CONSEIL DE L’EUROPE

COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2005)4

du Comité des Ministres aux Etats membres

relative à l’amélioration des conditions de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe

(adoptée par le Comité des Ministres le 23 février 2005,

lors de la 916e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, conformément à l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres et que ce but peut être poursuivi, en particulier, grâce à une action commune dans le domaine de la cohésion sociale ;

Convaincu que les Roms/Tsiganes et les Gens du voyage contribuent à la culture et aux valeurs européennes au même titre que les autres peuples d’Europe, et constatant que, en dépit de ce mérite, ils sont massivement victimes de discriminations dans tous les domaines de la vie ;

Reconnaissant qu’il faut d’urgence élaborer de nouvelles stratégies pour améliorer les conditions de vie des Roms/Tsiganes et des Gens du voyage dans toute l’Europe afin de leur garantir l’égalité des chances dans des domaines tels que la participation civique et politique ainsi que dans des domaines de développement comme le logement, l’éducation, l’emploi et la santé ;

Estimant que les politiques visant à traiter les problèmes rencontrés par les Roms/Tsiganes et Gens du voyage en matière de logement devraient être globales et fondées sur une prise de conscience que la question du logement pour les Roms/Tsiganes et Gens du voyage a bien d’autres ramifications, puisqu’elle touche à l’économie, à l’éducation, aux domaines social et culturel, et à la lutte contre le racisme et la discrimination ;

Considérant les ressources sous-exploitées des communautés Roms/Tsiganes et des Gens du voyage et leur capacité à contribuer à l’amélioration de leur propre situation, en particulier dans le domaine du logement ;

Gardant à l’esprit que certains Etats membres n’ont pas ou n’appliquent pas de législation nationale claire en matière de logement, concernant diverses pratiques telles que la discrimination et le harcèlement discriminatoire dans le logement, les boycotts discriminatoires, la ghettoïsation, la ségrégation raciale et résidentielle, et d’autres formes de discrimination concernant les Roms/Tsiganes itinérants et semi-itinérants et les Gens du voyage, de même que l’inégalité des conditions de logement et d’accès aux logements, comme les logements sociaux, les programmes publics de logement, l’auto-construction, les coopératives de logement ;

Rappelant les textes internationaux se rapportant au domaine du logement tels que la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (article 25.1), le Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels (article 11.1), le Programme pour l’habitat des Nations Unies adopté à Istanbul en 1996 et la Déclaration sur les villes et les autres établissements humains dans le nouveau millénaire adoptée lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée à l’examen et à l’évaluation d’ensemble du Programme pour l’habitat (New York, 6-8 juin 2001), la Charte sociale européenne du Conseil de l'Europe de 1961 (STE n° 35) (article 16), son Protocole additionnel de 1988 (STE n° 128) (article 4) et la Charte sociale européenne révisée de 1996 (STE n° 163) (article 31) ;

Tenant compte de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n° 157) ;

Gardant à l’esprit sa Recommandation° R (2000) 4 sur l’éducation des enfants Roms/Tsiganes en Europe et sa Recommandation Rec(2001)17 sur l’amélioration de la situation économique et de l’emploi des Roms/Tsiganes et des « voyageurs » en Europe ;


Gardant à l’esprit les Recommandations 563 (1969) et 1203 (1993) de l’Assemblée parlementaire qui font état des conditions de vie des Roms/Tsiganes en Europe ;

Gardant à l’esprit les Résolutions 125 (1981), 16 (1995) et 249 (1993) et la Recommandation 11 (1995) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe relatives à la situation des Roms/Tsiganes en Europe ;

Gardant à l’esprit la Recommandation de politique générale n° 3 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance sur la lutte contre le racisme et l’intolérance envers les Roms/Tsiganes en Europe ;

Ayant accueilli avec satisfaction les Lignes directrices relatives à l’accès au logement pour les catégories de personnes défavorisées, établies par le Groupe de spécialistes sur l’accès au logement, ainsi que la Recommandation 1505 (2001) de l’Assemblée parlementaire sur l’amélioration des zones urbaines défavorisées en Europe ;

Gardant à l’esprit la Directive 2000/43/CE du Conseil de l’Union européenne du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ;

