DÉLÉGUÉS DES MINISTRES

Notes sur l’ordre du jour

CM/Notes/1501/H46-27

13 juin 2024

1501e réunion, 11-13 juin 2024 (DH)

Droits de l’homme

 

H46-27 Groupe Străin et autres (Requête n° 57001/00) et Maria Atanasiu et autres (Requête n° 30767/05) c. Roumanie et Văleanu et autres (Requête n° 59012/17) c. Roumanie

Surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne

Documents de référence

DH-DD(2023)90, DH-DD(2023)925, DH-DD(2023)1294, DH-DD(2024)422, CM/Del/Dec(2022)1436/H46-20

 

Requête

Affaire

Arrêt du

Définitif le

Critère de classification

57001/00

STRĂIN ET AUTRES

21/07/2005

30/11/2005

Arrêt pilote

28976/03

CONSTANTINESCU PAULA

23/06/2009

17/03/2015

23/09/2009

14/09/2015

10346/03+

DICKMANN ET GION

24/10/2017

28/08/2018

24/01/2018

28/11/2018

14332/03

BARBU MARIA ET BARBU DOREL-DĂNUŢ

23/03/2010

03/06/2014

23/06/2010

03/09/2014

19788/03+

ANA IONESCU ET AUTRES

26/02/2019

03/03/2020

09/09/2019

03/07/2020

26359/03+

NISTOR ET AUTRES

16/07/2020

16/07/2020

31560/04+

BÜTTNER ET AUTRES

29/09/2020

12/10/2021

29/09/2020

12/10/2021

39480/03+

DIMITRIE DAN POPESCU ET AUTRES

29/09/2020

31/08/2021

29/09/2020

31/08/2021

30075/03+

KOMAROMI ET AUTRES

29/09/2020

18/01/2022

29/09/2020

18/01/2022

17801/04+

LENGAUER ET AUTRES

29/09/2020

29/09/2020

30787/03+

MOLOȚIU ET AUTRES

29/09/2020

16/11/2021

29/09/2020

16/11/2021

37087/03+

KONYA ET AUTRES

17/11/2020

17/11/2020

55/04+

LUCA VASILIU ET AUTRES

20/10/2020

12/10/2021

20/10/2020

12/10/2021

22023/03+

NASTA ET AUTRES

20/10/2020

12/10/2021

20/10/2020

12/10/2021

30767/05

MARIA ATANASIU ET AUTRES

12/10/2010

12/01/2011

Arrêt pilote

59012/17

VĂLEANU ET AUTRES

08/11/2022

03/04/2023

Problème structurel

Description des affaires

Les violations constatées dans ces affaires trouvent leur origine dans les défaillances structurelles des mécanismes mis en place en Roumanie depuis 1990 pour permettre la restitution ou l’indemnisation de biens nationalisés pendant la période communiste (violations de l’article 1 du Protocole nº 1 et/ou de l’article 6 § 1).


Au vu de l’ampleur du problème, la Cour européenne a rendu en 2010 un arrêt pilote (Maria Atanasiu et autres), dans lequel elle a demandé l’adoption de mesures permettant d’offrir un redressement adéquat à l’ensemble des personnes affectées, puis un arrêt de suivi de l’arrêt pilote en 2014 (Preda et autres).

En 2022, la Cour a conclu dans l’arrêt Vǎleanu et autres qu’il existe toujours un problème structurel résultant de l’incapacité persistante des autorités de répondre de manière adéquate aux demandes de restitution et/ou d’indemnisation et que les autorités roumaines sont tenues de prendre de nouvelles mesures générales pour remédier à ce problème.

Les questions actuellement en suspens concernent :

-          la mise en œuvre du mécanisme mis en place par la Roumanie en 2013, sous la surveillance du Comité des Ministres, pour mettre fin à la situation jugée incompatible avec la Convention et garantir la non-répétition des violations constatées dans les affaires du groupe Străin et autres et l’arrêt pilote Maria Atanasiu et autres ;

-          le manque de voies de recours adéquates pour deux catégories d’anciens propriétaires de propriétés résidentielles pour lesquels la Cour a jugé le nouveau mécanisme défectueux ou indisponible dans Preda et autres ; et

-          les défaillances du mécanisme de réparation récemment identifiées dans Vǎleanu et autres.

