DÉLÉGUÉS DES MINISTRES

Documents CM

CM(2022)149-add

7 septembre 2022[1]

1445e réunion, 5 octobre 2022

10 Questions juridiques

 

10.2 Comité du Conseil de l’Europe de lutte contre le terrorisme (CDCT)

b. Rapport sur les menaces terroristes émergentes en Europe

Point pour examen par le GR-J lors de sa réunion du 28 septembre 2022

 


Table des matières

1. Résumé. 4

2. Introduction. 6

2.1 Contexte. 6

2.2 Objectifs. 6

2.3 Méthodologie. 6

2.4 Plan de l’étude. 7

2.5 Terminologie. 7

3. Évolutions des structures terroristes. 8

3.1 EIIL/Daech, Al-Qaida et groupes affiliés. 8

3.1.a. Risque d’attentats de l’EIIL/Daech après sa défaite militaire en Syrie et en Irak. 8

3.1.b Acteurs isolés et petites cellules inspirés par l’EIIL/Daech, Al-Qaida et groupes affiliés. 9

3.1.c Retour des CTE. 10

3.2 Terrorisme d’extrême-droite. 11

3.2.a Difficultés de définition et appréciations hétérogènes de l’ampleur de la menace. 11

3.2.b. Acteurs isolés et petites cellules terroristes inspirés par une idéologie violente d’extrême-droite. 12

3.2.c. Internationalisation de l’extrémisme violent d’extrême-droite conduisant au terrorisme. 13

3.2.d. Menace représentée par les groupes et organisations terroristes d’extrême-droite. 14

3.3 Terrorisme ethno-nationaliste et séparatiste. 15

3.4 Terrorisme d’extrême-gauche. 15

4. Stratégies. 16

4.1 Radicalisation et recrutement 16

4.1.a. La diversification des cibles de la radicalisation et du recrutement 16

4.1.b. Le rôle des prisons dans la radicalisation et le recrutement pour le terrorisme. 17

4.1.c. Foyers de radicalisation et recrutement hors ligne. 18

4.1.d. L’utilisation des technologies dans la radicalisation et le recrutement 19

4.2 Financement 21

4.2.a. La baisse du financement des organisations et l’évolution vers des attaques autofinancées. 21

4.2.b. Les activités criminelles et le financement du terrorisme. 22

4.2.c. L’utilisation des nouvelles technologies pour le financement du terrorisme. 22

4.3 Communication, coordination et perturbation. 23

4.3.a. Coopération et coordination en ligne. 23

4.3.b. Dynamiques réciproques. 24

4.3.c. Communication de fausses informations de crimes terroristes. 24

4.4 Activités. 25

4.4.a. Types d’attentats et d’armements. 25

4.4.b. Cibles des attentats. 26

4.4.c. Interaction entre les stratégies en ligne et hors ligne lors des attaques. 27


5. Nouvelles crises et idéologies. 29

5.1 Exploitation des nouvelles crises par les terroristes : la pandémie de covid-19. 29

5.2 Les idéologies de l’extrême-droite violente. 30

5.2.a. L’utilisation de « manifestes » idéologiques dans le terrorisme d’extrême-droite. 30

5.2.b. Nouveaux modèles d’attaques fondés sur un phénomène d’imitation. 30

5.2.c. La cooptation des sous-cultures en lignes. 31

5.3 Nouvelles idéologies extrémistes violentes. 31

5.3.a. Extrême misogynie. 31

5.3.b. Théories complotistes et les croyances anti-institutionnelles. 32

6. Conclusion et recommandations. 33

7. Sources. 35


1. Résumé

Le paysage de la menace terroriste en Europe a évolué ces dernières années, sous l’effet du recul territorial de l’EIIL/Daech en Iraq et en Syrie, de la diffusion d’Al-Qaida et de groupes liés à l’EIIL/Daech à travers le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne et de la restructuration de groupes affiliés. Le nombre d’attentats meurtriers réussis par l’EIIL/Daech en Europe est en constante diminution depuis 2017. Cependant, la menace d’attentats inspirés par l’idéologie de ce groupe n’a pas disparu. La décapitation d’un enseignant près de son établissement en banlieue parisienne, en octobre 2020, puis l’attentat commis quelques jours plus tard dans une église de Nice (sud de la France) et la série de coups de feu à Vienne en novembre 2020 ont rappelé la persistance de la menace d’attentats par des acteurs isolés.

La prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan à la mi-août 2021, suivie par une attaque meurtrière de l’EIIL K à l’aéroport de Kaboul fin août, risque de changer ce paradigme, bien que certains pensent qu’il est trop tôt pour en mesurer les implications de manière fiable (Europol, 2021). Des inquiétudes ont cependant été soulevées dans différents milieux et plusieurs appels publics ont été effectués pour s’assurer que le territoire afghan n’est pas utilisé pour menacer ou attaquer un pays, pour abriter des terroristes ou leur servir de zone d’entrainement, ou pour organiser ou financer des actions terroristes (Conseil de sécurité de l’ONU, 2021, CE, 2021).

Simultanément, l’Europe a connu une montée des attentats violents causant des victimes et nourris par des idéologies d’extrême-droite violentes, dont la suprématie blanche. Suivant l’attentat contre une mosquée de Christchurch (Nouvelle-Zélande) commis en mars 2019 par un Australien partisan de cette idéologie ayant agi seul, l’Europe a connu une série de violentes attaques inspirées par des idéologies violentes d'extrême-droite : l’attaque de la mosquée de Baerum (Norvège) en août 2019 ; la fusillade meurtrière dans une synagogue de Halle (Allemagne) en octobre 2019 ; le meurtre de l’homme politique local Dr Walter Lübcke à Wolhagen en juin 2019  et les attaques dans deux bars à chicha de Hanau (Allemagne) en février 2020. Ces attentats ont mis en lumière l’internationalisation de la menace terroriste d’extrême-droite via les connexions transnationales, le potentiel d’inspiration de ce type d’idéologie et le développement, facilité par les réseaux sociaux, d’écosystèmes extrémistes internationaux en ligne.

Les menaces et l’activité terroristes ont connu une nouvelle dynamique en 2020. La pandémie de covid-19 a bouleversé le monde de manière inattendue, conduisant notamment à la mise en place de confinements prolongés à l’échelle nationale et locale. Elle a affecté la capacité des terroristes à commettre des attentats classiques, mais aussi créé de nouvelles possibilités de mobilisation et de recrutement en ligne. Des groupes violents d’extrême-droite de toutes idéologies ont accentué leurs efforts de propagande et de recrutement en ligne, interprétant la crise à leur manière et proposant des solutions violentes.

Si elle a ralenti l’élan des menaces établies, la pandémie de covid-19 a aussi eu pour effet d’accélérer les menaces émergentes. L’utilisation des technologies par les terroristes, préoccupation de longue date, est devenue plus centrale encore pendant la pandémie. Les terroristes et les extrémistes violents, décrits comme les « premiers adeptes » des nouvelles technologies, exploitent les possibilités offertes par les réseaux sociaux et par les plateformes en ligne pour recruter des partisans, coordonner et financer leurs activités et organiser des attentats. L’attentat de Christchurch a été le premier cas d’acte terroriste filmé et diffusé en direct. Depuis, les auteurs cherchent à reproduire ce type de diffusion, ce qui met en avant les recoupements entre stratégies en ligne et hors ligne dans l’exécution des attentats.

Devant les retraits de plus en plus fréquents des contenus violant les conditions générales sur les grandes plateformes de réseaux sociaux, des plateformes alternatives plus marginales (dites « alt-tech ») et des messageries cryptées (comme Telegram, Signal ou WhatsApp) sont devenues un repaire de terroristes et d’extrémistes violents, donnant naissance à des réseaux transnationaux peu structurés susceptibles d’alimenter à la fois une activité terroriste de grande ampleur et des actes terroristes individuels. Peu réglementées, ces plateformes font l’objet de mesures répressives de la part des autorités à chaque attentat terroriste de grande envergure, mais elles réapparaissent sous d’autres formes. Les réseaux extrémistes violents migrent de plus en plus vers les plateformes alternatives, avec des conséquences qui restent encore à déterminer pour les efforts de lutte contre le terrorisme.

Des idéologies extrémistes et violentes émergentes, dont les théories du complot et l’extrême misogynie, qui recoupent l’extrémisme violent d’extrême-droite conduisant au terrorisme, ont nourri des attaques meurtrières. La pandémie, en particulier, a mis en lumière les liens entre théories du complot et extrémisme violent conduisant au terrorisme, ainsi que le caractère potentiellement dangereux des croyances complotistes marginales. Ces phénomènes vont probablement continuer de gagner en importance : étant donné l’impact à long terme que la covid-19 laisse présager – incertitude économique, polarisation sociale et instabilité géopolitique –, les extrémistes violents n’auront que trop d’occasions de prôner des solutions suprémacistes, lourdes de conséquences pour la sûreté publique et la cohésion sociale.


Principales conclusions

              L’évolution vers un terrorisme post-organisationnel en Europe s’est accélérée. Bien que les groupes terroristes demeurent actifs, l’EIIL/Daech et Al-Qaida ont déplacé leurs capacités opérationnelles vers des zones de conflit hors continent européen, en s’attaquant aux intérêts et aux infrastructures européens comme dans certaines régions d’Afrique et d’Asie. Tandis que le nombre d’attentats réussis conduits par l’EIIL/Daech a diminué en Europe depuis 2017, la menace d’attentats inspirés par l’EIIL/Daech est toujours considérée comme élevée par de nombreux membres du Conseil de l’Europe.

              Le terrorisme d’extrême-droite, à la hausse dans plusieurs états membres, est considéré comme la menace qui connaît la plus rapide expansion dans de nombreux pays européens. Plusieurs d’entre eux ont été frappés ces dernières années par des attaques meurtrières inspirées par une idéologie violente d’extrême-droite, phénomène qui s’est accéléré depuis 2019.

              La menace du terrorisme d’extrême-droite est devenue de plus en plus transnationale. Les réseaux d’extrême-droite violents ont désormais des connexions au niveau mondial, dans des contextes en ligne et hors ligne, ce qui souligne la nécessité de réponses internationales et rend les initiatives centrées sur un seul pays insuffisantes pour traiter le problème ; de ce point de vue, il y a des enseignements à tirer d’initiatives telles que la Coalition mondiale contre l’EIIL/Daech. Le recrutement, la coordination et les attentats d’extrémistes violents et de terroristes d’extrême-droite ont montré des niveaux élevés de coopération internationale.

              Le nombre d’attaques meurtrières d’extrême-gauche a fortement diminué en Europe. Le terrorisme d’extrême-gauche et ethno-nationaliste reste une menace présente dans plusieurs juridictions, mais il est largement de nature nationale plutôt que transnationale.

              Pour recruter et pour planifier, financer et exécuter les attentats, les terroristes s’appuient sur les nouvelles technologies, depuis les réseaux sociaux et plateformes de communication jusqu’aux outils financiers en passant par les armes de haute technologie (comme les drones). Les mesures adoptées par les grands groupes technologiques contre les activités terroristes sur leurs plateformes ont poussé les réseaux terroristes et extrémistes violents à migrer vers une grande diversité d’applications et forums de réseaux sociaux ou de messagerie cryptée moins régulés et en évolution constante, rendant les terroristes potentiellement plus difficiles à surveiller.

              La proportion croissante des attaques commises par des acteurs isolés en Europe s’est traduite par des attaques souvent « à bas coût », visant des cibles vulnérables et utilisant des armes faciles à se procurer. Les tactiques terroristes déployées en Europe ces dernières années ont été variées, mais se sont principalement caractérisées par une faible technicité et par l’usage d’armes faciles à se procurer comme les armes blanches, les véhicules ou les explosifs artisanaux. Les technologies en ligne et les réseaux sociaux servent de plus en plus à l’exécution des attaques elles-mêmes, avec des auteurs qui retransmettent leurs actes en direct et y intègrent des éléments issus du monde du jeu vidéo.

              Les terroristes de tous bords exploitent activement les crises nouvelles et émergentes. Des groupes et réseaux violents d’extrême-droite ont cherché à utiliser la pandémie pour recruter et encourager des attaques en Europe, pendant que l’EIIL/Daech et Al-Qaida l’ont également initialement utilisé pour promouvoir leur programme idéologique.

              Les idéologies extrémistes violentes qu’on voit émerger actuellement pourraient alimenter une activité terroriste. Le terrorisme motivé par l’extrême misogynie, par les théories conspirationnistes et par des convictions violemment hostiles aux institutions est devenu de plus en plus préoccupant et a déjà inspiré des attentats en Europe.

              La situation actuelle en Afghanistan et son impact éventuel sur l’Europe doivent être suivis de près.


2. Introduction

2.1 Contexte

L’Activité 3.4 de la Stratégie du Conseil de l’Europe contre le terrorisme (2018-2022) prévoit la réalisation d’une étude complète sur les menaces terroristes émergentes, visant à informer le Conseil de l’Europe et ses membres sur les domaines appelant leur attention à l’avenir. À cette fin, le Comité du Conseil de l’Europe de lutte contre le terrorisme (CDCT) a mis en place un Groupe de travail sur les menaces terroristes émergentes (CDCT-ETT), chargé de mener cette étude avec le soutien d’un expert universitaire indépendant. Lors de sa première réunion, les 26 et 27 janvier 2021, le CDCT-ETT a convenu d’un plan pour ce rapport et des thèmes à couvrir et chargé l’experte indépendante, Mme Cécile Guérin (Institute for Strategic Dialogue) de produire un avant-projet de rapport sur la base de la méthodologie exposée ci-dessous. Depuis, le groupe de travail s’est réuni quatre fois supplémentaires afin de produire le projet de texte qui a été discuté et adopté par le CDCT en mai 2022, lors de la sa 8e réunion plénière.

2.2 Objectifs

Le présent rapport vise à donner une large vue d’ensemble des nouvelles menaces terroristes en Europe, c’est-à-dire des structures, des stratégies et des idéologies terroristes. L’analyse vise à couvrir un large éventail d’États et à pointer avant tout les menaces transnationales, tout en étudiant des tendances spécifiques à certains états lorsque cela est possible. Compte tenu de l’ampleur du sujet et du thème choisi – les tendances émergentes –, le rapport ne couvre que les attentats et menaces survenus depuis 2015 et ne s’étend pas aux tendances antérieures, sauf à des fins de mise en contexte. Pour les mêmes raisons, le rapport n'évoque pas en détail les différents efforts de lutte contre le terrorisme entrepris à ce jour aux niveaux national, supranational et international, mais les prend plutôt en considération lors de la formulation des recommandations d'actions futures. Les pays pertinents pour l’étude de menaces particulières sont sélectionnés sur la base d’une combinaison des critères suivants : a) le nombre d’attentats terroristes commis et déjoués, d’après les signalements du pays et les bases de données librement accessibles ; b) une évaluation du niveau de menace que représentent les acteurs terroristes ; c) le niveau de menace terroriste déclaré par le pays, et d) les éléments publics disponibles.

Sur la base des conclusions communes aux différentes juridictions, le rapport formule des recommandations adressées aux membres du Conseil de l’Europe, aux institutions gouvernementales et intergouvernementales, aux acteurs du secteur privé et aux organisations de la société civile sur les moyens de faire face aux menaces terroristes émergentes dans la région.

2.3 Méthodologie

Ce rapport résume, en utilisant la méthode de l’analyse rapide des données, la littérature existante dans plusieurs disciplines sur les menaces terroristes émergentes en Europe, afin d’offrir un aperçu à jour de l’état des menaces terroristes en Europe. L’étude s’appuie sur l’examen de plus de 200 documents en anglais et en français, sur des sources publiées initialement dans d’autres langues mais dont les membres du Conseil de l’Europe ont proposé une traduction, et sur des données fournies par ceux-ci. Les sources à analyser ont été sélectionnées sur les critères suivants : date de publication[2], pertinence par rapport au sujet[3], portée géographique[4] et rigueur académique[5]. Elles ont été repérées à l’aide d’une recherche avancée par mots-clés dans le moteur de recherche Google Scholar. Deux cycles de sélection ont permis d’établir le corpus définitif de sources. D’autres études, ouvrages et publications universitaires antérieurs à 2015 et portant sur des menaces terroristes anciennes sont utilisés pour leur valeur contextuelle ou les définitions qu’ils contiennent. Lorsque la recherche n’avait pas livré de résultats suffisants, cette analyse documentaire a été complétée par une sélection supplémentaire d’études et de reportages d’actualité.

Les menaces terroristes sont en constante évolution et les groupes terroristes, ainsi que les auteurs d’attentats isolés, se sont habitués à adapter leurs tactiques pour contourner l’action des forces de l’ordre, les politiques antiterroristes et les mesures prises par les gouvernements pour contrer leurs activités. Les terroristes ont également une longueur d’avance dans l’exploitation des dernières technologies disponibles pour exercer leurs activités sans être détectés. De ce fait, de nombreuses menaces émergentes n’ont pas encore fait l’objet de recherches universitaires approfondies. Afin de saisir les tendances qui n’ont peut-être pas été entièrement abordées par la littérature universitaire, la recherche documentaire a été complétée par une série d’entretiens non nominatifs avec des experts du domaine de la lutte contre le terrorisme, du renseignement, des services répressifs et de la cybersécurité. Ces entretiens ont été menés par téléphone avec des participants du


Royaume-Uni, du Danemark, de Belgique et des Pays-Bas. Pour des raisons pratiques et vu la sensibilité du sujet étudié, ces entretiens ont été réalisés « en arrière-plan » et à titre officieux, afin de garantir l’anonymat des personnes interrogées.

Enfin, le rapport reflète également les conclusions des membres du CDCT-ETT concernant les changements dans le paysage de la menace terroriste dans et au-delà de leur juridiction respective.

2.4 Plan de l’étude

La première partie offre une vue d’ensemble des structures ayant une activité terroriste d’une extrémité à l’autre du spectre idéologique, incluant les groupes terroristes, les réseaux peu structurés et les acteurs isolés, en examinant leurs points de recoupement. Depuis quelques années, si les groupes terroristes interdits restent actifs en Europe, les menaces terroristes se manifestent de plus en plus par des attaques commises par des acteurs isolés qui n’ont que peu ou pas du tout de liens avec des groupes établis, mais font partie de communautés extrémistes violentes en ligne et hors ligne.

La deuxième partie est une étude documentaire consacrée aux stratégies terroristes émergentes, incluant le recrutement, la coordination et la communication des terroristes, ainsi qu’à leurs modes d’action. Elle porte sur un large éventail d’aspects tactiques, dont notamment l’interaction entre stratégies en ligne et hors ligne et l’exploitation des technologies à des fins multiples, depuis le recrutement jusqu’à l’exécution des attaques.

La troisième partie examine les relations entre idéologies extrémistes violentes et crises émergentes. Si certaines des idéologies qui ont motivé les activités terroristes actuelles en Europe sont déjà anciennes, les idéologies se réinventent pour s’adapter à l’évolution des réalités politiques, sociales et économiques. Les dernières années ont également vu apparaître des idéologies et croyances émergentes, notamment conspirationnistes et misogynes, qui ont nourri l’activité terroriste et continueront probablement de le faire à l’avenir. Cette partie met notamment en lumière la manière dont la pandémie de covid-19 alimente ces idéologies.

La conclusion résume les constats clés et offre une série de recommandations aux membres du Conseil de l’Europe et aux représentants des pouvoirs publics, des entités intergouvernementales, du secteur privé et de la société civile sur les moyens de parer efficacement les menaces terroristes émergentes.

2.5 Terminologie

Terrorisme :bien qu’il existe des définitions du terrorisme aux niveaux national et régional, aucune définition de ce terme n’est à ce jour reconnue à l’échelle des institutions internationales. La présente étude désigne par le terme « terrorisme » des actes visés par la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196, Conseil de l’Europe 2005) et par son Protocole additionnel, y compris les actes interdits par les conventions antiterroristes des Nations Unies, ainsi que celles qui érigent en infractions pénales, entre autres, la participation à une association ou à un groupe à des fins de terrorisme, l’entraînement pour le terrorisme, le fait de se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme et le financement et l’organisation d’un tel voyage.

Extrémisme violent conduisant au terrorisme : il n’existe pas de définition universellement acceptée de l’extrémisme violent. La difficulté à définir cette notion a été maintes fois soulignée (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme). Dans sa résolution 2178 (2014), le Conseil de sécurité de l’ONU établit un lien direct entre l’extrémisme violent et le terrorisme et appelle à prendre des mesures pour prévenir « l’extrémisme violent conduisant au terrorisme ». Le présent rapport utilise la définition de l’extrémisme comme « identité sociale » proposée par l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), elle-même largement inspirée de la définition de l’extrémisme violent conduisant au terrorisme de J.M. Berger, à savoir « la conviction que le succès ou la survie d’un endogroupe est indissociable de la nécessité d’une action hostile contre un exogroupe » (J.M. Berger, 2018), en tenant compte du rôle joué par cette conviction dans l’alimentation d’une activité terroriste.

Groupes terroristes : Aux niveaux international et européen, le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Union européenne ont publié des listes de terroristes et de groupes terroristes faisant l’objet de sanctions. Les différents gouvernements ont chacun leur propre liste d’organisations terroristes. Ces listes ne sont cependant pas complètes, et omettent en particulier la menace que constituent certains groupes terroristes violents d’extrême-droite. De plus, l’activité terroriste est de moins en moins le fait de groupes terroristes organisés en structures rigides et prend la forme de réseaux peu structurés, de petites cellules et d’acteurs isolés, liés ou non à des groupes terroristes interdits. La présente étude se concentre sur les groupes terroristes faisant l’objet d’interdictions ou de restrictions dans plusieurs juridictions.


