Délégués des Ministres
Documents d'information
SG/Inf(2000)21 (restricted) 10 mai 2000
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Demande d'explications sur la manière dont la Convention est appliquée en Tchétchénie et sur les risques de violation qui pourraient en résulter
Rapport du Secrétaire Général sur le recours, à l'égard de la Fédération de Russie, aux pouvoirs que lui confère l'Article 52 de la Convention européenne des droits de l'homme
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Table de matières
Page
Rapport....................................................................................................................................... 3
Annexe
I. Lettre du 13 décembre 1999 du Secrétaire général à M. I. Ivanov................................ 7
II. Lettre du 10 janvier 2000 de M. I. Ivanov au Secrétaire général................................... 9
III. Lettre du 27 janvier 2000 du Secrétaire général à M. I. Ivanov................................... 39
IV. Lettre du 29 février 2000 de M. I. Ivanov au Secrétaire général.................................. 41
V. Lettre du 23 mars 2000 du Secrétaire général à M. I Ivanov....................................... 45
VI. Lettre du 31 mars 2000 de M. I. Ivanov au Secrétaire général..................................... 47
VII. « Situation en République Tchétchène », Mémoire de la Délégation de l’
Assemblée fédérale de Russie à l’attention de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au sujet de l’application de la Recommandation 1444 (2000) ................................................................... 51
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Addendum
Textes joints à la lettre de M. Ivanov datée du 29 février 2000 (textes en anglais uniquement) :
1. Loi fédérale sur la Défense (1996)
2. Loi fédérale sur la suppression du terrorisme (1998)
3. Décision de la Cour constitutionelle de la Fédération de Russie du 31 juillet 1995
Rapport du Secrétaire Général sur le recours
à l’égard de la Fédération de Russie,
aux pouvoirs que lui confère l'article 52
de la Convention européenne des Droits de l'Homme
Introduction
L'article 52 de la Convention dispose ce qui suit:
«Toute Haute Partie contractante fournira sur demande du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe les explications requises sur la manière dont son droit interne assure l'application effective de toutes les dispositions de cette Convention.»
Avant décembre 1999, cette disposition avait été appliquée cinq fois (en 1964, 1970, 1975, 1983 et 1988). A chacune de ces occasions, la demande d'explications avait été adressée à l'ensemble des Parties contractantes. Le 13 décembre 1999, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l'article 52, j'ai adressé au Gouvernement de la Fédération de Russie une lettre lui demandant de fournir des explications sur certains points. Ce courrier a été à l'origine d'un échange de lettres avec M. Igor IVANOV, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie. Le texte intégral de ces lettres est joint en annexe au présent rapport.
Principaux points sur lesquels les explications étaient demandées
Les événements survenus en Tchétchénie à l'automne 1999 - notamment dans le contexte de l'intervention armée des forces russes - m'ont conduit à juger que de sérieuses questions se posaient pour ce qui est de l’application effective de la Convention par la Fédération de Russie en Tchétchénie. Pour cette raison, j'ai invité la Fédération de Russie, le 13 décembre 1999, à «fournir, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, des explications sur la manière dont la Convention est actuellement appliquée en Tchétchénie et sur les risques de violation qui pourraient en résulter».
J'ai reçu en réponse une lettre datée du 10 janvier 2000 donnant des informations générales sur l'évolution et les événements en Tchétchénie dans la période précédant l'intervention des forces fédérales russes, ainsi que sur le lancement, la conduite et les résultats de l'opération et certains aspects d’ordre humanitaire. Cette réponse se référait à la Convention d'une manière générale et sommaire. Elle ne comportait pas d'indications expliquant, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, la manière dont les dispositions de la Convention étaient appliquées.
Cela m'a incité à envoyer une nouvelle lettre, le 27 janvier 2000, afin de préciser ma demande en donnant un certain nombre d'exemples du type d'informations concrètes demandées. Pour les détails, l'on pourra se référer à l'Annexe, mais les points principaux peuvent être résumés comme suit:
- j'ai expliqué que pour montrer que la Convention est pleinement appliquée, il ne suffit pas d'invoquer uniquement le respect du droit interne;
- j'ai demandé des informations sur les mesures et les précautions prises en application du principe de proportionnalité, principe qui implique, par exemple, qu'il ne suffit pas que les actes d'un Etat poursuivent un objectif légitime - pas même s'il s'agit de la restauration de l'ordre et de la légalité - mais qu'il doit exister un juste équilibre entre les moyens et les fins; les exigences découlant du principe de proportionnalité au regard de l'article 2 de la Convention (droit à la vie) étaient expressément mentionnées;
- j'ai demandé des informations sur l'application de la Convention en ce qui concerne les droits des personnes privées de leur liberté (notamment au regard de l'article 3 - interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants);
- j'ai demandé des informations sur toutes mesures prises pour faire en sorte que les autres normes de la Convention (procès équitable, liberté d'association, liberté de circulation, etc.) soient respectées dans la région du Caucase du Nord et particulièrement en Tchétchénie.
J'ai demandé que les explications soient fournies avant le 27 février 2000 et qu'il soit fait expressément référence aux dispositions pertinentes de la Convention et à la jurisprudence y afférente.
Par lettre du 29 février 2000, M. Ivanov a répondu en me faisant parvenir de nouvelles informations sur les raisons qui avaient amené les autorités russes à intervenir en Tchétchénie. Cette lettre affirme entre autres que les autorités fédérales ont fait de leur mieux pour limiter le plus possible les restrictions aux droits de l'homme, restrictions qui seraient soit assouplies, soit levées dès que possible. Il affirme, de plus, que les moyens employés lors des opérations étaient proportionnés à la situation et respectueux du droit humanitaire international. A tous les stades des opérations, rien n'a été fait qui serait sorti du cadre des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, a fortiori si on prend en compte ses articles 2 et 15. La lettre indiquait également qu'il ne faisait pas de doute que les forces fédérales faisaient de leur mieux pour limiter le plus possible le nombre des victimes dans la population pacifique et la destruction d'installations civiles ainsi que pour agir conformément aux documents susmentionnés.
Dans ma réponse du 23 mars 2000, j'ai noté entre autres que cette lettre ne traitait aucun des points précis sur lesquels des explications avaient été demandées. J'ai donc fait savoir que les réponses reçues jusque là ne pouvaient être considérées comme satisfaisantes au titre de l'article 52 de la Convention et j'ai demandé une fois de plus que de telles explications soient communiquées, avant le 3 avril 2000.
Dans une lettre datée du 31 mars 2000, M. Ivanov affirme, entre autres, que les méthodes retenues pour restaurer les droits de l'homme dans la République tchétchène et y créer un espace juridique étaient absolument légitimes. Cette lettre indique également que les autorités russes prennent toutes les mesures prévues par la législation de la Fédération pour enquêter sur tous les délits et punir les coupables conformément aux procédures juridiques en vigueur. La réaction des autorités dans une affaire précise est citée comme une claire démonstration de cette attitude intraitable. Enfin, le ministre exprime l'espoir que ses trois lettres, ainsi qu'une
Note datée du 28 mars 2000 sur «La situation en République tchétchène», transmise par la délégation russe à l'Assemblée parlementaire au Président de cette Assemblée, de même que les multiples interactions entre la Russie et le Conseil de l'Europe, apportent suffisamment d'informations aux fins de l'article 52 de la Convention sur la manière dont le droit interne et les mesures prises par la Fédération de Russie dans le cadre du règlement en Tchétchénie assurent l'application effective des dispositions de la Convention.
Conclusion et suites à donner
Il ressort de ce qui précède que les affirmations de caractère général figurant dans les réponses de M. Ivanov - qui de surcroît n'examinent pas la situation sous l'angle de chacune des obligations que la Russie a contractées à l'égard des droits garantis par la Convention - ne sauraient être considérées comme des «explications» satisfaisantes aux fins de l'article 52 de la Convention.
J'ai décidé de transmettre le présent rapport au Comité des Ministres et à l'Assemblée parlementaire pour toutes suites que ces deux organes pourraient juger opportunes en l'espèce,et dans le cadre de l'exercice de leur pouvoirs respectifs. Je me propose, de plus, d’en faire tenir copie pour information à la Cour européenne des droits de l'homme, au Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et aux autres institutions internationales compétentes, dont le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme.
J'ai, en outre, demandé à un groupe d'experts reconnus en matière de droit international des droits de l'homme d'analyser de manière plus approfondie l'échange de lettres entre le Secrétaire Général et la Fédération de Russie à la lumière des obligations qui incombent à une Haute Partie contractante faisant l'objet d'une demande au titre de l'article 52 de la Convention. Je ne manquerai pas de transmettre cette analyse en temps utile au Comité des Ministres et à l'Assemblée parlementaire.
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Lettre du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe au Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, en date du 13 décembre 1999
Strasbourg, le 13 décembre 1999
Monsieur le Ministre,
J'ai l'honneur de me référer à l'article 52 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux termes duquel: "Toute Haute Parite contractante fournira sur demande du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe les explications requises sur la manière dont son droit interne assure l'application effective de toutes les dispositions de cette Convention.".
Par la présente, je fais usage des compétences qui me sont attribuées par cette disposition et j'ai l'honneur d'inviter votre Gouvernement à fournir les explications requises par la question reproduite en annexe.
J'apprécierais de recevoir ces explications le 10 janvier 2000 au plus tard.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma haute considération.
Walter SCHWIMMER
Monsieur Igor IVANOV
Ministre des Affaires Etrangères
de la Fédération de Russie
MOSCOU
Annexe
Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe,
Vu les dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après "la Convention");
Vu en particulier les dispositions des articles 1 à 14 de la Convention;
Vu aussi la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a donné une expression concrète aux droits et libertés définis par elle et affirmé que le droit et la pratique des Parties contractantes devaient être conformes à la Convention européenne des droits de l'homme;
Considérant que les récents développements en Tchétchénie soulèvent des questions graves au regard de l'application effective de la Convention européenne des droits de l'homme;
Rappelant que les garanties fondamentales reconnues par la Convention doivent bénéficier effectivement à toutes les personnes relevant de la juridiction des Parties contractantes;
Agissant en vertu de l'article 52 de la Convention,
Invite la Fédération de Russie
A fournir, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, des explications sur la manière dont la Convention est actuellement appliquée en Tchétchénie et sur les risques de violation qui pourraient en résulter.
Annexe II
Lettre du Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, en date du 10 janvier 2000
Strasbourg, le 11 janvier 2000
Monsieur le Secrétaire Général,
J'ai l'honneur de vous communiquer un courrier établi le 10 janvier 2000 par M. Igor IVANOV, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, accompagné d'une réponse à la demande que vous avez formulée le 13 décembre 1999 en vertu de l'article 52 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. A ladite réponse sont par ailleurs jointes six Annexes.
Recevez, Monsieur le Secrétaire Général, l'assurance de ma plus haute considération.
(signature)
Andrei VDOVINE
Ambassadeur, Représentant Permanent
de la Fédération de Russie
auprès du Conseil de l'Europe
Moscou, le 10 janvier 2000
Monsieur le Secrétaire Général,
J'ai l'honneur d'accuser réception de votre courrier daté du 13 décembre 1999. Dans cet esprit de dialogue constructif qui existe entre la Fédération de Russie et le Conseil de l'Europe, dialogue auquel nous sommes fort attachés et que nous souhaitons renforcer, je vous fais parvenir ici une réponse à la demande que vous avez formulée en application de l'article 52 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
Pour avoir une vue objective de ce qui se passe dans la République tchétchène de la Fédération de Russie - plus particulièrement sous l'angle des droits de l'homme, des questions humanitaires et des aspects juridiques qui préoccupent le Conseil de l'Europe en vertu des compétences qui sont les siennes - il conviendrait d'analyser la situation dans un contexte plus large qui intègre aussi une dimension temporelle.
Les autorités fédérales russes n'ont eu de cesse, dans leurs rapports avec les Sujets de la Fédération de Russie, y compris la République tchétchène, d'offrir les meilleures chances qui soient à tous les citoyens et à toutes les nationalités qui composent la société russe, et ce dans un climat soucieux d'assurer partout dans le pays la démocratie, la prééminence du droit, le respect des libertés et droits de la personne universellement reconnus, la diversité culturelle et la tolérance religieuse et interconfessionnelle, conformément à la Constitution fédérale ainsi qu'aux instruments internationaux fondamentaux en matière de droits de l'homme, et dans le respect rigoureux de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie.
L'opération antiterroriste menée par les autorités fédérales en République tchétchène vise essentiellement à la faire sortir des ténèbres de l'anarchie et du banditisme, et à l'amener à réintégrer le cadre légal de la Fédération de Russie et l'espace juridique européen, dont l'un des remparts est précisément la Convention européenne des Droits de l'Homme. Nous sommes convaincus qu'une fois cette opération terminée, il apparaîtra clairement, lorsque seront abordées les questions qui concernent la restauration des institutions démocratiques en République tchétchène et la sauvegarde des normes et principes éminents du Conseil de l'Europe touchant aux droits de la personne, qu'il existe une réelle interaction entre les autorités russes et les Nations Unies, l'OSCE, le Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales compétentes.
Je puis vous affirmer que nous sommes disposés à poursuivre un dialogue constructif avec le Conseil de l'Europe.
Dans l'espoir de vous rencontrer bientôt en cette année 2000 qui débute, je vous prie d'agréer, Monsieur le Secrétaire Général, l'assurance de ma plus haute considération.
Signé: I. Ivanov
M. Walter Schwimmer
Secrétaire Général du Conseil de l'Europe,Strasbourg
*NdT: Le texte anglais à partir duquel cette version française a été établie est lui-même une traduction officieuse du russe.
Réponse du Ministre des Affaires étrangeres de la Fédération de Russie à la demande formulée en vertu de l'Article 52 de la Convention européenne des Droits de l'Homme concernant la situation dans la République tchétchène de la Fédération de Russie (droit de l'homme, questions humanitaires, aspects juridiques)
1. Aux termes de la Constitution fédérale en vigueur, la République tchétchène est l'un des 89 Sujets de la Fédération. A la suite cependant de décisions prises unilatéralement par les autorités à la tête de la République tchétchène, ses représentants n'ont pas pris part aux travaux du Conseil de la Fédération et de la Douma d'Etat de l'Assemblée fédérale russe.
2. Jusqu'au milieu des années 90, les principaux secteurs de l'économie tchétchène étaient l'extraction du gaz (107,1 millions de m3 par an - 0,1% de la production de la Russie) et du pétrole (385.000 tonnes par an - 0,1% de la production de la Fédération), le traitement et le raffinage de ces produits, ainsi que l'électricité (238,6 millions de kW/heure par an - 0,03% de la production électrique de la Russie). A la fin des années 90, du fait des agissements criminels des autorités tchétchènes, l'économie de cette République s'est trouvée quasiment anéantie et ses moyens de production ont presque tous été pillés.
3. Avant octobre 1991 (date réelle de l'accession au pouvoir de D. Doudaïev), la population tchétchène comptait plus d'un million de personnes, dont 744.500 Tchétchènes (57,8%), 229.500 Russes (23,1%), 21.000 Ukrainiens, 15.000 Arméniens, 10.000 Nogaïs, et 6.000 Tartares et autres ressortissants.
En 1992-1994, du fait d'une politique visant résolument à éloigner les non-autochtones, et après la fuite des intellectuels tchétchènes vers d'autres territoires de la Fédération, quelque 250.000 personnes ont quitté la Tchétchénie. Parmi elles, 83.400 habitants (21.588 en 1992; 39.823 en 1993; 22.008 en 1994) ont été officiellement recensés comme personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.
En 1995-1996, il y en a eu 53.700 de plus (33.769 en 1995; 19.922 en 1996). Cet exode a continué les années suivantes, avec 32.849 cas supplémentaires de personnes déplacées (15.160 en 1997; 13.007 en 1998; 4.682 au premier semestre 1999). Le nombre réel de ceux qui ont fui la Tchétchénie est en réalité bien plus élevé, car ils n'ont pas tous été inscrits dans leur nouveau lieu de résidence.
En septembre 1999, la population de la Tchétchénie était en théorie de l'ordre de 650.000 personnes, mais, pour des raisons sociales, économiques et autres, près de la moitié des habitants résidait en fait à titre quasiment permanent hors du territoire de la République; en d'autres termes, ils étaient moins de 350.000 Tchétchènes à demeurer effectivement dans la République tchétchène.
La "diaspora" tchétchène en direction d'autres régions russes touche désormais 500.000 personnes, dont près de 250.000 se sont établies à Moscou.
Selon certaines estimations, la population russe en Tchétchénie ne dépasserait plus à présent 20.000 personnes - soit dix fois moins qu'en 1991.
4. La cause première de la tragédie tchétchène a été la prise de pouvoir par le régime illégal de D. Doudaïev. Ainsi qu'il est dit dans l'arrêt rendu le 31 juillet 1995 par la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, une situation exceptionnelle s'est créée sur le territoire de la République tchétchène, qui est un Sujet de la Fédération de Russie, à savoir que "la validité de la Constitution et des lois de la Fédération de Russie a été niée, les structures légitimes du pouvoir ont été mises à bas, des factions armées illégales équipées d'un arsenal moderne ont vu le jour, et des violations massives des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été commises."