État d’exécution

Le dernier examen détaillé par le Comité des Ministres des affaires du groupe Strǎin et autres alors sous sa surveillance a eu lieu en juin 2022 (1436e réunion (DH)).

En réponse à la décision adoptée par le Comité à cette réunion, les autorités ont soumis de nouvelles informations sur les mesures générales les 18 janvier, 2 août et 26 octobre 2023 (DH-DD(2023)90,
DH-DD(2023)925 et DH-DD(2023)1294), puis des informations mises à jour le 12 avril 2024
(DH-DD(2024)422).

La situation peut être résumée comme suit.

Mesures individuelles :

-          Groupe Strǎin et autres

Les 15 arrêts de ce groupe concernent 204 requêtes[1].

La satisfaction équitable et/ou la restitution ordonnée par la Cour a été versée ou mise en œuvre dans 155 requêtes, dont toutes celles couvertes par les arrêts Străin et autres, Maria Atanasiu et autres et Dickmann et Gion.

Dans 49 requêtes, les autorités doivent encore confirmer que la satisfaction équitable et/ou la restitution ordonnée par la Cour a été payée en totalité ou mise en œuvre.

Dans trois d’entre elles (Paula Constantinescu, Maria et Dorel-Dănuţ Barbu et Georgescu[2]), les procédures engagées par les requérants devant les juridictions internes en vue de la restitution des biens sont pendantes.

Deux requêtes[3] continuent de soulever une question spécifique concernant le paiement de la satisfaction équitable, qui est présentée et analysée en détail dans le document H/Exec(2022)13.

Dans ces deux requêtes, comme dans toutes les affaires de ce groupe, la Cour a ordonné la restitution ou, à défaut, le versement d’une satisfaction équitable pour dommage matériel, déterminée par rapport à la valeur actuelle des propriétés à la date des arrêts[4]. Les autorités ont restitué aux requérants certaines ou une partie des propriétés.

Elles ont ensuite procédé à la réévaluation des propriétés ou des parties qui ne pouvaient être restituées, en se référant aux critères établis par la loi n° 165/2013 (voir ci-dessous), et ont versé aux requérants les sommes correspondantes.

Dans leurs communications transmises au Comité, les requérants contestent la manière dont les autorités ont déterminé le montant restant dû à leur égard à la suite d’une restitution partielle.

Lors de son dernier examen, le Comité a invité les autorités à poursuivre leur coopération avec le Secrétariat afin de régler la question de la satisfaction équitable due aux requérants au titre du dommage matériel dans le plein respect des indications pertinentes de la Cour et du dispositif des arrêts. Les autorités et le Service de l’exécution des arrêts ont poursuivi leurs échanges sur cette question, sans aucun résultat tangible jusqu’à présent.

Dans une requête[5], la Cour a rectifié l’arrêt pertinent le 30 novembre 2022 en précisant que la somme octroyée pour dommage matériel concernait seulement l’un des deux appartements mentionnés initialement dans l’arrêt, en accord avec les soumissions pertinentes des parties en vertu de l’article 41 de la Convention. Les autorités avaient versé aux requérants, avant la rectification, certaines sommes à ce titre, mais celles-ci sont inférieures au montant dû en vertu de l’arrêt tel que rectifié. Les autorités doivent encore confirmer le paiement des sommes restantes.

-          Affaire Vǎleanu et autres

La Cour a octroyé à certains requérants une satisfaction équitable pour préjudice moral et/ou frais et dépens. Les autorités ont confirmé le paiement de ces sommes aux requérants concernés, à l’exception de l’un d’entre eux, décédé après l’arrêt de la Cour et dont les héritiers n’ont pas encore été identifiés[6]. La Cour a réservé la question du dommage matériel. Au moment de la rédaction de ces Notes, la procédure était en cours.

Mesures générales :

En réponse à l’arrêt pilote Maria Atanasiu et autres, les autorités ont élaboré un projet de loi réformant le mécanisme de réparation, qui a été discuté avec le Service de l’exécution des arrêts et le Greffe de la Cour européenne. Le Comité a suivi de près ce processus d’élaboration. Le nouveau mécanisme a été introduit en 2013 (loi n° 165/2013) et a été évalué de manière positive par le Comité (CM/Del/Dec(2014)1214/14).

