DÉLÉGUÉS DES MINISTRES

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CM(2019)161-final

22 janvier 2020

Plan d’action stratégique du Conseil de l’Europe sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage[1] (2020-2025)

 

 

Sommaire

1. Contexte. 2

2. Mise en œuvre du Plan d’action thématique sur l’intégration des Roms et
des Gens du voyage (2016-2019) 2

3. Plan d’action stratégique sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2020-2025) 3

4. Principes fondamentaux régissant le Plan d’action stratégique. 4

5. Domaines prioritaires et principales lignes d’action pour 2020-2025. 4

5.1. Lutter contre l’antitsiganisme et la discrimination et favoriser l’égalité réelle et effective. 4

5.2. Soutenir la participation démocratique et renforcer la confiance et la responsabilisation des citoyens. 6

5.3. Soutenir l’accès à une éducation et à une formation inclusives et de qualité. 7

6. Questions transversales. 8

7. Mise en œuvre et suivi du Plan d’action stratégique. 8


1. Contexte

Bon nombre des 10-12 millions de Roms et des Gens du voyage d’Europe sont en situation d’extrême pauvreté et souffrent d’exclusion. L’antitsiganisme largement répandu renforce et aggrave leur dénuement économique et social. Ces inégalités persistent malgré les efforts déployés aux niveaux national, européen et international pour lutter contre les préjugés, la discrimination et les crimes contre les Roms et les Gens du voyage et faire progresser leur intégration.

La Déclaration de Strasbourg sur les Roms[2] adoptée en 2010 a vivement encouragé les gouvernements et les acteurs européens à agir de manière coordonnée et concertée pour soutenir les autorités nationales, ainsi que les pouvoirs locaux et régionaux dans leurs efforts en faveur de l’inclusion sociale et économique des Roms et des Gens du voyage. Elle a été complétée par le Plan d’Action du Conseil de l’Europe pour l’intégration des Roms et des Gens du voyage. Cependant, la mise en œuvre de la Déclaration et du Plan d’action démontre que, dans les quatre principaux domaines où des actions ont été entreprises, à savoir l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et au logement il est nécessaire de développer les initiatives et la coordination. Il faudrait que le Conseil de l'Europe, ses États membres, l’Union européenne et d’autres organisations internationales prennent des mesures supplémentaires et intensifient la coordination afin de faire progresser l’intégration sociale et interculturelle des Roms et des Gens du voyage en Europe. Les projets qui ont fait la preuve de leur efficacité et les exemples de bonnes pratiques devraient être étendus et généralisés.

Il est également rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme et les autres organes de suivi du Conseil de l'Europe observent de près la situation des Roms et des Gens du voyage et interviennent en cas de discrimination ou d’autres problèmes relatifs aux droits de l'homme.

2. Mise en œuvre du Plan d’action thématique sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2016-2019)

Le Plan d’action thématique du Conseil de l'Europe sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2016-2019),[3] approuvé le 2 mars 2016 par le Comité des Ministres, met l’accent sur trois domaines prioritaires (combattre les préjugés, la discrimination et les infractions à l’encontre des Roms et des Gens du voyage (« antitsiganisme »), présenter des modèles novateurs de politiques d’intégration des plus vulnérables et Promouvoir des modèles novateurs de solutions locales) et propose un outil opérationnel concret et pratique pour la mise en œuvre de la Déclaration de Strasbourg sur les Roms de 2010.

La coopération intergouvernementale, le dialogue avec la société civile des Roms et des Gens du voyage et les projets de coopération avec les États membres ont rendu possibles plusieurs réalisations, notamment sur le plan de la lutte contre l’antitsiganisme et dans le domaine de la bonne gouvernance locale, avec la participation active des Roms et des Gens du voyage.

Le Plan d’action thématique a permis une approche cohérente des travaux du Conseil de l’Europe pour l’intégration des Roms et des Gens du voyage, démontrant ainsi la capacité de l’Organisation à utiliser ses instruments et outils pour atteindre cet objectif, ainsi que la mobilisation des États membres pour l’atteindre. Parmi les principales réalisations, notons :

Ø     l’élaboration et l’adoption de nouvelles normes, comme la Recommandation CM/Rec(2017)10 sur l’amélioration de l’accès des Roms et des Gens du voyage à la justice en Europe ;

Ø     la réalisation d’examens par les pairs par le biais des travaux et rapports thématiques du Comité ad hoc d’experts sur les questions relatives aux Roms et aux Gens du voyage (CAHROM) ; et

Ø     l’organisation d’activités de coopération et de renforcement des capacités dans le cadre de programmes conjoints mis en œuvre avec la Commission européenne (comme INSCHOOL, JUSTROM, ROMACT, ROMACTED et ROMED).