Gardant à l’esprit que les structures constitutionnelles, les traditions juridiques et la répartition des compétences diffèrent d’un Etat membre du Conseil de l’Europe à l’autre, ce qui pourrait conduire à une mise en œuvre différenciée de la présente Recommandation,

Recommande que, dans la conception, la mise en œuvre et le suivi de leurs politiques du logement, les gouvernements des Etats membres :

-           soient guidés par les principes énoncés dans l’Annexe à la présente Recommandation;

-           portent la présente Recommandation à l’attention des instances publiques concernées dans leurs pays respectifs, par les canaux nationaux appropriés.

Annexe à la Recommandation Rec(2005)4

I.          Définitions

Dans ce texte, le terme « Roms » désigne les communautés roms/tsiganes et des Gens du voyage, et doit être interprété comme englobant l’ensemble des groupes concernés dans toute leur diversité.

 

Dans la présente Recommandation, on entend par « logement » différents modes d’habitation tels que les maisons, les caravanes ou les mobile homes ou les sites de halte.

Il convient de garder à l’esprit, dans le présent contexte, la définition du « logement convenable » figurant dans le Programme pour l’habitat des Nations Unies, paragraphe 60 : « Vivre dans un logement convenable, ce n'est pas simplement avoir un toit au-dessus de la tête. Un logement convenable doit aussi être suffisamment grand, lumineux, chauffé et aéré, offrir une certaine intimité, être physiquement accessible, permettre de vivre en sécurité, permettre de jouir de la sécurité d'occupation, présenter une structure stable et durable, être équipé des infrastructures de base (approvisionnement en eau, assainissement, gestion des déchets), être adéquat du point de vue écologique et sanitaire, et, enfin, être situé à une distance raisonnable du lieu de travail et des services de base, le tout pour un prix abordable ».

Le Commentaire général n° 4 sur le droit au logement convenable du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies est également pertinent.

Le terme « site de transit/de halte » désigne le lieu dans lequel des Gens du voyage sont admis en attente d’être relogés ou de se déplacer à nouveau.


II          Principes généraux

Politiques du logement intégrées

1.         Les Etats membres devraient veiller à ce que des politiques intégrées et adaptées en faveur des Roms soient élaborées dans le cadre général des politiques du logement. Ils devraient également allouer des ressources suffisantes pour la mise en œuvre de ces politiques, afin de contribuer aux politiques nationales de réduction de la pauvreté,

Principe de non-discrimination

2.         Les Roms continuant à faire partie des catégories de population les plus défavorisées en Europe, les politiques nationales du logement devraient s’efforcer de traiter leurs problèmes spécifiques en urgence et de manière non discriminatoire.

Liberté dans le choix du mode de vie

3.         Les Etats membres devraient affirmer le droit au libre choix de son mode de vie, sédentaire ou itinérant. Les autorités nationales, régionales et locales devraient faire en sorte que chacun bénéficie de toutes les conditions nécessaires à la pratique du mode de vie choisi, le cas échéant – en fonction des ressources disponibles et des droits des tiers, dans le cadre juridique relatif aux constructions, à l’aménagement du territoire et à l’accès à des terrains privés.

Logement convenable et abordable

4.         Les Etats membres devraient promouvoir et protéger le droit de tous à un logement convenable, tout en garantissant l’égalité d’accès à un logement convenable pour les Roms grâce à des politiques appropriées et dynamiques, en particulier dans le domaine du logement à un prix abordable et de la prestation de services.

Prévention de l’exclusion et des ghettos

5.         Pour lutter contre la ghettoïsation et la ségrégation des Roms vis-à-vis de la population majoritaire, les Etats membres devraient éviter, interdire ou, le cas échéant, arrêter toute politique ou initiative à l’échelon national, régional ou local visant à faire en sorte que les Roms s’installent ou se réinstallent dans des sites inadaptés et des zones dangereuses, ou visant à les repousser dans de tels sites en raison de leur appartenance ethnique.

Participation

6.             Les Etats membres devraient, s’il y a lieu, donner aux communautés et aux organisations Roms les moyens de participer au processus de conception, d'élaboration, de mise en œuvre et de suivi des politiques et des programmes visant à améliorer leur situation en matière de logement.