Lorsque l’effectivité de ce mécanisme a été portée devant la Cour, dans l’affaire Preda et autres, celle-ci a jugé que la nouvelle loi offrait, en principe, un cadre accessible et effectif pour remédier aux griefs soulevés dans ces affaires, mais a relevé deux problèmes, évoqués ci-dessous (point A.1) b.).

Le Comité a poursuivi sa surveillance afin de fournir un appui aux autorités dans la mise en œuvre du nouveau mécanisme et dans l’adoption des mesures requises pour régler les deux problèmes identifiés dans l’arrêt Preda et autres. Il a été par la suite informé que la Cour était en train de réexaminer ces problèmes.

A.    Questions examinées dans le groupe d’affaires Strǎin et autres (mise en œuvre et lacunes du mécanisme de réparation mis en place en 2013)

1) Situation lors du dernier examen par le Comité (juin 2022)

a. Mise en œuvre du mécanisme

Le Comité a constamment demandé aux autorités d’accélérer le traitement administratif des demandes en réparation introduites avant l’entrée en vigueur de la loi n° 165/2013, lequel n’avait pu être achevé dans les délais prévus par cette loi.

La situation était particulièrement problématique à la mairie de Bucarest, où environ 24 000 demandes en réparation, concernant des propriétés urbaines, restaient non réglées au 1er janvier 2017, lorsque le délai a expiré. La situation était similaire au niveau de l’autorité centrale compétente pour valider les décisions de compensation rendues par les autorités locales (la Commission nationale pour la compensation des biens immeubles, ci-après la « Commission nationale »), où environ 70 % des demandes concernant de telles propriétés restaient non résolues à l’expiration de ce délai (à savoir le 20 mai 2018).


Des préoccupations ont été également exprimées selon lesquelles les retards persistants dans le traitement administratif des demandes mettaient en danger l’effectivité globale du mécanisme de réparation et entrainaient une réduction de la valeur de l’indemnisation, déterminée par la loi en fonction de la valeur de transaction des propriétés au 20 mai 2013[7].

Lors du dernier examen, le Comité a été informé de l’adoption en 2021 d’une loi[8] prévoyant que la valeur de l’indemnisation est désormais établie par la Commission nationale en fonction de la valeur de transaction des propriétés au cours de l’année précédant sa décision sur l’indemnisation (DH-DD(2021)855).

Le Comité a également demandé des informations détaillées sur l’état du processus de réparation et de compensation concernant les terrains agricoles et forestiers, afin de lui permettre de faire une évaluation actualisée de la mise en œuvre globale du nouveau mécanisme.

b. Questions en suspens identifiées par la Cour dans l’affaire Preda et autres

Dans son arrêt de 2014 (et plus récemment dans l’arrêt Dickmann et Gion (2017)), la Cour a conclu que la loi n° 165/2013 ne fournissait pas de recours adéquat à deux catégories d’anciens propriétaires :

-       les personnes bénéficiant de décisions définitives de justice reconnaissant la validité de leur titre sur des propriétés résidentielles nationalisées ainsi que leur droit à des mesures de réparation, mais dont les propriétés avaient été vendues par l’État et qui ont donc introduit des demandes en réparation en vertu de la législation spéciale adoptée dans ce domaine ; et

-       les personnes bénéficiant de pareilles décisions définitives, qui n’avaient pu introduire de demandes en réparation en vertu de la législation spéciale, parce que les circonstances ayant rendu impossible la restitution des propriétés d’origine n’ont été connues qu’après l’expiration des délais fixés pour l’introduction de telles demandes.

La Cour a jugé que, si les demandeurs de la première catégorie peuvent obtenir une réparation en vertu de la loi n° 165/2013, la procédure comporte des déficiences, car elle implique une nouvelle évaluation de leur droit à une réparation. Les personnes relevant de la seconde catégorie n’ont aucune perspective d’obtenir une réparation, car ils n’ont pas introduit de demandes dans les délais légaux.

Le Comité a constamment demandé aux autorités de prévoir des voies de recours adéquates pour ces requérants.

2) Dernier examen par le Comité (juin 2022)

En ce qui concerne la mise en œuvre du mécanisme, le Comité a réitéré les préoccupations suscitées par les retards enregistrés dans les étapes administratives du traitement des demandes en réparation introduites avant l’entrée en vigueur du nouveau mécanisme, en particulier à la mairie de Bucarest et à la Commission nationale.

