DÉLÉGUÉS DES MINISTRES

Documents CM

CM(2019)67-final

30 avril 2019

129e Session du Comité des Ministres

(Helsinki, 16-17 mai 2019)

Rapport de synthèse sur la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne

 

  1. Introduction

L’an dernier, lors de sa 128e session (Elseneur,18 mai 2018), le Comité des Ministres a pris note avec satisfaction du développement de la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne (UE), et exprimé sa volonté de renforcer encore cette coopération, conformément au Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’UE, afin de mieux protéger et promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit en Europe[1].

Cette coopération vise à mieux relever les défis communs auxquels l’Europe est confrontée, à garantir la cohérence et la complémentarité entre le Conseil de l’Europe, organisation paneuropéenne, et le processus d’intégration de l’UE et, en dernier ressort, à mettre en place un espace juridique commun pour la protection des droits de l’homme. L’année 2017 a marqué le dixième anniversaire du Mémorandum d’accord de 2007 entre l’Organisation et l’UE, qui affirme le rôle clé du Conseil de l’Europe en tant que « référence en matière de droits de l'homme, de primauté du droit et de démocratie en Europe » et « source paneuropéenne de référence en matière de droits de l'homme ». L’année 2018 a été marquée par une coopération intensive de plus en plus axée sur les questions relatives à l’État de droit et sur la nécessité de sauvegarder la sécurité démocratique et de renforcer la résilience du système de protection des droits de l’homme en Europe. Le Conseil de l’Europe et l’UE, qui partagent les mêmes valeurs, ont également réaffirmé leur engagement commun en faveur d’un multilatéralisme effectif.

Les « Priorités de l’UE pour la coopération avec le Conseil de l’Europe en 2018 et 2019 »[2], qui soulignent l’attachement de l’UE au système des conventions du Conseil de l’Europe, offrent une base solide pour consolider encore davantage la coopération et reflètent dans une large mesure les priorités de l'Organisation.

Le Bureau de liaison du Conseil de l’Europe à Bruxelles et la délégation de l’UE à Strasbourg ont continué de jouer un rôle clé en renforçant la dynamique et la visibilité de la coopération.

La coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne passe par le dialogue politique, des projets de coopération et une coopération juridique.

  1. Dialogue politique intensif à tous les niveaux

Le dialogue à haut niveau s’est notamment traduit par des réunions entre, d'une part, le Secrétaire Général ou le Comité des Ministres et, d'autre part, le président Juncker, la HR/VP Mme Mogherini, le Commissaire Hahn, le Comité politique et de sécurité (COPS) et des membres du Parlement européen, en particulier la Commission des affaires étrangères (AFET). Ces consultations régulières à haut niveau ont porté en particulier sur la sécurité démocratique en Europe, le fonctionnement du système européen de protection des droits de l’homme et, plus spécifiquement, les défis auxquels est confrontée l’Organisation, la situation qui prévaut actuellement dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe, les questions liées aux migrations et la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Le 18 mai 2018, lors de son intervention devant la 128e session du Comité des Ministres, la Représentante de l’UE, l’ambassadrice Mara Marinaki, a déclaré que « l’UEest fière de son partenariat stratégique avec le Conseil de l’Europe parce que l’Europe montre ce qu’elle a de meilleur quand ses nations et ses institutions collaborent pour la liberté, la paix, la sécurité, la justice et l’égalité entre les femmes et les hommes (…) ». Elle a également souligné que « l’UE entend continuer à apporter son soutien étroit au Conseil de l'Europe, qui est la boussole morale du voisinage européen au sens large, et à promouvoir les valeurs démocratiques et le dialogue »[3].

Le dialogue politique avec les représentants de l’UE s’est aussi poursuivi notamment dans le cadre des activités de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (Assemblée) et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (« le Congrès »). La promotion du dialogue politique de haut niveau entre l’Assemblée et l’UE est l’un des thèmes qui ont été abordés par la Commission ad hoc sur le rôle et la mission de l’Assemblée, dirigée par l’ancien président de l’Assemblée, M. Michele Nicoletti, et regroupant des représentants des parlements des 47 États membres, y compris la Fédération de Russie[4]. Un rapport de suivi est en cours de préparation[5] et traitera notamment de la nécessité de renforcer le dialogue politique entre l’Assemblée et l’UE.

