CONSEIL DE L’EUROPE

COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2001)9
du Comité des Ministres aux Etats membres

sur les modes alternatifs de règlement des litiges
entre les autorités administratives et les personnes privées

(adoptée par le Comité des Ministres

le 5 septembre 2001,

lors de la 762e réunion des Délégués des Ministres)

1.         Le Comité des Ministres, conformément à l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

2.         Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres;

3.         Rappelant sa Recommandation n° R (81) 7 sur les moyens de faciliter l'accès à la justice, qui appelle dans son annexe à prendre des mesures pour faciliter le recours à la conciliation ou à la médiation;

4.         Rappelant également sa Recommandation n° R (86) 12 relative à certaines mesures visant à prévenir et réduire la surcharge de travail des tribunaux, qui appelle à encourager, dans les cas appropriés, le règlement amiable des différends, soit en dehors de l'ordre juridictionnel, soit avant ou pendant la procédure juridictionnelle;

5.         Considérant, d'une part, que le grand nombre d'affaires portées devant les tribunaux compétents en matière administrative et, dans certains pays, son accroissement constant peuvent porter atteinte au droit des justiciables à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6.1, de la Convention européenne des Droits de l'Homme;

6.         Considérant, d'autre part, que les procédures juridictionnelles peuvent ne pas toujours être les plus appropriées en pratique à la solution des différends d’ordre administratif;

7.         Considérant que la généralisation du recours à d’autres modes de règlement des différends administratifs peut permettre de remédier à ces inconvénients et de rapprocher l'administration du public;

8.         Considérant que les principaux avantages des modes alternatifs de règlement des différends administratifs peuvent être, éventuellement et selon les cas, des procédures simplifiées et assouplies avec une plus grande célérité et un moindre coût, le règlement à l’amiable, le règlement par des spécialistes, le recours à l’équité et non pas seulement à la légalité stricte, et une plus grande discrétion;

9.         Considérant donc que dans le cas s’y prêtant, il doit être possible de résoudre les litiges administratifs par des moyens autres que le recours aux tribunaux;


10.       Considérant que le recours aux modes alternatifs ne doit pas être un moyen pour l’administration et les personnes privées de contourner leurs obligations et le principe de légalité;

11.       Considérant que, dans tous les cas, les modes alternatifs doivent laisser possible un contrôle par les tribunaux, qui constitue la garantie ultime des droits des administrés et de l'administration;

12.       Considérant que les modes alternatifs doivent se conformer aux principes d'égalité,  d’impartialité et respecter les droits des parties ;

13.       Recommande aux gouvernements des Etats membres de promouvoir le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées en se laissant guider, dans leur législation et leur pratique, par les principes de bonne pratique annexés à la présente recommandation.

Annexe à la Recommandation Rec(2001)9

I.         Dispositions générales

1.         Objet de la recommandation

i.          Cette recommandation porte sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées ;

ii.         Cette recommandation traite des modes alternatifs suivants : le recours à l’administration, la conciliation, la médiation, la transaction et l'arbitrage ;

iii.        Bien que la recommandation traite du règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées, certains des modes qu’elle envisage peuvent servir également à les prévenir avant qu’ils n’apparaissent; c’est le cas notamment de la conciliation, de la médiation et de la transaction.

2.         Champ d'application des modes alternatifs

i.          Les modes alternatifs devraient être admis à titre général ou pour certains types de litiges s’y prêtant concernant l’activité administrative, notamment ceux liés aux actes administratifs individuels, aux contrats, à la responsabilité civile et, de façon générale, les litiges ayant pour objet une somme d'argent ;

ii.         Le choix de modes alternatifs appropriés dépendra du différend en question.

