CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2003)5

du Comité des Ministres aux Etats membres

sur les mesures de détention des demandeurs d’asile[1]

(adoptée par le Comité des Ministres le 16 avril 2003,

lors de la 837e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Rappelant la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950 et ses protocoles pertinents, la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des Droits de l’Homme, la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et son protocole de 1967, la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et la Convention relative aux droits de l’enfant;

Tenant compte de la Conclusion n° 44 (XXXVII) du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) relative à la détention des réfugiés et des demandeurs d’asile;

Désireux de garantir aux personnes ayant besoin d’une protection internationale la possibilité de demander cette protection et d’en bénéficier;

Réaffirmant que nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans des cas exceptionnels et selon les voies légales, comme le stipule l’article 5.1.b et f de la Convention européenne des Droits de l’Homme, et que toutes les garanties énumérées dans l’article 5, selon le cas, s’appliquent aux demandeurs d’asile qui relèvent du champ d’application de cette recommandation;

Soulignant qu’aucune sanction pénale ne doit être infligée, pour cause d’entrée illégale ou de séjour irrégulier, aux personnes cherchant une protection internationale et venant directement d’un pays de persécution, sous réserve qu’elles se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou de leur présence irrégulière;

Soulignant que la présente recommandation ne porte atteinte ni à la Recommandation n° R (94) 5 relative aux lignes directrices devant inspirer la pratique des Etats membres du Conseil de l’Europe à l’égard des demandeurs d’asile dans les aéroports européens, ni à la Recommandation n° R (99) 12 sur le retour des demandeurs d’asile déboutés;

Considérant que de nombreux demandeurs d’asile font l’objet de détention en raison de leur entrée ou de leur présence irrégulière ou pour d’autres raisons en rapport avec leur demande d’asile, et que, dans ces cas, certaines garanties de traitement devraient être prévues pour ces demandeurs d’asile,

Recommande aux gouvernements des Etats membres d’appliquer les principes suivants dans leur législation et pratique administrative:


Définition et champ d’application

1.         Aux fins de la présente recommandation, on entend par «mesures de détention des demandeurs d’asile» le fait de maintenir les demandeurs d’asile dans un périmètre étroitement délimité ou restreint, où ils sont privés de liberté. Les personnes qui sont assujetties à des restrictions de domicile ou de résidence ne sont généralement pas considérées comme étant soumises à des mesures de détention.

2.         Cette recommandation ne concerne pas les mesures de détention des demandeurs d’asile  tombant sous le coup d’accusations pénales et des demandeurs d’asile déboutés détenus dans l’attente de leur départ du pays d’accueil.

Dispositions générales

3.         L’objectif de la détention n’est pas de sanctionner les demandeurs d’asile. Les mesures de détention concernant les demandeurs d’asile ne peuvent être utilisées que pour l’une ou l’autre des raisons suivantes:

–          lorsque leur identité, y compris leur nationalité, demande, en cas de doute, à être vérifiée, notamment quand l’intéressé a détruit son titre de voyage ou ses papiers d’identité, ou a utilisé de faux papiers pour tromper les autorités du pays d’accueil;

–          lorsque les éléments sur lesquels se fonde la demande d’asile et qui, en l’absence de détention, ne pouvaient pas être fournis, demandent à être établis;

          lorsqu’une décision doit être prise en ce qui concerne leur droit d’entrée dans le territoire de l’Etat concerné; ou

          lorsque la protection de la sécurité nationale et l’ordre public l’exigent.

4.         Il ne faudrait appliquer des mesures de détention aux demandeurs d'asile qu'après avoir examiné avec soin, et dans chaque cas, si elles sont nécessaires. Ces mesures devraient alors être adaptées, temporaires, non arbitraires et durer le moins longtemps possible. Ces mesures doivent être appliquées dans le respect de la loi et en conformité avec les normes établies par les instruments internationaux pertinents et par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

5.         Les mesures de détention, examinées régulièrement par un tribunal conformément à l’article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des Droits de l’Homme, ne doivent être appliquées que sous les conditions et pour la durée maximale prévues par la loi. Si aucune durée maximale n’est prévue par la loi, l’examen par le tribunal visé ci-dessus doit s’étendre à la durée de la détention en question.     

6.         Avant de recourir aux mesures de détention, il faudrait envisager d'autres mesures, non privatives de liberté, applicables au cas particulier.

7.         Les mesures de détention ne devraient pas faire obstacle à la possibilité, pour l’intéressé, de soumettre et de maintenir sa demande d’asile.

