908e réunion – 7 décembre 2004

Point 2.1a

Questions politiques actuelles

a.         Activités pour le développement et la consolidation de la stabilité démocratique

-           Serbie-Monténégro : Kosovo – Suites données à l’échange de vues avec M.Søren Jessen-Petersen,

            Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK)

La Déléguée de la Serbie-Monténégro fait la déclaration suivante :

« Permettez-moi aujourd’hui de vous présenter la décision qui a été adoptée concernant l’élection du Premier Ministre du Kosovo. Je voudrais tout d’abord vous rappeler que, depuis octobre 2000, les autorités de Serbie et de l’Union d’état de Serbie-Monténégro ont scrupuleusement suivi une politique visant à résoudre de manière pacifique, consensuelle et durable les problèmes existants au Kosovo et à Metohija. Leur contribution à la mise en œuvre de la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies prend la forme d’un grand nombre d’initiatives, de documents et de processus, qui sont tous fondés sur une stratégie d’application des normes universelles, et notamment européennes, en matière de droits de l’homme et de droits des minorités, de démocratie et de prééminence du droit, dans les circonstances très difficiles qui prévalent actuellement. Permettez-moi également de vous rappeler que les Gouvernements de la Serbie-Monténégro et de la Serbie n’ont réagi à ce jour à aucune proposition de nomination personnelle concernant les institutions intérimaires d’autonomie locale au Kosovo. Ma délégation a plusieurs fois soulevé le problème de l’éventuelle désignation, à l’époque, de Ramush Haradinaj au poste de Premier Ministre. Je vais donc, si vous me le permettez, répéter ce que j’ai déjà déclaré lors de la dernière réunion du GR-EDS le 26 novembre dernier, qui a été très peu évoqué dans le dernier carnet de bord.

Des déclarations de la part de la communauté internationale lançant un appel en faveur d’un Kosovo multiethnique et du retour dans cette province des Serbes et d’autres non Albanais déplacés, ou en faveur de leur participation, est incompatible avec la décision de nommer Ramush Haradinaj Premier Ministre du Kosovo et de Metohija, bien qu’il fasse l’objet d’une enquête du tribunal de La Haye pour crimes de guerre. L’élection de Haradinaj est assez inquiétante et les autorités de mon pays sont persuadées que cette question doit être soumise à toutes les institutions internationales, et notamment européennes, y compris le Conseil de l'Europe. Permettez-moi de signaler que lors de l’élection de Haradinaj, nos autorités, le Gouvernement serbe, ne sont pas les seules à avoir réagi ; de nombreux gouvernements étrangers et responsables internationaux ont eux aussi tenté de réagir par différents moyens, dès avant le scrutin, à titre préventif. Ce qui pose problème, c’est le fait que l’homme qui a été choisi pour être le plus haut représentant de l’exécutif est accusé des crimes les plus graves, et sous l’apparence d’un Premier Ministre désireux de mettre en place des institutions démocratiques, c’est un homme au lourd passé criminel, en temps de guerre comme en temps de paix, qui a été élu. Je me permets de vous informer que les autorités de Serbie-Monténégro, et notamment l’ancien Ministre serbe de la Justice, ont récemment affirmé, en toute connaissance de cause, que Haradinaj, en tant que commandant de la zone d’opération de Dukagjini, avait personnellement commis 67 meurtres, et en avait ordonnés au moins 260. Il a organisé environ 400 enlèvements de Serbes et de non Albanais habitant au Kosovo. Conformément au principe de la chaîne de commandement, il est directement responsable des crimes les plus abjects, qui, en brutalité, ne le cèdent qu’aux tragiques événements de Srebrenica. Haradinaj est un individu ayant un passé criminel acquis et conservé avant, pendant et après la guerre. A ce jour, 108 plaintes pénales ont été déposées au total contre lui. Une enquête sur sa participation à des crimes de guerre à l’encontre de la population civile est actuellement menée par une chambre spécialisée dans les crimes de guerre du tribunal de district de Belgrade, qui a ordonné son arrestation et a délivré un mandat d’arrêt. Le tribunal de La Haye mène également une enquête sur lui. Quel genre de message son élection nous transmet-elle ? Le Conseil de l'Europe, l’organisation qui est présente au Kosovo et dont le mandat et le but principal sont le développement et le respect de la démocratie, la prééminence du droit et la protection des droits de l’homme et des droits des minorités, se doit de répondre à ce message et de prendre clairement position sur l’élection de cet individu accusé de crimes extrêmement graves, et qui est titulaire de la plus haute charge de l’exécutif. Le Conseil de l'Europe est également invité à répondre à la question suivante : voulons-nous favoriser la résolution du problème une fois pour toutes, totalement et durablement, ou voulons-nous simplement le régler de manière purement formelle pour un certain temps, et si possible, finir par le supprimer au plus vite de la liste des priorités ? Le Gouvernement de Serbie, dans les conclusions adoptées qui ont été préalablement distribuées à toutes les délégations, condamne l’élection de Ramush Haradinaj au poste de Premier Ministre du Kosovo et exige du chef de la MINUK, M. Petersen, qu’il annule cette décision. Cette requête a malheureusement été rejetée. L’élection de cet individu ne peut pas être justifiée par des platitudes sur la démocratie ni par des procédures purement formelles. L’élection de Haradinaj sape directement le processus de résolution des problèmes ; elle représente la menace la plus directe pour le processus de recherche d’une solution commune à tous les problèmes de la province ; elle constitue une provocation politique envers tous ceux qui préconisent une solution pacifique et durable au problème du Kosovo ; elle compromet les efforts de la communauté internationale, des autorités serbo-monténégrines et des forces politiques démocratiques de la région visant à trouver un compromis. Cette élection pourrait en outre nuire à la stabilité de la région. Elle pourrait bloquer de nombreux processus, ou les rendre encore plus difficiles, et en premier lieu le dialogue entre Belgrade et Pristina. Bien sûr, il est encore possible pour la communauté internationale, en cas de refus de maintenir le dialogue avec Pristina, de mettre en cause, comme toujours, les autorités de Belgrade, surtout alors que la question reste entière de savoir si le tribunal de La Haye va ordonner une mise en examen de Haradinaj, et quand il va le faire. Mais sachez que le Kosovo et Metohija sont victimes d’une nouvelle aventure, encore plus dangereuse, une aventure de fait accompli politique et de solutions unilatérales. »