Langue et culture aroumaines - Recommandation 1333 (1997) de l'Assemblée parlementaire. - Conseil de l'Europe. Comité des Ministres, Délégués des Ministres - Décision 674/7.1 (juin 1999)

674e réunion - 8-9 juin 1999

Point 7.1

LANGUE ET CULTURE AROUMAINES

Recommandation 1333 (1997) de l'Assemblée parlementaire

(CM/Dél/Déc(99)664/7.2, 670/7.1,GR-C(98)24, GR-C(99)2, GR-C(99)13, GR-C(99)15)

Décision

Les Délégués

1. adoptent la réponse suivante à la Recommandation 1333 (1997) de l'Assemblée parlementaire :

«1. Le Comité des Ministres a pris note de l'intérêt constant manifesté par l'Assemblée pour la situation des cultures dispersées et des langues moins répandues depuis l'adoption en mars 1996 de la Recommandation 1291 relative à la culture Yiddish. Cet intérêt qui s'est traduit entre autres par l'adoption successive de la Recommandation 1333 relative à la langue et à la culture aroumaines et de la Résolution 1171 (1998) relative aux cultures minoritaires ouraliennes en danger, est partagé par le Comité des Ministres.

2. En ce qui concerne la situation spécifique de la langue et la culture aroumaines, le Comité des Ministres reprend à son compte le paragraphe 5 de la Recommandation, ainsi que les avis du CDCC et du CDDH qui sont annexés et invite les Etats concernés à soutenir, en tant que de besoin, la langue et la culture aroumaines s'inspirant des mesures énumérées dans le paragraphe 8.i de la Recommandation.

3. A ce propos, le Comité des Ministres tient à marquer son plein accord avec l'opinion formulée au paragraphe 4 de la Recommandation selon laquelle «la stabilité sur notre continent, et en particulier dans la région des Balkans, dépend de l'acceptation d'un système pluraliste de valeurs culturelles». Le Comité des Ministres estime que l'éducation à la démocratie et au pluralisme, et, notamment l’enseignement de l’histoire, est l'une des missions essentielles de tout système éducatif. Un tel pluralisme doit naturellement englober la promotion de la diversité linguistique et culturelle du patrimoine européen.

4. Le Comité des Ministres attire l'attention sur le fait qu'il a décidé le 25 novembre 1998 d'accorder les auspices du Conseil de l'Europe à «l'Institut européen pour les minorités ethniques dispersées» (IEMED), qui a été créé en juillet 1998 à Vilnius sur initiative privée, avec le soutien du gouvernement lituanien.

5. Bien que cet Institut ne relève pas du Conseil de l'Europe, le Comité des Ministres rappelle qu'il a donné un mandat au Comité d'experts sur les questions relatives à la protection des minorités nationales (DH-MIN) lui demandant d'entreprendre une étude sur les «minorités ethniques dispersées» aussi bien que sur les perspectives de coopération entre le Conseil de l'Europe d'une part, et l'Institut européen pour les minorités ethniques dispersées et d'autres instances poursuivant des objectifs similaires, d'autre part.

6. Le Comité des Ministres renvoie également aux avis formulés par le CDCC et le CDDH sur la Recommandation qui sont annexés à la présente réponse. Les avis donnent un aperçu des activités déployées dans le cadre du programme du Conseil de l'Europe qui présentent un intérêt particulier pour la situation des cultures dispersées et des langues peu parlées.»

2. invitent les Etats concernés à soutenir la langue et la culture aroumaines s'inspirant des mesures énumérées dans le paragraphe 8.i de la Recommandation 1333 (1997) de l'Assemblée parlementaire.

 

Annexe 1

Avis du CDDH sur la Recommandation 1333 (1997)

de l'Assemblée parlementaire

sur la culture et la langue aroumaines

1. Les Délégués des Ministres chargent le Comité directeur pour les droits de l’homme : «de donner un avis sur la Recommandation 1333 (1997) sur la culture et la langue aroumaines de l’Assemblée parlementaire» et en particulier sur les paragraphes 8(i) et 8 (vii).