En ce qui concerne les questions en suspens identifiées par la Cour dans l’affaire Preda et autres, le Comité a pris note de l’initiative des autorités de préparer un nouveau texte normatif afin de régler la situation des deux catégories d’anciens propriétaires à l’égard desquelles la Cour a conclu que le nouveau mécanisme était déficient ou inapplicable.

Le Comité a souligné à nouveau l’urgence de faire des progrès décisifs dans le processus d’exécution et a exhorté les autorités, à haut niveau, à prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’adopter rapidement des mesures adéquates et suffisantes pour régler les problèmes en suspens.

3) Développements depuis le dernier examen par le Comité

a. Mise en œuvre du nouveau mécanisme

Concernant le traitement administratif des demandes en réparation, les autorités ont fourni des informations mises à jour sur l’état avancement du processus au niveau local et central (DH-DD(2024)422).

S’agissant des propriétés rurales, au mois d’avril 2024, 86 % desdemandes avaient été réglées à l’échelle nationale[9] et environ 571 000 étaient encore pendantes.

Les autorités ont précisé que des lacunes législatives sont à l’origine du retard dans le traitement de ces demandes, qui aurait dû être achevé avant le 1er janvier 2017, et qu’une commission interministérielle constituée au niveau de la Chancellerie du Premier ministre a été chargée d’élaborer des propositions d’amendements législatifs, y compris pour remédier à ces lacunes (DH-DD(2023)90).

S’agissant des propriétés urbaines, au mois de mars 2024, 38 220 demandes restaient encore à traiter à l’échelle nationale, dont 36 037 concernaient la mairie de Bucarest, laquelle continue de recevoir des demandes provenant des six arrondissements de la ville[10]. Ces demandes auraient dû être traitées également avant le 1er janvier 2017.

Selon la mairie de Bucarest, les retards qu’elle a enregistrés sont dus : (i) au personnel dédié insuffisant[11] ; (ii) à l’existence de dossiers incomplets ; (iii) à l’obligation juridique de traiter certaines demandes en priorité[12] ; et (iv) à des obstacles de nature administrative liés notamment à l’obligation de certifier les copies des documents originaux nécessaires pour appuyer les demandes.

Les autorités ont fourni des informations sur des mesures récemment prises par la mairie de Bucarest afin d’accélérer le traitement des demandes pendantes. Elles ont également fait part de l’évaluation de la mairie selon laquelle d’autres mesures, y compris des modifications législatives, ainsi que l’augmentation du nombre et de la rémunération du personnel chargé de traiter ces demandes s’imposent afin de débloquer le processus (pour plus de détails, voir DH-DD(2024)422).

Les autorités ont également fourni des données sur le nombre de demandes traitées au niveau central, par la Commission nationale. Ces informations ne permettent toutefois pas de déterminer si cette autorité est parvenue à traiter les demandes qui lui avaient été transmises avant l’entrée en vigueur de la loi n° 165/2013 et dont le traitement aurait dû être achevé au plus tard en mai 2016 ou en mai 2018, selon le type de propriété.

Concernant le niveau d’indemnisation, les autorités ont annoncé qu’un projet de loi déposé en 2023[13] est en cours d’adoption par le Parlement, qui prévoit que l’évaluation du bien par les tribunaux, lorsque la décision de compensation prise par la Commission nationale fait l’objet d’un recours juridictionnel, se fera par application de la grille notariale valable pour l’année précédant la décision de justice. Ces modifications visent à garantir que le niveau d’indemnisation reste en rapport avec la valeur du bien la plus proche à la date du paiement[14] (voir DH-DD(2023)925).

Il convient de noter que les problèmes relatifs à la mise en œuvre du nouveau mécanisme sont désormais couverts aussi par les constats et indications de la Cour dans l’arrêt Vǎleanu et autres (B. ci-dessous).

b. Questions en suspens identifiées par la Cour dans l’affaire Preda et autres

En ce qui concerne la première catégorie d’anciens propriétaires, pour lesquelles la Cour a constaté le nouveau mécanisme défectueux, une loi adoptée en 2023[15] a donné priorité au traitement administratif de leurs demandes par les autorités compétentes au niveau local.

