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Délégués des Ministres 75e réunion Strasbourg, 30 mai – 1er juin 2001
PARTIE A : Projet de Recommandation Rec(2001)XX sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées
PARTIE B : Exposé des motifs PARTIE A
PROJET DE RECOMMANDATION Rec(2001) XX SUR LES MODES ALTERNATIFS DE REGLEMENT DES LITIGES ENTRE LES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET LES PERSONNES PRIVEES
1. Le Comité des Ministres, conformément à l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,
2. Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres;
3. Rappelant sa Recommandation n° R (81) 7 sur les moyens de faciliter l'accès à la justice, qui appelle dans son annexe à prendre des mesures pour faciliter le recours à la conciliation ou à la médiation;
4. Rappelant également sa Recommandation n° R (86) 12 relative à certaines mesures visant à prévenir et réduire la surcharge de travail des tribunaux, qui appelle à encourager, dans les cas appropriés, le règlement amiable des différends, soit en dehors de l'ordre juridictionnel, soit avant ou pendant la procédure juridictionnelle;
5. Considérant, d'une part, que le grand nombre d'affaires portées devant les tribunaux compétents en matière administrative et, dans certains pays, son accroissement constant peuvent porter atteinte au droit des justiciables à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6.1, de la Convention européenne des Droits de l'Homme;
6. Considérant, d'autre part, que les procédures juridictionnelles peuvent ne pas toujours être les plus appropriées en pratique à la solution des différends d'ordre administratif;
7. Considérant que la généralisation du recours à d'autres modes de règlement des différends administratifs peut permettre de remédier à ces inconvénients et de rapprocher l'administration du public;
8. Considérant que les principaux avantages des modes alternatifs de règlement des différends administratifs peuvent être, éventuellement et selon les cas, des procédures simplifiées et assouplies avec une plus grande célérité et un moindre coût, le règlement à l'amiable, le règlement par des spécialistes, le recours à l'équité et non pas seulement à la légalité stricte, et une plus grande discrétion;
9. Considérant donc que dans le cas s'y prêtant, il doit être possible de résoudre les litiges administratifs par des moyens autres que le recours aux tribunaux;
10. Considérant que le recours aux modes alternatifs ne doit pas être un moyen pour l'administration et les personnes privées de contourner leurs obligations et le principe de légalité;
11. Considérant que, dans tous les cas, les modes alternatifs doivent laisser possible un contrôle par les tribunaux, qui constitue la garantie ultime des droits des administrés et de l'administration;
12. Considérant que les modes alternatifs doivent se conformer aux principes d'égalité, d'impartialité et respecter les droits des parties ;
13. Recommande aux gouvernements des Etats membres de promouvoir le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées en se laissant guider, dans leur législation et leur pratique, par les principes de bonne pratique annexés à la présente recommandation.
Annexe à la Recommandation n° R (XX) XX
I. Dispositions générales
1. Objet de la recommandation
i. Cette recommandation porte sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées ;
ii. Cette recommandation traite des modes alternatifs suivants : le recours à l'administration, la conciliation, la médiation, la transaction et l'arbitrage ;
iii. Bien que la recommandation traite du règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées, certains des modes qu'elle envisage peuvent servir également à les prévenir avant qu'ils n'apparaissent; c'est le cas notamment de la conciliation, de la médiation et de la transaction.
2. Champ d'application des modes alternatifs
i. Les modes alternatifs devraient être admis à titre général ou pour certains types de litiges s'y prêtant concernant l'activité administrative, notamment ceux liés aux actes administratifs individuels, aux contrats, à la responsabilité civile et, de façon générale, les litiges ayant pour objet une somme d'argent ;
ii. Le choix de modes alternatifs appropriés dépendra du différend en question.
3. Réglementation des modes alternatifs
i. La réglementation des modes alternatifs devrait soit les institutionnaliser, soit permettre leur adoption, au cas par cas, selon la décision des parties ;
ii. La réglementation des modes alternatifs devrait:
a. assurer aux parties l'information nécessaire sur la possibilité d'avoir recours aux modes alternatifs;
b. assurer l'indépendance et l'impartialité des conciliateurs, des médiateurs et des arbitres;
c. garantir une procédure équitable permettant notamment de respecter les droits des parties et le principe d'égalité;
d. garantir, dans la mesure du possible, la transparence dans l'utilisation des modes alternatifs et l'observation d'une certaine discrétion;
e. assurer l'exécution des solutions acquises à travers les modes alternatifs.
iii. La réglementation devrait prévoir une durée raisonnable pour l'aboutissement des procédures alternatives par l'introduction de délais ou par d'autres moyens.
iv. La réglementation peut prévoir que l'utilisation de certains modes alternatifs aboutisse dans certains cas à la suspension de l'exécution d'un acte, soit automatiquement, soit par décision de l'autorité compétente.
II. Rapports avec les tribunaux
i. Certains modes alternatifs, tels que le recours à l'administration, la conciliation, la médiation et la recherche d'une transaction, peuvent intervenir préalablement au recours aux tribunaux. Le recours à ces modes peut être obligatoire et constituer un préalable à la saisine des tribunaux ;
ii. Certains modes alternatifs, tels que la conciliation, la médiation et la transaction peuvent être utilisés au cours de la procédure devant les tribunaux, éventuellement sur recommandation du juge ;
iii. Le recours à l'arbitrage doit exclure en principe le recours aux tribunaux ;
iv. Dans tous les cas, le recours aux modes alternatifs doit laisser possible le contrôle approprié par les tribunaux, qui constitue la garantie ultime des droits des administrés et de l'administration. ;
v. Le contrôle par les tribunaux dépendra du mode alternatif choisi. Les modalités et l'étendue de ce contrôle pourront porter, selon les cas, sur la procédure, notamment le respect des principes énoncés à la section I.3. ii. a, b, c et d, et/ou sur le fond ;
vi. En principe et sous réserve de la législation applicable, le recours à un mode alternatif devrait avoir pour effet de suspendre ou d'interrompre les délais de recours aux tribunaux.
III. Dispositions spécifiques à chaque mode alternatif
1. Recours à l'administration
i. En principe, les recours à l'administration doivent être possibles au sujet de tout acte. Ils peuvent porter sur l'opportunité et/ou la légalité d'un acte ;
ii. Les recours à l'administration peuvent, dans certains cas, être obligatoires, en tant que préalables au recours aux tribunaux ;
iii. Les recours à l'administration doivent faire l'objet d'un examen et aboutir à une décision par les autorités compétentes ;
2. Conciliation et médiation
i. La conciliation et la médiation peuvent être engagées à l'initiative des parties ou du juge ou être obligatoirement imposées par la loi ;
ii. Les conciliateurs et les médiateurs devraient organiser des réunions séparées avec chaque partie ou simultanées afin d'aboutir à une solution ;
iii. Le conciliateur et le médiateur peuvent inviter l'autorité administrative à abroger, étirer ou modifier un acte, pour des raisons d'opportunité ou de légalité.
3. Transaction
i. Sauf disposition contraire de la loi, l'administration ne pourra pas, par une transaction, méconnaître une obligation lui incombant.
ii. Conformément à la loi, les agents publics qui interviennent dans une procédure visant à une transaction doivent être munis de pouvoirs suffisants pour transiger.
4. Arbitrage
i. Les parties devraient pouvoir choisir le droit et la procédure applicables dans les limites légales. Conformément à la loi et au choix des parties, la décision des arbitres pourra être fondée sur l'équité ;
ii. Même si les arbitres ne sont pas autorisés à apprécier, à titre principal, la légalité d'un acte en vue de son annulation, ils devraient pouvoir le faire à titre préalable en vue de rendre leur décision au fond. PARTIE B
EXPOSE DES MOTIFS DE LA RECOMMANDATION Rec(2001) XX SUR LES MODES ALTERNATIFS DE REGLEMENT DES LITIGES ENTRE LES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET LES PERSONNES PRIVEES
INTRODUCTION
1. Le droit administratif concerne l'organisation de l'administration mais aussi le règlement des relations entre les autorités publiques et les personnes privées.
2. Des litiges apparaissent entre ces dernières et pour y remédier, des procédures contentieuses spécifiques ont été mises en place au sein des systèmes juridiques des Etats.
3. Depuis un certain temps, on constate des problèmes croissants dans ce domaine: surcharge des tribunaux en général et de ceux responsables de ce type de litiges en particulier, inadaptation des procédures contentieuses à certains types de litiges. Ce problème est commun aux Etats membres du Conseil de l'Europe. Est alors apparue la nécessité de trouver des modes alternatifs afin de résoudre ces litiges de manière plus efficace.
4. Les Etats membres du Conseil de l'Europe ont recours à des degrés divers aux modes alternatifs de règlement des litiges en général. Les exemples les plus connus sont la médiation en matière pénale et dans le domaine du droit de la famille. Ces modes sont globalement moins répandus en matière administrative, même si ce constat est à nuancer selon les pays.
5. Le développement des modes alternatifs de règlement des litiges entre l'administration et les personnes privées s'explique par des motifs conjoncturels et structurels.
6. Concernant les premiers, certains pays n'ont pas encore institué de tribunaux assez forts et efficaces pour trancher des litiges d'ordre administratif et l'établissement de modes alternatifs peut permettre de faciliter la transition dans l'attente d'un rééquilibrage entre l'administration publique et la justice. De plus, dans certains pays, on constate une insuffisance de moyens quantitatifs et qualitatifs des tribunaux. Dans ce cadre, le recours à des modes de solution des litiges administratifs a une nature palliative. Faute de tribunaux adéquats, des formules extérieures peuvent être utilisées. Enfin l'encombrement des tribunaux permet encore de justifier le recours à ces modes.
7. Outre les motifs conjoncturels, des motifs structurels existent: les administrés ont actuellement plus conscience de leurs droits et de ce qu'ils peuvent faire valoir et les procédures juridictionnelles traditionnelles ne sont plus suffisantes pour satisfaire leur besoin de justice. De plus, les procédures juridictionnelles restent trop formalistes et manquent généralement de souplesse. Le besoin de mécanismes plus souples pour pallier le formalisme de la justice et éviter les risques présentés par ce formalisme a poussé à la recherche de modes alternatifs qui permettent par ailleurs le règlement des différends sur la base de l'équité et non uniquement de la légalité stricte.
8. C'est pour ces raisons que le Conseil de l'Europe s'est intéressé depuis quelques années à l'implantation et à l'extension de ces modes alternatifs dans les différents Etats membres, sans pour autant négliger l'importance du recours à la justice administrative, qui constitue la garantie ultime des droits des administrés et de l'administration, conformément à la Convention européenne des Droits de l'Homme.
HISTORIQUE
9. La recommandation n° R (2001) XX est l'aboutissement des travaux entrepris en 1999 par le Groupe de projet sur le droit administratif (CJ-DA), sous l'égide du Comité européen de coopération juridique (CDCJ). Le CJ-DA a reçu mandat du Comité des Ministres pour mener une activité sur "les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes privées", dont le but était d'étudier la possibilité d'introduire ces modes alternatifs de règlement des litiges administratifs dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.
10. Motivé par cet objectif, le Conseil de l'Europe, en collaboration avec le ministère de la Justice du Portugal, a organisé à Lisbonne, du 31 mai au 2 juin 1999, une conférence multilatérale sur "Les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes privées: conciliation, médiation et arbitrage".
11. Cette conférence s'est tenue dans le cadre conjoint des activités inter-gouvernementales - par l'intermédiaire du CJ-DA - et des programmes ADACS pour le développement et la consolidation de la stabilité démocratique, et a constitué à ce titre un exercice pionnier, en combinant les deux programmes piliers de l'Organisation. A l'issue de la conférence, les participants ont adopté des conclusions qui ont servi de base à la poursuite de l'activité sur ce thème au niveau inter-gouvernemental (les Actes de la conférence ont été publiés sous la référence ISBN 92-871-4204-1).
12. Suite à la conférence de Lisbonne, le CJ-DA, assisté par un groupe de travail (CJ-DA-GT) composé d'experts indépendants internationaux - les Professeurs Caupers, Delvolvé, Fortsakis et Partington - et d'experts gouvernementaux, a engagé une réflexion pour définir des principes communs pouvant inspirer les Etats membres dans la réforme ou l'introduction de modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées. Parallèlement, il a demandé au Secrétariat de recueillir des informations sur le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges administratifs existant dans les Etats membres et observateurs.
