiquement et les nouveaux qu’il faudra construire ; c’est là que s’organisent les politiques de mobilité, de circulation et de transport qui, selon les priorités qu’on leur donnera, seront plus ou moins consommatrices d’énergie ; c’est là que se définit la politique d’urbanisme qui surdétermine largement les consommations futures d’un territoire ; c’est là que se situent les ressources énergétiques renouvelables, en particulier celles mobilisables sur place ou proches des lieux de consommation (solaire, vent, biogaz, biomasse, géothermie, énergie des lacs et mers, etc.).

-       Les acteurs de l’énergie vont changer. Ils ne seront plus principalement ceux des grandes entreprises du secteur de l’offre d’énergie. Ils seront ceux qui contribuent à réduire les consommations énergétiques des bâtiments (architectes, artisans, plombiers, installateurs, menuisiers, avec de nouveaux métiers pour isoler les logements, sociétés de services énergétiques, banques locales, etc.) ; des transports (responsables des politiques de mobilité et transport, compagnies de transport, associations de cyclistes, etc.) ; ceux de l’organisation urbaine et régionale (urbanistes, aménageur des territoires, etc.) ceux qui fourniront des ressources en biomasse (agriculteurs, sylviculteurs) ou réaliseront les installations solaires ; et bien sûr tous les citoyens et les consommateurs qui ont tous un rôle à jouer à leurs niveaux. De nouvelles formes de gouvernance des territoires devront être imaginées pour relever ces nouveaux défis.

-       Les autorités locales et régionales jouent déjà souvent un rôle dans l’approvisionnement énergétique de leurs territoires respectifs, par exemple en gérant les réseaux de distribution d’électricité, de gaz ou de chaleur. Cependant, la question de l’approvisionnement énergétique des territoires ne se limitera pas à relier ceux-ci aux grands réseaux de transport électriques, gaziers ou pétroliers. Leur rôle devra davantage évoluer vers des actions sur la demande d’énergie, qu’il s’agisse de leur propre patrimoine et de leurs équipements ou des consommations des logements publics et privés de leur territoire, de la performance énergétique et de la qualité des services publics tels que les réseaux de chaleur ou les transports publics urbains, ou encore de l’exploitation des potentiels de ressources renouvelables ou de valorisation de chaleur, par exemple issue de la cogénération. Un tel processus doit conduire à accroître la part d’autonomie énergétique des territoires, ce qui les rendra moins vulnérables aux aléas internationaux que personne ne peut réellement maîtriser.

Par ailleurs,

-          en vertu de la Charte de l’autonomie locale, les autorités locales et régionales devraient être consultées sur toutes les décisions qui concernent les infrastructures de transport d’énergie : d’une part, afin d’exercer leur choix sur les modes et sources d’approvisionnement et d’autre part pour maîtriser l’impact des infrastructures de transport sur les territoires concernés. En effet, les pays ou régions exportateurs d’énergies de réseaux ne doivent pas être en situation d’imposer unilatéralement leurs choix aux territoires.


Pour résumer,

-          c’est principalement aux niveaux local et régional que l’on peut exploiter les potentiels locaux, qu’il s’agisse des potentiels d’économie d’énergie, d’énergies locales renouvelables ou de récupération de chaleur. C’est là que nous pouvons agir concrètement. C’est pourquoi nous avons besoinde politiques énergétiques décentralisées d’une part et d’initiatives des villes et des régions pour changer la donne d’autre part.

-          au-delà des moyens juridiques favorisant l’autonomie locale, les autorités locales et régionales auront besoin de moyens financiers. Dès lors que les efforts à accomplir pour une cause commune sont à répartir entre tous les niveaux d’administration, il devient logique que les moyens des Etats soient répartis en conséquence, y compris les moyens qui pourraient provenir de la mise aux enchères des quotas d’émission de CO2 par exemple pour les pays qui relèvent du système européen d’ETS (Emission Trading Scheme) et plus largement des mécanismes de Kyoto. Investir pour consommer moins d’énergie doit recevoir davantage d’attention et de budget qu’investir pour en produire davantage, ce que les calculs économiques corroborent dans presque tous les cas.

Cependant, il faut être conscient qu’il y a de fortes résistances pour évoluer en ce sens dans de très nombreux pays et qu’une telle transition énergétique demandera beaucoup de détermination et d’engagement, notamment de la part des autorités locales et régionales. Les pays les plus avancés dans cette direction doivent servir d’exemple.

Nous mesurons alors toute l’importance du mouvement de la Convention des Maires[3], / Covenant of Mayors, par lesquelles les villes s’engagent de façon volontaire à dépasser les objectifs énergétiques et climatiques de l’Union européenne sur leur territoire (voir encadré plus bas). Ces villes entreprennent des multitudes d’actions, petites et grandes, stratégiques ou ponctuelles, qui témoignent d’une volonté et d’un désir de changer la trajectoire de notre développement.

La Convention des Maires : une opportunité offerte à toutes les villes d’Europe

L’Union européenne a adopté définitivement en 2008 son Paquet Energie-Climat, lequel définit des objectifs connus sous le nom des ‘’3 x 20’’ : réduction de 20% des émissions de CO2, accroissement de 20% de l’efficacité énergétique et 20% d’énergies renouvelables dans le bilan énergétique européen, à l’horizon 2020.

