Groupe de rapporteurs sur les relations entre

le Conseil de l’Europe et les ONG

(GR-ONG)

 

16 juin 1998

Restricted
GR-ONG(98)3

Coopération juridique du Conseil de l'Europe
pour le développement et la consolidation de la stabilité démocratique

PROGRAMME DEMO-DROIT

LE STATUT JURIDIQUE DES ORGANISATIONS NON
GOUVERNEMENTALES ET LEUR ROLE DANS UNE DEMOCRATIE PLURALISTE

Réunion multilatérale
organisée par le Conseil de l'Europe
en coopération avec la Fondation du Japon

* * *

Strasbourg, Palais de l'Europe

23 - 25 mars 1998

Lignes directrices pour le développement et le renforcement des ONG
en Europe

 

CONTEXTE

1. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont un rôle fondamental à jouer dans le développement et la consolidation de la stabilité et du pluralisme démocratiques. La société civile présente une grande diversité et les activités des ONG couvrent des domaines aussi variés que la protection des libertés et des droits de l'homme, la sauvegarde de l'environnement, le développement communautaire et social, la définition des normes techniques et professionnelles, le renouveau culturel et éducatif, les personnes démunies ou handicapées, la défense des réformes législatives et l'expression des besoins fondamentaux et aspirations de la population. Les ONG sont les garantes des principes et valeurs de la société humaine, leur coopération avec les gouvernements démocratiques est donc nécessaire.

2. Les ONG, sont de plus en plus nombreuses et cette évolution est indissociable de l'aspiration à la liberté et à la démocratie qui est la raison d'être du Conseil de l'Europe et inspire ses Etats membres. Les ONG exercent des activités utiles à la communauté internationale et contribuent à la réalisation des buts et principes du Statut du Conseil de l'Europe et de la Charte des Nations Unies.

3. Les Etats membres du Conseil de l'Europe s'engagent à promouvoir la prééminence du droit et la protection des libertés fondamentales qui sont à la base d'une véritable démocratie et en particulier les libertés d'opinion, d'expression et d'association.

4. Les lois permettant aux ONG d'acquérir la personnalité juridique jouent un rôle capital en rendant effective la liberté d'association, garantie par la Convention européenne des Droits de l'Homme et protégée par le droit international et constitutionnel. En outre, la liberté d'expression - également garantie par la Convention européenne des Droits de l'Homme et protégée par le droit international et constitutionnel - n'a de sens que lorsqu'elle est appliquée par le moyen de lois permettant la création d'associations.

5. Le but n'est pas de présenter une loi modèle pour les ONG mais de recommander l'application de principes qui devraient régir les lois pour les ONG dans une société démocratique fondée sur la prééminence du droit. Les législations sur les ONG devraient être adaptées au système juridique du pays concerné et être élaborées en consultation avec les représentants du secteur des ONG.

ASPECTS JURIDIQUES

6. L'utilité des lois pour les ONG est de permettre et encourager la création de ces organisations et de leur assurer une existence et une protection juridiques pour autant que les ONG respectent les règles de droit générales et observent un comportement responsable.

Les lois régissant les ONG devraient tendre à permettre aux ONG de fonctionner de manière indépendante, responsable et transparente, et devraient encourager une autorégulation effective du secteur des ONG.

7. Les ONG devraient avoir les mêmes droits généralement applicables aux personnes morales et devraient être soumises aux mêmes obligations et sanctions de droit civil et de droit pénal généralement applicables aux personnes morales.

8. La prééminence du droit est essentielle pour le développement de toute société démocratique moderne. Or, il est essentiel, dans un Etat de droit, que toute personne, y compris les personnes morales comme les ONG, aient le droit de faire appel des décisions qui les affectent devant des tribunaux indépendants.

Tout acte ou toute décision affectant une ONG devrait être soumise aux mêmes contrôles administratif et judiciaire que ceux généralement applicables aux personnes morales. Cette matière faisant l'objet de règles régissant le contrôle administratif et judiciaire, il ne devrait pas être nécessaire de prévoir des dispositions spéciales à cet effet dans les lois sur les ONG.

9. Le point de départ de toute loi sur les ONG devrait être que tout individu, groupe ou personne morale a le droit de former une association dans un but légal, non lucratif. La création d’une ONG devrait être un acte volontaire et non pas obligatoire. En règle générale, dans une société démocratique, toute personne physique ou morale devrait pouvoir créer une ONG par une procédure relativement rapide, facile et peu coûteuse.