13. Le CJ-DA-GT s'est réuni trois fois et le CJ-DA deux fois entre 1999 et 2000 autour de ce thème, élaborant un projet de recommandation du Comité des Ministres sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées, qui a été approuvé par le CDCJ lors de sa 75e réunion du 30 mai au 1er juin 2001 et par le Comité des Ministres lors de sa 762e réunion le 5 septembre 2001.
14. Le CJ-DA a, en outre, préparé un rapport sommaire sur les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes privées, sur la base des réponses des Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe à un questionnaire. Ce rapport figure en annexe I au présent exposé des motifs.
LA RECOMMANDATION DU COMITE DES MINISTRES
15. La recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe constate l'encombrement des tribunaux, y compris des tribunaux administratifs, dont il résulte une atteinte aux droits des justiciables, au titre de l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme qui garantit le droit à un procès dans un délai raisonnable.
16. Elle appelle à remédier à cette atteinte et rappelle que les modes alternatifs de règlement des différends peuvent fournir une orientation intéressante à cet égard, tout en ayant l'avantage de rapprocher l'administration de ses usagers en évitant de susciter un antagonisme entre les parties au différend et par là-même de fournir une solution plus adaptée à certains types de litiges.
17. La recommandation rappelle ensuite les autres avantages des modes alternatifs, dont les principaux sont: la rapidité dans la prise de décision, un formalisme minimal, la discrétion et le caractère amiable de la procédure, la possibilité d'avoir recours à des spécialistes et de se baser sur l'équité pour trancher le litige et le caractère économique de la procédure. Ces avantages ne s'appliquent bien entendu pas dans la même mesure selon le mode alternatif considéré: ainsi, par exemple, certaines procédures d'arbitrage entre l'Etat et des grandes entreprises peuvent s'avérer relativement onéreuses.
18. L'une des caractéristiques des procédures juridictionnelles est le formalisme, qui représente une garantie inhérente à la justice. Cependant, le formalisme accentue les conflits et réduit la souplesse de la procédure. Le recours à la justice ressemble ainsi à un "combat" judiciaire, spécialement en matière administrative lorsque le requérant "attaque" un acte de l'administration.
19. Ceci peut conduire à raidir les positions, puisque, contestée devant un juge, l'administration publique ne veut pas paraître avoir tort, ni devant le juge, ni devant l'administré. Même si elle consentait à des accommodements, la procédure contentieuse ne s'y prête pas de par les éléments procéduraux (délais à respecter, mémoires à produire, observations à faire valoir) et, plus radicalement, de par le mécanisme juridictionnel lui-même. Si elle comporte des "échanges" de pièces et d'arguments, ce n'est pas pour amener les parties à céder quelque chose en contrepartie d'une autre chose, mais pour permettre à chaque partie d'accéder à ce que l'autre dit au juge. L'échange donc ne rapproche pas les parties, mais les éloigne.
20. Elle aboutit à la décision du juge qui "tranche" le litige, que souligne la force du jugement rendu, non seulement parce qu'il s'impose, mais parce qu'il oppose la rigueur du droit aux arguments de fait. Certes, le juge administratif tient compte des circonstances pour dire le droit. Mais il ne peut statuer en équité ni en opportunité.
21. Or, dans biens des cas, les réclamations des administrés ne méritent ni la solennité ni la rigidité de la justice.
22. Les intéressés ne contestent pas un acte dans son principe, ils demandent seulement qu'il soit mieux ajusté dans son dispositif. L'administration n'a pas non plus a priori une position irréductible: elle peut être ouverte à des aménagements.
23. C'est par des mécanismes plus souples que ceux du recours juridictionnel que les solutions peuvent être trouvées. Ainsi, la conciliation permet de rapprocher les intéressés et la médiation de proposer un compromis (au sens large - distinct de celui qu'il prend en matière d'arbitrage). De ce fait, leur souplesse pallie le formalisme de la justice et évite les risques qu'il présente.
24. Le formalisme et le caractère conflictuel ne sont pas évités dans l'arbitrage, puisque celui-ci est de nature juridictionnelle. Mais d'une part ce formalisme n'est pas d'ordre étatique, et d'autre part le caractère conflictuel est atténué par le fait que les parties s'accordent au moins sur un point, qui est d'avoir recours à l'arbitrage. En outre, la convention d'arbitrage retire au litige le caractère offensif qu'il a devant le juge.
25. L'un des avantages de l'arbitrage, mais également des autres modes alternatifs, est la possibilité d'avoir recours à des spécialistes pour résoudre le différend.
26. Un autre avantage très important des modes alternatifs est la possibilité d'avoir recours à l'équité pour le règlement du litige. Ceci peut sembler de prime abord difficilement compatible avec le principe de légalité auquel est soumis l'administration publique. Mais l'expérience de certains Etats a montré que l'équité pouvait être utilisée dans des litiges opposant les autorités administratives et les personnes privées.
27. Lors de la préparation de la recommandation, la notion d'équité, qui peut s'entendre au sens strict ou au sens large, a été débattue. Dans une acception large, l'équité est un principe qui fait référence à la notion de justice légitime plutôt qu'à celle de justice légale. Dans une acception plus étroite, l'équité est un correctif du droit écrit quand l'application de celui-ci entraîne des conséquences manifestement disproportionnées. C'est également un complément permettant de combler les lacunes de la loi et de la réglementation quand un cas précis n'a pas été envisagé par celles-ci.
28. Dans les pays de droit civil, l'équité est à l'origine de grandes constructions jurisprudentielles telles que les "principes généraux du droit" inscrits dans les constitutions et c'est à ce titre qu'elle peut être appliquée, à moins qu'une loi spéciale ne le prévoie expressément. Dans les pays de common law par contre, l'équité fait partie intégrante du droit énoncé et appliqué par les tribunaux.
29. Enfin, le caractère public peut être dans certains cas un inconvénient de la justice. Bien que ce soit une exigence exprimée par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, les parties à un litige, spécialement dans le domaine des affaires, ont besoin d'une confidentialité que ne leur garantit pas la justice publique et que permet la justice privée. C'est une des raisons du succès de l'arbitrage. Elle peut justifier son extension en matière administrative, mais dans ce domaine, le principe de confidentialité est tempéré par celui de transparence, comme le précise le paragraphe de l'annexe traitant de la réglementation.
30. Après avoir énoncé les avantages des modes alternatifs de règlement des litiges administratifs, la recommandation observe que, si le recours aux tribunaux n'est pas toujours la solution la plus adaptée aux litiges administratifs, il reste toujours nécessaire, et les modes alternatifs ne doivent en être que le complément et non le substitut.
31. De même, la recommandation rappelle que le recours aux modes alternatifs doit s'exercer dans le cadre du principe de légalité auquel sont soumises les autorités administratives et que ce recours ne doit pas être conçu ou utilisé par les parties – qu'il s'agisse des autorités administratives ou des personnes privées – pour éviter de se conformer aux obligations qui leur incombent.
32. La recommandation souligne que, en ayant recours aux modes alternatifs, les Etats membres doivent veiller à ce que les principes fondamentaux d'égalité, d'impartialité et des droits des parties soient respectés. Elle note que le respect de ces principes doit être garanti par le contrôle des tribunaux, qui constitue, comme elle le rappelle, la garantie ultime des droits des administrés et de l'administration.
33. Dans son dispositif, la recommandation invite les Etats membres à promouvoir le recours aux modes alternatifs dans les litiges entre l'administration publique et les personnes privées, en s'inspirant des principes de bonne pratique contenus dans son annexe.
L'ANNEXE
34. L'annexe a pour but de fournir aux Etats membres des indications en vue de se conformer à la recommandation du Comité des Ministres.
I. DISPOSITIONS GENERALES
1. Objet de la recommandation
35. L'annexe commence par dresser la liste des modes alternatifs qui font l'objet de la recommandation: le recours à l'administration, la conciliation, la médiation, la transaction et l'arbitrage. Bien que d'autres modes alternatifs puissent exister, l'on s'est efforcé d'être aussi exhaustif que possible à la lumière des différents systèmes juridiques et traditions administratives. De plus, l'on s'est accordé sur l'importance de l'institution de l'ombudsman en tant que mode alternatif, mais ce mode n'est pas traité dans la présente recommandation en vertu du fait que le Conseil de l'Europe dispose déjà de plusieurs instruments à cet égard (voir paragraphe 62 ci-dessous).
36. La délimitation de l'objet de la recommandation a constitué un problème majeur, dans la mesure où les notions utilisées ne sont pas définies de la même façon dans les différents Etats membres et que certains Etats ne prévoient même pas l'existence de quelques-uns de ces modes dans leur droit interne. De plus, certains Etats emploient de manière indifférenciée certains termes, comme conciliation et médiation. L'exercice de définition s'est donc limité aux besoins de l'activité.
37. Aux fins de la présente recommandation, il convient d'entendre par :
38. Recours à l'administration : une procédure de recours devant une
autorité administrative compétente;
39. L'autorité compétente peut être selon les cas l'autorité dont émane l'acte contesté, l'autorité hiérarchiquement supérieure ou encore une autorité spécialement désignée à cet effet.
40. Conciliation : une procédure non juridictionnelle faisant intervenir un tiers en vue d'atteindre une solution acceptable pour les parties ;
41. La conciliation pourra résulter selon les cas soit en une transaction entre les parties (voir ci-dessous), soit en un acte unilatéral de l'autorité administrative, consistant par exemple dans le retrait de l'acte contesté.
42. Médiation : une procédure non juridictionnelle faisant intervenir un tiers qui propose une solution au différend, sous forme d'avis ou de recommandation non contraignante.
43. Les termes conciliation et médiation ne s'entendent pas de la même manière dans les divers Etats membres du Conseil de l'Europe et certains d'entre eux ne distinguent pas ces deux notions. Toutefois, il a été jugé utile de souligner la distinction entre ces deux notions et à cet égard, les définitions ci-dessus ont été retenues aux fins de la présente recommandation (voir paragraphes 61, 92-94).
44. Comme la conciliation, la médiation pourra aboutir à une transaction entre les parties ou à un acte unilatéral de l'autorité administrative. Dans certains pays, la conciliation et la médiation sont employées indifféremment.
45. Transaction : un accord résultant de l'une des procédures susmentionnées ou de toute autre procédure par lequel les parties mettent fin à leur différend.
46. La transaction, au contraire des autres modes envisagés ici, est fondamentalement un acte. Toutefois, étant donné qu'elle résulte toujours d'une procédure, qu'il s'agisse d'une procédure de conciliation ou de médiation, ou de toute autre forme de négociation entre les parties, elle trouve également sa place parmi les modes alternatifs de règlement des différends.
47. Arbitrage : une procédure dans laquelle la charge de trancher un différend hors des tribunaux par un jugement s'imposant juridiquement aux parties est attribuée à une ou plusieurs personnes spécialement désignées.
48. Les modes alternatifs considérés se caractérisent par une grande diversité, mais ils ont en commun le caractère non-étatique. En revanche, ils sont aussi bien non juridictionnels, comme la médiation et la conciliation, que juridictionnels, comme l'arbitrage.
49. Les acteurs de ces procédures sont, d'une part les autorités administratives et, d'autre part, les personnes privées. Evidemment, le droit applicable aux litiges varie en fonction des pays: dans certains cas, il s'agit du droit administratif, dans d'autres, du droit privé.
50. Au cours des travaux préparatoires, la question de la prévention des litiges a fait l'objet de débats approfondis. Il convient en effet de distinguer les mécanismes de prévention des litiges d'une part, et les modes de résolution des litiges, d'autre part. Chronologiquement, ces différents mécanismes se situent à un autre moment dans les rapports entre l'administration publique et les personnes privées. Le schéma suivant illustre cette distinction.
51. Les mécanismes de prévention des litiges, tels que l'enquête publique, la consultation, la concertation, constituent des modalités de dialogue entre les citoyens et l'autorité publique qui sont incorporés le plus souvent dans le processus d'élaboration de l'acte administratif
52. Deux de ces moyens, la consultation et la concertation, ont été spécialement considérés.
53. Le mécanisme de consultation ou d'audition, implique d'obtenir l'avis des personnes affectées par l'acte de l'administration. Les personnes privées sont ainsi informées des raisons pour lesquelles l'administration envisage d'adopter un acte et leur offre la possibilité d'exprimer leur opinion et éventuellement de participer au processus de préparation de l'acte. Ce mécanisme est surtout utilisé en matière économique et sociale. Dans le domaine de l'urbanisme existe également le mécanisme de l'enquête publique, qui s'apparente à la consultation.