Acteurs isolés/Petites cellules : ce rapport s'appuie sur deux définitions des acteurs isolés. L'une est la définition du Conseil de l'Europe prévue par la Recommandation CM/Rec(2018)6 du Comité des ministres aux États membres sur les terroristes agissant seuls, selon laquelle un terroriste agissant seul s'entend de la manière suivante : « tout individu qui prépare ou commet une infraction terroriste telle que définie à l’article 1 de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196) a) sans appartenir à une association ou à un groupe terroriste, sans incitation, consigne ni soutien de la part d’une telle association ou d’un tel groupe, ni sans aucun autre lien avec une association ou un groupe terroriste ; ou b) qui, bien qu’agissant seul à la préparation ou à la commission de l’infraction terroriste, le fait néanmoins sur incitation, sur consigne ou avec le soutien d’une association ou d’un groupe terroriste, ou en vertu d’un autre lien avec une telle association ou un tel groupe, y compris par le biais d’internet ». Plus largement, le terrorisme solitaire est compris comme « la menace ou l’usage de la violence de la part d’un auteur unique (ou d’une petite cellule), n’agissant pas pour des raisons purement personnelles/matérielles, dans le but d’influencer un large public et agissant sans aucun soutien direct pour la planification, la préparation et l’exécution de l’attentat. La décision d’agir n’est pas imposée par un groupe ou d’autres individus, bien qu’elle puisse avoir été inspirée par autrui », comme défini par RUSI (Royal United Service Institute).

Combattants terroristes étrangers (CTE) : ce rapport se fonde sur la définition proposée dans la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité de l’ONU, à savoir : « individus qui se rendent dans un État autre que leur État de résidence ou de nationalité dans le dessein de commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, notamment à l’occasion d’un conflit armé ».

Radicalisation aux fins de terrorisme : Aux fins du présent rapport, on entend par radicalisation : « le processus par lequel un individu en vient à considérer que le recours à la violence et au terrorisme pour servir une cause politique ou idéologique, ou atteindre un objectif politique ou idéologique, est nécessaire et moralement justifiable » tel que défini dans par le Conseil de l’Europe dans la Recommandation CM/Rec(2021)7 du Comité des Ministres aux États membres sur les mesures visant à protéger les enfants contre la radicalisation aux fins de terrorisme.

3. Évolutions des structures terroristes

3.1 EIIL/Daech, Al-Qaida et groupes affiliés

3.1.a. Risque d’attentats de l’EIIL/Daech après sa défaite militaire en Syrie et en Irak

Le prétendu « califat » formé par l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL/Daech) en Iraq et en Syrie a été pratiquement détruit en mars 2019, date à laquelle le groupe a perdu son dernier bastion territorial après avoir été défait dans la ville de Baghouz. Le groupe a perdu le contrôle des territoires qu’il détenait jusque-là et de la plupart de ses sources de revenus. Le 27 octobre 2019, Abou Bakr Al-Baghdadi, chef de l’EIIL/Daech, a été tué lors d’un raid des forces spéciales étasuniennes en Syrie. Depuis la perte de son territoire, l’EIIL/Daech s’est replié sur des opérations asymétriques, conduisant à la fois des opérations de terrorisme et d’insurrection en Syrie et en Iraq. Malgré la perte de son territoire et de la plupart de ses financements, l’EIIL/Daech a conservé ses capacités opérationnelles dans la région, dont il exploite l’instabilité pour reconstituer ses structures. Selon les évaluations du Conseil de sécurité des Nations Unies pour 2021, le commandement et le contrôle du groupe sur ses affiliés mondiaux se sont relâchés, même s'il continue à fournir des conseils et un certain soutien financier. L'autonomie des affiliés régionaux a été renforcée, notamment en Afrique de l'Ouest et au Sahel, en Afrique de l'Est et centrale, en Afghanistan et au Sud de l’Asie. Le succès de cette évolution est considéré comme un facteur déterminant de l'ampleur de l'impact mondial futur du groupe (Conseil de sécurité de l’ONU, 2021).

L'activité de l'EIIL/Daech continue à légèrement baisser en Syrie et en Irak, mais reste à des niveaux importants ; en 2020, l’EIIL/Daech a fait 1369 victimes (835 en Irak et 534 en Syrie) contre 1804 en 2019 (916 en Irak et 888 en Syrie). Le groupe continue également à démontrer sa capacité à ressurgir si les conditions deviennent plus favorables ; avec des poussées de violence autour du Ramadan, des preuves qu'il augmente son activité dans le centre de la Syrie, et une augmentation du terrorisme à Bagdad - y compris un attentat suicide qui a tué 35 personnes en juillet 2021 (SiteIntelGroup).  L'attaque de l’EIIL/Daech en janvier 2022 contre un établissement pénitentiaire de la ville de Hasaka, menée dans le but de libérer les membres de l’EIIL/Daech y étant détenus, représente un autre exemple de la capacité du groupe à mener au moins des opérations d’envergure moyenne dans la région, qui pourrait par la suite être utilisée comme un puissant outil de propagande par le groupe. Dans un contexte de crise humanitaire dans les camps dans la partie Nord-Est de la Syrie, et de positions divergentes des gouvernements quant au rapatriement de leurs ressortissants – dont les femmes et les enfants –, le risque que des CTE de l’EIIL/Daech s’évadent des camps dans la partie Nord-Est de la Syrie fait craindre une montée de la menace terroriste dans leurs pays d’origine (Hoffman & Furlan 2020). Les conditions de détention défavorables dans les camps et les centres de détention de fortune entravent les efforts de réadaptation et de réinsertion et continuent de constituer une base de soutien potentielle pour l'EIIL/Daech.

Alors que l’EIIL/Daech cherche à gagner du terrain dans de nombreuses régions du monde, les données existantes indiquent que sa capacité à réaliser directement des attentats en Europe n’est pas aussi élevée qu’auparavant, bien qu’il s’agisse d’une préoccupation constante. Ses pertes territoriales, associées aux opérations militaires lancées contre lui dans le monde et aux efforts antiterroristes au niveau national ont entamé la capacité de l’EIIL/Daech à viser le sol européen. Depuis la vague d’attentats terroristes qui a frappé l’Europe en 2015 et 2016, le nombre d’attentats réussis revendiqués ou inspirés par l’EIIL/Daech a constamment diminué jusqu'en 2019, avec une tendance à la hausse des attaques réussies enregistrée en 2020. Europol estime qu’en 2019, trois attentats inspirés par l’EIIL/Daech ont été perpétrés dans l’UE, quatre ont échoué et 14 ont été déjoués, portant le nombre total d’incidents à 21 (contre 24 en 2018) (Europol 2020). Par ailleurs, 23 pays d’Europe ont connu une diminution du nombre de morts dues au terrorisme en 2019. Dans le Caucase, le nombre de morts dues aux attentats et actes terroristes de groupes affiliés à l’EIIL/Daech a été historiquement bas en 2019 : quatre morts attribuées à ces groupes en 2019, contre 20 en 2018 (GTI 2020). Cependant, l’année 2020 a vu une série d’attaques meurtrières probablement non dirigées, mais inspirées par l’EIIL/Daech, notamment en France et en Autriche (sur lesquelles nous reviendrons plus loin), ce qui rappelle que le groupe est toujours en mesure d’inspirer des attaques. Le nombre d'attaques achevées a plus que doublé en 2020, 15 attaques de ce type ayant été menées en Europe (10 dans l'UE, 3 au Royaume-Uni et 2 en Suisse), tandis que six seulement ont été déjouées (Europol, 2021). S'il n'est pas certain à l'heure actuelle que ce changement puisse être attribué à la pandémie de covid-19 (Europol, 2021), certains auteurs affirment qu'il existe peu de preuves à l'appui d'une telle conclusion (King et Mullins, 2021).

La menace d’attentats liés à Al-Qaida a nettement diminué en Europe ces dernières années, le groupe s’éloignant de sa stratégie d’attaques contre des « ennemis lointains » pour exploiter l’instabilité dans d’autres régions du monde. À partir de 2010, après un enchaînement d’attentats meurtriers liés à Al-Qaida depuis 2000, l’EIIL/Daech a pris la place d’Al-Qaida comme principale menace terroriste en Europe. À compter de 2014, presque tous les attentats et projets d’attentats en Europe ont été dirigés ou inspirés par l’EIIL/Daech et quelques-uns seulement par Al-Qaida, l’attentat de janvier 2015 contre le siège du journal Charlie Hebdo à Paris faisant exception, puisqu’il a été revendiqué par Al-Qaida dans la péninsule arabique (Hamming 2017). Bien que l’Europe ne connaisse plus d’attentat majeur lié à Al-Qaida, le groupe et ses affiliés conservent la volonté de mener et d’encourager des attaques en Europe et poursuivent leurs efforts de recrutement et de propagande en ce sens. Pendant la covid-19, l’EIIL/Daech et Al-Qaida ont cherché à exploiter la pandémie pour intensifier leur recrutement et encourager des attaques. Certaines recherches indiquent aussi que le déclin des activités de l’EIIL/Daech en Europe pourrait encourager Al-Qaida à recruter davantage, pour remettre en cause la domination de l’EIIL/Daech sur ce continent (Celso 2019). L’EIIL/Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés ont également réorienté une partie de leurs opérations vers les intérêts européens en dehors de ce continent, notamment en attaquant des cibles européennes en Afrique du Nord et au Sahel (Crone 2017).

L’arrivée au pouvoir des Talibans en 2021 fait courir le risque que l'Afghanistan devienne une nouvelle fois un refuge pour les organisations terroristes. En outre, il existe le risque qu’un succès perçu par les mouvements extrémistes radicaux stimule la propagande des extrémistes violents des deux côtés du spectre, les mouvements radicaux et les extrémistes violents d'extrême droite (Goldberg, 2021, Politico, 2021). Le trafic de drogue et d'armes pourrait représenter une source de financement considérable pour les groupes terroristes basés en Afghanistan. Il est nécessaire de veiller à ce que le nouveau régime rompe ses liens avec Al-Qaïda, bien que le signal donné par la formation du nouveau gouvernement ne semble pas aller dans la bonne direction. L’EIIL/Daech est de retour en Afghanistan, comme l'a démontré l'attaque de l'aéroport de Kaboul le 26 août 2021 par l’EI-K, l’un de ses seuls affiliés à avoir montré l’intention de soutenir des attaques en Europe.

3.1.b Acteurs isolés et petites cellules inspirés par l’EIIL/Daech, Al-Qaida et groupes affiliés

Ces dernières années en Europe, avec le recul territorial de l’EIIL/Daech et la capacité réduite de ses chefs à diriger des attaques, les attaques d’inspiration terroriste commises par des acteurs isolés et de petites cellules ont succédé aux attentats de grande ampleur coordonnés et dirigés – tels que les attentats de Paris en novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016. Le moment charnière de cette évolution se situe en septembre 2014, date à laquelle un éminent porte-parole de l’EIIL/Daech a lancé un appel à s’en prendre à l’Occident (Hegghammer & Nesser 2015). Bien que largement citée dans les recherches publiques et universitaires, l’idée d’« acteurs isolés » a été contestée, un vaste corpus de recherches montrant que les individus « isolés » qui préparent et commettent un attentat seuls peuvent avoir toute une série de liens opérationnels, financiers ou idéologiques avec des réseaux de terroristes ou d’extrémistes violents (Schuurman et al. 2017).


Une étude de 2016 consacrée au terrorisme solitaire dans 30 pays européens, couvrant à la fois les attentats et les projets d’attentats entre 2000 et 2014, n’a identifié qu’un très faible nombre de projets et attentats de ce type. À partir de 2016, l’EIIL/Daech a revendiqué via ses canaux médiatiques plusieurs attaques perpétrées par des acteurs isolés en Europe. Entre 2016 et 2018, l’EIIL/Daech en a revendiqué 48 dans 12 pays différents : 13 en France, sept en Allemagne, quatre au Royaume-Uni et en Belgique, deux en Espagne et en Suède et une en Autriche, Danemark et Finlande respectivement. D’autres attaques potentiellement inspirées par l’EIIL/Daech n’ont pas été officiellement revendiquées par le groupe, dont les explosions dans un temple sikh d’Essen (Allemagne) en avril 2016, et l'attentat à l'aéroport Ataturk en Türkiye plus tard cette année. Le nombre de revendications par l’EIIL/Daech a augmenté à partir de l’attentat de Westminster, à Londres, en 2017 – un homme avait lancé sa voiture vers un groupe de piétons. L’année 2020 a vu une recrudescence de l’activité terroriste inspirée par l’idéologie de l’EIIL/Daech. Le 16 octobre 2020, un individu radicalisé a décapité un professeur d’histoire à proximité de son établissement en banlieue parisienne. Quelques jours plus tard, un agresseur a tué une personne dans une église de Nice. La veille du confinement de l’Autriche, le 2 novembre 2020, un tireur isolé a ouvert le feu dans le centre-ville de Vienne.

La menace d’attentats inspirés par l’EIIL/Daech continue d’être considérée comme la principale menace dans certains pays très touchés par le terrorisme lié à ce groupe, bien qu’elle soit jugée en diminution dans plusieurs autres pays. Dans son rapport de 2019 (Verfassungsschutzbericht 2019), l’Office fédéral allemand pour la protection de la Constitution note que le risque de terrorisme lié à l’EIIL/Daech reste élevé dans le pays, malgré la diminution des attentats dirigés ou inspirés par ce groupe et l’absence d’attaque réussie liée à ce groupe depuis août 2017. Après le meurtre d’octobre 2020, la France a fait passer son protocole de protection antiterroriste à son niveau maximal, avant de le réduire à nouveau en mars 2021. Des représentants du gouvernement britannique ont estimé que l’EIIL/Daech représentait « la plus significative » des menaces terroristes pesant sur le pays (BBC News, juillet 2020), tandis que le gouvernement néerlandais considère l’EIIL/Daech, Al-Qaida et ses groupes affiliés comme « la principale menace » visant le pays (NCTV, 2021).

3.1.c Retour des CTE

Depuis le début de la guerre civile en Syrie, les gouvernements européens s’inquiètent du retour des combattants terroristes étrangers (CTE) depuis l’Iraq et la Syrie. Au plus fort du conflit, en 2015, l’ONU estime que plus de 40 000 CTE, issus de plus de 110 états, avaient rejoint l’EIIL/Daech et Al-Qaida pour se battre en Iraq et en Syrie, dont plus de 5 000 d’Europe occidentale et 9 000 de la Fédération de Russie et de la Communauté des États indépendants. S’agissant de l’Europe, la majorité provenait de Belgique, de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni, la Belgique représentant le plus important contingent par rapport à la population du pays (Boutin et al., 2016) ; au niveau mondial, c’est de Russie et de la Communauté des États indépendants que venaient les nombres les plus élevés de CTE. Parmi les autres pays européens présentant un grand nombre de CTE par habitant figuraient l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et l’Espagne (Barker & de Roy van Zuijdewijn, 2015), auxquels s’ajoutaient la Türkiye et les Balkans occidentaux.

Début 2021, des estimations de l’ONU situaient à plus de 10 000 le nombre de prisonniers de l’EIIL/Daech emprisonnés dans le nord de la Syrie. La question du danger potentiel lié au retour de CTE dans leur pays d’origine se pose d’autant plus que les troubles se poursuivent en Iraq et en Syrie, qu’il existe des preuves d’évasions de détenus et que l’EIIL/Daech cherche à reconstituer ses capacités, tandis que le sort des quelque 27 000 enfants – dont beaucoup d’enfants de CTE– entassés dans les camps syriens d’Al-Hol et de Roj soulève des préoccupations humanitaires. En janvier 2021, le Secrétaire général adjoint charge du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies a estimé que le sort des enfants dans les camps de détention syriens était « l’un des problèmes les plus urgents que le monde connaisse aujourd’hui », et a appelé à rapatrier ces enfants dans leur pays d’origine. La directrice du Bureau des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a mis en garde contre l’absence de rapatriement des CTE et de leur famille, qui pourrait à long terme aggraver le risque de recrutement (OSCE, 2020). En septembre 2014, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 2178, suivie en décembre 2017 de la résolution 2396, pour exhorter tous les pays à renforcer leurs procédures d’évaluation des risques et à intensifier leurs échanges d’informations pour endiguer la menace que représente le retour des CTE. Les gouvernements européens ont dit craindre que les CTE rapatriés ne regagnent leur pays plus exercés, formés et connectés qu’avant leur départ. Au Royaume-Uni, le chef du MI6 a affirmé que les CTE de retour étaient « susceptibles d’avoir acquis à la fois les compétences et les connexions nécessaires pour présenter un grave danger », préoccupations également exprimées par Interpol. A cet égard, la Türkiye, qui possède une longue frontière terrestre avec des zones de conflit, est également préoccupée non seulement par les CTE affiliés à l’EIIL/Daech mais aussi par les CTE liés à d’autres groupes terroristes qui ont été entrainés et radicalisés à violence. Les unités d’analyse des risques aux frontières de la Türkiye ont aidé à freiner les passages de CTE à travers son territoire, cependant la Türkiye considère que les activités de ces unités peuvent être améliorées avec la coopération de tous les pays-source. 


Le nombre exact de CTE rentrés en Europe reste difficile à établir, bien que les gouvernements européens aient proposé plusieurs estimations. En 2017, on estimait que 10 % des quelque 9 000 CTE de Russie et de la Communauté des États indépendants étaient rentrés dans leur pays d’origine (Barrette, 2017). En 2019, la proportion estimée atteignait presque 50 % pour les CTE des Balkans occidentaux. Les services de sécurité britanniques jugeaient pour leur part qu’environ 40 % des CTE du pays étaient rentrés (De Simone, 2020). Le danger représenté par ces CTE de retour est sujet à débat, et a été décrit comme variant selon les juridictions (Hoffman & Furlan, 2020). Dans un rapport de 2018, La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme de l’ONU relève que par le passé, les CTE de retour représentant une menace directe ont été relativement peu nombreux, remarquant toutefois qu’ils ont été proportionnellement plus impliqués dans des attaques meurtrières que les terroristes autochtones (DECT, 2018). L’attentat de mars 2016 à Bruxelles a été la dernière attaque directe de l’EIIL/Daech impliquant des CTE de retour en Europe (Renard & Coolsaet, 2020). La recherche indique aussi que de nombreux CTE, probablement déçus par l’EIIL/Daech, semblent ne pas avoir la motivation nécessaire pour commettre des attentats (Govier & Boutland, 2019 ; Renard & Coolsaet, 2018). Une enquête de 2018 portant sur 230 anciens CTE européens a conclu que ceux qui renouaient avec l’activité terroriste le faisaient dans l’année suivant leur retour et que le risque de réengagement diminuait par la suite (Malet & Hayes, 2018).

Dans un contexte où le retour des CTE fait craindre aux gouvernements européens une recrudescence de l’activité terroriste, le rapatriement des CTE et de leurs familles reste un sujet de divisions. Les gouvernements n’ont pas tous opté pour la même approche. Les pays fortement représentés parmi les CTE, dont la France, la Suède, l’Allemagne, le Danemark, la Belgique et le Royaume-Uni, pratiquent des rapatriements différenciés, en donnant la priorité aux femmes et aux enfants non combattants (Acheson & Paul, 2020). Le gouvernement finlandais a, par exemple, adopté une résolution sur le rapatriement des enfants des camps en décembre 2019. Depuis, la Finlande a rapatrié deux tiers de ses ressortissants dans les camps : 23 enfants et 7 femmes au total. Des juridictions comme la Russie, la Türkiye ou le Kosovo* ont adopté une politique de rapatriement large ; en avril 2019, le Kosovo* a rapatrié 110 individus (Coleman & Avdimetaj, 2020), soit plus du quart des quelque 400 individus ayant quitté le pays. Le rapatriement des CTE a des implications à la fois sur le plan de la sécurité et sur celui des droits de l’homme : plusieurs instruments internationaux, dont les résolutions 2178 (2014) et 2396 (2017) du Conseil de sécurité de l’ONU, obligent juridiquement les gouvernements à élaborer des politiques visant à poursuivre, mais aussi à réadapter et réinsérer les CTE de retour (Mehra & Paulussen, 2019).

3.2 Terrorisme d’extrême-droite

3.2.a Difficultés de définition et appréciations hétérogènes de l’ampleur de la menace

La menace d’un terrorisme motivé par de violentes idéologies d’extrême-droite s’est accentuée dans les pays occidentaux ces dernières années, en particulier depuis la vague d’attentats meurtriers qui a touché l’Océanie (Christchurch (Nouvelle-Zélande), mars 2019), l’Amérique du Nord (Poway et El Paso (États-Unis), avril et août 2019) et l’Europe occidentale (Baerum (Norvège), Halle (Allemagne) et Hanau (Allemagne), août 2019, octobre 2019 et février 2020). Les auteurs de plusieurs de ces attaques ont laissé des documents écrits, parfois appelés « manifestes », appelant à l’annihilation des populations non blanches et non européennes. Ces événements ont mis en lumière de nouveaux traits du terrorisme d’extrême-droite, dont l’influence croissante représentée par les réseaux transnationaux en ligne, l’internationalisation de l’extrémisme violent conduisant au terrorisme et ce que de nombreux experts nomment la « ludification » de la terreur. Bien que des groupes terroristes d’extrême-droite restent actifs en Europe, les réseaux transnationaux d’extrême-droite conduisant au terrorisme et les individus radicalisés en ligne, mais n'appartenant pas nécessairement à ces réseaux, constituent une des menaces les plus sérieuses pour la sécurité européenne.