8.         Les demandes d’asile émanant de personnes en détention devraient faire l’objet d’un traitement prioritaire. Ceci s’applique en particulier aux cas où une personne se trouve en détention pour des raisons liées à la législation s’appliquant aux étrangers.

9.         Les mesures de détention devraient être appliquées avec humanité, dans le respect de la dignité de l’intéressé et conformément aux règles et principes du droit international en vigueur, et aux normes internationales.


10.       Le lieu de la détention devrait être approprié et, dans la mesure du possible, il devrait être conçu spécifiquement pour la détention des demandeurs d’asile. En principe, les demandeurs d’asile ne devraient pas être détenus en prison. S’il n’existe pas de locaux spécialement conçus pour la détention des demandeurs d’asile, ceux-ci devraient au moins être séparés des personnes condamnées et des prévenus.

11.       Il convient de satisfaire les besoins élémentaires des demandeurs d’asile placés en détention, afin d’assurer des conditions de vie adéquates pour leur santé et leur bien-être.

12.       Dès le début de la détention, on devrait s’efforcer d’identifier, parmi les demandeurs d’asile, ceux qui ont été victimes de tortures et ceux qui sont traumatisés, afin de les faire bénéficier d’un traitement et de conditions appropriés.

13.       Des soins médicaux appropriés et, si nécessaire, une aide psychologique devraient être prévus. Ce point est particulièrement important pour les personnes qui ont des besoins spécifiques: les mineurs, les femmes enceintes, les personnes âgées, les personnes souffrant d’un handicap physique ou mental ainsi que les personnes qui ont été gravement traumatisées, y compris les victimes d’actes de torture.

14.       Dans les locaux de détention, en règle générale, les hommes devraient être séparés des femmes, et les enfants des adultes, à moins que les personnes concernées ne fassent partie d’une même famille, auquel cas il convient, au contraire, de les regrouper. Le droit à la vie privée et à la vie familiale devrait être garanti.

15.       Tout demandeur d’asile se trouvant en détention devrait pouvoir pratiquer sa religion et observer le régime alimentaire que celle-ci prescrit.

16.       Tout demandeur d’asile se trouvant en détention devrait avoir le droit de contacter un bureau du HCR, et le HCR devrait pouvoir entrer librement en contact avec tout demandeur d’asile en détention.

17.       Tout demandeur d’asile se trouvant en détention devrait également avoir le droit de contacter un conseiller juridique ou un avocat et de bénéficier de leur aide.

18.       Tout demandeur d’asile devrait être autorisé à contacter des parents, des amis, des conseillers sociaux et religieux, des organisations non gouvernementales actives dans le domaine des droits de l’homme ou de la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile, et, dans la mesure du possible, recevoir leur visite. Il devrait également être autorisé à établir des liens avec le monde extérieur.

19.       En ce qui concerne les conditions de détention, la possibilité, pour les demandeurs d’asile, d’accéder à un système de réclamations devrait être garanti.

Dispositions supplémentaires pour les mineurs

20.       En règle générale, les mineurs ne devraient pas être placés en détention, sauf s’il s’agit d’une mesure de dernier recours et, dans ce cas, pour une durée la plus courte possible.

21.       Les mineurs ne devraient pas être séparés de leurs parents contre leur gré, ni d’autres adultes qui en sont légalement responsables ou qui en ont la charge habituellement.

22.       Si des mineurs sont détenus, ils ne doivent pas l’être dans des conditions carcérales. Tout doit être mis en œuvre pour qu’ils soient libérés le plus rapidement possible et placés dans une autre structure. Si cela s’avère impossible, des dispositions spéciales adaptées aux enfants et à leur famille doivent être mises en place.

23.       Pour les demandeurs d’asile mineurs non accompagnés, des dispositifs alternatifs de prise en charge sans privation de liberté (foyers ou placements en famille d’accueil, par exemple) devraient être mis en place dans les plus brefs délais et, si cela est possible en droit interne, un tuteur légal devrait être désigné.



[1] Conformément à l’article  10.2c du Règlement intérieur des Délégués des Ministres, l’Irlande a fait la déclaration suivante : « Concernant le paragraphe 10 de la recommandation, l’Irlande souhaite faire remarquer que, dans des circonstances exceptionnelles, il peut ne pas être possible pour l’Irlande de séparer les demandeurs d’asile des personnes condamnées et des prévenus ».