3.         Réglementation des modes alternatifs

i.          La réglementation des modes alternatifs devrait soit les institutionnaliser, soit permettre leur adoption, au cas par cas, selon la décision des parties ;


ii.         La réglementation des modes alternatifs devrait:

a.         assurer aux parties l’information nécessaire sur la possibilité d’avoir recours aux modes alternatifs;

b.         assurer l’indépendance et l’impartialité des conciliateurs, des médiateurs et des arbitres;

c.         garantir une procédure équitable permettant notamment de respecter les droits des parties et le principe d’égalité;

d.         garantir, dans la mesure du possible, la transparence dans l’utilisation des modes alternatifs et l'observation d'une certaine discrétion;

e.         assurer l’exécution des solutions acquises à travers les modes alternatifs.

iii.        La réglementation devrait prévoir une durée raisonnable pour l’aboutissement des procédures alternatives par l’introduction de délais ou par d’autres moyens.

iv.        La réglementation peut prévoir que l'utilisation de certains modes alternatifs aboutisse dans certains cas à la suspension de l'exécution d'un acte, soit automatiquement, soit par décision de l’autorité compétente.

II.        Rapports avec les tribunaux

i.          Certains modes alternatifs, tels que le recours à l’administration, la conciliation, la médiation et la recherche d’une transaction, peuvent intervenir préalablement au recours aux tribunaux. Le recours à ces modes peut être obligatoire et constituer un préalable à la saisine des tribunaux ;

ii.         Certains modes alternatifs, tels que la conciliation, la médiation et la transaction peuvent être utilisés au cours de la procédure devant les tribunaux, éventuellement sur recommandation du juge ;

iii.        Le recours à l’arbitrage doit exclure en principe le recours aux tribunaux ;

iv.        Dans tous les cas, le recours aux modes alternatifs doit laisser possible le contrôle approprié par les tribunaux, qui constitue la garantie ultime des droits des administrés et de l'administration. ;

v.         Le contrôle par les tribunaux dépendra du mode alternatif choisi. Les modalités et l’étendue de ce contrôle pourront porter, selon les cas, sur la procédure, notamment le respect des principes énoncés à la section I.3. ii. a, b, c et d, et/ou sur le fond ;

vi.        En principe et sous réserve de la législation applicable, le recours à un mode alternatif devrait avoir pour effet de suspendre ou d’interrompre les délais de recours aux tribunaux.


III.      Dispositions spécifiques à chaque mode alternatif

1.         Recours à l’administration

i.          En principe, les recours à l'administration doivent être possibles au sujet de tout acte. Ils peuvent porter sur l’opportunité et/ou la légalité d’un acte ;

ii.         Les recours à l'administration peuvent, dans certains cas, être obligatoires, en tant que préalables au recours aux tribunaux ;

iii.        Les recours à l’administration doivent faire l'objet d'un examen et aboutir à une décision par les autorités compétentes.

2.         Conciliation et médiation

i.          La conciliation et la médiationpeuvent être engagées à l'initiative des parties ou du juge ou être obligatoirement imposées par la loi ;

ii.         Les conciliateurs et les médiateurs devraient organiser des réunions séparées avec chaque partie ou simultanées afin d’aboutir à une solution ;

iii.        Le conciliateur et le médiateur peuvent inviter l’autorité administrative à abroger, retirer ou modifier un acte, pour des raisons d'opportunité ou de légalité.

3.         Transaction

i.          Sauf disposition contraire de la loi, l’administration ne pourra pas, par une transaction, méconnaître une obligation lui incombant.

ii.         Conformément à la loi, les agents publics qui interviennent dans une procédure visant à une transaction doivent être munis de pouvoirs suffisants pour transiger.

4.         Arbitrage

i.          Les parties devraient pouvoir choisir le droit et la procédure applicables dans les limites légales. Conformément à la loi et au choix des parties, la décision des arbitres pourra être fondée sur l'équité ;

ii.         Même si les arbitres ne sont pas autorisés à apprécier, à titre principal, la légalité d’un acte en vue de son annulation, ils devraient pouvoir le faire à titre préalable en vue de rendre leur décision au fond.