Il n’existe ni liste internationalement admise des groupes terroristes d’extrême-droite, ni définition universellement reconnue du terrorisme et de l’extrémisme violent d’extrême-droite ; certains gouvernements ont adopté une terminologie alternative, telle que « terrorisme à motivation raciale ou ethnique ». Les définitions varient par conséquent d’un pays à l’autre et parfois d’un service administratif à l’autre dans une juridiction donnée. En outre, les gouvernements ont une définition distincte du terrorisme et des crimes de haine. Les attentats d’inspiration d’extrême-droite sont souvent sanctionnés en tant que crimes de haine, tandis que ceux revendiqués par l’EIIL/Daech ou par Al-Qaida le sont en tant que terrorisme. Les crimes de haine ont des points communs avec le terrorisme, et les recoupements partiels entre ces crimes, l’extrémisme violent d’extrême-droite et le terrorisme d’extrême-droite compliquent l’analyse (Koehler, 2016). Des chercheurs ont aussi noté que le concept de « violence d’extrême-droite » couvrait un éventail d’attaques plus large que celui de « terrorisme d’extrême-droite » (Bjørgo & Ravndal, 2019). Nous l’avons vu, les attaques liées à l’EIIL/Daech sont sanctionnées comme terroristes et celles de l’extrême-droite davantage comme des crimes de haine ; ainsi, le militant d’extrême-droite qui a pris pour cible une mosquée à Bayonne (France) en octobre 2019 a été mis en accusation pour tentative de meurtre et d’incendie criminel, tandis que les auteurs de l’attentat contre une église de Normandie en juillet 2016 ont été poursuivis pour terrorisme. L’appréciation du nombre d’attaques violentes d’extrême-droite peut donc fortement varier selon qu’on se fonde sur les rapports des pouvoirs publics ou sur les recherches universitaires.

Plusieurs recherches universitaires ont tenté de définir le terrorisme d’extrême-droite ; la plupart des définitions soulignent sa fragmentation idéologique et la diversité de ses manifestations. L’Institute for Economics and Peace définit l’extrême-droite comme « une idéologie politique centrée sur un ou plusieurs des éléments suivants : nationalisme exacerbé (le plus souvent racial ou présentant une forme d’exclusivisme), fascisme, racisme, antisémitisme, anti-immigration, machisme, nativisme et xénophobie ». Aux yeux de certains chercheurs, le terrorisme d’extrême-droite n’est « qu’une simple étiquette, appliquée à des causes très variées » (Byman, 2019) ou encore une « famille d’idéologies ». Le politiste Cas Mudde a montré que les définitions de l’extrême-droite comprenaient typiquement plusieurs caractéristiques, souvent combinées, dont le nationalisme, le racisme, la xénophobie, l’hostilité à la démocratie et un plaidoyer pour l’autoritarisme et un État fort (Mudde, 2000). D’après Bjørgo et Ravndal, l’extrême-droite (ou ultradroite) se distingue de la droite radicale par son rejet de la démocratie et sa promotion de la violence, ainsi que par son adhésion à un nationalisme ethnique ou racial (Bjørgo & Ravndal, 2019). L’extrémisme violent d’extrême-droite conduisant au terrorisme et le terrorisme d’extrême-droite sont donc plutôt à comprendre comme des termes génériques, regroupant divers sous-ensembles de convictions.

La menace du terrorisme d’extrême-droite préoccupe de plus en plus les forces de l’ordre dans différentes parties d’Europe. En 2019, l’Indice mondial du terrorisme (GTI) enregistrait une hausse de 320 % des incidents terroristes d’extrême-droite en Occident (défini comme englobant l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et l’Océanie), la plupart des auteurs n’étant pas affiliés à des groupes spécifiques ; les États-Unis ont été le pays le plus touché dans le monde, suivis par l’Allemagne et le Royaume-Uni en Europe. Au terme de l’analyse de plus de 2 200 attaques en Europe entre 2009 et 2020, le Centre for Strategic & International Studies a conclu que le terrorisme d’extrême-droite était responsable de 21,8 % des morts dues au terrorisme en Europe, contre 69,3 % pour les attentats commis par l’EIIL/Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés, notant toutefois une augmentation des attaques perpétrées par des acteurs violents d’extrême-droite. En Europe, les pays présentant le plus grand nombre par habitant d’incidents dus à l’extrême-droite violente sont la Suède, la Grèce, le Royaume-Uni, la Finlande et l’Allemagne. Le rapport SAT d’Europol ne relève que six attaques et projets d’attaques dans l’UE en 2019, tandis que pour la même année, une étude de l’Université d’Oslo recense quatre attaques violentes d’extrême-droite meurtrières et 112 incidents graves mais n’ayant pas fait de morts en Europe occidentale (Ravndal et al., 2020), notant que 2019 est l’année la plus marquée par ce type de terrorisme en Europe depuis les années 1990.

Le terrorisme d’extrême-droite est considéré comme la menace en expansion la plus rapide dans plusieurs pays européens. En octobre 2019, le chef des services de sécurité intérieure britanniques a indiqué que si l’EIIL/Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés représentaient toujours la majorité des auteurs de complots terroristes, ceux fomentés par des extrémistes violents d’extrême-droite représentaient presque 30 % des attentats déjoués depuis 2017. Le rapport 2020 de l’Office fédéral allemand pour la protection de la Constitution (Verfassungsschutzbericht 2020) décrit l’extrémisme violent d’extrême-droite comme la principale menace pesant sur la sécurité du pays. Le même rapport note que dans le pays, le nombre d’acteurs d’extrême-droite s’est accru de plus de 8 000 par rapport aux années précédentes, augmentation en partie due à l’intégration de Der Flügel (« L’aile »), faction du parti Alternative für Deutschland (AfD). En 2020, le nombre d’extrémistes d’extrême droite a encore augmenté de plus de 1 200 par rapport à l’année précédente. Les représentants des gouvernements de plusieurs pays, dont les Pays-Bas et la Belgique, considèrent que la menace posée par les tenants d’une idéologie violente d’extrême-droite est actuellement celle qui grandit le plus rapidement (entretien, mai 2021). En Suède, le Rapport annuel sur la sécurité 2019 souligne « le risque accru d’attentats par des individus inspirés par [l’extrémisme violent d’extrême-droite] », tandis que l’agence de sécurité finlandaise note une augmentation des courants violents d’extrême-droite conduisant au terrorisme (Yleisradio Oy, 2020).

3.2.b. Acteurs isolés et petites cellules terroristes inspirés par une idéologie violente d’extrême-droite

La vague de violences d’extrême-droite perpétrées en Occident depuis 2019 est principalement le fait d’individus agissant seuls, membres de communautés en ligne et n’ayant pas de liens, ou des liens très lointains, avec des groupes existants. Si le terrorisme solitaire a été associé aux attentats inspirés par l’EIIL/Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés, une part significative des attentats commis par des acteurs isolés est motivée par une idéologie violente d’extrême-droite. Bien que des groupes terroristes d’extrême-droite soient actifs en Europe depuis des décennies, le terrorisme d’extrême-droite évolue de plus en plus vers une activité post-organisationnelle et des attentats commis par des acteurs isolés, tendance en partie ancrée dans la notion de « résistance sans chef ». Cette expression datant de la guerre froide a été reprise par le suprémaciste blanc américain Louis Beam dans un manifeste publié en 1983. Il y définissait la « résistance sans chef » comme un mode d’action dans lequel « tous les individus et groupes agissent indépendamment les uns des autres et ne s’en remettent jamais à un commandement central ou à un chef unique pour en recevoir des ordres ou des instructions, comme le feraient les membres d’une organisation pyramidale classique ».

Bien que les définitions du terrorisme d’extrême-droite et les processus de rapports rendent difficile l’établissement du nombre exact d’attentats d’extrême-droite, dont ceux commis par des acteurs isolés, les données existantes montrent que la majorité des attaques sont le fait d’acteurs isolés et de petites cellules. Une analyse de 36 attaques commises par des acteurs isolés en Europe occidentales en 2015 et 2016 conclut que 11 % étaient motivées par une idéologie violente d’extrême-droite (Khazaeli Jah & Khoshnood, 2019). Les quatre attentats meurtriers d’extrême-droite commis en 2019 en Europe occidentale l’ont été par des acteurs isolés, ainsi qu’un tiers des attentats n’ayant pas fait de morts (Ravndal et al., 2020). En Allemagne, les attentats terroristes d’extrême-droite et les graves attaques violentes motivées par ce type d’idéologie entre 2011 et 2018 ont été principalement commis par des individus sans liens antérieurs connus avec des groupes d’extrême-droite (Koehler, 2018). Les assaillants de Halle, Hanau et Baerum peuvent tous être considérés comme des « acteurs isolés ». Les deux attentats les plus meurtriers qu’ait connus la Norvège au cours des vingt dernières années ont été perpétrés par des assaillants isolés. Toutefois, bien qu’ils aient préparé et exécuté les attentats seuls, beaucoup de ces acteurs (comme l’assaillant de Christchurch) ont trouvé leur inspiration auprès d’autrui et appartenaient à des cercles en ligne et/ou des réseaux hors ligne extrémistes, qu’ils soient de nature nationale ou transnationale. Certains auteurs agissant seuls se sont aussi avérés appartenir à des groupes organisés, tels que CasaPound, en Italie (Gattinara et al., 2018).

Plusieurs des attentats déjoués dont l’existence a été rendue publique étaient le fait de petites cellules ou d’acteurs isolés. En novembre 2018, six individus appartenant à une petite cellule ont été arrêtés pour avoir projeté un attentat contre le Président français, Emmanuel Macron. En 2020, 12 individus constitués en réseau ont été arrêtés parce qu’ils planifiaient des attentats contre des musulmans, des migrants et des personnalités politiques allemandes. Des attentats déjoués planifiés par des acteurs isolés et de petites cellules ont été signalés dans les pays baltes et membres du groupe de Visegrad. L’agence de sécurité intérieure polonaise a accusé deux individus de planifier un attentat contre une mosquée du pays (Serwis Rzeczypospolitej Polskiej). En 2019, la police antiterroriste lituanienne a déjoué un attentat planifié par un sympathisant néonazi, et le service letton de sécurité nationale (VDD) a annoncé avoir déjoué un attentat dont l’auteur s’inspirait du terroriste isolé norvégien Anders Behning Breivik. Bien que ces pays aient été peu touchés par les menaces terroristes ces dernières années, et en particulier par celles liées à l’EIIL/Daech et Al-Qaida, les tentatives déjouées depuis 2019 ont mis en lumière le risque que des attentats ne réussissent à l’avenir. L’internationalisation des réseaux violents d’extrême-droite dans toute l’Europe a élargi le champ géographique de la menace et abaissé le seuil d’engagement dans des actes de violence extrémiste.

3.2.c. Internationalisation de l’extrémisme violent d’extrême-droite conduisant au terrorisme

Au contraire des précédents groupes violents d’extrême-droite, qui agissaient dans un pays donné, l’extrémisme violent conduisant au terrorisme a noué ces dernières années des liens et des alliances au niveau international en s’appuyant sur les réseaux sociaux et plateformes en ligne, qui ont permis l’émergence de réseaux internationaux peu structurés abritant un large éventail de convictions extrémistes violentes. Les auteurs d’attentats récents mentionnent des terroristes d’autres pays comme sources d’inspiration et justification de leurs actes. Cette tendance existait déjà avant la vague d’attentats de 2019-2020 – le terroriste norvégien Anders Breivik, qui a tué 77 personnes en 2011, a cité d’autres assaillants ; mais elle est devenue plus visible avec l’attentat de Christchurch, dont l’auteur a publié un « manifeste » évoquant la théorie conspirationniste du « grand remplacement », adoptée par plusieurs mouvements d’extrême-droite dont le mouvement nationaliste blanc paneuropéen « Génération identitaire » (interdit en France). Moins d’un an plus tard, l’assaillant de Hanau postait sur YouTube une vidéo en anglais, afin de toucher un public international.

De plus en plus de recherches montrent que des groupes violents d’extrême-droite interdits dans certaines juridictions ont établi des alliances transnationales, couvrant plusieurs pays ou continents. Le groupe néonazi international Feuerkrieg Division, semble-t-il fondé en Estonie, a inspiré des tentatives d’attentats dans plusieurs pays ; le réseau néonazi Atomwaffen Division, né aux États-Unis, a des ramifications dans plusieurs pays européens dont l’Allemagne, le Royaume-Uni et certains états baltes. Le Nordic Resistance Movement (« Mouvement de résistance nordique ») est présent en Suède, en Norvège, en Finlande, au Danemark et en Islande (Bjørgo, 2019). Le groupe transnational anti-musulmans Soldiers of Odin (« Les soldats d’Odin ») est depuis 2016 présent dans les pays scandinaves et au Canada, et le groupe néonazi violent Combat 18, créé au Royaume-Uni, est actif dans plusieurs pays européens et en Amérique du Nord. Des groupes espagnols violents d’extrême-droite ont établi des liens avec d’autres groupes d’Europe méridionale, dont Aube dorée en Grèce et CasaPound en Italie (Álvarez-Benavides, 2019). Des groupes violents d’extrême-droite de toute l’Europe ont également noué des alliances avec des groupes suprémacistes blancs aux États-Unis (The Soufan Center, 2019).


L’internationalisation des groupes et réseaux violents d’extrême-droite s’est accompagnée de l’émergence de plateformes de CTE réunis autour d’une idéologie d’extrême-droite, notamment en Ukraine. Au contraire du ralliement de CTE à l’EIIL/Daech et à Al-Qaida, le phénomène des CTE se rendant dans des zones de conflit en Ukraine n’a pas fait l’objet de nombreuses études. Pourtant, plus de 1 500 combattants de plus de 50 pays, dont des suprémacistes blancs et des néonazis d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, se sont rendus en Ukraine pour participer au conflit (Rękawek, 2017). Cette tendance a fait craindre que des individus ayant appris à se battre en Ukraine ne commettent des attentats dans leur pays à leur retour. En 2016, un ressortissant français a été arrêté à la frontière ukraino-polonaise en possession d’armes et d’explosifs ; il planifiait des attaques visant des ponts, des autoroutes, une mosquée et une synagogue pendant la Coupe d’Europe de football de l’UEFA 2016 (BBC News, 2016).

3.2.d. Menace représentée par les groupes et organisations terroristes d’extrême-droite

La série de violentes attaques d’extrême-droite qui a commencé à Christchurch a mis en évidence l’effacement de la distinction entre terrorisme national et international et le rôle des acteurs isolés, n’ayant aucun lien ou des liens très peu structurés avec des mouvements connus. Cette tendance a fait perdre de sa pertinence à la vision classique du terrorisme d’extrême-droite – celle d’un phénomène national alimenté par des groupes terroristes organisés. Contrairement à l’EIIL/Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés, les groupes violents d’extrême-droite se montrent réticents à revendiquer des attentats en Europe. En Allemagne, pays ayant enregistré le plus grand nombre d’attentats meurtriers d’extrême-droite sur le continent, les groupes violents d’extrême-droite n’ont présenté presque aucune revendication, démarche qu’ils jugent contre-productive ; ils cherchent au contraire à se dissocier des attaques (Koehler, 2020). Le Mouvement de résistance nordique, bien qu’auteur de menaces de mort et organisateur d’actions violentes, se maintient « au point de bascule avec l’illégalité » (Bjørgo & Ravndal, 2020). Au Royaume-Uni, lorsque la députée du Labour Jo Cox a été tuée en juin 2016, la plupart des groupes violents d’extrême-droite ont cherché à prendre leurs distances avec le meurtre ; National Action, après avoir salué l’assaillant sur les réseaux sociaux et pris pour slogan des propos qu’il avait tenus devant le tribunal qui le jugeait, est devenue la première organisation d’extrême-droite violente interdite par le Royaume-Uni en vertu de la loi de 2000 sur le terrorisme (Macklin, 2018).

Malgré la prépondérance des auteurs isolés, les groupes organisés violents d’extrême-droite et leurs sympathisants restent capables de mener des attaques violentes ; en Grèce, quatre attentats liés à de tels groupes ont eu lieu en 2019, dont trois attribués à Aube dorée. On trouve aussi des groupes organisés derrière une grande partie des attentats en Italie et en Espagne (Ravndal et al., 2020). Des pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni ont vu une combinaison de violences commises par des acteurs isolés et par des groupes organisés (Gattinara et al., 2018). En l’absence de liste internationale désignant les groupes violents d’extrême-droite, les pays européens ont adopté des politiques variées quant à l’interdiction de ces groupes et aux sanctions à leur encontre. Des groupes transnationaux sont interdits dans certaines juridictions mais non dans d’autres – où ils peuvent cependant voir leurs activités restreintes. Combat 18, qui n’est pas considéré comme un groupe terroriste en droit britannique, a été interdit en tant que groupe d'extrême droite par l’Allemagne en 2020, et la France a annoncé sa décision de démanteler le groupe (BBC News, 2020). Le groupe néonazi Blood & Honour, né au Royaume-Uni, a été interdit dans plusieurs pays dont l’Allemagne, l’Espagne et la Fédération de Russie. En avril 2021, le Royaume-Uni a ajouté le groupe transnational Attomwaffen Division à sa liste des groupes terroristes interdits (Gouvernement britannique). Fin 2020, la Cour suprême finlandaise a interdit le Mouvement de résistance nordique et son association fille, Pohjoinen Perinne (« Tradition nordique ») (Sallamaa & Kotonen, 2020).

Outre Combat 18 et Blood & Honour, l’Allemagne a interdit depuis 2018 plusieurs groupes violents d’extrême-droite, dont les groupes néonazis Nordadler (« Aigles du Nord ») et Sturmbrigade 44 (également connu sous le nom Wolfsbrigade 44), et le Land de Brême a interdit le groupe néonazi Phalanx 18. En mars 2020, le gouvernement allemand a également interdit un club (y compris un club affilié) lié aux Reichsbürger (« Citoyens du Reich »). Si certains des groupes impliqués dans des attaques sont actifs depuis des années, d’autres se sont formés plus récemment, comme Nordkreuz (« Croix du Nord ») ou les Nationalist Socialist Knights of the Ku-Klux-Klan en Allemagne, et Breizh Firm en France (Ravndal et al., 2020). Les groupes violents d’extrême-droite réagissent également aux interdictions en essayant de les contourner, par exemple en changeant d’identité ou en se reformant sous de nouveaux noms (même si, dans certains états comme l’Allemagne, la création d’une organisation de substitution peut être soumise à des sanctions). Menacé d’interdiction en Finlande ces dernières années, le Mouvement de résistance nordique a tenté de se reformer sous de nouveaux noms et d’organiser des événements sous la bannière de groupes très proches, comme les Soldats d’Odin (Bjørgo et Ravndal, 2020). En février 2020, le Royaume-Uni a officiellement interdit le réseau System Resistance, démasqué comme une résurgence du groupe interdit National Action (Staton & Warrell, 2020).


3.3 Terrorisme ethno-nationaliste et séparatiste

Dans plusieurs pays d’Europe, les groupes terroristes ethno-nationalistes et séparatistes qui ont représenté une menace terroriste majeure par le passé ont considérablement réduit leurs activités. En Espagne et en France, les activités des groupes terroristes séparatistes ont nettement décliné ces dernières années. En Espagne, l’organisation Euskadi ta Askatasuna (« Pays basque et liberté », ETA) s’est dissoute en 2018. En 2019, l’Espagne a classé comme terroriste un incident violent dans lequel un groupe séparatiste était impliqué. D’après Europol, Resistência Galega (« Résistance galicienne ») reste le seul groupe terroriste actif en Espagne, mais il n’a plus commis d’attaque depuis 2014 (Europol, 2020). En France, les groupes terroristes corses ont renoncé à l’action violente.

Le Royaume-Uni reste le pays le plus touché par le terrorisme ethno-nationaliste et séparatiste en Europe occidentale. En 2019, les groupes républicains dissidents violents ont été responsables, à une seule exception près, de tous les incidents terroristes enregistrés par Europol comme ethno-nationalistes ou séparatistes dans les états membres de l’UE ; le gouvernement britannique a recensé 55 incidents de ce type (Europol, 2020). Depuis 2021, la liste des organisations terroristes établie par le gouvernement britannique comprend 14 organisations nord-irlandaises. L’organisation Real IRA (rebaptisée New IRA), groupe dissident le plus actif et meurtrier depuis la fin des « troubles », s’est rendue responsable de la mort d’agents de police et de civils ainsi que de plusieurs tentatives d’attentats à la bombe. En juin 2019, le groupe a revendiqué avoir placé un explosif sous une voiture de police (BBC News, 2019). En 2019, on a compté quatre incidents ciblant des intérêts de sécurité nationale dus à des groupes dissidents irlandais (Europol, 2020). Bien qu’à l’origine du plus grand nombre d’incidents terroristes au Royaume-Uni, ces groupes commettent de moins en moins d’attaques meurtrières ces dernières années. Les ajustements tactiques de New IRA et la nécessité de conserver des soutiens ont réduit l’intérêt d’attentats meurtriers aux yeux de ces organisations (Morrison, 2020). Les responsables britanniques jugent que les groupes républicains dissidents violents irlandais représentent toujours une menace, mais qu’elle est en diminution (entretien réalisé en mai 2021). Les émeutes qu’a connues l’Irlande du Nord en mars et avril 2021 ont rappelé, toutefois, qu’une résurgence de la violence restait possible dans la région.