Les États membres ont soutenu la mise en œuvre du Plan d’action thématique par des contributions volontaires (Finlande, Allemagne, Grèce et Hongrie) et la mise à disposition d’agents (Finlande, Grèce et Pologne). De plus, l’Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe ont également fourni un soutien politique à la mise en œuvre de ce plan. Le Conseil de l'Europe a également coopéré avec différents partenaires internationaux, dont l’UNESCO, le BIDDH de l’OSCE, les Open Society Foundations (OSF), le Centre européen sur les questions des minorités (CEMI) et l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) dans le cadre de plusieurs activités.


La réalisation du Plan d’action thématique a contribué à renforcer l’engagement des divers secteurs du Conseil de l’Europe et la coopération entre eux et à accroître les synergies. Elle a aussi facilité la mise en œuvre du Plan d’action de l'Organisation sur la construction de sociétés inclusives (2016-2019).

S’agissant de la lutte contre l’antitsiganisme dans l’éducation et la culture, le projet conjoint UE/Conseil de l'Europe « Écoles inclusives : Faire la différence pour les enfants roms (INSCHOOL) » a permis de tester ce concept dans cinq pays où il a renforcé la capacité des écoles à faire face aux besoins spécifiques des enfants roms, à mettre en valeur les différences et à soutenir leur expérience d’apprentissage. Le projet espère induire un réexamen des politiques éducatives et leur adaptation au niveau national. Par ailleurs, le programme conjoint UE/Conseil de l'Europe sur l’accès à la justice des femmes roms ou issues de la communauté des Gens du voyage (JUSTROM) vise à renforcer les capacités des femmes et des filles roms dans la lutte contre la discrimination, en collaboration avec les organismes de promotion de l’égalité et les institutions nationales des droits de l’homme, les professionnels du droit, les autorités locales, les services sociaux, les milieux académiques, les médias et la société civile. JUSTROM a permis de former des professionnels du droit et d’autres domaines pertinents aux questions relatives aux droits de l’homme, à la discrimination, au discours de haine, à la violence motivée par la haine et à l’égalité entre les femmes et les hommes. En collaboration avec l’Alliance pour l‘ERIAC et la OSF, le Conseil de l'Europe a créé l’Institut européen des arts et de la culture roms (ERIAC) dont la vocation « est de promouvoir l'art, la culture et l’éducation afin d'œuvrer en faveur des droits de l'homme et de la compréhension interculturelle, et de combattre ainsi l'antitsiganisme et la discrimination envers les Roms en Europe ainsi que d'améliorer l'image que les Roms ont d'eux-mêmes ».[4]

Des instruments tels que la boîte à outils adaptée aux enfants de la campagne « Dosta! » et des fiches sur l’histoire, la culture et la langue des Roms ont été produits, sur la base des études sur la représentation des Roms et des Gens du voyage dans les programmes et manuels scolaires et dans les musées.

Les États membres ont certes la responsabilité générale d’élaborer des stratégies nationales d’intégration des Roms, mais les autorités locales jouent un rôle déterminant dans leur mise en œuvre sur le terrain. Le Conseil de l'Europe a concentré ses efforts sur le renforcement des capacités d’élaboration de politiques et de services publics inclusifs pour chacun, y compris les Roms, grâce à des échanges de bonnes pratiques. Les visites et rapports thématiques du CAHROM et les programmes conjoints UE/Conseil de l’Europe correspondants, « Renforcement de la volonté politique et des capacités pour l’inclusion des Roms au niveau local et régional (ROMACT) » et « Promouvoir la bonne gouvernance et l'autonomisation des Roms au niveau local (ROMACTED) » constituent les principaux outils de l’Organisation en la matière.

