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CEPEJ_rev

Strasbourg, 5 juin 2018

CEPEJ-GT-EVAL(2018)5rev

Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ)

Groupe de Travail sur l’Evaluation des systèmes judiciaires

(CEPEJ-GT-EVAL)

Etude Spécifique de la CEPEJ sur les professions juridiques  

Contribution de l’Union Internationale des Huissiers de Justice (UIHJ)

Note : Ce document est une contribution rédigée par l’UIHJ[1] sur la base des données et rapports de la CEPEJ (principalement les données 2014) et enrichi de leurs analyses, opinions et conclusions basées sur leurs réseaux et expériences. Les informations et positions exposées dans cette étude sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de la CEPEJ. La CEPEJ ne garantit pas l’exactitude des données, analyses, opinions et/ou conclusions de cette étude. Ni la CEPEJ ni aucune personne agissant au nom de la CEPEJ ne peut être tenue pour responsable de l'usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.

L’exécution efficace des décisions de justice fait partie intégrante des exigences de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, tel qu’interprété par la Cour Européenne des Droits de l’Homme[2]

En matière non pénale, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté, en septembre 2003, deux Recommandations pertinentes dans le domaine de l’exécution. La Recommandation Rec(2003)17 en matière d’exécution des décisions de justice définit l’exécution comme «le fait de donner effet à des décisions de justice, ainsi qu’à d’autres titres exécutoires, qu’ils soient judiciaires ou non judiciaires, conformément à la loi qui oblige le défendeur à faire, à s’abstenir de faire ou à payer ce qui a été décidé». Cette Recommandation vise principalement l’exécution en matière civile, tandis que la Recommandation Rec(2003)16 se focalise sur l’exécution des décisions de justice en matière administrative.

Dans le prolongement de la Recommandation Rec(2003) 17[3], la CEPEJ a adopté, en décembre 2009, ses Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la recommandation existante du Conseil de l’Europe sur l’exécution (CEPEJ(2009)11REV2). Une étude spécifique de la CEPEJ a également été consacrée à ce sujet[4].

En décembre 2015, la CEPEJ a franchi une étape supplémentaire dans le traitement de la problématique de l’exécution, en élaborant un Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice (CEPEJ(2015) 10). Avec ce guide, la CEPEJ porte son attention sur la réception, dans les droits nationaux, des principes consacrés dans la Recommandation Rec(2003)17 et développés dans les Lignes directrices de 2009.

Il est difficile d’évaluer la bonne exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale sur la base de statistiques pertinentes, car l’exécution n’est pas automatique. Il appartient aux parties ayant obtenu gain de cause de décider de demander, le cas échéant, l’exécution de la décision de justice. Cette étude de l’UIHJ, qui se base principalement sur les données de la CEPEJ, ne s’intéresse donc pas tant au taux d’exécution des décisions de justice, qu’à l’organisation du processus d’exécution et au rôle des agents d’exécution. La CEPEJ, au travers de son questionnaire d’évaluation des systèmes judiciaires, a néanmoins essayé d’évaluer la durée de la procédure d’exécution, qui est une des composantes du délai raisonnable des procédures pris en considération par la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

La Recommandation Rec(2003)17 relative à l’exécution et les documents précités adoptés dans son sillage décrivent les tâches et les devoirs des agents d’exécution ainsi que la procédure d’exécution[5] et les droits et obligations du demandeur[6] et du défendeur[7]. Cette Recommandation définit l’agent d’exécution comme «toute personne, qu’elle soit un agent public ou non, autorisée par l’État à mener une procédure d’exécution». C’est la définition qui est retenue dans le contexte de la présente étude. Elle part du principe que l’agent d’exécution peut avoir un statut public (par exemple, un juge ou un fonctionnaire du tribunal agissant sur sa délégation) ou privé (par exemple, un huissier de justice), les deux statuts pouvant coexister dans un même État (régime mixte).

En matière pénale, l’exécution des peines est de nature différente. Elle concerne la puissance publique, souvent sous la surveillance du juge, et dépend des choix de politique pénale.

Avant de présenter les tendances et les principales conclusions tirées de l’analyse des données recueillies auprès des États membres, seront tour à tour examinées l’exécution des décisions de justice rendues en matières civile, commerciale et administrative ainsi que l’exécution des décisions de justice prononcées en matière pénale.

1.1       Exécution des décisions de justice en matières civile, commerciale et administrative

La présente étude s’intéresse tant aux procédures civiles d’exécution, qu’aux professionnels chargés de leur mise en œuvre. Dans cette perspective, seront successivement envisagées l’organisation de la profession d’agent d’exécution, l’efficacité des services d’exécution ainsi que l’efficacité des mesures d’exécution.

1.1.1 Organisation de la profession d’agents d’exécution

L’organisation professionnelle des agents d’exécution peut être appréciée au regard tant du statut et du nombre de ces praticiens, que des conditions d’accès et de la structure organisationnelle de cette profession.


Tableau 1: Existence, nombre et statuts des agents d’exécution en 2014 (Q. 169, Q 170, Q. 171, Q. 171-1)

Statut des agents d’exécution

La quasi-totalité des États membres ont défini un statut pour les agents d’exécution, y compris les huissiers de justice. Toutefois, dans plusieurs États, les agents d'exécution sont des greffiers et des juges-assistants (Danemark), des secrétaires juridiques (Espagne) ou des avocats (Islande). En Suisse, tous les systèmes existent et varient d'un canton à l'autre.