En ce qui concerne la seconde catégorie, pour lesquels la Cour a constaté l’inapplicabilité du nouveau mécanisme, cette même loi leur a permis d’introduire des demandes en compensation sur la base des lois spéciales de réparation dans un délai de six mois à compter de la date de son entrée en vigueur
(DH-DD(2023)1294).

B.    Questions soulevées dans l’affaire Vǎleanu et autres (ineffectivité persistante du mécanisme de réparation)

1) Conclusions de la Cour européenne

Dans l’arrêt Preda et autres, la Cour avait formulé des conclusions au sujet du fonctionnement global du mécanisme mis en place par la loi n° 165/2013 peu après son entrée en vigueur et sans recul quant à son effectivité en pratique. Dans l’affaire Vǎleanu et autres, la Cour a opéré un contrôle de l’effectivité du mécanisme de réparation sur la base des informations disponibles sur son application.

À la suite de ce contrôle, la Cour a conclu que le mécanisme demeure insuffisamment efficace et cohérent et a identifié comme questions problématiques : (i) l’inexécution prolongée de jugements définitifs reconnaissant aux requérants leur droit à certains biens et/ou à une indemnisation ou ordonnant aux autorités internes compétentes de statuer sur leurs demandes en restitution[16] ; (ii) l’absence de recours effectifs susceptibles d’accélérer le processus d’exécution ou de compenser l’absence d’exécution, y compris la perte de jouissance du bien[17] ; et (iii) le manquement des autorités à leur obligation d’accorder des indemnisations raisonnablement en rapport avec la valeur actuelle des biens revendiqués[18] (voir §§ 214 et 262 de l’arrêt).

Pour résoudre ces problèmes, la Cour a indiqué en vertu de l’article 46 que l’État défendeur doit prendre : (i) des mesures plus directes en vue de rationaliser et de clarifier les procédures et les critères à appliquer une fois que l’impossibilité objective de faire exécuter un jugement a été démontrée et confirmée par les demandeurs eux-mêmes ou par un tribunal dans le cadre d’une procédure d’exécution ; (ii) des dispositions appropriées visant à garantir que le processus de restitution soit mis en œuvre sans nouveau retard, en fixant des délais brefs, mais réalistes et contraignants, pour l’achèvement des procédures administratives toujours pendantes devant les autorités compétentes dans les cas où les demandeurs n’ont pas encore obtenu de réponse à leurs demandes ; et (iii) des mesures budgétaires suffisantes pour pourvoir aux besoins des demandeurs éligibles à une indemnisation, laquelle doit être raisonnablement en rapport avec la valeur du bien revendiqué telle que déterminée à la date du versement effectif de l’intégralité de cette indemnisation ou, le cas échéant, de la première tranche de celle-ci (§§ 271-272).

2) Échanges au niveau technique

En septembre 2023, les autorités ont eu des échanges avec des représentantes du Service de l’exécution des arrêts ainsi que des représentants du Greffe de la Cour européenne sur les questions soulevées dans l’arrêt Vǎleanu et autres et sur des pistes pour y répondre. De nouvelles discussions approfondies avec les autorités locales et nationales concernées ont eu lieu ensuite lors d’une mission du Service de l’exécution des arrêts à Bucarest en janvier 2024.

A l’exception des mesures prises et préconisées par la mairie de Bucarest pour accélérer le processus de réparation à son niveau et du projet de loi introduit en 2023 concernant le calcul de l’indemnisation, les autorités n’ont informé le Comité d’aucune mesure spécifique et concrète, identifiée à la suite de ces échanges, pour exécuter ce nouvel arrêt, pour lequel un plan d’action est toujours attendu.

Dernières communications en vertu de la Règle 9.2

L’Association pour la propriété privée a attiré l’attention sur les retards de paiement des indemnisations dues pour l’année 2023 et a joint une lettre du ministère des Finances faisant état de l’indisponibilité des fonds nécessaires (pour plus de détails, voir DH-DD(2023)1283).

Par la suite, l’association a informé le Comité qu’une législation d’urgence avait suspendu ces paiements ainsi que l’octroi de nouvelles indemnisations entre le 1er novembre 2023 et le 1er avril 2024[19], soulignant que cette mesure était contraire aux arrêts de la Cour dans le groupe Strǎin et autres et dans l’affaire Vǎleanu et autres (pour plus de détails, voir DH-DD(2023)1508). Selon les informations disponibles au public, le processus d’indemnisation a repris comme prévu le 1er avril 2024[20].