Dans le domaine de la participation active, le Conseil de l'Europe a mené des activités spécifiques de promotion de la participation des femmes et des jeunes roms et Gens du voyage. La participation active, la responsabilisation et le renforcement des capacités sont au cœur des programmes conjoints UE/Conseil de l'Europe ROMED, ROMACT et ROMACTED. La médiation entre les communautés marginalisées et les institutions locales a induit des changements au plan local, grâce à la création de groupes d’action communautaire et l’autonomisation des Roms afin qu’ils puissent participer à la vie publique et aux processus décisionnels.

En outre, les Écoles politiques roms ont vocation à promouvoir la participation des Roms et des Gens du voyage dans la vie publique et politique aux niveaux local, national et Européen. Le Conseil de l'Europe a mis en place un mécanisme de dialogue avec la société civile rom et des Gens du voyage, une plateforme structurée pour les consultations directes et le dialogue avec les particuliers et les ONG des Roms et des Gens du voyage, y compris celles qui sont actives sur le terrain.

3. Plan d’action stratégique sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2020-2025)

Ce Plan d’action stratégique sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2020-2025) « le Plan d’action stratégique ») traduit les objectifs stratégiques du Conseil de l'Europe en matière de protection et de promotion des droits de l'homme, de la démocratie et de l’État de droit en un cadre de mesures des pouvoirs publics pour l’intégration sociale et interculturelle des Roms et des Gens du voyage en Europe. Ce Plan propose un cadre souple et adaptable aux conditions spécifiques de chaque pays, qui sert de feuille de route et d’outil pratique dans la conception, la mise en œuvre et l’adaptation des programmes et des actions.

Le Plan d’action stratégique vise à promouvoir et à protéger les droits de l'homme des Roms et des Gens du voyage, à lutter contre l’antitsiganisme et la discrimination et à favoriser leur intégration dans la société.


Les initiatives du Conseil de l'Europe s’appuieront sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et sur les constats et recommandations des organes de suivi, et en particulier la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), le Comité européen des droits sociaux de la Charte sociale européenne, le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Par le biais du plan d’action, l’Organisation apportera son appui aux États membres en vue d’améliorer l’inclusion des Roms et des Gens du voyage vulnérables et marginalisés et de pérenniser les résultats obtenus dans le cadre du Plan d’action thématique sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2016-2019).

Suite à l'évaluation de la mise en œuvre du Plan d'action thématique pour l'inclusion des Roms et des Gens du voyage (2016-2019), présentée au chapitre 2 ci-dessus, et afin de relever les principaux défis actuels relatifs à l’inclusion des Roms et des Gens du voyage identifiés lors des consultations du Conseil de l’Europe avec les partenaires (intergouvernementaux et issus de la société civile), ce Plan d’action stratégique s’articule autour de trois grands axes :

Ø     lutte contre l’antitsiganisme et la discrimination et favoriser l’égalité réelle et effective ;

Ø     soutien à la participation démocratique et renforcement de la confiance et la responsabilisation des citoyens ; et

Ø     soutien à l’accès à une éducation et une formation inclusive et de qualité.

De plus, une série de questions transversales abordent les besoins croisés de groupes spécifiques de Roms et de Gens du voyage confrontés à des situations particulières de vulnérabilité et/ou victimes de discriminations multiples.

4. Principes fondamentaux régissant le Plan d’action stratégique

Le Plan d’action stratégique sera régi par les principes fondamentaux suivants :

-                      une approche fondée sur les droits de l’homme, accordant une place centrale au principe de non-discrimination;

-                      le respect de l’État de droit

-                      le respect de la différence et de la diversité ;

-                      une participation effective en qualité de membres à part entière de la société ;

-                      l’égalité entre les femmes et les hommes; et

-                      la participation des Roms et des Gens du voyage à toutes les décisions qui les concernent, que ce soit à titre individuel ou collectif, par l’intermédiaire de leurs organisations représentatives.

5. Domaines prioritaires et principales lignes d’action pour 2020-2025

Afin de se conformer à la mission et à l’expertise du Conseil de l'Europe, le Plan d’action stratégique met l’accent sur :

§     la lutte contre l’antitsiganisme et la discrimination sous ses diverses formes, en faisant mieux connaître les normes et instruments de l’Organisation, en encourageant leur application et leur mise en œuvre et en soutenant l’accès à la justice ;

§     la promotion de la participation effective des Roms et des Gens du voyage aux processus décisionnels ; et

§     l’amélioration, aux plans national et local, de l’application des stratégies d’intégration des Roms en matière de politique locale et d’éducation inclusives (notamment des services publics efficaces).

