DÉLÉGUÉS DES MINISTRES |
Notes sur l'ordre du jour |
5 décembre 2019 |
1362e réunion, 3-5 décembre 2019 (DH) Droits de l'homme
H46-20 S.C. Polyinvest S.R.L. et autres c. Roumanie (Requête n° 20752/07) et des affaires similaires Surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne Document de référence |
Requête |
Affaire |
Arrêt du |
Définitif le |
Critère de classification |
S.C. POLYINVEST S.R.L. ET AUTRES (Requêtes concernant S.C. POLYINVEST S.R.L. (n° 20752/07) et OMEGATECH ENTERPRISES LTD (n° 24612/07)) |
29/03/2018 |
29/03/2018 |
Problème complexe (Groupe Sacaleanu) |
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19001/05 |
RJ IMPORT ROGER JAEGER A.G. ET RJ IMPORT BUCURESTI S.A. |
03/11/2011 |
03/11/2011 |
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32168/05 |
IGNĂTESCU ET AUTRES (requête concernant BOD ET AUTRES (n° 30403/06)) |
17/03/2015 |
17/03/2015 |
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8675/06 |
PĂŞCOI ET AUTRES (requête concernant PODARU ET AUTRES (n° 41786/14)) |
07/01/2016 |
07/01/2016 |
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35723/03 |
BEŞLEAGĂ ET AUTRES (requête concernant BEŞLEAGĂ (n° 35723/03)) |
08/02/2018 |
08/02/2018 |
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24693/07 |
ZLATIN ET AUTRES (requêtes concernant ZLATIN (n° 24693/07), TOMIUC (n° 34883/10) et IORDAN (n° 47967/13)) |
29/03/2018 |
29/03/2018 |
Description des affaires
Ces neufs requêtes, examinées par la Cour européenne dans le cadre de sa procédure dite de la « jurisprudence bien établie », concernent la non-exécution de décisions de justice internes ou de sentences arbitrales rendues entre 2000 et 2011, enjoignant à des sociétés contrôlées par l’État de verser diverses sommes aux requérants (violations de l’article 6 § 1 et de l’article 1 du Protocole n° 1).
État d’exécution
Mesures individuelles :
Lorsque la Cour européenne a octroyé une satisfaction équitable au titre du préjudice moral et des frais et dépens, les autorités ont versé les sommes requises.
Dans toutes ces requêtes, sauf une[1], la Cour a indiqué dans le dispositif des arrêts que la Roumanie était tenue « d’assurer, par des moyens appropriés, l’exécution » des décisions de justice ou arbitrales favorables aux requérants dans les trois mois à compter de la notification de ses arrêts. À ce jour, aucune de ces décisions n’a été pleinement exécutée et les sociétés débitrices ont été liquidées ou bien sont en faillite.
Dans l’analyse présentée au Comité lors de sa réunion DH de mars 2019, le Secrétariat a relevé que la Cour avait examiné ces requêtes selon sa jurisprudence bien établie prévoyant que l’État est directement et pleinement responsable des dettes de toute entreprise commerciale qui ne jouit pas d’une indépendance institutionnelle et opérationnelle par rapport à celui-ci, lorsque pareille société a été liquidée ou est en faillite.
Toutefois, estimant avoir besoin d’orientations de la part de la Cour sur la question de savoir comment elles devraient se conformer ses indications, les autorités l’ont saisie de demandes en interprétation du dispositif des arrêts S.C. Polyinvest et autres et Zlatin et autres, concernant cinq de ces requêtes.
Le 17 mai 2019, la Cour a écarté la demande en interprétation du premier arrêt, au motif que nulle raison n’en justifiait l’examen.
Dûment informé de cette décision, le Comité a examiné les mesures individuelles dans les requêtes visées par elle (S.C. Polyinvest S.R.L. et Omegatech Enterprises Ltd.) lors de ses réunions DH en juin et septembre 2019 (CM/Notes/1348/H46-22 et CM/Notes/1355/H46-15).
En juin, le Comité a rappelé que la Cour avait appliqué à ces requêtes sa procédure dite de la « jurisprudence bien établie » et que la jurisprudence pertinente en la matière prévoyait la responsabilité directe et entière de l’État pour les dettes des sociétés contrôlées par l’État résultant des décisions de justice internes. Il a conclu qu’afin de se conformer à l’indication donnée par la Cour dans le dispositif de l’arrêt, la Roumanie était tenue de payer, sur ses propres fonds, toutes les sommes encore dues aux sociétés requérantes en vertu des sentences arbitrales en question.
Le Comité a par ailleurs souligné que, conformément à l’indication de la Cour, ces paiements auraient dû être effectués au plus tard le 29 juin 2018 et qu’ils étaient dès lors échus depuis longtemps. Rappelant l’obligation inconditionnelle incombant à la Roumanie en vertu de l’article 46 de la Convention de se conformer aux arrêts définitifs de la Cour, le Comité en a appelé fermement aux autorités pour qu’elles procèdent rapidement à ces paiements.
Par la suite, le 20 juin 2019, la Cour a écarté également les demandes en interprétation soumises par le gouvernement à l’égard de l’arrêt Zlatin et autres. Les autorités n’ont informé le Comité de cette décision que le 25 octobre 2019 (DH-DD(2019)1254).