Le terrorisme ethno-nationaliste et séparatiste reste une menace présente en Türkiye, où le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et ses groupes affiliés continuent d’organiser des attentats. Pour les années 1984 à 2016, la Global Terrorism Database a recensé 2 025 incidents attribués au PKK. Depuis juillet 2015, date à laquelle le cessez-le-feu entre le gouvernement turc et le PKK a été rompu, l’activité terroriste du PKK et les violences dans le sud-est de la Türkiye et dans ses grandes villes ont augmenté. Entre juillet 2015 et février 2021, plus de 1 280 membres des forces de sécurité ont été tués dans des heurts et des attaques (International Crisis Group, 2021). Les rapports montrent également que le PKK a mené des activités de recrutement et de levée de fonds et a reçu une aide logistique de la part d’individus se trouvant dans des états membres de l’UE (Europol, 2020).

3.4 Terrorisme d’extrême-gauche

Les dernières décennies ont été marquées par une diminution constante des attaques violentes d’extrême-gauche. D’après le GTI, alors que 93 % des attentats à motivation politique en Occident entre 1970 et 1980 pouvaient être attribués à l’extrême-gauche violente et étaient perpétrés par de petits groupes révolutionnaires marxistes et anarchistes, le terrorisme d’extrême-gauche a nettement décliné à partir du milieu des années 1980 (GTI, 2020). Suivant la même tendance que les attentats inspirés par l’EIIL/Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés et par les idéologies violentes d’extrême-droite, les récentes attaques inspirées par des idéologies violentes d’extrême-gauche sont plus souvent le fait d’individus que de groupes organisés : depuis 2010, moins de la moitié des attentats terroristes d’extrême-gauche violente ont été attribués à un groupe. La létalité des attaques violentes d’extrême-gauche a aussi fortement diminué. En 2019, Europol a enregistré 26 attentats terroristes motivés par une idéologie violente d’extrême-gauche et anarchiste, tous commis en Espagne, en Italie ou en Grèce, et dont aucun n’a fait de mort. Les groupes anarchistes, en particulier, ont été actifs et à l’origine d’attaques en Italie et en Grèce. En 2017, le groupe anarchiste grec Conspiration des cellules de feu a revendiqué l’envoi de dix colis piégés à plusieurs représentants politiques, institutions et entreprises en Europe, faisant un blessé (BBC News, 2017).

La menace représentée par le terrorisme ou l’extrémisme violent d’extrême-gauche en Europe est jugée faible par rapport aux autres types d’activités terroristes, bien que quelques pays signalent un regain dans les activités et les attentats déjoués d’extrême-gauche. En 2020 en France, sept individus considérés comme appartenant à un groupe violent d’extrême-gauche ont été arrêtés à Paris, soupçonnés de planifier une attaque contre les forces de sécurité (France Info 2020), et les autorités françaises ont alerté contre un risque de renouveau du terrorisme d’extrême-gauche. En Allemagne, l’Office pour la protection de la Constitution a enregistré une hausse de 2.8 % du nombre d’infractions motivées par l’extrémisme violent d’extrême-gauche en 2020 (Verfassungsschutzbericht 2020), tenant compte toutefois d’une augmentation de 34.3% des infractions violentes de 921 à 1 237 dont cinq tentatives d’homicide. Aucun de ces incidents n’a été classé comme terroriste. La Türkiye reste préoccupée par les terroristes d’extrême gauche ayant voyagé en Syrie pour combattre, qui représentent maintenant une menace plus grande en raison de leur expérience sur le champ de bataille et du risque qu’ils soient radicalisés à la violence de manière accrue (Europol, 2020 & 2021).

4. Stratégies

4.1 Radicalisation et recrutement

4.1.a. La diversification des cibles de la radicalisation et du recrutement

Le terrorisme a longtemps été présenté de manière simpliste par les médias et les responsables politiques comme un phénomène touchant principalement les hommes, ce malgré l’implication de longue date des femmes dans des organisations terroristes, du PKK aux mouvements terroristes historiques d’extrême-gauche. Cette perception a laissé de côté le rôle des femmes et des enfants dans les activités terroristes, les tentatives des réseaux et des groupes terroristes visant à les recruter, ainsi que le rôle joué par les parents dans l'implication et l'endoctrinement des enfants au terrorisme. Comme les bases de données mondiales sur le terrorisme n’enregistrent pas le sexe des auteurs d’actes terroristes, le nombre de femmes impliquées dans des attentats terroristes est difficile à établir. Des chercheurs ont constaté que les femmes ont toujours contribué au terrorisme, principalement dans des fonctions d’appui et de non-combattantes (Pearson et Winterbotham, 2017). Depuis quelques années toutefois, leur rôle en tant qu’agents ou cibles du recrutement fait l’objet d’une attention croissante. Plusieurs rapports ont étudié la place des femmes au sein de l’EIIL/Daech, d’Al-Qaida et des groupes affiliés, ainsi que dans les groupes violents d’extrême-droite. Les organisations intergouvernementales reconnaissent de plus en plus la pertinence d’intégrer la dimension de genre dans la prévention de l’extrémisme violent conduisant au terrorisme. En 2019, un rapport de l’OSCE a souligné « la nécessité de réaliser des analyses sexospécifiques afin de renforcer l’efficacité des stratégies, des politiques et des programmes de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme » (OSCE, 2019).

En 2018, une étude de l’ICSR a révélé que 13 % des CTE de l’EIIL/Daech ou des groupes affiliés étaient des femmes. La Russie et la France sont les pays européens qui fournissent le plus fort contingent de femmes se rendant en Iraq et en Syrie (Cook et Vale, 2018) en nombre absolu, tandis que les Pays-Bas et la Croatie affichent une proportion élevée de femmes dans les rangs des CTE. En 2016, le Conseil de l’Europe a identifié trois rôles majeurs pour les femmes au sein du prétendu « califat » de l’EIIL/Daech : agents nécessaires à la création d’un État, recruteuses et combattantes potentielles. Les femmes sont très présentes dans la documentation de recrutement de l’EIIL/Daech (Ingram, 2017), que ce soit comme public cible ou comme auteures de contenu de propagande (Europol, 2019). Si l’EIIL/Daech excluait initialement les femmes des activités de combat, le groupe a modifié sa position à mesure qu’il subissait des pertes militaires. En février 2018, il a diffusé une vidéo dans laquelle une femme apparaissait pour la première fois dans un rôle de combattante. Des femmes ont également pris une part active dans des attaques inspirées par l’EIIL/Daech en Europe, par le biais de différents types de structures, notamment des cellules réservées aux femmes, des cellules familiales ou des assaillantes isolées (Cook et Vale, 2018). Parmi les cas notoires de tentatives d’attentat terroriste impliquant des femmes, on peut citer la tentative d’attentat près de la cathédrale Notre-Dame à Paris en septembre 2016, menée par une cellule de cinq femmes. Entre 2014 et 2018, 33 projets d’attentat liés à l’EIIL/Daech ont impliqué des femmes en France, en Belgique, au Danemark, en Allemagne et au Royaume-Uni (Simcox, 2018). En 2019, un rapport de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations Unies a également noté que les femmes représentaient 4 % des CTE rapatriés et qu’elles étaient davantage susceptibles d’être recrutées en ligne que les hommes (Rapport de l’ONU-DECT, 2019).

Alors que les femmes ont toujours été sous-représentées dans les groupes violents d’extrême-droite, elles sont aujourd’hui de plus en plus visées par les tentatives de recrutement. À l’instar des campagnes de recrutement de l’EIIL/Daech, les groupes violents d’extrême-droite s’efforcent de cibler les femmes en ligne pour élargir leur audience, allant parfois jusqu’à adopter le langage du féminisme. Génération Identitaire a ainsi mené plusieurs campagnes en direction des femmes sur les réseaux sociaux, dont la campagne #120dB qui, sous couvert du slogan « les femmes nous défendent », présentaient les musulmans comme des violeurs (Ebner et Davey, 2019). Il apparaît de plus en plus clairement que les groupes violents d’extrême-droite se servent des femmes pour promouvoir leur cause et redynamiser leurs campagnes de recrutement. Des groupes tels que la English Defence League (EDL) ont tenté d’adopter une rhétorique de l’égalité des sexes afin de recruter des femmes islamophobes (Miller-Idris et Pilkington, 2017). En Suède, les femmes du Nordic Resistance Movement ont été la cible de campagnes de recrutement et jouent un rôle actif en tant que productrices de contenu et « influenceuses en ligne » pour recruter d’autres femmes dans le groupe (Askanius, 2021). 


Partout dans le monde, les groupes terroristes ont toujours recruté et utilisé les enfants pour commettre des attentats. Plus récemment, les groupes terroristes ont utilisé les jeux en ligne, les services de messagerie, les théories du complot et la formation d'amis en ligne pour recruter des enfants. En Europe, des groupes tels que la Real IRA recrutaient déjà des adolescents dans les années 1990 (Wilson, 2000). Pendant son prétendu « califat », l’EIIL/Daech a tenté de recruter et d’utiliser des enfants sur les territoires qu’il contrôlait pour perpétrer des attaques, et il a mis en scène des enfants dans ses vidéos de propagande (Vale, 2018). Le groupe a également communiqué sur sa capacité à recruter des enfants, voyageant seuls ou accompagnés. On estime que les enfants représentaient entre 9 et 12 % du contingent mondial de CTE qui se sont rendus en Iraq et en Syrie pendant le prétendu « califat » (Cook et Vale, 2018), une conséquence de l’opération de recrutement lancée par les réseaux affiliés à l’EIIL/Daech dans toute l’Europe en direction des mineurs (Vicente, 2020). Les groupes ou réseaux violents d'extrême droite ont tendance à s'engager dans la perturbation politique, l'infiltration de manifestations plus importantes et le marketing et la vente de marchandises sur Internet. Les enfants et les adolescents sont de plus en plus ciblés par la propagande en ligne des groupes violents d’extrême-droite. Au Royaume-Uni, le groupe récemment créé British Hand, dont il se dit que le chef était âgé de 15 ans en 2020, a menacé de s’en prendre aux musulmans et aux migrants et de se procurer des armes en infiltrant l’armée. Le chef estonien du groupuscule international néonazi Feuerkrieg Division aurait été âgé de 13 ans en 2020 (BBC News, 2020). En février 2021, le chef britannique de cette même organisation est devenu le plus jeune condamné pour infraction terroriste au Royaume-Uni. Il aurait téléchargé des instructions pour fabriquer des bombes à l’âge de 13 ans et serait passé par des plateformes en ligne pour recruter de nouveaux membres (BBC News, 2021). La Türkiye souligne que le PKK et ses affiliés utilisent également depuis longtemps la tactique du recrutement forcé d'enfants, en violation du droit international (HRW, 2018). Le recrutement des enfants par des acteurs terroristes a été reconnu comme une violation des droits de l’enfant, et le statut des enfants victimes d’exploitation et de sollicitation à des fins sexuelles (grooming) ainsi que la nécessité de prendre des mesures de protection ont été soulignés par de nombreuses organisations, dont l’ONUDC (ONUDC, 2017).

4.1.b. Le rôle des prisons dans la radicalisation et le recrutement pour le terrorisme

Le rôle des prisons dans le recrutement pour le terrorisme et la radicalisation extrémiste conduisant au terrorisme en Europe a fait l’objet d’études universitaires approfondies ces dernières années (Basra et autres, 2016 ; Hamm, 2013). Les prisons ont été décrites dans de nombreux rapports comme des « universités du terrorisme » et un lieu de rencontre entre le terrorisme et les réseaux criminels, offrant un terrain fertile à des prisonniers qui n’avaient jamais été condamnés pour terrorisme et qui ont été recrutés à des fins terroristes. Si le terme de « radicalisation » reste controversé (certaines recherches ayant démontré que la radicalisation ne rimait pas nécessairement avec activité terroriste), il n’en demeure pas moins qu’un grand nombre d’agresseurs impliqués dans des attentats meurtriers en Europe avaient passé du temps derrière les barreaux et y avaient développé leurs convictions idéologiques. Deux des trois auteurs de l’attentat de 2015 chez Charlie Hebdo avaient rencontré un recruteur d’Al-Qaida en prison, et deux des kamikazes des attentats de 2016 à Bruxelles avaient purgé une peine de prison en Belgique pour des infractions non liées au terrorisme. Une étude de 2016 portant sur 79 CTE européens qui ont rejoint l’EIIL/Daech, Al-Qaida et des groupes affiliés a révélé que 57 % d’entre eux avaient été incarcérés avant de se radicaliser et que 31 % s’étaient radicalisés en prison, même si ce processus s’était poursuivi après leur libération (Basra et autres, 2016).

Une analyse de la radicalisation en prison dans 10 pays européens (Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Norvège, Pays-Bas et Suède) a indiqué qu’en 2020, « il y avait plus de détenus condamnés pour des infractions liées au terrorisme qu’à n’importe quel autre moment depuis le début du millénaire » – dont la moitié dans des prisons françaises – et a estimé qu’au moins 3 000 délinquants étaient surveillés en raison de soupçons de radicalisation. Le nombre élevé de détenus a accru le risque d’attentat dans les prisons, avec cinq attaques terroristes et 22 tentatives enregistrées entre 2015 et 2020. La libération prévue (et, éventuellement, la libération anticipée) d’individus condamnés pour des infractions terroristes en Europe au cours des prochaines années ne manque pas d’inquiéter quant aux possibles répercussions sur les menaces terroristes, une question que les récents attentats commis par des acteurs isolés déjà condamnés à des peines de prison ont mise sur le devant de la scène. Deux attaques à Londres, perpétrées en novembre 2019 (London Bridge) et en février 2020 (Streatham), et plus récemment la fusillade de Vienne en novembre 2020 impliquaient des assaillants avec des antécédents criminels. L’agresseur du London Bridge a poignardé à mort deux personnes un an après sa sortie de prison, tandis que l’agresseur de Streatham a tenté de commettre un attentat 10 jours après sa libération. L’assaillant de Vienne avait quant à lui été condamné à 22 mois de prison en Autriche en avril 2019 (Mehra et Coleman, 2020).

Les Nations Unies ont fait de la réduction de la récidive terroriste une priorité. Ce risque reste toutefois contesté : une étude belge a révélé que moins de 5 % des délinquants se réengageaient dans des activités terroristes après leur libération (Renard, 2020). Pour autant, le risque de récidive terroriste et de recrutement de terroristes dans les prisons demeure une préoccupation dans de nombreux pays européens. À la suite des attentats du London Bridge et de Streatham et des attaques signalées contre des agents pénitentiaires, l’organisme indépendant de surveillance du terrorisme au Royaume-Uni a lancé une enquête sur la prise en charge des terroristes condamnés dans les prisons britanniques (O’Gara, 2021). La France, qui compte le plus grand nombre de personnes condamnées pour terrorisme, a identifié les prisons comme étant un lieu propice à la radicalisation idéologique continue des détenus condamnés pour d’autres infractions que le terrorisme, et a souligné les pressions exercées sur le système administratif pénitentiaire (Sénat, 2020). Tandis que plus de femmes sont reconnues coupables de terrorisme, il est nécessaire de développer une perspective axée sur le genre de la réinsertion et de la réhabilitation au sein des agences pénitentiaires des états (Basra et Neumann, 2020). D’autres pays, dont l’Espagne, affichent un pourcentage élevé de délinquants non liés au terrorisme qui se radicalisent en prison (Europol, 2020).

4.1.c. Foyers de radicalisation et recrutement hors ligne

De nombreuses recherches mettent en évidence le rôle de multiples espaces comme foyers de radicalisation et de recrutement. Un rapport publié en 2007 par le King’s College London sur les voies de radicalisation et de recrutement d’Al-Qaida et de ses affiliés en Europe indique que les espaces de radicalisation et de recrutement hors ligne se divisent en deux catégories : les lieux de rassemblement et les lieux de vulnérabilité. Les lieux de rassemblement comprennent des endroits tels que les lieux de culte, les cafés ou les salles de sport, tandis que les lieux de vulnérabilité désignent des établissements comme les prisons ou les centres sociaux. La recherche a montré le rôle que jouent les espaces et les réseaux hors ligne dans la radicalisation et le recrutement des assaillants les plus meurtriers d’Europe. La grande majorité des CTE européens qui sont partis en Iraq et en Syrie viennent de pays dans lesquels des réseaux extrémistes violents sont établis depuis les années 1990, dont le Royaume-Uni, la France, la Belgique et l’Allemagne. À l’apogée du prétendu « califat » de l’EIIL/Daech, l’une des principales plateformes de radicalisation et de recrutement du groupe en Europe était le réseau transnational Sharia4. Cette plateforme est née au Royaume-Uni avec le mouvement al-Muhajiroun, avant d’établir des branches dans toute l’Europe, à savoir Sharia4Belgium, Sharia4Holland, Sharia4Spain, Sharia4Denmark (Kaldet til Islam), Sharia4Finland, Sharia4Italy, Sharia4France (Forsane Alizza), Millatu Ibrahim (Allemagne) et The Prophet’s Umma (Norvège) (Pantucci, 2015).

Bon nombre des attentats les plus meurtriers commis en Europe ces dernières années ont vu l’implication de cellules terroristes locales liées à des villes, à des réseaux hors ligne ou à des recruteurs spécifiques. C’est notamment le cas de la cellule qui a perpétré les attentats de Barcelone et Cambrils en 2017, dont tous les membres sauf un étaient liés à la même communauté religieuse dirigée par le cerveau de l’attentat (Pérez Colomé et autres, 2017) ; du réseau Zerkani basé en Belgique, dont était issu Abdelhamid Abaaoud, soupçonné d’avoir dirigé le groupe qui a perpétré les attentats de novembre 2015 à Paris et de mars 2016 à Bruxelles ; ou encore du réseau Abu Walaa en Allemagne, auquel appartenait l’auteur de l’attentat du marché de Noël de Berlin en 2016 (Heil, 2016). Ce dernier réseau s’infiltrait dans des activités sportives et récréatives à des fins de radicalisation et de recrutement (Van Vierlden, 2016). Depuis la chute du prétendu « califat », et alors que se multiplient les attaques inspirées (et non plus dirigées), la pertinence des espaces hors ligne pour le recrutement par les groupes est quelque peu remise en question et une attention croissante est portée à la radicalisation en ligne et à l’utilisation des réseaux sociaux, des plateformes numériques et des applications de communication – surtout pendant la crise de la covid-19.

Les espaces de radicalisation et de recrutement hors ligne sont également au cœur de la stratégie de recrutement des terroristes d’extrême-droite. La radicalisation et le recrutement d’extrémistes violents d’extrême-droite et de groupes terroristes parmi les militaires et les forces de l’ordre est devenu un sujet de préoccupation pour plusieurs gouvernements européens. Les services de sécurité allemands ont lancé 550 enquêtes internes sur certains de leurs employés qu’ils soupçonnaient de préparer des attentats contre des immigrés et des politiciens (Pancevski, 2019). En juin 2019, on a appris que le groupe Nordkreuz avait dressé une liste de cibles potentielles avec 25 000 noms, grâce à des membres recrutés parmi des policiers, des militaires et une unité de police impliquée dans la lutte contre le terrorisme. Cependant, il n’y avait aucune indication de la formation d’une organisation criminelle ou même terroriste selon les ss. 129, 129a du Code Pénal allemand (StGB) et l’enquête concernant cette infraction de préparation d’une infraction sérieuse violente mettant en danger l’état (s. 89a StGB) a été clôturée en raison de l'absence de soupçons suffisants. En 2018, un vétéran de l’armée britannique a été condamné à huit ans de prison pour son appartenance au groupe National Action. La France a également fait état de cas de radicalisation et de recrutement parmi ses forces de l’ordre (Assemblée nationale, 2019). Un rapport confidentiel d’Europol cité par des sources médiatiques européennes a indiqué que les groupes violents d’extrême-droite cherchaient à recruter au sein de la police et de l’armée pour acquérir des armes et des compétences de combat.

Il a été démontré que les concerts et les manifestations jouaient aussi un rôle prépondérant dans la radicalisation et le recrutement de militants violents d’extrême-droite. En effet, les groupes violents d’extrême-droite utilisent souvent les concerts et les événements musicaux pour rencontrer et recruter de nouveaux membres. En Allemagne, le nombre de concerts d’extrême-droite a augmenté depuis 2015 (Koehler, 2018). En 2018, plus de 1 000 sympathisants néonazis et suprémacistes blancs de différents pays se sont réunis à Ostritz dans l’est de l’Allemagne pour assister à un festival d’extrême-droite organisé en l’honneur de l’anniversaire d’Adolf Hitler, illustrant le rôle des événements hors ligne dans le recrutement transnational. Les activités et manifestations sportives, notamment les rencontres de MMA (arts martiaux mixtes), ont également été identifiées comme un terrain de recrutement pour les groupes violents d’extrême-droite, ce qui a amené le gouvernement local allemand à interdire ce genre de rassemblement en 2019. Parmi les autres méthodes connues du recrutement hors ligne figurent l’organisation de divers rassemblements et événements hors ligne ainsi que la distribution de tracts – des stratégies qui ont été adoptées par des groupes comme Génération Identitaire (McNeill-Wilson, 2020).

4.1.d. L’utilisation des technologies dans la radicalisation et le recrutement

Si les actions hors ligne restent des axes majeurs de la radicalisation et du recrutement, la recherche a souligné le rôle croissant des technologies de communication numérique dans la radicalisation et le recrutement terroriste, y compris tout récemment pendant la pandémie de covid-19. Ces technologies incluent, entre autres, les plateformes de discussion en ligne (les forums et les groupes de discussion), les réseaux sociaux et les applications de communication cryptée. Quelle que soit leur idéologie, les groupes et réseaux terroristes contemporains ont bien compris l’intérêt de mettre les technologies des médias au service de leurs causes. Dans son livre « The Call for Global Islamic Resistance », le stratège d’Al-Qaida Abu Musab al-Suri annonçait que la « guerre de l’information » contre l’Occident serait « menée grâce à l’utilisation des technologies modernes sous toutes leurs formes, en particulier le satellite [sic] et internet ». De même, les groupes et réseaux violents d’extrême-droite ont adopté très tôt les technologies numériques. Aux États-Unis, le mouvement néonazi Stormfront a mis en place dès le début des années 1990 un système d’information électronique, qu’il a converti en site internet en 1995, puis en forum avec plusieurs branches internationales (Stormfront Europe, Stormfront en français et Stormfront Italia) (Conway et autres, 2019).

