Délégués des Ministres
Documents CM
CM(2015)12-add6 21 janvier 2015[1]
1220 Réunion, 18 février 2015
4 Droits de l’homme
4.1 Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) ‒
Conclusions de l’ECRI sur la mise en œuvre des recommandations faisant l’objet d’un suivi intermédiaire adressées au Luxembourg adoptées le 11 décembre 2014[2] par l’ECRI lors de sa 65e réunion (9-12 décembre 2014)
Note à l’attention des Délégués des Ministres :
Il est rappelé que lors de leur 1129e réunion (7 décembre 2011), les Délégués des Ministres ont approuvé la proposition de l’ECRI d’appliquer, vis-à-vis des conclusions sur la mise en œuvre des recommandations de suivi intermédiaire, la procédure utilisée pour ses rapports par pays, c’est-à-dire :
- les rapports de l’ECRI, une fois adoptés sous leur forme définitive, sont transmis par l’ECRI aux gouvernements des pays concernés par l’intermédiaire du Comité des Ministres ;
[…]
- si un gouvernement souhaite s’opposer expressément à la publication du rapport de l’ECRI concernant son pays, cette opposition doit être annoncée par le gouvernement en question lors de la réunion du Comité des Ministres au cours de laquelle le rapport définitif lui est transmis ;
- les rapports pays-par-pays de l’ECRI sont rendus publics dès que transmis aux gouvernements concernés, à moins que ces derniers ne se soient expressément opposés au fait que les rapports soient rendus publics.
Le présent Addendum contient les conclusions finales sur la mise en œuvre des recommandations faisant l’objet d’un suivi intermédiaire adressées au Luxembourg, adoptées par l’ECRI lors de sa 65e réunion.
AVANT-PROPOS
Dans le cadre du quatrième cycle de ses travaux de monitoring, l’ECRI a mis en place une nouvelle procédure de suivi intermédiaire qui s’applique à un petit nombre de recommandations spécifiques formulées dans ses rapports par pays.
Conformément aux lignes directrices relatives au quatrième cycle de ses travaux pays par pays portées à l’attention des Délégués des Ministres le 7 février 2007[3], l’ECRI adresse, au plus tard deux ans après la publication de chaque rapport, une communication au gouvernement en question pour lui demander ce qui a été fait concernant l’application des recommandations spécifiques pour lesquelles une mise en œuvre prioritaire a été requise.
En même temps, l’ECRI rassemble elle-même des informations utiles. Sur la base de ces informations et de la réponse du gouvernement, elle tire des conclusions sur la manière dont ses recommandations ont été suivies.
Il convient de noter que ces conclusions ne concernent que les recommandations intérimaires spécifiques et n’ont pas pour objet de donner une analyse complète de l’ensemble des faits nouveaux intervenus dans la lutte contre le racisme[4] et l’intolérance dans l’Etat en question.
* * *
1. Dans son rapport sur le Luxembourg (quatrième cycle de monitoring) publié le 21 février 2012, l’ECRI recommandait vivement aux autorités luxembourgeoises de renforcer le Centre pour l’égalité de traitement en lui donnant le pouvoir d’ester en justice, en le dotant des moyens humains et financiers nécessaires, et en veillant à ce que les personnes ou organes auxquels il s’adresse aient l’obligation de lui répondre.
L’ECRI note que la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) du Luxembourg a récemment recommandé au nouveau gouvernement de créer une Maison des Droits de l’Homme pour regrouper plusieurs institutions nationales chargées d’une mission de promotion et de protection des droits de l’Homme, à savoir la CCDH, le Centre pour l’égalité de traitement (CET), l’Ombuds-Comité pour les droits de l’enfant et le Médiateur[5]. La possible création d’une Maison des Droits de l’Homme ainsi que le rattachement des institutions concernées au Parlement fait également partie du programme gouvernemental de 2013. Ce rattachement au pouvoir législatif servirait à renforcer leur indépendance et leur neutralité[6].
Les autorités luxembourgeoises ont informé l’ECRI de leur soutien à une proposition identique du CET de le rattacher au Parlement. Elles recommandent également de lui attribuer les moyens et pouvoirs nécessaires pour augmenter sa visibilité et son efficience sans toutefois faire référence à un pouvoir d’ester en justice ou une obligation de réponse des personnes ou organes auxquels il s’adresse. Selon les autorités, il appartiendrait au Parlement de régler les détails dans le cadre d’une proposition de loi. Le CET a lui-même informé l’ECRI que, depuis la publication du rapport de l’ECRI, aucun changement n’était intervenu concernant sa situation.
L’ECRI constate donc que cette recommandation n’a pas été appliquée
2. Dans son rapport sur le Luxembourg (quatrième cycle de monitoring), l’ECRI recommandait aux autorités luxembourgeoises de s’assurer que le Centre de rétention soit doté d’un personnel suffisamment bien formé pour s’occuper de personnes retenues.