54. La concertation suppose une action commune entre l'administration et l'administré et consiste en la recherche en commun, par des parties dont les intérêts sont convergents, complémentaires ou même opposés, d'un accord tendant à l'harmonisation de leurs conduites respectives. Elle recouvre donc diverses modalités de dialogue ou de négociation entre les autorités administratives et les personnes privées et peut ainsi contribuer le cas échéant à régler un litige existant, même si son objet principal est la prévention des litiges. La concertation aboutit souvent à une transaction de nature contractuelle, notamment dans les hypothèses où elle vise à régler un litige et non à le prévenir.
55. Ces modes de prévention permettent de favoriser la participation du citoyen à l'action administrative et d'assurer une meilleure information des administrés sur l'action administrative. L'administration est rendue plus accessible aux administrés. De même, l'administration est mieux informée de la position des administrés sur les projets qu'elle envisage. Ces mécanismes visent à éviter qu'un litige naisse au sujet de l'acte qui sera pris par l'administration au terme de ces procédures.
56. Malgré ces efforts en vue d'instaurer un dialogue entre les citoyens et l'autorité publique, la décision qui sera finalement prise par l'administration risque néanmoins de faire grief à l'administré qui disposera alors de différents recours.
57. Parmi ces recours figurent les recours « traditionnels » aux tribunaux. L'objet de la recommandation consiste à promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges, tels que le recours à l'administration, la médiation, la conciliation, la transaction et l'arbitrage. Il faut en effet considérer que ces modes alternatifs le sont par rapport au règlement par les tribunaux. Ils permettent, notamment, de s'écarter de la rigueur des règles procédurales classiques.
58. Il y a lieu de souligner également que la recommandation ne porte que sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre l'administration et les personnes privées. Ainsi, la matière pénale et le droit de la famille, par exemple, sont exclues du champ d'application de la recommandation.
59. Enfin, l'Ombudsman, qui représente dans de nombreux pays un moyen important de prévention ou de solution des litiges entre l'administration et les personnes privées, a été délibérément laissé en dehors de l'objet de la recommandation. A cet égard, il convient de rappeler que le Comité des Ministres a adopté plusieurs recommandations en la matière. Ainsi, la Recommandation n° R (85) 13 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à l'institution de l'ombudsman rappelle dans ses considérants que « les fonctions de l'ombudsman (…) comprennent notamment l'examen de plaintes individuelles concernant des erreurs ou d'autres insuffisances imputées aux autorités administratives en vue d'accroître la protection de l'individu dans ses rapports avec ces autorités ». L'on peut également citer la Résolution (85) 8 sur la coopération entre les ombudsmen des Etats membres et entre ceux-ci et le Conseil de l'Europe, qui est à l'origine de l'organisation de tables rondes régulières avec des ombudsmen européens et la Recommandation n° R (97) 14 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à l'établissement d'institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme, qui recommande aux Etats membres « d'examiner la possibilité d'instituer (…) des institutions nationales efficaces pour la promotion et la protection des droits de l'homme, en particulier (…) des ombudsmen ou des institutions comparables.
2. Champ d'application des modes alternatifs
60. Au cours des travaux préparatoires, la question de savoir si les modes alternatifs étaient applicables à tout type de litiges opposant l'administration aux personnes privées, ou si certains litiges devaient être exclusivement traités par la voie juridictionnelle étatique a été évoquée.
61. Pour répondre à cette interrogation, il convient de distinguer le contentieux objectif, dans lequel la légalité d'un acte administratif est contestée, du contentieux subjectif dans lequel les requérants se plaignent de la violation d'une situation qui leur est propre.
62. Comme le précise l'annexe, le domaine des droits, et en particulier les contrats, la responsabilité civile et les litiges ayant pour objet une somme d'argent, semblent être le domaine d'élection des modes alternatifs. A la lumière de la diversité des traditions et systèmes juridiques, l'on a décidé de laisser aux Etats membres le choix d'admettre les modes alternatifs à titre général ou pour certains types de litiges, tout en l'assortissant de certaines restrictions pour chaque mode alternatif en particulier (précisées ci-dessous). En outre, il a souligné que le choix de modes alternatifs appropriés varie en fonction du différend en question.
63. L'arbitrage est particulièrement adapté et ainsi développé dans le domaine des contrats, comme le prouvent les clauses compromissoires qu'adoptent les parties lorsqu'elles concluent le contrat. Il a déjà connu des illustrations pour certains contrats de l'administration mais on observe à son égard les réticences de certaines législations ou de certains tribunaux.
64. Néanmoins, il convient de souligner l'intérêt de son développement au moins pour certains types de contrats passés par les autorités administratives, par exemple les marchés publics, par lesquels elles confient à des entreprises, moyennant un prix, la réalisation d'une fourniture, d'un travail ou d'un service, et qui ne mettent pas en cause directement les missions mêmes de l'administration, ou les contrats par lesquels une collectivité publique confie à une entreprise une mission de service public, notamment les concessions de service public, ou encore les contrats conclus par des personnes publiques avec des entreprises étrangères, dans la mesure où l'arbitrage peut, dans ce cas, constituer une solution plus adéquate des litiges auxquels donnent lieu de tels contrats que le recours aux tribunaux de l'Etat auquel appartient la personne publique contractante.
65. Si l'arbitrage paraît ainsi être le mode alternatif susceptible d'avoir le plus grand développement en matière contractuelle, il n'exclut pas les autres. La conciliation et la médiation peuvent aussi bien contribuer à régler les litiges contractuels. Elles peuvent, mieux que l'arbitrage dans certains cas, voire avant l'arbitrage, permettre d'aboutir à un résultat.
66. Dans le contentieux extra-contractuel, par contre, c'est la conciliation et la médiation qui paraissent devoir l'emporter sur l'arbitrage, surtout pour les petits litiges concernant la réparation de dommages ou tous autres torts dont se plaignent les particuliers, pour lesquels la procédure d'arbitrage apparaît trop lourde et trop chère et pour lesquels la conciliation et la médiation paraissent plus adaptées.
67. En ce qui concerne le contentieux objectif, dans lequel est contestée la légalité d'un acte administratif, les tribunaux paraissent a priori seules à même de statuer sur telle contestation, aboutissant à remettre en cause une décision de l'administration. Encore convient-il de distinguer entre les actes individuels et les actes de portée générale, ainsi que quant à la manière dont la validité de l'acte est contestée: directement ou indirectement. La contestation directe d'un acte administratif de portée générale par une demande qui tend à son annulation ou même, dans certains cas, à sa substitution par une autre décision ne se prête pas aux modes alternatifs de règlement des litiges et seuls les tribunaux doivent pouvoir être habilités à exercer un tel pouvoir.
68. En revanche les procédures de conciliation et de médiation ne paraissent pas impossibles dans le cas de la contestation d'un acte administratif individuel, pour la raison même qu'elles n'aboutissent pas à imposer une solution et s'efforcent seulement de rapprocher les positions, en proposant une mesure. En effet, quel que soit le degré de persuasion que le conciliateur ou le médiateur cherche à atteindre, ils n'écartent ni ne remplacent l'acte de l'administration qui, elle seule, aura le dernier mot.
69. En conséquence, il peut être admis que la contestation d'un acte administratif individuel fasse l'objet d'une procédure de conciliation ou de médiation, qui peuvent, dans certains cas, être plus adaptées qu'une procédure litigieuse devant un tribunal. L'exemple tiré des permis de construire peut être donné. Lorsqu'un tel permis est attribué, les voisins peuvent le contester, moins parce qu'ils s'opposent à tout projet de construction que parce qu'ils trouvent la construction projetée trop importante. S'ils saisissent un juge d'une demande d'annulation, l'illégalité du permis entraînera son annulation pure et simple. Une procédure de conciliation ou de médiation permettra de mettre le requérant en relation non seulement avec l'administration publique mais aussi avec le bénéficiaire du permis et la rencontre de toutes les parties pourra déboucher sur l'adoption d'une position réunissant l'accord de toutes. Le permis pourra être modifié par l'autorité qui l'a accordé conformément à cette "entente", ce qui peut permettre d'éviter le litige et l'annulation éventuelle du permis.
70. Lorsque la légalité d'un acte administratif individuel est contestée indirectement, l'arbitrage peut jouer un certain rôle, autant que la conciliation et la médiation.
71. Par contestation indirecte, on entend une demande dont l'objet n'est pas d'annuler ou de réformer un acte administratif, mais d'obtenir un autre résultat pour le motif qu'un tel acte est contraire à la légalité. L'exemple le plus simple est celui d'une demande d'indemnité pour réparer un dommage dont le demandeur soutient qu'il a été causé par un acte illégal. La demande n'est pas destinée à l'annulation de l'acte, mais seulement à faire condamner l'autorité qui l'a adopté à en couvrir les conséquences dommageables. Pour déterminer si la victime a droit à réparation, il faut examiner au préalable si l'acte dommageable est illégal, mais, même si la réponse est positive, il n'y a pas lieu de l'annuler.
72. Il est donc possible que l'exception d'illégalité soit invoquée non seulement dans une procédure de conciliation ou de médiation, mais encore dans une procédure d'arbitrage, dès lors que la demande relève du contentieux des droits ou contentieux subjectif.
3. Réglementation des modes alternatifs
73. Cette disposition dresse la liste des points à considérer et à inclure dans tout processus de réglementation des modes alternatifs aux litiges entre les autorités administratives et les personnes privées. Ces points comprennent la garantie d'une procédure équitable et le respect des principes d'impartialité, d'égalité et des droits des parties. Concernant les conciliateurs, les médiateurs et les arbitres, le principe d'indépendance doit également être respecté.
74. Les autres points ont pour but d'attirer l'attention des Etats membres sur des questions qui requièrent une considération particulière, telles que l'information des parties sur l'existence des modes alternatifs, la transparence de la procédure et sa nécessaire conciliation avec une certaine discrétion, la suspension des effets de l'acte administratif incriminé et la nécessité d'assurer l'exécution de la solution obtenue. Ces questions devraient être abordées dans toute réglementation en la matière.
75. Au cours des travaux préparatoires, la question de la confidentialité de la procédure a été longuement considérée. Comme il a été mentionné ci-dessus, elle constitue un des avantages des modes alternatifs et même parfois la raison du recours à ceux-ci. Cependant, elle peut aussi être la source d'avantages indûment accordés. Il convient donc de la limiter au strict nécessaire, notamment au cours de la procédure, et de la concilier avec le principe de libre accès aux documents administratifs.
76. La suspension des effets de l'acte contesté et notamment de la question de savoir qui pouvait décider de cette suspension ont été également débattus. La formulation retenue dans l'annexe fait référence à trois hypothèses: (a) la suspension de l'acte contesté peut être automatique, de par la loi, (b) le juge étatique peut décider au cas par cas d'accorder cette suspension, et l'on s'est accordé pour considérer que cette possibilité doit être aménagée par les législations des Etats membres même si le juge n'a pas à connaître directement du litige et (c) la suspension de l'acte peut être décidée par l'autorité qui l'a émis. Il convient de noter que cette dernière possibilité n'existe pas dans tous les Etats membres, car selon certaines législations, l'autorité administrative peut seulement abroger l'acte contesté ou le modifier.
II. RAPPORTS AVEC LES TRIBUNAUX
77. Ce chapitre revêt une importance particulière. Il envisage les différents schémas possibles dans la relation entre les modes alternatifs et la voie contentieuse.
78. L'hypothèse la plus fréquente est celle où les modes alternatifs sont employés avant d'avoir recours aux tribunaux, dans le but précisément d'éviter ce recours. Le recours à l'administration, la conciliation, la médiation et la transaction peuvent être utilisés à cette fin. Afin de conférer à cette possibilité sa pleine mesure et de contribuer ainsi à désengorger les tribunaux, le recours à ces modes peut être érigé en préalable obligatoire à la saisine des tribunaux.
79. Toutefois, même lorsqu'une procédure est engagée devant les tribunaux, certains modes alternatifs comme la conciliation, la médiation et la transaction, gardent leur utilité puisqu'ils peuvent contribuer à trouver une solution au litige plus rapidement que par la voie contentieuse traditionnelle ; c'est pourquoi le juge lui-même peut recommander qu'il en soit fait emploi, les intégrant ainsi dans le cadre même de la procédure contentieuse.
80. Par contre, sur le plan des rapports avec les tribunaux, l'arbitrage occupe une place particulière. Le recours aux tribunaux et l'arbitrage impliquent tous deux la prise d'une décision contraignante sur le fond du litige, et il ne peut y avoir qu'une décision en la matière.