Les technologies numériques offrent aux extrémistes violents et aux terroristes une plus grande possibilité de diffuser du contenu et de toucher d’éventuelles recrues. L’utilisation des technologies numériques par l’EIIL/Daech, en particulier, a été largement étudiée. Au moment de la prise de Mossoul par l’EIIL/Daech en juin 2014, le groupe a déployé une stratégie d’utilisation des réseaux sociaux pour amplifier son message, s’appuyant pour cela sur une application en langue arabe qu’il venait de lancer, Dawn of Glad Tidings. Cette application permettait aux utilisateurs de connecter leurs comptes aux modérateurs des réseaux sociaux de l’EIIL/Daech et d’inonder ainsi Twitter de messages du groupe (Ebner, 2017). À l’apogée de son prétendu « califat », l’EIIL/Daech exploitait des technologies de communication numérique sophistiquées pour diffuser sa propagande à l’échelle mondiale, produisant des images et des séquences vidéo en plusieurs langues et publiant le magazine en ligne Dabiq entre 2014 et 2016.

À la suite des attaques terroristes perpétrées en Europe en 2015 et 2016, les plateformes de réseaux sociaux ouvertes, dont Facebook, Twitter et Google, ont répondu à la pression des gouvernements européens en intensifiant leurs efforts pour supprimer les contenus extrémistes violents et terroristes de leurs plateformes. Plus récemment, l'Union européenne a adopté le Règlement relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, qui s'appliquera à partir de juin 2022, permettant aux autorités des états membres de demander directement aux entreprises privées situées n'importe où dans l'Union européenne de retirer les contenus terroristes. Il a été amplement démontré que les mesures de répression et les suppressions de comptes sur les plateformes de réseaux sociaux ont conduit les extrémistes violents et les groupes terroristes à migrer vers des plateformes moins (voire non) réglementées et plus sûres, notamment des navigateurs anonymes et des services ou applications de messagerie cryptée. Pour certains chercheurs, les applications cryptées de bout en bout telles que Telegram et WhatsApp ont « véritablement changé la donne pour l’État islamique et son action en Occident » (Hughes et Meleagrou-Hitchens, 2017). Une étude de 2017 portant sur 70 chaînes Telegram affiliées à l’EIIL/Daech a constaté que le groupe utilisait avant tout cette plateforme pour recruter des individus ou les encourager à perpétrer des attentats, et a conclu qu’elle représentait le meilleur choix pour les sympathisants de l’EIIL/Daech dont les comptes avaient été supprimés par Twitter (Shehabat et autres). En 2019, une étude réalisée par l’université de Georgetown a dévoilé l’existence de 636 chaînes Telegram pro-EIIL/Daech avec du contenu en anglais (Clifford et Powell, 2019), confirmant l’utilisation de cette plateforme par les facilitateurs de l’EIIL/Daech chargés d’identifier et de contacter en ligne des individus cibles. En ce qui concerne la génération et le partage de contenu à des fins de recrutement, le rôle des portails de partage anonyme tels que Sendvid.com, Justepaste.it et Dump.to a également été souligné (Shehabat et Mitew, 2018).

En réponse à l’utilisation croissante de leurs plateformes par l’EIIL/Daech et à la pression des gouvernements, les entreprises comme Telegram ont procédé ces dernières années à une mise à jour de leurs politiques. En 2016, la plateforme a lancé son programme de surveillance de Daech (« ISIS Watch ») qui vise à supprimer les chaînes publiques et les bots pro-EIIL/Daech. Cette initiative s’est accompagnée d’une coopération accrue avec les forces de l’ordre, mais il est impossible de savoir si ces mesures auront une incidence sur le choix du groupe d’utiliser Telegram à long terme. Après la suspension de leurs comptes, les sympathisants du groupe ont cherché à dupliquer des comptes sur Telegram et d’autres canaux (Katz, 2019). L’apparition de nouvelles applications plus sûres pourrait entraîner un abandon partiel de Telegram et une migration de la présence pro-EIIL/Daech vers d’autres plateformes. L’EIIL/Daech a testé une série de petites plateformes, dont Baaz, Viber, Kik, Ask.fm, Discord et d’autres, tout en envisageant également l’utilisation du web décentralisé (DWeb) – une alternative au World Wide Web – ou d’applications décentralisées (DApps) comme Riot (Tech Against Terrorism, 2019).

Pendant ce temps, les partisans de l’EIIL/Daech, d’Al-Qaida et des groupes affiliés continuent d’échapper à la détection sur les plateformes de réseaux sociaux ouvertes en contournant les mécanismes de modération des plateformes, en passant par les commentaires, en détournant les comptes existants d’autres utilisateurs ou en masquant le contenu pour partager des informations sans se faire repérer (Ayad, 2020). Malgré la modération des contenus par les entreprises technologiques, les assaillants inspirés par l’EIIL/Daech ont continué de trouver des ressources en ligne : le kamikaze de la Manchester Arena de 2017 avait accédé à des conseils sur la façon de fabriquer une bombe sur YouTube (Hamilton, 2017). L’EIIL/Daech détient un important corpus de propagande en ligne, sous d’autres formes. En 2020, des chercheurs de l’ISD ont découvert une bibliothèque numérique de l’EIIL/Daech, contenant plus de 90 000 documents en neuf langues ainsi que des informations sur des attentats récents, comme celui de la Manchester Arena (Silva, 2020). La pandémie de covid-19 a également conduit des groupes tels que l’EIIL/Daech et Al-Qaida à diffuser des éléments de recrutement et de propagande en ligne pour inspirer de nouvelles attaques. Les mesures de confinement localisé en Europe ont accru la mobilisation et les tentatives de recrutement en ligne (voir la partie 5.1).

Le paysage de l’extrémisme violent d’extrême-droite conduisant au terrorisme se caractérise également par une migration des plateformes de réseaux sociaux ouvertes vers des plateformes plus sécurisées et moins modérées, créant des communautés en ligne transnationales d’une façon qui n’est pas sans rappeler les stratégies de l’EIIL/Daech. De plus en plus d’éléments indiquent que les groupes violents d’extrême-droite ont recours à une multitude de plateformes en ligne pour recruter des adeptes et diffuser leurs idées, qu’il s’agisse de plateformes de réseaux sociaux, de forums, d’applications cryptées ou de sites de jeux, attirant ainsi des publics de différents pays. Les plateformes de réseaux sociaux ouvertes comme Facebook ont été utilisées par des réseaux suprémacistes blancs transnationaux pour recruter des CTE en Ukraine. Au Royaume-Uni, des groupes violents d’extrême-droite sont passés par Instagram pour capter un nouveau public. En mai 2019, Génération Identitaire comptait 70 000 followers sur Twitter et l’organisation transnationale d’origine finlandaise Soldiers of Odin utilisait Facebook à des fins de propagande et de recrutement (Ekman, 2018).

Les activités de l’extrême-droite violente sont rendues possibles par tout un écosystème de plateformes alternatives moins (voire non) réglementées, comme Telegram, Gab et Parler, et de forums de discussions tels que 4chan et 8chan (rebaptisé 8kun à la suite de sa suppression après les attentats de Christchurch). Si les plateformes de réseaux sociaux ouvertes sont privilégiées pour le recrutement et la propagande, et les plateformes alternatives utilisées pour la planification stratégique et la communication au sein des groupes, il existe des interactions entre les plateformes ouvertes et les plateformes cryptées et/ou non réglementées, les premières redirigeant les publics vers les secondes par le biais d’hyperliens (Tech Against Terrorism). Les groupes violents d’extrême-droite utilisent des plateformes alternatives, des forums, des sites de jeux et des fils de discussion pour recruter en ligne d’autres utilisateurs. Le forum en ligne néonazi Fascist Forge (qui a succédé au site Iron March) servait de plateforme de mise en réseau et de recrutement pour des groupes et réseaux violents d’extrême-droite outre-Atlantique avant sa dissolution en 2020. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, les utilisateurs de ce site internet ont été poursuivis pour des infractions terroristes (Dearden, 2020). Telegram, déjà épinglé pour son utilisation par l’EIIL/Daech, est également utilisé par un certain nombre de groupes violents d’extrême-droite qui ont des branches dans toute l’Europe, notamment Attomwaffen et Génération Identitaire (Davey et Ebner, 2019).

La répression des activités terroristes par les plateformes de réseaux sociaux grand public et la migration opérée en parallèle par les acteurs terroristes vers des espaces en ligne moins réglementés ont donné lieu à un nombre croissant de recherches et de débats sur les avantages et les éventuelles retombées négatives de la « déplateformisation ». S’il a été démontré que la déplateformisation des acteurs extrémistes violents et terroristes limitait effectivement leur portée en ligne (Conway et Macdonald, 2021), le passage à une multitude de petites plateformes, plus difficiles à surveiller pour les forces de l’ordre, suscite des inquiétudes quant à une éventuelle intensification de la présence en ligne des acteurs extrémistes violents et terroristes.

À l’instar des stratégies adoptées par l’EIIL/Daech, les groupes violents d’extrême-droite et les partisans du terrorisme ont également adapté leurs procédures de radicalisation et de recrutement aux espaces en ligne en y incorporant des éléments de jeu (Ebner, 2020), un processus que les chercheurs ont appelé la « ludification » du terrorisme. Les forums de l’EIIL/Daech comme ceux de l’extrême-droite violente utilisent le jeu pour intensifier l’engagement du public, en attribuant des points et des récompenses à chaque commentaire ou publication et en incitant les utilisateurs à continuer d’explorer des contenus terroristes. Les groupes et réseaux terroristes et extrémistes violents ont aussi créé des jeux vidéo à des fins de recrutement, y compris des jeux faisant la promotion de groupes comme Génération Identitaire, qu’ils partagent sur des plateformes telles que YouTube, Gab, Telegram ou les forums de discussion liés à 8chan (Fisher-Birch, 2020).

4.2 Financement

4.2.a. La baisse du financement des organisations et l’évolution vers des attaques autofinancées

La lutte contre le financement du terrorisme a été au premier plan des politiques antiterroristes partout dans le monde. En 1999, l’ONU a adopté la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme dans sa résolution 54/109 du 9 décembre 1999, appelant les états membres à « prendre des mesures pour prévenir et empêcher, par les moyens internes appropriés, le financement de terroristes ou d’organisations terroristes, qu’il s’effectue soit de manière directe, soit indirectement ». En mars 2019, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2462 visant à « combattre et criminaliser le financement des terroristes et de leurs activités ». Le paysage du financement du terrorisme a fortement évolué ces dernières années, reflétant le changement de nature des activités terroristes. L’évolution vers un terrorisme d’acteurs isolés et de petites cellules en Europe, en grande partie autofinancé, a remis en question les approches traditionnelles de la lutte contre le financement du terrorisme dans les politiques antiterroristes, tandis que les opérations militaires et de lutte contre les groupes terroristes ont limité l’aptitude de ces derniers à rassembler des fonds.

Selon le Groupe d’action financière (GAFI), la capacité de l’EIIL/Daech à lever des fonds par le biais de la vente de pétrole ou de la fiscalité a considérablement diminué du fait de ses pertes territoriales en Iraq et en Syrie, qui a obligé le groupe à compter sur le pillage, les enlèvements contre rançon et l’extorsion de fonds auprès de particuliers et d’entreprises. Toutefois, le groupe détient encore d’importantes réserves de liquidités (Johnston et autres, 2019). Pendant de nombreuses années, Al-Qaida a bénéficié de fonds générés par des organisations à but non lucratif et des dons individuels (GAFI, 2021), tout en exploitant les systèmes financiers formels pour collecter et déplacer des fonds. Le financement de base d’Al-Qaida n’a cessé de diminuer ces dernières années. En 2010, le budget annuel de base d’Al-Qaida était estimé à moins d’un million de dollars, tandis que les groupes affiliés, notamment Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) et Al-Shabaab, avaient diversifié leurs sources de revenus par le biais d’enlèvements contre rançon, d’extorsion et de commerce illicite (Bauer & Levitt, 2020).

Si l’on connaît bien les flux de revenus de l’EIIL/Daech et d’Al-Qaida, les informations émergentes relatives au financement du terrorisme d’extrême-droite montrent que la plupart des opérations effectuées par des acteurs isolés et des petites cellules sont auto-financées (GAFI, 2021). Cependant, les groupes du mouvement plus large duquel ces assaillants ont émergé utilisent une variété de méthode de collecte de fonds. Au Royaume-Uni, des groupes comme National Action sont parvenus à se procurer des armes et à organiser des rassemblements, témoignant de revenus financiers importants attribués à des fonds personnels, à des dons, voire à des financements internationaux (Keatinge et autres, 2019). En Italie, des groupes tels que CasaPound et Forza Nuova ont obtenu des financements par le biais d’entreprises et de trusts (The Soufan Centre, 2019). On observe par ailleurs que les groupes et réseaux violents d’extrême-droite ont trouvé diverses sources de revenus, de la production de contenu en ligne (y compris la publicité et des contenus payants) à l’utilisation d’événements musicaux et sportifs pour collecter des fonds. Les événements et festivals de musique ainsi que les rencontres de sports de combat représentent des sources de revenus non négligeables pour les groupes d’extrême-droite, notamment grâce à la vente de produits dérivés (Johnson, 2020). Avant la pandémie de covid-19, en plus de vendre des magazines, le groupe britannique néonazi Blood & Honour organisait 15 concerts par an au Royaume-Uni (Keatinge et autres, 2019), une source de revenus temporairement touchée par les restrictions sur les rassemblements.

La généralisation du terrorisme d’acteurs isolés et de petites cellules met en évidence de nouveaux défis liés à la lutte contre le financement du terrorisme. Les attentats coordonnés de grande envergure étant devenus plus difficiles à réaliser, l’Europe se trouve face à un nombre croissant d’attentats perpétrés par des individus agissant seuls ou en petites cellules et n’impliquant aucun coût opérationnel. La recherche a montré que les acteurs isolés et les petites cellules s’appuyaient sur diverses sources de financement, dont des fonds personnels, des prêts licites et l’aide de parents et d’amis, pour mener à bien leurs activités (Bauer & Levitt, 2020). Si l’EIIL/Daech a perdu d’importantes sources de revenus, il continue d’utiliser des plateformes en ligne pour inspirer des attaques locales qui peuvent être menées avec un minimum de fonds. La menace terroriste d’extrême-droite, en grande partie portée par des acteurs isolés et des petites cellules, est tout aussi inquiétante. Le terrorisme solitaire et le terrorisme mené par des petites cellules sont peu coûteux et peuvent bénéficier des fonds et du matériel des groupes terroristes. Par exemple, on a appris que l’assassin de la députée Jo Cox avait fait ses achats auprès de la National Alliance, une organisation néonazie basée aux États-Unis (Keatinge et autres, 2019). Certains acteurs isolés ont aussi des rapports financiers avec des groupes terroristes : l’assaillant de Christchurch aurait fait un don d’un montant de 1 500 euros à la branche autrichienne du Mouvement identitaire en 2018 (Reuters, 2019).


4.2.b. Les activités criminelles et le financement du terrorisme

Les liens entre activités criminelles et terroristes ont également fait l’objet d’une attention particulière, notamment au niveau du financement. Les résolutions 2462 (2019) et 2482 (2019) du Conseil de sécurité des Nations Unies ont reconnu que la criminalité transnationale organisée pouvait contribuer au financement du terrorisme. Les groupes terroristes peuvent générer des fonds à partir d’un ensemble d’activités criminelles pour financer leurs activités et opérations, et le lien entre la criminalité et le terrorisme est étudié depuis des décennies. Des rapports ont notamment établi que les organisations terroristes « étaient engagées directement et indirectement dans des activités criminelles » (Bergema et autres, 2020). De nombreux travaux de recherche décrivent comment l’EIIL/Daech tire une part importante de ses revenus d’activités criminelles, à savoir l’extorsion, les enlèvements contre rançon, le vol, la contrefaçon de devises et de produits pharmaceutiques, et le trafic d’armes, de ressources naturelles, d’êtres humains et d’objets culturels (Blannin, 2017). On pense également qu'il est impliqué dans la production et la vente d'amphétamines comme autre source de revenus. La collecte de fonds du PKK en Europe repose sur un ensemble d’activités illicites, notamment l’extorsion, le blanchiment d’argent ainsi que le trafic de drogues, d’armes, d’êtres humains et d’autres types de trafic (Orton, 2017 ; Koseli et autres, 2020). Les groupes violents d’extrême-droite qui ont des connexions transnationales s’appuient aussi sur des activités criminelles pour financer leurs opérations (The Soufan Center, 2019).

Les auteurs de certains des attentats les plus meurtriers dirigés et inspirés par l’EIIL/Daech en Europe occidentale étaient impliqués dans des activités criminelles (Argomaniz et Bermejo, 2019 ; Basra et autres, 2016). En 2016, environ 40 % des complots terroristes en Europe occidentale étaient partiellement financés par la petite criminalité, y compris, mais sans s’y limiter, le trafic de drogue, la fraude et les cambriolages (Basra et autres, 2016). L’analyse des profils des CTE européens pendant le prétendu « califat » de l’EIIL/Daech révèle qu’une part importante d’entre eux avaient déjà fait l’objet de condamnations pénales ou étaient connus des autorités pour des faits de délinquance. En Allemagne, les chiffres de la police fédérale indiquent que 66 % des CTE avaient un casier judiciaire avant de se rendre en Syrie et en Iraq. Cette proportion s’élève à 47 % au Royaume-Uni (Basra et Neumann, 2017) et à un tiers en Espagne (García-Calvo, et Reinares, 2016). La recherche démontre par ailleurs comment l’EIIL/Daech cible délibérément des individus ayant un passé criminel en leur offrant des perspectives de rédemption (Basra et autres, 2016).

4.2.c. L’utilisation des nouvelles technologies pour le financement du terrorisme

À l’heure où les sources de financement des groupes terroristes sont touchées et où l’activité terroriste en Europe se déplace vers des acteurs isolés et des petites cellules, le rôle des innovations technologiques et des technologies financières (dont les monnaies virtuelles) dans le financement des opérations terroristes soulève de plus en plus d’inquiétude. La mesure dans laquelle ces technologies sont utilisées reste à définir, mais la plupart des études s’accordent à dire que les cryptomonnaies présentent des caractéristiques intéressantes pour les terroristes (comme l’anonymat). Un rapport de RAND a conclu que « rien ne prouve que les organisations terroristes utilisent les cryptomonnaies de façon importante ou systématique » (Dion-Schwarz et autres, 2019), tandis qu’une étude commandée par le Parlement européen a constaté que l’utilisation à court terme des cryptomonnaies par les terroristes était plus susceptible « d’impliquer une utilisation occasionnelle à des fins spécifiques et précises », notant toutefois que la sophistication de plus en plus poussée des monnaies virtuelles pourrait conduire à leur adoption plus systématique par les terroristes.

En dehors de l’Europe, on a relevé plusieurs exemples d’utilisation de cryptomonnaies par des terroristes. En janvier 2017, les autorités indonésiennes ont signalé que des individus liés à l’EIIL/Daech avaient eu recours aux bitcoins et à des plateformes de paiement en ligne, dont PayPal, pour financer un projet d’attentat terroriste dans le pays. Aux États-Unis, les groupes violents d’extrême-droite investissent dans de nouvelles cryptomonnaies, comme Monero (Hayden, 2018), et le fondateur du site internet néonazi The Daily Stormer, Andrew Anglin, a appelé le bitcoin « la monnaie nazie » (Keatinge et autres, 2019). Plusieurs médias ont établi un lien entre les cryptomonnaies et les attentats de 2015 à Paris et la fusillade de l’Olympia à Munich en juillet 2016, les armes utilisées par les terroristes étant liées à des vendeurs présents sur le dark web. L’assaillant de Halle a également déclaré avoir bénéficié du soutien financier d’un particulier par le biais de cryptomonnaies (Wighton, 2020). Un certain nombre de groupes violents d’extrême-droite, dont le Mouvement de résistance nordique, encouragent leurs adeptes à faire des dons en bitcoins sur des sites web associés ; de même, il a été signalé que des groupes anarchistes utilisaient des cryptomonnaies en Italie (Europol, 2020).

Le lien entre le financement de l’activité terroriste et l’utilisation de services de paiement en ligne, de plateformes de financement participatif et des réseaux sociaux a également été établi. Les sites de financement participatif, tels que Patreon, GoFundMe, Justgiving ou Kickstarter, peuvent être utilisés pour solliciter des dons – en plus des plateformes de paiement en ligne (comme PayPal) et des réseaux sociaux grand public. La répression par certaines plateformes de l’activité extrémiste violente a donné lieu à l’émergence de plateformes alternatives de collecte de fonds favorisées par l’extrême-droite violente, dont le mouvement Hatreon, désormais interdit. En 2017, PayPal a suspendu le compte de Génération Identitaire. Les entreprises qui offrent des solutions de paiement en ligne, telles que Visa, Stripe et Google Pay, restreignent de plus en plus les paiements par carte sur les sites internet et les plateformes proches de l’extrême-droite violente, ce qui pousse de nombreux groupes et réseaux de cette mouvance à solliciter des transactions et des transferts en ligne entre particuliers pour de petites sommes.

