CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2004)9

du Comité des Ministres aux Etats membres

sur la notion d’« appartenance à un certain groupe social » (ACGS)

dans le contexte de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés

(adoptée par le Comité des Ministres le 30 juin 2004

lors de la 890e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Considérant que, conformément à l’article 1.a, paragraphe 2, de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le terme « réfugié » s’applique à toute personne « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » ;

Prenant en considération le nombre croissant d’affaires où la crainte d’être persécuté du fait de son
« appartenance à un certain groupe social » (ACGS) est un motif invoqué pour obtenir le statut de réfugié et considérant également que les raisons mises en avant à cet effet sont de plus en plus diverses ;

Soucieux de donner des orientations aux Etats membres concernant l’application de ce motif particulier énoncé dans la Convention, qui appelle des éclaircissements, et d’assurer une mise en œuvre uniforme de la Convention de 1951 dans les Etats membres du Conseil de l'Europe ;

Rappelant l'attitude libérale et humanitaire des Etats membres du Conseil de l'Europe en matière d’asile ;

Tenant compte de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et des autres instruments universels et régionaux pertinents relatifs aux droits de l'homme ;

Ayant présent à l’esprit la Recommandation n° R (81) 16 sur l’harmonisation des procédures nationales en matière d’asile, la Recommandation n° R (94) 5 relative aux lignes directrices devant inspirer la pratique des Etats membres du Conseil de l'Europe à l'égard des demandeurs d'asile dans les aéroports européens, la Recommandation n° R (98) 15 relative à la formation des fonctionnaires qui entrent les premiers en contact avec des demandeurs d'asile, en particulier aux postes frontière, et la Recommandation Rec(2001)18 relative à la protection subsidiaire ;

Vu la Recommandation 1374 (1998) de l’Assemblée parlementaire relative à la situation des femmes réfugiées en Europe et la Recommandation 1470 (2000) de l’Assemblée parlementaire sur la situation des gays et des lesbiennes et de leurs partenaires en matière d'asile et d'immigration dans les Etats membres du Conseil de l'Europe,

Considère qu’un « certain groupe social » est un groupe de personnes qui ont ou à qui est attribuée une caractéristique commune autre que le risque d’être persécutées et qui sont perçues comme un groupe par la société ou identifiées comme tel par l’Etat ou par les persécuteurs. Des actes de persécution à l’encontre d’un groupe peuvent cependant être un facteur pertinent pour déterminer sa visibilité dans une société donnée.

La notion est en particulier applicable:

a.         à des groupes qui peuvent être définis par des caractéristiques innées ou immuables ;


b.         à des groupes composés de personnes qui partagent des antécédents communs ou historiques, ou une caractéristique qui est soit impossible à changer, soit si essentielle pour leur identité, conscience ou dignité humaine que ces personnes ne doivent pas être contraintes à y renoncer ;

Recommande aux Etats membres de tenir compte des principes suivants lorsqu’ils décident, dans le contexte de l’article 1.A, paragraphe 2, de la Convention de 1951, si une personne est persécutée du fait de son appartenance à un certain groupe social :

1.         Il n’y a pas de hiérarchie entre les cinq critères prévus par la Convention de 1951, à savoir la race, la religion, la nationalité, l’ACGS et les opinions politiques. Tous sont applicables sur une base d’égalité. En fonction des circonstances de l’espèce, les critères peuvent se superposer et un demandeur d’asile peut être admissible au statut de réfugié pour plus d’un motif ;

2.         La notion d’ACGS doit être interprétée de manière large et ouverte, eu égard à l’objet et au but de la Convention de 1951. Toutefois, cette interprétation ne doit pas étendre la portée de la Convention au point d’imposer aux Etats des obligations auxquelles ils n’ont pas consenti ;

3.         Il n’est pas indispensable qu’une cohésion existe au sein d’un groupe pour qu’il soit reconnu comme un « certain groupe social », ni que les membres du groupe se connaissent ou soient associés. Il n’est pas non plus nécessaire que les membres du groupe soient tous menacés de persécution ;

4.         La taille du groupe n’a pas à être prise en considération pour établir si la notion d’ACGS s’applique ;

5.         La simple appartenance à un certain groupe social, tel que décrit ci-dessus, n’est normalement pas suffisante pour établir le bien-fondé d’une demande de reconnaissance du statut de réfugié. Toute demande d’asile doit être examinée au cas par cas, en tenant compte du lien entre l’ACGS et le risque effectif de persécution. De plus, les circonstances factuelles existant dans le pays d’origine doivent être prises en considération. Toutefois, il peut exister des circonstances spéciales dans des cas particuliers où la simple appartenance peut être un motif suffisant de craindre la persécution ;

6.         Lors de l’examen des demandes d’asile motivées par l’ACGS, les autorités compétentes devraient non seulement porter leur attention sur les normes générales énoncées dans les instruments internationaux pertinents, mais aussi porter une attention particulière aux normes relatives aux questions liées au sexe ou à l’âge, au caractère confidentiel de la demande et aux informations sur le pays d’origine ;

Invite les Etats membres à communiquer au Comité ad hoc d'experts sur les aspects juridiques de l'asile territorial, des réfugiés et des apatrides (CAHAR) des informations sur la mise en œuvre des principes énoncés ci-dessus.