Résolution CM/Res(2016)2
sur les bonnes pratiques en matière de reconstitution, dans les établissements de santé, des médicaments destinés à un usage parentéral
(adoptée par le Comité des Ministres le 1er juin 2016
lors de la 1258e réunion des Délégués des Ministres)
Le Comité des Ministres, dans sa composition restreinte aux représentants des Etats parties à la Convention relative à l’élaboration d’une Pharmacopée européenne (STE n° 50)[1],
Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que ce but peut être poursuivi, entre autres, par une action commune dans le domaine de la santé publique, notamment par l’adoption de règles communes ;
Eu égard à la normalisation effectuée en vertu de la Convention relative à l’élaboration d’une Pharmacopée européenne et de son Protocole (STE n° 134), qui cherche à favoriser, dans toute la mesure possible, le progrès non seulement dans le domaine social, mais aussi dans celui connexe de la santé publique par l’harmonisation des spécifications des médicaments, qui sont d’une grande importance pour les populations des pays européens ;
Rappelant également les chapitres et monographies de la Pharmacopée européenne qui contiennent des exigences générales et spécifiques applicables aux médicaments, notamment en matière de normes et de méthodes relatives au contrôle de la qualité chimique, pharmaceutique et microbiologique des substances actives et des excipients, et portant sur les formes pharmaceutiques et les récipients ;
Soulignant la nécessité d’appliquer, le cas échéant, les dispositions législatives nationales et européennes de la Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la Directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, et autant que possible les normes internationales pertinentes, telles que celles qui sont élaborées par l’Organisation mondiale de la Santé, ainsi que par la Convention relative à l’inspection pharmaceutique et le Schéma de coopération pour l’Inspection pharmaceutique (S/CIP) ;
Gardant à l’esprit la Résolution CM/ResAP(2011)1 sur les exigences relatives à l’assurance de qualité et d’innocuité des médicaments préparés en pharmacie pour les besoins particuliers du patient, surtout le point 9 qui contient un ensemble de recommandations, invitant notamment les autorités compétentes à élaborer de nouvelles réglementations ou à réviser les réglementations en vigueur dans le domaine de la reconstitution de médicaments et des activités connexes, et soulignant la nécessité de leur mise en œuvre ;
Considérant que les erreurs médicamenteuses, dont celles qui sont liées à la reconstitution d’un médicament dans une forme pharmaceutique prête à l’emploi ou prête à être administrée à un patient, ainsi que les défauts de qualité associés à une reconstitution incorrecte, ont des conséquences graves pour la sécurité du patient, notamment en cas d’administration parentérale ;
Constatant que des indications pratiques suffisamment détaillées en matière de reconstitution de médicaments dans une forme pharmaceutique prête à l’emploi ou prête à être administrée à un patient ne sont pas toujours disponibles pour assurer la conformité avec leur autorisation de mise sur le marché et les informations approuvées par les autorités de sécurité du médicament compétentes ;
Soulignant que la sécurité du patient doit être au cœur des soins de santé et de toute intervention connexe, et qu’il convient de fournir aux professionnels de santé des orientations appropriées pour prévenir les risques de dommages sur la santé causés par une reconstitution incorrecte des médicaments dans les établissements de santé en Europe ;
Notant que la reconstitution de médicaments dans les établissements de santé n’est pas harmonisée en Europe et s’inscrit dans les compétences nationales des Etats parties à la Convention relative à l’élaboration d’une Pharmacopée européenne ;
Rappelant que la décision de l’établissement de santé quant au lieu où doit être effectuée la reconstitution doit reposer sur une évaluation des risques, à laquelle il convient de donner les suites appropriées, y compris le soutien nécessaire aux professionnels de santé ;
Soulignant que la formation appropriée des professionnels de santé, tels que les pharmaciens et le personnel infirmier se conformant à la réglementation ou à l’exemple professionnels nationaux en vigueur, notamment sur les méthodes de préparation aseptique, constitue un prérequis ;
Soulignant que l’élaboration et le respect des normes relatives à l’assurance de qualité et d’innocuité des médicaments nécessitant une reconstitution avant emploi ou administration à un patient, outre les exigences de pharmacopée, sont nécessaires pour garantir une sécurité appropriée des patients en Europe et l’efficacité de la pharmacothérapie ;
En vue de prévenir les dommages sur la santé du patient causés par une reconstitution incorrecte et de donner aux autorités nationales compétentes des modèles d’approche pour aider les responsables de la gestion des soins de santé et les professionnels de santé concernés à préparer et à procéder à la reconstitution, recommande que les gouvernements des Etats parties à la Convention relative à l’élaboration d’une Pharmacopée européenne adaptent leur réglementation conformément aux principes énoncés dans la présente résolution, concernant :
- les responsabilités ;
- les exigences minimales (normes) en matière de reconstitution ;
- la gestion des risques posés par la reconstitution.