Face aux restrictions qui pèsent sur les activités hors ligne dans le contexte de la pandémie de covid-19, les extrémistes violents et les terroristes s’appuient davantage sur la collecte de fonds en ligne et cherchent de nouveaux moyens de lever des fonds. Dernièrement, la pandémie de covid-19 a suscité de nouvelles inquiétudes quant à la façon dont les extrémistes violents et les terroristes pourraient tirer parti des failles du cyberespace pour lever des fonds. Le GAFI a noté que la pandémie avait provoqué une hausse de l’activité financière criminelle qui pourrait permettre aux extrémistes violents et aux terroristes d’extorquer des fonds par le biais de diverses escroqueries en ligne, par exemple en se faisant passer pour des organisations caritatives et humanitaires qui collectent des fonds pour lutter contre la pandémie de covid-19 ou en sollicitant des dons par courriel ou par SMS (GAFI, 2020). Le GAFI a également constaté que les terroristes pouvaient exploiter les vulnérabilités des réseaux d’entreprises pour accéder à des données personnelles et financières et les utiliser pour effectuer diverses transactions.

4.3 Communication, coordination et perturbation

4.3.a. Coopération et coordination en ligne

L’utilisation de plateformes en ligne par les acteurs terroristes sert un vaste éventail d’objectifs qui dépassent largement le recrutement et le financement. L’ONU-DECT a observé que « les terroristes et les groupes terroristes se servaient d’internet et des réseaux sociaux […] pour faciliter toutes sortes d’activités terroristes, notamment l’incitation, la radicalisation, le recrutement, la formation, la planification, la collecte d’information, la communication, la préparation et le financement ». Les technologies en ligne permettent plus particulièrement aux terroristes de communiquer, de se mettre en réseau, de coordonner leurs activités et de planifier des attentats. La recherche révèle que la coordination et la planification d’attentats étaient plus susceptibles de passer par des canaux et groupes en ligne fermés, ainsi que par des applications de messagerie cryptées. Sur Facebook, il a été démontré que les groupes privés servaient à la coordination et à la constitution de groupes, tandis que les groupes publics étaient utilisés pour le recrutement (Ekman, 2018).

Des exemples d’attentats meurtriers ont mis en évidence le rôle des plateformes en ligne dans la coordination des attaques. La cellule qui a commis les attentats de novembre 2015 à Paris a utilisé Telegram pour se préparer et planifier l’attaque. D’autres attaques inspirées ou dirigées par l’EIIL/Daech ont également été perpétrées à l’aide de Telegram. Des membres basés en Syrie et en Iraq ont envoyé des instructions aux assaillants via la fonction de conversation secrète de Telegram, notamment pour l’attaque du marché de Noël de Berlin en décembre 2016 et l’attentat de la boîte de nuit Reina à Istanbul en 2017. Rachid Kassim, le principal planificateur virtuel de l’EIIL/Daech, a utilisé sa chaîne Telegram pour préparer « au moins une douzaine d’attentats réussis et déjoués » en France et pour publier des dessins invitant les partisans du groupe à cibler des personnalités publiques religieuses, politiques et médiatiques (Vidino et autres, 2017). Au Royaume-Uni, les recruteurs de l’EIIL/Daech ont eu recours à des applications cryptées pour donner des instructions sur la façon d’exécuter des attentats, tandis que des plateformes de réseaux sociaux non cryptées étaient utilisées pour entrer en contact avec les recrues (Malik, 2018). L’utilisation signalée d’applications cryptées par des assaillants isolés a donné lieu à des spéculations sur leurs liens potentiels avec des réseaux plus larges. À la suite de l’attentat de Westminster en 2017, il a par exemple été rapporté que l’auteur de l’attentat avait utilisé WhatsApp pour communiquer avant l’attaque (Kelion, 2017).

Les acteurs violents d’extrême-droite passent par les plateformes en ligne pour établir des connexions transnationales et s’appuient sur des réseaux en ligne décentralisés pour la coordination, la communication et l’échange de stratégies. Des groupes d’extrême-droite comme Soldiers of Odin exploitent les plateformes en ligne pour communiquer, créer des réseaux et mettre en place des communautés transnationales de partisans (Veilleux-LePage et Archambault, 2019). Les plateformes en ligne sont utilisées pour partager des stratégies, communiquer et planifier des actions. Au Royaume-Uni, National Action aurait utilisé des applications de messagerie chiffrée pour coordonner des actions sur des campus (Dearden, 2018). Il a également été démontré que les plateformes en ligne facilitaient les dynamiques intergroupes ; une étude axée sur la violence d’extrême-droite en Suède a montré que les plateformes en ligne étaient utilisées par les membres du groupe pour s’encourager mutuellement et renforcer la cohésion du groupe (Wahlström et Törnberg, 2019). L'extrême-droite violente a fait l'objet d'une attention croissante au sein des forums de l'UE et ailleurs, suivie d'actions telles que la première journée d'action contre la propagande terroriste d'extrême-droite en ligne, les travaux en cours sur un « paquet de connaissances » composé de groupes, de symboles et de manifestes d'extrême-droite violente pour soutenir les efforts volontaires de modération de contenu des entreprises technologiques, et le développement d'instruments d'évaluation des risques pour mesurer le risque posés par les militants violents d'extrême-droite violente ou l'augmentation des proscriptions nationales de groupes ou d'organisations d'extrême-droite.

4.3.b. Dynamiques réciproques

De plus en plus d’études mettent en évidence la manière dont les groupes extrémistes violents et terroristes exploitent les actions des groupes opposés pour rallier des soutiens à leur idéologie, et dont ils alimentent mutuellement leur rhétorique pour intensifier la violence, notamment sur les espaces en ligne (Lee et Knott, 2020). Une récente analyse documentaire de l’ICSR sur l’interaction entre les idéologies de l’EIIL/Daech et l’extrême-droite violente a révélé la complexité des dynamiques réciproques entre des entités idéologiquement opposées, admettant l’existence d’interactions contradictoires (Barnet et autres, 2021). Les chercheurs ont souligné la manière dont les communautés en ligne de l’extrême-droite violente discutaient des attentats inspirés par l’EIIL/Daech ou Al-Qaida et des violences perpétrées par ces groupes pour appuyer leur programme (Davey et Ebner, 2017), de même qu’il a été démontré que les réseaux affiliés à l’EIIL/Daech et Al-Qaida faisaient référence aux crimes de haine anti-musulmans et aux cas de discrimination à l’encontre des communautés musulmanes en Europe pour inciter aux attaques. Les groupes d’extrême-droite imitent le langage et les modes de communication de l’EIIL/Daech et des groupes affiliés à Al-Qaida et cherchent à s’inspirer de la propagande du groupe (The Soufan Center, 2019). Par exemple, National Action a appelé au « djihad blanc ». Les chercheurs ont également constaté que malgré leur opposition idéologique, le langage utilisé par l’EIIL/Daech dans sa propagande et par les terroristes violents d’extrême-droite dans leurs soi-disant « manifestes » présentait un certain nombre de points communs (Buckingham et Alali, 2019).

Il est notamment démontré que les groupes de tous bords s’empruntent mutuellement des modes de communication et de coordination, y compris sur les espaces en ligne. On a constaté par ailleurs que les communautés russes violentes d’extrême-droite et celles inspirées par l’EIIL/Daech ou Al-Qaida sur Vkontakte adoptaient des stratégies de communication similaires pour éviter d’être démantelées (Myagkov, Shchekotin, Chudinov et Goiko, 2019). Au Royaume-Uni, des rapports ont montré que des groupes violents d’extrême-droite avaient cherché à accéder aux manuels tactiques de l’EIIL/Daech en ligne (Gardner, 2019) ; des groupes violents d’extrême-droite transnationaux ont appelé leurs partisans à imiter les actions de groupes tels que les talibans et l’EIIL/Daech (Makuch et Lamoureux, 2019). L’EIIL/Daech et les groupes violents d’extrême-droite s’appuient sur les « armées » des réseaux sociaux pour étendre la portée de leur recrutement en ligne. La chaîne en ligne d’extrême-droite Reconquista Germanica dirigeait une « armée de trolls » de plus de 10 000 personnes sur la plateforme Discord, avant d’être supprimée en octobre 2019 (Ebner, 2020), une stratégie qui n’est pas sans rappeler les « armées en ligne » de l’EIIL/Daech.

4.3.c. Communication de fausses informations de crimes terroristes

Les terroristes ont adopté un large éventail de stratégies de communication pour soutenir leurs activités et leurs effets sur les sociétés européennes. Les groupes terroristes organisés ont utilisé leurs canaux médiatiques pour revendiquer des attentats à l’échelle mondiale, parfois de façon mensongère. Alors que l’EIIL/Daech perdait des territoires en Syrie et en Iraq et que les attaques d’acteurs isolés commençaient à se multiplier en Europe et dans d’autres régions, l’EIIL/Daech a tenté de revendiquer la responsabilité d’un certain nombre d’incidents violents. Plusieurs attentats ont été cités par l’EIIL/Daech dans sa propagande, sans pour autant être officiellement revendiqués (ICCT, 2019). Le groupe a également revendiqué de façon abusive un certain nombre d’attentats et d’incidents ; en octobre 2017, l’EIIL/Daech a assumé la responsabilité d’une fusillade à Las Vegas, une revendication ensuite largement écartée. Le mode de revendication des attentats en Europe par l’EIIL/Daech a beaucoup varié au cours du prétendu « califat », le groupe ayant adapté sa stratégie à mesure que le nombre d’attentats commis par des acteurs isolés augmentait en Europe. Par le biais de son bulletin hebdomadaire al-Naba’, l’EIIL/Daech a revendiqué un faux attentat à la bombe à l’aéroport Charles de Gaulle à Paris en septembre 2017, affirmant qu’un « détachement de sécurité de soldats de l’État islamique » avait placé des explosifs dans l’aéroport, pour essayer de tirer profit de la fausse alerte à la bombe (ICCT, 2019).

La fausse déclaration d’actes terroristes, ou la déclaration délibérée d’infractions terroristes en sachant que l’information est fausse, ne fait pas l’objet d’une enquête approfondie, en particulier en ce qui concerne les acteurs terroristes. Ces dernières années ont vu fleurir une multitude de fausses déclarations à travers l’Europe, de l’alerte à la bombe à la station de métro Charing Cross en juin 2018 (BBC News) à l’évacuation de la Tour Eiffel après une fausse menace d’attentat à la bombe à Paris en septembre 2020 (Breeden, 2020), même si aucun lien n’a pu être établi avec des acteurs terroristes. Le ministère français de la Justice a enregistré trois incidents en 2019 et deux en 2020, dont aucun n’a pu être lié à des acteurs terroristes (Conseil de l’Europe, CDCT). Certains cas d’acteurs violents d’extrême-droite et d’extrême-gauche à l’origine de fausses alertes – les premiers pour menacer des minorités et les seconds pour attaquer des opposants – ont été enregistrés par les autorités allemandes (Conseil de l’Europe, CDCT). La Fédération de Russie a signalé un nombre élevé d’incidents liés à la fausse déclaration d’infractions terroristes, notamment des menaces contre des infrastructures essentielles et sociales telles que des écoles, des aéroports, des gares et des établissements de santé. Selon les chiffres du système judiciaire russe, plus de 3 000 personnes ont été condamnées pour ce type d’infractions en Fédération de Russie depuis 2015 (Conseil de l’Europe, CDCT).

4.4 Activités

4.4.a. Types d’attentats et d’armements

La nature des attaques terroristes en Europe a évolué de manière notable depuis la vague de violence perpétrée par l’EIIL/Daech en 2015-2016. Alors que 2015 et 2016 ont été marquées par des attaques coordonnées à grande échelle par l’EIIL/Daech, impliquant plusieurs assaillants et complices, les années suivantes ont vu une évolution vers des attentats à petite échelle perpétrés par des acteurs isolés, utilisant une variété d’armes faciles à se procurer telles que des véhicules, des armes blanches et des explosifs artisanaux. Cette évolution vers l’utilisation d’armes faciles à se procurer est le résultat direct des instructions du commandement de l’EIIL/Daech. Dans une vidéo publiée en janvier 2015, le porte-parole de l’EIIL/Daech, Abu Muhammad al-Adnani, encourageait les attaques par tous les moyens simples disponibles, y compris « un engin explosif, une balle, un couteau, une voiture, une pierre, ou même une botte ou un poing ». Bien que moins répandues que d’autres types d’armes, les armes à feu sont restées associées au terrorisme européen en raison de leur plus grande accessibilité. 

Les armes blanches (couteaux, haches, machettes ou hachoirs) sont de plus en plus utilisées dans les attentats terroristes perpétrés en Europe depuis 2014. Une étude portant sur le mode opératoire d’Al-Qaida et de l’EIIL/Daech a constaté une augmentation de l’utilisation de couteaux dans les attaques terroristes en Europe (31 % des attentats entre 2014 et 2016, contre 13 % entre 2008 et 2013) (Nesser et autres, 2016). Depuis cette période, plusieurs attentats ont été commis à l’arme blanche par des acteurs isolés inspirés par l’EIIL/Daech, notamment les attentats de Hanovre (2016), du musée du Louvre à Paris (2017), du London Bridge (2017, en plus de l’utilisation d’une voiture bélier), de Turku, en Finlande (2017) et plus récemment d’une église à Nice (2020), à Dresde (2020) et à Conflans-Sainte-Honorine, en France (2020). Des haches et des hachoirs à viande ont également été utilisés, notamment lors de l’attaque à bord d’un train à Würzburg (2017) et de la tentative d’attentat contre Charlie Hebdo en octobre 2020, respectivement.

Depuis 2014, on constate un déclin de l’utilisation des explosifs et une évolution vers une plus grande utilisation des armes à feu par l’EIIL/Daech dans ses attaques (ibid.). Une étude de 2017 sur l’utilisation des armes à feu par les terroristes en Europe a révélé que la contrebande transfrontalière, le vol, la conversion de fusils à blanc et la réactivation d’armes à feu désactivées avaient contribué à accroître la disponibilité des armes à feu pour les criminels et les terroristes (Duquet et Goris, 2018). Lors des fusillades de janvier 2015 à Paris, par exemple, deux fusils automatiques réactivés et six armes de poing ont été utilisés, le passé criminel des assaillants ayant facilité leur accès aux armes à feu. L’utilisation d’armes à feu dans les attaques menées au cours des derniers mois, notamment la fusillade de Vienne de novembre 2020, a mis en évidence la capacité permanente des acteurs isolés à accéder à ce type d’armes.

Si le nombre d’attentats à l’explosif tend à diminuer, certaines des attaques les plus meurtrières en Europe depuis 2015 ont été perpétrées à l’aide de bombes et d’engins explosifs improvisés (EEI). C’est notamment le cas des attentats de novembre 2015 à Paris, de mars 2016 à Bruxelles, des attentats de la Manchester Arena et de Parsons Green en 2017, ainsi que des attentats de 2015 à la gare d’Ankara. Parmi d’autres attaques impliquant des explosifs, citons l’attentat à la bombe du métro de Saint-Pétersbourg en avril 2017 et l’explosion d’une bombe dans un supermarché de la même ville en décembre 2017. Dans la majorité des attentats perpétrés en Europe, les assaillants ont fabriqué des explosifs artisanaux à partir de substances chimiques présentes dans bon nombre de produits commercialisés. Par exemple, des explosifs artisanaux à base de triacétone triperoxyde (TATP) ont été utilisés dans les attentats de Barcelone, Manchester et Parsons Green (Royaume-Uni) en 2017 (Bryce, 2017), ce qui a poussé l’UE à imposer des restrictions sur la commercialisation de certains produits. L’attentat à la bombe du supermarché de Moscou aurait été perpétré avec un engin explosif artisanal caché dans un sac à dos et placé à l’intérieur d’un casier dans le magasin. 

Bien que la méthode ne soit pas nouvelle, les attaques à la voiture bélier font l’objet d’une attention croissante en Europe depuis 2016 et leur première utilisation par l’EIIL/Daech sur le continent. Le premier attentat majeur perpétré de la sorte en Europe occidentale a eu lieu à Nice en juillet 2016, lorsqu’un acteur isolé a utilisé un camion pour foncer sur la foule dans une zone piétonne, tuant 86 personnes et en blessant des centaines – ce qui en fait l’un des attentats les plus meurtriers en Europe au cours de la dernière décennie. Après l’attentat de Nice, plusieurs attaques dirigées ou inspirées par l’EIIL/Daech ont impliqué des véhicules loués ou détournés, comme l’attentat du marché de Noël de Berlin, les attentats de Westminster et du London Bridge, ou encore l’attentat au camion de Stockholm en 2017. Un certain nombre d’attaques ont eu recours à plusieurs armes simultanément, associant la voiture bélier aux fusillades, aux coups de couteau et aux bombes, comme lors de l’attaque de Barcelone en 2017.   

Fait notable, les armes technologiquement sophistiquées, telles que des produits nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques (NRBC), des drones ou des missiles, sont très largement absentes des attentats perpétrés en Europe, même si des inquiétudes concernant l’utilisation d’armes NRBC ont entouré un petit nombre d’attentats, dont ceux de Bruxelles en mars 2016. L’EIIL/Daech a construit une flotte de petits drones qu’il utilise à diverses fins, notamment de propagande et de démonstration de savoir-faire technologique (Archambault et Veilleux Lepage, 2020). En Iraq et en Syrie, l’EIIL/Daech a également utilisé des armes chimiques et des drones simultanément pour bombarder des cibles. Le succès limité des attaques en Europe suggère une insuffisance des capacités pour mener à bien ce type d’attentat, mais il ne peut être complètement exclu. En 2018, un agent de l’EIIL/Daech a réussi à fabriquer un agent biologique (ricine) à Cologne, en Allemagne (BBC News, 2018). Des drones commerciaux faciles à trouver peuvent aussi être utilisés dans des attaques. Au Royaume-Uni, un individu soupçonné d’être un sympathisant de l’EIIL/Daech a été accusé de tentative d’attentat par drone en modifiant un drone commercial (Dearden, 2020). Des attaques de drones et de missiles, à la fois du PKK et de l’EIIL/Daech, visant des bâtiments / des officiels turcs depuis les frontières voisines ont également été signalées (Hambling, 2020). 

À l’instar des tendances observées au sein de l’EIIL/Daech, le terrorisme d’extrême-droite s’appuie sur des armes et des stratégies d’attaque simples, facilement accessibles aux petites cellules et aux acteurs isolés. En Allemagne, l’extrême-droite violente a principalement recours à « des stratégies de petites unités », c’est-à-dire des engins explosifs improvisés et incendiaires. Le rapport de 2019 du gouvernement allemand a noté une diminution des incendies criminels et des assassinats ciblés. Au cours des cinq dernières années, les attentats meurtriers perpétrés par l’extrême-droite en Europe ont été menés avec des armes à feu (meurtre du Dr Lübcke à Wolfhagen, 2019, Halle, 2019 et Hanau, 2020). Des couteaux ont été utilisés dans une série d’attaques violentes attribuées à l’extrême-droite, comme le coup de couteau d’Avignon en France en octobre 2020 et le coup de couteau de Surrey en août 2019 (BBC News, 2019). Les attaques meurtrières d’extrême-droite impliquent de plus en plus des d’armes à feu, tandis que le nombre d’attentats à l’arme blanche a diminué (Ravndal et autres, 2020).

Le mode opératoire des attaques isolées inspirées par l’idéologie d’extrême-droite violente révèle à quel point il est facile de se procurer des armes et d’obtenir des instructions pour fabriquer de nouveaux types d’armes. Le tireur de Halle a utilisé une arme artisanale imprimée en 3D pour perpétrer son attaque, tandis que l’assaillant de Hanau aurait appartenu à un club de tir pendant plusieurs années et détenait légalement trois armes. Les liens qu’entretiennent les groupes violents d’extrême-droite et les terroristes avec les forces de l’ordre ou l’armée peuvent également leur donner accès à des armes sophistiquées. Des attentats terroristes déjoués et des activités violentes d’extrême-droite permis aux forces de l’ordre de découvrir des caches d’armes dans différents pays, notamment en Italie (Giuffrida, 2019) et en Autriche (Reuters, 2020), ce qui confirme que des groupes et des individus d’extrême-droite violents ont accès à des armes. Dans certains cas, des armes ont pu être acquises par des acteurs de l’extrême-droite violente ayant des liens avec l’armée (Bennhold, 2020).

La pandémie de covid-19 a également prouvé qu’une nouvelle crise pouvait nourrir de nouveaux types d’attaques. Certains groupes violents d’extrême-droite ont envisagé d’utiliser le coronavirus comme arme biologique pour cibler des communautés minoritaires et les services de sécurité (The Soufan Centre). Bien qu’aucune attaque de ce type ne se soit concrétisée en Europe, la multiplicité des tentatives de recrutement et d’incitation en ligne au terrorisme d’extrême-droite laisse entrevoir de nouvelles menaces et de nouveaux risques d’utilisation du virus comme arme. Si l’on peut douter de la capacité des groupes violents d’extrême-droite et des terroristes à utiliser des armes sophistiquées telles que les armes NRBC et si l’on ne connaît aucune attaque d’extrême-droite violente réussie en Europe impliquant ce type d’armes, un petit nombre de projets d’attentats menés par l’extrême-droite violente aux États-Unis ont impliqué des tentatives d’utilisation d’armes radiologiques, ce qui ouvre la porte à ce type d’action en Europe. Les groupes violents d’extrême-droite ont également expérimenté diverses armes biologiques, mais ces expériences sont restées limitées. À titre d’exemple, un membre du groupe néonazi basé au Royaume-Uni, Aryan Strike Force, a été condamné pour avoir fabriqué des agents biologiques dans le cadre d’un projet d’attentat contre des communautés musulmanes et juives (Ong et Azman, 2020).