Partenariat

7.             De plus, les Etats membres devraient encourager et promouvoir plus largement la responsabilisation et le développement des capacités au sein des communautés roms en encourageant les partenariats à tous les niveaux – local, régional et national, selon les cas – dans le cadre de leurs politiques visant à régler les problèmes de logement rencontrés par les Roms.

Les Etats membres devraient également s’assurer que des membres des communautés roms seront aussi impliqués dans le processus.

Coordination

8.         Les Etats membres devraient veiller à ce qu'une bonne coordination soit assurée dans le domaine du logement entre, d’une part, les autorités nationales, régionales et locales compétentes et, d’autre part, les populations et organisations roms majoritaires et actives dans ce secteur.


Rôle des collectivités régionales et locales

9.         Les Etats membres devraient encourager les collectivités locales à remplir leurs obligations à l'égard des Roms – comme envers toute autre personne ayant le même statut juridique – dans le domaine du logement. Ils devraient encourager les collectivités régionales et locales à veiller à ce que les stratégies territoriales et locales de développement comprennent des ensembles d'objectifs concrets et clairement définis ciblant les communautés roms et leurs besoins en matière de logement.

III.        Le cadre juridique

Cadre juridique des droits en matière de logement

10.        Les Etats membres devraient élaborer un cadre politique et juridique global concernant le logement, nécessaire pour que les populations sédentaires et itinérantes (en fonction des spécificités géographiques) puissent exercer leur droit à un logement convenable.

Cadre juridique des droits connexes

11.        Dans ce cadre, les Etats membres devraient développer des mécanismes en vue de garantir aux Roms les droits connexes que sont notamment l’accès à l’eau, à l’électricité et à d’autres infrastructures utiles comme l’éducation, les soins médicaux, l’assistance sociale, etc., ainsi que stipulé dans les textes juridiques internationaux en matière de droits de l’homme et les normes y afférentes.

Application du cadre juridique

12.        Afin d'assurer l'égalité d'accès au logement, les Etats membres devraient veiller à ce que le cadre politique et juridique susmentionné soit bien appliqué, et fournir aux autorités responsables des lignes directrices claires concernant l'exercice des droits en matière de logement. Ils devraient également donner des lignes directrices claires en matière d'accès aux logements et aux services, et de répartition de ceux-ci.

Nécessité d'une aide judiciaire

13.        Les Etats membres devraient veiller à ce qu’une aide judiciaire, des services de consultation juridique et un défenseur soient mis gratuitement à la disposition des personnes démunies, dans tous les types de différends en matière de logement, afin d’éviter que l'absence de mécanismes d'assistance judiciaire ne nuise fortement à leur capacité de défendre leurs droits ou d'exercer un recours effectif, et notamment d'obtenir réparation en cas d'atteinte à leurs droits en matière de logement.

Transparence, bonne gouvernance et accès à l'information

14.        Le système juridique devrait comprendre des garanties de transparence et de bonne gouvernance, et notamment reconnaître le droit des Roms à accéder aux informations concernant les politiques du logement et les décisions des autorités nationales et locales susceptibles de les concerner.

Soutien aux ONG

15.        Les Organisations non gouvernementales qui s'occupent de questions roms, notamment dans le domaine du conseil et de l’assistance juridique, devraient bénéficier de bonnes conditions d’exercice de leurs activités et d’un soutien efficace. Les Etats membres devraient en outre mettre en place les conditions juridiques d'une réglementation des activités des ONG dans le domaine du logement.

Suivi de la mise en œuvre des politiques du logement

16.        Les Etats membres devraient mettre en place des mécanismes de suivi appropriés pour veiller à la mise en œuvre des politiques et des pratiques en matière de logement concernant les Roms. Des représentants roms devraient être associés sur un pied d'égalité à tout processus de suivi et d’évaluation.


Mécanismes de contrôle

17.        Dans le respect de l’autonomie des collectivités territoriales, les Etats membres devraient utiliser le mécanisme de contrôle de la légalité, cité au paragraphe 22, pour s'assurer que les décisions de ces dernières n'ont pas d'effets discriminatoires à l'égard des Roms dans l'accès au logement, ni ne les empêchent de jouir de leur droit à un logement convenable.