Annexe à la Résolution CM/Res(2016)…
1. Champ d’application
La présente résolution couvre uniquement les médicaments à usage humain. Elle devrait orienter la décision de l’établissement de santé quant au lieu où procéder à la reconstitution, à savoir en pharmacie ou dans le service clinique. Cette décision devrait être fondée sur une évaluation des risques (voir points 4 et 5) et aider les professionnels travaillant dans des établissements de santé (pharmaciens, personnel infirmier, etc.) à planifier et à procéder à la reconstitution des médicaments.
La présente résolution s’applique à la reconstitution, dans un établissement de santé donné, de médicaments destinés à un usage parentéral chez les patients de cet établissement.
Ses dispositions devraient également s’appliquer lorsque les médicaments destinés à un usage parentéral fournis par une pharmacie ne sont pas prêts à être administrés et nécessitent des manipulations supplémentaires dans le service clinique ou dans des structures de soins de proximité, notamment des institutions telles que les maisons de retraite. Elles ne visent pas spécialement les pratiques de reconstitution dans les pharmacies d’officine et ne sauraient se substituer aux exigences spécifiques applicables à ces dernières.
Sont exclues du champ d’application de cette résolution :
- la reconstitution de médicaments destinés à être distribués à un autre établissement de santé ;
- l’administration d’un médicament reconstitué à un patient ;
- la reconstitution de produits radiopharmaceutiques.
2. Définitions
Diluant pour reconstitution ou perfusion : solvant adapté à la reconstitution d’un médicament, par exemple eau pour préparations injectables ou solution injectable de chlorure de sodium à 0,9 %.
Erreur médicamenteuse : tout événement évitable susceptible de provoquer ou d’induire un usage incorrect du médicament ou de nuire au patient, lorsque le médicament est placé sous le contrôle du professionnel de santé, du patient ou du consommateur. De tels événements peuvent être liés à la pratique professionnelle, aux produits de soins de santé, aux procédures et aux systèmes, y compris la prescription et la transmission des ordonnances ; l’étiquetage, l’emballage et la dénomination des produits ; la préparation, la dispensation, la délivrance et l’administration des produits ; l’éducation et le suivi thérapeutique des patients, et les modalités d’utilisation des produits.
Manipulation aseptique : procédure par laquelle des médicaments stériles sont préparés en système clos de manière à être prêts à être administrés.
Technique aseptique « sans contact » : procédure par laquelle le praticien (l’opérateur) évite de toucher les éléments essentiels d’un équipement, par exemple l’extrémité d’une aiguille ou la face interne d’un pansement stérile.
Manuel des préparations parentérales (syn. : guide des médicaments injectables) : document ou base de données expliquant comment manipuler des médicaments administrés par voie parentérale. Il présente, outre des informations d’ordre thérapeutique, les méthodes de reconstitution des médicaments telles que la dissolution, la dilution dans des poches de perfusion ou pousse-seringues, ainsi que les (in)compatibilités avec d’autres médicaments et les réactions indésirables.
Procédure de préparation en système clos des médicaments stériles : procédure par laquelle un médicament stérile est préparé en transférant des matières premières ou des solutions stériles dans un récipient scellé préalablement stérilisé, soit directement, soit à l’aide d’un dispositif de transfert stérile, sans exposer la solution à l’environnement extérieur (tels les services de transfusion intraveineuse : médicaments cytotoxiques, par exemple).
Prêt à être administré : présentation du médicament à la concentration et au volume requis, dans le récipient final (seringue, poche de perfusion ou dispositif avec réservoir en élastomère) qui sera utilisé pour l’administrer au patient.
Procédure de préparation en système ouvert des médicaments stériles : procédure de préparation d’un médicament stérile dans laquelle la solution est exposée à l’environnement extérieur.