4.4.b. Cibles des attentats

Si les terroristes attaquent aussi bien des cibles difficiles que des cibles vulnérables, ces dernières (notamment les infrastructures critiques) sont davantage choisies par les terroristes de tous bords. Faciles d’accès et peu protégées, elles offrent aux assaillants la possibilité de maximiser les pertes humaines et de frapper en plein cœur des sociétés. Les attaques contre des cibles vulnérables, définies par l’ONU-DECT comme des « espaces publics ou autres lieux faciles d’accès et fréquentés principalement par des civils, avec souvent des mesures de sécurité limitées » (ONU-DECT, Note analytique), ont été identifiées comme une menace importante par le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui a appelé dans la résolution 2396 (2017) à une action concertée des gouvernements pour prendre des mesures d’atténuation et d’intervention d’urgence face aux attaques contre des cibles vulnérables et des infrastructures critiques. Une étude portant sur 246 attaques planifiées et exécutées en Europe occidentale entre 1994 et 2016 a révélé que les cibles vulnérables étaient


privilégiées par les groupes et les acteurs isolés, observant que 88 % des attaques visaient ce type de cible, une proportion qui a augmenté de façon notable à partir de 2014. Du côté des cibles dites « difficiles », ce sont les compagnies aériennes commerciales qui ont été le plus souvent attaquées de manière systématique (Hemmingby, 2017). Le renforcement de la sécurité autour des cibles difficiles a réduit la probabilité de réussite des attaques et a donc intensifié les attaques contre les cibles vulnérables.

Depuis 2016, les terroristes dirigés ou inspirés par l’EIIL/Daech ont de plus en plus tendance à viser toute une série de cibles vulnérables situées dans des espaces publics urbains, telles que les zones piétonnes, les lieux de divertissement, les aéroports et les centres commerciaux. Les infrastructures critiques et les forces de l’ordre ont également été prises pour cibles. En août 2018, quatre policiers ont été blessés dans une attaque revendiquée par l’EIIL/Daech contre les forces de l’ordre en Tchétchénie, qui combinait une agression au couteau, une tentative d’attentat-suicide et une tentative délibérée d’écraser deux agents avec une voiture (Nechepurenko, 2018). Le ciblage des infrastructures critiques reste une stratégie majeure des terroristes. Les attentats de mars 2016 à Bruxelles, au cours desquels deux équipes de l’EIIL/Daech ont attaqué simultanément l’aéroport de Zaventem et le métro de Maelbeek, visaient les infrastructures de transport du pays. Certains acteurs isolés dirigés ou inspirés par l’EIIL/Daech ont également réussi à attaquer des cibles protégées par une sécurité renforcée (par exemple, des bâtiments officiels). En octobre 2019 à la préfecture de police de Paris, un employé du service informatique titulaire d’une habilitation de sécurité a poignardé à mort trois de ses collègues avec un couteau en céramique qui n’avait pas été détecté par les détecteurs de métaux.

Les données existantes suggèrent que la menace d’attaque terroriste contre des cibles difficiles reste peu élevée dans un contexte de renforcement des protocoles de sécurité et de protection, notamment dans le champ de l’aviation civile. Si les attaques contre l’aviation civile et les détournements d’avions ne sont pas une nouveauté en Europe, avec de multiples attaques et tentatives menées par Al-Qaida dans les années 2000 (Arasly, 2005), le renforcement de la sécurité autour de l’aviation civile a fait des avions commerciaux une cible nettement moins intéressante pour les attentats. L’adoption par les terroristes de nouvelles technologies et d’explosifs plus sophistiqués pourrait toutefois entraîner une recrudescence des menaces d’attentats. Les endroits non sécurisés dans les aéroports continuent de représenter une cible vulnérable de choix pour les terroristes, comme l’ont rappelé les attaques à la bombe à l’aéroport de Bruxelles en mars 2016. D’autres exemples d’attaques déjouées contre des aéroports ont été signalés. En 2020, par exemple, les autorités suisses ont indiqué avoir déjoué un attentat lié à l’EIIL/Daech visant à faire exploser des dépôts pétroliers à l’aéroport international de Genève (Mabillard, 2020).

Les terroristes d’extrême-droite se sont également très largement tournés vers des cibles vulnérables, en menant des attaques contre des lieux publics et des lieux de culte. Selon Ravndal et autres, les cibles des attaques de l’extrême-droite violente peuvent être classées en cinq grandes catégories : les minorités ethniques et religieuses, les opposants politiques, les institutions étatiques, les minorités sexuelles et les groupes vulnérables (comme les sans-abris ou les personnes handicapées). En Europe occidentale, trois principaux groupes de victimes se distinguent comme étant les plus fréquemment ciblés par les auteurs de violences d'extrême droite : les immigrés, les sympathisants de gauche et les sans-abri (Bjørgo et Ravndal, 2019). Plusieurs lieux associés aux groupes susmentionnés, dont des lieux de culte, ont été la cible d’attaques et de tentatives d’attentats terroristes. En Allemagne, l’attentat de Halle en octobre 2019 visait une synagogue, tandis que l’attentat de Baerum en Norvège était dirigé contre une mosquée. La France a été le théâtre d’un attentat manqué contre une mosquée dans la ville de Bayonne, dans le sud du pays, quelques jours après l’attentat de Halle, tandis qu’une douzaine de personnes ont été arrêtées en Italie fin novembre 2019, car elles auraient planifié de faire exploser une mosquée dans la province de Sienne.

Les assassinats et le ciblage de personnalités politiques libérales par des individus inspirés par des idéologies de l’extrême-droite violente ont tendance à se généraliser dans plusieurs pays. Les assassinats de personnalités politiques favorables à l’immigration – dont la députée britannique Jo Cox, le politicien régional allemand Walter Lübcke et le maire polonais de Gdańsk Paweł Adamowic – perpétrés par des individus soupçonnés de liens avec des idéologies d’extrême-droite violente illustrent la menace d’assassinats à motivation idéologique. Des groupes violents d’extrême-droite, dont National Action et Atomwaffen Division, qui ont été déclarés « organisation terroriste » par plusieurs gouvernements, ont proféré des menaces contre des hommes politiques (Sabbagh, 2019).

4.4.c. Interaction entre les stratégies en ligne et hors ligne lors des attaques

Ces dernières années ont vu une combinaison de stratégies en ligne et hors ligne déployées dans les attaques terroristes et l’incorporation de stratégies en ligne dans l’exécution des attaques. Le premier attentat terroriste diffusé en direct dans le monde a été le massacre de Christchurch en Nouvelle-Zélande en mars 2019, retransmis par l’assaillant sur Facebook. La ludification, ou « l’utilisation de paramètres de jeux dans des contextes non ludiques », est devenue une caractéristique des attaques de l’extrême-droite violente. Adoptant le même mode opératoire que le tireur de Christchurch, les assaillants d’El Paso (États-Unis) et de Halle ont diffusé leur attaque sur des plateformes en ligne. Tandis que l’attentat de Halle a été regardé en direct sur Twitch par quelques personnes seulement, la vidéo a été vue plus de 2 000 fois avant d’être retirée par la plateforme. Les agresseurs impliqués dans des attaques meurtrières d’extrême-droite se sont insérés dans des communautés extrémistes violentes en ligne sur des plateformes telles que Gab et 8chan (8kun) et ont embrassé des sous-cultures en ligne glorifiant la violence, où les références et le langage propre aux jeux abondent.

Si le recours à des stratégies inspirées de jeux dans le recrutement et la propagande des groupes terroristes n’est pas nouveau et a déjà été adopté par l’EIIL/Daech, la généralisation des références aux jeux dans les communautés en ligne violentes décentralisées, en particulier l’extrême-droite violente, est un phénomène plus récent. Un rapport de la Commission européenne a constaté que la ludification « ne faisait partie de la « boîte à outils » des extrémistes que depuis peu » (Schlegel, 2021). Ce lien entre terrorisme et jeu avait pu être établi dans quelques cas. L’auteur de l’attentat de 2011 en Norvège a déclaré s’être entraîné à son attaque en jouant à des jeux vidéo. Un an plus tard, en France, l’auteur des fusillades de Toulouse et de Montauban a filmé son attaque avec une caméra GoPro et l’a mise en ligne. Dans les attentats de Christchurch, d’El Paso et de Halle, toutefois, l’utilisation de plateformes en ligne pour diffuser en direct les attaques a dévoilé un nouvel aspect de la ludification du terrorisme, les assaillants interagissant avec un public en ligne pendant l’attaque.

Après les attaques, les assaillants, qui ne sont pas dirigés par des organisations, sont glorifiés dans les sous-cultures en ligne. Tandis que certaines sources affirment que des chaînes Telegram de l’extrême-droite violente ont élevé l’agresseur de Halle au rang de « saint » (Owen, 2019), cela n’a pas été confirmé lors des procédures pénales correspondantes. Ceci dit, diverses communautés en ligne tiennent des scores virtuels sur le nombre de victimes d’attaques d’extrême-droite – les utilisateurs exprimant le désir de « battre le score » des assaillants précédents. Ce phénomène est très répandu sur des plateformes telles que 8chan/8kun, des plateformes de jeux comme Discord, des plateformes de réseaux sociaux, notamment Gab et Reddit, et les forums de discussion privés d’applications cryptées telles que WhatsApp (Schlegel, 2021), ce qui illustre le rôle des sous-communautés en ligne en tant qu’accélérateurs d’un extrémisme violent conduisant au terrorisme.

Des enquêtes ont également été menées sur des attaques en ligne menées par des groupes et des individus terroristes. Après le recul territorial de l’EIIL/Daech, le rapprochement du groupe avec le cyberespace et le risque de le voir lancer des cyberattaques ont généré de fortes inquiétudes. Quelques tentatives notables ont démontré l’exploitation de compétences avancées en matière de piratage et de cyberterrorisme, les groupes ayant recours au « doxing » (c’est-à-dire la divulgation d’informations privées), à la défiguration de sites internet et au piratage de comptes de réseaux sociaux. Les pirates (hackers) liés à l’EIIL/Daech sont déjà parvenus à pirater des hébergeurs pour « défigurer » des sites internet, détourner des hashtags et inonder de propagande les réseaux sociaux. En 2014, le United Cyber Caliphate, un groupe en ligne affilié à l’EIIL/Daech, a réussi à prendre temporairement le contrôle des comptes des réseaux sociaux de l’armée américaine, bien qu'il n'y ait pas eu d'intrusion dans les systèmes gouvernementaux. En avril 2015, l’EIIL/Daech a lancé une attaque contre la chaîne de télévision française TV5 Monde (Chrisafis et Gibbs, 2015). Les hackers de l’EIIL/Daech ont également publié diverses listes de personnes à abattre et obtenu les noms et informations personnelles d’agents du gouvernement (Alexander & Clifford, 2019). Malgré ces exemples, aucune cyberattaque d’importance n’a été portée contre les infrastructures critiques en Europe.

Si la probabilité de cyberattaques sophistiquées reste faible, les sympathisants terroristes dotés de compétences techniques peuvent se tourner vers des stratégies en ligne comme le doxing, qui nécessitent peu de ressources et de capacités. En mars 2019, le FBI a arrêté dans l’État américain de Géorgie un membre du collectif de hackers affilié au United Cyber Caliphate, soupçonné d’avoir coordonné la publication d’une liste de personnes à abattre, avec des pirates informatiques affiliés à l’EIIL/Daech dans des pays comme la Norvège ou les Pays-Bas (Alexander et Clifford, 2019). Les groupes et réseaux terroristes et violents d’extrême-droite ont eu recours au même genre de stratégies en ligne. Les partisans du groupe britannique Britain First ont utilisé les plateformes de réseaux sociaux pour lancer des appels à « doxer » certaines personnes (Nouri et autres, 2019). Les nouvelles technologies peuvent être utilisées par les terroristes de tous bords. Si de nombreuses recherches sur le sujet restent de l’ordre de la spéculation, les technologies basées sur l’intelligence artificielle (IA), comme les « deep fakes » (vidéos truquées hyperréalistes), pourraient être exploitées pour produire des contenus trompeurs visant à recruter de nouveaux membres, à inciter à la violence et à susciter des attaques, et à nourrir des campagnes d’intimidation (Chesney et Citron, 2019). La recherche a également révélé que les deep fakes pouvaient être utilisées pour inciter à la violence et soutenir les idéologies des groupes extrémistes violents et terroristes (Ciancaglini et autres, 2020).


5. Nouvelles crises et idéologies

5.1 Exploitation des nouvelles crises par les terroristes : la pandémie de covid-19

La crise de la covid-19 a profondément affecté le paysage géopolitique et conflictuel mondial, influençant par la même occasion les tendances du terrorisme international. Alors que la crise se poursuit, les effets à long terme de la pandémie restent difficiles à prévoir et ne se manifestent que lentement. La pandémie est présentée à la fois comme un défi et comme un atout, l’ONU-DECT estimant qu’elle offre aux acteurs terroristes autant de perspectives que de risques à court terme. Si les mesures de confinement et les restrictions de déplacement à travers l’Europe ont entamé la capacité des terroristes à mener des attaques conventionnelles, la dépendance accrue des sociétés à l’égard d’internet et le temps passé en ligne ont donné aux groupes, réseaux et individus terroristes des possibilités inédites pour, d’une part, recruter de nouveaux membres et, d’autre part, utiliser la pandémie pour étayer leurs idéologies et inciter à la violence en tirant parti de l’anxiété sociale et des pressions pesant sur les infrastructures (ONU-DECT, 2020). Par ailleurs, la fermeture des écoles et l’apprentissage à distance ont augmenté le risque d’exposition des jeunes à des messages terroristes en ligne (ONU-DECT, 2020). Malgré les mesures de confinement, les récents attentats de Conflans-Sainte-Honorine, Nice et Vienne ont montré la capacité des terroristes à exploiter la moindre occasion entre deux confinements pour mener des attaques. La fusillade de Vienne, par exemple, s’est produite quelques heures avant que le pays n’entre dans une nouvelle période de confinement. La pandémie de covid-19 a également entraîné une aggravation des conditions dans les camps et les sites de détention du nord-est de la Syrie où sont détenus les CTE et leurs familles. Les conditions de détention dégradantes dans ces camps pourraient constituer une voie potentielle pour la propagation d'idéologies terroristes et la promotion de la radicalisation.

Les groupes et réseaux terroristes ont utilisé la pandémie pour défendre leurs idéologies. Al-Qaida et l’EIIL/Daech ont tous deux initialement publié des déclarations publiques officielles sur la pandémie sur leurs canaux médiatiques, soulignant le risque associé au virus, tout en cherchant à utiliser la pandémie pour recruter de nouveaux membres et encourager des attaques. Dans des déclarations en anglais, Al-Qaida a attribué la responsabilité de la pandémie à l’oppression exercée sur les musulmans et à la décadence de l’Occident, et a appelé les habitants du « monde occidental » à profiter des périodes de confinement pour se convertir. L’EIIL/Daech a utilisé divers termes idéologiques pour désigner la pandémie, à mesure que la situation sanitaire évoluait dans le monde. Lorsque la pandémie s’est propagée à travers l’Europe dans les premiers mois de l’année 2020, le groupe a publié des déclarations dans sa lettre d’information Al-Naba, présentant le virus comme un châtiment de Dieu infligé aux « nations croisées », un « soldat d’Allah ». Des groupes comme Al-Qaida, l’EIIL/Daech et ses affiliés au Moyen-Orient, notamment Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ont également cherché à souligner les défaillances des états démocratiques et à se présenter comme des prestataires de services alternatifs (ibid.). L’EIIL/Daech a d’abord exhorté ses partisans à ne pas se rendre en Europe pour y commettre des attentats, appelant ses adeptes en Iraq et en Syrie à libérer les prisonniers détenus dans des camps. Le groupe a également encouragé ses partisans en Europe à mener des attaques contre des infrastructures affaiblies (Avis, 2020). Dans l'ensemble, cependant, le discours d'Al-Qaida et de l'EIIL/Daech sur la pandémie s'est affaibli depuis le milieu de l'année 2020. Il y a eu peu d'attaques en Europe, voire aucune, inspirées par l’EIIL/Daech et pouvant être directement liées à la pandémie (King et Mullins, 2021). Les affiliés d'Al-Qaïda et de l'EIIL/Daech à travers le monde n'ont pratiquement pas été affectés par la pandémie, les conflits restant sur leurs trajectoires pré-pandémiques.

En Europe, les groupes, réseaux et acteurs terroristes issus de l’extrême-droite violente ont imputé la pandémie aux communautés migrantes et minoritaires, juives, musulmanes, asiatiques et immigrées (Katz, 2020). Les adeptes de l’extrême-droite violente ont utilisé et favorisé diverses théories du complot (Cruickshank et Rassler, 2020). Le courant de l’extrême-droite violente – ou « accélérationnisme » –, qui défend l’idée que la démocratie est un échec et que les groupes devraient accélérer sa disparition en encourageant la violence et les conflits, a utilisé la pandémie de covid-19 pour encourager les attaques (DSI, 2020). En Europe, des groupes terroristes et violents d’extrême-droite ont également utilisé des canaux en ligne pour préconiser des attaques contre des minorités. Au Royaume-Uni, par exemple, le mouvement néonazi British National Socialist Movement utilise Telegram pour appeler à des attaques contre les Juifs (Ehsan, 2020). Les groupes violents d’extrême-droite ont également évoqué l’utilisation de la covid-19 comme arme biologique pour cibler les forces de l’ordre et les communautés non blanches (The Soufan Center). Des appels à utiliser le virus comme une arme contre les minorités religieuses et ethniques sont apparus sur une série de plateformes alternatives en ligne et d’applications de messagerie telles que 8chan et Telegram. Les utilisateurs en ligne ont également encouragé d’autres individus à mener des attaques conventionnelles (Kruglanski et autres, 2020).

La pandémie s’est également révélée un terrain fertile pour les tentatives de recrutement terroriste en ligne, quelle que soit l’idéologie défendue. Depuis le début de la pandémie, l’utilisation d’internet a connu une forte augmentation partout dans le monde, y compris chez les jeunes. Un rapport des Nations Unies a conclu « qu’un public captif, en proie à des inquiétudes et à des incertitudes pendant la période de distanciation sociale, peut constituer un terrain fertile pour la radicalisation ». Les réseaux violents d’extrême-droite ont particulièrement développé leur présence en ligne pendant la pandémie et démultiplié leurs efforts de recrutement (Comerford, 2020). Les tentatives de l’extrême-droite violente d’instrumentaliser la pandémie comme arme ont été principalement observées sur des réseaux en ligne transnationaux décentralisés, reflétant une évolution plus générale vers des modes d’activité post-organisationnels. Les chaînes Telegram des suprémacistes blancs ont vu leur nombre d’utilisateurs augmenter – une chaîne dédiée aux messages sur la covid-19 a vu sa base d’utilisateurs augmenter de 800 % dans les premiers jours de la pandémie (Perrigo, 2020).

Alors que les précédents schémas d’attaques démontraient la préférence des terroristes pour certains types de cibles vulnérables, la pandémie a suscité des inquiétudes autour de nouveaux types d’infrastructures critiques susceptibles d’être visées, notamment les hôpitaux et les centres de vaccination. Si aucune attaque de ce genre ne s’est produite en Europe, il en a été autrement dans d’autres régions. En mars 2020, le FBI aurait empêché un attentat à la bombe contre un hôpital dans la région de Kansas-City (BBC News, 2020), préparé par un individu motivé par une combinaison de croyances conspirationnistes et d’idéologies violentes d’extrême-droite. Europol a également mis en garde contre le risque de cyberattaques visant des hôpitaux, les pays européens ayant déjà signalé plusieurs incidents – qui n’avaient aucun lien avec des motivations terroristes (Europol, 2020). Les appels à la violence contre certaines minorités et des communautés religieuses ont également soulevé des inquiétudes quant à une éventuelle augmentation de ces attaques.

5.2 Les idéologies de l’extrême-droite violente

5.2.a. L’utilisation de « manifestes » idéologiques dans le terrorisme d’extrême-droite

Le terrorisme d’extrême-droite est de plus en plus préoccupant dans de nombreuses régions d’Europe. Nous l’avons vu, la littérature décrit l’extrémisme violent d’extrême-droite et le terrorisme d’extrême-droite comme une grande « famille » idéologique caractérisée par le racisme et la haine envers les minorités, la xénophobie, l’islamophobie ou l’antisémitisme. Les auteurs de plusieurs attaques meurtrières d’extrême-droite ont utilisé des documents (parfois appelés « manifestes ») pour partager leur idéologie et faire référence à des attaques antérieures, telle que celle perpétrée par Anders Breivik en 2011. Les assaillants de Christchurch, El Paso, Poway et Halle ont rédigé ce type de documents, tous en anglais et faisant l’apologie de la suprématie blanche et des idées néonazies. Si l’utilisation de documents fait l’objet d’une attention croissante depuis les attentats de Christchurch, cette pratique a déjà plusieurs précédents en Amérique du Nord et en Europe, que ce soit la fusillade de Charleston de juin 2015 ou l’attentat de juillet 2011 en Norvège (Ware, 2020), dont l’auteur avait écrit un document de 1 516 pages exprimant des convictions d’extrême-droite violente.