5.1. Lutter contre l’antitsiganisme et la discrimination et favoriser l’égalité réelle et effective

Malgré de multiples efforts et quelques progrès réalisés, de nombreux éléments confirment que les Roms et les Gens du voyage d’Europe continuent d’être victimes d’un antitsiganisme persistant et largement répandu, une forme spécifique de racisme alimentée par les préjugés et les clichés. De plus, dans de nombreux États membres, les Roms et les Gens du voyage subissent encore diverses formes de discrimination, y compris la ségrégation en milieu scolaire et la sédentarisation forcée, ainsi que le discours de haine et les violences motivées par la haine. C’est ce qu’attestent également des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, des conclusions des activités de monitoring du Conseil de l'Europe, comme celle de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI),[5] du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et du Comité européen des droits sociaux, ainsi que les rapports du Commissaire aux droits de l'homme et les études réalisées par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA).[6]

La Déclaration du Comité des Ministres sur la montée de l’antitsiganisme et de la violence raciste envers les Roms en Europe[7] signale que l’antitsiganisme est l’un des mécanismes les plus forts d’exclusion des Roms. Elle reconnaît l’interdépendance de l’inclusion et de l’antidiscrimination et recommande, par conséquent, que les initiatives pour améliorer la situation et l’intégration des Roms comprennent, en plus des mesures visant la promotion de l’intégration socio-économique des Roms dans des domaines tels que l’éducation, la santé, l’emploi et le logement, des mesures portant sur la lutte contre la discrimination et l’antitsiganisme.

L'antitsiganisme entrave les efforts pour améliorer la condition de vie des Roms. Les données publiées en avril 2018 par l’Agence des droits fondamentaux (FRA)[8] pour les États membres de l’UE révèlent que malgré les mesures prises, les Roms et les Gens du voyage continuent de souffrir de harcèlement, de violences motivées par la haine et de discrimination dans l’éducation, la santé, le logement et l’emploi. Ces processus perpétuent la marginalisation des communautés roms et des Gens du voyage et de leurs membres, et entravent sérieusement les initiatives politiques destinées à améliorer leur situation.[9]

Face à la situation de la population rom en Europe, l’ECRI a appelé les États membres à adopter un ensemble global et multidisciplinaire de mesures de lutte contre l’antitsiganisme.[10]

Il est nécessaire de combattre les préjugés, la discrimination et les crimes motivés par la haine à l’encontre des Roms et des Gens du voyage en combinant les mesures suivantes :

·                     des réponses juridiques et des travaux normatifs (par exemple sur la lutte contre les discours de haine et les infractions motivées par la haine) et d’autres formes de coopération intergouvernementale (par exemple, des examens par les pairs, des visites et rapports thématiques);

·                     une formation fondée sur les normes du Conseil de l’Europe et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dispensée aux pouvoirs publics, aux professions juridiques et aux forces de l’ordre;

·                     un renforcement des capacités des autorités nationales, régionales et locales et de la société civile, au travers notamment du mécanisme de Dialogue du Conseil de l’Europe avec la société civile rom et des Gens du voyage;

·                     l’autonomisation spécifique de groupes particuliers comme les femmes et les jeunes roms; et

·                     des initiatives de sensibilisation en direction du grand public.

On constate une prise de conscience croissante de la nécessité de lutter contre l’antitsiganisme et de renforcer l’estime de soi des Roms par la promotion de leur patrimoine artistique et culturel, de leur histoire et de leur langue. C’est dans cette optique que l’ERIAC a vu le jour en 2017, et il devient rapidement une institution essentielle dans ce domaine. Le Conseil de l'Europe poursuivra sa collaboration avec l’ERIAC dans la promotion de valeurs et de principes communs.

Le programme conjoint EU/Conseil de l’Europe JUSTROM a démontré que si les femmes roms et issues de la communauté des Gens du voyage ont connaissance de leurs droits et que les obstacles à l’accès à la justice sont levés, elles se tournent vers la justice. Ce volet des activités devrait rester prioritaire pour l’Organisation, qui poursuivra sa collaboration avec les organismes d’égalité et les institutions nationales des droits de l’homme ainsi que la formation de professionnels du droit.