2. Le CDDH avait demandé au Comité d’experts sur les questions relatives à la protection des minorités (DH-MIN) de préparer un projet d’opinion que celui-ci a élaboré à sa première réunion du 17 au 20 mars 1998.

3. Concernant la Recommandation 8(i), le CDDH reconnaît que la culture aroumaine existe dans plusieurs Etats membres, mais note également que les avis sont partagés quant à ses origines historiques. Il observe en outre qu’il peut exister parmi les personnes se reconnaissant dans la culture aroumaine d’importantes différences dans la perception ainsi que l'expression qu’ils ont de leur identité. Ainsi, des personnes qui s’estiment être de culture aroumaine ne se considèrent pas nécessairement comme appartenant à une minorité nationale. Par conséquent, bien que des mesures de soutien telles que celles indiquées dans la Recommandation 8(i) soient généralement les bienvenues, il convient de s’assurer, notamment à la lumière de cette diversité que les mesures prises correspondent effectivement aux besoins réels des personnes concernées.

4. Concernant la Recommandation 8(vii), le CDDH attire l’attention sur le fait que, dans son avis sur la Recommandation 1291 (1996), il préconise une approche pragmatique et générale en vue d’un éventuel « laboratoire des minorités ethniques dispersées à travers le monde ». Ainsi, si le Conseil de l’Europe devait entreprendre d’autres actions concernant la création d’un tel institut, il conviendrait peut-être d’envisager d’inclure dans ce projet la langue et la culture aroumaines.

 

Annexe 2

Avis du CDCC sur la Recommandation 1333 (1997) de l’Assemblée parlementaire relative à la langue

et à la culture aroumaines

1. Le Conseil de la coopération culturelle (CDCC) se félicite de l’engagement de l’Assemblée parlementaire à préserver et développer les langues et cultures minoritaires de l’Europe. La Recommandation 1333 (1997) de l'Assemblée parlementaire porte sur la situation d’une culture et d’un groupe linguistique particulièrement menacés : les Aroumains.

2. Le CDCC tient notamment à exprimer son adhésion complète à l’opinion formulée au paragraphe 4 de la Recommandation selon laquelle «la stabilité sur notre continent, et en particulier dans la région des Balkans, dépend de l’acceptation d’un système pluraliste de valeurs culturelles». Le CDCC estime que l’éducation à la démocratie et au pluralisme est l’une des missions essentielles de tout le système éducatif, y compris de l’enseignement supérieur. Un tel pluralisme doit naturellement englober la promotion de la diversité linguistique et culturelle du patrimoine européen. Le CDCC fait une contribution particulière dans ce sens à travers son projet sur L’éducation à la citoyenneté démocratique. Une responsabilité particulière pour cette action de suivi au Deuxième Sommet a été confiée au Comité de l'Education et les autres comités spécialisés sont invités à y contribuer.

3. Comme il l’indique dans son avis sur la Recommandation 1291 (1996) de l'Assemblée parlementaire relative à la culture yiddish, le CDCC considère que la création, sous les auspices du Conseil de l’Europe, d’un «laboratoire des minorités ethniques dispersées» mérite d'être examinée dans le détail (paragraphe 7). De l’avis du CDCC, si un tel laboratoire était créé, il devrait relever toute la gamme des défis auxquels les cultures et les langues minoritaires dispersées d’Europe doivent faire face au lieu de se concentrer sur un nombre limité de questions, de cultures ou de langues. Le meilleur moyen d’assurer la survie des cultures et langues minoritaires dispersées d’Europe, serait de déployer des efforts cohérents sur une échelle raisonnable plutôt que de mener des actions au coup par coup au nom de groupes particuliers.

4. Le laboratoire proposé pourrait être un centre majeur de compétences à la fois sur la méthodologie de la recherche culturelle et linguistique, le stockage, la recherche d’informations et la diffusion de documents relatifs aux cultures et aux langues minoritaires et sur les aspects juridiques de ces questions. Le laboratoire pourrait établir des partenariats et des réseaux avec les établissements d’enseignement supérieur et les instituts de recherche, les administrations locales et régionales, les organisations non gouvernementales et d’autres associations qui s’intéressent aux questions des minorités ou à des cultures et langues minoritaires particulières. Le laboratoire pourrait ainsi travailler activement avec des institutions, organisations et particuliers opérant sur le terrain, afin d’atteindre les buts décrits au paragraphe 8 de la Recommandation, non seulement pour les Aroumains, mais pour une gamme beaucoup plus large, de cultures et langues minoritaires.