En mars 2018, le Congrès a signé un accord de coopération révisé avec le Comité des régions de l’UE destiné à remplacer l’accord de 2009 et reflétant mieux leur solide partenariat. Les deux institutions ont aussi identifié des domaines de coopération prioritaires, en particulier l’intégration des migrants, la lutte contre la radicalisation, le renforcement de la bonne gouvernance locale et de la lutte contre la corruption, et l’amélioration du respect des droits de l’homme.

Le dialogue se déroule également dans le cadre du Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales du Conseil de l'Europe ("Centre Nord-Sud"), dont l’UE est membre actif du Conseil exécutif. En outre, les consultations se sont multipliées à un niveau plus technique afin de permettre des discussions plus approfondies (voir plus bas). La réunion annuelle des hauts fonctionnaires du Conseil de l’Europe et de l’UE, qui sert à planifier et coordonner la coopération entre les secrétariats au niveau technique, demeure un outil important pour le suivi et l’examen de la coopération et la formulation de nouvelles propositions d’action.

  1. Renforcement des cadres de coopération

Les programmes conjoints entre le Conseil de l’Europe et l’UE visant à promouvoir le respect de l’État de droit, de la démocratie et des droits de l’homme sont demeurés en 2018 les principales sources de financement des projets de coopération et d’assistance technique du Conseil de l’Europe. Le volume financier global des contrats mis en œuvre en 2018 s’est élevé à 154,8 millions EUR, dont 131,4 millions EUR apportés par l’UE (84,9 %) et 23,4 millions EUR (15,1 %) par le Conseil de l’Europe.

À la suite de la Déclaration d'intention de 2014 sur la coopération entre la Commission européenne et le Conseil de l'Europe, la mise en œuvre de cadres de coopération stratégique s'est poursuivie (pendant la période de référence) dans la région de l'élargissement de l'UE, dans les pays du Partenariat oriental, du sud de la Méditerranée et de l’Asie centrale.

La Facilité horizontale pour les Balkans occidentaux et la Turquie est un instrument‑phare de coopération entre l’UE et le Conseil de l’Europe qui a permis de soutenir des processus de réformes spécifiques dans les pays bénéficiaires (25 millions EUR entre mai 2016 et mai 2019) et contribue depuis février 2018 à la réalisation des objectifs des initiatives incluses dans la Stratégie de l’UE pour les Balkans occidentaux. S’appuyant sur une approche flexible et axée sur les besoins, la Facilité horizontale aide les pays bénéficiaires à appliquer les recommandations émanant des organes de suivi et de consultation/avis du Conseil de l’Europe sur les moyens d’assurer la justice, de combattre la criminalité économique et de lutter contre la discrimination, tout en soutenant leurs progrès dans la mise en œuvre, le cas échéant, des chapitres 23 et 24 de l’acquis de l’UE.

Par le biais du Mécanisme de coordination des services d’experts, qui s'applique également à la Turquie, la Facilité horizontale apporte une expertise juridique ad hoc et des conseils stratégiques. En 2018, ce mécanisme a permis de fournir une assistance en particulier à l’Albanie, à la Bosnie-Herzégovine, au Monténégro, à la Macédoine du Nord, à la Serbie et au Kosovo* dans les domaines de la réforme constitutionnelle, de la réforme de la justice, des processus électoraux, du financement des partis politiques, de la lutte contre la discrimination et de la liberté des médias. Trois autres programmes conjoints entre l’UE et le Conseil de l’Europe sont également mis en œuvre dans la région[6].

Dans les pays du Partenariat oriental, la coopération s'est poursuivie dans le cadre du « Partenariat pour une bonne gouvernance » (PGG). La phase I du PGG couvrant la période 2015-2017, qui avait été prolongée jusqu’en 2018 (avec une enveloppe budgétaire totale de 36 millions EUR[7]), a été menée à terme. Le rapport indépendant de suivi axé sur les résultats commandité par l’UE[8] et publié fin 2018 a conclu que l’assistance fournie pendant la phase I du PGG était tout à fait pertinente, efficace et durable. Les négociations sur la phase II du PGG couvrant la période 2019-2021 ont abouti à une enveloppe budgétaire totale de 17,5 millions EUR[9]. Cette phase du PGG portera principalement sur la réforme judiciaire et la lutte contre la corruption, afin de soutenir la réalisation des « 20 objectifs à atteindre pour 2020 » de l’UE.

