Délégués des Ministres

Documents CM

CM(2014)25      21 février 2014[1]

 

1196 Réunion, 2 avril 2014

6 Cohésion sociale

4.6 Charte sociale européenne –

Suivi des décisions du Comité européen des Droits sociaux (CEDS) dans le cadre du système de réclamations collectives[2]
Union Syndicale des Magistrats Administratifs (USMA) c. France, Réclamation n° 84/2012

Pour examen par le GR-SOC lors de sa réunion du 13 mars 2014

 

Action


Examiner le suivi du rapport du Comité européen des Droits sociaux dans la réclamation n° 84/2012,
Union Syndicale des Magistrats Administratifs (USMA) c. France et examiner le projet de Résolution ci-annexé, en vue de son adoption.

1.             La réclamation a été enregistrée le 13 juin 2012.

2.             Le Comité européen des Droits sociaux (« le Comité ») a adopté une décision sur la recevabilité et le bien-fondé de la réclamation le 2 décembre 2013. Dans sa décision, le Comité a déclaré la réclamation recevable et a dit qu’il n’y a pas de violation de l’article 4§2 de la Charte sociale européenne révisée (« la Charte »). Le présent rapport contenant la décision sur la recevabilité et le bien-fondé de la réclamation a été transmis aux Parties et au Comité des Ministres le 10 décembre 2013. Il est rappelé qu’en application de l’article 8§2 du Protocole, la décision deviendra publique au plus tard le 11 avril 2014.

3.             L’Union Syndicale des Magistrats Administratifs (USMA) est une organisation syndicale nationale représentative aux fins de la procédure de réclamations collectives.

4.             L’USMA alléguait que le dispositif de rémunération forfaitaire par catégorie statutaire des jours accumulés sur le compte épargne-temps des agents de la fonction publique de l’Etat et des magistrats de l’ordre judiciaire, et en particulier le taux d’indemnisation des jours accumulés sur le compte épargne-temps non pris en congés par les magistrats administratifs, constitue une violation de l’article 4§2 (droit à une rémunération majorée des heures supplémentaires) de la Charte. L’USMA demandait au Comité qu’il enjoigne à la France de lui payer la somme de 2000 €, représentant les frais engagés pour former la présente réclamation.

A)         Sommaire de la décision sur la recevabilité et le bien-fondé

Dans sa décision, le Comité a conclu, à l’unanimité :

-       Qu’il n’y a pas de violation de l’article 4§2 de la Charte.

5.             Le but de l’article 4§2 est que l’effort accru requis du travailleur qui effectue des heures supplémentaires soit compensé par un taux de rémunération majoré.


6.             La compensation des heures supplémentaires peut être effectuée par un repos compensateur ou obéir à des systèmes mixtes qui consistent, par exemple, à capitaliser les dépassements horaires sur un « compte épargne-temps » (CET).

7.             L’article 4§2 admet des exceptions au droit à une rémunération majorée pour les heures supplémentaires effectuées. Ces exceptions peuvent concerner certaines catégories de fonctionnaires ou de cadres et doivent être peu nombreuses.

8.             Les informations du gouvernement concernant les particularités de l’organisation du temps de travail des magistrats administratifs en termes d’autonomie et d’absence de contrôle du temps réel de travail ne sont pas contestées par l’organisation réclamante.

9.             Certes, les magistrats administratifs sont soumis au décret n° 2000-815 du 25 août 2000 instituant une durée légale hebdomadaire de travail de trente-cinq heures. Selon l’article 3 de ce décret, la durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d’une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures et les magistrats bénéficient d’un repos minimum quotidien de onze heures.

10.          Pour autant, le mode de travail des magistrats ne leur fait pas obligation d’accomplir un certain nombre de journées ni de respecter un horaire de travail. Un magistrat administratif n’est pas tenu de travailler sur son lieu de travail hormis lors des séances de la juridiction. Par ailleurs, les 8 jours qui sont attribués annuellement de manière forfaitaire aux magistrats administratifs pour alimenter leur compte épargne-temps, leur sont accordés sans contrôle de leur temps de travail effectif, et quels que soient le grade (conseiller, premier conseiller, président) ou la fonction (rapporteur, rapporteur public, président) du magistrat administratif.

11.          Il a déjà été établi que les heures supplémentaires sont des heures effectuées en dehors des heures normales de travail et correspondant à des prestations de travail réellement effectuées.

12.          A cet égard, en l’absence de décompte de la durée réelle du travail, il n’est pas possible d’établir, pour chaque magistrat, que les huit jours qui lui sont octroyés sur son compte épargne-temps correspondent nécessairement à des heures supplémentaires.

13.          Dans cette situation, le choix de faire reposer le nombre de jours inscrits sur le CET et leur indemnisation sur un régime forfaitaire, qui permet de compenser l’impossibilité de connaître le temps effectif de travail des magistrats sans porter atteinte à la gestion plus souple de ce temps de travail, n’excède pas la marge d’appréciation des Etats parties en ce domaine et ne peut être regardée comme contraire à l’article 4§2 de la Charte.

14.          A supposer même que les jours inscrits sur le compte épargne-temps correspondent à des heures supplémentaires effectives, les magistrats administratifs constituent un « cas particulier », entrant dans les exceptions visées par l’article 4§2.

15.          Les magistrats administratifs font partie, compte tenu de leurs fonctions et de leur statut, des hauts fonctionnaires et bénéficient d’une large autonomie dans l’organisation de leur travail. De plus, ils appartiennent à un même corps, qui compte un nombre relativement limité de membres (1391 magistrats en 2012 selon le gouvernement dont 1155 exerçant dans les juridictions administratives).

16.          Par leur nombre et la nature des fonctions qu’ils exercent, les magistrats administratifs entrent dans les exceptions visées par l’article 4§2.

-     Qu’il n’y a pas lieu de recommander une compensation des frais et dépens.

17.          Eu égard à la décision sur le bien-fondé, il n’y a pas lieu de recommander une compensation des frais et dépens.

18.          Il est rappelé que, dans les précédentes réclamations où le Comité européen des Droits sociaux a constaté que la situation est en conformité avec la Charte, le Comité des Ministres a adopté une résolution.

B)         Les Délégués sont invités à examiner le projet de résolution ci-annexé.


Annexe

Projet de Résolution CM/ResChS(2014)...

Union Syndicale des Magistrats Administratifs (USMA) c France,

Réclamation n ° 84/2012

(adoptée par le Comité des Ministres le ... 2014,

à la ...  réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres[3],

Vu l’article 9 du Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives ;

Prenant en considération la réclamation présentée le 13 juin 2012 par l’Union Syndicale des Magistrats Administratifs (USMA) contre la France,

Vu le rapport transmis par le Comité européen des Droits sociaux contenant sa décision sur la recevabilité et le bien-fondé, dans lequel il conclut à l’unanimité qu’il n’y a pas violation de l’article 4§2 de la Charte révisée,

Prend note du rapport.



[1] Ce document a été classé en diffusion restreinte jusqu’à la date de son examen par le Comité des Ministres.

[2] Les rapports du CEDS contenant les décisions sur le bien-fondé des réclamations collectives sont disponibles sur le site restreint du Comité des Ministres.

[3] Albanie, Andorre, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, République de Moldova, Monténégro, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Serbie, République slovaque, Slovénie, Espagne, Suède, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Turquie, Ukraine et Royaume-Uni.