81. Après avoir envisagé ces différentes hypothèses dans les rapports entre les modes alternatifs de règlement des litiges et les tribunaux, l'annexe rappelle, comme le fait le texte de la recommandation, que les tribunaux doivent garder une certaine capacité de contrôle sur les modes alternatifs, d'autant que, comme il a été précisé ci-dessus, ces derniers doivent respecter les principes d'égalité entre les parties, de respect des droits de la défense, d'indépendance et d'impartialité des conciliateurs, des médiateurs et des arbitres. Le contrôle des modes alternatifs par les tribunaux, quelle que soit son étendue, doit donc tout au moins porter sur le respect de ces principes.
82. Le droit d'accès à la justice et à un procès équitable tel qu'il est garanti par la Convention européenne des Droits de l'Homme est une caractéristique essentielle de toute société démocratique. Il est donc primordial que la possibilité de recours au juge pour contrôler les actes de l'administration soit largement ouverte, tant au niveau des personnes ayant intérêt à agir qu'au niveau des actes susceptibles de recours. En effet, les actes des autorités administratives concernent quotidiennement l'ensemble de la population et touchent directement les droits et libertés individuels reconnus notamment par la Convention européenne des Droits de l'Homme.
83. L'annexe précise que, selon le mode alternatif considéré et selon les législations nationales, le contrôle des tribunaux se bornera à vérifier que la procédure alternative a été correctement appliquée, en respectant les garanties prévues par la loi - un tel contrôle se conçoit par exemple pour l'arbitrage, qui est un véritable mode juridictionnel alternatif - ou que le juge étatique pourra se prononcer sur le fond du litige et reverra donc le contenu de l'accord entre les parties. Le manuel "l'Administration et les personnes privées" élaboré par le CJ-DA prescrit que le contrôle des tribunaux doit dans ce cas porter au moins sur la légalité de l'acte ou de la décision administrative, mais peut aussi porter sur les questions de fait. Il précise également que "le contrôle judiciaire d'actes administratifs pris par les autorités administratives dans l'exercice de pouvoirs discrétionnaires est nécessairement moins rigoureux que celui des actes correspondant à des mesures obligatoires pour les autorités administratives. Il existe ainsi un principe largement reconnu selon lequel une autorité administrative ne peut être judiciairement contrainte à exercer un pouvoir d'ordre purement discrétionnaire. Néanmoins, le contrôle judiciaire sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire permet d'assurer que, lorsqu'une autorité administrative exerce un pouvoir discrétionnaire, elle le fait dans le cadre des limites et des objectifs qui sont les siens au regard de la loi".
84. Enfin, le dernier paragraphe de ce chapitre énonce le principe selon lequel le recours à un mode alternatif, quel qu'il soit, devrait avoir pour effet de suspendre ou d'interrompre les délais de recours contentieux, ceci afin d'éviter que la personne privée soit amenée à choisir entre deux voies, la voie contentieuse et la voie amiable, pour résoudre son différend. Ce choix, qui prévaut à l'heure actuelle dans certains Etats membres compte tenu de la brièveté de certains délais de recours, vide en pratique les modes alternatifs d'une partie de leur substance.
85. La contrepartie de cette faculté de choix entre la voie contentieuse et la voie amiable est, comme il est précisé dans la partie de l'annexe relative à la réglementation, que les législations nationales devraient prévoir des délais raisonnables et impératifs pour la conclusion des procédures alternatives, afin de laisser ouverte de la manière la plus large possible la voie contentieuse, conformément à la Convention européenne des Droits de l'Homme.
III. DISPOSITIONS SPECIFIQUES A CHAQUE MODE ALTERNATIF
1. Recours à l'administration
86. Le recours à l'administration vise le réexamen d'un acte administratif ou le paiement d'une indemnité. Il est adressé aux autorités administratives elles-mêmes et, selon les systèmes appliqués dans les Etats membres, il consiste soit en un recours devant l'autorité qui a émis l'acte ou la décision contestée, soit en un recours porté devant une autorité hiérarchiquement supérieure, soit enfin en un recours devant une autre autorité spécialement désignée à cet effet.
87. Un tel recours a pour but de donner à l'administration publique la possibilité de reconsidérer son acte ou sa décision, pour des raisons de légalité ou d'opportunité; il devrait être possible pour tout acte, et peut parfois être un préalable nécessaire à la saisine ultérieure d'un tribunal.
88. Le recours à l'administration, s'il aboutit, résulte dans la modification ou l'annulation de l'acte administratif contesté, ou dans le versement d'une indemnité.
2. Conciliation et médiation
89. Bien que leur définition et leur considération varient selon les Etats, ces deux modes de règlement alternatifs des litiges sont étroitement apparentés. Ils constituent des procédures souples, faisant intervenir un tiers pour parvenir à un résultat. Ce ne sont pas des procédures juridictionnelles, aboutissant à une véritable décision de justice, ni même dans tous les cas des procédures conventionnelles, commandées par un accord des parties. Elles peuvent être engagées indépendamment de tout contrat et n'aboutissent jamais à un acte s'imposant aux parties au litige. Elles sont seulement des procédures destinées à rechercher une solution mettant fin au litige, sans l'imposer.
90. Cependant les deux procédures ne doivent pas être confondues. La conciliation a pour objet de rallier les parties entre elles, de les amener à rapprocher leurs positions, de les conduire à trouver entre elles un point d'accord commun. La médiation, quant à elle, donne à la personne qui la réalise un rôle d'intermédiaire entre les parties pour aboutir, à partir des positions des parties, à une proposition de solution.
91. Entre la conciliation et la médiation semble donc exister plus une différence de degré qu'une différence de nature, puisque ces procédures comportent un rapprochement entre les parties, donnant à l'organe qui intervient des initiatives, lui permettant de rechercher des solutions. Néanmoins, la conciliation n'aboutit pas de la part du conciliateur à un document formalisant la solution qu'il croit la bonne, alors que, dans la médiation, le médiateur, à l'issue de la procédure, recommande une solution. Ainsi, la différence se situe plus à l'issue de la procédure qu'au cours de la procédure. Pendant la procédure, le conciliateur et le médiateur essaient tous deux de rapprocher les parties et leurs points de vue. Au terme de la procédure, le conciliateur ne peut que constater soit l'existence d'un accord soit la persistance d'un désaccord, le médiateur n'a pas à établir un tel constat: il dit ce qui devrait être adopté. Sa recommandation, contrairement à la sentence arbitrale ne s'impose pas, mais elle constitue une prise de position officielle qui, à défaut d'avoir une autorité juridique, a, en fait, une force pouvant conduire les intéressés à s'incliner.
92. Avec la conciliation et la médiation, le résultat final reste de la responsabilité des parties: c'est l'expression de leur volonté qui commande l'adoption de cette solution.
93. L'annexe précise le cadre dans lequel la conciliation et la médiation peuvent s'exercer en matière administrative. Ces deux modes ont pour domaine d'élection le pouvoir discrétionnaire de l'administration, et ne visent pas en principe à apprécier la légalité des actes administratifs, domaine de compétence des tribunaux. Toutefois, le conciliateur ou le médiateur peuvent éventuellement être amenés à apprécier à titre incident la légalité d'un tel acte. En outre, il peut être envisageable d'avoir recours à la conciliation ou à la médiation dans le champ du pouvoir lié de l'administration. Un exemple peut être fourni par un cas d'occupation du domaine public de l'administration par des manifestants où une procédure de conciliation peut convaincre les manifestants d'évacuer les lieux. De même, la conciliation est envisageable en matière fiscale, autre champ de pouvoir lié de l'administration publique.
94. Conciliateur et médiateur peuvent être individuels ou pluripersonnels (commission). Il doivent être impartiaux et indépendants. Il doivent être engagés dans leur mission, et être des spécialistes des relations humaines, allier pouvoir de persuasion et facilité d'expression. De plus, certaines qualifications professionnelles sont requises du conciliateur ou du médiateur: il doivent connaître les lois et règlements en matière administrative et de contentieux, les procédures et pratiques de négociation. Enfin, il doivent recevoir une formation adéquate.
95. L'annexe rappelle qu'une procédure de conciliation ou de médiation peut avoir lieu à la demande des parties - tel est le cas le plus fréquent - peut être proposée par un juge ou être imposée par la loi. L'autorité saisie peut être le conciliateur ou le médiateur lui-même, la commission ou l'administration publique dont relève la question litigieuse.
96. Au cours des travaux préparatoires, les rapports possibles entre une procédure de conciliation ou de médiation et une procédure simultanée devant les tribunaux ont été considérés. L'on a souligné que lorsqu'une telle procédure avait lieu sur la demande du juge, dans le cadre même de la procédure contentieuse, elle sortait du mandat du CJ-DA, et que cette procédure devait être régie dans le cadre du Code de procédure.
97. Après avoir obtenu les informations nécessaires des parties, le conciliateur ou le médiateur tient des réunions soit communes auxquelles assistent les parties, soit individuelles avec une seule partie. Ces réunions permettent une discussion entre les parties, sous la présidence et la conduite du conciliateur ou du médiateur et sont confidentielles lorsqu'elles sont individuelles.
98. La responsabilité du conciliateur est donc d'aider les parties qu'oppose un litige d'ordre administratif à trouver un accord pour régler leur différend. Le conciliateur clarifie le conflit, encourage les parties à trouver des points d'accords, et fait ses suggestions en cas d'incapacité des parties. Au terme de la procédure, un rapport final est établi par le conciliateur qui aide les parties à rédiger leur accord, qui prend la forme d'un contrat.
99. Dans le cas de la médiation par contre, on attend du médiateur qu'il propose des solutions pour résoudre le conflit. La médiation aboutit normalement à des recommandations faites par le médiateur ou à une proposition motivée de règlement du conflit. Puisque la médiation n'impose pas une solution forcée, son aboutissement se traduit soit par une conciliation soit par une transaction.
100. L'annexe souligne que le conciliateur et le médiateur ne peuvent pas annuler des actes administratifs. En effet, s'ils estiment qu'un acte est illégal ou inopportun, il leur revient de tenter de convaincre l'administration de le retirer. Au cours des travaux préparatoires, l'effet que pouvait avoir une procédure réussie de conciliation ou de médiation sur la motivation de l'acte administratif contesté et notamment la question de savoir si l'acceptation par l'administration d'une solution par ce biais peut suffire pour satisfaire au devoir de motivation de l'acte ont été débattus. L'on a opté finalement pour ne pas mentionner cette possibilité, en vertu du fait qu'une procédure de conciliation ou de médiation n'est pas opposable aux tiers.
3. Transaction
101. C'est le contrat par lequel les parties à un litige y mettent fin, à l'amiable, en procédant à des concessions réciproques. La transaction est souvent, mais non exclusivement, l'aboutissement d'une négociation entre les parties ou d'une procédure de conciliation ou de médiation et sert autant de moyen de prévention que de résolution des litiges administratifs.
102. Elle a pour caractéristique fondamentale d'être un contrat, conclu par les parties et liant les parties. Elle comporte à cet égard un point commun avec l'arbitrage dans la mesure où elle implique l'accord des parties. Cependant, contrairement à l'arbitrage, cet accord n'ouvre pas la procédure, mais la termine et porte sur le fond.
103. De même, comme dans le cas de l'arbitrage, la transaction oblige les parties qui l'ont conclue.
104. Même si elle en est l'aboutissement fréquent, la transaction n'est pas intrinsèquement liée aux procédures de conciliation et de médiation, non seulement parce que ces procédures, même si elles réussissent, ne se terminent pas nécessairement par une transaction, mais parce que des transactions peuvent être conclues par des parties sans qu'au préalable ait été menée une procédure de conciliation ou de médiation.
105. L'on s'est accordé pour souligner l'utilité de la transaction en matière administrative et prendre acte du fait que cette possibilité n'était pas suffisamment employée dans les Etats membres.
106. Dans son paragraphe relatif à la transaction, l'annexe énonce certaines lignes directrices de l'action de l'administration en la matière: les agents publics autorisés à transiger doivent à cette fin être munis des pouvoirs suffisants. Cependant, ils ne peuvent pas par une transaction méconnaître une obligation leur incombant, et notamment une obligation d'ordre public.
107. La question de savoir s'il convenait de préciser dans l'annexe que l'autorité administrative ne pouvait pas s'obliger à payer une somme d'argent dont elle n'était pas débitrice a été débattue. Il existe en effet dans les pays de common law l'institution de l'ex gratia en vertu de laquelle l'Ombudsman peut convaincre l'Administration de payer spontanément une somme d'argent dont elle n'est pas débitrice à titre de compensation pour réparer une injustice. Mais dans d'autres pays la jurisprudence administrative déclare systématiquement la nullité des transactions dans lesquelles l'autorité administrative a accepté de payer une somme d'argent et qu'il n'y pas de principe permettant de reconnaître sa responsabilité. La formulation employée dans l'annexe laisse donc aux législations nationales la possibilité de prévoir une telle limitation aux pouvoirs de transaction de l'Administration, sans pour autant l'y obliger.