IV.        Prévenir et combattre la discrimination

Adoption d’une législation anti-discrimination

18.        Une législation de portée générale devrait interdire expressément la discrimination directe ou indirecte pour des motifs d’origine raciale ou ethnique dans l’emploi ou la fourniture de biens et services dont dispose le public, y compris notamment le logement, les terres, la propriété, l'éducation, l'emploi, la santé, et les services sociaux.

Contrôle et révision des législations en vigueur en matière de logement

19.        Les Etats membres, par l’intermédiaire de leurs autorités compétentes, devraient entreprendre une révision systématique de leurs législations, politiques et pratiques en matière de logement, et supprimer toutes les dispositions ou pratiques administratives qui ont pour effet une discrimination directe ou indirecte à l’encontre des Roms, qu’elle soit le résultat de l’action ou de l’inaction des acteurs étatiques ou non étatiques. Ils devraient mettre en place des mécanismes appropriés (parlement, Commissions des Droits de l'Homme, médiateurs, etc.) pour assurer et promouvoir le respect des lois anti-discrimination concernant les questions de logement. Ces mécanismes devraient prévoir la participation de représentants des Roms et des ONG à tous les stades du suivi.

Protection des droits des femmes roms

20.        Les Etats membres devraient veiller à ce que les lois interdisent la discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe dans la fourniture des biens et des services, y compris le logement. Ils devraient par ailleurs favoriser des politiques du logement prenant en compte les besoins des femmes roms, et en particulier les mères célibataires, les victimes de violence domestique et d’autres catégories de femmes roms défavorisées; les autorités compétentes devraient veiller à ce que les femmes roms aient accès au logement social, en tenant compte de l’urgence de leurs besoins. Les Etats membres devraient créer des mécanismes afin de protéger les droits des femmes en matière de logement contre toute forme de violation.

Elimination de la ségrégation dans des zones dangereuses sur le plan de l’environnement

21.        Les Etats membres devraient prendre des mesures pour lutter contre toutes les formes de ségrégation pour des motifs raciaux dans des zones dangereuses sur le plan de l’environnement. Ils devraient notamment investir dans l'aménagement de sites sûrs et faire le nécessaire pour que les communautés roms disposent de logements de substitution commodes et abordables, de manière à les dissuader de s'installer dans, sur ou près de zones dangereuses.

Instauration de sanctions effectives

22.        Les Etats membres devraient prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives contre les institutions, organismes, fonctionnaires et particuliers qui violent les lois anti-discrimination eu égard au logement. Les voies de recours existantes devraient être accessibles et faire l'objet d'une large information, et les victimes devraient pouvoir obtenir une réparation adéquate.

V.        Protection et amélioration des logements existants

Sécurité d'occupation des sols, des logements et des propriétés

23.        Les Etats membres, compte tenu du fait que le droit au logement est un droit de l'homme fondamental, devraient veiller à protéger les Roms contre les évictions forcées contraires à la loi, le harcèlement et tout autre menace, où qu’ils résident.


Légalisation des quartiers roms et des campements

24.        Les pouvoirs publics devraient s'efforcer de légaliser le statut des quartiers roms, à titre de mesure préalable à d'autres améliorations. Concernant les campements illégaux de Roms, les pouvoirs publics devraient recourir à des mesures proportionnées, par le biais soit de la négociation soit de l’action juridique. Néanmoins, ils devraient trouver autant que possible des solutions acceptables par toutes les parties afin d'éviter l’exclusion des Roms des services et des facilités auxquels ils ont droit en tant que citoyens du pays où ils résident.

Accès à la propriété foncière

25.        Les Etats membres, par l’intermédiaire de leurs autorités compétentes, devraient garantir l’égalité des chances des Roms en matière d’accès à la propriété des terrains qu’ils occupent, ainsi qu’un accès à l’information disponible sur les moyens d’y parvenir. Dans la négative, les Roms devraient se voir offrir des solutions de remplacement convenables.