D. Doudaïev a rassemblé et dirigé des groupes nationalistes des plus extrémistes, qui comptent dans leurs rangs des criminels. Mettant son funeste plan à exécution en août 1991, il s'est emparé du siège de la Télévision tchétchène à Grozny, ainsi que des locaux abritant le Soviet suprême et le Conseil des Ministres de la République tchétchène-ingouche. Le 6 septembre 1991, les partisans de D. Doudaïev ont fait irruption au Centre d'Education politique à Grozny où le Soviet Suprême de la République était réuni en session, dans le but de mettre fin à ses activités; ils s'en sont pris au Président légalement élu du Soviet suprême, D. Zavgaïev, et l'on frappé.
Désireux de donner à son arrivée au pouvoir une apparence de légitimité, D. Doudaïev, en violation des articles 70, 72, 81, 131 et 131.1 de la Constitution russe alors en vigueur, a organisé le 27 octobre 1991 des élections illégales, tenues dans les conditions d'un coup d'Etat, pour désigner le Président et le Soviet suprême d'une "République tchétchène d'Itchkerie". Il a poursuivi la politique de rupture territoriale et économique de la République tchétchène par rapport à la Fédération de Russie en refusant de signer le Traité de la Fédération, et a commencé à prendre des mesures unilatérales destinées à faire sortir la République tchétchène de la Fédération. Sur l'ordre personnel de D. Doudaïev, ses partisans ont saboté en 1993 le référendum sur le statut de la République tchétchène au sein de la Fédération.
Bien qu'aux termes de la Constitution russe, la mise sur pied de forces armées soit la prérogative exclusive de la Fédération de Russie, D. Doudaïev a créé en Tchétchénie des unités militaires illégales dotées d'armes et de munitions acquises par des voies délictueuses.
Afin de conserver illégalement le pouvoir, D. Doudaïev a organisé depuis décembre 1994, à l'aide de ces unités, une résistance armée aux forces fédérales et aux agents du ministère fédéral de l'Intérieur et du Service fédéral de contre-espionnage qui s'employaient à restaurer l'ordre constitutionnel dans la République tchétchène, ce qui a entraîné la perte de nombreuses vies humaines.
5. La conclusion des accords de Khasaviourt le 31 août 1996 et l'élection d'A. Maskhadov en février 1997 au poste de Président de la République tchétchène auraient pu être mises à profit pour conférer un fondement juridique aux relations entre la Fédération de Russie et son Sujet, la Tchétchénie, et pour restaurer la loi et l'ordre dans la République. Les autorités fédérales étaient prêtes à saisir l'occasion, malgré la légitimité douteuse d'A. Maskhadov, qui n'avait pas été élu dans le respect des lois russes.
Mais plutôt que d'ancrer cette amorce de règlement de la crise dans une optique constitutionnelle, les autorités tchétchènes ont préféré une autre voie. La République est devenue une enclave dirigée par des terroristes et des trafiquants se livrant au commerce de la drogue et des armes.
6. La Charia a été instaurée dans la République tchétchène (en février 1999) aux termes de décrets pris par A. Maskhadov. Tous les textes de loi devaient par conséquent reposer sur les normes du Coran et de la charia, ce qui est contraire aux accords de Khasaviourt notamment, où figure une disposition visant "à protéger sans réserve les droits et libertés de la personne et du citoyen, sans aucune discrimination fondée sur la nationalité, la religion, la résidence ou autre motif, et à mettre un terme aux actes de violence à l'encontre d'opposants politiques, en s'inspirant de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1949 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966".
Comme on le sait, le Président de la Fédération de Russie a promulgué le 16 mai 1996 un décret instituant un moratoire sur l'application de la peine de mort; depuis, aucune exécution capitale n'a eu lieu en Russie. De surcroît, dans un arrêt daté du 2 février 1999, la Cour constitutionnelle fédérale a en fait suspendu le prononcé de condamnations à mort en Russie. Le 6 août 1999, le Gouvernement fédéral a présenté à la Douma d'Etat de l'Assemblée un projet visant à ratifier le Protocole n° 6 à la Convention européenne des Droits de l'Homme concernant l'abolition de la peine de mort.
Au regard des efforts ainsi déployés, l'instauration de la peine capitale par les autorités de la République tchétchène sur la base de la charia a été ressentie comme une remise en cause de l'ensemble du système constitutionnel et juridique de la Fédération de Russie. Les exécutions publiques opérées sur ordre des tribunaux de la charia ont provoqué au sein de l'opinion russe un sentiment d'indignation et de révolte.
Les règles de la charia ramènent une société moderne au temps des sanctions barbares que constituent notamment les mutilations, où même les délits mineurs sont passibles d'une amputation des doigts et des membres - en flagrante violation non seulement de la Convention européenne des Droits de l'Homme, mais aussi de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des traitements dégradants.
Je tiens à rappeler ici que ces "innovations" ont été accueillies par des réactions extrêmement négatives de la part des organisations internationales dignes de confiance.
7. Après qu'A. Maskhadov eut signé les décrets visant à doter la Tchétchénie d'une nouvelle constitution fondée sur la charia, Lord Russell-Johnston, Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, a, le 4 février 1999, lancé un appel pressant à toutes les parties concernées pour que la nouvelle législation en Tchétchénie soit conforme aux normes du Conseil de l'Europe. Il a également condamné les exécutions publiques en Tchétchénie, les qualifiant d'actes de barbarie et de violations flagrantes des droits de l'homme. Rappelant que la Constitution russe et la Convention européenne des Droits de l'Homme sont applicables à tous les Sujets de la Fédération, le Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a appelé A. Maskhadov à faire cesser ces pratiques barbares.
8. Le Groupe d'assistance de l'OSCE en Tchétchénie, qui a reçu mandat, entre autres missions, de promouvoir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de constater les faits concernant leur violation, contribue à favoriser la mise en place d'institutions et processus démocratiques. Dans l'un de ses rapports, le Groupe d'assistance relève notamment que l'instauration de la charia est contraire à la Charte qui consacre les libertés et droits fondamentaux, ce qui représente une sérieuse entrave à l'exercice de son mandat. Elle conduit également à des violations des droits de l'homme, et plus précisément à une discrimination pour les non-Musulmans au regard de leurs droits politiques.
Le Groupe a examiné le "Code pénal tchétchène" qui s'inspire de la charia et a ainsi pu démontrer que ce texte enfreignait outrageusement les normes de l'OSCE en matière de droits de la personne. Ces manquements concernent aussi bien les relations entre les particuliers et l'administration que les droits individuels (atteintes à l'honneur et à la dignité de la personne, aux bonnes mœurs ou à la religion).
Les rapports du Groupe montrent que la privation des droits est désormais chose normale en Tchétchénie. Les enlèvements, les assassinats et les attaques visant à provoquer les agents des forces de l'ordre et de l'armée russes ainsi que les populations des républiques voisines du Nord-Caucase ont fait de la Tchétchénie un foyer de délinquance et de terrorisme; en Russie, ces agissements ont suscité des réactions de colère face à l'anarchie qui régnait dans cette République.
Pour plus de précisions concernant les faits nouveaux intervenus en Tchétchénie, nous renvoyons aux rapports du Groupe d'assistance de l'OSCE qui figurent à l'Annexe 1 au présent courrier.
9. La prise d'otages, y compris de ressortissants étrangers, a été élevée au rang de politique par les criminels au pouvoir en Tchétchénie.
Selon le ministère de l'Intérieur, on dénombrait fin 1999 un total de 506 otages, dont 53 femmes, 18 mineurs et des ressortissants étrangers de six nationalités différentes.
Entre 1991 et 1999, 46.000 personnes ont été enlevées et réduites en esclavage. Quelque 62 gangs forts d'environ 2.500 bandits se sont déployés pour s'occuper d'"affaires".
On trouvera à l'Annexe 2 un exposé des faits concernant les otages en Tchétchénie.
10. Parallèlement aux crimes perpétrés contre les personnes, les groupes armés illégalement constitués ont commis un certain nombre de délits économiques, notamment la fabrication et mise en circulation de faux dollars américains.
Durant le second semestre 1998, de multiples tentatives de recycler des faux dollars US d'origine tchétchène par le truchement d'institutions financières et bancaires ont été déjouées dans des zones reculées de Sibérie, dans la partie extrême orientale du pays et dans la région
de la Volga. Au quatrième trimestre 1999, plus d'un million de faux dollars ont été soustraits aux circuits clandestins dans le territoire bordant le Pacifique (Primorski) et environ 100.000 autres dans la région de Magadan (il s'agissait à chaque fois de billets de 100 dollars de la série émise en 1996). Beaucoup de Sujets de la Fédération ont fait état de l'apparition aussi bien de roubles que de dollars américains d'"origine tchétchène" en 1998-1999, notamment dans les régions de l'Amour, d'Ivanovo, de Vologda, de Moscou et de Tioumen, dans la République de Karatchaïevo-Tcherkessie, ainsi que dans la ville de Moscou.
On pouvait "passer commande" par avance en Tchétchénie d'une quantité plus ou moins grande de faux billets. D'après ce que l'on sait, ils étaient confectionnés sur le sol tchétchène (à Argoun et Grozny), mais aussi hors des frontières russes, et arrivaient ensuite en contrebande via les Etats voisins.
11. Le territoire tchétchène est aussi devenu une zone de criminalité liée à la production industrielle de drogue. Jusqu'ici, trois sites de fabrication d'héroïne ont été découverts: le premier dans la localité de Kalinine, en banlieue de Grozny, le deuxième au sanatorium "Energetik" dans le district de Chali (sous le contrôle de Ch. Basaïev) et le troisième dans le centre de vacances pour enfants "Zorka" (aux mains du terroriste international Khattab). La Tchétchénie s'est en outre transformée en plaque tournante de la drogue qui transite ici en provenance du Turkménistan, de l'Iran, du Pakistan, de la Turquie et de l'Afghanistan avant de prendre la direction des Etats baltes, de la Grande-Bretagne, de l'Espagne et d'autres pays européens.
12. A la fin des années 90, le territoire tchétchène était pratiquement devenu un avant-poste de l'extrémisme religieux et du terrorisme, dirigé non seulement contre la Russie mais aussi contre d'autres pays.
De nombreuses informations étayées par des preuves, dont certaines fournies par des citoyens russes détenus par les forces fédérales pour avoir fomenté des actions terroristes dans la région du Nord-Caucase, attestent sans équivoque l'existence d'un vaste réseau de camps d'entraînement terroriste - les "écoles de Khattab" - à l'intérieur-même de la République tchétchène. Ils se nichent dans et autour de diverses localités, notamment à Grozny et à Ourous-Martan, à Serjen-Iourt, à Avrouti et ailleurs encore.
Des émissaires de factions armées illégales ont recruté en territoire russe des volontaires prêts à aller s'entraîner dans les bases de Khattab en Tchétchénie. En 1996-1997 s'est formé un réseau secret aux multiples ramifications, composé de sherpas chargés de convoyer vers les camps tchétchènes des citoyens russes qui, après y avoir suivi une formation spéciale de quatre mois, étaient renvoyés vers leur lieu de résidence initiale pour rejoindre ensuite les rangs des instigateurs de l'"Islam pur" et de la djihad contre les infidèles, ainsi que des recruteurs et des sherpas travaillant pour les centres d'entraînement terroriste tchétchènes. En 1998-1999, on a observé une intensification sans précédent de ces activités.
Il a été démontré que certains terroristes internationaux, notamment le ressortissant géorgien Nugzar Chukhua, qui a participé en février 1998 à un attentat contre E. Chevernadze, le Président de la Géorgie, a lui aussi été formé en 1997 dans le camp de Khattab en Tchétchénie.
13. Le 1er août 1999, des factions armées illégales conduites par Ch. Basaïev et Khattab ont organisé un soulèvement armé contre le gouvernement légal du Daghestan, Sujet voisin de la Fédération de Russie.
Le 10 août 1999, la "choura islamique" réunie à l'initiative des personnes précitées dans le district de Botlikh a indiqué que le Daghestan se séparait de la Russie et a annoncé le début d'une guerre sainte contre les "envahisseurs". La "choura" a également lancé un appel à l'"Etat et au peuple tchétchènes islamiques" pour qu'ils viennent en aide aux Musulmans du Daghestan.
Ch. Basaïev a pris officiellement la tête des "forces armées de la choura islamique". Il a endossé les responsabilités d'un "émir militaire des forces conjointes des moudjahidins du Daghestan jusqu'à l'expulsion totale des kaffirs (les infidèles) de la terre sacrée du Daghestan".
La rébellion des terroristes tchétchènes a été réprimée par l'intervention vigoureuse et conjuguée des forces fédérales, des habitants de la région – qui ont constitué un corps de 25 000 volontaires – et des autorités du Daghestan. La population du Daghestan a clairement confirmé son intention de vivre au sein de la Fédération de Russie et rejeté les tentatives des extrémistes; ces derniers, sous le couvert de slogans islamiques, violaient en réalité les principes essentiels de cette religion, cherchant à imposer par la force leur pouvoir au Dhagestan.
14. Les forces criminelles qui ont pris le pouvoir en République tchétchène ont organisé et mené à bien des actions terroristes dans d'autres entités constitutives de la Fédération de Russie.
Leurs derniers actes terroristes, qui ont fait un nombre considérable de victimes (plus de 1 500 morts), ont été les explosions qui ont visé des immeubles d'habitation à l'automne de 1999 à Moscou, Volgodonsk et Buinaksk. Les faits, tels qu'ils ont pu être établis lors de l'instruction judiciaire engagée à la suite de ces explosions, mettent en évidence l'implication de commandants des groupes armés illégaux de la République tchétchène, à savoir, pour l'essentiel, Bassaïev, Radouïev et Khattab (contre lesquels Interpol a lancé un mandat d'arrêt international).
Au cours de l'enquête, l'identité des organisateurs et des auteurs directs de ces actes de terrorisme – à avoir A. Gochiyaïev, D. Saïtakov et d'autres – a pu être établie; ils figurent sur la liste des personnes recherchées, y compris au niveau international (des mandats correspondants ont été lancés par Interpol). Il est apparu qu'ils avaient été recrutés par un émissaire de Khattab; c'est dans les camps militaires de ce dernier, situés en territoire tchétchène, qu'ils ont suivi un entraînement spécial au sabotage et au combat, après quoi ils ont pris part aux attaques dirigées contre les forces fédérales. Les principaux organisateurs et auteurs des actes terroristes ont pu entrer en République tchétchène à l'aide de faux documents d'identité.
15. Durant toute la période qui a suivi la signature des accords de Khasavyurt évoqués plus haut, les autorités fédérales ont patiemment œuvré à leur application et ont déployé tous les efforts possibles pour restaurer l'ordre de manière pacifique en République tchétchène. En 1997, M. Boris Eltsine, Président de la Fédération de Russie, a rencontré M. A. Maskhadov à
Moscou. En 1998, M. Evgueni Primakov, alors chef du Gouvernement russe, l'a rencontré à Vladikavkaz. A. Maskhadov a été invité plusieurs fois à se dissocier des structures criminelles et des éléments terroristes et à prendre des mesures pour mettre un terme à leurs activités illégales. Face à son refus, la situation en Tchétchénie a continué à se détériorer.
16 Les opérations antiterroristes des forces fédérales en République tchétchène ont débuté immédiatement après l'agression menée par des groupes armés illégaux contre une entité constitutive voisine de la Fédération de Russie – la République du Daghestan – et les actes terroristes perpétrés à Moscou et dans un certain nombre d'autres villes russes.
La décision d'engager ces opérations a été prise en réponse à la menace, réelle, pesant sur l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie ainsi que sur la vie et la sécurité de nombre de ses citoyens, et ce en totale conformité avec le Code de conduite relatif aux aspects politico-militaires de la sécurité, adopté lors du Sommet de l'OSCE de 1994 à Budapest. Le paragraphe 6 de ce document indique clairement que les Etats participants «prendront des mesures appropriées pour prévenir et combattre le terrorisme sous toutes ses formes», alors que son paragraphe 25 est ainsi rédigé: «les Etats participants s'abstiendront de tolérer ou d'entretenir des forces qui échapperaient au contrôle de leurs autorités constitutionnellement établies ou n'auraient pas à leur rendre compte». En vue de mettre un terme à la crise que connaît aujourd'hui la République tchétchène, la Fédération de Russie part du principe que cette phase de lutte armée contre les membres des troupes terroristes tchétchènes, avec lesquels un Etat régi par le principe de la prééminence du droit ne saurait entreprendre aucun pourparler, si ce n'est en vue de leur reddition afin d'être jugés devant les tribunaux, doit être menée au moindre coût. Les criminels en question font l'objet d'un traitement strictement individuel conforme à la législation actuellement en vigueur en Russie.
Le 13 décembre 1999, la Douma d'Etat de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie a adopté une résolution amnistiant les personnes ayant commis des actes dangereux pour la société au cours des opérations antiterroristes menées dans le Caucase du Nord (l'annexe 3 donne des extraits de cette résolution).
La Douma d'Etat a par la suite adopté une résolution concernant la mise en œuvre de cette amnistie: celle-ci s'étend à tous les auteurs des actes spécifiés dans la résolution commis en Tchétchénie, en Ingouchie, en Ossétie du Nord au Daghestan et sur le territoire de Stavropol entre le 1er août 1999 et la date d'entrée en vigueur de la résolution, à condition d'avoir cessé toute résistance armée et d'avoir déposé leurs armes et autres équipements militaires d'ici au 1er février 2000 à minuit.
Le décret d'«amnistie» signé par A. Maskhadov est en comparaison riche d'enseignements: celui-ci vise les résidents de la République tchétchène ayant participé à la restauration de l'ordre constitutionnel; les Tchétchènes soupçonnés d'avoir coopéré avec les autorités légalement reconnues de la Fédération de Russie sont condamnés à mort sans autre forme de procès.