Analyse du Secrétariat

Mesures individuelles :

-       Groupe Strǎin et autres

Aucune autre mesure individuelle n’est requise dans 155 requêtes, dont toutes celles couvertes par les arrêts Străin et autres, Maria Atanasiu et autres et Dickmann et Gion.

Dans les affaires Paula Constantinescu, Maria et Dorel-Dănuţ Barbu et Georgescu, les autorités doivent informer le Comité de l’issue des procédures internes concernées, qui sont encore pendantes.


Dans les affaires Veniamin et Verbiţchi et Vasu, les autorités doivent régler la satisfaction équitable pour dommage matériel due aux requérants à la suite de la restitution partielle de leurs biens, dans le plein respect des indications pertinentes de la Cour et du dispositif des arrêts. Selon ces indications, confirmées plus récemment par un arrêt de révision du 18 janvier 2022 rendu dans une affaire soulevant la même question, les autorités sont fondées à déduire des sommes globales octroyées par la Cour pour dommage matériel le montant correspondant à la valeur actuelle, à la date de l’arrêt, des propriétés ou de la partie de la propriété restituées aux requérants[21]. Au lieu de cela, elles ont réévalué les propriétés qui ne peuvent être restituées sur la base des critères et procédures prévus par la loi nationale, et ont versé aux requérants les montants ainsi déterminés. Cette approche, qui ne tient pas compte des montants alloués par la Cour[22], méconnaît les termes des arrêts pertinents concernant la satisfaction équitable et ne peut donc pas être suivie (pour plus de détails, voir le document H/Exec(2022)13).

Dans Guran et autres, les autorités doivent confirmer qu’elles ont versé aux requérants l’intégralité du montant dû au titre du dommage matériel en vertu de l’arrêt, tel que rectifié.

En ce qui concerne les 44 requêtes restantes de ce groupe, les autorités devraient tenir le Comité informé des développements pertinents.

-          Affaire Vǎleanu et autres

Les autorités devraient également informer le Comité du résultat de leurs démarches concernant le paiement de la satisfaction équitable pour dommage moral allouée par la Cour dans la requête Iuga.

Mesures générales :

1) Action résolue nécessaire pour régler les problèmes du fonctionnement du mécanisme de réparation

Le Comité des Ministres a salué la mise en place du nouveau mécanisme de réparation en 2013 comme une étape majeure en vue de résoudre les dysfonctionnements mis en évidence par la Cour dans le processus de réparation pour les propriétés nationalisées. Dans le même temps, il a souligné l’importance d’un suivi attentif et constant de l’application de ce mécanisme, afin que les autorités compétentes puissent intervenir rapidement si nécessaire, y compris par des mesures législatives, pour assurer son fonctionnement efficace (voir CM/Del/Dec(2013)1172/17).

Depuis 2018, le Comité a mis en garde à plusieurs reprises contre le fait que les retards croissants dans le traitement administratif des demandes déposées avant l’entrée en vigueur du nouveau mécanisme de réparation mettaient en danger l’effectivité de ce mécanisme, et a invité instamment les autorités à y remédier.

Malgré leurs efforts, les autorités compétentes n’ont pas réussi à achever ce processus. Les informations récemment fournies attestent d’un arriéré toujours considérable de demandes en réparation à la mairie de Bucarest en ce qui concerne les propriétés urbaines, alors que les autorités n’ont toujours pas confirmé que la Commission nationale a résorbé son propre arriéré de demandes en compensation, bien que les délais pertinents aient expiré en mai 2016 et mai 2018. Quant aux propriétés rurales, le processus est toujours en cours sept ans plus tard, alors qu’il aurait dû être achevé au niveau local en janvier 2017.

Saisie une nouvelle fois de la question, cette fois-ci par rapport au fonctionnement du mécanisme de réparation mis en place en 2013, la Cour européenne a conclu dans l’affaire Vǎleanu et autres à l’existence d’un problème structurel persistent dû à plusieurs défaillances, dont les retards auparavant identifiés par le Comité. Cela pourrait être noté avec le plus grand regret.