Tableau 2: Statut des agents d’exécution en 2014 (Q171)

Dans certains États, les agents d’exécution exercent exclusivement dans le cadre d’une profession libérale réglementée par les pouvoirs publics. Dans d’autres, les huissiers de justice sont attachés à une institution publique. Le reste des États membres associent le statut d’huissiers attachés à une institution publique et celui d’huissiers exerçant dans le cadre d’une profession libérale ou associent le statut privé ou public et celui d’autres agents d’exécution relevant eux-mêmes d’un statut public ou privé, le cas échéant, par exemple la France (huissiers du Trésor, chargés du recouvrement de l’impôt), l’Allemagne (officiers supérieurs de la magistrature) l’Irlande (sheriff/solicitor et revenue sheriff, chargés du recouvrement de l’impôt), le Portugal (agents d'exécution) et l’Écosse (RU) (Sheriff Officers et Messengers at Arms).

En résumé, le statut des agents d’exécution peut se décliner en statut public, statut privé ou combinaison de statuts. Les agents d’exécution ont un statut privé dans 17 États ou entités ; dans 11 États ou entités, ils ont un statut public et ils ont une mixité de statut dans 17 États ou entités. Une comparaison avec la précédente étude de la CEPEJ confirme clairement la tendance déjà notée entre 2006 et 2012 : si les agents d’exécution publics existent toujours dans de nombreux États ou entités, la tendance européenne est de réduire leur existence parfois au bénéfice d’une mixité de statuts (quand statuts privé et public coexistent), mais surtout au bénéfice du statut privé.


Aptitudes requises pour devenir agent d’exécution

La formation professionnelle – initiale et continue – des agents d’exécution est importante pour une bonne administration de la procédure d’exécution. Elle est fondamentale pour inculquer les responsabilités de l’agent d’exécution et garantir l’uniformité des compétences dans la profession.

Tableau 3. Formation des agents d’exécution en 2014 (Q. 172, Q. 172-1)

Formation initiale spécifique

En Europe, il est souvent exigé des candidats à un poste d’agent d’exécution d’avoir accompli un stage pratique et/ou d’être titulaires d’un diplôme juridique. Les aptitudes requises pour intégrer la profession devraient placer les agents d’exécution au même niveau d’attentes et de formation que les juges, les notaires et les avocats.

S’agissant de la formation dispensée aux futurs agents et de l’existence d’une procédure de sélection finale, le cas échéant, on note des disparités entre les États membres. Près de 76% des États ayant répondu (soit 35 États sur 46) ont mentionné l’existence d’une formation initiale spécifique (par opposition à la formation continue dispensée aux agents déjà en activité) dans la profession d’agent d’exécution. Il est à noter que cette tendance est en légère croissance au regard du rapport précédent. À titre de comparaison, en 2012, 75% des États ayant répondu annonçaient l’existence d’une telle formation ou d’un examen d’admission. Ainsi, la formation initiale, dans ce domaine, devient petit à petit une norme en Europe.

Il semble y avoir une corrélation entre, d’une part, le statut (public ou privé) des agents et, d’autre part, l’existence d’une formation initiale ou d’une procédure de sélection finale.

 

Les États ou entités dans lesquels il n’existe ni formation initiale spécifique ni examen confient souvent l’exécution des décisions de justice à des fonctionnaires de l’administration de la justice sous l’autorité d’un juge compétent (Andorre) ou à des employés des tribunaux. Lorsqu’ils confient l’exécution à des huissiers de justice, en général ces derniers sont directement attachés à une instance publique (Bosnie-Herzégovine, Finlande, Irlande, Malte, Norvège et Fédération de Russie) ou, au moins, à un régime mixte (privé et public à la fois) dans le pays (Irlande du Nord (RU) etSuisse).

Inversement, il existe une formation initiale ou une procédure de sélection finale dans la quasi-totalité des États où les agents d’exécution ont un statut exclusivement privé (Monaco faisant exception).

Formation continue générale obligatoire

Il résulte du point 26 des Lignes directrices sur l’exécution, adoptées par la CEPEJ en décembre 2009, que les agents d’exécution devraient être soumis à un système de formation professionnelle continue obligatoire. En 2014, un tel système est prévu dans un peu moins de la moitié des États membres ayant répondu (21 États sur 46, soit environ 46%).

Structure organisationnelle

L’échelon – national, régional et/ou local – de centralisation de l’organisation de la profession d’agents d’exécution, le cas échéant, varie grandement d’un État membre à l’autre, sans lien pertinent avec le régime de cette profession.

Dans une majorité d’États européens (30), la structure est exclusivement nationale. La prédominance de la structure nationale peut s’expliquer par l’intérêt de créer une dynamique de corps sur la base d’un sentiment d’identité professionnelle, tout en homogénéisant les compétences et les pratiques. Une structure nationale peut aussi être plus indiquée pour un État qui cherche avant tout un interlocuteur représentant l’ensemble de la profession. Elle peut aussi être plus pertinente pour la profession elle-même, qui réalise des économies d’échelle en termes de communication avec ses membres, notamment lorsque le nombre d’huissiers de justice est réduit ou en fonction de la taille du pays : de la sorte, la profession peut parler à l’État d’une seule voix. C’est le système le plus répandu.

Il existe aussi des cas où la profession est organisée uniquement à un échelon régional (Autriche). Un faible degré de centralisation favorise probablement la présence au niveau local. Une telle proximité facilite la prise en compte des difficultés que rencontrent les agents d’exécution et le signalement des problèmes, de la base vers le sommet. Toutefois, elle rend certainement plus difficile une vue d’ensemble sur les problèmes de la profession.

