CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2005)6
du Comité des Ministres aux Etats membres
relative à l’exclusion du statut de réfugié dans le contexte de l’article 1 F
de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés

(adoptée par le Comité des Ministres le 23 mars 2005,

lors de la 920e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

Soulignant la nécessité pour les Etats membres du Conseil de l'Europe de traiter avec humanité les demandeurs d’asile, en conformité avec les instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme ;

Rappelant l’attitude libérale et humanitaire des Etats membres du Conseil de l'Europe à l’égard des demandeurs d’asile, et gardant à l’esprit l’importance de préserver l’intégrité du système d’asile établi par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967 (ci-après « la Convention de 1951 ») ;

Désireux d’offrir aux réfugiés une protection internationale adéquate et d’exclure de cette protection les personnes qui ont commis des actes d’une telle gravité qu’elles ne méritent pas cette protection ;

Estimant qu’une application scrupuleuse et judicieuse des clauses d’exclusion prévues par l’article 1.F de la Convention de 1951 conduirait à un tel résultat ;

Rappelant le caractère absolu des droits reconnus par l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

Ayant à l’esprit que l’exclusion du statut de réfugié est une question différente de celle de l’éloignement des étrangers, dans le sens où l’exclusion n’entraîne pas automatiquement l’éloignement de l’étranger du pays d’asile ;

Considérant que l’article 1.F de la Convention de 1951 prévoit que :

« Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a.         qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

b.         qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés ;

c.         qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies »,

Recommande aux Etats membres de tenir compte des principes suivants en appliquant l’article 1.F de la Convention de 1951 :

1.         En ce qui concerne l’interprétation de l’article 1.F :

a.         en tant qu'exception au régime de protection des réfugiés prévu par la Convention de 1951, dont l’application peut avoir des conséquences très graves pour une personne qui craint d’être persécutée, les clauses d’exclusion qui figurent à l’article 1.F devraient être interprétées de manière restrictive ;

b.         l’expression « des raisons sérieuses de penser », placée en tête de l’article 1.F, se rapporte au niveau de preuve exigé. L’exclusion n'exige pas une détermination de culpabilité au sens pénal. Néanmoins, des informations claires et crédibles sont exigées pour satisfaire au critère des « raisons sérieuses » ; 

c.         pour interpréter la notion de « crime contre la paix, crime de guerre ou crime contre l’humanité » à l’article 1.F.a, il faut tenir dûment compte de l’évolution du droit international depuis que la Convention de 1951 a été rédigée ;

d.         en ce qui concerne l'article 1.F.b, un crime devrait être considéré comme étant « de droit commun » s'il a été commis pour des raisons personnelles ou pour un profit personnel plutôt que pour des raisons politiques, s'il n'y a pas de lien clair entre le crime et l'objectif politique poursuivi ou si l'acte était disproportionné par rapport à l'objectif politique. Les actes d'une violence extrême, tels que, par exemple, les tueries aveugles et autres atteintes à l'intégrité physique infligées sans discrimination à la population, devraient également être considérés comme étant des crimes de droit commun. Pour qu'un crime soit considéré comme étant de caractère politique, les objectifs politiques doivent être conformes aux principes des droits de l'homme. Les instruments anti-terrorisme internationaux adoptés dans le cadre des Nations Unies et du Conseil de l'Europe disposant que certains crimes ne peuvent pas être considérés comme des crimes politiques constituent des indications pour déterminer l'élément politique d'un crime ;

e.         pour l’examen de la « gravité » d’un crime de droit commun dans le contexte de l’article 1.F.b, la nature du crime et le préjudice infligé sont des facteurs à prendre en considération. Parmi les autres facteurs pertinents, pourraient figurer le fait que la plupart des juridictions des Etats membres du Conseil de l'Europe considèrent l’acte en question comme un crime grave, la forme de procédure employée pour poursuivre les auteurs du crime et la sévérité de la sanction en cas de condamnation ;

f.          l’article 1.F.c se réfère aux buts et aux principes des Nations Unies tels qu’ils sont énoncés aux articles 1 et 2 de la Charte des Nations Unies. Il vise essentiellement les personnes qui ont occupé une position de pouvoir ;

g.         l’exclusion du statut de réfugié ne peut être décidée que sur la base  de la responsabilité individuelle. Le degré d'implication d’une personne qui, du fait de sa position, de ses actes ou de son inaction, est liée à certaines parties et entités qui commettent des crimes ou préconisent la violence doit faire l’objet d’une analyse minutieuse. Il convient de prendre en considération les motifs d’exonération de la responsabilité individuelle tels que ceux découlant des circonstances psychologiques ou de fait, dans lesquelles les actes ont été commis ;

2.         En ce qui concerne les aspects procéduraux relativement à l’article 1.F :

 

a.         les garanties procédurales traditionnelles, particulièrement celles concernant les procédures d’asile, s’appliquent à la mise en œuvre des clauses d’exclusion ;

b.         l’applicabilité des clauses d’exclusion devrait être considérée individuellement dans le cadre d’une procédure normale de détermination du statut de réfugié ;

3.         En ce qui concerne certaines questions particulières liées aux clauses d’exclusion :

a.         lorsqu’un membre d’une famille est exclu du statut de réfugié, la possibilité pour les personnes à charge et les autres membres de la famille d’obtenir le statut de réfugié doit être considérée individuellement. Lorsque des membres de la famille ont obtenu le statut de réfugié, le demandeur exclu ne saurait se voir reconnaître le statut de réfugié en application du principe de l’unité familiale ;

b.         dans les affaires pouvant impliquer l’exclusion des mineurs du statut de réfugié, il convient de prendre avant tout en considération l’intérêt supérieur de l’enfant. Les clauses d’exclusion ne devraient normalement s’appliquer qu’aux mineurs qui, au moment de la commission des faits, ont atteint l’âge de la responsabilité pénale dans le pays d’asile et qui possèdent une capacité de discernement et une maturité suffisantes pour pouvoir être tenus responsables de l’acte commis. Il convient d’évaluer attentivement d’autres circonstances atténuantes éventuelles.