Protection juridique contre les expulsions illégales et procédure en matière d’expulsions légales

26.        Les Etats membres devraient instaurer un cadre juridique conforme aux normes internationales relatives aux droits de l'homme afin d'assurer une protection efficace contre les expulsions forcées et collectives, et d'imposer des règles strictes concernant les situations dans lesquelles il peut être procédé à des expulsions légales. En cas d’évictions légales, les Roms devraient se voir fournir un logement de substitution convenable s’il y a lieu, excepté dans les cas de force majeure. La législation devrait également définir précisément les procédures à suivre lorsque l'expulsion est légale, et elle devrait être en conformité avec les normes et principes internationaux en matière de droits de l’homme, y compris ceux décrits dans le Commentaire général n° 7 sur les expulsions forcées du Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels. Ces mesures devraient inclure les points suivants : concertation avec la communauté ou la personne concernée, délai de notification raisonnable, communication d'informations, garantie que l'expulsion sera conduite de manière raisonnable, voies de recours juridique effectif, gratuité ou coût modique de l'assistance juridique pour les personnes concernées. Les logements de substitution ne devraient pas entraîner une ségrégation supplémentaire.

Fourniture de services adéquats

27.        Les Etats membres, par l’intermédiaire de leurs autorités compétentes, devraient fournir dans les quartiers et les campements roms des services d’un niveau adéquat et identique à ceux assurés aux autres groupes de la population, sans perdre de vue la nécessité de trouver des solutions durables. De plus, les autorités devraient être conscientes, au-delà de la prestation de services adéquats, de la nécessité d'améliorer la qualité de vie globale dans les quartiers et les campements roms en favorisant une meilleure gestion de la vie quotidienne: services administratifs, commerciaux, sociaux et sanitaires de proximité, transports publics, évacuation des déchets, entretien des logements sociaux, des immeubles ou des campements et de leurs abords, gestion adéquate des conflits de voisinage et des problèmes liés au non‑paiement des loyers et des services, etc.

VI.        Le cadre des politiques de logement

Des politiques visant à favoriser l'accès au logement

28.        Les Etats membres devraient faire de l'amélioration des conditions de logement des Roms l'un de leurs domaines d'action prioritaires. Ils devraient promouvoir l'égalité des chances pour les Roms en matière d'accès au marché immobilier privé ou public, en particulier par le biais de politiques et de critères non discriminatoires lors de l'affectation de logement ainsi que par celui d'un cadre juridique et politique qui soit cohérent au niveau de tout le pays et contraignant pour les pouvoirs locaux, puisque ce sont ces derniers qui traitent pour l'essentiel des questions de logement.

Des politiques de logement globales et intégrées

29.        Les Etats membres, compte tenu des liens potentiellement synergiques entre les politiques du logement et d'autres politiques à vocation sociale concernant l'accès à la protection sociale, à l'emploi, à la santé et à l'éducation, devraient encourager les pouvoirs publics, à tous les niveaux, à adopter des approches et des politiques globales.


La participation à l'élaboration des politiques de logement

30.        Les Roms devraient pouvoir participer le plus tôt possible au processus de planification et d'élaboration de leurs futurs lieux d'installation ou de leurs futurs logements permanents, afin d’évaluer le plus précisément possible quels sont, ou seront à l'avenir, leurs besoins spécifiques. Les Etats membres devraient par ailleurs veiller à ce que les Roms résidant sur leur territoire – qu'ils soient sédentarisés, itinérants ou semi-itinérants – reçoivent une assistance appropriée pour définir leurs besoins spécifiques en matière de logement, et qu'ils aient accès aux services de protection et d'assistance sociale appropriés (santé, éducation, emploi, culture, etc.).

La nécessité de modèles de logement adaptés

31.        Eu égard à la diversité des situations nationales, régionales et locales, les Etats membres devraient prévoir des modèles de logement adaptés, dans le cadre des législations, politiques ou stratégies nationales. Des dispositions devraient également être prises pour que les Roms soient en mesure d'acquérir leur propre habitation par différents moyens, formes et méthodes d'accès au logement, tels que le logement social, les coopératives, l'autoconstruction, les logements publics, les caravanes et d'autres formes novatrices de logement. Tous les éléments en rapport avec les modèles de logement mentionnés (financiers, sociaux et autres) devraient être définis avec soin.