Sur cette base, plus de 2500 villes se sont déjà engagées pour dépasser ces objectifs sur leurs territoires, de façon volontaire et unilatérale, en signant la Convention des Maires. C’est un exemple sans précédent d’une action multi-niveaux vers des objectifs communs, dans laquelle régions et provinces ont également toute leur place, en tant que Coordinateurs territoriaux / Territorial coordinators.

Les villes s’engagent[4] à présenter dans un délai d’une année un Plan d’Action pour l’Energie Durable / Sustainable Energy Action Plan, lequel contient également un inventaire / baseline inventory des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre, une description des moyens humains et financiers affectés à la réalisation du Plan. Des dispositifs d’ingénierie financière sont associés à cette initiative. Après trois années, les villes signataires devront rapporter sur leurs premiers résultats.

Ouverte à tous les pays européens[5] et même au-delà, cette initiative est à même de proposer un cadre d’action commun aux villes de tous les pays représentés au Congrès. Déjà plus d’une centaine de villes signataires n’appartiennent pas à l’Union européenne.

Cette initiative reçoit le soutien de toutes les institutions de l’Union européenne et le Congrès a eu l’occasion de s’associer à plusieurs initiatives s’y rapportant. Dans son Rapport ‘’Pour une nouvelle culture de l’énergie’’ déjà cité, ‘’le Congrès se félicit(ait) de la reconnaissance du rôle moteur des villes pour la réalisation des objectifs énergétiques et de son initiative de lancement de la « Convention des maires » qui vient soutenir la mobilisation de nombreuses collectivités locales et de leurs réseaux’’.

La Convention des Maires pourrait devenir un instrument à la fois politique, institutionnel et pratique, agissant comme un fédérateur et un catalyseur au niveau de l’Europe toute entière.

4.     La nécessité d’une telle transition n’est pas encore partagée par tous les acteurs et décideurs.

Les obstacles sur ce chemin avaient pour l’essentiel été décrits en 2008 dans le Rapport ‘’Pour une nouvelle culture de l’énergie’’. Ils demeurent d’actualité:

-       ‘’une sous-estimation des nécessités absolues de changement si l’on veut éviter des crises graves et des conflits, et finalement l’obligation de prendre un jour des décisions d’urgence – forcément impopulaires - sous la contrainte ;

-       l’impression que les objectifs environnementaux sont en contradiction avec les objectifs économiques alors qu’ils se renforcent mutuellement ;

-       la difficulté d’admettre qu’un confort accru peut non seulement être compatible - mais parfois être seulement possible - avec une consommation d’énergie plus faible, en particulier dans des pays qui ont connu des restrictions énergétiques ;

-       l’illusion que les technologies seules pourront apporter des solutions sans que l’on doive changer nos comportements ou nos façons de décider ;

-       le poids des acteurs traditionnels de l’énergie qui ne se préoccupent pas beaucoup des usages mais sont surtout préoccupés de la production et de la vente d’énergie ;

-       les intérêts financiers qui privilégient toujours les gains de court terme au développement équilibré de long terme et font de l’énergie un bien marchand comme un autre ;

-       le poids des habitudes qui nous empêche d’imaginer le futur comme différent d’une prolongation du passé et qui dans certains pays a été façonné par une énergie à très faible coût ;

-       la difficulté d’imaginer une vision commune, à l‘échelle d’une génération par exemple, de ce que pourra être notre système énergétique et notre organisation urbaine, périurbaine et régionale ;

-       la centralisation des systèmes de décision qui prétendent tout régler par le sommet sans impliquer les autorités locales, les citoyens et tous les acteurs du marché, c'est-à-dire ceux qui chaque jour prennent les décisions qui orientent les consommations énergétiques. Il est en effet établi que ce sont les pays décentralisés qui ont donné lieu à une floraison d’initiatives locales’’.

En outre, il faut souligner que les pays sont dans des situations différentes quant à leurs ressources énergétiques, au moins à court terme, ce qui se traduit par des attitudes variées devant les changements nécessaires :

-          l’Union européenne, pauvre en ressources énergétiques conventionnelles, joue un rôle pionnier dans le monde et s’engage de façon résolue vers une société à faibles émissions de carbone, efficace en énergie et approvisionnée de façon significativement croissante par des énergies renouvelables (voir en Annexe 1 l’exemple de l’Union européenne).

-          D’autres pays, plus riches en ressources, ont généralement tendance à négliger les solutions alternatives et sont moins volontaires pour des politiques visant à maîtriser les consommations énergétiques. L’illusion d’une ressource illimitée est peu propice à l’utilisation optimale alors que la rareté oblige à l’innovation. Cependant, même ceux-ci ne restent pas à l’écart de ce mouvement et commencent à se doter d’instruments en ce sens (voir en Annexe 2 l’exemple de la Fédération de Russie).

Enfin, on peut noter que:

-          Si, sur le plan des principes, le caractère territorial (au sens local et régional) des politiques d’énergie durable est de plus en plus reconnu par les niveaux de décision supérieurs, les cadres législatifs, fiscaux et incitatifs nationaux ne sont généralement pas tournés vers l’encouragement à l’action des autorités locales et régionales, en particulier lorsqu’il s’agit de leur confier l’autonomie qui leur serait nécessaire pour conduire des politiques énergétiques locales durables pro-actives.