Résultats attendus

1.            L’élaboration d’un instrument juridique sur une approche globale dans la lutte contre le discours de haine dans le cadre des droits de l’homme.

2.            Une prise de conscience accrue dans le grand public des problèmes des Roms et des Gens du voyage grâce à des activités de sensibilisation.

3.            Un meilleur fonctionnement des institutions défendant les droits des Roms et des Gens du voyage par le biais de formations professionnelles ; un meilleur accès des Roms et des Gens du voyage à la justice grâce à des activités de renforcement des capacités.

4.            Une visibilité accrue des initiatives du Conseil de l'Europe, y compris de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et des constats et recommandations des organes de suivi.


5.2. Soutenir la participation démocratique et renforcer la confiance et la responsabilisation des citoyens

La participation des Roms et des Gens du voyage à la vie politique et publique s’est certes accrue au cours de la dernière décennie, mais elle est loin de refléter le poids démographique de ces communautés, en particulier au niveau local. Les faits démontrent que les Roms et les Gens du voyage, et en particulier les femmes et les jeunes,[11] se heurtent à un ensemble de préjugés et de barrières sociales qui nuisent gravement à leur capacité de participation effective à la vie publique et politique. Cela explique qu’ils sont largement absents de la scène politique aux niveaux local et national et des processus décisionnels qui les affectent. Cette invisibilité affaiblit leur capacité à inverser la tendance à la marginalisation et la discrimination dont ils font l’objet depuis longtemps. Il est indispensable d’améliorer leur participation et leur représentation politiques afin de rapprocher les citoyens roms des instances de décision aux niveaux local, national et européen et d’améliorer leur participation active et leur interaction avec l’administration publique et leur présence dans la sphère publique.

Les mesures politiques inclusives menées au niveau local sont décisives pour induire des améliorations réelles en matière d’intégration sociale des Roms dans les secteurs clés que sont l’éducation, le logement, l’emploi et la santé. Les administrations et les élus locaux sont souvent sceptiques sur les chances de progresser dans ces domaines parce qu’ils ne savent pas comment procéder pour y parvenir, se sentent peu soutenus face à des problèmes complexes et ne disposent pas des compétences nécessaires pour placer cette question au centre des préoccupations, élaborer une approche intégrée, mettre au point des mesures et projets pertinents et attirer à cette fin des financements nationaux et/ou extérieurs. De plus, la coopération et la bonne utilisation des moyens nationaux ou extérieurs sont freinés par le manque de confiance mutuelle entre les communautés roms et les administrations locales.

En s’appuyant sur les résultats de la mise en œuvre du Plan d’action thématique sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2016-2019), en particulier la coopération intergouvernementale réalisée dans le cadre de visites et de rapports thématiques, le mécanisme du Dialogue du Conseil de l’Europe avec la société civile rom et de Gens du voyage, les Conférences internationales bisannuelles des femmes roms et d’autres événements spécialisés, ainsi que sur les programmes conjoints de la Commission européenne et du Conseil de l’Europe mis en œuvre au niveau local sur les thèmes de la bonne gouvernance et de l’autonomisation (ROMED, ROMACT, ROMACTED), les activités visant aussi bien les autorités que les citoyens seront poursuivies dans les prochaines années. L’assistance technique fournie au niveau local pour améliorer la capacité des autorités à assurer une mobilisation politique pérenne sera associée à des actions visant à donner aux citoyens roms les moyens de participer plus activement à la vie politique et publique.

Les Écoles politiques roms continueront de proposer un mentorat et des formations aux citoyens issus des communautés roms et des Gens du voyage afin de les rapprocher des instances de décision aux niveaux local, national et européen, notamment à ceux qui envisagent de se présenter à des élections locales, nationales ou européennes. Une attention particulière sera portée aux femmes et aux jeunes roms et issus de la communauté des Gens du voyage qui souhaitent participer activement à la vie publique ou politique de leurs communes ou pays respectifs.

Résultats attendus

1.            Une participation accrue des Roms et des Gens du voyage à la vie publique et politique aux niveaux local, régional, national et européen.