Des politiques de logement adaptées aux situations spécifiques

32.        Les Etats membres devraient élaborer et mettre en œuvre des programmes et des projets adaptés aux situations spécifiques des diverses communautés roms. Ces initiatives devraient aboutir à la création ou au développement de l'ensemble des infrastructures physiques et sociales nécessaires pour que les conditions de logement soient adéquates et le restent sur la durée.

Une offre de sites temporaires/de halte équipés

33.        Les Etats membres devraient faire en sorte qu'un nombre suffisant de sites de transit/de halte soient mis à la disposition des Roms itinérants et semi-itinérants. Ces sites temporaires/de halte devraient être convenablement équipés des installations nécessaires, notamment en ce qui concerne l'alimentation en eau et en électricité, l'assainissement et la collecte des ordures. Les barrières physiques ou les clôtures ne devraient pas porter atteinte à la dignité des personnes ni à leur liberté de mouvement.

L’accès aux soins et aux services sanitaires

34.        Les groupes itinérants et semi-itinérants devraient avoir accès à des conditions sanitaires adéquates et avoir plus facilement accès aux infrastructures et services de santé existants (en particulier en cas d'urgence et dans le cadre des campagnes préventives de santé). Les Roms sédentaires qui habitent légalement dans des endroits dégradés ou aux conditions d'hygiène insuffisantes devraient bénéficier d'une assistance pour améliorer les conditions sanitaires de leurs foyers (aide pour des réparations, assistance pour l'amélioration de leurs conditions de vie et de leur environnement, mesures visant à faciliter l'obtention de prêts à court terme pour l'acquisition d'un meilleur logement, services de médiation pour faciliter leurs relations avec l'administration ou les services publics).

Le rôle des pouvoirs locaux et régionaux

35.        Les Etats membres devraient veiller à ce que les pouvoirs locaux et régionaux respectent leurs obligations à l'égard des Roms, même lorsque ces derniers ne résident pas en permanence sur un territoire donné. Les administrations locales et régionales devraient recevoir une éducation dans le domaine de la non-discrimination et l'Etat devrait les tenir pour responsables de leurs pratiques et politiques discriminatoires dans le domaine du logement.

L’aide internationale

36.        Les Etats membres devraient accepter l'aide internationale en faveur des Roms quand ils ne sont pas en mesure de s'acquitter de leurs obligations dans le domaine du logement. Ils devraient porter une attention particulière aux projets ou aux programmes d'assistance internationaux en veillant à assurer un degré élevé de coopération et de transparence, et une coopération étroite avec les partenaires locaux.


La sensibilisation

37.        Les Etats membres devraient lancer et encourager les collectivités locales et les Organisations non gouvernementales du secteur du logement à lancer des campagnes de sensibilisation sur le droit des Roms à l'égalité d'accès au marché immobilier, ainsi que des campagnes d'information à destination des communautés roms sur leur droit à un logement convenable. Les campagnes nationales sur la sécurité d'occupation promues par les comités nationaux sur la mise en œuvre du Programme pour l'habitat des Nations Unies, adopté et ratifié par les Etats membres à la Conférence Habitat II, pourraient offrir un cadre approprié pour cette sensibilisation.

Les initiatives pour l'emploi et la construction

38.        Les Etats membres devraient encourager les initiatives pour l'emploi au niveau local, entre autres en mettant en place des mesures incitatives en faveur des Roms pour que ceux-ci participent à l'intégralité du processus de rénovation/construction de leurs futurs logements. Cela améliorerait leur situation économique, leur permettrait d'obtenir plus facilement des financements pour leurs projets individuels et collectifs, et contribuerait à atténuer leur sentiment de précarité et de rejet, et à développer un sentiment de propriété. Grâce à de telles mesures, les Roms pourraient aussi acquérir des compétences nouvelles qui pourraient leur ouvrir les portes d'autres emplois et les rendre moins vulnérables au chômage.

