CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2004)2

du Comité des Ministres aux Etats membres

sur l’accès à l’emploi dans le secteur public des non-ressortissants

(adoptée par le Comité des Ministres le 24 mars 2004,

lors de la 877e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une plus grande unité entre ses membres;

Rappelant la Convention de 1950 de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, et en particulier son article 8 qui garantit la protection de la vie familiale et privée, son article 14 qui énonce le principe de non-discrimination au regard des droits accordés, ainsi que la jurisprudence applicable de la Cour européenne des Droits de l'Homme;

Rappelant la Charte sociale européenne de 1961 et la Charte sociale européenne révisée de 1996, et notamment leurs articles 18 et 19, ainsi que les conclusions pertinentes du Comité d'experts indépendants;

Rappelant la Convention européenne de 1977 relative au statut juridique du travailleur migrant;

Considérant que des droits importants ont été accordés aux migrants autorisés à travailler en vertu de la Convention européenne d'assistance sociale et médicale et de son Protocole (1953), de la Convention européenne d'établissement (1955), de la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (1977), de la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (1992), de la Charte sociale européenne révisée (1996) et de la Convention européenne sur la nationalité (1997);

Considérant la Recommandation Rec(2000)15 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la sécurité de résidence des immigrés de longue durée, la Recommandation 915 (1981) de l'Assemblée parlementaire relative à la situation des travailleurs migrants dans les pays d’accueil et la Recommandation 712 (1973) de l'Assemblée parlementaire relative à l'intégration des travailleurs migrants dans la société des pays d’accueil;

Considérant la Recommandation 1187 (1992) de l'Assemblée parlementaire relative aux relations entre migrants et syndicats, la Résolution (76) 11 du Comité des Ministres sur l'égalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs migrants en matière d'orientation, de formation et de rééducation professionnelles;

Considérant que les deux rapports du Comité européen sur les migrations (CDMG) intitulés «Diversité et cohésion: de nouveaux défis pour l'intégration des immigrés et des minorités» et «Cadre des politiques d'intégration» soulignent que l'égalité des droits et des chances sont des valeurs communes inhérentes à une société démocratique et à la diversité culturelle;

Ayant à l’esprit la Déclaration finale adoptée lors de la 7e Conférence des ministres responsables des questions de migration, qui s’est tenue à Helsinki en 2002;

Reconnaissant que la présence de migrants et de personnes nées à l'étranger ou de personnes d'origine immigrée dont les compétences linguistiques et les cultures sont autres/différentes peut largement contribuer au renforcement de la cohésion sociale des sociétés modernes;

Reconnaissant que les services publics ont une responsabilité particulière dans la mesure où ils doivent montrer la voie à suivre et donner l'exemple dans leurs propres pratiques en matière d'emploi et donc encourager d'autres secteurs à appliquer des politiques d'emploi ouvertes à l’égard des migrants/minorités ethniques;


Tenant compte du cadre juridique en cours d’élaboration au niveau de l’Union européenne en vue de la mise en œuvre d’une politique commune dans le domaine des migrations, en application du Traité instituant la Communauté européenne tel qu’amendé par le Traité d’Amsterdam, et suivant les conclusions du Conseil européen de Tampere,

Recommande aux gouvernements des Etats membres d'appliquer les principes ci-après dans leur législation et pratique administratives[1]:

I. Champ d'application

1.         Aux fins de la présente recommandation, l’expression «employés du secteur public» s’applique aux employés dont les postes sont financés en tout ou en partie, directement ou indirectement, par des fonds publics au niveau national, régional ou local.

2.         La présente recommandation s'applique aux non-ressortissants, y compris les apatrides,  qui ont le libre accès au marché du travail de l'Etat membre.

3.         La présente recommandation ne s'applique pas aux postes du secteur public qui, conformément aux réglementations nationales, sont réservés aux ressortissants et demandent:

a. l'exercice de l'autorité publique;

b. un haut niveau de responsabilité pour préserver d'importants intérêts de l'Etat;

c. l'exercice de l'autorité publique et la responsabilité de sauvegarder l’intérêt général de l'Etat, à savoir la «sécurité nationale» et les «secrets d’Etat».

II. Plans d'action

1.         Les Etats membres devraient élaborer des politiques/plans d'action favorisant l'accès des non-ressortissants à l'emploi dans le secteur public et les encourageant à poser leur candidature:

a. en donnant à la population immigrée les informations nécessaires et en publiant les vacances de postes dans la presse que cette population est susceptible de lire ;

b. en mettant au point des systèmes facilement accessibles pour identifier des qualifications équivalentes ;

c. en appliquant des règles plus souples lors de l'évaluation des qualifications ou diplômes étrangers, pour autant que les ressortissants étrangers aient les qualifications requises pour le poste et satisfassent aux dispositions de la section I ;

d. en favorisant l’accès à la formation professionnelle ;

e. en offrant des stages de formation aux candidats d'origine immigrée.