Prêt à l’emploi : présentation du médicament à la concentration requise dans un récipient. Le volume nécessaire est transféré dans un dispositif d’administration final (seringue, poche de perfusion ou dispositif avec réservoir en élastomère) afin d’être administré au patient.
Reconstitution : manipulation permettant l’utilisation ou l’administration d’un médicament. Les médicaments disposant d’une autorisation de mise sur le marché, délivrée par une agence de sécurité du médicament compétente, sont reconstitués conformément aux instructions figurant dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) ou dans la notice d’information au patient.
Service(s) clinique(s) : zones des établissements de santé où des soins sont prodigués aux patients, par exemple les unités de soins, les services ambulatoires (policliniques) et les blocs opératoires.
3. Responsabilités
3.1 Autorités
Les autorités nationales devraient élaborer, en coopération avec tous les acteurs concernés et notamment avec les organismes professionnels compétents, une législation et des orientations spécifiques en matière de reconstitution. L’élaboration d’un manuel national des préparations parentérales en coopération avec les professionnels concernés est recommandée.
3.2 Etablissement de santé
3.2.1 Direction de l’établissement
Il incombe à la direction de l’établissement de santé de veiller à ce que des systèmes soient en place pour assurer la sécurité de la reconstitution. Cette responsabilité inclut la mise à disposition des ressources nécessaires (par exemple, en termes de personnel, de locaux, d’équipement et de contrats de sous-traitance) pour une reconstitution sûre des préparations parentérales.
Sur la base d’une évaluation des risques (voir points 3.3 et 5), l’équipe de direction de l’établissement de santé devrait déterminer, documentation à l’appui, quels médicaments devraient être reconstitués en pharmacie et quels autres pourraient être reconstitués sans risque dans le service clinique.
Si les normes minimales pour la reconstitution dans le service clinique ne sont pas respectées (voir points 4 et 5), la direction de l’établissement de santé devrait veiller à ce que les médicaments destinés à un usage parentéral soient correctement reconstitués ailleurs et à ce qu’ils soient disponibles, par exemple après avoir été préparés en pharmacie ou achetés sous une forme prête à être administrée.
Après application des méthodes d’atténuation des risques retenues, le risque résiduel doit être acceptable pour l’établissement de santé. Si ce risque reste élevé, l’établissement de santé peut juger opportun de le consigner sur le registre des risques de l’organisation. En outre, la direction devrait veiller à ce que les médicaments destinés à un usage parentéral soient correctement reconstitués ailleurs et à ce qu’ils soient disponibles, par exemple après avoir été préparés en pharmacie ou achetés sous une forme prête à être administrée.
Il va de la responsabilité de la direction de l’établissement de santé de veiller à ce qu’une réévaluation des risques liés aux pratiques de reconstitution soit menée régulièrement et à ce que ses résultats soient pris en considération en tenant compte du contexte propre à l’organisation.
Le manuel des préparations parentérales devrait être approuvé par la direction de l’établissement de santé.
3.2.2 Personne compétente
La personne compétente devrait avoir un mandat clair et un accès direct à l’établissement de santé. Dans chaque établissement de santé, une personne compétente devrait être désignée comme étant responsable de la qualité de la (procédure de) reconstitution, en tant que fonction à part entière ou dans le cadre d’autres fonctions. En pratique, il est possible de constituer une équipe chargée de la reconstitution, placée sous l’autorité de la personne compétente. Les responsabilités de la personne compétente incluent l’approbation des décisions relatives aux types de produits pouvant être reconstitués dans les différents services cliniques.
La personne compétente devrait établir un système de management de la qualité relatif à la reconstitution, notamment préparer la documentation et assurer la formation du personnel participant à la reconstitution.
En cas de reconstitution dans le service clinique, il appartient à la personne compétente d’approuver les procédures opératoires standardisées et de veiller à ce que le personnel participant à la reconstitution soit dûment formé.
La personne compétente devrait, de préférence, être pharmacien ou, à défaut, avoir suivi une formation appropriée et justifier d’une expérience adéquate pour remplir ces fonctions.
Le manuel des préparations parentérales relève du champ d’application de la présente résolution pour ce qui est de la reconstitution des médicaments destinés à un usage parentéral. Il est rédigé, par exemple, par le pharmacien hospitalier, en coopération avec des équipes médicales et non médicales (pharmaciens, médecins, personnel infirmier et préparateurs en pharmacie), et devrait être disponible dans la pharmacie et dans le service clinique de l’établissement de santé.