L’UE est également un partenaire important de la politique du Conseil de l'Europe à l'égard des régions voisines. Le Programme UE/CdE « Assurer la durabilité de la gouvernance démocratique et des droits de l’homme dans le sud de la Méditerranée » (Programme Sud 3, 2018-2020, 3,34 millions EUR) a été lancé avec succès en 2018. Ce programme, qui est ouvert à l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Palestine** et la Tunisie, doit permettre de renforcer encore le processus de création d’un espace juridique commun entre l’Europe et les pays du sud de la Méditerranée, en offrant des possibilités de développement de réseaux et des capacités dans la région. En tant que priorité transversale, ce programme contribuera aussi à la lutte contre la violence à l’égard des femmes en s’appuyant sur les normes, outils et mécanismes pertinents du Conseil de l’Europe. En Tunisie, deux nouveaux programmes conjoints UE/CdE, « Amélioration du fonctionnement, de la performance et de l’accès à la justice en Tunisie » (AP‑JUST, 2019‑2021, 5,56 millions EUR[10]) et « Projet d’appui aux instances indépendantes en Tunisie » (PAII‑T, 2019‑2021, 5 millions EUR[11]), ont été signés fin 2018.

En Asie centrale, la coopération a porté principalement sur l’État de droit, dans le cadre d’un programme conjoint mené au Kazakhstan sur la réforme de la justice (2014-2018, 2 millions EUR) ; deux autres programmes conjoints ont été menés dans les domaines de la réforme électorale et de la lutte contre la corruption en République kirghize (respectivement 700.000 EUR et 550.000 EUR). Le programme conjoint mené au Kazakhstan et le programme conjoint de lutte contre la corruption en République kirghize ont été achevés en 2018. Le programme conjoint dans le domaine électoral en République kirghize a été prolongé jusqu’en avril 2019 et un suivi est envisagé. Le Conseil de l’Europe achève actuellement de négocier avec l’UE la réalisation d’un programme régional conjoint en Asie centrale (2019‑2022, 8,4 millions EUR) qui portera sur des domaines tels que la promotion d’un espace juridique commun, la protection des droits de l’homme, la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance. Les États d’Asiecentrale seront aussi les principaux bénéficiaires d’un autre programme conjoint UE/CdE en cours de discussion[12].

Grâce au soutien financier de l'UE en faveur de projets de coopération dans le Sud de la Méditerranée et en République kirghize, la Commission de Venise a été en mesure de fournir une assistance dans les domaines de la justice constitutionnelle et de la législation et des pratiques électorales, avec la participation des autorités algériennes, jordaniennes, libyennes, kirghizes, marocaines et tunisiennes.

En ce qui concerne la cybercriminalité, le Conseil de l’Europe et l’UE poursuivent le même objectif, à savoir accroître le respect de l’État de droit dans le cyberespace, en s’appuyant sur la Convention de Budapest sur la cybercriminalité. Un grand nombre d’activités de renforcement des capacités, mises en œuvre dans le cadre de divers projets conjoints entre le Conseil de l’Europe et l’UE, contribuent à servir cet objectif. Cofinancés par l’UE par le biais de différents instruments financiers, ces projets conjoints visent à renforcer les capacités des États du monde entier à appliquer la législation sur la cybercriminalité et les preuves électroniques et à coopérer efficacement au plan international, tout en respectant les droits de l’homme et l’État de droit, y compris les normes en matière de protection des données. En termes de couverture géographique, certains de ces projets sont à dimension régionale et s’adressent à l’Europe orientale, l’Europe du Sud-Est et la Turquie, ainsi qu’aux pays du voisinage méridional, tandis que d’autres sont d’envergure mondiale et sont destinés aux pays d'Afrique, d'Asie/Pacifique, des Caraïbes et d'Amérique latine qui se sont engagés à mettre en œuvre ce traité ou sont prêts à élaborer une législation sur la base de la Convention de Budapest.