10. Certains avantages particuliers ne peuvent être obtenus qu’en devenant une personne morale. Lorsqu’une ONG est établie, elle devient normalement une personne morale distincte, ce qui signifie, en général, que c’est à l’ONG, et non à ses membres, administrateurs, directeurs ou employés, qu’incombe la responsabilité de ses dettes, contrats et obligations. Seule une ONG établie peut bénéficier de subventions gouvernementales ou de dégrèvements fiscaux.

11. Une ONG étrangère devrait pouvoir jouir des mêmes droits, pouvoirs, privilèges et immunités que les ONG nationales, pourvu que les activités de l’ONG étrangère soient compatibles avec l’ordre public du pays hôte. De manière générale, les règles de constitution d’une ONG étrangère devraient être identiques à celles qui régissent l’instauration d’une ONG nationale. De même, il ne devrait pas y avoir de règle ou de restriction spéciale pour les ONG qui comptent des ressortissants étrangers parmi leurs administrateurs ou employés.

12. Les principaux documents qui devraient être déposés lors de la création d'une ONG sont les statuts de l'organisation lesquels devraient indiquer, de manière précise, la nature et le but de l’organisation, prévoir une structure de gestion appropriée, énumérer les pouvoirs et limites de l’organisation, indiquer qui sont les fondateurs, administrateurs et directeurs, préciser le lieu du siège principal et nommer un représentant légal.

13. Les formalités administratives pour l'enregistrement d'une ONG devraient être simples et les organes chargés de l’examen du dossier devraient avoir une marge d’appréciation minimale. Le ministère ou l’organe chargé de l’enregistrement des ONG devrait publier les règles et textes réglementaires applicables ainsi que des formulaires expliquant la procédure. Il devrait également apporter une aide aux ONG qui cherchent à obtenir un statut juridique officiel et, en cas de refus d'enregistrement, il devrait être tenu d’indiquer par écrit les raisons qui motivent ce refus.

Les décisions de ne pas enregistrer une ONG ou de prononcer sa dissolution devraient pouvoir faire l’objet d’un recours à la fois devant les autorités administratives et devant un tribunal indépendant. Dans certains pays, il peut être considéré approprié que ce soient les tribunaux qui remplissent la fonction d'organe d'enregistrement.

14. Il n'est généralement pas nécessaire d’exiger la preuve que l’organisation a les moyens financiers d’atteindre les buts qu’elle s’est fixés. Si l’association est capable de collecter des fonds et de fournir les biens et services voulus, elle aura prouvé son utilité.

15. Toutes les lois en vigueur sur les ONG permettent à des personnes physiques de créer une ONG, mais beaucoup d’entre elles ne permettent pas à des personnes morales, comme les associations, d’en constituer une. Il est tout à fait souhaitable de permettre à des personnes morales de créer une ONG. Ceci permet aux ONG ayant les mêmes vues de se regrouper pour défendre des intérêts communs.

16. Les ONG qui veulent obtenir des subventions, des contrats, des avantages fiscaux ou d’autres concessions devraient être tenues d'être enregistrées, de sorte que les instances gouvernementales sachent quelles ONG sont constituées et quels sont leurs buts, compétences et limites. En outre, tout individu ou personne morale en relation d’affaires avec une association (par exemple, location de locaux, vente de biens) devrait avoir le moyen de savoir si cette association est reconnue comme personne morale. Il est également important que le public ait accès à cette information. Pour leur propre protection, les citoyens doivent être en mesure de vérifier si une ONG qui se présente comme telle et sollicite leur soutien est véritablement reconnue ou non.

17. Les lois régissant les ONG devraient stipuler qu’aucun gain ou bénéfice net d’une ONG ne devrait être distribué en tant que tel à une personne, quelle qu’elle soit.

Les ONG devraient être autorisées à mener des activités économiques, pourvu que leur but principal soit le bien public ou l'intérêt mutuel de leurs membres. Lorsqu’une ONG retire des bénéfices nets d’une activité économique, elle doit les employer à la réalisation des objectifs d’intérêt général ou mutuel pour lesquels elle a été créée, et ne doit les distribuer à personne. Ce principe – le principe de non-distribution – est la caractéristique majeure qui distingue les ONG des entreprises à but lucratif.

18. La loi devrait autoriser une ONG à désigner, dans ses statuts, ou par une résolution, une autre ONG similaire à laquelle échoirait tout avoir restant après l’acquittement de toutes les dettes et obligations. Dans certaines circonstances, de grands donateurs imposent une clause contractuelle, obligeant l’ONG à leur reverser les fonds reçus, en cas de dissolution. Une bonne pratique pour toute ONG est de désigner une autre ONG qui exerce le même type d’activités comme bénéficiaire de ses avoirs, en cas de cessation de son activité.