Le manuel devrait contenir les informations suivantes : recommandations en matière de reconstitution des médicaments, comprenant au moins les diluants et concentrations appropriés ; la voie, le taux et la durée d’administration ; les compatibilités et incompatibilités avec d’autres médicaments, les diluants usuels et les récipients utilisés, ainsi que la stabilité physicochimique maximale et minimale des substances actives diluées. La notice approuvée par l’autorité de sécurité du médicament compétente peut y être incluse.
Les principales sources des informations relatives à la reconstitution des médicaments, stipulées dans le manuel des préparations parentérales, sont l’étiquette et la notice approuvées. En pratique, des informations complémentaires ou plus détaillées que celles figurant sur l’étiquette, dans la notice et dans le RCP peuvent s’avérer nécessaires.
3.2.3 Personnel du service clinique
Les qualifications et compétences (formation continue et régulière, entretien des compétences) de l’ensemble du personnel participant à la reconstitution devraient être documentées, conformément aux exigences du système de management de la qualité. Des connaissances et compétences en calcul, en hygiène et en microbiologie, ainsi qu’une formation aux techniques de manipulation aseptique sont particulièrement importantes.
3.3 Evaluation des risques
Il convient de réaliser dans l’établissement de santé une évaluation des risques liés à la reconstitution, pour chaque médicament, en tenant compte des facteurs de risque les plus pertinents (voir points 4 et 5). L’analyse prospective et rétrospective des risques et la conduite d’audits sont utiles pour obtenir différents point de vue sur les risques en milieu hospitalier. Toutes ces méthodes pouvant comporter une part de subjectivité, leur utilisation combinée donne aux managers une vision plus complète et plus objective des risques.
Après l’évaluation des risques susmentionnée, une hiérarchisation des médicaments, en fonction des risques inhérents à leur reconstitution, devrait être établie pour l’établissement de santé en question. Sur cette base, l’équipe de direction de l’établissement de santé devrait déterminer, documentation à l’appui, quels médicaments devraient être reconstitués en pharmacie et quels autres pourraient être reconstitués sans risque dans le service clinique. Cette hiérarchisation devrait être revue et les risques devraient être réévalués régulièrement (voir point 5). En cas de reconstitution dans le service clinique, la personne compétente devrait approuver les procédures opératoires standardisées et veiller à ce que le personnel participant à la reconstitution soit dûment formé.
Le manager du service clinique et la personne compétente devraient superviser l’évaluation des risques, la signer (voir note en annexe, « Checklist pour l’identification, l’évaluation et l’atténuation des risques posés par la reconstitution des médicaments dans le service clinique » ; ci-après, « la checklist ») et la transmettre à la direction de l’établissement de santé pour prise de décision.
3.4 Audits
Des audits réguliers, internes de préférence, de toutes les activités associées aux préparations parentérales dans les établissements de santé sont requis (une fréquence annuelle est proposée) pour améliorer la procédure de reconstitution (voir point 5).
La formation des membres du personnel à la réalisation d’audits (auto-inspection) permet de les sensibiliser aux conséquences, pour la sécurité du patient, des activités impliquant des médicaments destinés à un usage parentéral.
4. Exigences minimales (normes) en matière de reconstitution
La reconstitution doit être intégrée au système qualité du service clinique. Une attention toute particulière devrait être accordée au traitement des questions suivantes, dans un document accessible au personnel concerné :
- une procédure globale relative à la reconstitution, couvrant des aspects généraux, tels que la manipulation aseptique, l’hygiène, les exigences éventuelles quant au port de vêtements spéciaux, la politique en matière de vérification indépendante, l’exigence d’une utilisation immédiate ;
- des instructions détaillées concernant la reconstitution sûre de chaque médicament, par exemple la notice approuvée par l’autorité de sécurité du médicament compétente (manuel des préparations parentérales, voir point 3.2) ;
- des procédures d’étiquetage pour chaque médicament reconstitué susceptible de ne pas rester entre les mains de la personne l’ayant reconstitué, afin de garantir la concordance des informations relatives à la prescription, au produit (substance active, posologie, heure prévue pour l’administration du produit reconstitué) et à l’identité du patient (nom et prénom), ainsi que la traçabilité de la procédure de reconstitution (identité de de la personne ayant reconstitué le médicament) ;
- un système permettant de répertorier chaque reconstitution, y compris les calculs effectués, le cas échéant ;
- une liste des médicaments (nom générique et dénomination commerciale, le cas échéant, dosage, récipient et posologie) pouvant être reconstitués dans le service clinique en application de ces exigences minimales ;
- des documents établissant les compétences du personnel en ce qui concerne la reconstitution de médicaments (document de qualification pour chaque personne participant à la reconstitution, approuvé par le responsable du service clinique concerné).