Dans ce contexte, il est de la plus haute importance que les autorités répondent aux appels urgents et répétés du Comité et mènent, sans plus de retard, une action résolue pour régler ce problème de manière définitive.


Un premier pas serait d’établir exactement le nombre de demandes en réparation introduites avant l’entrée en vigueur du nouveau mécanisme et toujours pendantes, et cela pour chaque catégorie de biens et au niveau de chaque entité investie par la loi n° 165/2013 avec le traitement de telles demandes. Cette démarche est essentielle afin d’être en mesure de fixer de nouveaux délais réalistes pour l’achèvement des procédures administratives, comme l’a recommandé la Cour dans l’arrêt Văleanu et autres.

Ensuite, les autorités pourraient être encouragées à examiner attentivement les solutions avancées par la mairie de Bucarest pour fluidifier et accélérer le processus de traitement des demandes en réparation pendantes devant cette autorité, lesquelles, de manière générale, semblent aller dans la bonne direction. A cet égard, il importe de noter que si le traitement prioritaire réservé par la loi à certains types de demandes se justifie, y compris par rapport aux exigences de la Convention énoncés dans certains arrêts, les autorités ne devraient pas permettre que des retards dans le traitement des demandes prioritaires imputables aux demandeurs concernés retardent l’examen des autres demandes pendantes[23].

Pour ce qui est des autres insuffisances du mécanisme de réparation identifiées dans l’arrêt Vǎleanu et autres, le Comité pourrait souhaiter demander instamment aux autorités de présenter sans plus tarder un plan d’action complet avec leur analyse approfondie des constats dans cet arrêt et des solutions envisagées pour y répondre, y compris à la lumière des autres indications fournies par la Cour au titre de l’article 46.

Quant aux initiatives déjà prises par les autorités, le projet de loi en cours d’adoption par le Parlement visant à assurer une indemnisation déterminée au plus proche du moment de son versement effectif représente un progrès, à condition toutefois qu’il soit adopté rapidement.

2) Problématiques non résolues par le mécanisme de réparation

En ce qui concerne la première catégorie d’anciens propriétaires, pour lesquelles la Cour a constaté le nouveau mécanisme défectueux, les informations reçues ne permettent pas de conclure que l’amendement législatif prévoyant l’examen prioritaire des demandes fondées sur des décisions de justice définitives constatant le droit à des mesures de réparation a réglé le problème identifié par la Cour dans les arrêts Preda et autres (§ 124) et Dickmann et Gion (§§ 72, 99, 101 et 103).

La Cour a jugé dans ces arrêts que la procédure administrative établie par la loi n° 165/2013 était inadéquate dans la situation des requérants, car cette procédure supposait une nouvelle évaluation par l’administration de leur droit à des mesures de réparation, alors que ce droit avait déjà été confirmé par les juridictions internes. Lors du précédent examen, les autorités ont indiqué que la Commission nationale ne procédait plus à une telle évaluation mais procédait directement à l’octroi d’une compensation, conformément à la loi n° 165/2013
(DH-DD(2021)73). Néanmoins, aux termes de la loi, les autorités locales semblent toujours tenues de déterminer le droit à de telles mesures, bien que ce droit ait déjà été établi par des décisions de justice définitives revêtues de l’autorité de la chose jugée. Les autorités roumaines devraient faire part de leur évaluation sur ce point.

En ce qui concerne la seconde catégorie, la mesure adoptée semble adéquate, étant donné qu’elle a permis aux anciens propriétaires concernés d’introduire une demande en compensation dans un nouveau délai de six mois, expiré le 26 avril 2024. Le Comité pourrait en prendre note.

Financement assuré: OUI

 



[1] Depuis 2014, le Comité des Ministres a mis fin à la surveillance de 266 autres affaires similaires, dans lesquelles la question des mesures individuelles avait été réglée.

[2] Requête n° 15941/07, arrêt Dimitrie Dan Popescu et autres.

[3]Veniamin (n° 37487/03) (arrêt Ana Ionescu et autres) et Verbiţchi et Vasu (n° 19642/11) (arrêt Luca Vasiliu et autres), où ne sont soulevées que des questions relatives à la satisfaction équitable due aux héritiers de la seconde requérante, feu Mme Vasu.

