DÉLÉGUÉS DES MINISTRES |
Notes sur l'ordre du jour |
CM/Notes/1362/H46-4 |
5 décembre 2019 |
1362e réunion, 3-5 décembre 2019 (DH) Droits de l'homme
H46-4 Sargsyan c. Azerbaïdjan (Requête n° 40167/06) Surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne Documents de référence |
Requête |
Affaire |
Arrêt du |
Définitif le |
Critère de classification |
SARGSYAN |
16/06/2015 12/12/2017 |
Grande Chambre |
Problème complexe |
Description de l’affaire
L'affaire concerne un réfugié arménien qui a été contraint de fuir son domicile au Golestan (dans la région de Shahumyan/Goranboy en Azerbaïdjan, sur la ligne de contact dans le conflit du Haut-Karabakh) lorsqu’il a été attaqué militairement en juin 1992. La Cour a constaté que le Golestan n'est pas occupé par les forces armées d'un autre État ou sous le contrôle d'un régime séparatiste, et a conclu que l'Azerbaïdjan, en tant qu'État territorial internationalement reconnu, est compétent (§ 150). La Cour a reconnu que le refus des autorités azerbaïdjanaises d'accorder aux civils l'accès au village était justifié par des considérations de sécurité. Toutefois, le fait que ce refus n'ait été accompagné d'aucune mesure visant à rétablir les droits du requérant sur ses biens et son domicile ou à le dédommager pour les pertes subies, ainsi que l'absence de tout recours, ont placé et continuent de placer une charge excessive sur lui (violations continues de l’article premier du Protocole n° 1, de l’article 8 et de l’article 13 depuis le 15 avril 2002, date d’entrée en vigueur de la Convention à l'égard de l'Azerbaïdjan). La Cour a indiqué que « dans les conditions actuelles, où un accord de paix global n’a pas encore été trouvé, il paraît particulièrement important de mettre en place un mécanisme de revendication des biens qui soit aisément accessible et qui offre des procédures fonctionnant avec des règles de preuve souples, de manière à permettre au requérant et aux autres personnes qui se trouvent dans la même situation que lui d’obtenir le rétablissement de leurs droits sur leurs biens ainsi qu’une indemnisation pour la perte de jouissance de ces droits » (§ 238).
Dans son arrêt ultérieur sur la satisfaction équitable, la Cour a jugé que le requérant pouvait être indemnisé pour la perte de revenus tirés de ses terres au Golestan et pour l'augmentation de ses frais de subsistance à Erevan (à partir du 15 avril 2002), ainsi que pour les dommages et intérêts non pécuniaires liés à sa souffrance et sa détresse. Elle a estimé que les dommages pécuniaires et non pécuniaires étaient étroitement liés et ne se prêtaient pas à un calcul précis. Elle a alloué au requérant 5 000 euros pour couvrir tous les chefs de préjudice.
État d’exécution
Le 6 mars 2017, les autorités azerbaïdjanaises ont présenté un plan d'action (DH-DD(2017)265), indiquant que par décision du Cabinet des ministres du 26 février 2014, le gouvernement avait mis en place un mécanisme d'indemnisation, à savoir un Groupe de travail sur l'évaluation des pertes et dommages. Le groupe est composé d'experts indépendants en économie et en immobilier et est présidé par un député azerbaïdjanais.
En réponse, les autorités arméniennes ont présenté une communication le 8 mars 2017 (DH-DD(2017)277), indiquant que le Groupe de travail susmentionné ne pouvait pas être considéré comme un mécanisme de revendication des biens aisément accessible comme l'exige le jugement.
Le Comité des Ministres a examiné l'exécution de cette affaire lors de sa 1280e réunion DH (mars 2017), au cours de laquelle il a pris note avec intérêt du plan d'action fourni par les autorités azerbaïdjanaises et les a invitées à fournir des informations détaillées sur la manière dont le Groupe de travail répond à la recommandation de la Cour d'établir un mécanisme de revendication des biens. Le Comité a également invité les autorités à coopérer pleinement avec le Secrétariat.
Aucune autre information n'a été reçue des autorités azerbaïdjanaises depuis le dernier examen du Comité.
Deux ONG’s ont présenté des communications en application de la Règle 9.2. La première, le Guide juridique, dans une communication datée du 23 juillet 2015, a demandé au Comité d'examiner en urgence la question des mesures générales, à savoir la mise en place par l'Azerbaïdjan d'un mécanisme de revendication des biens. Les autorités azerbaïdjanaises ont remis en question l'authenticité de la communication mais ont répondu avoir l'intention de présenter un plan d'action à l'une des prochaines réunions du Comité
(DH-DD(2015)777). Deuxièmement, le 2 novembre 2016, l'ONG European Human Rights Advocacy Centre (EHRAC) a présenté une communication au titre de la Règle 9.2 (DH-DD(2016)1281) concernant la présente affaire ainsi que Chiragov c. Arménie. L'EHRAC a souligné que dans les deux arrêts, la Cour a attiré l'attention des gouvernements sur les normes internationales pertinentes en matière de droits de propriété, notamment les Principes de Pinheiro et les Principes directeurs relatifs au déplacement des personnes à l'intérieur de leur propre pays des Nations Unies et la Résolution 1708(2010) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur la « Résolution des problèmes de propriété des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays » ( « les principes Poulsen »). Elle a analysé les sept catégories de questions que les mécanismes de revendication des biens devraient traiter afin de fournir des recours effectifs aux victimes déplacées du conflit du Haut-Karabakh, en se référant à ces normes internationales. Le 29 octobre 2019, l'EHRAC a présenté une deuxième communication (DH-DD(2019)1357) soulignant la nécessité urgente d’accomplir des progrès dans la mise en œuvre des deux arrêts, notamment dans le contexte de l’établissement du mécanisme de compensation pour les droits de propriété.
Enfin, l'EHRAC, agissant en qualité de représentant du requérant, a également présenté deux communications au titre de la Règle 9.1, soulignant que la satisfaction équitable allouée par la Cour le tribunal n'a pas été payée (DH-DD(2018)1261 et DH-DD(2019)980).
Analyse du Secrétariat
Depuis le dernier examen du Comité, la Cour a rendu son arrêt sur la satisfaction équitable. Les orientations fournies sur l'approche de la Cour en matière de réparation pour les violations en question pourraient être utiles aux autorités dans la mise en place du mécanisme requis de revendication des biens. L'arrêt sur la satisfaction équitable (§ 28) souligne également le nombre potentiel d'affaires similaires, avec plus de 1 000 requêtes introduites devant la Cour par des personnes déplacées par le conflit, dont un peu moins de la moitié sont dirigées contre l'Azerbaïdjan.
Dans ce contexte, il est urgent que les autorités azerbaïdjanaises commencent sans plus tarder à mettre en place un mécanisme de revendication des biens qui soit accessible aux réfugiés tels que le requérant et qui réponde pleinement aux critères définis par la Cour. À cette fin, le Comité pourrait encourager les autorités à entamer des discussions avec le Secrétariat en vue de fournir un plan d'action avec des propositions concrètes pour la création du mécanisme, à temps pour le prochain examen du Comité.
L'obligation de payer la satisfaction équitable allouée par la Cour au requérant en décembre 2017 est inconditionnelle, et elle devrait être payée sans plus attendre, majorée des intérêts de retard encourus.
Financement assuré : OUI |