Si les exigences précitées ne sont pas remplies dans un service clinique donné, la reconstitution ne devrait pas y être pratiquée (voir point 3.2).
De façon générale, la reconstitution de médicaments dangereux ou présentant un risque pour la sécurité, comme des médicaments cytotoxiques ou certains produits biologiques (en particulier, des anticorps monoclonaux), ou d’autres médicaments demandant une attention particulière au moment de la reconstitution (filtration pour les solutions micellaires, temps de dissolution long, fragilité de certain anticorps monoclonaux, etc.), devrait avoir lieu dans une zone de la pharmacie à environnement contrôlé ou sous la complète responsabilité d’un pharmacien. Ce principe peut également s’appliquer à d’autres produits, par exemple certains produits biologiques ou produits de thérapie génique, selon le niveau de risque pour les opérateurs.
La reconstitution des médicaments devrait être effectuée au sein du service clinique aussi rapidement que possible après l’administration ou l’utilisation.
Les médicaments reconstitués devraient être manipulés et conservés conformément au RCP. Toute exception devrait être justifiée et n’engagerait pas la responsabilité du fabricant. La conservation des médicaments reconstitués dans le service clinique devrait respecter les prescriptions figurant dans le RCP. D’autre part, la durée de conservation des médicaments reconstitués ne devrait être indiquée qu’à la condition d’avoir réalisé des études de stabilité.
5. Traitement des risques liés à la reconstitution dans le service clinique
Afin d’atténuer les risques posés par les médicaments reconstitués dans le service clinique, les activités suivantes devraient être entreprises, conformément aux principes de gestion des risques :
- identification des risques ;
- évaluation des risques ;
- gestion des risques ;
- acceptation des risques ;
- réévaluation des risques.
5.1 Identification des risques
Les situations suivantes devraient être considérées comme complexes et, par conséquent, comme sources potentielles de risques. Les différents risques associés aux procédures complexes de reconstitution sont énumérés ci-dessous et pris en considération dans la checklist (voir note). La liste présentée n’est pas exhaustive, et toute reconstitution devrait être évaluée individuellement.
5.1.1. Risques liés au produit et à la procédure de reconstitution
5.1.1.1 Contamination microbiologique
- Complexité de la procédure de reconstitution : plus la méthode de reconstitution est complexe, plus le médicament présente un risque de prolifération microbienne.
- Reconstitution en système ouvert : lorsque le médicament n’est pas administré immédiatement après sa reconstitution dans le service clinique, comme il le devrait, le risque de prolifération microbienne est majoré.
5.1.1.2 Composition incorrecte
- Utilisation d’un concentré : lorsqu’une dilution (après reconstitution) est nécessaire avant utilisation, comme dans le cas des électrolytes concentrés, le risque de composition incorrecte est majoré.
- Calculs complexes : plus les calculs sont complexes, plus le risque de composition incorrecte est élevé, notamment dans les cas suivants ;
- calcul en plusieurs étapes pour la préparation ;
- calcul en plusieurs étapes pour la préparation à l’administration ;
- nécessité de convertir les unités de dose ;
- présence de fractions complexes ou de décimales ;
- nécessité de tenir compte d’un facteur de déplacement ;
- médicament sous forme de poudre, nécessitant une dissolution aux fins de reconstitution ;
- lorsqu’une poudre desséchée doit être reconstituée avec un diluant, il existe un risque que la poudre ne se dissolve pas entièrement avant l’administration du produit, ce qui peut en fausser la composition et engendrer un risque de contamination particulaire.
Répartition du contenu d’un flacon ou de plusieurs flacons : lorsqu’il est nécessaire d’utiliser une partie d’un flacon ou d’une ampoule, ou de plusieurs flacons ou ampoules, le risque de composition incorrecte augmente, car des mesures de volume sont requises.