4. Arbitrage
108. Le terme d'arbitrage peut avoir plusieurs sens. Certains textes officiels parlent d'arbitrage au sens large pour désigner une procédure aboutissant à une décision non juridictionnelle, prise par une autorité administrative qui tranche un conflit entre des intérêts opposés. Mais ce n'est pas un arbitrage au sens strict, puisque la décision prise n'a pas l'autorité de la chose jugée.
109. Même si la notion d'arbitrage, strictement entendue, donne lieu à des discussions et à des analyses approfondies, l'on s'est accordé sur la définition suivante aux fins de la recommandation: l'arbitrage est une procédure dans laquelle la charge de trancher un différend hors des tribunaux par un jugement s'imposant juridiquement aux parties est attribuée à une ou plusieurs personnes spécialement désignées.
110. Le recours à l'arbitrage peut résulter soit d'une clause compromissoire introduite dans un contrat pour la solution des différends éventuels auxquels son exécution peut donner lieu, soit d'un compromis conclu pour la solution des litiges déjà nés.
111. L'arbitrage a donc deux caractéristiques essentielles: c'est une procédure à la fois conventionnelle et juridictionnelle. Elle est conventionnelle, car l'arbitrage résulte d'un accord des parties pour que le litige soit tranché sous cette forme (le compromis) ou d'une clause contractuelle (clause compromissoire), par laquelle les parties s'engagent à soumettre à des arbitres les litiges auxquels l'exécution du contrat pourrait donner lieu. Il convient de mentionner ici que certaines législations nationales prévoient le recours obligatoire à l'arbitrage pour certains types de litiges.
112. Elle est juridictionnelle car les arbitres, alors même qu'ils ne sont pas des juges, agissent comme tels, devant observer les principes de toute procédure juridictionnelle, et rendant une décision (la sentence arbitrale) qui est un véritable acte juridictionnel, donnant la solution au litige avec l'autorité de la chose jugée. Comme les juges, les arbitres ont donc la juridiction mais parce qu'ils ne sont pas juges, ils n'ont pas l'imperium, c'est à dire qu'ils ne peuvent eux-mêmes donner force exécutoire à leur décision. Si les parties sont tenues d'exécuter la sentence, parce qu'elle a l'autorité de chose jugée, il appartient à la législation nationale de décider si une sentence arbitrale n'est exécutoire que sur présentation d'un titre à cet effet.
113. Ainsi l'annexe rappelle le caractère juridictionnel de l'arbitrage, qui nécessite l'intervention d'un tiers agissant en tant que juge privé, spécialement désigné. Cette technique assure l'aboutissement d'une solution puisque les arbitres sont de vrais juges. Les arbitres sont, selon les cas, choisis par les parties ou par des personnes ou institutions spécialement habilitées à cette fin, et la solution, qui a la même valeur qu'un jugement, est obligatoire pour les deux parties et ne peut pas en règle générale faire l'objet d'un appel quant au fond.
114. Le recours à l'arbitrage est relativement rare dans le cadre des litiges opposant l'administration et les personnes privées, mais il a certains avantages, comme par exemple la possibilité de choisir des arbitres ayant des compétences techniques spécifiques, qui peuvent rendre son utilisation intéressante.
115. Toutefois, l'arbitrage en matière administrative doit toujours être envisagé comme un mode alternatif de règlement des litiges, complémentaire de la juridiction administrative dans des matières bien précises, et c'est pourquoi l'annexe pose certains principes devant encadrer son utilisation, en particulier le fait que ce mode doive être expressément prévu par la loi et qu'il ne peut avoir pour objet l'appréciation à titre principal de la légalité d'un acte administratif.
* * *
116. Comme indiqué ci-dessus, les principes énoncés dans l'annexe à la recommandation sont les résultats de discussions approfondies et notamment de l'examen de la situation existante dans les différents Etats membres dans ce domaine. Ainsi, outre les rapports thématiques d'experts et les rapports nationaux présentés à la Conférence multilatérale sur "les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes privées: conciliation, médiation et arbitrage" qui s'est tenue à Lisbonne du 31 mai au 2 juin 1999 (ISBN 92-871-4204-1), et les conclusions qui y ont été adoptées, la recommandation s'appuie sur les réponses à un questionnaire apportées par 22 Etats membres, et dont un rapport sommaire figure ci-après.
RAPPORT SOMMAIRE SUR LA SITUATION DES SOLUTIONS ALTERNATIVES AUX LITIGES ENTRE LES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET LES PERSONNES PRIVEES DANS CERTAINS ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L'EUROPE
INTRODUCTION
117. Le Groupe de projet sur le droit administratif (CJ-DA) du Conseil de l'Europe a mené en 1999 et 2000 une activité sur Les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes privées, visant à étudier la possibilité d'étendre ces modes alternatifs de règlement des litiges administratifs dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.
118. Dans le cadre de cette activité, le CJ-DA a organisé, conjointement avec le ministère de la Justice du Portugal, une conférence multilatérale sur "Les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes privées: conciliation, médiation et arbitrage", qui s'est tenue à Lisbonne du 31 mai au 2 juin 1999.
119 Les conclusions adoptées par les participants à cette conférence ont servi de base à la poursuite de l'activité sur ce thème. Lors de sa 12e réunion, à Strasbourg du 14 au 17 septembre 1999, le CJ-DA a donné instruction au Secrétariat de s'inspirer des conclusions de la Conférence de Lisbonne pour préparer un questionnaire visant à recueillir des informations sur les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes privées dans les Etats membres et les pays observateurs au sein du CJ-DA. Ce questionnaire est reproduit en Annexe I.
120. Le rapport ci-après a été préparé sur la base des réponses au questionnaire des pays suivants: Andorre, Belgique, Bulgarie, Croatie, République Tchèque, Chypre, Estonie, Géorgie, Grèce, Islande, Moldova, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie et Royaume-Uni, ainsi que sur la base des rapports nationaux présentés lors de la Conférence de Lisbonne, et notamment ceux de la Finlande, la Hongrie, l'Italie, la Lituanie, Malte, l'Espagne et l'"Ex-République yougoslave de Macédoine".
121 Il convient d'apporter quelques précisions quant au champ de cette étude: elle s'intéresse exclusivement aux solutions alternatives aux litiges en matière administrative, c'est-à-dire à ceux opposant l'administration et les personnes privées - physiques et morales. Les modes de règlement amiable des différends existant dans d'autres domaines du droit (droit de la famille, médiation en matière pénale etc.) ne font pas l'objet de cette étude.
122. Le présent rapport est resté volontairement bref sur la question du recours interne à l'administration, car il s'agit d'un mode préventif ou alternatif de solution des litiges connu et largement utilisé dans tous les systèmes juridiques nationaux. Son intérêt dans le cadre de la présente activité, qui vise à étudier la possibilité d'étendre le recours à d'autres modes alternatifs moins connus, est donc limité.
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123. Le premier constat que l'on peut tirer des renseignements fournis par les Etats sur la base d'un questionnaire[1] est que les modes alternatifs de règlement des différends entre l'administration et les personnes privées sont globalement peu répandus dans le système juridique des Etats membres et observateurs. Les raisons en sont diverses: dans de nombreux Etats d'Europe centrale et orientale, la priorité actuelle est à la mise en place ou au renforcement de la justice administrative, ce qui représente un progrès majeur dans des pays où, sous le régime socialiste, il n'était pas possible de contester en justice les décisions des autorités administratives. Mais, même dans les autres Etats, les solutions alternatives ne sont pas très répandues non plus, soit que, comme en Finlande ou en Norvège, le système général fonctionne de façon satisfaisante et qu'en conséquence peu de voix réclament des méthodes alternatives de règlement des conflits, soit que, comme en Belgique, le système de solution des litiges administratifs se soit historiquement développé en fonction des besoins, de manière peu structurée, et que les solutions alternatives existantes ne concernent que des domaines particuliers.
124. Dans la plupart des Etats, les solutions alternatives aux litiges administratifs sont donc limitées à des domaines particuliers, notamment l'expropriation, les concessions de service public ou les contrats publics en général. Les exemples de recours généralisé aux solutions alternatives en matière administrative sont donc assez rares, le meilleur étant certainement celui de la Lituanie, qui a récemment mis en place un système de recours préjudiciel en matière administrative.
125. Ainsi que les conclusions de la Conférence multilatérale de Lisbonne l'ont mis en relief, les procédures alternatives peuvent être utilisées pour prévenir les litiges, ou pour les résoudre une fois qu'ils sont nés.
I. LES PROCÉDURES DE PRÉVENTION DES LITIGES ENTRE L'ADMINISTRATION ET LES PERSONNES PRIVÉES.
126. Les conclusions de la Conférence de Lisbonne énoncent que "les procédures de prévention relèvent essentiellement de la concertation. Avant de prendre une décision susceptible de provoquer des oppositions, l'administration doit par des enquêtes, des auditions, des mécanismes de conciliation ou de médiation rechercher l'accord des intéressés; mais la décision finale appartient à l'administration conformément à la loi."
127. Ces procédures de prévention des litiges interviennent au cours du processus d'élaboration de l'acte administratif ou de prise de décision par l'autorité administrative.
128. La plupart des Etats connaissent de telles procédures de prévention des litiges administratifs. Toutefois, tel n'est pas le cas en Bulgarie, en Roumanie, dans la Fédération de Russie, en Slovaquie ou en Turquie.
1. L'audition ou la consultation
129. La modalité la plus répandue de prévention du litige administratif consiste en l'audition ou la consultation des personnes affectées par la décision ou l'acte de l'administration. Cette modalité est prévue notamment par les législations d'Andorre, de la Belgique, de la Finlande, de la Géorgie, de la Moldova, de la Norvège, de la Pologne, de la Suisse et du Royaume-Uni.
130. La législation de la Belgique connaît les mécanismes de la consultation et de l'enquête publique, qui lui est apparenté. Ils permettent d'informer les personnes privées des raisons pour lesquelles l'administration envisage de prendre une décision et leur offre la possibilité d'exprimer leur opinion et de participer au processus de préparation de la décision.
131. Le mécanisme d'enquête publique est très fréquemment utilisé en matière d'urbanisme, d'environnement et d'expropriation pour cause d'utilité publique; il est parfois suivi d'une réunion de concertation. L'article 4 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine définit les principes généraux applicable à l'ensemble des procédures d'enquête publique, parmi lesquelles on peut citer les principes suivants:
- la durée d'une enquête publique ne peut être inférieure à 15 jours;
- les dossiers sont accessibles à tous;
- quiconque peut obtenir des explications techniques;
- quiconque peut formuler des observations par écrit dans le délai prescrit ou au besoin par oral lors de la clôture de l'enquête;
- les décisions sont annoncées par voie d'affichage;
- des formes supplémentaires de publicité et de consultation peuvent être prévues par l'autorité compétente.
132. Le mécanisme de consultation est plutôt utilisé en matière économique et sociale. La consultation est plus institutionnalisée que l'enquête publique, car elle est portée soit devant une autorité déterminée et préexistante, soit devant une commission dont l'activité exclusive est de donner des avis. De nombreuses commissions consultatives existent; elles sont consultées soit par le législateur, soit par le pouvoir exécutif. A titre d'exemple, on peut citer le Conseil National du Travail belge, qui est consulté sur les questions relatives à la législation du travail. Ses membres sont nommés parmi les organisations les plus représentatives des employeurs et des salariés. L'avis rendu peut être simplement consultatif, ou il peut lier l'autorité administrative s'il s'agit d'une procédure d'avis conforme. Cette procédure de consultation présente l'avantage de conforter la décision de l'administration, rendant son efficacité et son exécution meilleures.
133. En Finlande, certaines lois spéciales, comme par exemple la loi sur l'exploitation forestière (1093/1996), prévoient une obligation de consultation entre l'autorité publique et les particuliers. Une obligation de consultation entre autorités avant qu'il soit statué sur une affaire peut également exister, comme dans la loi sur l'utilisation des sols et la construction (132/1999).