Parmi ceux figurant sur cette «liste de personnes recherchées» figure A. Kadyrov, le Mufti de Tchétchénie, qualifié par A. Maskhadov «d'ennemi n° 1 à exécuter»: celui-ci s'était en effet élevé contre une confrontation inutile avec les autorités fédérales. Cette condamnation scandaleuse a suscité une vive indignation parmi tous les Musulmans de la Fédération de Russie.
En conséquence de cette opération antiterroriste, une partie considérable du territoire tchétchène (plus de 80 %) est à présent débarrassée des groupes de criminels. La phase militaire de l'opération touche à sa fin et sera suivie par un règlement politique privilégiant un strict respect de la Constitution de la Fédération de Russie.
17. Les troupes fédérales en Tchétchénie ne se trouvent pas face à des groupes terroristes épars, mais à une armée bien équipée et bien entraînée de quelque 25 000 hommes (dont 2 000 mercenaires étrangers). Ceux-ci disposent de 28 chars d'assaut, de 61 véhicules blindés de transport de troupes et autres véhicules d'infanterie blindés, de 14 batteries antiaériennes, d'une batterie de fusées à têtes multiples Grad, de 20 canons de 152 mm et mortiers de 120 mm, d'un nombre considérable de mortiers de 82 mm, de lance-grenades antichars portatifs, de missiles antichars, de systèmes portatifs de défense antiaérienne, de divers types d'armes de moindre importance, y compris de gros calibre, ainsi que de systèmes de communication par satellite.
Il est bien évident que les méthodes traditionnellement utilisées par les services secrets n'ont pas pu être appliquées ici pour mener une opération spéciale contre un tel nombre de combattants armés. Cette situation exigeait une opération de police d'envergure avec la participation d'hommes du contingent.
Les opérations antiterroristes menées en Tchétchénie ne visent pas les populations civiles, mais ont au contraire pour objet de protéger des vies innocentes contre les atrocités des terroristes. L'utilisation de la force au cours de ces opérations est proportionnelle à l'ampleur de la menace. Les unités engagées sur le terrain ont reçu pour ordre d'épargner les vies humaines dans les villages – l'objectif étant de protéger les populations civiles –, et de limiter les frappes aux militants armés, à leurs positions, dépôts et places fortes en évitant de toucher les populations civiles ou d'endommager leurs biens. Les forces fédérales prennent toutes les mesures nécessaires pour libérer les villages sans assaut ou intervention massive, en faisant le moins de blessés et en causant le moins de destructions possible et en recherchant l'accord des représentants des populations. C'est ainsi qu'ont été libérées quatre des cinq villes de la région et plus de la moitié des 122 villages, dont Gudermes et Achkhoi-Martan. Chaque fois que les formations rebelles ont opposé une résistance active, des couloirs de sécurité spéciaux ont été mis en place pour permettre aux populations civiles de quitter les zones d'affrontement probable. Tous les civils ayant fui une zone d'hostilité bénéficient d'un accès à des districts sûrs, où ils trouvent logements, soins de santé et nourriture.
Le personnel des forces fédérales suit automatiquement une formation visant à développer une attitude humaine envers les populations civiles, sans distinction de nationalité ou de religion. Les services du procureur militaire veillent de façon systématique au respect de l'ordre public. Depuis le début de l'opération antiterroriste, 129 poursuites pénales ont été engagées au sein des troupes fédérales.
Il n'existe aucun «camp de filtrage» dans la région. Les personnes déplacées font simplement l'objet de contrôles en vue d'identifier d'éventuels terroristes ou d'empêcher l'introduction d'armes lors de leur passage aux points de contrôle. Il s'agit là de mesures nécessaires pour assurer un minimum de sécurité.
Bien évidemment, lors d'opérations militaires d'une telle ampleur, il est inévitable que l'on compte un certain nombre de victimes parmi les populations civiles. Il s'agit d'ailleurs, incidemment, de l'objectif des rebelles, dont la tactique consiste à déployer des armements lourds dans les agglomérations, bien souvent à proximité de crèches, d'écoles ou d'hôpitaux. On ne saurait toutefois qualifier de massif le nombre de victimes civiles. Toutes les mesures sont prises pour les réduire au minimum. Dans certains cas difficiles, c'est-à-dire lorsque les combats doivent être livrés au sein d'agglomérations, les troupes fédérales font preuve de patience et de retenue, s'efforçant de déloger progressivement les rebelles. Telle est l'une des raisons pour lesquelles l'opération antiterroriste menée en Tchétchénie s'est prolongée.
Les groupes armés illégaux mènent une vaste campagne de désinformation parmi l'opinion publique quant à la nature de leurs activités ou des actions menées par les troupes russes, mais aussi quant au nombre de victimes et à l'ampleur des dommages matériels. Ces groupes ont créé des structures spécialisées dans la production et la diffusion de fausses vidéos, de faux enregistrements sonores et autres matériaux d'information. Ils utilisent plus de cent sites Internet fournis par des organisations terroristes et extrémistes internationales.
18. Du fait de ces activités antiterroristes, la République tchétchène connaît, depuis la mi-septembre 1999, un exode massif. (Pour davantage d'informations sur ces migrations, se reporter à l'annexe 4.)
Au 20 décembre 1999, le nombre de citoyens de la République tchétchène enregistrés au titre du formulaire n° 7 («Enregistrement des familles arrivées en situation d'urgence») par les services de l'immigration de la République du Daghestan, de la République d'Ingouchie, de la République d'Ossétie du Nord et du territoire de Stavropol en Fédération de Russie s'élevait à 267 600, dont 251 200 pour l'Ingouchie, 6 500 pour la République du Daghestan, 5 700 pour la République d'Ossétie du Nord, 3 900 pour le territoire de Stavropol et 4 500 pour la Géorgie. Parmi ceux-ci, 760 ont été envoyés dans des centres d'hébergement temporaire de l'office fédéral russe pour les migrations et 37 700 se sont dirigés vers d'autres régions russes pour y rechercher un hébergement permanent ou temporaire auprès de membres de leurs familles ou d'amis.
Malgré la situation humanitaire difficile, il n'y a pas dans la région de catastrophe humanitaire, ce qu'ont confirmé un certain nombre de délégations internationales qui se sont rendues dans la région ainsi que Mme S. Ogata, haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Afin de faciliter la vie quotidienne des personnes qui ont quitté la République tchétchène pour s'installer sur le territoire de la République d'Ingouchie, l'office fédéral russe pour les migrations a fourni 440 tonnes de nourriture, 120 tentes, plus de 8 800 couvertures, plus de 9 400 matelas, plus de 7 600 oreillers, plus de 13 400 ensembles de literie, 300 fours, plus de 1 800 cuisinières, 3 tonnes de matériel médical, 698 lits, plus de 1,7 tonnes de matériel sanitaire et hygiénique. La fourniture de produits alimentaires fait l'objet d'efforts constants (pour davantage d'informations sur la délivrance et la distribution de l'aide humanitaire dans la région, se reporter aux annexes 5 et 6).
Le Gouvernement de la Fédération de Russie a décidé d'affecter 272 millions de roubles de sa Réserve à l'accueil, d'enregistrement, l'hébergement et l'alimentation des populations ayant quitté la République tchétchène.
Depuis le 4 octobre 1999, tous ceux qui souhaitent se rendre (aux frais du budget fédéral) dans d'autres entités constitutives de la Fédération de Russie afin d'y élire domicile de façon permanente ou temporaire reçoivent pour ce faire des billets prépayés pour la destination qu'ils ont eux-mêmes choisie. Deux trains de passagers supplémentaires quittent chaque jour Nazran. Des wagons permettant d'héberger temporairement les citoyens en partance pour d'autres entités constitutives de la Fédération de Russie ont été mis à disposition dans les gares de Mineralniye Vody, Mozdok et Nazran, où des antennes locales des services compétents en matière de migrations ont été ouvertes. Ceux-ci délivrent des documents de voyage, organisent la distribution de repas et assurent le suivi des personnes en partance.
Depuis le 12 décembre 1999, l'office fédéral pour les migrations organise en République tchétchène l'enregistrement des citoyens ayant quitté leur lieu de résidence permanente en République tchétchène. Selon le formulaire n° 7, le nombre de personnes enregistrées à ce titre s'élève à 5 382, dont 1 811 pour la région de Naur, 1 950 pour la région située au nord du Terek, 915 pour le village de Sernovodsk et 706 pour le village d'Asinovskaïa. Le reste (soit 80 %) provenait de Grozny. Les préparatifs en vue d'accueillir les citoyens russes revenant en République tchétchène (qui représentent dès aujourd'hui plus de 40 000 personnes) sont en cours. Du personnel chargé de s'occuper du relogement temporaire et de subvenir aux besoins alimentaires des personnes déplacées est mis à disposition dans les communes de Znamenskoïe, Sernovodsk et Asinovskaïa.
Le système de distribution de l'aide humanitaire fonctionne dans le cadre d'un mécanisme bien rôdé. Pour réduire au minimum les pertes, la délivrance de cette assistance s'effectue sous un contrôle strict tout au long de la chaîne, du donateur au bénéficiaire. La composante humanitaire de l'opération est coordonnée par le ministère des situations d'urgence et l'office fédéral russe pour les migrations.
19. Dans les zones libérées de la République tchétchène, des mesures visant à rétablir l'ordre public sont prises sans délai.
En novembre 1999, un procureur intérimaire a été désigné pour la République de Tchétchénie et le parquet a pu entamer ses travaux.
La création, au sein du ministère de l'Intérieur russe, de services décentralisés, notamment chargés des enquêtes, est en cours; des fonctionnaires locaux d'anciens organes du ministère de l'Intérieur sont intégrés dans ces structures.
Une fois terminée la sélection du personnel, les chefs d'administration de districts et les responsables de villages sont immédiatement désignés parmi des résidents locaux.
20. Sur décision du Gouvernement russe, plus de 120 millions de roubles de crédits budgétaires ont été affectés à la restauration de l'infrastructure économique et sociale de la République tchétchène pour l'exercice fiscal de 1999.
Ces crédits se répartissent de la façon suivante: versement des allocations d'Etat aux citoyens avec enfants: 11,2 millions de roubles; salaires du personnel de l'éducation: 10 millions de roubles; salaires des travailleurs du domaine de la culture: 2,8 millions de roubles; salaires du personnel sanitaire: 4,1 millions de roubles; achats de médicaments: 4,1 millions de roubles; achats d'équipements médicaux: 26 millions de roubles; acquisition d'ambulances: 2 millions de roubles; entretien des installations sanitaires: 30 millions de roubles. 12 millions de roubles ont en outre été affectés aux services exécutifs de la République tchétchène et aux administrations de district.
Pour 2000, le Gouvernement de la Fédération de Russie a débloqué 3 milliards de roubles qui seront affectés à la reconstruction de la Tchétchénie.
21. Le calme a été restauré dans les villages tchétchènes libérés des rebelles. Pour la première fois depuis trois ans, les écoles ont rouvert leurs portes (46 sur 67 sont déjà fréquentées). Un certain nombre d'entreprises ont commencé à fonctionner. Le chauffage est en voie d'être rétabli. Le journal Tchétchénie libre paraît à nouveau.
Le 15 décembre 1999, l'approvisionnement en électricité avait été rétabli dans 70 % des agglomérations libérées par les troupes fédérales, et l'approvisionnement en gaz dans 67 % d'entre elles.
Les unités du génie des troupes fédérales ont commencé à déminer le terrain et à restaurer l'oléoduc de Tolstoy-Yurt, du canton rural de Grozny. Le ministère des Chemins de fer de Russie a mis en place une ligne régulière de transport de marchandises vers Gudermes.
22. En améliorant la situation humanitaire du Caucase du Nord, la Russie a fait preuve d'un maximum d'ouverture et de dialogue envers les organisations internationales. Neuf délégations internationales se sont rendues dans la région entre octobre et décembre 1999, dont Mme S. Ogata, haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. A. Gill-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et M. K. Vollebaek, président en exercice de l'OSCE.
Le Comité international de la Croix-Rouge, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi que la Croix-Rouge russe assurent actuellement la mise en œuvre de programmes d'assistance humanitaire et médicale aux personnes déplacées de la région du nord du Caucase. Le Mouvement international de la Croix-Rouge a demandé à cet effet aux gouvernements et aux organisations donatrices 18 millions de francs suisses (soit environ 12 millions de dollars US).
En Ingouchie, le CICR a contribué à équiper cinq établissements hospitaliers. Il finance également la fourniture quotidienne de pains à 30 000 personnes déplacées ainsi que la cuisson de plusieurs milliers de repas chauds. Une assistance similaire est fournie à 30 000 personnes déplacées en Tchétchénie et à 20 000 personnes déplacées dans les entités constitutives voisines de la Fédération de Russie.
Le Bureau européen du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) est d'une manière générale satisfait de l'avancement des opérations humanitaires de l'ONU dans le Caucase du Nord et du degré de coopération avec les autorités russes. Le 19e convoi d'aide
humanitaire du HCR pour les personnes déplacées a été envoyé à Nazran le 28 décembre 1999. Au 20 décembre 1999, le HCR a reçu du groupe de donateurs 7.9 millions des 8.5 millions de Dollars demandés en novembre 1999 dans le cadre d'un appel urgent pour le Caucase du Nord (quelque 4.5 millions ont déjà été dépensés).
La Russie a confirmé sa volonté à plusieurs reprises, et elle le fait à nouveau, d'assurer les conditions nécessaires pour permettre le travail des organisations internationales qui apportent une aide humanitaire aux personnes déplacées à l'intérieur du pays. Des réseaux fédéraux seront utilisés pour mettre en place la livraison et la distribution de cette aide dans des conditions de sécurité et en prenant des dispositions pour assurer également la sécurité du personnel international de surveillance.
23. L'opération antiterroriste de grande ampleur menée par les forces fédérales sera achevée dans un très proche avenir. Après cela, les activités de lutte contre le terrorisme se poursuivront de manière normale, comme n'importe où dans le monde. La prochaine étape consistera à délivrer un «passeport» à l'ensemble de la population de la République tchétchène, y compris aux personnes rentrées au pays. Nous prévoyons ensuite d'organiser des élections, dans un climat pacifique et démocratique, pour remplacer les autorités nommées par des autorités élues. Les élections seront suivies d'entretiens avec le Gouvernement de Tchétchénie nouvellement élu sur le statut de la République au sein de la Fédération de Russie. Ce sera la phase finale du processus de paix.
A l’issue du conflit et tout au long de ce processus de rétablissement des institutions démocratiques et des droits de l'homme dans la République tchétchène, la Russie sera ouverte à la coopération avec toutes les organisations internationales compétentes y compris, et surtout l'Onu, l'OSCE et le Conseil de l'Europe.
24. L'opération antiterroriste est menée dans le plein respect des obligations internationales de la Russie.
L'article 15 de la Convention européenne des Droits de l'Homme prévoit la possibilité pour un Etat de déroger à ses obligations découlant de la Convention «en cas de guerre ou en cas d'autre danger public menaçant la vie de la nation».
L'article 15 de la Convention énonce que cette disposition n'autorise aucune dérogation à l'article 2, qui garantit le droit à la vie, «sauf pour le cas de décès résultant d'actes licites de guerre». Aux termes de l'article 2, la mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article «dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire», y compris «pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale» et «pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection».
Les actions menées par les autorités russes au cours de l'opération antiterroriste en Tchétchénie sont fondées sur la législation russe. Selon la loi fédérale de 1996 relative à la défense, ce dernier terme doit s'entendre comme «un système de mesures politiques, économiques, militaires, sociales, juridiques et autres visant à préparer et à assurer la
protection armée de la Fédération de Russie ainsi que l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire»; cette loi définit en outre les pouvoirs des autorités de l'Etat dans le cas où il est nécessaire de recourir aux forces armées. La loi fédérale sur la lutte contre le terrorisme de 1998 contient une liste détaillée des mesures que peuvent prendre les autorités pour éradiquer le terrorisme.
La décision de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie du 31 juillet 1995 énonce clairement que la Constitution de la Russie «ne présuppose pas que, dans des circonstances extraordinaires, l'intégrité de l'Etat et l'ordre constitutionnel puissent être assurés exclusivement par la proclamation de l'état d'urgence ou l'imposition de la loi martiale».
Dans cette même décision, la Cour constitutionnelle rappelle que les traités internationaux auxquels la Fédération de Russie est partie et qui, conformément à l'article 15, paragraphe 4 de la Constitution de la Fédération, font partie intégrante de son ordre juridique, prévoient aussi la possibilité d'utiliser la force armée pour protéger l'unité nationale et l'intégrité du territoire de l'Etat.
Le dispositif de la décision de la Cour constitutionnelle s'applique aussi aux événements qui se déroulent actuellement dans la République tchétchène.
Les mesures prises par les autorités fédérales pour mener l'opération antiterroriste en Tchétchénie sont pleinement compatibles non seulement avec la CEDH, mais aussi avec d'autres obligations de la Fédération en droit international, y compris en droit humanitaire international.
Le fait que la société russe dans son ensemble approuve les modalités fondamentales de règlement du problème tchétchène impose aux autorités fédérales de supprimer enfin ce foyer de terreur et d'illégalité en République tchétchène et ses causes sous-jacentes.