5.1.2 Risques pour le personnel procédant à la reconstitution (voir point 4)
5.1.3 Risques associés à l’activité pharmacologique
S’ils ne sont pas utilisés comme indiqué, certains médicaments destinés à un usage parentéral présentent un risque important pour la santé du patient, qui dépend de l’activité pharmacologique du médicament.
5.2. Evaluation des risques
La checklist (voir note) pourrait être utilisée pour identifier les risques importants. Cette façon de procéder permet de mettre en évidence les produits à plus haut risque (dont la reconstitution dans le service clinique devrait être évitée ou faire l’objet de mesures d’atténuation des risques – voir ci-après). Les produits à faible risque peuvent être préparés sans danger dans le service clinique, sous réserve que les exigences minimales énoncées au point 4 soient respectées.
Dans certains cas, les risques sont suffisamment élevés pour que s’impose la décision de ne pas reconstituer le produit dans le service clinique et de le fournir sous une forme prête à être administrée (par exemple, les médicaments cytotoxiques).
D’autres méthodes d’évaluation des risques peuvent être appliquées dès lors qu’elles s’appuient sur les mêmes critères rigoureux. L’évaluation de médicaments similaires peut éventuellement être groupée pour réduire la charge de travail, en fonction des médicaments concernés et du service clinique en question.
5.3 Gestion des risques
Quels que soient les résultats de l’évaluation des risques, cette dernière vise, dans tous les cas, à réduire les risques associés à la procédure de reconstitution. Les méthodes d’atténuation des risques à envisager dans le cadre de la reconstitution de médicaments destinés à un usage parentéral sont les suivantes :
- fournir des médicaments prêts à l’emploi ou prêts à être administrés, afin de réduire les risques de tous types associés à la reconstitution et de simplifier l’administration des médicaments. Ces médicaments peuvent être préparés en pharmacie ou achetés sous cette forme. Il s’agit de la solution de gestion des risques idéale ;
- simplifier et rationaliser la gamme de produits et de présentations des médicaments destinés à un usage parentéral. Dans la mesure du possible, limiter la gamme des concentrations/dosages de produits à haut risque pour réduire le risque d’erreurs de sélection ;
- fournir les tailles de flacons/d’ampoules et la concentration les plus appropriées. Les risques de contamination microbiologique sont moins élevés avec les flacons qu’avec les ampoules, car le produit se trouve dans un système fermé. Dans la mesure du possible, les flacons, plutôt que les ampoules, devraient être utilisés afin de réduire les risques de contamination microbiologique. L’utilisation de la taille de récipient la plus adaptée et de la bonne concentration évite les retraits partiels nécessitant des mesures de volume. Cela simplifie la procédure et réduit les risques de composition incorrecte ;
- si la reconstitution est réalisée en système ouvert, envisager, si possible, d’utiliser un dispositif permettant une reconstitution en système clos ;
- utiliser des systèmes de double vérification – une vérification indépendante par une deuxième personne et/ou le recours à un logiciel de contrôle des doses dans les pousse-seringues et pompes à perfusion « intelligentes » – pour réduire les risques d’erreurs de calcul et de composition incorrecte ;
- mettre à disposition des outils de calcul de doses (des tableaux posologiques pour une gamme de masse corporelle, par exemple) pour éviter au personnel de devoir calculer des doses. Cela réduit les risques d’erreurs de calcul et de composition incorrecte ;
- énoncer des recommandations supplémentaires concernant la prescription, la reconstitution et l’administration de médicaments destinés à un usage parentéral dont l’évaluation a montré qu’il s’agissait de produits à plus haut risque. Cela réduit tous les types de risques ;
- fournir un équipement de protection, au sein du service clinique, pour réduire les risques de contamination microbiologique des produits et, dans certains cas, les risques pour le personnel procédant à la reconstitution. Au minimum, il est recommandé de prévoir dans les services cliniques un espace distinct pour la reconstitution ;
- envisager la fourniture d’ordonnances ou d’étiquettes préimprimées, qui contribuent à assurer la clarté des informations de la prescription pour la reconstitution et l’administration de produits à plus haut risque ;
- diffuser des protocoles approuvés localement qui clarifient les usages hors autorisation de mise sur le marché ou hors indication des médicaments destinés à un usage parentéral ;
- utiliser un formulaire ou une checklist pour assurer la surveillance des perfusions pendant toute la durée d’administration et réduire ainsi les risques pour le patient. Inclure le formulaire ou la checklist dans le dossier médical du patient en cas d’augmentation du niveau de risque (perfusion intraveineuse ou service clinique effectuant peu de reconstitutions) ;
- encourager un climat d’ouverture et de bienveillance chez les professionnels impliqués, où il est naturel de solliciter de l’aide et d’obtenir un soutien en cas de doute.