134. De manière plus générale, la loi sur la procédure administrative et d'autres lois contiennent des dispositions sur l'obtention de commentaires, selon lesquelles l'autorité administrative doit obtenir les commentaires des parties intéressées par l'acte ou la décision avant de trancher. Ceci prend en général la forme d'une consultation écrite, mais peut le cas échéant déboucher sur une négociation entre les parties.
135. En Norvège, la loi sur l'administration publique de 1967 contient un dispositif de protection des personnes privées, en particulier dans les cas où l'administration exerce des prérogatives de puissance publique. Relèvent de ce dispositif notamment une obligation de notification et de consultation dans un délai donné des parties concernées par un acte individuel. L'administration a également une obligation de guider les personnes privées, et de transparence dans la prise de décision.
136. En Pologne, des dispositions sur l'audition et la consultation sont contenues notamment dans la loi de 1990 relative aux collectivités locales - les autorités communales doivent consulter les habitants sur tous les problèmes importants pour la commune.
137. En Suisse, selon le droit fédéral, les actes normatifs doivent en principe être soumis à une procédure de consultation des milieux intéressés avant leur promulgation. Par ailleurs, dans certains domaines, notamment en matière d'aménagement du territoire, la législation fédérale oblige l'administration à permettre une large participation de la population avant l'adoption d'un acte. Enfin, pour les actes individuels, la procédure normale prévoit l'obligation de permettre à la personne privée de donner son avis avant qu'une décision soit prise à son égard.
138. Au Royaume-Uni, la consultation se traduit par l'institution des enquêtes, qui revêtent une extrême diversité. Les enquêtes relèvent de deux grandes catégories générales : les enquêtes ad hoc sur des sujets précis, comme un scandale public particulier ou une catastrophe ou les enquêtes ordinaires qui portent sur des sujets plus communs.
139. Les enquêtes sont traditionnellement utilisées avant tout comme un mécanisme qui permet aux services de l'administration qui doivent prendre une décision de recueillir des renseignements auprès d'un large échantillon de parties intéressées. À partir des renseignements rassemblés par l'enquête, l'inspecteur ou toute autre personne responsable de l'enquête peut faire des recommandations au ministre compétent qui tranche alors en dernier ressort. Les enquêtes ont l'avantage d'élargir la participation au processus de rassemblement de l'information et donc au processus de décision.
140. Ces dernières années, cependant, la nature de certaines grandes procédures d'enquête, surtout les procédures de type ordinaire, s'est modifiée. Par exemple, l'inspecteur chargé des enquêtes au stade des études de projet dans le cadre des recours contre les refus de délivrer un permis d'aménagement de l'espace émanant des autorités locales compétentes a, dans la plupart des cas (95 % environ), le pouvoir de rendre une décision définitive sur les recours en question. Dans ce contexte particulier, le processus d'enquête s'est donc rapproché, du point de vue de ses résultats, des fonctions remplies par les tribunaux administratifs.
141. Même d'un mécanisme d'enquête à l'autre, les procédures varient énormément. En matière de planification de l'aménagement de l'espace, par exemple, la majorité des recours sont en fait tranchés non pas à la suite d'une enquête en bonne et due forme mais sans même qu'une audience ait lieu et suivant une procédure entièrement écrite. Ces toutes dernières années, une procédure orale plus souple, appelée audition, a été introduite comme solution de rechange à la tenue d'une enquête proprement dite. En pratique, les enquêtes au sens strict sont réservées aujourd'hui aux grands projets controversés, comme la construction d'une grande voie routière ou d'un important terminal d'aéroport.
2. La concertation
142. Le terme de concertation est ici employé dans un sens global, et recouvre diverses modalités de dialogue ou de négociation entre les autorités administratives et les personnes privées, voire même la conciliation ou la médiation de nature préventive. Dans ce sens, la concertation existe notamment en Belgique, République Tchèque, Estonie, Grèce, Islande, Italie, Pologne et Espagne. Ces modalités de concertation aboutissent souvent à une transaction de nature contractuelle.
143. En Estonie, par exemple, la loi sur l'aménagement et la construction prévoit que la personne ayant subi des dommages du fait d'une modification du plan d'occupation des sols peut demander une compensation financière adéquate à l'autorité administrative. Le montant de cette compensation est déterminé par une négociation entre l'autorité et la personne privée.
144. En Islande, les autorités administratives ont un devoir d'information et d'investigation envers les particuliers en conflit avec l'administration. La loi exige que les autorités administratives clarifient le litige avant de prendre toute décision. Elles sont généralement contraintes de donner aux parties l'occasion de s'exprimer sur le litige avant toute prise de décision.
145. En Italie, la concertation entre les autorités administratives et les personnes privées existe entre autres dans le domaine de l'expropriation, aux termes de la loi n° 865 de 1971. Cette loi établit que le propriétaire du bien susceptible d'expropriation peut convenir d'une cession volontaire de nature contractuelle avec l'administration, obtenant ainsi une indemnité plus avantageuse. Mais, même si le propriétaire du bien n'arrive pas à conclure une cession volontaire, il peut, dans le cadre de la poursuite de la procédure d'expropriation, refuser la somme proposée par l'administration en compensation de l'expropriation, et demander qu'une tentative d'accord soit engagée, afin de déterminer par négociation le montant de l'indemnité. Si un accord est trouvé, il a la nature d'un contrat. Les législations nationales sur l'expropriation laissent du reste souvent une place à la négociation, comme par exemple en Pologne.
146. Un autre exemple est donné par la législation fiscale italienne - décret législatif n° 218 de 1997 - qui prévoit que, lorsqu'une personne privée aurait dû payer une taxe d'un montant supérieur à celle qu'elle a effectivement versée, l'administration responsable peut déterminer par voie de négociation avec la personne concernée le montant de la taxe que celle-ci devra acquitter. L'accord donne lieu à un "acte de vérification", qui n'est pas contestable devant le juge.
147. Conformément à la législation réglementant la procédure administrative en République Tchèque – loi N 71/1967 - les autorités administratives doivent assistance et conseils aux parties au litige, de telle sorte que ces dernières ne souffrent pas d'une non connaissance des règles en vigueur. Les autorités administratives doivent essayer, dans la mesure où la matière du différend le permet, de résoudre le litige par la conciliation. Le règlement sur la procédure administrative institue un règlement amiable des différends. L'autorité compétente accepte le compromis si la nature de l'espèce le permet et si ce n'est pas contraire aux dispositions légales ou à l'intérêt public. L'accord accepté par l'autorité sera exécuté.
148. Un exemple donné par la législation tchèque est le suivant : aux termes de la législation sur l'aménagement du territoire et la construction – loi N 50/1979 – l'administration ne peut exercer son droit de préemption sur des terrains qu'après avoir mené des négociations ayant abouti à un accord sur la vente de la propriété.
II. LES PROCÉDURES NON JURIDICTIONNELLES DE RÈGLEMENT DES LITIGES ADMINISTRATIFS
149. Les conclusions de la Conférence de Lisbonne énumèrent le recours à l'administration, la conciliation et la médiation au titre des procédures non juridictionnelles de règlement des litiges administratifs. L'on peut y ajouter la transaction et l'Ombudsman. Ces modes alternatifs, qui interviennent une fois le litige né, se voient réserver un sort très différent au sein des systèmes juridiques européens puisque, si tous les Etats connaissent le recours à l'administration, il est loin d'en être de même pour la conciliation et la médiation.
1. Le recours à l'administration
150. Le recours à l'administration est prévu par les législations d'Andorre, de la Belgique, de la Bulgarie, de la Croatie, de la République Tchèque, de la Finlande, de la Géorgie, de la Grèce, de la Hongrie, de l'Italie, de la Moldova, de la Norvège, de la Pologne, du Portugal, de la Roumanie, de la Fédération de Russie, de la Suisse et du Royaume-Uni.
151. On distingue en général le recours porté devant l'autorité qui a émis l'acte ou la décision contesté, et le recours devant une autorité hiérarchiquement supérieure. Certains Etats, tels par exemple la Bulgarie, la Roumanie ou la Turquie, font du recours à l'administration un préalable obligatoire à la saisine d'une juridiction. Par contre, dans d'autres Etats, comme en Finlande et en Suisse, ce type de recours est en voie de disparition, au profit du recours juridictionnel.
152. En Finlande, un système de rectification a été mis en place parallèlement au recours à l'administration ordinaire, notamment en matière de fiscalité, de sécurité sociale et des affaires municipales: il s'agit d'une procédure administrative qui peut prendre la forme d'une auto rectification de la part de l'autorité qui a pris une décision erronée, ou résulter d'une demande adressée à cette autorité ou à l'autorité supérieure.
153. Dans la Fédération de Russie, tout citoyen bénéficie d'un droit de recours contre les lois et décisions qui violent ses droits et libertés, et ce, soit directement devant le tribunal, soit devant un supérieur hiérarchique, une autorité locale, un ministère, une entreprise ou une autorité publique, personne publique ou officier public. L'autorité publique saisie fait une analyse objective, minutieuse et impartiale des faits rapportés pour apprécier personnellement les preuves. Si le délit est requalifié en crime, le dossier est transmis à un tribunal.
154. En Suisse, la procédure d'opposition, qui intervient après qu'une décision administrative ait été rendue, permet à l'administration d'éliminer un éventuel différend avant que l'affaire soit déférée à un tribunal.
2. La conciliation
155. Aux termes des conclusions de la Conférence de Lisbonne, la conciliation est une procédure qui fait intervenir un tiers aux fins de rapprocher les positions des parties et de les faire parvenir à un accord entre elles. Quant à la médiation, elle aussi fait intervenir un tiers, dont le rôle est légèrement différent de celui du conciliateur, puisqu'il a le pouvoir de proposer une solution sous forme d'avis ou de recommandation, sans valeur obligatoire.
156. La conciliation et la médiation ne sont pas inconnues en matière administrative, puisqu'elles existent en Belgique, en Croatie, en Estonie en Hongrie, en Italie, en Lituanie, au Portugal et en Slovénie.
157. En Belgique, la conciliation, si elle n'est pas généralisée, n'est néanmoins pas absente du paysage juridique. Elle est réglée par des lois particulières, selon des modalités diverses. Elle peut être facultative, comme en matière de marchés publics, ou constituer un préalable obligatoire à la saisine d'un tribunal. Tel est le cas par exemple en matière de protection de l'environnement, où une tentative de conciliation doit avoir lieu avant tout débat au fond devant le Président du tribunal de première instance.
158. En Croatie, la recherche d'un accord entre les parties est une composante même de la procédure administrative. Dans tout litige, l'autorité en charge du dossier doit s'efforcer, tout au long de la procédure, de ménager un accord entre les parties. Cet accord, s'il est obtenu, met fin au litige, en totalité ou sur les points pour lesquels les parties sont parvenues à concilier leurs positions. Des dispositions particulières pour certains domaines sont en outre prévues par des lois spéciales.
159. En Estonie, une procédure de conciliation est prévue notamment en matière d'expropriation, et vise à déterminer le montant de la compensation financière dont bénéficie le propriétaire du bien exproprié.
160. En Hongrie, la loi sur la procédure administrative de 1957 prévoit dans son article 38 que, "si […] la nature de l'affaire le permet, l'autorité administrative doit s'efforcer de ménager un accord [entre les parties concernées] avant de prendre sa décision".
161. En Italie, un exemple de procédure de conciliation est fourni par les conflits en matière d'emploi public. Avant de saisir une juridiction, l'employé est tenu d'effectuer une tentative de conciliation devant le Bureau provincial du travail. Au sein de ce Bureau a été institué un collège de conciliation composé du Directeur du Bureau, d'un représentant de l'employé et d'un représentant de l'administration publique. La procédure prévue respecte le principe de l'égalité des parties. En cas d'accord entre les parties, un procès-verbal ayant pour objet le contenu de l'accord est dressé, et a force exécutoire. Si les parties ne parviennent pas d'elles-mêmes à un accord, le collège formule une proposition de conciliation - cette procédure se rapproche alors de la médiation. Si cette proposition est refusée par les parties, elle est consignée dans le procès-verbal qui fera partie des pièces versées au dossier lors de la procédure juridictionnelle. Ce n'est que dans un tel cas d'échec de la tentative de conciliation que l'employé peut saisir le juge ordinaire, dans un délai de 180 jours.
162. Un système similaire existe au Portugal pour les marchés publics de travaux où, pour tout litige relatif à la validité, l'interprétation ou l'application d'un contrat de marché public de travaux, une tentative de conciliation doit obligatoirement être effectuée préalablement à la saisine d'un tribunal. Cette tentative a lieu devant une commission composée de représentants des parties et présidée par le président ou un membre du Conseil supérieur de travaux publics et transports, organisme consultatif rattaché au ministère de l'Equipement social.
