DÉLÉGUÉS DES MINISTRES

Documents CM

CM(2020)110-final

3 novembre 2020[1]

130e Session du Comité des Ministres
(Athènes (visioconférence), 4 novembre 2020)

 

Déclaration d’Athènes de la Présidence du Comité des Ministres[i] sur :
« Répondre efficacement à une crise sanitaire dans le plein respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit »

 

1.            En ce 70e anniversaire de la Convention européenne des droits de l’homme, le plus important instrument juridiquement contraignant de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur notre continent, nous réaffirmons notre volonté profonde et sans faille de défendre, mettre en œuvre et renforcer davantage les valeurs, les principes et les droits consacrés par la Convention. Par ailleurs, nous soulignons la contribution extraordinaire du système de la Convention à la protection et à la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit en Europe.

2.            Nous notons que cet anniversaire a lieu pendant une crise sanitaire sans précédent, la pandémie de Covid-19, dont les conséquences dévastatrices dans toute l’Europe et dans le monde entier continuent de causer d’immenses souffrances.

3.            Nous adressons nos plus sincères condoléances et toute notre sympathie à toutes les personnes qui ont perdu des proches.

4.            Nous constatons aussi avec tristesse que la crise a entraîné des difficultés et des souffrances supplémentaires pour de nombreux groupes dans nos sociétés, notamment pour les jeunes et les personnes âgées, pour les personnes handicapées, pour celles privées de liberté ou appartenant à des minorités et pour les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Nous avons également été confrontés à de nouvelles vagues de stigmatisation, de xénophobie et de racisme inacceptables, y compris de discours de haine, de crimes de haine et de discrimination pour des motifs fondés sur la religion ou les convictions, alors qu’une déplorable augmentation de la violence domestique et de la violence à l’égard des femmes et des enfants est également à l’origine de notre inquiétude croissante et souligne le rôle important des Conventions d’Istanbul et de Lanzarote. Nous réaffirmons une nouvelle fois notre détermination à lutter contre ces phénomènes, en utilisant l’ensemble des mesures et des instruments pertinents du Conseil de l’Europe.

5.            Pendant la crise, nous avons également été témoins du courage extraordinaire dont ont fait preuve les professionnels de santé ainsi que les travailleurs des secteurs essentiels et les bénévoles, en dispensant secours et soins aux personnes qui souffrent et en veillant aux besoins matériels et médicaux de base de la population.

6.            Nous tenons à leur exprimer notre gratitude sans réserve.

7.            Aujourd’hui, nous réaffirmons notre engagement à respecter nos obligations internationales. Lors d’une crise et de l’état d’urgence qui en découle, toute mesure prise à titre exceptionnel doit être :

-        strictement nécessaire,

-        proportionnée,

-        non discriminatoire,

-        appliquée uniquement pour la période nécessaire et doit prendre fin une fois la situation normalisée,

-        pleinement conforme à la Convention européenne des droits de l’homme et aux autres obligations en matière de droits de l’homme, et

-        constamment réexaminée.

8.            Nous notons que la sécurité nationale et la sûreté publique ne peuvent être efficacement assurées que dans une démocratie qui respecte pleinement l’État de droit. Ce choix impose un contrôle parlementaire de l’état d’urgence proclamé et de sa durée, ainsi qu’un contrôle juridictionnel des mesures prises, afin d’éviter tout abus. Nous reconnaissons qu’il appartient en dernier ressort à la Cour européenne des droits de l’homme d’évaluer et de décider si les mesures prises par les États parties sont conformes à la Convention européenne des droits de l’homme. Nous insistons sur le fait que la Convention européenne des droits de l’homme, en définissant les droits de l’homme auxquels aucune dérogation ne peut être faite, fixe clairement des « lignes rouges » infranchissables, même en période de grave crise de santé publique.