Toutes ces méthodes d’atténuation des risques devraient être envisagées pour chacune des étapes de la reconstitution. Le cas échéant, et dans la mesure du possible, elles devraient être systématiquement mises en œuvre.
5.4. Acceptation des risques
Lorsque tous les risques relatifs à une procédure de reconstitution donnée ont été identifiés et que toutes les mesures d’atténuation des risques (voir E dans le tableau ci-dessous) ont été envisagées et mises en œuvre (si possible dans chaque cas), il subsiste un « risque résiduel » lié à la reconstitution. Les médicaments à reconstituer devraient être classés en fonction du risque résiduel qui y est associé, après application des méthodes d’atténuation des risques retenues. Ceux qui présentent un risque résiduel élevé ne devraient pas être reconstitués dans le service clinique et d’autres solutions devraient être recherchées, par exemple la mise à disposition d’un médicament prêt à être administré ou sa préparation en pharmacie (voir point 3.2)
5.5 Réévaluation des risques
Tous les risques résiduels devraient faire l’objet d’une réévaluation régulière (une fréquence au minimum annuelle est proposée) pour mettre à jour les données de l’établissement de santé quant au lieu le plus adapté pour procéder à la reconstitution d’un médicament donné. Il est possible que de nouvelles méthodes d’atténuation des risques aient été mises au point depuis la réévaluation des risques précédente. Par exemple, l’industrie pharmaceutique peut avoir autorisé une forme prête à être administrée. L’établissement de santé peut également avoir eu connaissance de méthodes d’atténuation des risques en vigueur dans d’autres établissements, qu’il pourrait également mettre en œuvre en son sein.
Note : Checklist pour l’identification, l’évaluation et l’atténuation des risques posés par la reconstitution des médicaments dans les services cliniques
Produit : |
Service clinique : |
Evaluation réalisée par : |
Date : |
I. Risques |
Evaluation |
|
Risques liés au produit |
||
A |
Contamination microbiologique |
|
A1 |
La reconstitution est-elle complexe ? - Plus de cinq manipulations aseptiques « sans contact » dans la procédure ; - La reconstitution fait appel à une technique complexe (p. e., le transfert de seringue à seringue ou la filtration). |
Oui c Non c |
A2 |
Le produit est-il favorable à une prolifération microbienne ? P. e., propofol |
Oui c Non c |
A3 |
La reconstitution du produit implique-t-elle une procédure en système ouvert ? |
Oui c Non c |
A4 |
Le produit doit-il être conservé, c’est-à-dire non utilisé immédiatement ? |
Oui c Non c |
B |
Composition incorrecte |
|
B1 |
La reconstitution implique-t-elle l’utilisation d’un médicament concentré ? P. e., si l’injection lente en bolus n’est pas recommandée. |
Oui c Non c |
B2 |
La reconstitution implique-t-elle des calculs complexes ? - Calcul en plusieurs étapes pour la préparation (p. e., double dilution ou dilutions en série) ; - Calcul en plusieurs étapes pour la préparation à l’administration (p. e., mg/kg/heure, à l’exclusion des calculs effectués à partir de la masse corporelle, qui font partie de l’étape de prescription) ; - Nécessité d’une conversion des unités de dose (p. e., mg en mmol ou % en mg) ; - Présence de fractions complexes ou de décimales (p. e., administration en mg/heure ou mg/jour pour les pousse-seringues, notamment en soins palliatifs) ; - Nécessité de tenir compte d’un facteur de déplacement. |
Oui c Non c |
B3 |
La forme pharmaceutique du médicament à reconstituer est-elle une poudre, un lyophilisat, une suspension ou une émulsion ? |
Oui c Non c |
B4 |
La reconstitution implique-t-elle l’utilisation d’une partie d’un flacon ou d’une ampoule, ou de plusieurs flacons ou ampoules ? P. e., 5 ml d’un flacon de 10 ml ou 4 ampoules de 5 ml requis pour une dose. |
Oui c Non c |
C |
Risques pour le personnel procédant à la reconstitution |
|
C1 |
Le produit est-il cytotoxique ? P. e. : - procédure globale pour la reconstitution, couvrant des aspects généraux, tels que la manipulation aseptique, l’hygiène, les exigences éventuelles quant au port de vêtements spéciaux, la politique en matière de vérification indépendante, l’exigence d’une utilisation immédiate ; - documents établissant les compétences du personnel dans le cadre de la reconstitution de médicaments (document de qualification pour chaque personne participant à la reconstitution, approuvé par la direction du service clinique en question). |