[4] Aux termes des arrêts pertinents de la Cour, à défaut de restitution, l’État défendeur doit verser aux requérants, pour dommage matériel, un montant correspondant à la valeur actuelle de leurs biens, déterminée par la Cour au vu des informations, y compris les documents soumis par les parties, dont elle disposait quant aux prix de l’immobilier sur le marché local et de sa jurisprudence constante dans des affaires similaires (Ana Ionescu et autres, §§ 39 and 42 ; Luca Vasiliu et autres, §§ 28 and 30).

[5] Guran et autres (n° 6947/07) (arrêt Ana Ionescu et autres).

[6] Iuga (n° 42182/18). Le gouvernement a demandé la révision de l’arrêt. La Cour examine actuellement cette demande.

[7] Plus précisément, la valeur est déterminée sur la base d’un guide des valeurs indicatives des biens immobiliers, élaboré par des experts indépendants et utilisé par les notaires pour déterminer la valeur des transactions (ci-après la « grille notariale »).

[8] Loi n° 193 du 8 juillet 2021.

[9] 5 499 609 d’un total de 6 392 922 demandes.

[10] 15 662 demandes reçues jusqu’en mars 2024.

[11] Seuls 11 employés s’occupent du traitements des demandes (environ 6 500 dossiers chacun), en plus d’autres tâches.

[12] Par exemple, les demandes des personnes qui ont obtenu des décisions de justice définitives constatant leur qualité de personne ayant le droit à des mesures de réparation ou ordonnant à la mairie de résoudre leurs demandes.

[13] PL-x n° 354/2023.

[14] Actuellement, lorsque la Commission nationale s’est prononcée sur la demande de réparation, les tribunaux déterminent l’indemnisation en fonction de la valeur de transaction des propriétés à la date de la décision de la Commission. Lorsque les tribunaux sont saisis parce que la Commission n’a pas traité la demande de réparation dans les délais légaux, ils prennent en compte la valeur de transaction des propriétés à la date de la décision de justice, laquelle se substitue à la décision de la Commission.

[15] Loi n° 284 du 20 octobre 2023.

[16] Cette dernière situation inclut l’annulation sans indemnisation par les tribunaux des titres de propriété des requérants pour des raisons qui sont imputables à l’administration, avec la conséquence que leurs demandes doivent être considérées comme étant à nouveau pendantes devant les autorités administratives.

[17] Requête n° 31613/19 (Botez).

[18] Requêtes n° 59012/17 (Văleanu), n° 47070/18 (Strugaru) et n° 21500/19 (Cobzaru).

[19] Ordonnance d’urgence du gouvernement n° 90 du 27 octobre 2023.

[21] Voir Komaromi et autres (n° 30075/03), arrêt définitif le 29 septembre 2020, révisé le 18 janvier 2022 pour la requête n° 46114/06 (Munster). Dans l’arrêt initial, la Cour avait octroyé à la requérante une somme globale pour six appartements, en se basant sur leur valeur actuelle à la date de l’arrêt, déterminée au vu des informations à sa disposition concernant les prix de l’immobilier sur le marché local (voir §§ 35 et 37). Dans l’arrêt de révision, vu la restitution d’un de ces appartements, la Cour a modifié ses indications au titre de l’article 41, en déduisant le montant correspondant à la valeur marchande de l’appartement qui avait déjà été restitué de la somme initialement octroyée (§ 10).

[22] Dans l’affaire Munster (n° 30075/03, arrêt Komaromi et autres),la différence entre l’indemnisation établie par les autorités selon la méthode contestée et celle établie par la Cour dans l’arrêt de révision s'élevait à plus de 160 000 euros (les sommes restant dues, après la révision, aux héritiers de la requérante dans cette affaire ont été dûment payées).Selon les requérants dans les affaires Veniamin et Verbiţchi et Vasu, la manière dont les autorités ont établi le montant leur restant dû à la suite de la restitution partielle a en fait indûment réduit la valeur de l’indemnisation à laquelle ils ont droit en vertu des arrêts (de 165 730 euros dans l’affaire Veniamin et de 69 327 euros dans l’affaire Verbiţchi et Vasu ; selon les requérants, les autorités compétentes ont appliqué la grille notariale valable au 20 mai 2013).  

[23] À la Commission nationale, le traitement des demandes prioritaires concernant les propriétés urbaines s’effectue en parallèle avec celui des autres demandes.