Les autorités ont informé l’ECRI que les 67 agents du Centre de rétention ont bénéficié, avant la mise en service du Centre en août 2011, d’une formation initiale. Ils ont été initiés aux méthodes et techniques de communication interculturelle et de prévention du suicide. Ils ont également bénéficié d’une formation en matière de droits de l’homme et plus particulièrement quant au respect des personnes placées en rétention administrative et de cours sur le cadre légal et réglementaire en matière de rétention, d’asile et d’immigration. La direction du Centre de rétention a mis en place un programme de formation continue obligatoire. Il comprend la communication interculturelle, la gestion du stress, l’apprentissage des langues ainsi que la prévention et la gestion de l’agressivité tant physique que psychique au travail. L’ECRI a également été informée de l’intention du Centre de rétention de poursuivre la formation continue de ses agents.
La Médiateure du Grand-Duché de Luxembourg conclut dans son rapport sur le Centre de rétention de 2014 qu’elle est très satisfaite de l’engagement de l’ensemble du personnel en vue de rendre le séjour des personnes placées en rétention aussi convenable que possible[7]. Les réactions de la société civile à ce rapport questionnent principalement l’existence même de cette institution, mais ne font pas non plus ressortir un manque de formation.
L’ECRI considère que cette recommandation a été appliquée.
3. Dans son rapport sur le Luxembourg (quatrième cycle de monitoring), l’ECRI recommandait aux autorités luxembourgeoises d’augmenter les ressources humaines et financières octroyées au Conseil national pour étrangers. L’ECRI recommandait en outre aux autorités luxembourgeoises d’aider le Conseil national pour étrangers à accroître sa visibilité. Elle leur recommandait enfin de mettre à la disposition de ce conseil des locaux où il pourrait siéger décemment.
Les autorités ont informé l’ECRI que le budget du Conseil national pour étrangers (CNE) a fait l’objet d’une réduction dans le cadre des restrictions budgétaires décidées pour l’année 2014. En même temps, le CNE n’a pas dépensé la somme de 15 000 € qui lui avait été allouée pour l’organisation de séminaires en 2013. Des locaux appropriés ont été mis à la disposition du CNE.
L’ECRI constate que le CNE a toujours des difficultés à remplir son rôle d’organe consultatif. Au cours des deux dernières années, il n’a rendu en tout et pour tout qu’un avis au sujet de la nationalité luxembourgeoise et approuvé une Déclaration sur la diversité et de l’intégration. Selon les rapports d’activité du Gouvernement, le CNE n’a tenu que deux séances plénières en 2012 et sept autres en 2013. Le dépliant du CNE date de 2010[8], le dernier communiqué de presse de 2012[9] et ses pages internet[10] ne contiennent aucune indication sur d’autres publications récentes. L’ECRI note enfin que le CNE ne traite plus de plaintes pour discrimination raciale et qu’il n’a pas reconduit la Commission permanente spéciale contre la discrimination raciale (CPSDR) qui avait la compétence de recevoir ces plaintes[11].
Dans ce contexte, l’ECRI fait référence à la recommandation figurant au § 56 de son rapport sur le Luxembourg d’examiner la valeur ajoutée de chaque organe de lutte contre les discriminations afin d’éviter un chevauchement des compétences et d’assurer un maximum d’efficacité. Vu que le CNE a décidé de ne plus traiter des plaintes pour discrimination raciale et vu que le CET reste compétent pour de telles plaintes[12], l’ECRI considère qu’il n’y a pas lieu de continuer l’examen de la mise en œuvre de cette recommandation.
[1] Ce document a été classé en diffusion confidentielle le jour de la diffusion ; il sera déclassifié une semaine après son examen par les Délégués des Ministres.
[2]Sauf indication contraire expresse, aucun fait intervenu après le 2 mai 2014, date de réception de la réponse des autorités luxembourgeoises à la demande d’informations de l’ECRI sur les mesures prises pour appliquer les recommandations faisant l’objet d’un suivi intermédiaire, n’est pris en compte dans la présente analyse.
[4] Conformément à la Recommandation de politique générale (RPG) n° 7, par racisme, on entend la croyance qu’un motif tel que la « race », la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique justifie le mépris envers une personne ou un groupe de personnes ou l’idée de supériorité d’une personne ou d’un groupe de personnes. Par « discrimination raciale », on entend toute différence de traitement fondée sur un motif tel que la « race », la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique, qui manque de justification objective et raisonnable.
[5] CET, Rapport d’activités 2013, p. 4 ; CCDH, Rapport d’activités 2013, p. 109.
[6] CCDH, Rapport d’activités 2013, p. 19.
[7] Médiateure du Grand-Duché de Luxembourg 2014, Le Centre de rétention – rapport, p. 49.
[10] http://www.olai.public.lu/fr/relations-nationales/organismes_consultation/conseil-nat-etrangers/.
[11] Voir §§ 49 et suiv. du 4e rapport et CERD, 21 février 2014, Observations finales concernant les quatorzième aux dix-septième rapports périodiques du Luxembourg, CERD/C/LUX/CO/14-17, §§ 9 à 10.
[12] Voir dans ce contexte le § 1 de ce document.