2.            Une plus grande capacité des autorités nationales et locales dans l’exercice efficace et efficient de leurs rôles et responsabilités dans la conception et la mise en œuvre des plans, politiques et projets, en particulier des mesures d’inclusion active améliorant la situation des Roms et des Gens du voyage.

3.            Une capacité accrue des autorités locales à accéder aux financements nationaux et internationaux et à les utiliser, notamment les fonds de l’UE, pour soutenir leurs stratégies d’intégration des Roms.

4.            Un meilleur niveau d’expertise et de compréhension concernant les Roms et les Gens du voyage au sein de tous les services du Secrétariat du Conseil de l’Europe.


5.3. Soutenir l’accès à une éducation et à une formation inclusives et de qualité

Avec les enfants roms et des Gens du voyage, de nombreux établissements d’enseignement en Europe se heurtent communément aux problèmes de non-scolarisation, de sortie prématurée du système scolaire, de décrochage scolaire et de fréquentation irrégulière.

La ségrégation dans les écoles semble grandement contribuer aux faibles résultats scolaires. La pratique consistant à mettre à part des groupes d’élèves dans des établissements ou des classes spécifiques malgré les lois et mesures existantes de lutte contre la discrimination gagne sans doute même du terrain. La ségrégation scolaire est l’une des pires formes de discrimination et porte gravement atteinte aux droits des enfants concernés,[12] et le développement des normes internationales relatives aux droits de l’homme a contribué à la lutte contre la ségrégation scolaire dans de nombreux pays. La Cour européenne des droits de l'homme s’est constitué une abondante jurisprudence sur la ségrégation scolaire touchant tout particulièrement les enfants roms. Elle a maintes fois jugé que des États membres avaient enfreint la Convention européenne des droits de l’homme pour avoir violé le droit de ces enfants de ne pas subir de discrimination en matière d’éducation.[13]

Les travaux de l’Organisation relatifs à l’éducation inclusive (par exemple, le programme conjoint UE/Conseil de l’Europe « INSCHOOL ») se poursuivront afin de faire prendre conscience de la nécessité d’assurer l’interdiction légale des pratiques et politiques tendant à la ségrégation scolaire, de soutenir les États membres dans l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies de déségrégation conformément à la jurisprudence de la Cour et de promouvoir la participation des parents par l’intermédiaire de la société civile et des acteurs locaux en vue d’assurer une éducation et un enseignement de qualité.

Les jeunes roms se heurtent également au défi de la transition de l’éducation à l’emploi.[14] Ainsi, le nombre de jeunes roms sans éducation, emploi ou formation (NEET en anglais) est extraordinairement élevé.[15] Les jeunes roms, et en particulier les NEET, sont de loin les plus défavorisés au sein de l’UE[16] et probablement du Conseil de l’Europe.

Les résultats de plusieurs enquêtes réalisées par l’UE[17] révèlent des écarts considérables entre les enfants roms et non roms qui sont scolarisés et confirment que les enfants roms accusent un retard d’apprentissage. Malgré les efforts pour augmenter la scolarisation, 50 % des enfants roms d’Europe ne terminent pas l’école primaire, et à peine 25 % achèvent leurs études secondaires. Les faibles résultats scolaires sont particulièrement alarmants dans la mesure où l’éducation a un impact direct et déterminant sur les perspectives de toute personne dans la vie. L’avenir des jeunes roms dépend fortement de l’éducation. Des carences en la matière vont de pair avec une mauvaise santé, le chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale.

Aucun effort systématique n’a été entrepris pour aider les gouvernements, les médias et les autres intervenants à communiquer de manière adéquate sur la contribution des Roms et des Gens du voyage dans les sociétés européennes, notamment sur le plan de la culture, des arts ou de l’histoire. Dans les États membres qui se sont dotés d’une politique éducative en faveur des minorités, impliquant notamment le recours à du matériel pédagogique, les Roms sont souvent la seule minorité pour laquelle il n’existe pas d’outils parce qu’ils ne relèvent d’aucun État disposé à les fournir; c’est pour les mêmes raisons que les Roms ont besoin d’enregistrer, de construire, de développer et d’organiser du savoir autour de leur histoire, de leur culture et de leur langue afin d’être en mesure de préserver, d’affirmer et de développer leur identité.