Des bases de données statistiques et des indicateurs relatifs aux politiques du logement

39.        Préalablement à l'élaboration des politiques, afin de disposer d'un outil leur permettant de mieux évaluer la situation concrète des catégories de personnes défavorisées en matière de logement, les Etats membres devraient veiller à ce que les pouvoirs publics concernés au niveau national recueillent régulièrement des données statistiques, conformément à la lettre et à l'esprit des normes internationales et nationales relatives à la protection des données à caractère personnel. Ils devraient également établir des indicateurs afin de mesurer le degré de réalisation des objectifs définis au cours du temps. Les Etats membres qui collectent périodiquement les indicateurs de logement Habitat devraient également le faire pour le logement des Roms.

VII.       Financement des logements

La pérennité des ressources financières

40.        Les Etats membres devraient reconnaître que, pour que les politiques de cohésion sociale portent leurs fruits, il faut un financement et une assistance appropriés, un engagement constant et une approche à long terme. D'autre part, il ne faut pas perdre de vue que les solutions à une telle diversité de questions et de problèmes devront nécessairement être appliquées de manière souple. Toute action à long terme dans ce domaine dépend avant toute chose d'un accès adapté et convenable à un financement et à des moyens permettant de renforcer la stabilité et la sécurité (y compris, mais pas uniquement, l’accession à la propriété).

Le financement de projets de logement par des sources diverses

41.        Les Etats membres devraient veiller à ce que les projets liés au logement soient financés par les budgets publics nationaux ainsi que par plusieurs sources (donneurs privés et institutions financières internationales) et administrés par l'intermédiaire d'un réseau de partenaires aux niveaux local, régional, national et transfrontalier. Etant donné que la mise en œuvre de ce type de projets se fait sur une durée assez longue, ceux-ci devraient être planifiés avec précision pour ce qui est de leur financement et des travaux prévus, afin de ne pas susciter de faux espoirs au sein des populations concernées. De plus, comme ces projets concernent le plus souvent des zones ou des groupes de population déterminés, il est particulièrement important de constituer et d'encourager des réseaux et partenariats locaux.

Un financement intégré

42.        Etant donné que les projets de logement s’inscrivent dans des politiques plus larges et de plus vaste portée, les Etats membres, par l’intermédiaire de leurs autorités compétentes, devraient aborder la question de leur financement de manière globale en tenant compte d’éléments tels que les infrastructures physiques et sanitaires, les besoins et les initiatives potentielles en matière de cohésion sociale, la culture, l’éducation ou les possibilités d’emploi.


Le soutien international pour le logement des Roms

43.        Les Etats membres devraient être encouragés à faire usage des possibilités offertes par les institutions financières internationales en faveur des projets de logement visant les Roms, et notamment des prêts. Ils devraient aussi mettre à profit l’expertise des institutions financières internationales qui ont acquis un grand savoir-faire dans la gestion de ce type de projets intégrés dans de nombreuses régions du monde, institutions au nombre desquelles figure la Banque de développement du Conseil de l'Europe dont le mandat prévoit des interventions dans des domaines tels que le logement de groupes de populations défavorisées en Europe pour promouvoir la cohésion sociale. La Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ainsi que certains programmes de l'Union européenne pourraient aussi être particulièrement utiles à cet égard.

L’accès aux possibilités de financement en vue de l'acquisition d'un logement

44.        Les Etats membres devraient mettre en place des structures financières adéquates facilitant l'accès aux sources de financement disponibles aux fins du logement, si besoin est en coopération avec des institutions financières internationales. Par l’intermédiaire de leurs autorités compétentes, ils devraient également envisager d'instaurer des mécanismes appropriés pour que les populations itinérantes et semi-itinérantes puissent acquérir des caravanes ou des mobile homes grâce à des prêts à faible intérêt ou d'autres dispositifs financiers qui ne soient pas moins favorables que les possibilités offertes aux populations sédentaires.

Le financement des infrastructures et des services

45.        Les Etats membres devraient veiller à ce que les pouvoirs locaux et les institutions financières contribuent au financement de mesures d'accompagnement visant à développer ou à créer les infrastructures et les services de base, et à accroître la qualité de vie en général des Roms, afin d'améliorer la gestion quotidienne des établissements ou des sites et de renforcer globalement la cohésion sociale.