5. Dans le même ordre d’idées, le CDCC appuie l’invitation faite aux Etats membres de prendre des mesures pour soutenir la langue aroumaine (paragraphe 8.ii). Cependant la délégation grecque a exprimé des réserves quant à l'existence d'une langue aroumaine séparée. La réserve de la Grèce figure en annexe de l'avis (Annexe IV) telle qu'elle a été soumise au Comité de la Culture. Dans ce contexte, le CDCC tient à souligner que l’on peut assurer un niveau de compétences universitaires dans des langues parlées par un nombre restreint de locuteurs, en créant des chaires universitaires spécifiques, mais aussi en développant les compétences requises dans le cadre plus large d’un institut universitaire. Ainsi, tandis que les possibilités de créer des chaires consacrées spécialement à la langue aroumaine risquent d’être limitées, on peut développer les compétences dans la langue aroumaine au sein des instituts de linguistique romane ou générale.

6. Plusieurs déclarations et activités du CDCC, en plus du nouveau projet sur «L'éducation à la citoyenneté démocratique», portent sur la question des langues et cultures minoritaires. Ainsi, dans la Résolution n° 2 adoptée lors de leur Conférence de Kristiansand (22-24 juin 1997), «Valeurs fondamentales, objectifs et rôle futur de la coopération éducative au sein du Conseil de l'Europe», les ministres de l'Education ont souligné le caractère de plus en plus multiculturel et diversifié de l'Europe et des sociétés européennes et le danger de repli sur soi, de racisme, de xénophobie, d'intolérance, d'antisémitisme et d'ultranationalisme. De même, ils ont retenu comme un des objectifs prioritaires de l'action du Conseil de la Coopération culturelle et du Comité de l'Education à moyen et à long terme de favoriser la compréhension mutuelle, la diversité culturelle européenne et le respect de l'autre au sein de sociétés multiculturelles.

7. Lors de la IVème Conférence européenne des Ministres responsables du Patrimoine Culturel (Helsinki, 30-31 mai 1996), ont été adoptées une Déclaration sur la dimension politique de la conservation du patrimoine culturel en Europe et deux Résolutions proposant au Comité des Ministres des lignes d'actions pour la poursuite des activités du Comité du Patrimoine culturel dans le cadre de la coopération intergouvernementale. La Déclaration exprime solennellement un attachement aux valeurs exprimées par le patrimoine susceptibles de faciliter la reconnaissance mutuelle et de traduire une cohérence européenne dépassant les seules différences des peuples en Europe. Il est par ailleurs souligné que la notion de «patrimoine culturel commun» devrait conduire les individus et les communautés à admettre la responsabilité partagée de la protection de ce patrimoine quel que soit sa nature, son territoire d'implantation ou les vicissitudes du contexte politique de ce territoire.

8. Précisant cet objectif, la Résolution n° 1 relative au «Patrimoine culturel, facteur de la construction européenne» suggère notamment que le Comité du Patrimoine culturel étudie, dans le cadre de son programme de travail, la mise en place d'un mécanisme de sauvegarde et de mise en valeur des patrimoines quels que soient leur nature, leur territoire d'implantation ou les vicissitudes du contexte politique de ce territoire.

9. Les activités du Comité de l'Education sur l’enseignement de l’histoire ont toujours souligné la nécessité d'entreprendre des réflexions et des actions visant à sauvegarder et à protéger les langues et les cultures minoritaires. Dans les conclusions des projets qui se sont terminés en 1996 (Un enseignement secondaire pour l'Europe, l'Enseignement de l'histoire dans le contexte de la nouvelle Europe et Enseignement des langues et citoyenneté européenne), l'accent a été mis sur la nécessité de développer des approches ouvertes, diversifiées, pluralistes menant à la tolérance et à la prise de conscience des influences mutuelles.