-          Dans les pays marqués par la centralisation des décisions, nous observons en effet de nombreux freins quand il s’agit de confier davantage de responsabilités énergétiques aux autorités locales et régionales, ce qui nuit aux prises d’initiatives.

-          En revanche, dans d’autres pays, l’importance donnée au pouvoirs locaux et régionaux, démontre combien la liberté d’administration locale constitue un puissant stimulant dans la recherche de solutions énergétiques, nouvelles, variées, adaptées à des contextes toujours particuliers.

5.     Les synergies entre énergie durable, cohésion territoriale et qualité de la vie

On pourrait penser que la transition énergétique précitée serait une source de contraintes qui s’ajouteraient à toutes celles auxquelles nous avons déjà à faire face. Ou encore qu’il ne s’agirait que de satisfaire à des objectifs globaux (changement climatique, préservation des ressources fossiles), certes indispensables, mais qui n’impactent pas positivement sur les court et moyen termes la qualité de vie des populations des pays européens.

C’est plutôt le contraire qui est vrai : la transition énergétique est susceptible d’apporter une série d’opportunités inédites ayant un effet bénéfique sur la qualité de vie des citoyens,  le développement économique local et l’attractivité des territoires. Qui en effet pourrait soutenir qu’un territoire attractif serait caractérisé par une consommation énergétique débridée, l’impossibilité pour les familles de payer leurs factures énergétiques et donc de vivre dans le dénuement, une circulation marquée par des embouteillages sans fin, l’impossibilité pour piétons et cyclistes de circuler en toute sécurité, des flux financiers qui s’échappent des territoires pour payer des approvisionnements énergétiques exogènes, une pollution locale et globale élevée, des déchets mal gérés, etc. ?

Voici quelques exemples :

-       Isoler thermiquement les logements et améliorer leurs équipements, c’est réduire la facture énergétique des habitants, les mettre à l’abri de la précarité énergétique, leur donner un droit à l’énergie grâce à une faible consommation pour un bon niveau de confort. C’est une solution durable qui a plus d’avenir que la poursuite de subventions aux tarifs là où elles existent encore. C’est aussi  créer des emplois durables dans le bâtiment avec des PME et TPE actives.

-       Optimiser les consommations d’énergie des bâtiments, c’est créer des nouveaux métiers et de nouvelles activités telles que les sociétés de services énergétiques (ESCOs) et impliquer le système bancaire dans le financement des investissements, stimulant ainsi une offre de services locaux.

-       Utiliser davantage de ressources renouvelables locales, c’est stimuler l’économie locale en ‘’gardant l’argent à la maison’’, c’est optimiser l’intelligence locale, c’est offrir des revenus aux agriculteurs et forestiers, ainsi qu’aux installateurs d’équipements et à toutes les entreprises qui peuvent apporter leur savoir-faire.

-       Planifier les territoires pour éviter l’étalement et l’émiettement urbains, c’est rapprocher les lieux d’habitations des bureaux, des services publics et privés de la vie quotidienne, c’est faciliter la vie des gens ainsi que leur accès aux transports publics tout en limitant les déplacements contraints de la vie quotidienne,

-       Favoriser les modes doux de déplacement (marche, vélo) c’est à la fois consommer moins pour se déplacer et permettre des activités physiques qui ont un impact positif sur la santé.

-       Consommer moins d’énergie, c’est en produire moins et donc limiter les émissions polluantes locales qui impactent la santé, comme celles qui impactent le climat.

-       Utiliser de nouvelles technologies, inventer des modes de gouvernance nouveaux sont de puissants stimulants pour l’innovation, la recherche et l’emploi.

-       Etc.

Tout cela concourt à une meilleure cohésion territoriale, c’est-à-dire à une meilleure harmonie, à de meilleurs équilibres territoriaux basés sur les attentes des habitants et la qualité de leur vie à long terme. L’expérience montre que les villes européennes les plus attractives, par exemple scandinaves, sont aussi celles qui sont les plus économes en ressources et maximisent l’utilisation des ressources locales. Un réseau de villes comme Energy Cities[6] a développé le concept de Ville à basse consommation d’énergie et à haute qualité de vie pour tous afin de résumer ce désir de prendre en compte une diversité de dimensions lorsque l’on traite de l’énergie.

De telles approches devraient offrir plus d’opportunités aux femmes, généralement marginalisées dans les politiques énergétiques conventionnelles, mais plus sensibles que les hommes aux questions de la qualité de la vie, qui pourraient jouer un rôle privilégié dans la transition énergétique vers un système plus proche des situations concrètes.


6.     La nécessité d’une vision prospective pour éviter les erreurs de court terme

Bien sûr, les modèles ancien et nouveau vont cohabiter durant une longue période, le nouveau prenant progressivement plus d’importance pendant que l’ancien cédera progressivement sa place. Les systèmes énergétiques se construisent sur des décennies. Ils ne se changent évidemment pas du jour au lendemain. C’est la modification de la trajectoire qui est à l’ordre du jour.