L'intervention massive des forces armées dans cette opération antiterroriste en République tchétchène est pleinement légale et bien maîtrisée par les autorités de l'Etat, conformément aux dispositions de la Constitution, des lois et des règlements de la Fédération de Russie et dans le respect des obligations juridiques internationales de celle-ci.
La défense des droits et libertés des citoyens russes résidant sur tout le territoire, y compris en Tchétchénie, prévue par la Constitution de la Fédération de Russie et par la Convention européenne des Droits de l'Homme, est l'un des moyens d'atteindre l'objectif final – la possibilité pour chacun de jouir des bienfaits et des acquis de la société moderne, d'être citoyen d'un Etat de droit réellement démocratique.
Annexe 1 à la réponse du Ministre des Affaires Etrangères de la Fédération de Russie:
Extraits des rapports du Groupe d’assistance de l’OSCE en Tchétchénie pour 1999
7 janvier 1999, SEC.FR/10/99
« Le vendredi 25 décembre, les corps décapités de quatre otages étrangers dont trois Britanniques, Darren Hichkey, Rudolph Petschi et Peter Kennedy, et un Néo-Zélandais, Stan Shaw, qui avaient été capturés à Grozny le 3 octobre, ont été découverts dans la forêt de Tchernoretchye près de Grozny. Le lendemain, les dirigeants tchétchènes, cherchant à éviter tout contact direct avec les autorités fédérales, ont suggéré au Groupe d’assistance de l’OSCE en Tchétchénie de jouer le rôle de médiateur dans les contacts avec l’Ambassade britannique à Moscou. Ils souhaitaient également confier aux membres du Groupe la responsabilité du transport des corps. Toutefois, comme nous n’étions pas présents dans la région concernée, les autorités tchétchènes ont pris la décision d’effectuer la remise des corps à Bakou. Un détachement accompagnant les quatre cercueils a quitté Grozny le 28 décembre dans l’après-midi. Le lendemain, les corps ont été rapatriés au Royaume-Uni par un vol de British Airways. »
19 février 1999, SEC.FR/119/99
« Le président Aslan Maskhadov a annoncé dans la soirée du 3 février « l’application intégrale de la Charî’a en Tchétchénie ». Concrètement, cette initiative signifie l’abolition de la constitution laïque, la dissolution du Parlement et la création d’un nouvel organe législatif, la Shura, disposant de compétences élargies. L’application de la loi islamique, la Charî’a, devrait être étendue à tous les domaines de la vie politique et sociale.
« (…) Plusieurs attaques terroristes contre les régions voisines ont été rapportées en janvier. Le nombre de ces attaques a particulièrement augmenté à la fin du Ramadan. Les criminels qui sont à l’origine de ces attaques poursuivent deux objectifs principaux : le meurtre de membres des troupes du ministère de l’Intérieur et la réalisation d’enlèvements ; cependant, les meurtres de membres respectés de communautés locales ainsi que les vols de biens agricoles sont aussi fréquents.
« L’Ingouchie et le Daghestan sont les régions où les attaques terroristes sont les plus fréquentes. Les patrouilles mobiles ainsi que les points de contrôle permanents du ministère de l’Intérieur semblent être les cibles privilégiées des criminels. Cinq incidents de ce type, qui ont coûté la vie à cinq personnes et en ont blessé plusieurs, ont été rapportés en janvier. Alors que ces actions criminelles semblent avoir des motifs politiques, les enlèvements et les meurtres d’hommes d’affaires daghestanais, ingouches et tchétchènes ou de membres de leurs familles sont en général considérés comme ayant des mobiles économiques : ou bien une rançon est exigée en échange d’un otage, ou bien la personne enlevée est assassinée parce qu’elle gênait d’une manière ou d’une autre les intérêts économiques des criminels. Les attaques qui ont eu lieu au nord de la frontière, autour de Stavropol Kray, ont valu de nombreuses critiques aux autorités locales et fédérales. La population locale leur reproche de ne pratiquement rien faire pour arrêter les criminels qui réussissent toujours à s’échapper de l’autre côté de la frontière tchétchène. Une manifestation a eu lieu dans le district de Kursky à la suite de l’enlèvement, le 8 janvier, en début de soirée, du fils, âgé de 14 ans, d’un homme d’affaires local. »
8 mars 1999, SEC.FR/186/99
« Le vendredi 5 mars, à 15 h 45 environ, le général de division Ghennadiy Shpigun, représentant du ministère de l’Intérieur russe, a été enlevé à Grozny.
« Le Général Shpigun a été enlevé dans un avion en partance pour Moscou alors que celui-ci se préparait à décoller.
« Selon les informations en provenance de Grozny, un groupe de 5 ou 6 passagers assis à l’arrière de la cabine et qui étaient armés ont contraint l’équipage à arrêter l’avion et ont emmené le Général Shpigun. »
1er août 1999, SEC.FR/654/99
« Depuis le début de l’année 1999, des groupes militants illégaux ont mené 73 actions armées contre les forces de sécurité russes déployées le long de la frontière avec la Tchétchénie. Au cours de ces actions, 56 soldats russes ont été tués et 85 autres blessés. Des dizaines et peut-être même plus d’une centaine de soldats russes ont été enlevés et retenus captifs en Tchétchénie. Pendant les dix derniers jours, les militants tchétchènes ont effectué plus de 20 attaques terroristes contre des soldats russes postés à la frontière entre la Tchétchénie et le territoire de Stavropol. Ces attaques auraient coûté la vie à 11 soldats et civils et en auraient blessé 9 autres. La situation le long de la frontière entre la Tchétchénie et le Daghestan demeure également tendue (…).
« En ce qui concerne les événements du 23 juillet, des militants tchétchènes ont enlevé 9 des 30 membres d’une troupe de théâtre musical ingouche qui s’étaient rendus à Urus-Martan dans le but d’obtenir la libération de deux otages mineurs enlevés en juin à Nazran, l’ancienne capitale de l’Ingouchie. Deux jours plus tard, le 25 juillet, un groupe d’hommes masqués a enlevé un prêtre orthodoxe, le révérend Zakhariy, le responsable de la paroisse de Grozny, Yakov Ryashin, et un fidèle de l’Eglise de l’Archange St Michel à Grozny (…).
« Selon l’évêque de Bakou et les autorités ecclésiastiques de la région Caspienne, huit prêtres orthodoxes ont été interdits d’activité à la suite d’actions criminelles en Tchétchénie et dans les territoires voisins. On ignore encore le sort de deux d’entre eux (Anatoly Chistousov et Piotr Sukhonosov). Il n’y a plus actuellement aucun prêtre orthodoxe en Tchétchénie. »
18 mai 1999, SEC.FR/442/99
« Le 14 mai au soir, un membre étranger du personnel du Bureau régional de l’ICRC à Nalchik (Kabardino-Balkaria), Geraldo Cruz-Ribero, originaire de Nouvelle-Zélande, a été enlevé par des inconnus entre le bureau et son lieu d’habitation. Les autorités de l’ICRC à Genève ont annoncé que, suite à cet acte criminel, toutes les activités de l’ICRC dans la région du Caucase Nord étaient suspendues. L’ensemble du personnel local a été placé en attente pour deux semaines. Selon des informations en provenance de Grozny, aucun acheminement de produits médicaux n’est prévu dans un avenir proche. On se souvient que l’ICRC s’était retirée de Tchétchénie après le meurtre de six membres de son personnel médical à Novye Atagi en décembre 1996. »
18 juin 1999, SEC.FR/524/99/Corr.1*
« Selon des sources proches du ministère de l’Intérieur de la Fédération de Russie, au cours de la première moitié de juin, dix-sept nouveaux otages retenus captifs en Tchétchénie ont été relâchés. 12 de ces otages étaient des soldats qui avaient été enlevés en janvier et avril 1999. L’un des civils, Ilya Lysakov, chef adjoint de l’administration de Rostov, avait été enlevé le 18 mars 1998 (…).
« Pour le Groupe d’assistance, les fréquentes attaques, dont il a été question plus haut, menées depuis le 28 mai contre des avant-postes russes et daghestanais semblent avoir été soigneusement préparées dans un but de provocation, probablement par des officiers de terrain qui ne sont pas sous le contrôle des autorités tchétchènes. L’objectif de ces actions est de contraindre les forces de sécurité russes à intervenir sur le territoire tchétchène afin de présenter comme un fait accompli à la communauté internationale une nouvelle agression contre la Tchétchénie. »
24 juin 1999, SEC.FR/542/99
« Le 19 juin, le Groupe d’assistance a été informé par ses employés locaux à Grozny de l’enlèvement dans la matinée du président de la Société tchétchène de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, Ruslan Isayev. Il a d’abord été difficile d’établir si celui-ci avait été enlevé par des criminels ou arrêté par les organes exécutifs tchétchènes en relation avec les difficultés soulevées par la procédure d’enregistrement de la Société tchétchène de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge. On sait que la Société tchétchène de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge a été soumise à des actes de harcèlement répétés de la part d’une soi-disant Société du Croissant Rouge, organisation qui n’est pas reconnue par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, ainsi que de la part de certains organes du pouvoir exécutif en Tchétchénie. »
24 juin 1999, PC.FR/18/99
« Le Groupe d’assistance remplit dans une certaine mesure le rôle d’une organisation de surveillance des droits de l’homme en conseillant les autorités tchétchènes et en les incitant à respecter les normes internationalement reconnues dans le domaine des droits de l’homme. Les développements récents, cependant, ne sont guère encourageants. L’introduction de la loi islamique est contraire à la Charte des droits et libertés fondamentales et gène gravement la réalisation du mandat du Groupe d’assistance visant à « soutenir la création de mécanismes garantissant la prééminence du droit ». Ce système conduit à la violation des droits de l’homme et à la discrimination, en particulier en ce qui concerne les droits politiques des non-musulmans. »
5 juillet 1999, SEC.FR/585/99
« Le samedi 3 juillet 1999, à 2 heures 45, heure locale, le Laboratoire de médecine légale de Grozny a été attaqué par des hommes armés. Les agresseurs ont utilisé pour maîtriser les gardes de sécurité, outre des armes légères, des explosifs, des fusils-mitrailleurs et des lance-grenades. Selon notre personnel local, les combats ont été intenses et prolongés. Deux des gardes de sécurité du laboratoire ont été grièvement blessés et on rapporte également plusieurs victimes du côté des assaillants. Le résultat de cette opération est que deux citoyens russes, des spécialistes du Laboratoire de médecine légale de Rostov détachés temporairement à Grozny, ont été enlevés et emmenés vers une destination inconnue. »
5 juillet 1999, SEC.FR/575/99
« Les 27, 28 et 29 juin, de nouvelles importantes prises d’otages ont eu lieu au Daghestan et en Ingouchie, à proximité de la frontière administrative avec la Tchétchénie. Des terroristes tchétchènes ont tendu une embuscade à trois officiers accompagnés d’un chauffeur qui roulaient en direction de Vladikavkaz (…). »
5 juillet 1999, SEC.FR/576/99
« Le 25 juin, jour de l’arrivée du Premier Ministre de la Fédération de Russie à Makhatchkala, la capitale du Daghestan, les forces de sécurité russes ont annoncé la libération de Lena Meshcheryakova, une enfant de 4 ans retenue captive en Tchétchénie depuis 8 mois. Les ecchymoses visibles sur le corps sous-alimenté de l’enfant témoignaient de la brutalité de ses ravisseurs. »
16 juillet 1999, SEC.FR/608/99
« Le Service de lutte contre le crime organisé de la région du Caucase Nord a arrêté plusieurs groupes impliqués dans des enlèvements. La pratique des enlèvements est aujourd’hui très répandue et est considérée comme extrêmement lucrative. Des bandes locales ont mis sur pied un système d’enlèvement et de rançonnage et ont organisé des itinéraires spéciaux pour acheminer leurs victimes en Tchétchénie où sont maintenus captifs la plupart des otages (…).
« Mayerbek Vachagayev, l’attaché de presse du président Maskhadov, a réagi violemment à l’annonce des ordres de Rushailo et a déclaré que la partie tchétchène mènerait des dizaines d’actions sur le territoire russe en réponse à chaque frappe préventive. Il a aussi prévenu que le président tchétchène pourrait donner aux officiers militaires sur le terrain « carte blanche » pour l’exécution « des généraux russes faisant partie de la liste de 273 criminels de guerre ainsi que des membres de leurs familles ».
19 août 1999, SEC.FR/681/99
« Le 15 août, le Groupe d’assistance a été informé par l’Ambassadeur de Pologne à Moscou que deux ressortissantes polonaises, le professeur Zofia Fischer-Malanowska, directrice du Centre international d’écologie de l’Académie polonaise des sciences, et son adjointe, le professeur Ewa Marchwinska-Wyrwal, avaient disparu au Daghestan depuis le 12 août. Deux scientifiques daghestanais étaient également portés disparus. Le 16 août, les médias russes ont annoncé que ces personnes avaient été enlevées dans le but d’obtenir une rançon. »
6 septembre 1999, SEC.FR/715/99
« Malgré la poursuite des enlèvements dans la région du Caucase Nord, les médias russes et étrangers continuent à envoyer des journalistes dans la région des combats au Daghestan. On rapporte cependant certaines victimes comme le photographe de l’agence Itar-Tass, Vladimir Yatsina (51 ans), qui semble avoir été enlevé à Nazran en Ingouchie avant d’être transporté en Tchétchénie. Le 19 août, les ravisseurs ont contacté la famille de Yatsina et exigé une rançon de deux millions de dollars en échange de sa libération. On ignore toujours le sort des deux scientifiques polonaises enlevées au Daghestan il y a deux semaines et l’on craint qu’elles aient été transportées en Tchétchénie. »
13 septembre 1999, SEC.FR/734/99
Rapport sur « Les atteintes aux droits de l’homme dans le code pénal tchétchène »
« III. Le code pénal de la République tchétchène
La République tchétchène est aujourd’hui le seul territoire relevant de la juridiction de l’OSCE où le code pénal repose sur la loi religieuse islamique, la Charî’a, selon le terme repris par les autorités tchétchènes. Bien que la République tchétchène fasse partie de la Fédération de Russie, les codes civil et pénal russes n’y sont plus en vigueur. Le nouveau code pénal tchétchène contrevient gravement aux normes de l’OSCE en matière de droits de l’homme. Les violations des droits de l’homme incluses dans le code pénal tchétchène peuvent être réparties en deux groupes : le premier concerne les droits fondamentaux des individus en relation avec le système administratif (crimes contre la sûreté de l’Etat, atteintes à la sécurité publique) ; le second concerne les droits des individus dans leurs relations avec d’autres individus (atteintes à l’honneur, à la réputation et à la moralité sociale, atteintes à la religion). Ce qui suit est la traduction non-officielle par le Groupe d’assistance de l’OSCE de certains extraits du code pénal tchétchène les plus manifestement contraires aux engagements des pays de l’OSCE en matière de droits de l’homme (…).
§ 8 Atteintes à la sécurité et à l’ordre publics
Article 69. « Tout individu portant atteinte à la sécurité publique ou menant des activités visant à porter atteinte à la sécurité publique ou susceptibles d’entraîner une atteinte à la sécurité et à l’ordre publics (…) sera passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée pouvant aller jusqu’à un mois ou d’une peine de vingt coups de bâton. »
§ 13 Atteintes à la religion
Article 125 (2). « Tout individu coupable du crime d’apostasie se verra offrir une possibilité de repentir et le tribunal désignera à cet effet une période d’une durée définie. S’il s’obstine et refuse de revenir à l’Islam, le coupable sera passible de la peine capitale. »
§ 15 Atteintes à l’honneur, à la réputation et à la moralité sociale
Article 145 (1). « Sera considéré comme coupable du crime d’adultère : a) tout homme ayant des relations sexuelles avec une femme à laquelle il n’est pas lié par le mariage ; b) toute femme ayant accepté d’avoir des relations sexuelles avec un homme auquel elle n’est pas liée par le mariage (…). »
Peines prévues en cas d’adultère
Article 146 : 1. Toute personne convaincue d’adultère sera passible des peines suivantes :
a. peine de mort par lapidation dans le cas où le coupable est marié ;
b. peine de cent coups de bâton dans le cas où le coupable n’est pas marié.
2. Outre cette dernière peine, une peine de bannissement d’une durée maximale d’un an pourra également être imposée aux hommes coupables d’adultère.
7 décembre 1999, SEC.FR/906/99
« Le nombre de personnes enlevées comme otages en Tchétchénie varie actuellement entre 700 et 1.500, dont 56 étrangers. Nikolai Morozov, porte-parole du ministère de l’Intérieur russe, a souligné le fait que les cas d’enlèvement avaient diminué à la suite de la prise de contrôle par les forces fédérales d’une très importante partie du territoire tchétchène. Il a ajouté qu’à l’heure actuelle, les militants tchétchènes s’efforçaient d’impliquer les membres de la diaspora tchétchène en Russie, dont le nombre est estimé à 500.000, dans leurs activités criminelles et, en particulier, dans leurs activités d’enlèvement et de rançonnage. »
Annexe 2 à la réponse du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie
Situation au 1er décembre 1999
Quelques faits concernant les otages
Le 14 juin 1995, un groupe de militants armés conduit par Chamil Basaïev s'est emparé de Budyonnovsk sur le territoire de Stavropol. Ayant transformé l'hôpital de la ville en une place forte, les bandits ont pris 1 500 personnes en otage, demandant le retrait des troupes russes de Tchétchénie. A la suite de cette action, 130 civils, 18 miliciens et 18 soldats ont été tués; plus de 400 personnes ont été blessées.