Certains États membres ont opté pour une organisation ni exclusivement nationale, ni exclusivement régionale ou locale. Ils ont plutôt fait le choix d’une organisation à échelons multiples, soit dans le but de combiner les avantages des deux systèmes, soit compte tenu du nombre d’agents d’exécution, de la structure ou de la superficie de l’État (Azerbaïdjan, France, Allemagne, Grèce, Pologne, Suisse).

Enfin, le nombre d’États membres où il n’existe pas d’instances spécifiques régissant la profession d’agents d’exécution diminue légèrement depuis l’exercice précédent (9 en 2014 ; pour 10 en 2012).

Tableau 4. : Organisation de la profession d’agents d’exécution en 2014 (Q. 173)

Nombre d’agents d’exécution

En 2014, 46 États membres ou entités ont communiqué leur effectif d’agents d’exécution. Cette information est présentée dans les tableaux 2.1 et 2.1.2.

Tableau 5. : Existence, nombre et statuts des agents d’exécution en 2014 (Q. 169, Q. 170, Q. 171, Q. 171-1)

Tableau 6. Nombre d’agents d’exécution pour 100 000 habitants en 2014 (Q. 170)

L’évolution du nombre d’huissiers de justice est très disparate entre les pays et, cela, indépendamment du régime en vigueur, privé, public ou mixte.

Albanie : Le nombre d'huissiers de justice a nettement diminué. Alors qu’ils étaient 182 en 2012, ce nombre est de 57 en 2014. Ces variations sont liées à une réforme relative à la libéralisation de la profession et à la création d’un Institut privé des huissiers.

Arménie : Après une hausse constante de l’effectif de 2004 (225 huissiers de justice) à 2012 (393 huissiers de justice), on perçoit une légère baisse en 2014, le nombre de ces professionnels étant de 369.

Danemark : Le chiffre de 24 figurant dans le tableau correspond au nombre de juridictions d’exécution en 2014 et non à celui des agents d’exécution en exercice.

Bulgarie : En 2014, les 385 agents d’exécution se répartissent ainsi : 222 fonctionnaires d’État et 163 professionnels libéraux.

Espagne : La fonction d’agent d’exécution en tant que telle n’existe pas dans le système juridique espagnol. Par conséquent, il est difficile d'identifier le nombre de fonctionnaires chargés des tâches liées à l'exécution dans les tribunaux de première instance. Cette situation explique la réponse « NA » pour l'exercice 2014. Le chiffre indiqué pour l'évaluation de 2012 (soit, 3559) est une estimation du nombre de fonctionnaires chargés des tâches liées à l'exécution dans les tribunaux de première instance.

République tchèque : On perçoit une baisse régulière du nombre d’huissiers de justice depuis 2004. Sur une période de dix ans, ce nombre est passé de 553 à 284.

France : Le nombre d’huissiers de justice est relativement stable depuis dix ans (3276, en 2014). En revanche, le nombre d’offices d’huissiers de justice est en diminution constante sur cette même période (environ 2500 offices en 2002 et environ 1700 aujourd’hui), en raison de la suppression d’offices et du regroupement des huissiers de justice.

République de Moldova : La législation adoptée en 2010 sur les huissiers de justice a introduit un statut privépour les agents d'exécution. Là encore, leur nombre a baissé de façon significative, passant de 303 en 2008 à 167 en 2014.

Monténégro: La diminution du nombre d'agents d'exécution entre 2012 et 2014 (ce nombre passant de 54 à 29) est due à l'introduction d'un nouveau système d'exécution. Au cours de la période précédente, le système d’exécution était fondé sur une exécution judiciaire. Avec la nouvelle loi sur l’exécution et le recouvrement des créances et la loi sur les officiers publics d'exécution, un nouveau système d'exécution a été introduit. La loi sur l'exécution et le recouvrement des créances est entrée en vigueur en septembre 2011 et a défini pour la première fois le système des officiers publics d'exécution. La loi sur les officiers publics d’exécution est, quant à elle, entrée en vigueur en décembre 2012. Initialement prévue pour le premier trimestre de 2013, la nomination des premiers officiers publics d’exécution a finalement eu lieu en 2014.

La nouvelle législation met fin au système judiciarisé d’exécution et introduit une exécution qui relève de la compétence des agents d'exécution. Toutefois, le tribunal a compétence pour décider de la procédure d'exécution et faire respecter les décisions des juridictions dans les cas suivants: remettre ou retirer un enfant ou réintégration d’un employé. Le tribunal statue également sur la demande d'un créancier visant le paiement de dommages et intérêts non réglés. Dans les autres cas, l’exécution entre dans la compétence des officiers publics d'exécution. Cette profession est confiée à des personnes dignes de confiance, agissant en tant que professionnels indépendants et autonomes. Toutefois, les officiers publics d’exécution sont tenus d'agir conformément à la Constitution, aux lois et règlements, sous la supervision de la Chambre des huissiers de justice et du Ministère de la justice. Les raisons de l'introduction de ce nouveau système sont multiples. Elles sont relatives à la mise en place d’une procédure d'exécution plus efficace et plus rapide, garantissant une protection renforcée du droit à un procès équitable, entendu comme l'un des droits fondamentaux consacrés dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et les libertés fondamentales (art. 6).

Pays-Bas : En 2014, les 923 agents d’exécution se composent de 385 huissiers de justice, 499 huissiers de justice juniors et 39 stagiaires.