9.            Nous félicitons le Conseil de l’Europe pour le rôle précieux qu’il a joué dans plusieurs domaines liés à la crise provoquée par la pandémie de covid-19. Nous saluons l’action menée par l’Assemblée parlementaire et, en parallèle, par la Secrétaire Générale, la Commissaire aux droits de l’homme et la Commission de Venise notamment, dans le but de conseiller et d’aider les États membres, ainsi que par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et la Conférence des OING. Malgré la pandémie, la Cour européenne des droits de l’homme a continué de travailler efficacement et nous, Comité des Ministres, avons pu poursuivre notre surveillance de l’exécution de ses arrêts, ce dont il convient de se féliciter. Nous reconnaissons les précieuses interventions sur le terrain faites en temps utile par un large éventail d’institutions et d’entités du Conseil de l’Europe, notamment par les mécanismes de suivi et les comités d’experts. Par ailleurs, nous saluons les initiatives de la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé (EDQM) et de la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) dans l’assistance qu’elle a apportée aux États membres.

10.          Nous soulignons la nécessité de garantir le droit à la santé pour tous, et d’autres droits sociaux et économiques, tels que le droit à la protection sociale, à l’éducation et à des conditions de travail sûres et saines, sur la base de l’inclusion, de la non-discrimination, de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. Nous soulignons l’importance de notre coopération pour en assurer le respect, ainsi que celui d’autres droits prévus par la Charte sociale européenne.

11.          Nous reconnaissons l’importance de la société civile ainsi que la nécessité de garantir l’accès à l’information et le droit à la liberté d’expression, en particulier en période de crise sanitaire mondiale, alors que la désinformation et la manipulation de l’information ont mis en danger des vies humaines. Nous saluons également les travaux actuellement menés par le Conseil de l’Europe pour élaborer des normes communes visant à assurer la sauvegarde des droits de l’homme dans le contexte de l’application de technologies innovantes, notamment liées à l’intelligence artificielle, qui peuvent être utilisées pour lutter contre la pandémie. Nous reconnaissons aussi l’impact de cette pandémie sur le secteur de la culture. En ces temps difficiles, nous devons soutenir le monde des arts et de la culture, qui est d’une importance cruciale pour préserver la cohésion de nos sociétés.

12.          Aujourd’hui, nous réaffirmons notre engagement pour l’unité en Europe et pour une plus grande solidarité entre les nations. Nous exprimons une nouvelle fois notre attachement sans faille aux principes de l’État de droit et de la jouissance, par toutes les personnes qui relèvent de notre juridiction, des droits de l’homme et des libertés fondamentales. De plus, nous reconnaissons que la crise actuelle nous a clairement montré la nécessité d’une coopération multilatérale plus efficace et d’une gouvernance à plusieurs niveaux. Nous devons être mieux préparés pour les crises sanitaires et autres situations d’urgence à venir, dont les catastrophes naturelles et technologiques. Nous gardons également à l'esprit que la vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l'humanité à garantir à la fois les droits de l'homme et un environnement sain aux générations futures, et nous reconnaissons que le rôle du Conseil de l'Europe à cet égard est plus important que jamais.

13.          Nous restons préoccupés par les confrontations et les conflits non résolus qui touchent certaines régions du continent. Nous œuvrerons ensemble à la réconciliation et à la recherche de solutions politiques conformes aux normes et aux principes du droit international.

14.          Enfin, nous réaffirmons notre attachement à contribuer à définir les moyens les plus satisfaisants de protéger la santé publique, de maintenir la sécurité démocratique de nos sociétés et d’atténuer les conséquences sociales de la crise, tout en soulignant que les droits de l’homme revêtent une importance essentielle et que les soins de santé doivent être accessibles à tous sans discrimination, y compris aux personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées.



[1] Ce document a été classé en diffusion restreinte jusqu'à la date de son examen par le Comité des Ministres.



[i] Avec le soutien des 43 États membres suivants : Albanie, Andorre, Arménie, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Allemagne, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, République de Moldova, Monaco, Monténégro, Pays-Bas, Macédoine du Nord, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Saint-Marin, Serbie, République slovaque, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Ukraine, Royaume-Uni. La Fédération de Russie a fait une déclaration relative à ce texte.