Le 14 décembre 1995, 36 ouvriers du bâtiment originaires du territoire de Stavropol ont été pris en otage dans le village tchétchène d'Achkhoi-Martan. Certains d'entre eux n'ont été libérés que neuf mois plus tard.
Le 27 avril 1996, deux employés de la mission de «Médecins sans frontières» à Grozny ont été kidnappés dans un faubourg de la ville. Les kidnappeurs ont demandé une rançon de 200 000 dollars US; les otages ont été libérés le 10 mai 1996.
Le 27 juin 1996, le ressortissant français Frédéric Malardo et l'Anglais Michael Penrose – employés de l'organisation humanitaire internationale «Campagne contre la faim» – ont été kidnappés à Grozny, ils ont été libérés le 22 août.
Le 28 septembre 1996, trois employés de l'organisation humanitaire italienne «Intersos» ont été pris en otage en Tchétchénie. Ils ont été libérés le 29 novembre.
Le 19 janvier 1997, Roman Perevezentsev et Vladislav Tibelius – journalistes de la télévision publique russe (ORT) – ont été kidnappés en Tchétchénie. Après des recherches et de longues négociations, les journalistes ont été libérés le 18 février.
Le 23 février 1997, Mauro Galligani – journaliste italien du magazine «Panorama» – a été kidnappé à Grozny, les kidnappeurs ont demandé 1 000 000 de dollars US pour le relâcher. Il a été libéré sans rançon le 12 avril.
Le 4 mars 1997, trois employés de la radio russe – les correspondants Iouri Arkipov et Nikolaï Mamulashvili, et l'ingénieur en communication spatiale Lev Zeltsin, ainsi que le correspondant de l’agence Itar-Tass Hikolai Zagnoiko – ont été kidnappés à Grozny. Ils ont été libérés le soir du 5 juin.
Le 10 mai 1997, l'équipe de télévision de NTV, composée de la correspondante spéciale Elena Masyuk, l'opérateur Ilya Mordyukov et l'ingénieur du son Dimitri Olchev, a été kidnappée en Tchétchénie, dans les environs du village de Samashki. Ces personnes ont été libérées le 18 août.
Dans la nuit du 2 juillet 1997, les ressortissants britanniques Camila Carr et John James ont été kidnappés à Grozny. Ils ont été libérés le 20 septembre.
Le 2 août 1997, quatre ressortissants français, employés de l'organisation humanitaire «Equilibre», ont été kidnappés au Daguestan et emmenés sur le territoire de la Tchétchénie. Ils ont été libérés le 17 novembre.
Dans la nuit du 23 octobre 1998, deux ressortissants hongrois, Dunaisky Gabor et Olach Ishtvan – employés de l'organisation internationale «Churches in Joint Action» – ont été pris en otage à Grozny. Ils ont été libérés le 25 juillet.
Le 8 janvier 1998, le couple suédois Brulin Daniel et Paulina a été emmené de force de Makhachkala en Tchétchénie. Il a été libéré le 24 juin.
Le 29 janvier 1998, le ressortissant français Vincent Kochetel, représentant du HCR, a été kidnappé dans la ville de Vladikavkaz. Il a été libéré le 12 décembre.
Le 1er mai 1998, Valentin Vlasov, représentant plénipotentiaire du président russe en Tchétchénie, a été kidnappé dans les environs du village tchétchène d'Assinovskaya. Il a été libéré le 13 novembre.
Le 3 octobre 1998, le ressortissant néo-zélandais Stanley Shaw et les ressortissants britanniques Peter Kennedy, Daren Hichkey et Rudolf Petschi, employés de Grange Télécom, ont été kidnappés à Grozny. Ils ont été brutalement assassinés dans la nuit du 8 octobre.
Le 5 mars 1999, Gennady Shpigun, Général de la milice et représentant plénipotentiaire du ministère russe de l'Intérieur dans la république tchétchène, a été kidnappé à l'aéroport de Grozny.
Le 17 mars, les kidnappeurs ont demandé une rançon sans précédent de 15 millions de dollars US. Le général reste détenu sur le territoire de la Tchétchénie.
Le 27 mars 1999, le prêtre de l'église Saint-Nicolas, Piotr Markov, a été kidnappé dans le village tchétchène d'Assinovskaya. Il a été libéré en mai.
Le 30 mars 1999, le correspondant de Itar-Tass Said Isaïev, seul journaliste des médias russes à travailler de façon permanente en Tchétchénie, a été kidnappé à Grozny. Il a été libéré le 19 juin.
Le 19 juillet 1999, le photographe de Itar-Tass Vladimir Yatsina a disparu alors qu'il faisait route vers la Tchétchénie depuis Nazran. Il a été kidnappé et détenu en Tchétchénie. Une rançon de 2 millions de dollars US est demandée.
Le 10 octobre 1999, le correspondant de Itar-Tass Said Isaev a été de nouveau kidnappé; une semaine plus tard, il a réussi à s'échapper.
A la fin d'octobre 1999, des militants tchétchènes ont kidnappé le photographe de presse Brice Fleutiaux.
Annexe 3 à la réponse du ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie:
Extraits de la Résolution adoptée le 13 décembre 1999 par la Douma d'Etat
de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie,
«Sur l'amnistie des personnes ayant commis des actes socialement dangereux dans le cadre de l'opération antiterroriste du Nord-Caucase»
«Pour réaliser la paix civile dans la Fédération de Russie et guidée par le principe de l'humanisme, le Douma d'Etat, conformément à l'article 103, première partie, paragraphe e de la constitution de la Fédération de Russie, décide:
1. de ne pas engager de procédure criminelle contre les personnes qui ont commis des actes socialement dangereux au cours de l'opération antiterroriste du Nord-Caucase ou ont abandonné la résistance armée et volontairement rendu leurs armes et leurs équipements militaires, ni contre les soldats, membres des forces de l'ordre et agents du système pénitentiaire ayant commis des actes socialement dangereux au cours de l'opération ci-dessus.
2. De mettre fin aux enquêtes criminelles et de clore les affaires en cours concernant les personnes mentionnées au paragraphe premier de la présente résolution.
3. De libérer les personnes mentionnées au paragraphe premier de la présente résolution qui servent actuellement une peine de prison.
4. De ne pas étendre les dispositions des paragraphes 1 à 3 de la présente résolution:
a. aux personnes ayant commis des actes précisés dans les articles 105, 111, 126, 131, 162, 205, 206, 226, 244, 277, 281, 294-296, 317, 333, 334 du Code pénal de la Fédération de Russie, ni aux soldats, membres des forces de l'ordre et agents du système pénitentiaire ayant commis des crimes tels que vol d'armes à feu, de munitions et d'explosifs, et vente de telles armes aux membres des formations armées clandestines ou à des groupes armés stables ou à toute autre personne ayant résisté à l'opération antiterroriste du Nord-Caucase;
b. aux personnes qui commettent de façon répétée des délits particulièrement dangereux;
c. aux ressortissants étrangers et aux apatrides.
5. De mettre fin, sur proposition de la commission des prisonniers de guerre, et des personnes internées et manquantes – qui relève du président de la Fédération de Russie – aux enquêtes criminelles, quelle que soit la nature des infractions commises, et de clore les affaires en cours concernant les personnes qui doivent être échangées contre des soldats, des agents des forces de l'ordre et des citoyens détenus de force sur le territoire de la République tchétchène.
6. De libérer les personnes mentionnées au paragraphe 5 de la présente résolution qui servent une peine de prison.
7. De blanchir sur leur casier judiciaire les personnes libérées de prison sur la base des paragraphes 3 et 6 de la présente résolution.»
Cette résolution est entrée en vigueur à la date de sa promulgation officielle.
Annexe 4 à la réponse du ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie
Situation au 20 décembre 1999
Information sur la situation des migrations liées aux développements intervenus dans la République tchétchène de la Fédération de Russie, et mesures prises par le service fédéral des migrations (SFM) de Russie pour stabiliser la situation
Entités constituantes de la Fédération de Russie |
République du Daguestan (personnes) |
RNO-Alanie (personnes) |
Republique d'Ingouchie (personnes) |
Territoire de Stavropol (personnes) |
Total (personnes) |
1. Nombre total de personnes déplacées enregistré par le SFM |
8 540 |
16 582 |
41 688 |
114 463 |
|
Y compris de la CR |
5 296 |
2 502 |
26 192 |
32 981 |
66 971 |
2. Enregistés sous le No. 7 depuis le 27.9.99, dont: |
6 583 |
5 755 |
251 294 |
3 990 |
267 622 |
- envoyés aux TAC du SFM russe |
0 |
57 |
459 |
244 |
760 |
- envoyés au TSF du SFM russe |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
- laissés dans d'autres régions chez des A&P |
842 |
2 410 |
32 471 |
1 999 |
37 722 |
- rentrés en CR |
0 |
1 924 |
5 572 |
3 |
7 499 |
Abréviations: CR: République Tchétchène; RNO-Alanie: République d'Océtie du Nord-Alanie; TAC: centre d'hébergement temporaire du SFM de Russie; TSF: abri temporaire du SFM russe; A&P: amis et parents.
Annexe 5 à la réponse du Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie - Situation au 22 décembre 1999
Information sur la livraison de l'aide d'urgence dans les républiques du Nord-Caucase
Summarised data on delivery of emergency aid
to the republics of the North Caucasus
Sent (tons) |
Received (tons) |
|
Chechen Republic |
1390.48 |
1382.48 |
Republic of Ingushetia |
2900.69 |
2900.69 |
Republic of Dagestam |
2552.44 |
2482.44 |
Republic of North Ossetia-Alania |
43.80 |
|
Total: |
6857.41 |
6765.61 |
Note:
Delivery of cargo by road and rail:
On 19.12.99 1 400 beds (3 railway carriages from Novokuznetsk) were delivered to the station of Sleptsovskay from the Ministry of Emergencies of Russia.
On 19.12.99 41 railway carriages of cargo were delivered from Moscow to the station of Makhachkala: two modular schools, two modular medical and obstetric centres, 980 bathroom sets, 8 medical vehicles. Unloading and acceptance of shipments is under way (not shown in the table).
On 20.12.99 The Republic of Ingushetia received 25 tons of humanitarian aid (foodstuffs: 5 tons of fish products, 9 tons of flour, 6 tons of pasta, 6 tons of pearl barley) from the Republic of Kazakhstan (the Red Cross and the Red Crescent).
Delivery by air:
Redrafting of customs documents for humanitarian aid for the Chechen Republic from Iran is under way (29.5 tons of foodstuffs, 1.1 tons of soap, 2 000 blankets, 4 300 sets of underwear). More than 80% of shipment has been accepted.
On 20.12.99 40 tons of humanitarian aid were delivered from Iran to Dagestan by air (foodstuffs: 20 tons of flour, 10 tons of canned beans, 5 tons of canned meat, 3 tons of dates, 2 tons of tea). Customs clearance is under way.
Annexe 6 à la réponse du ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie - Situation au 15 décembre 1999
Information sur la distribution de l'aide humanitaire russe et étrangères aux personnes déplacées dans la région du Nord Caucase.
Annexe III
Lettre du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe au Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie en date du 27 janvier 2000
Monsieur le ministre,
Je me réfère au courrier que je vous ai adressé le 13 janvier 2000 concernant la demande que j'ai formulée en vertu de l'article 52 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, courrier dans lequel j'annonçais que je répondrais sur le fond après un examen détaillé de votre réponse.
J'apprécie les informations générales circonstanciées que vous présentez dans votre réponse sur les faits et les événements survenus concernant la Tchétchénie au cours de la période qui a précédé l'opération menée par les forces fédérales, ainsi que sur le lancement, la conduite et les résultats de cette opération et sur certaines de ses conséquences humanitaires.
Cependant, cette réponse ne fait référence à la Convention que d'une façon générale et sommaire. Elle ne contient pas d'explications appuyées sur la jurisprudence de la Cour sur la manière dont les dispositions de la Convention sont expliquées à l'heure actuelle. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, à défaut d'une communication au titre de l'article 15 de la Convention, les obligations de la Fédération de Russie en vertu de la Convention et de ses Protocoles Nos 1, 3 et 7 restent applicables dans leur entièreté à la Tchétchénie.
Je souhaiterais donc préciser ma demande en donnant quelques exemples illustrant la nature exacte des informations que nous souhaiterions obtenir.
Une obligation essentielle des Etats Parties qui soutend l'ensemble de la Convention est le respect du principe de la proportionnalité. Comme il ressort de la jurisprudence de la Cour, ce principe implique par exemple qu'en vertu de la Convention, il ne suffit pas que l'action d'un Etat vise un objectif légitime, même si cet objectif est le rétablissement de l'ordre public et le respect des droits de l'homme. Il faut qu'un juste équilibre soit assuré entre la fin et les moyens.
Si l'on se réfère à l'article 2 de la Convention (droit à la vie), cela signifie que le recours à la force doit être strictement proportionnel à la réalisation des objectifs énoncés aux alinéas 2.a, b et c, et qu'il peut être exigé d'un Etat qu'il prenne certaines mesures afin de «garantir» l'exercice effectif du droit à la vie. A cet égard, la Cour européenne des Droits de l'Homme a estimé que la responsabilité de l'Etat était également engagée s'il omettait de prendre toutes les précautions possibles dans le choix des moyens et des méthodes employés dans la conduite d'une opération de sécurité.
Je vous saurais gré, par conséquent, de bien vouloir me fournir des détails précis sur les précautions prises dans le choix des moyens et des méthodes mises en œuvre par les forces fédérales dans les opérations en Tchétchénie de manière à satisfaire aux obligations de la Russie au titre de l'article 2 de la Convention.
Autre exemple, je constate que votre réponse ne contient aucune explication quant à l'application de la Convention en ce qui concerne les droits des personnes privées de leur liberté, et en particulier sur l'application effective de l'article 3 de la Convention à l'égard des personnes détenues par les forces militaires et/ou les forces de l'ordre russes dans le contexte du conflit.
D'autre part, on peut lire que «les actions menées par les autorités russes au cours de l'opération antiterroriste en Tchétchénie sont fondées sur la législation russe», référence étant faite à la loi relative à la défense (1996), à la loi sur la lutte contre le terrorisme (1998) ainsi qu'à une décision de la Cour constitutionnelle (1995). J'apprécierais que vous me communiquiez copie de ces textes.
A cet égard, je soulignerais que l'argument du respect du droit interne peut être pris en compte par la Cour, mais que celle-ci a clairement déclaré à maintes occasions que ce respect ne suffisait pas à lui seul à justifier les actes ou les manquements d'Etats Parties.
De même, je souhaiterais savoir quelles mesures sont ou ont été prises pour faire en sorte que d'autres normes de la Convention (droit à un procès équitable, liberté de réunion et d'association, liberté de circulation par exemple) soient respectées dans la région du Caucase du Nord, en particulier en Tchétchénie.
J'espère être parvenu, aux moyens de ces exemples, à expliquer la nature des informations qui vous sont demandées: il doit s'agir d'explications détaillées, accompagnées de références précises aux dispositions pertinentes de la Convention et à la jurisprudence y afférente.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire parvenir ces explications avant le 27 février 2000.
Signé :
Walter Schwimmer.
Annexe IV
Lettre du Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, en date du 29 février 2000
Monsieur le Secrétaire Général,
En réponse à votre lettre du 27 janvier 2000, je souhaite vous communiquer les informations suivantes.
Comme le montrait ma lettre du 10 janvier, un régime de terreur et d’anarchie s’est instauré dans la République tchétchène de la Fédération de Russie à la suite des événements qui s’y sont produits depuis 1991, et plus particulièrement depuis 1996. Dans ces circonstances, il n’était pas question d’application des dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
Après avoir pris le pouvoir dans la République tchétchène de la Fédération de Russie, des terroristes locaux et internationaux ont tenté d’étendre cette zone d’arbitraire et de privation des droits de l'homme en attaquant les régions limitrophes du Daghestan en août 1999.
Dans ces circonstances, les autorités fédérales se sont vues contraintes de prendre des mesures énergiques en vue de rétablir les droits civils conformément à la Constitution de la Fédération de Russie et à ses obligations internationales, dont celles découlant de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
Pour atteindre ce but, les autorités prennent toutes les mesures nécessaires dans les zones libérées de la République tchétchène de la Fédération de Russie. Toutefois, vu la situation, les droits de l'homme ne peuvent pas encore être garantis dans leur totalité et dans toute leur étendue : la liberté de mouvement est encore limitée, un couvre-feu a été imposé dans certaines zones, des personnes sont détenues pour identification, des personnes ainsi que des locaux résidentiels et officiels sont fouillés, les élections à la Douma d’Etat de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie n’ont pu avoir lieu dans la République tchétchène. Cependant, les autorités fédérales font de leur mieux pour réduire au minimum les restrictions, qui doivent toutes être assouplies ou levées dès que possible.
Je vous rappelle par ailleurs que les forces de l’ordre se sont heurtées à la résistance armée organisée de terroristes au Daghestan, puis dans la République tchétchène de la Fédération de Russie, où des armements lourds ont été utilisés (chars d’assaut, batteries antiaériennes, fusées à têtes multiples, pièces d’artillerie de gros calibre). Ces activités se sont accompagnées, notamment à Moscou, Buinaksk et Volgodonsk, d’actes terroristes dirigés contre des civils innocents, qui ont fait plus de 1 500 victimes.