Oui c Non c |
C2 |
Le produit présente-t-il des dangers autres ? P. e., médicaments biologiques. |
Oui c Non c |
D |
Risques associés à l’activité pharmacologique du médicament |
|
D1 |
Le produit présente-t-il un risque thérapeutique ou une activité pharmacologique spécifiques? P. e., insuline ou opiacés. |
Oui c Non c |
E |
Autres risques ne figurant pas ci-dessus |
|
E1 |
Temps de dissolution lors de la reconstitution particulièrement long. |
Oui c Non c |
E2 |
Fragilité de la substance active nécessitant des précautions particulières lors de la reconstitution ou de la manipulation du médicament (p. e., anticorps monoclonaux). |
Oui c Non c |
E3 |
Oui c Non c |
|
II. Méthodes d’atténuation des risques actuellement en place |
||
a |
Disponibilité d’un produit prêt à être administré ou prêt à l’emploi dans le service clinique ? |
Oui c Non c |
b |
Utilisation d’une gamme plus simple de concentrations/dosages/formes pour les médicaments destinés à un usage parentéral ? |
Oui c Non c |
c |
Utilisation des tailles de flacons/ampoules et des concentrations les plus appropriées ? |
Oui c Non c |
d |
Utilisation d’un dispositif pour convertir un système ouvert en système clos ? |
Oui c Non c |
e |
Seconde vérification indépendante par une autre personne et/ou utilisation d’un logiciel de vérification des doses ? |
Oui c Non c |
F |
Existence d’outils de calcul de doses ? P. e., tableaux posologiques pour une gamme de masses corporelles |
Oui c Non c |
g |
Autres recommandations applicables aux médicaments pour administration parentérale présentant un plus haut risque ? |
Oui c Non c |
h |
Existence d’un équipement de protection ? P. e., isolateur |
Oui c Non c |
i |
Existence d’un format d’étiquettes préimprimées ? |
Oui c Non c |
j |
Existence de protocoles approuvés localement pour les usages hors AMM ou hors indication du produit ? |
Oui c Non c |
k |
Utilisation d’un formulaire ou d’une checklist pour le suivi des perfusions ? |
Oui c Non c |
l |
Reconstitution conforme aux instructions figurant dans le manuel des préparations parentérales (RCP ou notice d’information au patient) ? |
Oui c Non c |
III. Produit pouvant être reconstitué dans le service clinique : OUI/NON
Justification de la décision :
Utilisation de la checklist pour l’évaluation des risques :
1. Tous les risques associés à la reconstitution d’un médicament donné (ou d’une classe de produits similaires) dans un service clinique particulier doivent être recensés en cochant la case « oui », s’ils sont présents.
2. Sur la base des risques identifiés et des méthodes d’atténuation des risques en place (autrement dit, en fonction du risque résiduel), le manager du service clinique en question et la personne désignée doivent déterminer si le produit peut être reconstitué dans ledit service clinique, et justifier leur décision. Ces informations devront être consignées sur la checklist (voir point 5.4, Acceptation des risques).
3. Un pharmacien doit remplir les parties I à III, inscrire la date et apposer sa signature sous « Evaluation réalisée par », dans l’encadré se trouvant en haut de la checklist.
4. La checklist doit être signée par le manager du service clinique et la personne compétente chargée de superviser l’évaluation.
5. Une fois remplie, il convient d’ajouter à la checklist la date à laquelle l’évaluation des risques devrait être réexaminée (une fréquence au moins annuelle est proposée) (voir point 5.5, Réévaluation des risques).
6. La checklist d’évaluation des risques, une fois remplie, doit être archivée dans le service clinique.
7. Les checklists d’évaluation des risques annulées et remplacées par d’autres doivent être clairement marquées comme telles, mais conservées aux fins d’audit.
8.
[1] Etats concernés : Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Monténégro, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Serbie, République slovaque, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Turquie, Ukraine et Royaume-Uni.