Pologne : La Pologne tente actuellement de réduire la durée des procédures d'exécution menées par les huissiers de justice. Ces données ne sont pas présentes dans les rapports d'évaluation des systèmes judiciaires de la CEPEJ car les statistiques relatives aux affaires d’exécution qui sont collectées dans ce cadre ne comprennent que les affaires traitées par les tribunaux. Ainsi, la lutte menée pour réduire la durée des procédures par le ministère de la Justice devrait conduire à une augmentation du nombre d’huissiers (les recherches entreprises par le ministère de la Justice ont abouti au fait que l’augmentation du nombre d’huissiers devrait régler le problème). Le taux d’augmentation est élevé, en raison du faible nombre initial d’huissiers de justice. On en dénombre 1266 en 2014, alors qu’ils étaient 590 en 2004. Leur nombre a ainsi plus que doublé en 10 ans.

Roumanie : On constate une forte augmentation du nombre d’huissiers de justice entre 2008 et 2014 (plus de 100% d’augmentation), principalement due à la fusion avec les agents d’exécution bancaires et à l’inclusion de ces derniers au sein de la profession en 2010.

Angleterre et Pays de Galles (RU) : En 2014, on compte 2482 agents d’exécution, alors qu’ils étaient 4000 en 2004. Cette diminution régulière et conséquente concerne essentiellement les huissiers de justice du système public.

Serbie : Le nombre annoncé correspond aux agents d'exécution indépendants qui sont nommés en Serbie (ce nombre a légèrement évolué depuis : au 23 décembre 2015, ces professionnels sont 230). En règle générale, le ministre de la Justice détermine le nombre d'agents d'exécution en nommant un agent d'exécution pour 25 000 habitants. Le Règlement sur la détermination du nombre requis d'agents d'exécution prévoit la nomination de 308 agents d'exécution. En outre, il y a : 281 juges (205 juges de juridictions de première instance, 76 juges de tribunaux de commerce) et 360 huissiers de justice employés dans les tribunaux (332 dans les tribunaux de première instance et 28 dans les tribunaux de commerce).

Suisse: La variation est calculée sur la base des données extrapolées de 18 à 19 cantons selon les années. L’évolution générale est à la hausse : en 2008: 1489 ; en 2010: 1892 ; en 2012 : 1740 ; en 2014 : 1953.

L'augmentation constatée peut s'expliquer par le fait que les agents des offices des poursuites ne sont inclus explicitement dans la statistique que depuis 2010. Auparavant, certains cantons les avaient inclus et d'autres non.

Turquie : Le nombre d'agents d’exécution a été augmenté afin de répondre aux besoins qui ont surgi en raison de la charge de travail existante (environ 13 millions de dossiers), de l'insuffisance des effectifs et des nouveaux bureaux d’exécution établis. Les chiffres présentés reflètent le taux d'augmentation (34,89% en 2010). La situation s’est stabilisée en 2010-2012 (avec environ 2600 agents) et a fortement évolué à la hausse dans le dernier exercice (3540 agents, en 2014).

En 2014, 29 États se situaient en-dessous de la moyenne européenne (4,7 agents pour 100 000 habitants, un chiffre en diminution puisqu’il était de 6,8 en 2012). Seuls 9 États (Arménie, Chypre, Finlande, Grèce, Portugal, Fédération de Russie, Suède, Suisse et Ukraine) comptaient plus de 10 agents pour 100 000 habitants en 2014.

En considérant uniquement les pays où les agents d’exécution sont des huissiers de justice exerçant exclusivement dans le cadre d’une profession libérale et les pays où les agents d’exécution sont des huissiers exclusivement attachés à une institution publique (les pays à régime mixte étant exclus), une corrélation apparaît entre le statut et le nombre de professionnels concernés. Pour plusieurs pays et entités, il a été possible de déterminer le nombre d’huissiers pour 100 000 habitants en fonction de leur statut. Il existe  trois groupes de pays : la valeur médiane du groupe d’huissiers de statut public est clairement plus élevée (7,6 huissiers pour 100 000 habitants) que la médiane du groupe d’huissiers de statut privé (4,4 huissiers pour 100 000 habitants). Lamédiane du groupe présentant une mixité des statuts (7,3 huissiers pour 100 000 habitants) avoisine celle du groupe de statut public.

Il est intéressant de comparer ces valeurs avec celles des exercices 2012 et 2010. La médiane est stable pour les huissiers de justice du secteur privé depuis 2012 (4,3 huissiers pour 100 000 habitants en 2012), alors qu’elle avait légèrement augmentée au regard de l’exercice 2010 (3,8 huissiers pour 100 000 habitants), ce qui s’expliquait en partie par l’augmentation du nombre d’huissiers dans certains pays (Pologne, Roumanie). Pour le secteur public, la médiane a diminué par rapport à 2012 (8 huissiers pour 100 000 habitants), alors qu’elle avait augmenté de façon significative au cours de l’exercice précédent (6,2 huissiers pour 100 000 habitants en 2010). Un constat semblable peut être fait relativement au secteur mixte. On y enregistre une baisse par rapport à 2012 (8,4 huissiers pour 100 000 habitants), laquelle fait suite à une augmentation de près de 50% par rapport à 2010 (5,7 huissiers pour 100 000 habitants). Ces variations s’expliquent alors globalement par le jeu des modifications de régimes entre 2010 et 2014. L’Arménie, l’Écosse (RU), l’Espagne, l’Irlande, l’Islande et la Serbie figuraient en 2010 dans la rubrique « régime public » et ont intégré la rubrique des « régimes mixtes » en 2012 ; en 2014, l’Écosse est comptée parmi les États ayant opté pour le statut privé et l’Islande n’a pas participé à l’exercice d’évaluation de la CEPEJ. De plus, dans les données 2014, le Monténégro qui présentait une moyenne haute en 2012 (8,7 huissiers pour 100 000 habitants) apparaît aujourd’hui dans la rubrique « régime privé » avec une moyenne nettement plus basse (4,7 huissiers pour 100 000 habitants). Par ailleurs, deux pays qui présentaient des moyennes basses en 2012 ont changé de régime : la Turquie et l’Irlande du Nord (RU) apparaissent aujourd’hui dans la rubrique des régimes mixtes.