Deux nouveaux programmes conjoints, « HELP » et « HELP Prévention de la radicalisation » (dotés d’une enveloppe budgétaire totale d’1,7 million EUR) visent à contribuer au renforcement de la protection des droits fondamentaux au sein des États membres de l'UE dans des domaines comme la protection des données, le respect de la vie privée ou la lutte contre le racisme, et à l’amélioration de la réponse de la justice pénale dans l'Union pour prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent.

Un cadre de coopération plus structuré est en cours de développement entre les deux organisations sur la base de la coopération existante via le Service d’appui à la réforme structurelle, qui vise à aider les États membres de l’UE à renforcer leurs capacités à préparer et mettre en œuvre des réformes administratives et structurelles pour soutenir la croissance dans les domaines de l’État de droit, des droits de l’homme et de la démocratie.

En 2018, le Centre Nord‑Sud a poursuivi la mise en œuvre des activités du programme conjoint iLEGEND (Échange pour l’apprentissage interculturel par l’éducation globale, le travail en réseaux et le dialogue), qui a pour but de renforcer la promotion de l’éducation au développement mondial et le renforcement des capacités des éducateurs formels et non formels dans les pays des Balkans, de la Baltique, de l’Europe du Sud‑Est, de la Méditerranée et du groupe de Visegrad. Ce programme encourage l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives par la promotion des droits de l’homme, du dialogue interculturel et de la citoyenneté démocratique.

Les Journées européennes du patrimoine représentent l’événement culturel le plus réputé auquel participent ensemble les citoyens européens. Lancé en 1985 en France, ce programme constitue, depuis 1999, une initiative conjointe du Conseil de l’Europe et de l’UE. La totalité des 50 États européens Parties à la Convention culturelle européenne y participent activement. Les Journées européennes du patrimoine sont devenues un instrument essentiel pour favoriser une expérience concrète de la culture et de l’histoire de l’Europe et elles sensibilisent également le grand public aux multiples valeurs de notre patrimoine commun et à la nécessité de le protéger en permanence.

Le partenariat entre l’UE et le Conseil de l’Europe se traduit également par un nombre important d'autres programmes conjoints dans les domaines d'expertise du Conseil de l'Europe, par exemple la lutte contre la violence à l’égard des femmes dans la Fédération de Russie (pour plus de détails, voir le document d'information « Programmes conjoints entre le Conseil de l'Europe et l'UE menés en 2018 »).

  1. Coopération juridique : promotion des normes du Conseil de l’Europe et harmonisation

Le troisième pilier du partenariat stratégique, à savoir la coopération juridique, a été largement dominé par la coopération accrue dans le domaine des questions relatives à l’État de droit en Europe, ainsi que par la question de la participation ou adhésion de l’UE aux conventions et organes du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte, les contacts se sont intensifiés entre les institutions de l’UE et les organes du Conseil de l’Europe, en particulier les organes consultatifs et de suivi. Ces derniers, ainsi que les résultats de leurs procédures de suivi, sont aussi régulièrement mentionnés par les institutions de l’UE, ce qui confirme le rôle de référence du Conseil de l’Europe et l’expertise unique qui est la sienne.

En ce qui concerne les développements intervenus dans les États membres de l’UE, la coopération s’est accrue dans le cadre des initiatives et évaluations relatives à l’État de droit des institutions de l’UE, notamment le Cadre pour renforcer l’État de droit de la Commission et le Dialogue annuel sur l’État de droit au sein du Conseil (Affaires générales)[13]. Ce dialogue portait cette année sur le thème de « La confiance à l’égard des institutions publiques et de l’État de droit », et le Conseil de l’Europe a été invité à participer activement aux discussions préparatoires. Le Conseil de l’Europe a continué d’apporter une contribution précieuse compte tenu de sa longue expérience en ce domaine, grâce en particulier à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et à l’expertise fournie par la Commission de Venise[14], le GRECO, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), MONEYVAL, le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) et le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), et directement par les projets de coopération.