-          De ce fait, les conflits entre les objectifs de long terme et les priorités de court terme sont plus que probables, comme cela est le cas dans tous les domaines. Nous devrons pouvoir les dépasser. Pour cela une vision partagée de là où il serait désirable d’aller est essentielle. Par exemple, l’utilisation du gaz est préférable au charbon du point de vue des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution, mais si la pénétration du gaz devait se faire au prix du démantèlement des réseaux de chaleur au profit d’une multitude de chaudières individuelles, on se priverait de toute possibilité de développer l’utilisation massive de la biomasse ou de la récupération d’énergie.

-          Nous devons prioritairement éviter de commettre  des erreurs stratégiques, comme cela a été ou est encore parfois le cas : les villes françaises des années 50 a détruit ses infrastructures de tramways considérant qu’elles étaient un obstacle à la circulation automobile pour les reconstruire aujourd’hui ; un nombre significatif de villes est-européennes détruisent leurs réseaux de chaleur, alors que ce système est la plus efficient pour optimiser les consommations d’énergie et utiliser des énergies renouvelables et de récupération à grande échelle, comme le montre par exemple la Suède ; on continue à construire des logements de mauvaise qualité énergétique et sans prévoir la flexibilité de leur approvisionnement énergétique durant leur durée de vie, alors que nous disposons aujourd’hui des connaissances et des techniques pour consommer très peu.

-          De tels comportements conduisent à payer deux fois : l’une pour ‘’faire mal’’ et une autre pour réparer ce qui a été ‘’mal fait’’, alors que les autorités locales et régionales peinent à trouver les ressources suffisantes pour leurs politiques.

-          Nos critères de décisions quotidiens sont trop souvent établis à partir de notre connaissance du passé et du présent, alors même que nous préparons un avenir (incertain) très différent de notre passé. Se projeter /projeter son territoire dans un avenir à l’horizon de 2030 ou 2040 (une génération) permettrait d’éviter des erreurs aujourd’hui et redonner confiance à l’action politique qui peut ainsi proposer d’aller vers un horizon enthousiaste plutôt que de subir la fatalité en tentant d’en limiter ses dégâts[7].

7.     Le champ d’action des autorités locales et régionales permet d’agir de façon intégrée

Chaque autorité locale et/ou régionale est tout à la fois :

-       consommatrice d’énergie,

-       planificatrice de l’espace urbain et investisseur,

-       productrice et distributrice d’énergie,

-       incitatrice vis-à-vis de la population et des acteurs locaux.

Les autorités locales et régionales consomment de l’énergie.

Les autorités locales et régionales consomment de l’énergie pour les bâtiments dont elles sont propriétaires et gestionnaires - qu’ils soient administratifs, scolaires, culturels, sportifs, sanitaires ou encore d’habitation -, pour l’éclairage public, les équipements relatifs à la production et la distribution d’eau, pour l’assainissement ou la gestion des déchets, le parc de véhicules qu’elles gèrent.  Elles doivent offrir le meilleur service et la meilleure qualité de vie à ses habitants en minimisant leur propre consommation et donc leurs dépenses énergétiques. La municipalité paie les dépenses énergétiques occasionnées par ses consommations. Elles sont donc intéressées très directement aux économies à réaliser. Elles doivent être des modèles dans leur gestion énergétique, disposer d’équipes d’efficacité énergétique, afficher au public leurs performances énergétiques. Les autorités locales et régionales, nombreuses, qui se sont engagées dans cette voie ont souvent diminué leurs consommations de 50% ou plus. Le recours aux sociétés de service énergétique peut sous certaines conditions, apporter de bons résultats (Dobrich, Bulgarie)

Les autorités locales et régionales sont responsables de l’urbanisme et des politiques de déplacement et de transport, elles investissent et planifient.

A l'occasion de décisions importantes relatives à l'aménagement d’un quartier, de la ville toute entière, à l’extension urbaine, à l’organisation des transports régionaux, le soutien aux activités économiques et à la recherche, mais aussi par une multitude de décisions quotidiennes, tels que les permis de construire, des choix sont arrêtés. Ils vont surdéterminer les consommations énergétiques futures des habitants et des différents agents économiques. La plupart des villes sont encore loin d'intégrer une dimension énergétique dans les choix d’urbanisme : énergie et plan d’occupation des sols ou schéma d‘aménagement régional sont généralement des domaines qui s’ignorent, sauf peut-être pour les réseaux de chaleur. Cette attitude conduit à un étalement urbain effréné qui gaspille le sol (ressources non renouvelable) et rend les habitants captifs des déplacements automobiles.

Mais un nombre croissant d’autorités locales et régionales modifient leur approche et accordent une attention croissante aux impacts énergétiques de leurs décisions : par exemple, faire l’effort de construire des logements à très faible consommation énergétique, voire ‘zéro énergie’ n’a de sens que si leur localisation ne nécessite pas de parcourir 50 km par jour pour se rendre à son travail et dépenser ainsi davantage en carburant que ce que l’on consommerait pour se chauffer dans un bâtiment mal isolé. Ou si, faute de services, de commerces ou d’école à côté de chez soi, on soit obligé d’utiliser son véhicule automobile pour n’importe quel déplacement. L’organisation de la mobilité, des déplacements et des transports est essentielle et les autorités locales doivent permettre de circuler à pied, en vélo et en transports publics sur des infrastructures permettant de circuler de façon confortable, en toute sécurité. Des villes telles que Freiburg Im Breisgau en Allemagne, se sont résolument engagées dans cette voie.