2.         Les Etats membres devraient garantir l'égalité de traitement en ce qui concerne le recrutement, les promotions, les conditions d'emploi et de salaire en adoptant des stratégies de gestion de la diversité dans le cadre de leur politique des ressources humaines.

3.         Les Etats membres devraient envisager de charger les administrations du secteur public d'élaborer des plans d'action favorisant la diversité ethnique et culturelle parmi leurs employés.

4.         Les Etats membres devraient prendre des mesures pour lutter contre toute forme de discrimination et/ou discrimination institutionnelle en ce qui concerne l'emploi des non-ressortissants dans le secteur public.


III. Postes mis au concours dans le secteur public

1.         Les Etats membres devraient offrir aux non-ressortissants la possibilité de concourir chaque fois que possible pour des postes du secteur public.

2.         Les non-ressortissants admis au concours dans le secteur public devraient bénéficier en droit et dans la pratique du même traitement que celui réservé aux ressortissants.

3.         Les Etats membres peuvent prendre des mesures concrètes pour encourager les non-ressortissants à poser leur candidature à des postes dans les zones dont la population comprend une forte proportion de non-ressortissants ou de personnes d'origine immigrée.

4.         Cela devrait s’appliquer en particulier dans les domaines du secteur public dans lesquels il est nécessaire de refléter la diversité de la société.

5.         Cela devrait aussi s’appliquer aux postes dans les secteurs dans lesquels leur présence sera favorable à la population immigrée et contribuera à la diversité.

IV. Critère de nationalité/citoyenneté

1.         Les Etats membres sont invités à réviser leur législation nationale, dans la mesure du possible, s'agissant des secteurs ou des postes pour lesquels le maintien du critère de nationalité ou de citoyenneté n'est pas essentiel.

2.         Les Etats membres sont invités à charger des institutions ou des personnes compétentes à procéder à un examen approfondi de tous les postes du secteur public pour recenser ceux qui ne devraient pas être assortis d’un critère de nationalité ou de citoyenneté.

3.         S'agissant de secteurs ou de postes exigeant la nationalité ou la citoyenneté de l'Etat membre autres que ceux exclus sous le paragraphe I.3, l’Etat membre peut envisager de les ouvrir aux non-ressortissants, par exemple sur une base contractuelle.

V. Exigences linguistiques

1.         Les Etats membres ne devraient exiger que les compétences linguistiques nécessaires à l’exercice de la fonction. La maîtrise de la langue devrait être en rapport avec l'emploi.

2.         Les Etats membres peuvent souhaiter encourager activement leurs employés du secteur public à approfondir leurs compétences linguistiques, en particulier en facilitant leur accès aux cours de langues.

VI. Dispositions finales

1.         La présente recommandation laisse chaque Etat membre libre d'accorder un statut juridique plus favorable aux non-ressortissants qui posent leur candidature à un emploi dans le secteur public.

2.         Cette recommandation part du principe que, concernant l’accès à l’emploi du secteur public, il n’existe pas, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, de différence de traitement entre les ressortissants nés dans l’Etat membre et ceux d’origine étrangère.

3.         Si, toutefois, de telles différences devaient exister, les Etats membres pourraient envisager l’extension du champ d’application de la présente recommandation pour y inclure les ressortissants des Etats membres nés d’origine étrangère.

4.         La présente recommandation ne remet pas en cause le statut juridique des ressortissants de l'Union européenne employés dans d'autres Etats membres de l'Union européenne ni celui des migrants non ressortissants d’un pays membre de l'Union autorisés à travailler dans un Etat membre de l’Union européenne et bénéficiant d’accords conclus entre celle-ci et des pays tiers.

5.         La présente recommandation n’a pas d’incidence sur les droits des migrants de longue durée tel que définis dans la Recommandation Rec(2000)15 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la sécurité de résidence des immigrés de longue durée.

6.         Les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait sont encouragés à ratifier la Convention européenne d'assistance sociale et médicale, et son protocole, la Convention européenne d'établissement, la Convention européenne  relative au statut juridique du travailleur migrant, la Convention européenne sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, la Charte sociale européenne révisée et la Convention européenne sur la nationalité.



[1] La Suisse a fait la réserve suivante sur l'adoption de cette recommandation: Lla Suisse connaît de nombreuses réglementations différentes d’un canton à l’autre, qui portent sur l’accès aux emplois du secteur public (santé, éducation, administration, etc.). En conséquence, la Suisse se réserve le droit à ce que ses cantons réglementent l’accès aux emplois publics sous la condition du critère de nationalité.