En outre, la CEPEJ a continué de fournir des données sur le fonctionnement des systèmes judiciaires des 28 États membres de l’UE, qui sont utilisées pour l’édition annuelle du « Tableau de bord de la justice » de la Commission européenne. Cette coopération exemplaire repose sur un contrat pluriannuel entre la Commission européenne et le Conseil de l'Europe (renouvelé en 2017 pour une période de quatre ans). Un tel arrangement permet d’éviter les doubles emplois, confirme le statut de la CEPEJ en tant que point de référence commun pour l'évaluation de la justice[15] et améliore sa visibilité ainsi que celle du Conseil de l'Europe. Les contacts se sont aussi intensifiés entre le GRECO et les institutions de l’UE – en particulier le Parlement européen, le Secrétariat général du Conseil et la Commission européenne – sur les questions de fond et en vue de la participation de l’UE au GRECO[16]. De plus, l’UE et le Conseil de l’Europe s’apprêtent à conclure un contrat pour mettre à profit l’expertise unique du Conseil de l’Europe dans l’évaluation de la mise en œuvre concrète et l’application effective de la Quatrième Directive anti‑blanchiment par les États membres de l’UE.

S’agissant de la participation de l’UE aux instruments du Conseil de l’Europe, l’adhésion de l’UE à d’autres traités pertinents du Conseil de l’Europe demeure un objectif commun. Le Mémorandum d’accord de 2007 prévoit en effet que la coopération juridique doit être développée en vue d’assurer la cohérence entre le droit de l’UE et les normes du Conseil de l’Europe. La participation de l’UE aux instruments du Conseil de l’Europe contribuerait de manière significative à renforcer cette cohérence, ainsi que les synergies entre l’UE et les organes consultatifs et de suivi du Conseil de l’Europe. Elle soulève cependant un certain nombre de problèmes juridiques difficiles, comme l’a montré le processus de négociation en vue de l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Les États membres du Conseil de l’Europe ont réaffirmé l’importance de l’adhésion de l’UE à la CEDH dans une déclaration adoptée en avril 2018[17]. Le maintien de l’engagement de l’UE à accéder à la Convention, qui constitue une obligation aux termes du Traité de Lisbonne, a été confirmé par la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres au sein du Conseil de l’UE. En juin 2018, le président Juncker a assuré avoir pris l’initiative de revigorer le travail en vue de l’adhésion de l’UE à la Convention. L’adhésion renforcera les valeurs communes de l’UE, améliorera l’efficacité de la législation européenne et assurera une plus grande cohérence en matière de protection des droits fondamentaux en Europe. Cependant, aucun calendrier n’a encore été établi en vue de nouvelles négociations.

En ce qui concerne l’adhésion de l’UE à d’autres conventions du Conseil de l’Europe, un grand pas a été franchi en 2018 avec l’adhésion de l’UE à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme et son Protocole additionnel le 26 juin 2018. L'UE a aussi désigné l’Agence européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) comme point de contact pour l'échange d'information sur les combattants terroristes étrangers.

Le travail se poursuit également en vue de l’adhésion de l’UE à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique(Convention d’Istanbul), signée par l’UE en 2017. L’UE et le Conseil de l’Europe soutiennent la diffusion d’information sur la convention et ses objectifs et le processus de ratification des États membres restants de l’UE et du Conseil de l’Europe. La Commission et les organes pertinents du Conseil de l’Europe continuent leurs consultations régulières au sujet des questions d'égalité de genre dans le cadre de leurs stratégies pluriannuelles respectives, notamment dans les domaines de la violence à l'égard des femmes, de la lutte contre le sexisme et les stéréotypes de genre, du rôle des femmes dans les médias et la vie politique, et de l'intégration de la perspective de genre.

Le 12 mars 2019, le Parlement européen a approuvé le projet de décision du Conseil autorisant les États membres de l’UE à ratifier, dans l’intérêt de l’UE, le Protocole amendant la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. L’UE incite en outre continuellement les pays tiers à adhérer à cette convention, qui est le seul instrument multilatéral contraignant dans le domaine de la protection des données.Les cadres respectifs du Conseil de l’Europe et de l’UE favorisent la convergence vers un ensemble de normes élevées en matière de protection des données. L’UE a également réitéré son soutien à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la cybercriminalité (et ses Protocoles additionnels). En février 2019, la Commission a publié une recommandation au sujet du mandat de négociation concernant le Deuxième Protocole à la Convention de Budapest sur les preuves électroniques, que prépare actuellement le Conseil de l’Europe. Elle prévoit que ce mandat sera adopté d’ici juin 2019. Le projet de mandat, cependant, soulève certaines préoccupations ; le travail du Conseil de l’Europe sur le Deuxième Protocole pourrait en être fortement affecté.