Les autorités locales et régionales produisent et distribuent de l’énergie, par elles-mêmes où par l’intermédiaire de partenariats public-privé.

Qu’il s'agisse de production et de distribution de chaleur et parfois de froid, de distribution de gaz ou encore de production d'électricité, les autorités locales et régionales ont la responsabilité d’améliorer l’efficacité des systèmes (par exemple en réhabilitant les réseaux de chaleur, en favorisant la cogénération à haut rendement, y compris de petite et moyenne taille), d’encourager l’utilisation efficace de l’énergie qu’elle délivre et de valoriser les ressources locales : énergies renouvelables (dont la biomasse, la géothermie, le biogaz, le solaire, l’hydroélectricité ou l’éolien), énergies issue des déchets urbains ou de la récupération de chaleur issue de processus industriels, dans la perspective d’atteindre les objectifs énergétiques précités. La Ville de Växjö en Suède a décidé en 1996 d’être « zero fossil fuel » en 2010 et elle est proche d’y parvenir, comme l’est déjà la petite ville autrichienne de Güssing.

Les autorités locales et régionales informent les citoyens et les acteurs locaux et les incitent à économiser l’énergie et à utiliser des énergies renouvelables.

Parce que proches du terrain, elles ont une responsabilité essentielle pour faire de la question énergétique un sujet qui devient l’affaire de tous et non des seuls spécialistes énergétiques. Il peut s’agir des ménages et plus largement des habitants, des organismes de logement, des commerces, des banques, des artisans, des établissements scolaires et universitaires, des administrations, des établissements de santé, des entreprises industrielles, des sociétés de services ou de transports, des associations diverses (habitat, environnement, transport, de quartier, etc.), des syndicats et des associations professionnelles, et bien sûr des agences régionales et nationales de l'énergie, des entreprises énergétiques, etc. Les autorités locales ont pour responsabilité de faire converger les actions de tous ces acteurs, qui ont des motivations différentes, vers les objectifs d’efficacité énergétique d’énergies renouvelables et de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Les pratiques de participation de la population aux actions énergie-climat se développement de façon importante aujourd’hui dans certains pays. Par ailleurs, de nombreuses régions – en fonctions de leurs compétences - ont pris l’initiative de stimuler les actions locales via différents moyens en fonction de leurs compétences, y compris d’incitation financière.

Il ne s’agit pas de se contenter de réaliser des actions ponctuelles relevant de ces différents champs d’action, mais de concevoir une politique qui intègre ces différentes composantes de façon synergique et coordonnée.


8.     Des technologies vertes bien intégrées dans les politiques territoriales

Si un grand nombre de technologies sont déjà disponibles, souvent sans être pleinement utilisées, le champ d’innovation reste immense, en particulier pour permettre d’assurer une transition énergétique avec les ambitions requises, tant dans le domaine de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et décentralisées, ou encore de modes de transport durables, sans oublier l’information et la communication. Les autorités locales et régionales ont un triple rôle à jouer dans ce domaine :

-          Elles sont un lieu d’expérimentation in situ irremplaçable pour des technologies vertes : elles permettent d’évaluer leur pertinence, les confronter à la complexité territoriale, les adapter aux conditions concrètes d’utilisation.

-          Elles sont un marché pour les entreprises qui proposent des technologies efficaces et, par leur acte d’achet, elles peuvent contribuer à orienter et dynamiser le marché de façon significative.

-          Elles sont un vecteur de développement économique pour les territoires où sont implantées de telles entreprises, en même temps qu’une opportunité pour la formation et la recherche : les taux de croissance des technologies vertes sont nettement supérieurs à celui des technologies traditionnelles et tout porte à croire que la tendance va se poursuivre et sans doute s’accélérer. De nombreux exemples existent de reconversions de friches industrielles en zone high tech.

Il faut cependant veiller à :

-          Ne pas restreindre l’innovation à sa dimension technologique : la gouvernance, l’implication des acteurs locaux, la gestion transversale des politiques, etc. sont des champs d’innovation immenses faisant appel à l’intelligence des femmes et des hommes.

-          S’assurer de la bonne adéquation entre les besoins et les technologies présentes sur la marché ; des pressions commerciales trop fortes conduisent parfois des autorités locales à s’équiper de technologies inadaptées sou dont elles n’ont pas besoin.

Une technologie ‘’verte’’ n’est pas forcément vertueuse par elle-même : c’est l’intégration d’une technologie dans un milieu économique, social, technique, environnemental, etc., donné qui en fera ou non un succès.

Plus vite les autorités locales s’engageront dans ces voies, plus elles auront de chances de préparer un avenir harmonieux. Elles doivent se doter de compétences internes pour augmenter les chances de succès.

9.     Renforcer les capacités humaines au niveau local et régional : une nécessité :

Si l’on veut prendre le tournant d’une société économe en énergie, il faut absolument améliorer la qualification de la main-d’œuvre à tous les niveaux. En effet, pour faire face aux évolutions permanentes et complexes dans les domaines du droit, de la technologie, des TIC/Internet, de la finance et d’autres, il faut des compétences professionnelles solides afin d’anticiper, de préparer et de suivre les changements en recherchant des solutions innovantes.