1.1.2     Efficacité des services d’exécution

L’efficacité des services d’exécution peut être appréciée au regard de l’existence de normes de qualité, des dispositifs de contrôle et de supervision des activités des agents d’exécution ainsi que, dans une certaine mesure, des plaintes formées et des procédures disciplinaires engagées contre ces professionnels. Par ailleurs, dans le sillage des points 33 et 34 des Lignes directrices de la CEPEJ sur l’exécution, cette efficacité peut également être envisagée au regard des missions attribuées aux agents d’exécution.


L’existence de normes de qualité

Tableau 7 : Normes de qualité formulées pour les agents d’exécution en 2014 (Q. 179, Q 180)

Des normes de qualité à l’intention de la profession sont en vigueur dans plus des deux tiers  des pays (31 sur 46) où il existe des agents d’exécution. En Europe, entre 2008 et 2014, on voit clairement que la tendance est à l’adoption de telles normes (en 2008 : 26 États ou entités prévoyant ces normes, contre 19 ne les prévoyant pas ; en 2014 : 31 États ou entités, contre 15).

L’existence de normes de qualité constitue un gage important de la bonne exécution des décisions de justice. Bien diffusées, ces normes contribuent à assurer une plus grande efficacité des services d’exécution et l’égalité devant la loi[8]. Par exemple, en Allemagne, elles sont utilisées pour uniformiser la procédure et l'assurance qualité. Il existe plusieurs types de normes :

-       les plus fréquentes sont des codes d'éthique ou de déontologie (par exemple en  Albanie, Azerbaïdjan, Belgique ou encore, plus récemment, au Portugal). Ces normes sont, la plupart du temps, assez semblables d'un pays à l'autre : par exemple, en Géorgie, les critères sont le professionnalisme, la respectabilité et les compétences de gestion et de communication.

-       certaines normes sont basées sur une collecte de statistiques, déterminées à l'avance et harmonisées afin de pouvoir être comparées plus facilement. Elles pourraient ainsi être discutées avec les agents d'exécution. Par exemple, en Finlande, il y a des négociations annuelles entre les autorités locales et le Bureau administratif national de l'exécution. Ces négociations font partie de la méthode appelée «gestion par les résultats». Ces normes sont définies dans le cadre des négociations. Les principales normes utilisées sont la longueur de la procédure et l'efficacité du recouvrement. Les objectifs définis à long terme sont par exemple la réduction du nombre de débiteurs ou la réduction des frais de recouvrement.

-       certains pays conjuguent les deux aspects, comme la Pologne, où il existe des normes de qualité prévues par la loi quant à la procédure (délais, etc.) et des normes éthiques établies par la corporation (comme le professionnalisme, le secret, la dignité, etc.).

-       certaines normes sont moins partagées par les États membres et il est par conséquent difficile de les considérer comme des normes de qualité de l'exécution. Par exemple, en Arménie, les normes sont notamment des normes de santé.

-       certaines normes sont basées sur les propositions édictées par la CEPEJ aux États membres[9], comme par exemple au Portugal.

Il semble y avoir une corrélation entre, d’une part, le statut (public ou privé) des agents et, d’autre part, l’existence de normes de qualité. Dans les États où l’exécution des décisions de justice est confiée à des agents publics, il n’existe pas d’écart important entre le pourcentage d’agents assujettis à des normes et le pourcentage d’agents non assujettis. À l’inverse, dans les États où les agents d’exécution ont un statut uniquement privé, la proportion de ceux établissant des normes de qualité a toujours été plus élevée.


Autorités compétentes pour la supervision ou le contrôle des activités

Tableau 8. Supervision et contrôle des agents d’exécution en 2014 (Q. 177, Q. 178, Q. 182)

La supervision des activités correspond au processus par lequel une autorité formule des observations, à l’intention de l’agent d’exécution, sur ses méthodes de travail (problèmes d’ordonnancement, manque de courtoisie, etc.). Il s’agit en quelque sorte d’un contrôle simplifié qui n’implique pas l’examen effectif d’une plainte, mais qui vise à garantir une bonne administration de la Justice. Par «contrôle», il faut entendre le contrôle du caractère licite ou illicite des actes de l’agent d’exécution.

La surveillance et le contrôle des activités des agents d’exécution sont quasi systématiques.

En matière civile, les procureurs sont responsables de la surveillance et du contrôle des agents d’exécution dans 6 États, mais ne sont jamais le seul organe responsable. Dans tous les cas, les procureurs partagent cette fonction avec un juge. Ils partagent également cette fonction avec un ordre professionnel (Belgique, France, Luxembourg) et/ou avec le ministère de la Justice (France, Grèce, Turquie).

L’existence même d’un ordre professionnel permet de supposer que les États l’utilisent pour surveiller et contrôler les agents d’exécution. En effet, 21 États ou entités ont choisi un ordre professionnel comme autorité compétente. Compte tenu du nombre élevé d’États membres disposant d’un ordre professionnel (36 États ou entités), le pourcentage correspondant peut paraître faible, tout compte fait. Le pourcentage d’ordres professionnels ayant des compétences de surveillance et de contrôle des agents d’exécution semble devoir être corrélé au statut des agents d’exécution : la probabilité que l’ordre professionnel soit l’autorité compétente est plus élevée dans les cas où les agents d’exécution ont un statut privé (voir cependant l’Autriche, retenant cette solution alors que les agents d’exécution ont un statut public).