L’ampleur de cette résistance a contraint les autorités fédérales à recourir, au cours de l’opération antiterroriste, à des moyens proportionnés à la situation et en particulier à faire intervenir non seulement le personnel du Ministère de l’Intérieur (milice et troupes du Ministère de l’Intérieur), mais aussi les forces armées de la Fédération de Russie, ainsi qu’à engager les hostilités, ce qu’elles ont fait en tenant dûment compte des normes du droit humanitaire international.
Assurément, eu égard aux articles 2 et 15 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, nous n’avons à aucune étape de l’opération antiterroriste fait quoi que ce soit qui sorte du cadre des dispositions de la Convention.
Telle est la situation que nous avons décrite en détail dans notre réponse à votre première demande.
Dans ce contexte, il est permis de s’interroger sur le bien-fondé de l’affirmation selon laquelle « les obligations de la Fédération de Russie découlant de la Convention et de ses Protocoles 1, 4 et 7 demeurent intégralement applicables à la République tchétchène de la Fédération de Russie », puisque, de toute évidence, il s’agit de restaurer les droits de l'homme et de rétablir un espace juridique dans la République tchétchène de la Fédération. Cette même question fait d’ailleurs l’objet du paragraphe 4 de la Recommandation 1444 (2000) de l’Assemblée parlementaire.
D’autre part, je souhaite revenir sur les questions de nature juridique, qui semblent nécessiter un supplément d’explication.
La décision de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie du 31 juillet 1995, annexée à la présente lettre, peut éclairer quelques-unes de ces questions. Dans cette décision, il est notamment précisé qu’il ne découle pas de la Constitution de la Russie que, « dans des circonstances extraordinaires, le maintien de l'intégrité de l'Etat et de l'ordre constitutionnel puisse être assuré exclusivement par l’instauration de l'état d'urgence ou de la loi martiale ».
Je ne pense pas que vous mettiez en doute le caractère extraordinaire de la situation qui nous occupe.
D’autre part, compte tenu des sentiments qui règnent actuellement au sein de la société russe, les autorités du pays ont jugé préférable de ne pas proclamer officiellement l’état d’urgence, qui se serait traduit par des restrictions excessives aux droits de l'homme, en particulier dans le contexte des préparatifs des élections législatives.
A cet égard, nous ferons observer que l’article 15 de la Convention européenne n’exige pas que l’état d’urgence soit officiellement proclamé. Il dispose simplement qu’un Etat peut déroger à ses obligations découlant de la Convention « en cas de guerre ou en cas d'autre danger public menaçant la vie de la nation ».
L'article 15 de la Convention énonce que cette disposition n'autorise aucune dérogation à l'article 2, qui garantit le droit à la vie, « sauf pour le cas de décès résultant d'actes licites de guerre ». Aux termes de l'article 2, la mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article « dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire», y compris « pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale » et « pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ».
Bien entendu, la Fédération de Russie tient compte de toutes ces dispositions. Les mesures qui dérogent à nos obligations au titre de la Convention européenne des Droits de l'Homme en application de l’article 15 sont prises, comme le prévoit la Convention, « dans la stricte mesure où la situation l'exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international ».
Dans la décision susmentionnée, la Cour constitutionnelle rappelle que « les traités internationaux auxquels la Fédération de Russie est partie et qui, conformément à l'article 15, paragraphe 4, de la Constitution de la Fédération, font partie intégrante de son ordre juridique, prévoient la possibilité d'utiliser la force armée pour protéger l'unité nationale et l'intégrité du territoire de l'Etat. En prévision de pareilles situations, la communauté internationale a fixé, dans le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (Protocole II), des règles visant à protéger les victimes des conflits armés non internationaux ».
Assurément, les forces fédérales font tout leur possible pour limiter le nombre de victimes au sein de la population pacifique ainsi que la destruction d’installations civiles, et pour agir conformément aux documents susmentionnés.
La loi fédérale de 1996 relative à la défense et la loi fédérale de 1998 relative au statut du personnel militaire contiennent des dispositions concernant le respect des règles du droit humanitaire par le personnel militaire. Des articles pertinents du Code pénal de la Fédération de Russie prévoient des sanctions en cas de violation de ces règles.
Enfin, je ferai observer que les actions menées par les autorités russes dans la République tchétchène de la Fédération de Russie sont fondées sur la loi fédérale de 1996 relative à la défense, selon laquelle ce dernier terme doit s'entendre comme « un système de mesures politiques, économiques, militaires, sociales, juridiques et autres visant à préparer et à assurer la protection armée de la Fédération de Russie ainsi que l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire » ; cette loi définit en outre les pouvoirs des administrations publiques en cas de nécessité d’un recours aux forces armées. La loi fédérale de 1998 sur l’élimination du terrorisme contient une liste détaillée des mesures que peuvent prendre les autorités pour lutter contre les activités terroristes.
Ainsi que vous l’avez demandé, le texte des lois susmentionnées est reproduit en annexe à la présente lettre.*
Monsieur le Secrétaire Général,
Nous sommes convaincus de l’utilité de la correspondance que nous entretenons avec vous. Nous continuerons volontiers à vous fournir toutes les informations et explications nécessaires. Ce faisant, nous espérons que le Conseil de l'Europe tiendra dûment compte du caractère extraordinaire de la situation dans la République tchétchène de la Fédération de Russie, qui a contraint les autorités de la Fédération à choisir des moyens et des méthodes à la
hauteur des circonstances. Nous comptons également que le Conseil de l'Europe ne perdra pas de vue l’objectif des mesures que nous prenons, à savoir restaurer les droits de l'homme et les libertés fondamentales dans un Sujet de la Fédération de Russie. Nous espérons enfin que le Conseil de l'Europe évitera d’aborder de manière formelle et stéréotypée un problème dont le règlement est notre préoccupation commune.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de ma haute considération.
signé : I. Ivanov
Annexe V
Lettre du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe au Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie en date du 23 mars 2000
Monsieur le Ministre,
Je vous remercie de votre lettre en date du 29 février dans laquelle vous répondez à la deuxième lettre que je vous ai adressée au titre de l'article 52 de la Convention européenne des Droits de l'Homme le 27 janvier 2000.
Permettez-moi de souligner d'emblée que ma lettre ne portait pas sur les questions se rapportant au conflit en Tchétchénie et à la restauration de l'Etat de droit, de la démocratie et des droits de l'homme dans ce territoire qui font l'objet de discussions distinctes entre les divers organes du Conseil de l'Europe et la Fédération de Russie et sur lesquelles des progrès ont d'ores et déjà été accomplis.
Les lettres que j'ai adressées au Gouvernement russe pour lui demander des explications concernant l'application de la Convention en Tchétchénie, étaient fondées, permettez-moi de le rappeler sur l'article 52 de la Convention européenne des Droits de l'Homme qui autorise le Secrétaire Général à agir comme un organe de ladite Convention.
En outre, mes demandes ne portaient pas sur des points ressortissant à la forme ou la lettre du droit, mais sur de graves questions de fond se rapportant à l'exécution par la Fédération de Russie des obligations juridiques découlant de la Convention et de ses protocoles.
En conséquence, les questions essentielles ne sont pas les raisons avancées pour justifier l'intervention des forces fédérales en Tchétchénie, mais les modalités de cette intervention et les mesures prises pour faire respecter les droits de la Convention dans le contexte de cette intervention.
Malheureusement, votre réponse ne fournit pas d'explications sur ces points.
Le fait que les activités des forces armées de la Fédération de Russie visent prétendument à «restaurer les droits de l'homme» et à «rétablir un espace juridique dans la République tchétchène de la Fédération de Russie» n'a guère d'incidences sur les obligations de la Russie découlant de la Convention et de ses protocoles 1, 4 et 7: elles demeurent intégralement applicables.
Je souligne à nouveau qu'en vertu de la Convention, il ne suffit pas pour un Etat partie de poursuivre un but légitime comme «la restauration des droits de l'homme»: les moyens et les méthodes choisies pour atteindre ce but légitime doivent eux aussi être strictement conformes aux exigences de la Convention.
A cet égard, bien que votre lettre fasse une large place à l'article 15 de la Convention, permettez-moi de vous rappeler qu'en l'absence de toute communication, conformément à l'article 15, paragraphe 3, les obligations de la Russie découlant de la Convention et de ses Protocoles continuent d'être applicables dans leur intégralité sur le territoire tchétchène.
J'ajouterai au demeurant que ce fait n'a aucune incidence sur l'obligation de la Russie découlant de l'article 52 de la Convention.
Pour aider les autorités russes, j'ai donné, dans ma lettre du 27 janvier des exemples précis du type d'informations requises, mais aucun de ces points n'a été traité dans votre réponse.
De ce fait, les réponses reçues à ce jour ne peuvent pas être considérées comme satisfaisantes au titre de l'article 52 de la Convention.
En conséquence, je réitère ma demande et vous invite à fournir les explications requises. Je vous saurais gré de m'adresser votre réponse avant le 3 avril 2000.
Signé:
Walter SCHWIMMER
Annexe VI
Lettre du ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, en date du 31 mars 2000
Monsieur le Secrétaire Général,
En réponse à votre lettre en date du 23 mars 2000 et à la suite des lettres que je vous ai adressées les 10 janvier et 29 février 2000, j'aimerais vous communiquer certaines informations complémentaires et, comme vous le demandez instamment, informelles et non légalistes sur la situation relative aux droits de l'homme dans la République tchétchène de la Fédération de Russie.
Dans le contexte de l'article 52 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH), on peut affirmer non seulement tertium non datur, mais même qu'il n'y a pas de deuxième option disponible: le seul régime légal qui commence déjà à assurer et qui garantira ultérieurement l'application d'ensemble des normes de la CEDH dans la République tchétchène est le régime légal de la Fédération de Russie.
Il se fonde, comme vous le savez, sur les normes de la constitution de la Fédération de Russie, sur le corps de lois fédérales et sur les textes statutaires de la République tchétchène qui ne contredisent pas les premières, ainsi que sur les obligations internationales de la Russie, les décisions des tribunaux et instances responsables de l'exécution des lois, et sur la culture juridique tangible des représentants de l'Etat et de tous les citoyens de la Fédération de Russie.
C'est précisément la pleine restauration du régime légal de la Fédération de Russie sur le territoire de la République tchétchène qui permettra l'entière application des normes de la CEDH – et non l'inverse.
J'espère que vous conviendrez avec moi que ceux qui veulent de «mettre la charrue avant les bœufs» se trompent de bonne foi ou essaient délibérément d'induire leurs interlocuteurs en erreur.
C'est en effet faire preuve de naïveté, pour le moins, que de parler de la «stricte observation» des normes de la CEDH dans une société ruinée et sur un territoire soumis à la domination brutale de parrains mafieux qui résistent férocement à toute tentative pour rétablir la loi et l'ordre.
L'opération antiterroriste des forces fédérales dans la République tchétchène n'a pas seulement pour objectif proclamé d'y restaurer les droits de l'homme et d'en faire un espace de droit, elle poursuit réellement ce but, et aucun autre. Elle n'a jamais eu d'autres fins que celles qui ont été mentionnées à plusieurs reprises par les dirigeants de la Fédération de Russie et que je vous ai indiquées dans mes lettres. Elle n'a jamais été dirigée contre la population tchétchène, ni contre des Etats étrangers ou contre l'Islam.
Quant aux méthodes que nous avons du choisir, que nous avons été contraints – je le souligne – de choisir pour combattre les forces considérables et bien organisées qui s'opposaient à la Fédération par la terreur et l'illégalité, je voudrais le faire valoir une fois encore – ces méthodes, tout comme l'objectif poursuivi, sont absolument légitimes. J'ose espérer que notre combat juste et efficace contre ces forces ne suscite en vous et, ainsi qu'il l'a été dit à plusieurs reprises lors des sessions du Comité des Ministres et de l'Assemblée parlementaire, au sein du Conseil de l'Europe dans son ensemble, aucun autre sentiment que celui de la solidarité démocratique avec les autorités russes et du soutien à leurs efforts.
Vous aurez compris à la lecture de mes lettres que les opérations comportant le recours à la force nous ont été imposées et que nous ne sommes pas à blâmer s'il s'est révélé impossible de résoudre le problème pacifiquement. Les forces qui ont terrorisé la population de la République tchétchène ces dernières années ont refusé d'entendre raison et sont demeurées sourdes aux appels des notables, des chefs religieux, des autorités fédérales et des dirigeants les plus responsables des Etats étrangers et des organisations internationales. Elles se sont obstinées et continuent à s'obstiner dans une résistance armée aux autorités fédérales russes. En même temps, elles ont violé grossièrement et à maintes reprises toutes les règles de conduite morales et juridiques applicables à des populations civiles, en utilisant souvent des civils comme boucliers humains.
J'aimerais vous informer une fois encore que les autorités russes compétentes prennent toutes les mesures prévues par la législation pour mener des enquêtes sur tous les délits et sanctionner les coupables conformément aux procédures juridiques en vigueur. Nous sommes intransigeants sur ce point. La réaction des autorités russes à l'infraction pénale commise récemment en Tchétchénie par le Colonel Yu. D. Budanov est la démonstration claire de cette attitude intraitable.
La phase des opérations qui implique le recours aux forces armées dans la République tchétchène est proche de son achèvement. Dans l'avenir immédiat, nous devrons créer les conditions préalables à un règlement politique stable et démocratique des difficultés de la République tchétchène, conformément à la Constitution de la Fédération de Russie. Tel est précisément le but des efforts du Président, du Gouvernement, de l'Assemblée fédérale et de toutes les autres instances publiques de la Fédération de Russie.
Dans ce contexte, nous apprécions vivement le fait que le Conseil de l'Europe se soit montré prêt à envoyer des experts et à participer au mieux aux activités de l'Office du représentant spécial du Président de la Fédération de Russie pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la République tchétchène, M. V.A. Kalamanov.
Nous sommes également reconnaissants au Conseil de l'Europe de son désir sincère de soutenir la Fédération de Russie dans ses efforts pour restaurer la stabilité, la démocratie et les droits de l'homme dans la République tchétchène, par l'organisation de plusieurs séminaires et autres activités tendant à la réhabilitation de cette République.
Les informations complémentaires que vous demandez sont également disponibles dans le mémorandum de la Délégation de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe intitulé «Situation dans la République tchétchène», en date du 28 mars 2000, concernant la mise en œuvre de la Recommandation 1444 (2000) de l'APCE et transmis au Président de l'Assemblée parlementaire, Lord Russel-Johnston, par le Chef de la délégation russe à l'APCE, M. Dmitri O. Rogozine.
J'espère, M. le Secrétaire Général, que mes trois lettres, ainsi que le mémorandum précité et le tissu des interactions entre la Russie et le Conseil de l'Europe vous permettront d'obtenir (sous réserve, bien entendu, d'une approche responsable et impartiale de la question) des informations suffisantes, en application de l'article 52 de la CEDH, sur la manière dont le droit interne et les mesures prises par la Fédération de Russie pour le règlement des difficultés dans la République tchétchène assurent la mise en œuvre effective des dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
Veuillez agréer, M. le Secrétaire Général, l'assurance de ma considération.
Signé :
Igor S. IVANOV
Annexe VII
Lettre du Président de la délégation de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie au Président de l’Assemblée parlementaire, en date du 28 mars 2000
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joint le mémoire de la délégation de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie à l’attention de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au sujet de l’application de la Recommandation 1444 (2000) relative au conflit en Tchétchénie.
Signé :
Dimitri Rogozine
Traduction officieuse
SITUATION EN RÉPUBLIQUE TCHÉTCHÈNE
Mémoire de la Délégation de l’Assemblée fédérale de Russie à l’attention de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au sujet de l’application de la Recommandation 1444 (2000)
Les deux Chambres de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie ont examiné avec soin la Recommandation 1444 (2000) relative au conflit en Tchétchénie.
L’élimination d’une source dangereuse de terrorisme, la restauration des institutions démocratiques et de l’État de droit ainsi que la garantie du respect des droits de l'homme en République tchétchène sont des tâches prioritaires aux yeux de l’Assemblée fédérale.
Cette question a été examinée le 11 février lors d’une réunion spéciale de la Douma d’État à laquelle ont pris part également N.P. Kochman, Vice-Président du gouvernement de la Fédération de Russie et Représentant plénipotentiaire de celui-ci en République tchétchène, I.D. Sergueïev, Ministre de la Défense, et V.B. Rouchaïlo, Ministre de l’Intérieur. Au cours de la réunion, les représentants de tous les partis politiques ont exposé leur point de vue sur la situation dans la région et formulé des recommandations pour y hâter la normalisation.
La Douma d’État a décidé de créer deux groupes interpartites de députés chargés d’examiner, l’un les conditions de service du personnel militaire engagé dans les opérations antiterroristes, l’autre la situation sociale et économique en République tchétchène. Les membres de ces groupes se sont rendus en République tchétchène et dans d’autres parties du Caucase du Nord en février et en mars. La Douma d’État a discuté en séance plénière des résultats de ces visites et des propositions formulées ensuite par les députés.
Le 25 février 2000, la Douma d’État a amendé sa résolution sur la procédure d’octroi de l’amnistie aux personnes ayant commis des actes socialement dangereux lors des opérations antiterroristes dans le Caucase du Nord, en repoussant le délai d’amnistie au 15 mai 2000. Cette mesure était motivée par la volonté de réduire le nombre des victimes à un minimum, y compris dans la population civile, ainsi que de faciliter et de hâter le règlement de la situation par des moyens pacifiques.