Des crédits budgétaires spécifiques

46.        Les instances compétentes des Etats membres devraient prévoir des crédits spécifiques pour encourager les initiatives positives des autorités responsables, telles que le développement du travail sur le terrain, la prise en compte de la question du logement des Roms dans les plans d'occupation des sols, l'accès à des services d'experts et à la médiation pour les communes concernées, etc.

VIII.      Normes en matière de logement

Le logement convenable, base de toutes les normes en matière de logement

47.        Les Etats membres devraient réglementer, et appliquer concrètement, la notion de «logement convenable» définie au paragraphe 60 du Programme pour l'habitat des Nations Unies et dans les Commentaires généraux n°s 4 et 7 du Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels, compte tenu des aspects liés aux droits de l'homme, des conditions économiques aux niveaux local et national, et des éléments sociaux et culturels. Cette notion devrait être applicable à tous les citoyens, y compris les Roms. La définition du « logement convenable » devrait être le fondement de toutes les autres normes en matière de logement.

Des normes relatives à la situation des logements et à leur environnement

48.        Les Etats membres, par l’intermédiaire de leurs autorités compétentes, devraient veiller à ce que l'habitat des Roms soit situé dans des zones habitables ou constructibles selon les lois en vigueur, et dans un environnement écologiquement sain. De plus, ils devraient se doter d'un instrument permettant aux communautés roms de faire face à des événements soudains tels que des catastrophes naturelles ou des épidémies qui touchent souvent de manière disproportionnée les groupes vulnérables vivant en habitat précaire. Les quartiers situés dans des zones ne répondant pas aux conditions requises, mais qui ne peuvent être déplacés, devraient être améliorés par des mesures environnementales appropriées et constructives.


Des normes juridiques relatives aux services publics et aux services sociaux

49.        Les normes juridiques applicables aux services publics – eau, électricité, nettoyage de la voie publique, systèmes d'égouts, ramassage des ordures, etc. – devraient également s'appliquer aux quartiers et terrains de stationnement roms. Les équipements de quartier devraient comprendre des moyens de transport public. Les autorités devraient également s'assurer que des services publics tels que les installations de santé, l'accès à l'éducation, les postes de police, les bureaux de poste et de télécommunication soient présents dans ces zones. Les autorités devraient porter une attention particulière à la distance physique entre les quartiers et terrains de stationnement roms et les écoles, car il s'agit d'un facteur important dans la lutte contre la ghettoïsation.

La nécessité de normes non discriminatoires en matière de sécurité

50.        L'environnement des Roms ne devrait pas être pire ou inférieur à celui des zones d'habitation, des quartiers et des villes de la population majoritaire. Les normes appliquées pour la mise à disposition de lieux d'habitation ou la construction d'appartements ne devraient en aucune façon être discriminatoires à l’encontre des Roms.

Des normes minimales de construction

51.        La qualité des matériaux (utilisés pour le gros œuvre et pour les parties visibles des appartements et des maisons : joints, revêtements des murs et des sols, installations sanitaires et techniques, etc.) est directement fonction des possibilités financières des occupants, des ressources de la communauté, et, en fin de compte, de la capacité économique de la société tout entière. Les Etats membres devraient par conséquent s'assurer de l'existence de normes de construction minimales, propres à garantir une vie saine, des relations familiales équilibrées, des conditions de vie satisfaisantes pour les enfants et de bonnes relations de voisinage.

Des normes relatives à l'adaptabilité et à l'amélioration des appartements

52.        Les appartements devraient avoir une surface en rapport avec le nombre de leurs occupants, compte tenu de l'ajustement normal de l'homme à l'espace. Comme les familles sont évolutives – augmentation du nombre de membres, variation des moyens économiques et des besoins culturels, modification des besoins vitaux, évolution des aspirations –, les solutions architecturales et juridiques devraient permettre l'adaptation du logement à cette dynamique en facilitant les agrandissements et les aménagements intérieurs. Même si la surface d'un appartement est inférieure à la surface moyenne, son extension et son amélioration devraient être envisagées dès la conception. Des normes relatives à l'adaptabilité de la structure et de la surface devraient être adoptées afin de donner la possibilité technique aux familles démunies d'occuper dans un premier temps un logement modeste qu'elles pourront par la suite agrandir et mettre en valeur.