Pour atteindre les objectifs d’un nouveau paradigme énergétique, les collectivités locales et régionales doivent disposer de certains atouts :

-          du personnel qualifié en interne, par exemple des représentants élus, gestionnaires et experts de l'énergie qui sont chargés des prises de décisions concernant les priorités politiques et le budget, la définition d'une vision à long terme basée sur une approche territoriale intégrée, la préparation des contrats (passation de marché à composante écologique), la coordination et la coopération avec des agents locaux, des partenaires privés ;

-          du personnel qualifié de proximité, par exemple par le biais d’agences locales et régionales de l’énergie, des questions climatiques et du développement et ou de régies locales chargées de l’assistance professionnelle aux décideurs et gestionnaires d’énergie, de l’élaboration et de la mise en œuvre de plans d’actions et de programmes d’investissement en faveur de l’énergie durable, de l’interface avec la société civile ; et

-          des experts externes dans les entreprises du bâtiment, les institutions bancaires et financières, les pouvoirs publics, les agences de communications, associations ou encore ONG facilitant le travail en réseau, qui sont chargés de mettre en œuvre des actions dans le cadre des plans d’actions et programmes d’investissement en faveur de l’énergie durable.

Aujourd’hui, toutefois, l’absence de main d’œuvre très qualifiée dans le domaine de l’énergie durable demeure un obstacle de taille pour accélérer la transition énergétique à grande échelle. La demande se fait déjà sentir de plus en plus pour des gestionnaires de l'énergie et du climat, ainsi que pour des agences locales de l'énergie et climatiques, pour des planificateurs de l'urbanisme connaissant l'économie énergétique urbaine, pour des architectes et entreprises du bâtiment capables de concevoir des bâtiments à basse consommation ou passifs, pour des ingénieurs financiers et des juristes pouvant monter des programmes financiers innovants et des partenariats public-privé, pour des entreprises produisant et installant des technologies à faible consommation d’énergie renouvelable (par exemple dans le transport public vert), pour des experts en communication, en processus participatif et en changement des comportements, ou encore pour des experts de l’éducation.

10.  Un nécessaire dialogue multi-niveaux et un travail en réseau

Il est évident que la transition vers une Europe économe en énergie ne sera l’affaire d’aucun niveau à lui-seul.

-          Il ne suffira pas de la décréter puis d’attendre que cela se produise. Si les Etats ou les instances internationales peuvent et doivent offrir des cadres appropriés pour préparer un avenir durable compatible avec la survie de l’humanité sur la planète, leurs seules décisions n’y suffiront pas dès lors que les résultats relèvent de millions d’acteurs dispersés.

-          A l’inverse, des actions locales régionales isolées, bien qu’elles soient absolument indispensables pour inventer, expérimenter sur le terrain, puis disséminer, ne suffiront pas à régler le problème si des politiques énergétiques locales durables ne sont pas favorisées par les gouvernements.

-          Les solutions ne résideront donc pas dans une sorte de ‘’partage des tâches’’ entre niveaux mais par une collaboration active bidirectionnelle entre ces niveaux. C’est de la mobilisation de l’ensemble des niveaux autour d’objectifs communs dont nous avons besoin, ce qui est l’esprit de la Convention des Maires.

Pour y parvenir, les autorités locales et régionales doivent s’organiser pour travailler en réseau, afin d’échanger leurs expériences, de tirer parti des pratiques déjà réalisées ailleurs, des succès comme des échecs, ainsi que pour exprimer collectivement des points de vue et faire valoir leurs propositions auprès des institutions nationales et internationales. Il est en effet indispensable que le rôle des autorités locales et régionales soit mieux reconnu, que des cadres législatifs et incitatifs les encouragent dans les domaines de l’urbanisme, de la construction, de la réhabilitation des constructions et des infrastructures de chauffage et de transport, les financements selon des mécanismes appropriés, des instruments fiscaux, etc. et dans l’autonomie des décisions qui garantissent les possibilités d’initiative et d’expérimentation. Cela ne se fera pas tout seul. La coopération constructive entre les territoires est indispensable

Cela peut se faire au travers de leurs associations nationales ou régionales généralistes ainsi qu’au niveau européen, avec Eurocities ou le Conseil des Communes et Régions d’Europe. Au-delà des réseaux généralistes, il existe des réseaux spécialisés qui ont acquis une grande expérience depuis maintenant plus de 20 ans. C’est par exemple le cas d’Energy Cities[8] (énergie), de Climate Alliance[9] (climat) ou d’Iclei[10] (développement durable) pour les villes ou encore de la Fedarene[11] (énergie et environnement) pour les régions.

L’existence de réseaux nationaux d’autorités locales spécialisés dans les questions énergétiques ont su montrer des résultats significatifs. On peut par exemple citer l’Association des villes ukrainiennes pour l’efficacité énergétique (EECU)[12] ou le réseau polonais (PNEC)[13].

Conclusions (Eléments pour le projet de résolution)

Le changement de trajectoire des politiques énergétiques est plus qu’urgent si l’on veut avoir quelque chance

-          d’une part d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre des conventions internationales sur le climat (COP 16 et limitation à 2°C de la température moyenne du globe durant ce siècle), c’est-à-dire préserver à long terme la vie sur la planète, et

-          d’autre part recourir massivement aux énergies renouvelables pour faire face aux contraintes physiques et financières des ressources fossiles et fissiles, ce qui suppose une utilisation efficace et économe de l’énergie dans tous les domaines.