S’appuyant sur les conclusions de la Commission ad hoc de l’APCE qui s’était rendue dans la région, la délégation de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie auprès de l’APCE a écrit à V.V. Poutine, alors Président par intérim de la Fédération de Russie, une lettre énonçant des propositions précises dont le but était d’assurer le respect des droits de l'homme en République tchétchène et d’y fournir une assistance à la population. M. Poutine a approuvé ces propositions et a donné des instructions en conséquence aux organes exécutifs.
Il a été décidé de créer une Commission interpartite de la Douma d’État sur les droits de l'homme, les personnes déplacées et la normalisation de la situation sociale, politique et économique en République tchétchène. Le mandat de cette commission comprend l’analyse d’informations, l’élaboration de projets de loi visant à faciliter la normalisation de la situation et la protection des droits de l'homme en République tchétchène, ainsi qu’une participation à la résolution des problèmes pratiques que soulève l’assistance des populations affectées par le conflit.
Tous les membres de l’Assemblée fédérale sont conscients que la République tchétchène traverse une période tragique, la raison en étant que le pouvoir y a été confisqué par un régime criminel coupable de violations massives des droits de l'homme, y compris des meurtres, des exécutions publiques, des enlèvements et des actes terroristes commis sur le territoire de la Russie. Les autorités fédérales partagent, il est vrai, la responsabilité de la situation anormale qui a régné en République tchétchène entre 1996 et 1999, car elles n’ont pas pris en temps utile les mesures appropriées pour amener celle-ci à réintégrer l’espace juridique de la Fédération de Russie.
Après l’agression terroriste contre le Daghestan et la destruction à l’explosif d’immeubles d’habitation à Moscou comme dans d’autres villes de la Fédération de Russie, les autorités fédérales ont été contraintes de recourir à des mesures extrêmes nécessitant l’emploi de la force militaire contre les groupes de bandits, ce qui ne va évidemment jamais sans entraîner des violations et des restrictions des droits des citoyens. Les députés de la Douma d’État partagent les préoccupations des membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au sujet de la situation complexe qui règne dans la région du Caucase du Nord. Nous faisons nôtres et appliquons du reste dans une large mesure beaucoup de dispositions de la Recommandation 1444 (2000).
Par contre, nous ne sommes pas d’accord avec certaines évaluations et suggestions de ce texte, qui nous semblent avoir résulté d’un manque d’informations fiables sur la progression des opérations antiterroristes et les mesures prises par la partie russe. Il faut bien voir aussi qu’aucune des exigences du paragraphe 11 de la Recommandation 1444 (2000) adressées à la « partie tchétchène » (d’après le libellé du document) n’a été prise en considération par cette dernière.
En dépit de l’amnistie déclarée par la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, les terroristes n’ont instauré aucun cessez-le-feu, et pas un seul otage n’a été libéré à l’initiative des « représentants élus tchétchènes » ; selon les informations dont on dispose à l’heure actuelle, 875 personnes restent détenues en otages.
Les groupes de bandits n’ont mis fin ni à leurs actes de terrorisme, ni à leurs exactions. Chaque jour, leurs membres ouvrent le feu sur les points de contrôle des troupes russes et des autorités provisoires, minent les routes et les voies ferrées et organisent des provocations contre la population civile, allant jusqu’à faire usage de leurs armes dans les villes et les villages. On a eu vent de menaces persistantes dont il ressort que les combattants tchétchènes ont l’intention de commettre des actes de terrorisme en Russie même, y compris contre des hauts fonctionnaires et des installations nucléaires.
L’Assemblée fédérale n’a connaissance d’aucun cas de poursuites judiciaires lancées par le régime Maskhadov contre des personnes accusées d’avoir commis des actes de terrorisme et de violence.
Dans son approche du règlement de la situation en République tchétchène, l’Assemblée fédérale part du principe que cette république est un sujet de la Fédération de Russie et que ses citoyens de toutes nationalités sont donc ressortissants russes. En aucun cas nous ne considérons le conflit comme interethnique ou religieux, et nous entendons bien que les droits de toutes les personnes résidant en République tchétchène soient respectés, quelles que soient l’origine ethnique et la religion des intéressés. La situation ne pourra se régler politiquement que sur la base de la Constitution de la Fédération de Russie, ainsi que du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’État.
On trouvera ci-après un commentaire plus détaillé des mesures prises par la partie russe en vue d’appliquer le paragraphe 16 de la Recommandation 1444 (2000), qui est ainsi rédigé :
i. «d’instaurer un cessez-le-feu complet et immédiat, en particulier, d’arrêter immédiatement toutes les actions militaires inconsidérées et disproportionnées en Tchétchénie, y compris l’utilisation de jeunes conscrits, et de cesser toute attaque contre la population civile ; »
Un cessez-le-feu complet implique aussi que de leur côté, les groupes terroristes observent le cessez-le-feu et mettent fin à leurs opérations militaires. En janvier 2000, pendant les congés religieux musulmans, les forces fédérales avaient instauré un cessez-le-feu unilatéral. Or, les groupes de bandits ont réagi à cette manifestation de bonne volonté en essayant d’intensifier les hostilités, ce qui a fait de nouvelles victimes parmi les troupes prenant part aux opérations antiterroristes comme au sein de la population civile. Les terroristes se sont aussi livrés à plusieurs graves provocations après l’adoption de la Recommandation 1444 de l’APCE. C’est ainsi que les troupes russes ont subi de lourdes pertes à Grozny et près d’Oulous-Kert.
Lors des opérations de rétablissement de l’ordre constitutionnel qui avaient eu lieu en République tchétchène entre 1994 et 1996, la Russie avait déclaré un cessez-le-feu unilatéral en plusieurs occasions. Malheureusement, cela permettait souvent aux bandits de se regrouper et de reprendre les positions qu’ils avaient perdues, d’où de nouvelles morts inutiles. Dans le cadre de l’amnistie annoncée, les membres des groupes de bandits n’ayant pas commis de
crimes particulièrement graves peuvent être exemptés de toute sanction s’ils déposent volontairement les armes. Des groupes isolés de combattants - plusieurs centaines au total - ont saisi cette occasion. Naturellement, la force militaire n’était pas utilisée contre ces individus lorsqu’ils se déclaraient prêts à déposer les armes.
Néanmoins, environ trois mille combattants, dont plus de sept-cents mercenaires, opposent toujours une résistance féroce aux troupes fédérales dans les régions montagneuses du sud de la Tchétchénie. De plus, environ deux mille membres des groupes terroristes sont retournés, déguisés en civils, dans les zones libérées pour s’y livrer à des provocations armées. Ce sont ces actions des éléments « intransigeants » qui empêchent l’institution rapide d’un cessez-le-feu et l’interruption de la phase militaire de l’opération antiterroriste.
Les deux chambres de l’Assemblée fédérale considèrent que la nature et l’ampleur de l’opération antiterroriste étaient proportionnées à la menace que représentaient les bandits retranchés en République de Tchétchénie. Au début de l’opération, les combattants étaient au nombre de vingt-cinq mille et possédaient non seulement du petit armement, mais aussi de l’armement lourd et perfectionné. Toute la lumière a été faite sur cette question au paragraphe 17 de la lettre dans laquelle I.S. Ivanov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, répondait à la demande formulée par W. Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, conformément à ce que prévoit l’Article 52 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, réponse portée à l’attention des membres de l’APCE lors de la session de janvier.
Les comptes rendus des médias faisant état de l’emploi en Tchétchénie soit de bombes contenant un mélange air-combustible, soit d’autres armes prohibées par les conventions internationales ne correspondent pas à la réalité.
Le ministre de la Défense de la Fédération de Russie, Commandant des forces fédérales unies dans le Caucase du Nord a donné à plusieurs reprises l'ordre de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter de causer un préjudice ou des dommages à la population civile, notamment lors des opérations militaires dans les zones d'habitation (dans les lieux habités). Les cibles des frappes ont été préalablement identifiées par des moyens de reconnaissance utilisant notamment les technologies modernes. Les résultats ont fait l'objet d'une vérification approfondie. Des groupes terroristes ont opposé une résistance des plus féroces dans dix zones de peuplement de la République: à Grozny, dans les villages de Komsomolskoïe, Serjhen-Iourt, Douba-Iourt, Oulous-Kert, Itoum-Kale, Alkhan-Iourt, Alkhan-Kala, Katyr-Iourt, et dans l'agglomération de Tchernoretchié, qui ont tous subi de graves dommages au cours de leur libération. Malheureusement, on ne pouvait ni exclure totalement le risque de faire des victimes parmi les populations civiles, ni éviter les destructions. L'Assemblée fédérale et le Gouvernement de la Fédération de Russie comptent prendre des mesures pour aider les familles qui ont été durement éprouvées lors des opérations. Cela étant, la libération d'environ 80 % des zones de peuplement, et notamment de 4 des 5 villes s'est faite sans recours à la force armée.
Les services du Procureur militaire vérifiant la conformité aux normes du droit humanitaire international, dans la réglementation des activités des troupes dans la République de Tchétchénie. En février 2000, le Procureur militaire en chef, accompagné de représentants du Comité international de la Croix-Rouge dans le district militaire du Caucase du Nord a
organisé un séminaire spécial centré sur l'application du droit des conflits militaires, et notamment sur la protection de la population civile, des prisonniers de guerre et des blessés. Des Procureurs militaires contrôlant l'application de la loi dans les forces unies du Caucase du Nord ont également participé au séminaire.
Les soldats et sous-officiers en poste dans les forces militaires unies dans le Caucase du Nord sont, pour 61 % d'entre eux, des conscrits, 39 % servent sous contrat. Dès le début de 1999, après les critiques émises par l'opinion publique russe et le Parlement, le ministre de la Défense de la Fédération de Russie a interdit, par décret, l'utilisation de jeunes conscrits (servant depuis moins de six mois) dans des opérations militaires en général, y compris, bien sûr, en République tchétchène. Les cas isolés de violation de ce décret qui ont été signalés à des organisations non gouvernementales, parmi lesquelles l'Union des comités des mères de soldats de la Russie et à des membres du Parlement font l'objet d'investigations approfondies. Le Groupe pluripartite susmentionné de la Douma d'Etat participe à ces travaux.
ii. «D'entamer immédiatement un dialogue politique sans conditions préalables, avec les autorités tchétchènes élues, dans le but d'assurer un cessez-le-feu complet et de parvenir à une solution politique globale du conflit…»
Les dirigeants russes ont répété à maintes reprises qu'une solution globale durable à la situation en Tchétchénie ne pouvait être obtenue que par des moyens politiques. Cette question sera traitée par étapes, point par point, en prenant en compte les intérêts de la population tchétchène, tout en préservant l'intégrité territoriale et l'ordre constitutionnel de la Fédération de Russie.
Un dialogue intensif sans conditions préalables, avec des interlocuteurs dignes de confiance soutenus par la population locale en vue de négociations est d'ores et déjà en cours. Des administrations provisoires s'organisent de l'intérieur, au sein de la population locale pour réhabiliter les structures de survie dans les territoires libérés des groupes de bandits. Les chefs des districts administratifs de la République tchétchène ont rencontré en mars 2000 au Kremlin V. Poutine, Président par intérim de la Fédération de Russie, M. Kochman, Vice-président du Gouvernement de la Fédération de Russie et Représentant plénipotentiaire du Gouvernement de la Fédération de Russie, S. Choïgou, Vice-président du Gouvernement, et A. Blokhine, ministre de la Fédération et des nationalités, se réunissent régulièrement avec les représentants autorisés de la Communauté tchétchène, y compris les dignitaires musulmans.
Ces actions s'inscrivent dans le cadre du processus de préparation de la prochaine étape de la normalisation de la situation en Tchétchénie, c'est-à-dire les élections aux collectivités territoriales, puis au Parlement de la République de Tchétchénie. Après les élections, selon l'Assemblée fédérale, il sera nécessaire d'engager les négociations avec les dirigeants nouvellement élus de la Tchétchénie sur le statut de la République au sein de la Fédération de Russie. Ceci constituera la phase finale du processus pacifique.
Le Gouvernement de la Fédération de Russie, dans sa déclaration d'octobre 1999, a confirmé sa volonté de négocier avec les milieux tchétchènes résolus à observer la constitution de la Fédération de Russie, à respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Russie, à
condamner le terrorisme dans toutes ses manifestations, à désarmer les unités illégales et à livrer aux organes fédéraux les auteurs d'actes de terrorisme, d'enlèvements et d'actes de banditisme. La République tchétchène, en la personne de Maskhadov, ne s'est pas conformée à ces exigences.
A. Maskhadov, qui était au pouvoir en Tchétchénie de 1996 à 1999, aurait pu alors prendre des mesures pour écraser le terrorisme, normaliser la situation dans la République tchétchène et entamer un dialogue avec les organes fédéraux. Malheureusement, il n'a pas eu le courage de se séparer des terroristes et il s'est fait leur complice. Aujourd'hui, nous disposons d'informations fiables établissant le rôle joué par Maskhadov dans les violations systématiques des droits de l'homme dans la République tchétchène et sa collaboration avec des groupes de bandits.
Engager des négociations avec des terroristes et des bandits responsables de la mort de centaines de civils et de soldats en service est impossible. Telle est la position de principe des membres du Parlement de la Russie: elle est d'ailleurs conforme à la pratique mondiale. Nous ne pouvons parler en l'occurrence que de l'élimination des seigneurs de la guerre, de leur capture ou de leur soumission pour les livrer à la justice.
iii. «De permettre aux personnes qui veulent quitter la Tchétchénie de le faire en toute sécurité et dignité, quel que soit leur âge ou leur sexe, et de veiller à ce qu'elles reçoivent par la suite une protection et un soutien approprié;»
Durant toute la période de l'opération antiterroriste, le Gouvernement de la Fédération de Russie n'a ni adopté de Résolutions, ni pris de mesures de nature discriminatoire qui restreindraient le droit des Tchétchènes ou de représentants d'autres peuples vivant en République tchétchène de quitter la Tchétchénie et de choisir librement un autre lieu de séjour ou de résidence dans un autre territoire de la Russie.
Les contrôles effectués aux postes de contrôle sont adaptés à la situation du moment, dictés par les circonstances et fondés sur les informations fiables dont on dispose concernant les tentatives des terroristes d'échapper à la justice en se faisant passer pour des réfugiés dans les territoires limitrophes de la République tchétchène ou de fuir à l'étranger.
L'ordre donné par l'officier responsable du poste de contrôle «Khavkaz-1» d'empêcher les Tchétchènes de sexe masculin, âgés de 10 à 60 ans, de franchir la frontière de la Tchétchénie a été considéré comme illégal et révoqué. L'interdiction faite aux véhicules et aux personnes de passer par les postes de contrôle durant les élections présidentielles en Fédération de Russie a été de courte durée et n'était imposée que par la nécessité d'assurer la sécurité en raison des menaces des rebelles de saboter les élections dans la République tchétchène et dans les régions voisines.
A la date du 23 mars 2000, le Service fédéral des migrations de la Russie (SFM) avait enregistré depuis septembre 1999 environ 300 000 arrivées de la République tchétchène. Dans la République tchétchène proprement dite, le SFM a enregistré 159 133 personnes. Aujourd'hui, les personnes en provenance de la Tchétchénie accueillies dans les républiques et régions voisines se répartissent comme suit: la République d'Ingouchie a accueilli 171 697
personnes dont 44 836 ont été hébergées dans des structures d'accueil temporaire et plus de 127 000 chez des particuliers; la République d'Ossétie-du-Nord – Alanya – a accueilli 2 544 personnes dont 50 ont été hébergées dans des structures d'accueil temporaire; la République du Daguestan a accueilli 5 986 personnes dont 210 ont été hébergées dans des structures d'accueil temporaire. La région de Stavropol a hébergé 2 977 personnes.
Plus de 60 000 personnes ont quitté la Tchétchénie pour d'autres sujets de la Fédération de Russie où elles séjournent dans les Centres du SFM de Russie ou chez des parents ou des amis. Sur le nombre total de personnes déplacées enregistrées, environ 64 000 sont retournées directement en République tchétchène.
L'aide aux personnes déplacées comprend l'offre d'un hébergement temporaire, la fourniture d'un lit et de nourriture ainsi que services médicaux et sanitaires. 332 700 000 roubles ont été affectés à ces fins, pris sur les réserves gouvernementales et les fonds du programme fédéral des migrations, 217,7 millions de roubles ont d'ores et déjà été transférés à la République d'Ingouchie et 46,7 millions de roubles à la République tchétchène.
Afin d'obtenir toutes les informations requises sur les civils concernés, le service fédéral des migrations met en place une base de données commune pour les enregistrements sur le territoire de la République tchétchène, la République d'Ingouchie et d'autres sujets de la Fédération de Russie limitrophes de la République tchétchène. Ces informations serviront à déterminer le nombre de personnes disposées à retourner chez elles et celles souhaitant rester en République d'Ingouchie ou dans d'autres sujets de la Fédération de Russie et à déterminer le montant des fonds nécessaires pour réparer (reconstruire) les maisons, offrir des structures supplémentaires d'accueil temporaire et verser des allocations sociales.
Cela étant, les parlementaires qui ont visité des structures d'accueil temporaire estiment nécessaire de renforcer les mesures destinées à protéger les droits des réfugiés. Ceci concerne l'activation de l'établissement des documents nécessaires, notamment des passeports et la qualité des logements, de la nourriture et des prestations médicales. Le Gouvernement tarde parfois à réagir aux situations nouvelles. Il n'a, par exemple, pas été pris de décision quant à la méthode d'indemnisation pour les maisons détruites, et le dispositif de paiement de pensions et autres prestations sociales aux citoyens séjournant dans des structures d'accueil temporaire n'a pas été réglementé dans toute la mesure requise.
