La ville multiculturelle deThessaloniqueanciennement Salonique, en Grèce, a abrité jusqu'à laSeconde Guerre mondialeune très importante communautéjuive. C'est l’unique exemple d'une ville de cette taille à majorité juive pendant plusieurs siècles. Les Juifs sont indissociablement liés à l'histoire de Thessaloniqueet le rayonnement de cette communauté tant au plan culturel qu'économique s'est fait sentir sur tout le monde sépharade. Et pourtant, on ne peut qu’ètre choqué de l’absence de traces tant de cette histoire juive, que du drame de la Shoah qui décima pourtant 96% des juifs saloniciens.La population grecque semble avoir occulté tant la florissante présence juive que sa disparition tragique.
• Le 28 octobre1940, les forces italiennes envahirent la Grèce suite au refus du dictateur grec d’extrême droite à tendance fascisante, Ioánnis Metaxás, d'accepter l'ultimatum lancé par les Italiens. Salonique revint alors aux Allemands, le sud de la Grèce revint aux Italiens.
• Le 9 avril 1941, l'armée allemande entra dans Salonique. Les juifs étaient alors 56000. Des mesures antisémites furent mises en place.La presse juive fut interdite. Des bâtimentsappartenant à la communautéfurent réquisitionnés et des panneauxinterdirent aux Juifs l’accès auxcafés. Le 17 mai 1941,le grandrabbin de Salonique TsviKoretz fut arrêté. Début juin 1941, des centaines de juifs furent arrêtés. Les nazis pillèrent le bâtiment du culte et firent acheminer des tonnes dedocuments vers l’institut nazide recherche juive de Francfort.
• Le «Black Shabbat» fut l’événement qui laissa une empreinte indélébile. En effet, le Samedi 11 juillet 1942, un décret ordonna que tous les Juifs entre 18 et 45 ans se rassemblent, sur la «Place de la Liberté»(Plateia Eleftheria) afin d’être enregistrés pour les travaux forcés : 9 000 personnes durent rester debout tête nue sous un soleil de plomb, contraints à des «exercices de gymnastique», humiliés et battus sous les yeux des soldats allemands et des spectateurs grecs sur leurs balcons.
2 000 furent envoyés dans des camps de travail en Grèce où certains moururent. Les juifs ne parvenant pas à réunir toute la somme exigée par les nazis comme rançon pour leur libération, ils durent céder le cimetière juif de Salonique qui renfermait 500 000tombes. Les nazis le détruisirent et utilisèrent les pierres tombales pour construire des routes et même une piscine pour les officiers nazis. C’est sur ce site que se dresse toujours aujourd’hui l’universitéd’Aristote.
• En février 1943, sous les ordres d’Aloïs Brunner, les autorités allemandes firent appliquer les lois de Nuremberg et concentrèrent les Juifs de Salonique dans trois ghettos, avant de les déporter. De mars à août 1943, plus de 45 000 Juifs de Salonique furent déportés au camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, pour y être pour la plupart gazés dès leur arrivée. D’autres furent déportés aux camps de Treblinka et Sobibor et Bergen-Belsen. Plus de 300 Juifs ayant des papiers espagnols furent transférés en Espagne via le camp deBergen-Belsen.
Fin aout 1943, après plus de 450 ans de vie juive, Salonique devint Jüdenrein. Des 56.000 juifs qui vivaient là, 96% périrent dans la Shoah! Il en resta ainsi moins de 2000.
• Quand les quelques rescapés revinrent des camps, ils trouvèrent leurs maisons occupées par des familles grecques réticentes à restituer leurs biens aux Juifs. Les compensations allemandes furent peu perçues par les juifs de Grèce. 50% du montant alloué à la Grèce par le gouvernement allemand après la guerre pour dédommager les juifs resta dans les caisses de l'Etat grec. En 1946 s’ouvrit le procès des collaborateurs de Salonique où les collaborateurs juifs furent condamnés à mort et exécutés mais il n’y eut pas de procès des collaborateurs non juifs.
UNE SITUATION INQUIETANTE AUJOURD’HUI
De la ville de Thessalonique au riche passé juif, à majorité juive durant plusieurs siècles, de cette ville anciennement appelée «Jérusalem des Balkans», considérée autrefois comme «la mère d’Israël», il ne subsiste aujourd’hui que 700 Juifs dans une cité où les traces de la culture juives ont été effacées: 3 synagogues sur les 60 du passé, un petit musée juif et un home de vieillards avec quelques survivants de la Shoah. La communauté n'est plus que l'ombre d'elle-même.
L’université Aristote est construite sur l’un des plus importants cimetières juifs d’Europe. Aucune plaque ne le commémore encore aujourd’hui. Ses administrateurs successifs se sont longtemps refusés d’ériger un quelconque monument pour en rappeler la présence sous les fondations et ce malgré les demandes de nombreux professeurs.
• Ce n’est qu’en 1986 que la municipalité décida de faire construire un mémorial en lointaine banlieue et non sur la place de la Liberté, comme le demandaient la communauté juive. Le refus de la municipalité, arguant de l’existence d’un parking sur le même site, était-il lié à un antisémitisme inavoué ou au rejet de la reconnaissance de toute présence ethnique non grecque en Macédoine ?La question reste posée.
• En 1996, suite aux pressions américaines, la municipalité construisit un monument mémorial face à l’ancien hôpital juif Hirsch avant la visite d’une délégation des membres juifs du Congrès américain. Il fut inauguré le 23 novembre 1997 par le président grec Stefanopoulos. Ce n’est que 9 ans plus tard en février 2006, que la communauté juive obtint qu’il soit érigé Place de la Liberté. Une cérémonie officielle fut présidée par le président d’Israël Moshé Katsav et le président grec Karolos Papoulias.
•En juin 2012, lors des élections législatives, on assiste à l'effondrement des deux partis de la coalition gouvernementale au pouvoir par un vote de sanction pour leur acceptation d'une politique d'austéritéimpulsée par l'Union européenne pour éviter la faillite du pays. Un petit parti d'extrême-droitenéo-nazi «l’Aube Dorée» obtient 7% des voix et entre pour la première fois au Parlement grec avec 18 députés. Son leader est ouvertement négationniste. Leslois contrelenégationnisme n'existent pas en Grèce, au nom de la «liberté d’expression». L'un des membres de ce parti est musicien dans un groupe de hard rock grec nommé "Pogrom", avec des chants ouvertement fascistes et antisémites.Les violences xénophobes se multiplient en toute impunité.Actuellement ce parti néo-nazi est crédité de 10 à 15 % d'intentions de vote par les instituts de sondages, avec un franc succès auprès des jeunes.
• C’est dans ce contexte inquiétant, qu’une mission du CRIF se tint en Grèce en Septembre 2012 et que les 17-18 Octobre 2012, un symposium du Conseil de l’Europe intitulé «l’Holocauste à Thessalonique», eut lieu avec l'Université Aristote sous l'égide de la municipalité de Thessalonique.Le recteur de l’université y annonça la décision d’installer dans l’université un monument dédié à la mémoire de la communauté juive de Thessalonique conçu par l’université de Jérusalem, ainsi que d’installer à l’université de Jérusalem un monument conçu par l’université de Thessalonique. Il déclara aussi la réouverture de la chaire d’Histoire et Culture juive fermée avant la Seconde Guerre mondiale par le régime du dictateur Ioannis Metaxás.