163. Enfin, en Slovénie, la loi sur le Procureur Général prévoit une procédure de résolution préjudicielle du litige, par laquelle la personne privée qui veut intenter un recours contre l'Etat est tenue de proposer au préalable un règlement pacifique au Procureur Général, qui doit répondre dans les 30 jours. Cette procédure fonctionne en toutes matières, civile, pénale ou administrative.
3. La médiation
164. La médiation en matière administrative existe en Belgique, en Estonie et en Lituanie.
165. En Belgique, l'institution des médiateurs existe tant dans le secteur public que le secteur privé, ainsi qu'auprès des entreprises publiques autonomes. Leur mission et la portée de leur intervention varient selon les cas, mais ils ont en commun d'être des autorités indépendantes, dont les pouvoirs diffèrent de ceux de l'administration et des juridictions. Leur mission est de rechercher un accord à l'amiable entre les parties, mais aussi de les informer, d'enquêter et de formuler des recommandations. Il existe deux médiateurs au niveau fédéral, l'un francophone, l'autre néerlandophone, qui agissent en collège et dont le statut et les missions se rapprochent de l'institution de l'Ombudsman (voir ci-dessous).
166. En Estonie, la médiation se limite au domaine de l'expropriation: le gouverneur du comté dans lequel le bien exproprié se situe peut sommer les parties à la procédure de s'accorder dans un délai maximum de deux semaines sur le montant de la compensation financière.
167. En Lituanie par contre existe l'un des seuls exemples d'un système général de règlement préjudiciel des litiges administratifs. Ce système, très récent, permet au justiciable, sauf dans quelques cas, de choisir d'emblée la voie juridictionnelle ou la voie amiable pour résoudre son différend. Toutefois, même s'il choisit la voie amiable, il a toujours la possibilité de faire appel à une juridiction administrative à l'issue de la procédure amiable.
168. Il existe deux types de règlement préjudiciel: un système spécial, qui existe dans diverses branches, à l'image de ce qui existe dans d'autres pays, et un système général. Ce système général se compose de trois niveaux de comités de contentieux administratif: le premier niveau, qui est celui des collectivités locales, n'existe pas toujours, puisque la création de comités au niveau des collectivités est facultatif. En revanche, les comités de district et le Comité national du contentieux administratif fonctionnent en permanence. Ils sont établis sur décision du gouvernement pour une période de quatre ans et comprennent cinq membres juristes.
169. Ces comités, qui n'ont pas entre eux de rapport hiérarchique, sont compétents pour connaître des actes administratifs individuels et du refus ou retard de l'administration d'exécuter certains actes. La loi définit certains litiges qui échappent à leur compétence - comme les litiges portant sur la légalité des actes administratifs normatifs et, à l'inverse, d'autres cas pour lesquels le recours à ces comités est un préalable obligatoire à la saisine d'un tribunal.
170. Le comité peut ordonner à l'administration d'exécuter une mesure ou de mettre fin à une violation de sa part dans un délai donné, mais l'exécution dépend du bon vouloir de l'administration. En cas de conflit sur la décision du comité ou sur son exécution, le système de contrôle juridictionnel prend le relais.
171. Ce système est très récent, et il est donc trop tôt pour avoir une image complète de ses avantages et inconvénients, mais il a l'avantage de la proximité dans un pays où il n'existe que sept tribunaux administratifs.
172. Enfin, en Roumanie, si la conciliation et la médiation en matière administrative n'existent pas encore, cette dernière pourrait être introduite prochainement. Un projet de loi-cadre sur la solution alternative des conflits par la médiation est en effet en préparation. Dans ce projet, qui viserait à la fois les matières civile, pénale et administrative, des dispositions spéciales sont prévues concernant la médiation entre les autorités administratives et les personnes privées.
4. La transaction
173. La transaction est, comme le précisent les conclusions de la conférence de Lisbonne, "un contrat par lequel les parties mettent fin à leur différend, en se consentant des concessions réciproques". En tant que tel, elle est souvent l'aboutissement d'une procédure de conciliation ou de médiation et sert autant de moyen de prévention que de résolution des litiges administratifs. Toutefois, il en est fait mention ici dans la mesure où certaines législations ou jurisprudences nationales autorisent expressément l'administration à conclure de telles transactions: tel est le cas notamment en Belgique, au Portugal, en Espagne et en Suisse.
174. Un bon exemple en la matière est celui de l'Espagne, où la loi 30/1992 sur le régime juridique des administrations publiques et la procédure administrative commune prévoit que les administrations publiques peuvent conclure des accords, conventions, contrats et transactions avec des personnes privées ou publiques, pourvu qu'ils ne soient pas contraires à l'ordre public, qu'ils ne portent pas sur des matières non susceptibles de transaction et qu'ils soient conclus dans l'intérêt public.
5. L'Ombudsman
175. De nombreux Etats européens connaissent l'institution de l'Ombudsman, sous des appellations diverses: il en est ainsi notamment en Andorre, Belgique, Croatie, République Tchèque, Finlande, Hongrie, Islande, Malte, Moldova, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie et Royaume-Uni. L'Ombudsman n'est en général pas à proprement parler un organe de conciliation ou de médiation, mais, étant donné qu'il a pour mission de protéger les citoyens et de contrôler l'action de l'administration, il peut agir à l'occasion en tant que médiateur, et prévenir ou résoudre les conflits entre l'administration et les particuliers sans qu'ils aient besoin d'être soumis à l'autorité judiciaire.
176. En Andorre a été institué en 1998 le Raonador del Ciutadá, sorte de médiateur qui a entre autres pour fonction de "veiller à ce que l'action de l'Administration publique, en règle générale et au sens large, serve avec objectivité l'intérêt général et respecte les principes de hiérarchie, efficacité, transparence et pleine soumission à la Constitution et au reste de l'ordre juridique". Les résolutions prises par le Raonador del Ciutadá dans l'exercice de sa mission ne sont pas obligatoires.
177. En Belgique, comme il a été mentionné ci-dessus, existent deux médiateurs fédéraux, l'un francophone, l'autre néerlandophone, qui agissent en collège. Ils sont nommés par la Chambre des représentants pour un mandat renouvelable de six ans, et sont chargés de trois missions distinctes:
- examiner les réclamations relatives au fonctionnement des autorités administratives fédérales; dans ce cadre, les médiateurs fédéraux exercent une mission de médiation stricto sensu, puisqu'ils tentent de concilier les points de vue du plaignant et de l'administration concernée ;
- mener, à la demande de la Chambre des représentants, toute investigation sur le fonctionnement des services administratifs fédéraux qu'elle désigne;
- formuler des recommandations et faire rapport sur le fonctionnement des autorités administratives.
178. Les médiateurs peuvent être saisis sans formalisme et sans frais. Leur saisine ne constitue pas un préalable obligatoire à l'introduction d'un recours juridictionnel; ce recours est facultatif, mais général. Par contre, la mise en œuvre simultanée d'une procédure de médiation et d'un recours juridictionnel est exclue, puisque la loi du 22 mars 1995 instituant le médiateur prévoit que l'examen d'une réclamation est suspendu lorsque les faits font l'objet d'un recours juridictionnel ou d'un recours à l'administration organisé. La possibilité de recours au médiateur est rétablie en cas d'échec de la procédure, de désistement, ou après sa conclusion. Les médiateurs peuvent en outre examiner des décisions administratives devenues définitives suite à l'expiration des délais de recours, et peuvent intervenir en cas de difficulté dans l'exécution d'une décision juridictionnelle.
179. De même, l'introduction et l'examen d'une réclamation par le collège des médiateurs fédéraux ne suspendent pas les délais de recours juridictionnels ou administratifs, ce qui peut obliger l'administré à choisir entre la voie contentieuse et la voie non contentieuse. Le collège des médiateurs fédéraux regrette cet état de choses, qui vide quelque peu la médiation de sa substance.
180. En ce qui concerne la République Tchèque, la loi instituant l'Ombudsman parlementaire a été adoptée fin 1999, et le premier Ombudsman doit être élu par le Parlement en 2000.
181. En Finlande existent deux institutions ayant des compétences comparables: l'ombudsman parlementaire et le chancelier de justice. Le premier, dont la fonction existe depuis 1920, est nommé par le parlement pour quatre années civiles et a deux adjoints. Il supervise la manière dont les tribunaux, les autres autorités et les fonctionnaires et agents du secteur public observent la loi dans l'exercice de leurs fonctions et s'acquittent de leurs obligations. Il contrôle également le respect des droits fondamentaux et des droits de l'homme.
182. La fonction de chancelier de justice du gouvernement a été créée en 1919, mais a une tradition qui remonte à 1713. Le titulaire est nommé par le Président de la République pour une durée indéterminée, de même que son adjoint, tandis que son suppléant est nommé pour une période de cinq ans. La Constitution lui donne des attributions qui correspondent à celles de l'ombudsman, mais il est en outre chargé spécialement de superviser le gouvernement et de lui servir de conseiller juridique.
183. Les compétences de l'ombudsman et du chancelier de justice se recouvrent en partie, notamment pour ce qui est de la supervision des autorités. D'après la répartition des attributions, définies dans une loi, l'ombudsman a compétence pour les questions concernant les forces armées, les gardes frontières, le personnel de maintien de la paix, la procédure des tribunaux militaires, les prisons, et certaines autres institutions. Ces deux organes de contrôle de la légalité contrôlent la légalité de l'action de l'administration publique et examinent les plaintes des administrés qui s'y rapportent. Les administrés peuvent saisir l'un ou l'autre.
184. Il y a également en Finlande de nombreux ombudsmen et commissaires spécialisés, par exemple l'ombudsman pour les consommateurs ou l'ombudsman pour l'égalité.
185. Les ombudsmen spécialisés n'ont pas seulement pour mission d'examiner les cas individuels relevant de leur compétence, mais aussi de donner des conseils, de faire des recommandations et d'informer sur la législation pertinente et les droits et obligations qui y sont énoncés, et de faire connaître cette législation. Ils suivent aussi l'évolution des lois et de la société en ce qui concerne leurs domaines de compétences. Certains d'entre eux peuvent être présents aux audiences en qualité de conseillers.
186. A l'exception de l'ombudsman pour les consommateurs, la compétence des ombudsmen spécialisés se limite souvent à promouvoir les objectifs de la loi dans leur secteur par des conseils, des orientations, des recommandations et des avis. A cet égard, l'usage judicieux de la publicité joue également un rôle. Lorsqu'ils sont saisis de cas individuels, les ombudsmen spécialisés, en général, ne prennent pas de décisions contraignantes, mais émettent des recommandations. En outre, contrairement à l'ombudsman parlementaire, ils n'ont pas compétence pour mettre en accusation.
187. En Hongrie, un commissaire parlementaire aux droits des citoyens, ou ombudsman, existe depuis 1995. Il a pour mission d'enquêter sur toute violation des droits constitutionnels dont il a eu connaissance et de prendre l'initiative de mesures générales ou spéciales pour y remédier. Il joue un rôle de médiateur entre les autorités administratives et les administrés. Même s'il ne peut pas annuler des actes administratifs, il dispose d'un certain nombre de possibilités pour en effacer les conséquences: il a de larges pouvoirs d'enquête, peut provoquer l'annulation ou la modification de l'acte administratif contesté, peut demander à l'organisme administratif supérieur d'enjoindre à un service placé sous son autorité de réparer les torts causés et peut déclencher tout type d'action à mener par d'autres autorités publiques, par exemple une saisine de la Cour constitutionnelle ou du procureur général.
188. En outre, une loi de 1993 a institué deux autres commissaires dotés d'une compétence spécifique. Ils sont chargés, l'un de la protection des données à caractère personnel et l'autre, des droits des minorités nationales et ethniques.
189. En Islande, l'Ombudsman reçoit les plaintes des citoyens portant sur des décisions prises par autorités administratives centrales et municipales, et émet un avis au cas par cas. Il adresse des recommandations aux autorités compétentes, aux fins de rectification ou de perfectionnement, s'il considère que les droits des personnes ont été violées.
190. Les ombudsmen norvégien, roumain et slovène, ainsi que le Provedor da Justiça du Portugal ont des compétences similaires.
191. En Moldova, existent depuis 1997 trois avocats parlementaires, nommés par le Parlement pour une durée de cinq ans. Ils ont pour mission de garantir le respect des droits et libertés constitutionnels par les autorités publiques centrales et locales, les entités, organismes et entreprises, publiques ou privées, ainsi que toutes personnes occupant des fonctions de responsabilité. Sont exclus de leur compétence les actes et décisions du Parlement, du Président de la République et du gouvernement, les infractions pénales, les contraventions administratives et le domaine du droit du travail.