10. Quant aux activités inscrites au programme à moyen terme, le CDCC souligne en particulier les actions entreprises dans le cadre du projet «Education à la Citoyenneté démocratique» faisant partie du suivi du plan d’action adopté par le Deuxième Sommet. Dans le cadre de cette action de suivi, une réflexion a été entreprise sur la nouvelle définition de la citoyenneté dans le contexte européen, ainsi qu'une deuxième collecte d'exemples de bonnes pratiques dans le cadre de l'éducation à la citoyenneté. Dans ces deux domaines la prise en compte de l'aspect pluraliste et multiculturel des sociétés européennes occupe une place essentielle.

11. Dans le cadre du projet «Politiques linguistiques pour une Europe multiculturelle et multilingue», une attention particulière est apportée à la relation qui existe entre le développement d'une citoyenneté démocratique et responsable et l'acquisition des compétences linguistiques et culturelles nécessaires à la compréhension des cultures et des groupes sociaux différents que ce soit à l'intérieur d'un seul Etat ou entre les différents Etats européens.

12. Trois éléments du programme du Comité de l'Enseignement supérieur et de la recherche tout en étant développés dans d’autres buts, peuvent être particulièrement pertinents pour atteindre l’objectif de donner aux membres des groupes minoritaires un enseignement dans leur langue maternelle (paragraphe 8.i.a) :

-    les travaux sur la reconnaissance des qualifications, et notamment la Convention de reconnaissance de Lisbonne de 1997, offrent une méthodologie qui peut aussi s’appliquer, dans le cadre d’un système éducatif national, à la reconnaissance des qualifications obtenues dans certaines branches du système qui mettent tout particulièrement l’accent sur «la culture et les langues minoritaires» ;

-    le projet sur «L'accès à l’enseignement supérieur en Europe» comporte des recommandations particulières concernant l’amélioration de l’accès à l’enseignement des groupes sous-représentés et élabore un recueil de bonnes pratiques ;

-    l’expérience acquise dans le cadre du Programme de Réforme législative peut aussi être exploitée pour améliorer le cadre législatif dans lequel s’inscrit la formation des membres de groupes minoritaires.

13. Au sein du programme du Comité du patrimoine culturel, le thème spécifique de la culture aroumaine, tout comme un certain nombre de thèmes de même nature, pourrait être utilisé par les régions concernées comme un exemple spécifique de patrimoine à illustrer dans le cadre de travaux d'identification et de mise en valeur (inventaires, documentations, publications) et de sensibilisation (journées européennes du patrimoine, classes européennes).

14. Dans le cas du Comité de la Culture, une sensibilisation de partenaires privés ou semi-publics (fondations, associations, etc.) peut être suscitée, par exemple au moyen de publications dans les bulletins de coopération culturelle soutenus par ce Comité (CIRCLE, Mediacult, etc.).

 

Annexe

Réserve de la Grèce concernant l'avis du CDCC sur la Recommandation 1333/1997

«...Tout en reconnaissant l'existence des expressions, cultures, traditions, et surtout des idiomes aroumains dans un certain nombre de pays membres, il est à noter en même temps que des points de vues différents persistent sur la question des origines historiques des Aroumains.

L'existence même d'une minorité ethnique aroumaine, qui a donné lieu à une diaspora à travers l'Europe après ou pendant une certaine période historique, est fortement contestée. D'ailleurs, les populations qui se réclament aujourd'hui des cultures et des idiomes aroumains ne s'identifient pas nécessairement en tant que membres d'une minorité nationale en diaspora et ceci est le cas des Aroumains qui vivent en Grèce. Le fait que dans certains pays les idiomes aroumains n'ont survécu qu'au niveau oral et témoignent d'une région à l'autre des différences de syntaxe et de vocabulaire considérables, rend tout effort pour leur enseignement fragmentaire et peu efficace.

Les éléments mentionnés ci-dessus doivent constituer le cadre d'approche nécessaire de toute mise en œuvre des suggestions du paragraphe 8 de la Recommandation 1333/1997.»