Le Conseil de l'Europe s’emploiera à mettre à jour le matériel pédagogique pertinent et à le diffuser dans les États membres. Son partenariat avec l’ERIAC permettra de concevoir et de produire du matériel sur la culture et les arts des Roms et des Gens du voyage, y compris des fiches sur l’histoire et la culture roms et d’autres outils pédagogiques, ainsi que la représentation des Roms et des Gens du voyage dans les programmes et manuels scolaires.


Résultats attendus

1.            Un soutien au niveau national et à celui des établissements scolaires pour l’élimination des obstacles pratiques à l’égalité d’accès à une éducation de qualité ; un renforcement de la capacité des enseignants à gérer la diversité et à adopter des méthodes pédagogiques inclusives.

2.            La promotion de l’enseignement de l’histoire des Roms et des Gens du voyage et de l’Holocauste des Roms, et leur intégration dans les programmes et manuels scolaires, notamment par la formation de formateurs et d’enseignants.

3.            Une reconnaissance et une visibilité accrues de l’Holocauste des Roms.

4.            De meilleures chances, pour les jeunes roms et Gens du voyage, de réussir leur transition de l’éducation à l’emploi.

6. Questions transversales

De nombreux individus et groupes de Roms et Gens du voyage sont victimes de discriminations multiples ou vivent dans des situations spécifiques de vulnérabilité. Ils sont souvent frappés par un degré plus élevé d’exclusion et par une moindre participation à la vie de la société. Par conséquent, afin d’assurer leur protection contre la discrimination et leur pleine participation à la vie de la société, les stratégies d’intégration doivent prendre en compte leur situation spécifique et y remédier.

Il est de plus en plus reconnu que dans une même affaire, les motifs de discrimination peuvent être multiples et croisés. Une personne qui est victime de discrimination raciale peut aussi souffrir de discrimination pour tout autre motif couvert par l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, entres autres le sexe, la religion ou les convictions, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre[18], l’âge ou le handicap. Ces différentes formes de discrimination ne sont pas mutuellement exclusives ; la discrimination multiple exige une réaction interinstitutionnelle. Malheureusement, ni le principe de la discrimination multiple, ni l'intersectionnalité n’ont encore été intégrés dans les recours en justice, l’élaboration de mesures des pouvoirs publics ou la collecte des données.

Conformément à la Déclaration de Strasbourg sur les Roms, de 2010, qui insiste sur les droits de la femme et l’égalité de genre, le Conseil de l'Europe restera attentif aux discriminations multiples et à l'intersectionnalité au titre de questions transversales qui imprégneront toutes les actions spécifiques de manière horizontale.

La création d’une nouvelle structure intergouvernementale dotée d’un mandat étendu en matière d’anti-discrimination, de diversité et d’inclusion renforcera considérablement la capacité de l’Organisation à s’attaquer aux questions d’intersectionnalité et de discriminations multiples.

7. Mise en œuvre et suivi du Plan d’action stratégique

Ce Plan d’action stratégique s’applique à l’ensemble du Conseil de l’Europe et l’objectif est que toutes les entités utilisent la « boîte à outils » de l’Organisation de manière transversale pour mener les actions pertinentes. La transversalité, la coordination interne et la coopération entre les services compétents seront facilitées par la tenue de réunions régulières entre les secrétariats, consacrées aux questions relatives aux Roms et aux Gens du voyage, afin de parvenir à des effets visibles et des résultats tangibles. Dans ce contexte, un objectif spécifique sera de renforcer l’intégration des questions relatives aux Roms et aux Gens du voyage dans tous les domaines d’action de l’Organisation tout en reconnaissant le besoin constant de mesures spécifiques.

La mise en œuvre du Plan d’action stratégique sera supervisée par une structure intergouvernementale (comité directeur et organe subordonné) assurant la coordination et la coopération avec les États membres (par exemple, des activités de soutien et des examens par les pairs intergouvernementaux). Les partenariats avec les institutions et agences européennes, d’autres organisations internationales, les organismes de promotion de l’égalité, les institutions nationales des droits de l’homme et la société civile seront développés. Dans ce contexte, le Dialogue du Conseil de l’Europe avec la société civile rom et des Gens du voyage, institué par le Comité des Ministres en 2015, revêt une importance particulière et jouera un rôle déterminant en associant les organisations non gouvernementales de Roms et de Gens du voyage, ainsi que des membres de ces communautés, à la mise en œuvre et au suivi du Plan d’action stratégique.