Pour y parvenir, les autorités locales et régionales sont invitées à :

-          prendre pleinement la mesure des enjeux et de leurs responsabilités pour faire face aux défis énergétiques que nous avons dès à présent à relever. La seule conscience que quelque chose serait à faire n’est plus suffisante aujourd’hui, l’action est urgente.

-          débattre de la transition énergétique dans les assemblées délibératives afin d’en faire un objet de débat de société et faciliter l’intégration de cette problématique dans toutes les politiques sectorielles et

-          se doter des moyens de connaître les flux d’énergie entrant sur le territoire, ceux provenant du territoire, ainsi que les émissions de polluants et de gaz à effet de serre associés, en globalité et par secteurs (résidentiel, tertiaire, transport, etc.) et par usage (chauffage, électricité spécifique, etc.).

-          inventorier les potentiels d’économie d’énergie dans les bâtiments municipaux et dans l’ensemble du secteur résidentiel et tertiaire et encourager l’affichage public des performances énergétiques desdits bâtiments (label A à G).

-          inventorier les potentiels de ressources locales susceptibles d’être mobilisées pour l’approvisionnement énergétique (biomasse, biogaz, géothermie, mers et lacs, solaire, vent, déchets, récupération de chaleur, etc.).

-          délibérer sur des plans d’action pluriannuels pour l’énergie durable/ sustainable energy action plans couvrant les fonctions suivantes (consommatrice d’énergie, planificatrice de l’espace territorial et investisseur, productrice et distributrice d’énergie, incitatrice vis-à-vis de la population et des acteurs locaux) comportant des objectifs quantifiés et les budgets associés.

-          s’engager, quel que soit le pays d’Europe, dans la Convention des Maires (en tant que signataires pour les villes et en tant que coordinateurs territoriaux pour les régions et provinces) qui est aujourd’hui le mouvement de référence des autorités locales et régionales, à la fois bottom up et institutionnel.

-          se doter, dans les exécutifs, de responsables politiques en charge des questions énergétiques et climatiques et créer / renforcer des commissions correspondantes.

-          se doter des capacités humaines compétentes dans les administrations (unités de gestion énergétique multidisciplinaires / pluridisciplinary energy management units) et à l’extérieur (agences locales de l’énergie et du climat / local energy and climate agencies) sans lesquelles aucune politique n’est possible et aucun projet sérieux ne peut être monté.

-          impliquer les citoyens et les acteurs économiques (PME, TPE, etc.) et sociaux (associations, syndicats) à la définition des politiques énergétiques locales et à leur mise en œuvre, mais aussi pour partager une vision commune de territoire à basse consommation d’énergie et à haute qualité de vie pour tous.

-          prendre part à des activités de networking au niveau national et européen afin d’influencer les décisions des gouvernements et des institutions supranationales ainsi que pour partager les expériences.


Annexe 1 : L’Union européenne et l’efficacité énergétique

La stratégie de l’UE pour 2020 a été définie autour des trois dimensions suivantes : Smart Growth - Sustainable Growth - Inclusive Growth / Croissance intelligente – Croissance durable : Croissance inclusive[14]. Cette stratégie comprend cinq objectifs prioritaires et l’un d’entre eux concerne l’énergie et le climat, sur la base du Paquet Energie-Climat[15] adopté en décembre 2008. Ce Paquet a fixé les objectifs dits ‘’3 x 20’’ (-20% de réduction d’émissions de CO2, 20% d’efficacité énergétique et 20% d’énergies renouvelables dans le bilan énergétique européen à l’horizon 2020). Sont également définies sept actions-clés (flagships), l’une étant intitulée ‘’Une Europe Efficace dans l’Utilisation des Ressources’’ / ‘’A Resource Efficient Europe’’[16] dans laquelle la question des ressources énergétiques tient une place importante.

Sur ces bases, une ‘’Stratégie pour une énergie compétitive, durable et sûre’’ à l’horizon 2020 a été proposée[17]. ‘’Rendre l’Europe Econome en Energie’’ est la première des cinq priorités de cette stratégie. A la suite de quoi un Plan pour l’Efficacité Energétique[18] a été publié en mars 2011, lequel prévoit une série de mesures dont une proposition de Directive sur l’Efficacité Energétique, mettant à jour des directives antérieures, qui devrait être publiée en juin 2011.

En outre, d’autres initiatives viennent accompagner et compléter ce dispositif :

-       A Roadmap for moving to competitive low carbon economy[19] a été publiée. Elle vise à permettre à l’UE de réduire de 80 à 95% les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

-       Dans ce cadre, une ‘’Energy Roadmap 2050’’[20] devrait être publiée en novembre 2011.

-       A ‘’Roadmap to a Single European Transport Area - Towards a competitive and resource efficient transport system’’[21] (White Paper) a été également publiée.

Ces éléments viennent s’ajouter à d’autres dispositions prises antérieurement et en cour d’application, telles que la Directive sur la Performance Energétique des Bâtiments[22] qui prévoit notamment que, à partir de 2020, la consommation des nouveaux bâtiments pour le chauffage devra être ‘’aussi proche de zéro que possible’’ ou la Directive relative à la Promotion des Ressources d’Energies Renouvelables[23].