En septembre 2019, le Comité a examiné à nouveau les mesures individuelles dans les requêtes S.C. Polyinvest S.R.L. et Omegatech Enterprises Ltd. et a exprimé sa vive préoccupation face au retard persistant dans les paiements. Il a insisté sur l’obligation inconditionnelle de la Roumanie de se conformer à l’arrêt définitif de la Cour et a demandé aux autorités de payer, sans plus tarder, les sommes qui étaient encore dues aux sociétés requérantes, assorties d’intérêts de retard jusqu’à la date du paiement.
En réponse, les autorités ont précisé que le 18 octobre 2019, le ministère des Affaires étrangères a demandé au ministère des Finances de payer les sommes dues à la requérante Omegatech Enterprises Ltd. Le ministère des Finances a estimé qu’il n’avait actuellement pas de base juridique pour effectuer le paiement, l’arrêt de la Cour européenne n'ayant pas quantifié le montant exact à payer. Le gouvernement a cependant assuré qu’il continuerait ses démarches en vue de l’exécution des décisions nationales dans cette affaire[2] et dans les autres affaires similaires, conformément aux conclusions dans les arrêts de la Cour et aux décisions antérieures du Comité (voir DH-DD(2019)1328).
Le Comité a reçu plusieurs communications de la part des sociétés requérantes dans Omegatech Enterprises Ltd. et RJ Import Roger Jaeger A.G. et RJ Import Bucureşti S.A. et de M. Iordan. Ils se plaignent du retard et demandent le paiement immédiat des sommes dues en vertu des décisions arbitrale ou de justice en cause[3].
Mesures générales :
Les mesures générales requises afin de prévenir des violations similaires à celles établies par la Cour dans ces affaires sont examinées dans le cadre du groupe d’affaires Săcăleanu.
Analyse du Secrétariat
Compte tenu de la décision de la Cour du 20 juin 2019 d’écarter le reste des demandes en interprétation, il est proposé d’examiner les mesures individuelles dans les neuf requêtes qui concernent la responsabilité de l’État pour le non-paiement de sommes ordonnées dans le cadre de procédures judiciaires ou arbitrales à des sociétés à capital majoritairement public.
À cet égard, l’évaluation et les indications antérieures du Comité dans S.C. Polyinvest S.R.L. et Omegatech Enterprises Ltd. en ce qui concerne les obligations d’exécution qui incombent à la Roumanie sont valables pour toutes les autres requêtes. La Cour européenne les a également examinées selon sa jurisprudence bien établie laquelle prévoit que l’État est directement et pleinement responsable des dettes de toute société à capital exclusivement ou majoritairement public, qui ne jouit pas d’une indépendance institutionnelle et opérationnelle par rapport à l’Etat, lorsque la société débitrice a été liquidée ou se trouve en faillite.
En conséquence, dans toutes ces requêtes, la Roumanie est tenue de payer, sur ses propres fonds, toutes les sommes octroyées par les décisions de justice ou arbitrales et non encore versées aux requérants ainsi que les intérêts de retard qui y sont prévus ou, à défaut d’indication à cet égard, des intérêts légaux dus en vertu du droit national. Cela vaut également pour l’affaire RJ Import Roger Jaeger A.G. et RJ Import Bucureşti S.A., dans laquelle la Cour n’a pas jugé nécessaire de donner des indications spécifiques sur les mesures d’exécution requises, puisque la Roumanie est en tout état de cause tenue, en vertu de l’article 46 de la Convention, de mettre un terme aux violations continues constatées par la Cour et d’en effacer autant que possible les conséquences.
En ce qui concerne les requêtes introduites par S.C. Polyinvest S.R.L. et Omegatech Enterprises Ltd., il est fort préoccupant de constater que, malgré les démarches entreprises par le ministère des Affaires étrangères pour régler la dette envers la seconde requérante, les autorités n’ont toujours pas répondu aux demandes fermes et répétées du Comité pour que ces paiements soient effectués avec toute la célérité requise. Il est dès lors urgent que le gouvernement qui a exprimé son engagement à poursuivre son action à cet effet, surmonte les obstacles d’ordre pratique signalés et procède aux paiements requis sans plus tarder, pour satisfaire à l’obligation inconditionnelle de la Roumanie de se conformer à l’arrêt définitif de la Cour européenne.
Il est de même urgent que le gouvernement règle la question des paiements dans les sept autres requêtes similaires, compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis que la Cour a rendu ses arrêts.
Si les paiements ne sont pas effectués, il est proposé que le Comité reprenne l’examen de ces requêtes lors de sa prochaine réunion DH.
Financement assuré : OUI |
[1] RJ Import Roger Jaeger A.G. et RJ Import Bucureşti S.A.
[2] Les tribunaux roumains ont accordé l’exequatur à la sentence arbitrale internationale en faveur d’Omegatech Entreprises Ltd. en 2003.
[3] Les sociétés requérantes ont estimé que les sommes dues totalisaient 4 665 912,03 USD au 29 mars 2018 (Omegatech Enterprises Ltd.) et 5 654 105 EUR au 10 avril 2018 (RJ Import Roger Jaeger A.G. and RJ Import Bucureşti S.A.). Les autorités ont informé le Comité des Ministres que la requérante RJ Import Bucureşti S.A. avait recouvré 1 242 280 lei roumains au cours de la procédure de liquidation des avoirs de la société débitrice, clôturée en décembre 2017 (DH-DD(2019)133).