19. Les ONG sont souvent des acteurs clés dans les débats des questions d’intérêt général et devraient avoir le droit de s’engager librement dans la recherche, l’éducation et la défense de causes faisant l'objet d'un débat public, même lorsque leurs positions ne sont pas conformes à la politique gouvernementale. La loi ne devrait mettre aucun obstacle à ces activités légitimes.

20. Une ONG dûment établie dans un pays devrait généralement pouvoir solliciter et recevoir des dons en nature ou en espèces ou des virements d’un autre pays, d’un organisme multilatéral, ou d’un donateur institutionnel ou individuel dans un autre pays, pourvu que soient respectées les lois généralement applicables en matière de change et de douane.

De manière générale, les financements étrangers et nationaux devraient être soumis aux mêmes règles. Si les rapports annuels doivent indiquer l’identité des donateurs nationaux, les mêmes règles devraient s’appliquer donateurs étrangers. Si les donateurs nationaux ont le droit de soutenir toute activité que les ONG nationales peuvent légalement mener, les donateurs étrangers devraient avoir les mêmes prérogatives.

AUTRES ASPECTS

Relations entre les gouvernements et les ONG

21. Les ONG et les gouvernements devraient, dans chaque secteur, instaurer des mécanismes de dialogue, de consultation et d'échange, dans un esprit d'ouverture avec l'objectif majeur de rechercher des solutions optimales aux besoins et aux problèmes de la société.

Ces mécanismes consultatifs n'entrent pas en compétition avec les rôles habituels joués par les partis politiques, les syndicats, les organisations patronales ou les groupes de pression industriels et ne les remplacent pas.

22. L'existence de mécanismes de consultation entre le gouvernement et les ONG et la participation de ces dernières à ces mécanismes ne garantissent ni n'excluent les subventions gouvernementales, les contrats ou dons en faveur d'ONG individuelles ou de groupes d'ONG. Aucune consultation ne devrait être considérée par le gouvernement comme un moyen d'amener les ONG à cautionner les priorités gouvernementales, ni par les ONG comme une incitation à abandonner leurs buts et principes.

23. Il va sans dire que ces consultations entre le gouvernement et les ONG devraient avoir lieu à tous les stades de l'élaboration des lois et actes administratifs qui affectent le statut et le cadre des ONG, leur financement ou leurs sphères d'influence. Celles-ci devraient acquérir l'expertise nécessaire pour leur permettre de contribuer avec compétence à tous les aspects des discussions qu'ils soient politiques ou techniques. Une formation appropriée devrait être encouragée dans les domaines concernés, y compris en matière de gestion.

24. Il faut du temps pour instaurer et consolider la confiance et le partenariat entre le gouvernement et les ONG. Dans certains pays, le gouvernement peut juger utile de désigner un bureau ou une personne chargés de canaliser les contacts avec les ONG.

Considérations générales sur la gestion des ONG

25. Dans leurs structures et leurs processus décisionnels, les ONG doivent être attentives à divers acteurs: membres, usagers, bénéficiaires, conseils d'administration, organes de contrôle, personnel, donateurs, dans certaines circonstances, l'administration (nationale ou locale, selon les cas).

26. Les ONG doivent avoir des statuts clairs (constitutions, articles d'associations) et un règlement intérieur. Ce dernier doit être conforme aux règles de droit, satisfaire à des obligations contractées du fait que l'ONG a adhéré à un réseau extérieur ou à une confédération, ou correspondre aux engagements pris vis-à-vis des donateurs. Les changements effectués dans les structures internes et le règlement intérieur relèvent entièrement de l'ONG et n'exigent aucune autorisation ou intervention de l'Etat.

27. Les procédures d'adhésion ou d'exclusion de membres, la nomination ou l'élection ou encore le renouvellement de dirigeants et employés, ainsi que la détermination des niveaux structurels de responsabilité, sont entièrement du ressort de l'ONG et ne concernent aucune autorité extérieure (excepté lorsque se produit un fait qui contrevient, par exemple aux obligations dans le domaine du droit pénal ou du droit civil, aux obligations en matière d'assurance, à la réglementation en matière de fiscalité ou autre).