En 2014, 24 États ont fait le choix de confier aux juges la responsabilité de la supervision et du contrôle des activités des agents d’exécution. On observe à cet égard une nette progression. À titre de comparaison, seuls 14 États avaient opté pour cette solution en 2010. Cette tendance traduit peut-être une certaine « culture du juge » dans le contexte du contrôle de l’exécution, singulièrement dans les pays d’Europe centrale et orientale.

Dans 28 États ou entités, le ministère de la Justice est responsable de la surveillance des activités des agents d’exécution. La proportion est plus élevée lorsque les agents d’exécution sont des huissiers attachés à une institution publique (12 États sur 28). Lorsque le ministère de la Justice est l’autorité responsable, il n’est pas rare qu’existe un système conjoint («juge-ministère») de contrôle et de surveillance (16 États sur 28).

Dans la pratique, le dispositif de supervision est souvent étayé par l’analyse de statistiques ou par des inspections. En 2009, une commission spécifique, la Commission pour l’efficacité des procédures d’exécution (suite à une réforme opérée en 2014, elle est devenue la Commission pour le suivi des auxiliaires de justice), a été établie au Portugal. La finalité est de mettre en place un système de suivi de l’exécution et de collecte de données utiles pour la formulation de recommandations sur l’efficacité du système et la formation des agents d’exécution.


Plaintes contre les agents d’exécution

Tableau 9 : Motifs des plaintes relatives aux procédures d’exécution en 2014 (Q. 183)

La « durée excessive de la procédure d’exécution » constitue le principal motif de plainte relevé dans les États membres (32 États ou entités) en 2014. Ce chiffre – qui peut être mis en relation avec la jurisprudence abondante de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur ce sujet – est néanmoins légèrement inférieur à celui enregistré pour les deux exercices précédents (soit 34 États ou entités en 2012 et 2010). Le deuxième motif de plainte le plus fréquent – à savoir : le « coût excessif de la procédure d’exécution » – est quant à lui en augmentation : 22 États ou entités déclarent être confrontés à ce problème en 2014, contre 17 en 2012.

Par rapport à 2012, on constate également une faible augmentation des plaintes ayant trait au « manque d’information » (14 États en 2014, contre 12 en 2012). Le même constat pouvait être fait au regard de l’exercice antérieur (10 États, en 2010), ce qui s’explique peut-être par une plus grande sensibilisation des justiciables à ce sujet. À l’inverse, l’ensemble des autres motifs sont stables (« non-exécution des décisions judiciaires rendues contre des autorités publiques : 6 États ou entités en 2014 et 2012) ou en diminution : « pratiques illégales » (12 États en 2014, contre 14 en 2012), « absence totale d’exécution » (12 États en 2014, contre 13 en 2012), « autre » (8 États en 2014, contre 10 en 2012) et « supervision insuffisante » (1 en 2014, contre 5 en 2012).

L’analyse de la corrélation entre les plaintes et l’existence de normes de qualité permet de tirer des conclusions intéressantes.

Pour chacun des principaux motifs précités, les États dans lesquels il existe des standards de qualité applicables aux agents d’exécution sont les plus nombreux à signaler des plaintes. À titre d’exemple, sur 32 États signalant « une durée excessive », 22 disposent de normes de qualité. Cette proportion est de 16 États sur 22 à l’égard du motif relatif au « coût excessif » et de 11 États sur 12 concernant « les pratiques illicites ».

Ce constat, a priori surprenant, pourrait s’expliquer par le fait que l’existence de normes de qualité contribuerait à identifier certains comportements inacceptables, ce qui se traduirait par une hausse du nombre des plaintes liées à de tels comportements.

                                                  

Si l’on se concentre sur les motifs de plainte les plus courants, on constate que les États disposant de normes de qualité les citent dans l’ordre suivant : 1) durée excessive, 2) coûts excessifs, 3) pratiques illicites, 4) manque d’information. Pour leur part, les États ne disposant pas de normes de qualité citent les « principaux motifs de plainte » dans un ordre légèrement différent : 1) durée excessive, 2) coûts excessifs, 3) manque d’information, 4) absence de toute exécution.

Procédures disciplinaires et sanctions disciplinaires

Le nombre de plaintes formulées contre des agents d’exécution peut sembler être un indicateur utile et éclairant. Toutefois, il convient de le considérer avec une grande prudence, pour deux raisons principales. En premier lieu, le nombre de plaintes est dans une certaine mesure gonflé par des procédures sans aucun lien avec une quelconque faute disciplinaire (procédures portant sur le principe de l’exécution lui-même ou le principe de la décision de justice et procédures de demande d’ajournement de l’exécution et du paiement). En second lieu, procédures disciplinaires et efficacité des services ne sauraient être considérées comme synonymes : le nombre plus ou moins élevé de procédures – y compris en termes relatifs par rapport au nombre d’agents d’exécution en activité – ne peut en aucun cas être interprété comme le signe d’un manque de compétence ou d’intégrité de la part des agents d’exécution, sachant que le nombre de procédures peut tout aussi bien dénoter une propension accrue de la société à ester en justice ou tout simplement un plus grand zèle ou une plus grande défiance de la part des instances disciplinaires.

L’analyse de la corrélation entre, d’une part, les procédures pour faute déontologique ou insuffisance professionnelle et, d’autre part, l’existence de normes de qualitépermet de tirer des conclusions intéressantes. Le pourcentage d’États qui enregistrent ce type de procédures est plus élevé dans le groupe des États membres disposant de normes de qualité. Ce constat n’est pas surprenant : les normes de qualité peuvent aider à définir les concepts (déontologie professionnelle et insuffisance professionnelle) et peuvent être utilisées pour justifier des procédures en cas de manquements.