Récemment, des assaillants issus de l’extrême-droite violente ont fait référence à un certain nombre d’œuvres publiées. The Turner Diaries, un roman publié en 1978, a été cité par les auteurs de plus de 200 meurtres depuis sa publication (Berger, 2016). Siege, un livre publié en 1992 par le néonazi James Mason, a inspiré des mouvements violents d’extrême-droite, en particulier ceux qui ont embrassé l’idéologie de l’accélérationnisme ou encore des groupes comme Atomwaffen Division (Ware, 2020). Ces textes ont été utilisés pour matérialiser les idéologies et justifier les attaques. Les analyses de ces soi-disant manifestes publiés avant les attaques révèlent également un certain nombre de points communs, à savoir l’évocation d’un prétendu choc des races ou des civilisations, l’invocation de la défense de l’héritage « européen » pour justifier les attentats, la référence à l’actualité politique et la désignation des attentats comme moyen d’autodéfense ou dernier recours (ibid.).

Si les références idéologiques utilisées par les auteurs d’attentats pour justifier leurs actes sont variées, le recours à des points de ralliement idéologiques spécifiques fait l’objet d’une attention croissante. À l’instar des auteurs des attentats de Christchurch, Poway et El Paso, le manifeste du tireur de Halle fait la part belle aux théories du complot du « grand remplacement » et du « génocide blanc », selon lesquelles les Européens blancs seraient en train d’être culturellement et ethniquement éradiqués par des populations non blanches et non chrétiennes. La théorie du grand remplacement, qui a vu le jour en France, a été adoptée par divers groupes transnationaux, tels que Génération Identitaire (Davey et Ebner, 2019). D'autres éléments communs incluent la préservation de la culture européenne, des références au dialogue politique en cours, et le portrait de leurs actions en tant qu'autodéfense et actes de dernier recours (Ware, 2020). Outre l’adhésion à des références idéologiques communes, l’utilisation de modes opératoires similaires via la diffusion de « manifestes » en anglais et le recours à des plateformes en ligne pour retransmettre les attaques en direct ont donné naissance à un nouveau modèle d’attaques violentes d’extrême-droite.

5.2.b. Nouveaux modèles d’attaques fondés sur un phénomène d’imitation

La vague d’attaques menées par l’extrême-droite violente à travers le monde – qui a débuté à Christchurch – a mis en évidence l’émergence de nouveaux modèles d’attaques fondés sur l’imitation, où les auteurs d’attaques violentes d’extrême-droite s’inspirent d’assaillants précédents (effet « copycat ») dont les « manifestes » circulent très largement en ligne. Le « manifeste » de l’auteur de l’attentat de 2011 en Norvège a inspiré un certain nombre d’attaques violentes et de tentatives d’attentat d’extrême-droite partout dans le monde. L’auteur du massacre de Christchurch s’est en partie inspiré de Breivik et a adopté un mode opératoire similaire (Veilleux-Lepage et autres, 2020), tout comme le lieutenant des garde-côtes américains Christopher Hasson, qui avait planifié un attentat de masse (Berger, 2019) quelques semaines avant Christchurch, mais qui a échoué dans son exécution. Le tireur qui a ouvert le feu dans la synagogue de Halle a retransmis son attaque en direct, tout comme l’assaillant de Christchurch. Après la tuerie de Christchurch, les auteurs d’attaques violentes d’extrême-droite se sont mis à annoncer en ligne leurs projets d’attentat, via diverses plateformes et forums de discussion. Par exemple, l’assaillant de Baerum avait annoncé son attaque sur le forum de discussion Endchan et l’assaillant de Halle avait publié sur la banque d’image en ligne Meadhall juste avant son attaque.

Les réseaux violents d’extrême-droite et les utilisateurs en ligne qui soutiennent les assaillants contribuent à diffuser largement leurs manifestes : après les attentats de Christchurch, les utilisateurs de 8chan ont fait circuler le manifeste de l’assaillant. Dans les heures qui ont suivi le massacre, la vidéo des attaques de Christchurch a été téléchargée sur YouTube au rythme d’une fois par seconde, et plus de 1,2 million de vidéos de l’attaque ont circulé sur Facebook (Conway et autres, 2019). Des traductions du manifeste de l’assaillant sont parues en ligne dans au moins 15 langues, dont le français, l’allemand et l’espagnol, et ont été partagées par des réseaux d’extrême-droite violente pour tenter d’inspirer des attaques similaires. Des assaillants violents d’extrême-droite ont été cités par certains individus tentant d’inspirer des attaques similaires en Europe. En octobre 2019, deux personnes ont été incarcérées au Royaume-Uni pour avoir encouragé en ligne une attaque du même type que celle de Christchurch (BBC News, 2019).

5.2.c. La cooptation des sous-cultures en lignes

Bien qu’agissant seuls, les assaillants impliqués dans les récents attentats meurtriers d’extrême-droite appartenaient à des communautés en ligne extrémistes peu structurées. Les réseaux d’extrême-droite violente et les membres de ces communautés ont coopté les sous-cultures en ligne des jeunes pour renforcer leur attractivité et exposer de nouveaux publics aux idéologies violentes d’extrême-droite. Il a été démontré que la campagne de harcèlement en ligne Gamergate a joué un rôle clé dans l’exposition des jeunes aux idées violentes d’extrême-droite (Copeland et Marsden, 2020). Les chercheurs ont établi un lien entre les attaques d’extrême-droite et la « culture chan » (du nom des forums de discussion « chan »), une glorification de la violence par le biais de mèmes, d’humour et de satire. Il a été prouvé que les forums de discussion extrémistes sur les sites chan favorisaient l’émergence d’une identité de « groupe » autour de la consommation de contenus violents d’extrême-droite, rendant ces contenus plus accessibles à de jeunes publics imprégnés de culture populaire (Crawford et autres, 2020). L’utilisation de l’humour et de la satire par les extrémistes violents leur permet de brouiller la distinction entre l’ironie et les messages violents (Fielitz et Ahmed, 2021).

5.3 Nouvelles idéologies extrémistes violentes

Cette partie décrit les menaces associées aux défis naissants de l’extrémisme violent. Bien que l’ampleur de ces menaces reste modeste en Europe, elle laisse entrevoir d’éventuelles difficultés en ce qui concerne la perturbation des activités terroristes à l’avenir.

5.3.a. Extrême misogynie

Le rôle des croyances misogynes extrêmes dans le financement des attaques terroristes est de plus en plus étudié. Les communautés en ligne extrêmement misogynes font partie de ce que l’on appelle la « manosphère », qui regroupe une série de sous-communautés, notamment les activistes pour les droits des hommes (MRA), les hommes suivant leur propre voie (MGTOW), les artistes de la drague (PUA) et les célibataires involontaires (incels). Ces dernières années, les auteurs de plusieurs attaques terroristes en Amérique du Nord et en Europe ont adopté des positions extrêmement misogynes et auraient fait partie de communautés d’incels en ligne. C’est notamment le cas de l’agresseur d’Isla Vista en 2014 aux États-Unis et de l’auteur de l’attentat à la camionnette de Toronto en 2018 au Canada. D’autres assaillants ont déclaré s’inspirer des incels, notamment le tireur du lycée Marjory Stoneman Douglas en Floride en 2018 et celui du studio Hot Yoga de Tallahassee en Floride en 2019.

Si la menace d’attentats inspirés par l’extrême misogynie s’est concrétisée par une série d’attaques en Amérique du Nord depuis 2014, elle n’est pas pour autant absente du continent européen. Les documents laissés par l’agresseur de Hanau indiquent qu’il partageait un mélange de points de vue complotistes et racistes. Certes, l’affiliation directe de l’agresseur au mouvement incel n’a pu être établie, mais des rapports confirment que les tropes incels figuraient en bonne place dans son « manifeste » (Ware, 2020). De même, des convictions misogynes figuraient aussi dans le manifeste de l’assaillant de la synagogue de Halle. Dans ce cas, le tireur a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité pour « meurtre avec circonstances aggravantes spécifiques » en relation avec l’un des meurtres, après qu’il ait été constaté que son attitude misogyne répondait aux critères de circonstance aggravante prévus sous cette qualification[6] . Des recherches ont également mis en évidence le lien entre la misogynie extrême et d’autres formes de croyances de l’extrême-droite violente, notamment dans les communautés en ligne (Castillo Díaz et Nahla Valji, 2019).

5.3.b. Théories complotistes et les croyances anti-institutionnelles

La pandémie de covid-19 a entraîné une recrudescence des théories complotistes en ligne, laissant craindre que celles-ci ne viennent alimenter des attentats terroristes. Le coordinateur de la lutte contre le terrorisme de l’UE, Gilles de Kerchove, a mis en garde contre « l’émergence de nouvelles formes de terrorisme, enracinées dans les théories complotistes et la technophobie, et alimentées par la pandémie persistante » (Jasser et autres, 2020). Le responsable de la lutte contre l’extrémisme au Royaume-Uni s’est dit préoccupé par le fait que les théories complotistes pourraient conduire à des attaques terroristes. Aux États-Unis, la théorie complotiste QAnon, qui a vu le nombre de ses adeptes augmenter en Amérique du Nord ainsi que dans certaines parties de l’Europe, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, pendant la pandémie, inquiète le Federal Bureau of Investigation (FBI). Au moins quatre attentats ayant fait l’objet d’une enquête pour terrorisme aux États-Unis semblent avoir été inspirés par le mouvement QAnon (Amarasingam et Argentino, 2020), et la diffusion de thèses QAnon auprès du public européen suscite des inquiétudes quant au risque de voir des attentats similaires survenir en Europe.

La pandémie a donné lieu à une convergence croissante entre les théories complotistes et le terrorisme (Cruickshank et Rassler, 2020). À mesure que le virus s’est propagé en Europe et dans le monde, des théories complotistes ont circulé en ligne, cherchant à fournir une explication à la pandémie. Plusieurs théories du complot ont fleuri parmi les groupes violents d’extrême-droite, dont certaines prétendent que le virus est une invention créée de toutes pièces par des élites de l’ombre. Certaines théories conspirationnistes qui rejoignent partiellement l’extrémisme violent d’extrême-droite, sans y être directement associées, se sont également répandues pendant la pandémie. En Europe, en particulier au Royaume-Uni, plus de 50 incidents de destruction d’antennes 5G commis par des personnes convaincues que les radiations des relais 5G propagent la covid-19 ont été enregistrés. Bien que ces incidents n’aient pas fait l’objet d’une enquête pour terrorisme, il a été démontré que les théories complotistes alimentaient directement la violence terroriste (Amarasingam et Argentino, 2020).

Les auteurs des récentes attaques en Europe ont été motivés par une combinaison d’idéologies d’extrême-droite violente et de croyances complotistes. L’auteur de la fusillade de Halle semble avoir cru en une version antisémite de la théorie complotiste du « grand remplacement » (Allington, 2020) ; l’agresseur de Hanau a exprimé son adhésion à plusieurs croyances conspirationnistes, y compris l’idée qu’un certain « service secret » le surveillait et qu’il avait découvert des complots internationaux pilotés par les gouvernements grâce à des techniques de contrôle mental (Crawford et Keen, 2020). Les attaques menées par l’extrême-droite violente dans le monde occidental dénotent une combinaison de croyances conspirationnistes et de haine. Les réseaux extrémistes violents et les groupes terroristes ont compris le pouvoir des théories complotistes pour faire avancer leurs idéologies. Il est probable que les théories complotistes continueront à être associées aux attaques terroristes, qu’elles soient cooptées par des groupes et des réseaux ou adoptées par des acteurs isolés.

D’aucuns ont également avancé l’hypothèse d’une recrudescence possible de nouveaux types d’activités terroristes anti-institutionnelles – notamment de la part de milices, de mouvements survivalistes et de groupes de citoyens souverains (dont la qualification en tant que menace terroriste ne fait pas l’unanimité) – qui recroisent des groupes et réseaux d’extrême-droite violente bien établis. Certains pays ont fait état de menaces accrues de la part de mouvements de citoyens souverains. En Allemagne, le mouvement Reichsbürger, proche de la mouvance néonazie et de l’extrême-droite violente et dont les membres ne reconnaissent pas l’existence légale de la république fédérale allemande d’après-guerre, fait l’objet d’une attention croissante. En 2020, le gouvernement allemand a interdit le groupe United German Peoples and Tribes (« Geeinte deutsche Völker und Stämme »), affilié au Reichsbürger. Les mouvements visant à s'emparer des institutions de l'État sont également un sujet de préoccupation. À cet égard, la Türkiye a également fait face à une tentative de coup d'État le 15 juillet 2016, perpétrée par un mouvement utilisant un prétexte religieux pour s’emparer des institutions étatiques et lors de laquelle 251 personnes sont décédées et 2 000 autres ont été blessées.


6. Conclusion et recommandations

Le présent rapport offre un aperçu général des tendances contemporaines de l’extrémisme violent conduisant au terrorisme et au terrorisme en Europe et dans d’autres contextes pertinents. Reflétant ces conclusions internationales générales, cette partie présente de manière plus approfondie certaines des principales répercussions politiques pour les membres du Conseil de l’Europe, et formule des recommandations pour les agences gouvernementales, les institutions intergouvernementales, les acteurs du secteur privé et les organisations de la société civile sur l’atténuation des menaces terroristes.

             Actualiser les approches de prévention et d’atténuation face à un ensemble de menaces terroristes en rapide évolution en Europe et dans le monde. L’étude a révélé la nouvelle donne des menaces terroristes en Europe, avec la persistance des menaces d’attentats inspirés par l’EIIL/Daech, la montée du terrorisme d’extrême-droite et l’émergence de nouveaux types de menaces exacerbées par la pandémie de covid-19. Sans préjudice des efforts déployés à ce jour dans ce domaine, les mesures de prévention des menaces terroristes et de lutte contre le terrorisme montrent un certain décalage entre les efforts investis dans la lutte contre l’EIIL/Daech, Al-Qaida et les groupes affiliés et ceux investis dans la lutte contre d’autres menaces terroristes, comme le terrorisme d’extrême-droite. Par exemple, il n’y a toujours pas d’interprétation internationale unifiée des menaces terroristes alimentées par les idéologies violentes d’extrême-droite ainsi que par les idéologies émergentes associées ; et les listes internationales de groupes terroristes (par exemple, la liste des groupes terroristes désignés par l’ONU) ne parviennent pas à saisir la menace posée par les groupes animés par ces autres idéologies. Les réponses en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme doivent tenir compte de ce rééquilibrage des menaces terroristes et continuer à réviser les stratégies de prévention, de poursuite, de réhabilitation et de réinsertion en réponse à ce rééquilibrage.

             Élaborer de nouveaux cadres d’intervention orientés vers l’atténuation de la menace du terrorisme post-organisationnel, en plus de maintenir les efforts visant à combattre les groupes terroristes organisés. L’étude l’a montré, les menaces terroristes, toutes idéologies confondues, ont été marquées par une évolution vers des structures « post-organisationnelles ». Si les groupes organisés restent actifs, les activités terroristes sont de plus en plus menées par des individus n’ayant que peu ou pas de liens avec des groupes connus, qui opèrent essentiellement en ligne et qui sont intégrés dans des communautés extrémistes violentes transnationales peu structurées. Les efforts internationaux de lutte contre le terrorisme restent toutefois axés sur la réponse aux menaces de type organisationnel que représentent l’EIIL/Daech et Al-Qaida, mais ne suffisent pas pour faire face à la menace des réseaux peu structurés. Sans remettre en cause les progrès réalisés dans ces domaines, les cadres juridiques nationaux et internationaux et les mesures antiterroristes traditionnellement axées exclusivement sur les risques associés à l’EIIL/Daech, à Al-Qaida et aux groupes affiliés, doivent être actualisés pour tenir compte de l’évolution des manifestations de l’activité terroriste et de l’extrémisme violent conduisant au terrorisme, y compris les réseaux plus larges en ligne et hors ligne, l'utilisation de propagande et de récits erronés ou déformés ainsi que les communautés et sous-cultures idéologiques dont sont issues ces menaces. 

             Promouvoir des réponses internationales et intersectorielles aux nouvelles menaces et stratégies terroristes. L’étude a mis en lumière la nature de plus en plus transnationale des menaces terroristes qui touchent l’Europe. Les acteurs extrémistes violents et terroristes ont noué des alliances à travers l’Europe et avec leurs pairs d’autres régions. Si des mécanismes de coopération internationale ont bien été mis en place pour les menaces liées à l’EIIL/Daech, Al-Qaida et les groupes affiliés, ces mécanismes sont largement absents lorsqu’il s’agit de l’extrême-droite violente et des menaces émergentes associées. La coopération intersectorielle est essentielle pour atténuer les menaces terroristes émergentes en Europe. L’étude a mis en évidence l’adoption par les terroristes de technologies émergentes innovantes, des plateformes sociales alt-tech aux cryptomonnaies en passant par les plateformes de paiement en ligne. L’évolution rapide des technologies disponibles a mis en évidence la nécessité d’une plus grande coopération entre les gouvernements, les plateformes technologiques établies et émergentes et les experts universitaires pour mettre en œuvre des mécanismes visant à atténuer les risques liés au détournement des technologies émergentes. Des initiatives, telles que le Forum mondial de l’Internet contre le terrorisme, ont permis d’accroître la coopération intersectorielle en matière de détection et de suppression éventuelle de contenus terroristes illégaux associés à des groupes interdits au niveau international sur les plateformes publiques de réseaux sociaux. Ces initiatives ne sont toutefois pas suffisantes pour faire face à une menace de plus en plus diffuse et post-organisationnelle émanant d’acteurs extrémistes violents de tous horizons idéologiques.


             Investir et soutenir des interventions en ligne et hors ligne pour prévenir le recrutement de terroristes. Les cibles du recrutement terroriste se sont diversifiées, et les interventions et les programmes de prévention visant à endiguer le recrutement terroriste doivent être renforcés en ce qui concerne les femmes et les enfants, en plus des hommes. Il convient de mettre davantage l’accent sur les initiatives de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent conduisant au terrorisme qui ciblent les jeunes et les adultes, notamment les programmes de citoyenneté numérique, les communications stratégiques et les contre-récits au terrorisme. À titre d’exemple, nous pouvons citer le Centre pour les programmes de prévention et les partenariats du ministère américain de la sécurité intérieure et son projet de trousse à outils sur la maîtrise des outils numériques, qui vise à aider le grand public à comprendre et à lire les contenus numériques en insistant sur la pensée critique et l’appréciation des sources, y compris des outils permettant d’améliorer les pratiques sûres sur les réseaux sociaux. Des efforts supplémentaires sont également nécessaires pour assurer le succès des programmes de prévention de la radicalisation dans les prisons adoptés par les différentes juridictions et leur extension aux pays dont les programmes sont inexistants ou naissants. Ces efforts devraient porter sur les besoins fondamentaux, tels que la dotation en personnel et la formation adéquate ainsi que sur les aspects plus avancés des programmes, tels que l'évaluation continue des outils d'évaluation des risques, les régimes mis en œuvre et les liens entre la prison et la probation.

             Réévaluer et adapter les politiques de réhabilitation et de réinsertion visant à la déradicalisation et au désengagement. Il est nécessaire de poursuivre et de développer le travail de prévention dans les prisons, qui comprend la gestion des risques, l'évaluation des risques, la réhabilitation, le désengagement et la réinsertion, et qui, de manière stratégique, concerne les délinquants extrémistes violents et terroristes, y compris les CTE appartenant à différents groupes terroristes. Ce travail doit commencer dès les prisons et se poursuivre après la libération. Les prisons ne devant pas être le moteur de la radicalisation vers l'extrémisme violent et le terrorisme, il est nécessaire d'évaluer et d'adapter en permanence les régimes carcéraux, d'éviter la surpopulation et de former le personnel. L'évaluation des résultats obtenus par le biais d'un certain nombre d'efforts en cours pourrait servir à informer de nouvelles initiatives et à identifier les ajustements nécessaires en fonction de tout changement dans le paysage des groupes ciblés (par exemple, le nombre et la perspective de genre). 

             Il est essentiel de développer une approche globale de la gestion des femmes et des enfants qui rentrent chez eux. La dimension de genre dans la gestion des membres de la famille des CTE de retour doit être examinée plus avant, de même que l'identification des lacunes et des meilleures pratiques afin d'augmenter les chances de réussite de la réinsertion des femmes et de leurs enfants. Les enfants étant rentrés doivent faire l'objet d'une attention particulière car ils peuvent avoir besoin d'un soutien à court et à long terme. Un tel soutien adapté pourrait être facilité par le travail au sein de structures multi-agences, permettant aux professionnels de partager des informations.

             Mettre en œuvre des stratégies d’atténuation et de réponse aux crises émergentes. La pandémie de covid-19 a mis en évidence l’habileté des acteurs terroristes de tous bords dès qu’il s’agit de détourner une crise émergente pour intensifier leurs activités. Bien que les effets complets à long terme de la covid-19 restent difficiles à évaluer, la pandémie a nourri des tendances qui resteront probablement pertinentes pour les menaces terroristes internationales. Les politiques de lutte contre le terrorisme doivent être plus adaptables pour minimiser l'impact de la pandémie (et d’autres menaces émergentes) et inclure des mesures préventives pour atténuer l'impact des futures crises mondiales potentielles.  


7. Sources

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[1] Ce document a été classé en diffusion restreinte jusqu'à la date de son examen par le Comité des Ministres.

[2] La sélection s’est limitée aux travaux publiés à partir de 2015.

[3] N’ont été retenus que des documents pertinents pour l’étude des menaces terroristes.

[4] N’ont été retenus que des documents couvrant au moins un État membre du Conseil de l’Europe.

[5] Les documents évalués par les pairs ont été privilégiés. 

[6] Le jugement est légalement contraignant à cet égard.