192. Au Royaume-Uni, l'institution du médiateur a été introduite en 1967 lorsqu'a été créée la fonction de Commissaire parlementaire à l'administration. Le Commissaire a reçu pour mandat d'enquêter sur les allégations de mauvaise administration dans les services publics centraux. À la différence de ce que l'on observe dans les modèles qui ont inspiré cette institution, notamment ceux des pays scandinaves, les citoyens britanniques n'ont pas reçu (et ne possèdent toujours pas) le droit de s'adresser directement au Commissaire parlementaire à l'administration: ils doivent d'abord adresser une plainte à un Membre du Parlement, lequel peut, à son tour, saisir le Commissaire pour qu'il enquête. Le Commissaire parlementaire à l'administration n'a pas non plus le pouvoir d'ordonner une mesure de redressement spécifique en faveur de l'administré dans le cas où les allégations de mauvaise administration s'avèrent justifiées. Le Commissaire peut seulement recommander des mesures de redressement appropriées et compter sur la publicité défavorable si l'administration concernée ne donne pas suite aux recommandations. Depuis ces premiers temps, la notion de médiateur s'est élargie considérablement. Il y a maintenant des médiateurs dans de nombreux domaines d'intervention de l'Etat, comme le Service national de santé, les collectivités locales ou l'administration fiscale.
LES PROCÉDURES JURIDICTIONNELLES ALTERNATIVES DE RÈGLEMENT DES LITIGES ADMINISTRATIFS
1. Les tribunaux des pays de common law
193. Avant de parler de la plus connue et de la principale procédure juridictionnelle alternative de règlement des litiges administratifs – l'arbitrage – , il convient de mentionner la situation particulière des pays de common law et en particulier du Royaume-Uni. Dans ce pays en effet existent une grande variété d'institutions de justice administrative qui règlent les différends entre l'administration et les personnes privées. Ces institutions, appelées « tribunaux » (tribunals), sont des organes juridictionnels indépendants qui fonctionnent selon les mêmes principes généraux que les juridictions ordinaires et remplacent le recours à ces dernières. Ils existent dans de nombreux domaines, comme la sécurité sociale, l'emploi ou l'immigration et se caractérisent par une procédure plus souple, moins formaliste et moins onéreuse que celle suivie devant les juridictions ordinaires.
194. Il convient d'ajouter ici qu'au Royaume-Uni, la multiplication des modes alternatifs de règlement des litiges ainsi que l'introduction en 1999 de nouvelles règles de procédure civile qui obligent les juridictions à encourager le recours aux modes alternatifs ont incité le gouvernement à développer une stratégie envers les modes alternatifs en général et, plus particulièrement, envers l'interaction entre ces modes et les juridictions ordinaires. Les outils utilisés à cette fin sont un papier de discussion et des projets pilotes.
195. Le papier de discussion visait à déterminer les raisons pour lesquelles le recours aux modes alternatifs est resté réduit même lorsque des modes sont disponibles gratuitement et les moyens pour le gouvernement d'encourager le recours à ces modes. Il cherchait également à identifier les types de modes alternatifs utilisés et les cas dans lesquels leur usage est approprié.
196. Le Ministre de la Justice a donné son accord de principe pour que des projets pilotes soient mis en place pour tester certains des éléments de la politique du gouvernement. Enfin, en mai 2000, il a engagé une vaste revue indépendante des tribunaux en Angleterre et au Pays de Galles. Les résultats de cette revue devraient être rendus publics en mars 2001.
2. L'arbitrage
197. Si l'on excepte les pays de common law, la seule procédure juridictionnelle alternative de règlement des litiges connue au sein de la grande majorité des Etats membres est l'arbitrage.
198. L'arbitrage est, aux termes des conclusions de la conférence de Lisbonne, une procédure juridictionnelle par laquelle "la solution du litige est confiée à des juges privés, spécialement désignés, qui rendent un véritable jugement, investi de l'autorité de la chose jugée."
199. Il
convient de noter ici qu'en Pologne, l'arbitrage est exercé par une
juridiction spéciale étatique et qu'en conséquence, l'arbitrage tel qu'il est
entendu dans la définition susmentionnée n'existe pas.
200. Le recours à l'arbitrage est plutôt rare dans le cadre des litiges entre l'administration et les personnes privées. Il est d'ailleurs expressément exclu pour ce type de litiges par les législations de certains pays: en Belgique, par exemple, l'article 1676-2 du Code civil pose le principe de l'interdiction pour les personnes morales de droit public de recourir à l'arbitrage sauf lorsqu'un traité international autorise l'Etat à le faire, ou lorsqu'une loi particulière en accorde la possibilité aux personnes morales de droit public. Il en est de même en Finlande, où , aux termes de la loi 967/1992 sur l'arbitrage, seuls les conflits de droit privé peuvent y être soumis.
201. En République Tchèque, l'arbitrage est utilisé en droit privé, mais non en droit administratif. Cependant, la réforme de l'administration publique est en cours. De nouvelles lois concernent l'organisation de l'administration locale et régionale, la procédure administrative et le développement de la justice administrative. Le principe du règlement des conflits à l'amiable est intégré dans le projet du nouveau code de procédure administrative. Une suggestion est faite pour introduire dans la législation sur l'aménagement du territoire et la construction un règlement à l'amiable obligatoire et une procédure d'arbitrage pour résoudre les litiges ayant trait à l'utilisation des terrains.
202. En Islande, il n'y a pas d'arbitrage à proprement parler. Cependant, les parties au conflit peuvent avoir signé une convention d'arbitrage. Les autorités administratives islandaises n'ont pas établi de directives détaillées relativement aux dispositions contractuelles sur l'arbitrage.
203. Dans un certain nombre de pays, le recours à l'arbitrage est autorisé dans certains cas particuliers. En Estonie, des commissions d'appel, établies par des lois spéciales, existent dans divers secteurs, dont par exemple la propriété industrielle. La Commission d'appel de la propriété industrielle, fonctionnant sous l'égide du ministère des Affaires économiques, est compétente pour connaître des recours contre les décisions du Bureau des brevets. Cette Commission, saisie par un recours écrit, peut le rejeter ou annuler la décision du Bureau des brevets et lui proposer de réexaminer la demande de brevet. Elle doit rendre sa décision dans les 3 mois suivant la réception du recours, et cette décision est susceptible d'appel devant une juridiction.
204. En Italie, il existe notamment un collège d'arbitrage en matière de travaux publics, véritable autorité juridictionnelle qui remplace l'autorité judiciaire, laquelle n'a pas compétence en la matière.
205. Au Portugal, l'Etat et les autres personnes morales de droit public peuvent conclure des conventions d'arbitrage si une loi spéciale les y autorise ou quand le litige est relatif à des rapports de droit privé. En outre, le Code de procédure administrative prévoit que les contrats administratifs peuvent contenir des clauses compromissoires. En application de ces dispositions, plusieurs catégories de litiges administratifs sont soumis à l'arbitrage, comme par exemple les contrats portant sur les marchés publics de travaux. Un exemple marquant a été donné par le décret-loi 237/93, qui a créé un tribunal arbitral pour statuer sur les demandes de réparation des hémophiles contaminés par le virus du sida à l'occasion de transfusions réalisées dans des hôpitaux publics. Ce décret-loi prévoyait que l'Etat s'obligeait à accepter le recours à ce tribunal à chaque fois où le plaignant optait pour ce mode de résolution du conflit, de préférence aux tribunaux de droit commun. 206. Il convient également de mentionner qu'un projet de loi sur le contentieux administratif est en préparation au Portugal, selon lequel l'arbitrage serait admis pour régler les litiges relatifs à des contrats administratifs, à la responsabilité des autorités publiques et à certaines questions relatives à la fonction publique.
207. La situation de la Grèce est similaire à celle du Portugal: l'arbitrage est accepté en tant que mode juridictionnel de solution des litiges administratifs s'il est prévu par une disposition législative ou par une clause compromissoire, si une telle clause est permise par la loi. Le tribunal arbitral peut statuer sur les questions de fait et de droit soulevées, et éventuellement condamner l'administration au versement d'une indemnité. Il n'a toutefois pas le pouvoir d'annuler ou de modifier un acte administratif individuel.
208. En Suisse, des procédures d'arbitrage sont prévues pour certains cas très particuliers, comme les procédures d'expropriation.
209. En Turquie, les litiges nés des contrats de concession de service public peuvent être soumis à arbitrage national ou international. Un Code d'arbitrage est en projet qui règlera les modalités pratiques de ce principe.
210. La Géorgie, la Roumanie et la Fédération de Russie présentent un cas quelque peu particulier, puisque l'arbitrage y est possible en vertu du Code de procédure civile. Dans ces deux premiers pays, les dispositions de ce Code s'appliquent également aux litiges administratifs, et permettent donc aux parties de choisir la voie arbitrale pour résoudre leur litige. La législation roumaine introduit toutefois quelques restrictions à ce principe, puisqu'elle donne une liste de matières pour lesquelles l'arbitrage n'est pas possible.
211. En Fédération de Russie, le Code de Procédure Civile dispose que les citoyens peuvent porter tout litige devant un tribunal d'arbitrage, à l'exception des litiges ayant trait aux domaines de la famille et du travail. Les tribunaux d'arbitrage sont créés par un accord formel spécifique rédigé par les parties au conflit. La Loi Constitutionnelle relative aux tribunaux d'arbitrage datée du 28 avril 1995 indique en outre que le tribunal d'arbitrage « statue sur les litiges économiques et autres espèces qui relèvent de sa compétence ».
CONCLUSION
212. Cette étude, qui met en lumière la diversité des modes de règlement alternatifs aux litiges administratifs existant au sein des Etats membres et la disparité de leur traitement selon les droits nationaux, permet néanmoins de dégager certaines tendances communes.
213. Premier constat, l'administration publique, dans la plupart des pays, utilise largement les modes alternatifs traditionnels à sa disposition pour prévenir les litiges ou les résoudre en dehors de la voie juridictionnelle. Les modes de prévention que sont l'audition, la consultation et la concertation sont développés dans de nombreux domaines dans lesquels la prise des actes ou décisions administratives affecte les droits et intérêts des personnes privées et permettent d'associer celles-ci au processus de prise de décision, évitant ainsi la naissance de certains litiges. Le recours à l'administration, qui intervient lorsque le litige est né, tient dans la pratique des Etats membres une place très importante, puisqu'il permet de régler rapidement et à moindre frais de nombreux litiges, sans faire appel aux tribunaux.
214. A côté de ces modes traditionnels, le recours à l'Ombudsman occupe également une place très importante, puisqu'il permet d'apprécier l'opportunité du comportement des autorités administratives, ce que ne peuvent pas faire les tribunaux. Il dispose d'une large autorité morale et son succès se traduit dans de nombreux pays par la mise en place d'Ombudsmen dans des domaines spécialisés.
215. Par opposition à ces modes traditionnels, la conciliation, la médiation, la transaction et l'arbitrage, même s'ils se sont développés dans certains pays au cours de ces dernières décennies, sont encore globalement peu répandus dans les litiges entre l'administration et les personnes privées et, même lorsque de tels modes existent, leur usage est limité, à certaines exceptions près. Reflet de cette relative marginalité, le traitement juridique de ces modes alternatifs dans les ordres juridiques des Etats membres est très disparate.
216. Au vu de la situation qui prévaut dans les Etats membres et des avantages des modes alternatifs de règlement des litiges administratifs, la réflexion engagée par le Conseil de l'Europe en vue de développer et d'encourager le recours à ces modes revêt une grande utilité, afin de compléter le rôle – qui reste primordial - des juridictions. [1] Questionnaire sur les alternatives aux litiges en matière administrative
1. Existe-t-il dans votre pays des procédures de prévention des litiges (telle que la concertation) entre l'administration et les personnes privées? Si oui, veuillez détailler.
2. Existe-t-il dans votre pays des procédures non juridictionnelles (tels que les recours à l'administrations, la conciliation et la médiation) de règlement des litiges administratifs? Si oui, veuillez détailler. 3. Existe-t-il dans votre pays des procédures juridictionnelles alternatives aux tribunaux de règlement des litiges administratifs (telle que l'arbitrage)? Si oui, veuillez détailler. 4. Dans votre pays, des réformes sont-elles en cours ou envisagées concernant les procédures alternatives de règlement des litiges administratifs? Si oui, veuillez détailler. |