Tableau 10: Nombre de procédures disciplinaires engagées/sanction prononcées contre les agents d’exécution en 2014 (Q. 187, Q. 188)  

Tableau 11. Nombre de procédures disciplinaires engagées/sanction prononcées contre les agents d’exécution standardisées par 100 000 agents d’exécution en 2014 (Q. 170, Q. 187, Q. 188)

  

Ni le nombre de mesures disciplinaires prononcées contre des agents d’exécution, ni le nombre de procédures engagées ne peuvent être considérés comme des indicateurs suffisants de l’efficacité du système. Un nombre élevé de mesures dans un État donné – y compris en termes relatifs par rapport au nombre d’agents d’exécution en activité – peut également traduire une propension accrue de la société à ester en justice ou tout simplement une plus grande rigueur.

Tout au plus, peut-on signaler des fluctuations notables par rapport au précédent exercice dans certains États, soit à la hausse (ex. en Bulgarie, 80 procédures engagées en 2014, contre 19 en 2012), soit à la baisse (ex. en Fédération de Russie, 8687 procédures engagées en 2014, contre 21427 en 2012).

Considérant les 28 États ou entités qui ont été en mesure de fournir des statistiques sur les sanctions prononcées, la réprimande ressort comme la principale sanction dans 8 cas (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Pays-Bas, Roumanie, Serbie, Slovénie et ERY-Macédoine). L’amende est la deuxième sanction la plus fréquente (dans 6 États, à savoir Albanie, Bosnie Herzégovine, Estonie, République tchèque, Hongrie etPortugal). Viennent ensuite la destitution (Bulgarie, Suisse) et la suspension (Italie). 8 autres États (Autriche, Finlande,Lettonie, Lituanie, Moldavie, Fédération de Russie, Suède et Turquie) indiquent d’« autres types de mesures » comme étant les plus fréquents. Enfin, aucune sanction n’a été prononcée au Luxembourg, à Monaco et au Monténégro durant le dernier exercice.

Compétences attribuées aux agents d’exécution

Tableau 12: Procédures civiles d’exécution menées par les agents d’exécution en 2014 (Q. 171-2)

Au titre des compétences exercées par les agents d’exécution, figurent au premier chef la réalisation – le plus souvent à titre de monopole – des procédures d’exécution prévues par la loi de l’État dans lequel ils exercent[10]. Plus précisément, ainsi en est-il de : la saisie des biens meubles corporels (44 États, dont 34 à titre de monopole), la saisie de véhicules à moteur (44 États, dont 33 à titre de monopole), la vente aux enchères publiques de biens saisis (42 États, dont 32 à titre de monopole), la saisie immobilière (40 États, dont 31 à titre de monopole), l’expulsion (38 États, dont 32 à titre de monopole), la saisie d’une créance de somme d’argent auprès d’un tiers (ex. une banque) (38 États, dont 28 à titre de monopole), la saisie des rémunérations du débiteur (36 États, dont 26 à titre de monopole) et « autres » (26 États, dont 21 à titre de monopole).

Dans 15 États (Arménie, Autriche, Belgique, Estonie, Géorgie, Hongrie, Italie, Lettonie, Monténégro, Pays-Bas, Norvège, Roumanie, Slovaquie, Suède, Turquie), les agents d’exécution peuvent exercer l’ensemble de ces procédures. La diversité des procédures concernées permet d’adapter l’exécution à la composition du patrimoine du débiteur, pour une meilleure efficacité.

Tableau 13 : Autres activités des agents d’exécution en 2014 (Q. 171-3)  

Aux côtés de la fonction de mise à exécution des décisions de justice, de nombreux États confient aux agents d’exécution la fonction de signifier les actes judiciaires ou extrajudiciaires (37 États) ainsi que toute une série d’activités dites « accessoires »[11] compatibles avec leurs fonctions principales. Outre la saisie de biens (38 États), peuvent ainsi être réalisés : le recouvrement de créances (31 États), les ventes aux enchères mobilières ou immobilières publiques (23 États), les missions confiées par le juge (23 États), les constats (21 États), le service des audiences près les juridictions (14 États), les conseils juridiques (13 États), les procédures de faillite (11 États), la rédaction d’actes sous-seings privés (9 États), la représentation des parties devant les juridictions (7 États), la gestion d’immeubles (7 États) ainsi que d’« autres » fonctions (21 États). À des degrés variables en fonction des États, on constate donc une certaine pluridisciplinarité des agents d’exécution.

1.1.3     Efficacité des mesures d’exécution

L’efficacité des mesures d’exécution est évaluée au regard du système de suivi de l’exécution, du délai et du coût d’exécution.

Système de suivi de l’exécution

32 États ou entités disposent d’un système de suivi des procédures (Albanie, Allemagne, Angleterre et Pays de Galles (RU), Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Espagne, Finlande, France, Géorgie, Hongrie, Irlande du Nord (RU), Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Moldavie, Monaco, Monténégro, Pologne, Portugal, République tchèque, Fédération de Russie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, ERY-Macédoine, Turquie, Ukraine), tandis que plus de la moitié d’entre eux disposent d’un système de suivi des affaires spécifiques d’exécution de décisions rendues contre des autorités publiques (la plupart des États possèdent un système de statistiques ou d’inspection – voir ci-dessus).