Des conférences ou événements spécifiques, comme les conférences internationales des femmes roms organisées par le Conseil de l’Europe, contribueront à faire avancer certains aspects essentiels de ce Plan d’action stratégique.

Le Comité des Ministres sera régulièrement informé de l’état d’avancement de la mise en œuvre de ce Plan.

Un examen à mi-parcours de la mise en œuvre du Plan d’action stratégique sera réalisé en 2022, et l’évaluation finale interviendra en 2025.



[1] Les termes « Roms » et « Gens du voyage » utilisés au Conseil de l’Europe englobent la grande diversité des groupes concernés par les travaux du Conseil de l’Europe dans ce domaine : d’une part, a) les Roms, les Sintés/Manouches, les Calés/Gitans, les Kaalés, les Romanichels, les Béash/Rudars ; b) les Égyptiens des Balkans (Égyptiens et Ashkali) ; c) les branches orientales (Doms, Loms et Abdal) ; d’autre part, les groupes tels que les Travellers, les Yéniches et les personnes que l’on désigne par le terme administratif de « Gens du voyage » ainsi que celles qui s’auto-identifient comme Tsiganes. La présente note a vocation explicative et ne prétend pas constituer une définition des Roms et/ou des Gens du voyage.

[2] CM(2010)133-final « Déclaration de Strasbourg sur les Roms » adoptée lors de la Réunion à haut niveau du Conseil de l'Europe sur les Roms, Strasbourg, 20 octobre 2010.

[3] SG/Inf(2015)38-final Plan d’action thématique sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2016-2019).

[4] Statuts de l'association « Institut européen des arts et de la culture roms », Art. 2 Objectifs de l’association.

[5] Voir par exemple les 5e rapports de l’ECRI sur la Croatie, la République de Moldova ou le Portugal.

[7] Déclaration du Comité des Ministres sur la montée de l’antitsiganisme et de la violence raciste envers les Roms en Europe (adoptée par le Comité des Ministres le 1er février 2012 lors de la 1132e réunion des Délégués des Ministres).

[9] De récentes réunions à haut niveau de l’UE sur l’antitsiganisme et des résolutions réaffirment l'urgence de combattre ce phénomène.

[10]Recommandation de politique générale n° 13 sur la lutte contre l’anti-tsiganisme et les discriminations envers les Roms, adoptée par l’ECRI le 24 juin 2011. https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016805cc64e.

[11] La « Resolution on Promoting Policies in Favour of the Roma Population » (Résolution sur la promotion de politiques en faveur de la population rom) et la « Resolution on Promoting Policies on Equality between Women and Men of the Roma Population » (Résolution sur la promotion de politiques d'égalité entre les femmes et les hommes de la population rom) de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, adoptées en 2011, appellent les États participants de l'OSCE à « laisser davantage de place à une participation accrue des Roms à la vie publique et politique et à promouvoir l'égalité des chances des femmes roms dans la vie politique ». Pour des informations complémentaires, voire les Résolutions de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE adoptées lors de la vingtième session annuelle, Belgrade 6-10 juillet 2011: https://www.oscepa.org/documents/annual-sessions/2011-belgrade/declaration-4/3030-belgrade-resolutions-eng/file (voir les références respectives à l'article 22, p. 46, et à l'article 15, p. 48).

[13] Voir par exemple l’affaire D.H.et autres c. République tchèque, du 13 novembre 2007.

[14] Enquête EU-MIDIS IlI de l’ADF de l’UE, Transition from education to employment of young Roma in nine EU Member States, 2018.

[15] Ibid.

[18] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)5 « sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre » , qui peut s’entendre comme s’appliquant également aux personnes intersexes ; plusieurs délégations ont fait des déclarations lors de l’adoption de cette Recommandation par les Délégués à leur 1081e réunion (31 mars 2010) ; la Fédération de Russie a exprimé sa position sur cette Recommandation dans sa déclaration interprétative faite lors de l’adoption de cette Recommandation.