Quelle est la place des autorités locales et régionales dans les politiques de l’UE ?

Alors que la place des autorités locales et régionales avait longtemps été ignorée dans la Politique Energétique européenne, le changement est nettement perceptible. Le fait que les objectifs énergie-climat fixés par l’UE n’ont aucune chance d’être atteints sans la mobilisation des niveaux locaux et régionaux qui détiennent de nombreuses clés, est maintenant mieux admis. Ainsi,

-       Les autorités locales et régionales sont quasi systématiquement citées dans les documents officiels relatifs aux politiques pour l’énergie durable.

-       Une initiative telle que la Convention des Maires[24] est pleinement soutenue par les institutions européennes et des dispositifs sont mis en place pour accompagner la réussite des objectifs au niveau local (assistance technique financière, promotion de technologies efficaces, formation, networking, etc.); parmi les institutions européennes, le Comité des Régions soutient totalement cette initiative[25] qu’il aimerait pouvoir étendre à d’autres domaines, tels que l’eau[26].

De son côté,

-       La Politique Régionale de l’UE encourage les autorités de gestion à consacrer une part plus importante des fonds de cohésion à l’efficacité énergétique, et à prendre en compte cette dimension dans tous les investissements[27].

Source : Energy Cities


Annexe 2: Loi sur l’efficience énergétique en Fédération de Russie

La loi de la Fédération de Russie sur l’économie d'énergie et l’amélioration de l’efficience énergétique, préparée sur la base d’instruments de droit secondaires, a été adoptée en 2009 et sa mise en œuvre à grande échelle entamée en 2011.

Un programme d’État couvrant jusqu’à 2020 pour l'économie d'énergie et une efficience énergétique accrue est désormais en place. Les entités constituant la Fédération de Russie ont adopté des programmes servant le même objectif. A ce jour, un certain nombre de questions ont été traitées au niveau local et régional :

- possibilité d'interdire ou de restreindre la production et la vente de produits ayant une efficience énergétique médiocre ;

- interdiction de la fabrication, de l’importation et de la vente de lampes à incandescence de 100 watts ou plus (des obligations ont été posées en matière d'équipement d'éclairage et de lampes, les réglementations pertinentes ont été adoptées et un programme étatique régissant l'utilisation de ce type d'ampoules a été mis sur pied) ;

- les fabricants et importateurs sont désormais obligés de mentionner le classement d’efficience énergétique de leurs produits sur les étiquettes ;

- pour le calcul des ressources énergétiques, on utilise des appareils de mesure dont sont dotés toutes les entreprises et institutions de l'État ;  

- des programmes d’économie d’énergie et d’amélioration de l'efficience énergétique sont en cours d’élaboration dans toutes les régions, municipalités, entreprises d’État et organisations financées par les fonds de l’État ;

- des contrats de services dans l’énergie permettent d’économiser les ressources énergétiques sans avoir à investir de capitaux, puisque les investissements sont financés par les sociétés de services elles-mêmes ;

- on applique des méthodes de réglementation des prix qui s’inscrivent dans le long terme, et des dispositions sont en place pour diverses formes d’aide de l’État : remises de taxes, remboursement des intérêts sur les prêts, octroi de subventions pour la mise en œuvre de meilleurs programmes régionaux et municipalités ;

- l’efficience énergétique est complétée par des réglementations techniques.

Dans le cadre du projet « Efficience énergétique dans le secteur social », des activités sont menées sur des sites pilotes dans 9 régions, et dans le cadre du projet « Efficience énergétique des villes », des projets pilotes sont menées dans quatre villes (Tumen, Apatity, Vorkouta et Kazan). Des inspections ont été réalisées concernant l'utilisation de l'énergie, et on a désormais entamé la mise en œuvre de mesures d'économie d'énergie sur la base de contrats de services énergétiques.

Pour ce qui est du lancement de projets standard dans le logement et les infrastructures publiques, ainsi que pour des projets à grande échelle destinés à améliorer l’efficience énergétique dans le secteur de l'électricité et l'industrie, il est prévu qu’un plan spécial assure des garanties publiques dans le budget fédéral pour les prêts obtenus en 2011 à hauteur de 10 milliards de roubles, avec par la suite 20 milliards de roubles supplémentaires chaque année.

Source : discours de Mme Orlova / 20e Session du Congrès / 23 mars 2011



[1] World Energy Outlook 2010

[2] Par exemple une directive européenne indique que, à partir de 2020, les constructions neuves devront être conçues pour consommer ‘’aussi proche que zéro que possible’’ d’énergie pour le chauffage. On trouve déjà des constructions dans le nord de l’Europe dans lesquels les appartements sont dépourvus de radiateurs.

[5] Un bureau de la Convention des Maires sera établi dès 2011 pour les pays de la politique de voisinage de l’Union européenne (Ukraine, Belarus, Moldavie, Pays du Caucase du Sud et d’Asie centrale).

[7] C’est le sens de l’initiative IMAGINE – le futur énergétique de ta cité, lancé en 2005 par Energy Cities Error! Hyperlink reference not valid. (FR) / http://www.energy-cities.eu/IMAGINE(EN)

[26] Il y a déjà une centaine de villes engagées dans les pays européens n’appartenant pas à l’Union européenne.