La Prokuratura et les administrations responsables des affaires intérieures veillent dans toute la mesure du possible au maintien de l'ordre dans les lieux d'hébergement des réfugiés. Des plaintes ont été enregistrées concernant 24 crimes contre des citoyens de la République de Tchétchénie qui ont temporairement quitté leur lieu de résidence habituel et vivent actuellement en République d'Ingouchie. Certains de ces crimes font déjà l'objet de poursuites, les enquêtes se poursuivent dans les autres affaires, et des dispositions ont été prises pour trouver et arrêter les responsables.
iv. "De s’abstenir de tout rapatriement forcé en Tchétchénie"
Ni l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, ni le Ministère des situations d'urgence, ni le Service fédéral des migrations, ni même le Représentant spécial du Président chargé de la protection des droits de l'homme en République de Tchétchénie n'ont des informations concrètes sur des rapatriements forcés en Tchétchénie. Il existe des informations non confirmées relatives à des wagons de chemin de fer en partance pour la gare de Sernovodskaïa, à la frontière entre la Tchétchénie et l'Ingouchie. Ces informations sont en cours de vérification.
Près de 54.000 personnes déplacées sont retournées en République de Tchétchénie depuis janvier 2000.
Dans la plupart des cas, comme les membres de la délégation de l'APCE ont pu le constater, les réfugiés se plaignent du retard dans la délivrance des permis de retour à leur lieu de résidence habituel en République de Tchétchénie. Ces retards sont imputables à la nécessité de garantir leur sécurité et de préparer les infrastructures nécessaires au retour de la population en Tchétchénie.
v. "De respecter scrupuleusement les droits de l’homme fondamentaux de la population civile dans les territoires de la Tchétchénie sous son contrôle, en particulier en ce qui concerne les violations des droits de l’homme et les harcèlements commis par les forces militaires et de police"
Le but des opérations antiterroristes des forces fédérales est précisément de rétablir la loi et l'ordre en République de Tchétchénie, de créer les conditions propices au respect scrupuleux des droits de l'homme, et de permettre à la Tchétchénie de sortir de la zone soumise à l'application de la charia pour retourner dans l'espace juridique russe, où la Convention européenne des droits de l'homme est notamment en vigueur.
La délégation de la Prokuratura générale de la Fédération de Russie et la Prokuratura de la République de Tchétchénie, créées en février de cette année, sont désormais opérationnelles sur le terrain, où elles surveillent le respect des lois sur le territoire de la République de Tchétchénie.
L'Institut du Représentant spécial du Président de la Fédération de Russie chargé de la protection des droits de l'homme et des libertés des habitants de la République de Tchétchénie a été fondé dans le but de surveiller le respect des droits de l'homme et de prévenir les violations de ces derniers.
Il est un fait que quelques violations de la loi ont été commises par les forces antiterroristes. La Prokuratura générale et la Prokuratura militaire principale étudient actuellement des plaintes de citoyens et d'organisations russes et internationales de défense des droits de l'homme en rapport avec les crimes présumés dont sont accusés des membres des forces militaires et de police.
Des poursuites pénales ont été engagées à propos du meurtre de plus de 20 habitants du village d'Aldi, le 5 février 2000. L'enquête est actuellement menée par la Prokuratura de la ville de Grozny.
Par ailleurs, une enquête a été ouverte suite aux rapports de Human Rights Watch faisant état de la mort de civils dans les quartiers d'Alkhan-Iourt et de Staropromyslovski, à Grozny.
La Prokuratura militaire pour le territoire de la République de Tchétchénie compte plus de 50 procureurs/enquêteurs. Depuis le début des opérations antiterroristes, les services militaires d'inculpation ont enquêté sur plus de 300 affaires criminelles relatives à des crimes avérés commis par des soldats, dont 8 contre la population locale. A ce jour, 3 de ces affaires ont été classées en raison de l'amnistie ou faute de corpus delicti. L'enquête continue dans les autres dossiers.
Parfois, ce sont des actions parfaitement légales que les forces de maintien de l'ordre entreprennent parce qu'elles y sont contraintes, et notamment l'arrestation de personnes soupçonnées d'être personnellement impliquées dans des activités de banditisme ou d'autres crimes, qui sont interprétées à tort comme des violations des droits de l'homme. Les personnes ainsi arrêtées sont envoyées au centre de détention provisoire de Tchernokozovo. Le 24 mars, 84 personnes étaient détenues dans le centre de Tchernokozovo (toutes en vertu de l'Article 90 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie). Depuis sa création, 905 personnes y ont été détenues, dont 472 ont été libérées à l'issue d'une procédure d'identification, 8 ont été libérées en vertu de l'amnistie, et 341 ont été transférées vers des centres de détention provisoire d'autres sujets de la Fédération de Russie.
En République de Tchétchénie, la liberté de mouvement est actuellement restreinte pour des raisons de sécurité. Les membres de l'Assemblée fédérale considèrent comme un très grave problèmes la difficulté actuelle de fournir aux détenus l'assistance juridique à laquelle ils ont droit en vertu des lois en vigueur. Cette situation résulte entre autres de la nécessité de garantir la sécurité personnelle des avocats en République de Tchétchénie.
Nous considérons que le respect des droits sociaux de la population de la République tchétchène est important. Ainsi, 209 écoles ont rouvert dans les zones libérées, 6531 enseignants y assurent les cours et 77.000 élèves y étudient; 44 hôpitaux ont été remis en service, 3000 médecins travaillent en permanence. Le versement des salaires, des pensions et des prestations sociales a repris. A Grozny, six points de ravitaillement fixes et onze unités de ravitaillement mobiles fournissent quotidiennement des repas chauds à près de 23.000 personnes. La remise en état des réseaux d'alimentation en électricité et en gaz, des chemins de fer et des routes, ainsi que des équipements de vie des agglomérations est en cours.
Une Commission pour le retour à la stabilité sociale et économique en République de Tchétchénie a été mise en place. Elle a préparé un projet de programme de mesures destinées à garantir le fonctionnement normal de la vie économique et sociale dans la République tchétchène, qui s'inscrira dans le cadre d'un programme régional de la Fédération pour le Caucase du nord.
Le gouvernement s'est organisé pour offrir à la population de la République de Tchétchénie la possibilité d'exercer son droit de participer à l'élection du Président de la Fédération de Russie, le 26 mars 2000.
vi. "De permettre l’acheminement libre de l’aide humanitaire internationale et l’action efficace des organisations humanitaires gouvernementales et non gouvernementales internationales dans la région"
D'après les informations dont dispose l'Assemblée fédérale, il n'y a pas eu un seul incident où des organisations étrangères se soient vues refuser le droit d'acheminer de l'aide humanitaire. L'Etat organise une aide humanitaire à partir du budget fédéral et des sujets de la Fédération. Une aide considérable est fournie par les agences d'aide humanitaire des Nations Unies (HCR, PAM, UNICEF et OMS), par le Comité international de la Croix-Rouge et par plusieurs pays étrangers. Plus de 20 ONG du domaine de l'aide humanitaire internationale et des droits de l'homme sont également actives dans le Caucase du nord. Des pays et organisations étrangers ont acheminé 11.000 tonnes d'aide humanitaire dans le Caucase du nord. Globalement, l'aide apportée par la Russie représente 53,5 pour cent du volume total, et celle de la communauté internationale 46,5 pour cent, et 80 pour cent de l'aide internationale est distribuée par les agences des NU. La Fédération de Russie prend à sa charge les frais de réception, de déchargement, de stockage temporaire et de distribution de l'aide aux bénéficiaires finaux.
Les conditions d'acheminement de l'aide humanitaire internationale sont réglementées par la législation russe, et notamment par la Loi fédérale sur l'aide gratuite à la Fédération de Russie, et par les Amendements aux textes législatifs de la Fédération de Russie relatifs au versement de droits sur les versements aux fonds extrabudgétaires nationaux liés à l'offre d'aide gratuite à la Fédération de Russie, adoptés par le Parlement en mai 1999. La loi réglemente les procédures de traitement de l'aide humanitaire étrangère, et ne porte pas atteinte aux droits des donateurs étrangers en matière de nomenclature, de volume et de destinataires finaux. La réglementation porte sur deux aspects. Le ministère russe des Situations d'urgence et de l'assistance en cas de catastrophes se charge de réceptionner l'aide humanitaire étrangère destinée au Caucase du nord. Les centres mandatés pour réceptionner l'aide humanitaire venant de l'étranger sont premièrement Vladikavkaz (Ordjonikidze) et deuxièmement Makhatchkala. D'après le HCR, la Russie a fait une utilisation efficace de l'aide humanitaire internationale. Des efforts sont actuellement entrepris afin d'intensifier l'assistance humanitaire internationale sur le territoire de la République de Tchétchénie. En mars, des représentants du ministère russe des Situations d'urgence et de l'assistance en cas de catastrophes ont signé avec le Représentant spécial du Secrétaire général des NU un document de travail sur les procédures d'organisation de l'aide humanitaire dans la région. Le HCR a envoyé de l'aide humanitaire à Grozny.
vii. «D'assurer le libre accès des médias russes et internationaux».
De l'avis de l'Assemblée fédérale, les possibilités dont disposent les médias de se rendre dans cette région et d'y couvrir la situation sont suffisantes. En témoigne, notamment, le nombre important de comptes rendus provenant de Tchétchénie et parus dans la presse écrite ou télévisuelle russe et internationale. La base juridique sur laquelle s'appuie l'adoption de mesures régissant les activités des médias est constituée par la loi relative à la lutte contre le terrorisme. C'est celle-ci qui a été utilisée pour définir, d'une part, les règles d'accréditation des
médias dans la zone d'opérations anti-terroristes et, d'autre part, les procédures organisant les visites en République de Tchétchénie ainsi que les activités des médias dans cette dernière. En application de ces règles, les représentants des médias doivent obtenir une accréditation particulière pour pouvoir accomplir leur mission dans la zone d'opérations et ne peuvent s'y déplacer qu'accompagnés et sous protection.
Au 22 mars 2000, 875 journalistes russes et étrangers, dont 460 représentants des médias internationaux et 415 représentants des médias russes, avaient obtenu l'accréditation nécessaire. Aucun journaliste russe ou étranger ne s'est vu refuser cette accréditation.
Au cours de l'opération anti-terroriste, plus de 550 journalistes étrangers se sont rendus, pour certains à plusieurs reprises, dans le Caucase du Nord. De nombreux journalistes étrangers résident actuellement à Mozdok et circulent dans la région en même temps que les groupes venus de Moscou. Des journalistes russes et étrangers accompagnent les responsables russes ainsi que les délégations étrangères se rendant en République de Tchétchénie. La délégation de l'APCE était ainsi accompagnée par quatre journalistes étrangers et deux journalistes russes. Les précautions dont sont entourés les journalistes sont à notre avis en rapport avec la situation dans la région.
L'aventure de M. Babitski, correspondant de Radio Liberty, a été très largement commentée par l'opinion publique et la Douma d'Etat. L'action des autorités à l'égard de ce journaliste a été critiquée. Les commissions compétentes de la Douma d'Etat suivent de près l'évolution de cette affaire, bien qu'il faille admettre que certains comportements de M. Babitski, tels que l'utilisation de faux papiers d'identité, étaient contraires à la loi.
La Russie entend poursuivre sa coopération avec les médias étrangers, et ce malgré des cas isolés, dus à quelques journalistes, de violation de la déontologie du journalisme et de distorsion de l'information. L'existence de reportages fabriqués de toutes pièces est confirmée par un scandale récent qui a éclaté après qu'il eut été démontré qu'un enregistrement vidéo d'une chaîne de télévision privée allemande couvrant les événements en Tchétchénie avait été falsifié par son correspondant, M. F. Hoefling, licencié depuis par la direction de cette chaîne.
viii. «D'examiner avec les organisations internationales compétentes, dont le Conseil de l'Europe, par quels moyens elles peuvent contribuer à la solution politique du conflit»
La solution politique au conflit en Tchétchénie relève strictement de la politique intérieure de la Fédération de Russie. Celle-ci n'en est pas moins disposée à coopérer étroitement avec toutes les organisations internationales en vue de normaliser rapidement la situation humanitaire de la région et de créer les conditions propres à une restauration des institutions démocratiques et au respect total des droits de l'homme sur le territoire de la République de Tchétchénie.
La situation de la région du Caucase du Nord a été examinée lors de la réunion des chefs d'Etats de la Communauté des Etats Indépendants. Un projet de programme envisageant des efforts conjoints visant à lutter contre le terrorisme et l'extrémisme a été élaboré et sera examiné lors de la prochaine réunion des chefs de gouvernement de la CEI.
Plusieurs représentants de haut niveau de ces gouvernements se sont rendus dans la région du Caucase du Nord afin d'y développer la coopération avec les organisations internationales. Outre K. Vollebeck, actuel président en exercice de l'OSCE, et Lord Russell-Johnston, président de l'APCE, se sont également rendus dans la région P. Nilssen, membre de la Commission européenne (février 2000), A Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe (février 2000), une délégation du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe (février mars 2000), une délégation de la commission ad hoc de l'APCE, dirigée par Lord Judd (mars 2000), A. Missong, chef du Groupe d'assistance de l'OSCE en Tchétchénie (mars 2000), et J. Studman, directeur du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE (mars 2000). Une visite dans la région de Mme Robinson, haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, est prévue pour le début du mois d'avril.
Un accord s'est dégagé concernant la participation de trois agents du Conseil de l'Europe en tant qu'experts auprès du Bureau du représentant spécial du Président de la Fédération de Russie chargé de veiller au respect des droits de l'homme et des droits et libertés civils en République de Tchétchénie.
Des préparatifs sont en cours qui devraient permettre au Groupe d'assistance de l'OSCE en Tchétchénie, qui avait quitté cette dernière pour des raisons de sécurité, d'y reprendre ses travaux.
L'Assemblée fédérale estime que, à présent que la phase militaire de l'opération en Tchétchénie est pratiquement achevée, l'assistance d'organisations internationales à la restauration des institutions démocratiques dans la République, à la formation d'un personnel judiciaire, d'avocats, de fonctionnaires et d'agents territoriaux qualifiés serait des plus utile. Des accords de principe ont été conclus avec certaines organisations internationales, et en particulier avec le Conseil de l'Europe. Les chambres de l'Assemblée fédérale espèrent que ces accords se concrétiseront.
ix. «D'engager un dialogue régional sur la solution pacifique du conflit tchétchène, avec la participation de représentants de la Tchétchénie, du Daghestan, de l'Ingouchie et de l'Ossétie du Nord, ainsi qu'avec les organisations internationales compétentes, notamment le Conseil de l'Europe»
Des mesures concrètes ont été prises pour instaurer un dialogue régional autour d'une solution pacifique au conflit en Tchétchénie, solution qui associerait les représentants de tous les sujets de la Fédération dans la région du Caucase du Nord. Le Conseil de la fédération de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie joue à cet égard un rôle actif et a plusieurs fois examiné cette question lors de ses sessions.
M. Vladimir Poutine, Président par intérim de la Fédération de Russie, a rencontré tous les responsables régionaux du Caucase du Nord à Krasnodar le 10 février 2000.
Les représentants des organisations internationales, dont le Conseil de l'Europe, qui se sont rendus dans la région ont eu la possibilité de présenter aux chefs d'Etat des Républiques du Caucase du Nord (à savoir l'Ingouchie, le Daghestan, l'Ossétie du Nord et la Kabardino-Balkarie) leur point de vue sur les modalités d'instauration d'une stabilité démocratique dans le Caucase du Nord.
Le calendrier et les grandes lignes de deux ateliers régionaux, qui se dérouleront sous l'égide du Conseil de l'Europe et seront consacrés l'un au fédéralisme (Piatigorsk, 26-27 avril), l'autre au rôle des institutions démocratiques dans la restauration de la démocratie et le respect des droits de l'homme (29-30 mai 2000), ont été convenus. Des représentants de la Tchétchénie, du Daghestan, de l'Ossétie du Nord et d'autres républiques et régions du Caucase du Nord participeront à ces rencontres.
x. «De demander à la Fédération de Russie de garantir le plein exercice d'un aspect fondamental de la démocratie, à savoir l'activité totale et autonome des médias»
La liberté des médias en Fédération de Russie est garantie par la Constitution de la Fédération ainsi que par la loi fédérale sur les médias. Les dispositions de ces deux instruments sont applicables à la République de Tchétchénie en tant que celle-ci est un sujet de la Fédération de Russie.
La couverture, par les médias russes, de la situation dans le Caucase du Nord témoigne de points de vue très divers, dont certains extrêmement critiques. Les journaux ainsi que les chaînes de radio et de télévision diffusent régulièrement des informations sur la situation en matière de droits de l'homme ainsi que sur la situation à l'égard des réfugiés. Les informations concernant les militaires tués durant l'opération anti-terroriste sont également rendues publiques. De graves incidents ayant entraîné la mort de civils ainsi que des actes supposant des violations des droits de l'homme ont fait l'objet de comptes rendus. Les médias russes ont la possibilité d'utiliser librement les informations réunies par les journalistes étrangers. La couverture des événements en République de Tchétchénie ne fait l'objet d'aucune censure politique. De nombreuses informations concernant la situation dans la région figurent également sur Internet.