S’agissant des conventions du Conseil de l’Europe sur le sport, le 12 mars 2019, le Parlement européen a recommandé d’autoriser les États membresde l’UE à ratifier la Convention sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté des services lors des matches de football et autres manifestations sportives. Il est à espérer que les institutions de l'UE s’emploieront à sortir de l'impasse actuelle qui empêche les États membres de l'UE de ratifier la Convention sur la manipulation des compétitions sportives.

Les contacts se sont aussi intensifiés entre l’UE et l’Accord partiel élargi sur les itinéraires culturels du Conseil de l’Europe en vue de développer les synergies et les modalités d’une coopération plus structurée, ainsi qu’entre l’UE et le Conseil de l’Europe dans le cadre de l’Année européenne 2018 du patrimoine culturel, y compris avec le lancement d’un nouveau projet conjoint pour la promotion de la Convention‑cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (Convention de Faro).

Une nouvelle réflexion et de nouveaux échanges sur les implications d’ordre politique, juridique et financier de la participation de l’UE à ces conventions et organes du Conseil de l’Europe sont en cours.

Dans le domaine des migrations, le Représentant Spécial du Secrétaire Général pour les migrations et les réfugiés a continué à développer la coopération avec les partenaires concernés de l’UE. Un dialogue politique a lieu régulièrement avec la Commission européenne sur les questions d’importance pour les deux organisations. Le travail se poursuit notamment afin de renforcer les synergies entre le Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants réfugiés et migrants et la Communication de la Commission européenne sur la protection des enfants migrants. La coopération dans ce domaine se traduit également par la participation des institutions et agences compétentes de l'UE aux travaux intergouvernementaux du Conseil de l'Europe. Les difficultés apparues dans le cadre de la préparation d’un instrument du Conseil de l’Europe codifiant les règles européennes relatives à la détention administrative des migrants ont mis en lumière le caractère sensible de ces questions au niveau européen et la nécessité de continuer à mener un dialogue permanent à ce sujet. Il est envisagé de poursuivre la coopération relative à l’intégration des migrants et des réfugiés, notamment dans le cadre du programme Cités interculturelles, ainsi qu’entre le Centre Nord‑Sud et l’Institut européen pour l’égalité entre les femmes et les hommes autour de la question de l’intégration des femmes et des filles migrantes, réfugiés et demandeuses d’asile.

La coopération dans le domaine des politiques, des normes et des pratiques concernant l’intelligence artificielle et la gouvernance de l’internet figure également en haute place sur l’agenda des deux organisations. Le Conseil de l’Europe participe en tant qu’observateur aux deux groupes de travail de haut niveau de l’UE portant sur l’intelligence artificielle et sur la gouvernance de l’internet, et des contacts de travail et des échanges de vues ont lieu régulièrement sur divers sujets tels que la responsabilité des intermédiaires, la modération des contenus et la transparence des algorithmes. Des représentants de la Commission européenne participent aux réunions des comités d’experts pertinents et fournissent des commentaires et un retour d’information sur les projets d’instruments normatifs élaborés par le Conseil de l’Europe dans le domaine du traitement automatisé des données et des différentes formes d’intelligence artificielle, ainsi que sur les enjeux associés à la promotion du journalisme de qualité à l’ère numérique. Les deux organisations coordonnent également leurs contributions aux forums régionaux et internationaux concernant la gouvernance de l’internet.

Les réunions organisées deux fois par an entre le Conseil de l’Europe et l’UE[18] facilitent l’élaboration harmonieuse de normes et politiques sur les questions juridiques et les sujets stratégiques dans les secteurs de la police et de la coopération judiciaire en matière pénale. La lutte contre le terrorisme et la radicalisation demeure également une question prioritaire dans ce contexte.

Autre exemple de synergies : les organes pertinents de la Commission européenne et du Conseil de l’Europe ont intensifié leur coopération dans le domaine de la lutte contre la discrimination, notamment dans le cadre de l’élaboration de lignes directrices de l’UE pour combattre le discours de haine et promouvoir la non‑discrimination, et du renforcement des politiques visant à promouvoir l’égalité dans les États non membres de l’UE. La coopération s’est également développée dans le domaine de l’éducation, entre autres dans le cadre de la Stratégie de l’UE pour les Balkans occidentaux, ainsi que dans celui du sport, et le partenariat entre l’UE et le Conseil de l’Europe dans le secteur de la jeunesse a célébré son 20e anniversaire l’an dernier, puisqu’il a été lancé en 1998.

La coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux (FRA) de l’UE s’est en outre développée avec succès dans divers domaines sur la base de leurs mandats, de leurs compétences et de leurs atouts respectifs. À l’occasion d’échanges de vues avec le Comité des Ministres en 2018, le directeur de la FRA a confirmé l’excellente coopération et la complémentarité entre l’Agence et le Conseil de l’Europe. En outre, le Conseil de l’Europe a présenté une contribution importante au Forum des droits fondamentaux de la FRA, organisé à Vienne en septembre 2018. La coopération se développe également au niveau opérationnel avec l’Institut européen pour l’égalité entre les femmes et les hommes (EIGE), notamment en termes d’échange d’information, de consultation au sujet des activités respectives des deux institutions et de l’identification des possibilités d’accroître les synergies, en particulier dans les domaines de l’égalité de genre et de la violence à l’égard des femmes.

La coopération entre le Conseil de l’Europe et l’UE s’est encore développée au niveau mondial dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies et de la préparation en 2018 d’une Résolution de l’Assemblée générale de l’ONUrelative à un moratoire sur l’application de la peine de mort, renforçant ainsi le multilatéralisme au-delà de l’Europe. Le 10 octobre 2018, la HR/VP Mme Mogherini et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe ont aussi réaffirmé leur ferme opposition à la peine capitale dans tous les cas et en toutes circonstances, dans une Déclaration commune à l’occasion de la Journée européenne et mondiale contre la peine de mort.

  1. Conclusion

Les difficultés croissantes auxquelles sont confrontés l’Europe dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, incluant celles liées à la nécessité de préserver et de renforcer le système de protection des droits de l’homme mis en place après la Seconde Guerre mondiale, demeurent des priorités de coopération entre l’UE et le Conseil de l’Europe.Ces difficultés ont mis plus fortement en évidence lesavoir-faire unique que possède le Conseil de l’Europe, ainsi que la complémentarité des deux organisations européennes sur le continent. En pratique, cette complémentarité a été renforcée par la voie du dialogue politique, des activités conjointes et de la coopération juridique, sur la base du Mémorandum d’accord qui continue à guider avec succès la coopération.

Un partenariat solide entre le Conseil de l’Europe et l’UE, fondé sur la complémentarité et la cohérence, est plus que jamais nécessaire pour soutenir la résilience du système européen de protection des droits de l’homme et, au‑delà, un multilatéralisme effectif en Europe. L’année 2019 sera décisive à cet égard.



[1]128e Session du Comité des Ministres (Elseneur, 17-18 mai 2018), Rapport de synthèse sur la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=09000016807c8e8e

[6] « Renforcement de l’expertise juridique sur la liberté d’expression et des médias en Europe du Sud-Est » (JUFREX), « Promouvoir la bonne gouvernance et l’autonomisation des Roms au niveau local » (ROMACTED) et « Cibler les produits de la criminalité sur internet en Europe du Sud‑Est et en Turquie » (iPROCEEDS)

[10] UE : 90 %, CdE : 10 %.

[11] UE : 90 %, CdE : 10 %.

[12] « Soutien à la réforme de la législation et des pratiques électorales et des instruments et mécanismes régionaux des droits de l’homme dans les pays d’Amérique latine et d’Asie centrale et en Mongolie » (mi‑2019 à mi‑2021, 0,51 million EUR). 

[13] L’initiative du Conseil de l’UE pour assurer le respect de l’État de droit et l’établissement d’un dialogue entre tous les États membres au sein du Conseil en vue de promouvoir et sauvegarder l’État de droit (cf. Conclusions of the Council of the EU and the member States meeting within the Council on ensuring respect for the rule of law, document 17014/14, 16 décembre 2014).

[16] Le Comité de l’article 36 (CATS) a examiné en novembre 2018 (sous la Présidence autrichienne) la question de la participation de l’UE au GRECO.

[17] Déclaration adoptée lors de la Conférence ministérielle de la justice sur le système européen des droits de l’homme dans l’Europe du futur, Copenhague (12-13 avril 2018).