28. En d'autres termes, une ONG est souveraine pour décider de son organisation interne pour mener à bien la mission ou le programme pour lesquels elle a été créée. Tant qu'une ONG ne viole pas la loi, les entités juridiques extérieures n'ont pas à intervenir dans la conduite de ses affaires intérieures.

Coordination et création des réseaux entre ONG

29. Les ONG sont libres d'adhérer ou de refuser d'adhérer à tout groupement d'ONG ayant des conceptions semblables ou compatibles. Cette question est du ressort de l'organe directeur ou exécutif de chaque ONG.

30. L'adhésion à un groupement d'ONG n'implique pour l'ONG ni un abandon de son «indépendance», ni une dilution de ses aspirations et objectifs déclarés. C'est plutôt un moyen de renforcer le potentiel d'actions collectives de coopération, d'élargir les possibilités d'atteindre de nouveaux publics et de développer le potentiel de réalisation. Cela peut aussi être un moyen de démontrer l'importance de la solidarité et de renforcer les valeurs communes.

Les réseaux d'ONG et les organes de coordination peuvent:

- favoriser la complémentarité entre les programmes des ONG, mais aussi entre les ONG et les secteurs public ou privé;

- permettre une meilleure couverture des secteurs d'activités ou des aires géographiques;

- renforcer le potentiel de donateurs, accroître la crédibilité et l'efficacité des ONG, éviter la transmission de messages contradictoires aux autorités ou à l’opinion publique, présenter des positions communes aux institutions nationales ou internationales;

- offrir des possibilités de formation plus économiques, partager des services spécialisés (conseils juridiques, audit, imprimerie, bibliothèque, etc.) et fixer des normes communes.

31. Les réseaux d'ONG et les organes de coordination sont également des porte-voix pour les petites ONG, tandis que les grandes peuvent s'exprimer par leur truchement avec l'autorité accrue que confère le nombre. Ces réseaux et organes sont des intermédiaires inestimables entre les ONG et le gouvernement et ils permettent d'orienter et de mobiliser la contribution des ONG sur des questions soumises à consultation, d'exprimer les préoccupations de toutes les ONG et de ratifier l'approbation collective aux accords et conventions.

Autorégulation / codes de conduite

32. Le secteur des ONG doit être soucieux de prouver son engagement à être efficace, responsable, exigeant, de promouvoir les processus participatifs, la bonne gestion, l'éthique du bénévolat, l'égalité des chances et la probité du personnel à tous les échelons.

33. L'autorégulation est surtout répandue, avec succès, dans les pays où le régime juridique des ONG est le plus développé. En revanche, dans les pays où la législation des ONG est rudimentaire, il n'existe pratiquement pas de véritable autorégulation. On peut en déduire que les législations pour les ONG et la conscience qu'a le secteur lui-même de la nécessité de se fixer des normes de qualité encore plus exigeantes vont de pair. Les ONG responsables sont de plus en plus conscientes que le succès de leur secteur dépend, dans une large mesure, de l'appréciation du public concernant leur efficacité et leur éthique. En outre, des codes d'autorégulation sont souvent élaborés pour permettre aux groupes d'ONG qui travaillent dans un secteur particulier de s'attaquer aux besoins et défis particuliers de ce secteur.

34. L'adoption et l'application interne d'un code de conduite clair et strict indiquent de manière très nette aux donateurs, bénéficiaires et autres parties intéressées que l'ONG a des exigences et prend les mesures nécessaires pour les mettre en œuvre. Repris par de nombreuses ONG dans toutes les sociétés, le processus d'adoption et d'application d'un code de conduite peut considérablement accroître le prestige réel et perçu et l'intégrité du secteur.

La Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non-gouvernementales (STE n° 124)

35. Le Conseil de l'Europe a reconnu dès 1951 l'importance des ONG dans la construction d'une démocratie pluraliste et attache du prix à leur contribution aux activités de l'Organisation. En 1986, une Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non-gouvernementales a été ouverte à la signature des Etats membres. Aux termes de la Convention européenne, la personnalité et la capacité juridiques acquises par une ONG dans la Partie contractante où elle a son siège statutaire sont reconnues de plein droit dans les autres Parties contractantes. Le but de la Convention est de faciliter les activités des ONG au niveau international lorsque certaines conditions sont réunies et notamment lorsque celle-ci exercent une activité effective dans au moins deux Etats.

36. Un séminaire du Conseil de l'Europe sur l'application de la Convention européenne s'est tenu les 9-10 février 1998 dans le but d'encourager les Etats membres qui n'ont pas encore ratifié la Convention 124 à entamer les procédures qui mènent à la ratification dans les meilleurs délais.