Tableau 14: Contrôle des agents d’éxecution en 2014 (Q.182)  

En effet, certains États (17) disposent d’un mécanisme spécifique d’exécution des décisions de justice rendues contre des autorités publiques. L’analyse de la corrélation entre un tel mécanisme et le système de suivi de l’exécution permet de tirer différentes conclusions. En 2014, 10 États ou entités (contre 13, en 2012) ne disposent ni d’un mécanisme spécifique d’exécution des décisions de justice rendues contre des autorités publiques, ni d’un système de suivi de l’exécution (Arménie, Chypre, Danemark, Estonie, Irlande, Italie, Malte, Norvège, Pays-Bas, Suisse). À l’inverse, tout comme lors de l’exercice précédent, 13 États disposent d’un mécanisme spécifique d’exécution des décisions de justice rendues contre des autorités publiques ainsi que d’un système de suivi de l’exécution (Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie Herzégovine, Bulgarie, Croatie, France, Géorgie, Irlande du Nord (RU), Moldavie, Portugal, Fédération de Russie, Slovaquie). Par ailleurs, 19 États (contre 20, en 2012) n’ont pas de mécanisme spécifique d’exécution des décisions de justice rendues contre des autorités publiques, mais bénéficient d’un système de suivi de l’exécution (Albanie, Angleterre et Pays de Galles (RU), Azerbaïdjan, Espagne, Finlande, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Monaco, Monténégro, Pologne, République tchèque, Serbie, Slovénie, Suède, ERY-Macédoine, Turquie, Ukraine).Enfin, 4 États – contre 2, en 2012 – ont un mécanisme spécifique d’exécution des décisions de justice rendues contre des autorités publiques, mais ne disposent pas de système de suivi de l’exécution (Andorre, Écosse (RU), Grèce et Roumanie).

De plus, 20 États prévoient l’adoption de mesures concrètes pour changer leur législation, en particulier au regard des décisions prononcées contre des autorités publiques.


Tableau 15 Exécution des décisions rendues contre les autorités publiques en 2014 (Q. 181, Q. 184)

Délais d’exécution

Il est difficile de prévoir le délai d’exécution d’une décision, car dans de nombreux États, l'exécution dépend non seulement des diligences accomplies par le créancier, mais aussi de la solvabilité du débiteur. Cependant, le délai de notification, qui dépend également de sa forme procédurale, peut être réduit de manière concrète soit par l’action d’un agent d’exécution, soit par la forme simplifiée d’un courrier avec accusé de réception. Ainsi, le délai dépend soit de la diligence de l’agent d’exécution, soit du bon ou du mauvais fonctionnement des services postaux. Chaque pays, en pareille situation, évalue un délai moyen comme indicateur d’efficacité, car il est de l’intérêt de la crédibilité de la Justice que le justiciable qui a obtenu une décision puisse la voir notifiée et exécutée dans les meilleurs délais.

Tableau 16: Durée des procédures d’exécution en 2014 (Q. 185, Q. 186)

En matière civile, il existe des systèmes permettant de mesurer la durée des procédures d’exécution dans une majorité d’États (28 États, contre 18 où ces systèmes font défaut). Les proportions sont inversées, en ce qui concerne l’existence de tels systèmes en matière administrative (18 États, contre 28 où ils ne sont pas prévus). Alors que dans 18 États la durée des procédures d’exécution peut ainsi être mesurée dans les deux domaines, dans 17 États aucun système n’a été mis en place.

S’agissant du délai de notification d'une décision de justice concernant le recouvrement d'une créance à une personne domiciliée dans la ville où siège la juridiction, sur les 34 États ou entités ayant fourni des informations, 27 ont affirmé qu’il est possible d’accomplir la notification à la personne visée dans un délai compris entre 1 et 10 jours. Seuls deux États (Grèce et Serbie) ont indiqué avoir eu besoin de plus de 30 jours pour notifier ladite décision à la personne concernée. Comparativement à l’année 2012, un État (Monténégro) a réduit ces délais et deux États ont déclaré que ces délais ont augmenté : Lettonie et Angleterre et Pays de Galles (RU). Il est à noter que la Serbieannonce des délais de « 6 à 10 jours » et « plus (de 30 jours) ». Cela peut peut-être s’expliquer par des différences en fonction du type d’affaires concernées ou du domaine dans lequel la décision a été prononcée.


Coût de l’exécution

Tableau 17 : Coûts en 2014 (Q. 174, Q. 175, Q. 176)

En matière non pénale, il appartient généralement au créancier d’apprécier l’opportunité de faire exécuter la décision, notamment au regard du coût de l’exécution. Sur 46 États ou entités, un seul (Andorre) a répondu que pour le justiciable, il n’est pas facile de prévoir les honoraires de l’agent d’exécution. À titre de comparaison, trois pays étaient dans cette situation, en 2012 (Andorre, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro).

Le coût de l’exécution se compose des frais d’exécution stricto sensu (frais relatifs à l’acte de procédure) et des honoraires de l’agent d’exécution, liés le cas échéant au résultat obtenu. Les États ont été invités, aux questions 174 et 175, à indiquer si les honoraires sont réglementés par la loi ou librement négociés entre l’agent d’exécution et le créancier. Dans presque tous les États (44), le coût de la procédure est rigoureusement réglementé par l’État. Seuls l’Albanie et les Pays-Bas ont indiqué que les honoraires sont librement négociés. S’agissant des Pays-Bas, même dans ces circonstances, il s’agit en réalité d’une situation intermédiaire : les frais d’exécution sont principalement réglementés par la loi, quoi qu’ils puissent être également négociés. Cette question est d’importance car, que ce soit dans les systèmes privés ou mixtes, les agents d'exécution sont payés en partie ou en totalité par les frais d'exécution ou par des primes résultant de celles-ci. Il faut souligner également que les honoraires ne devraient être librement négociés que pour le créancier. Les frais du débiteur devraient être déterminés par la loi.

La réglementation du coût de la procédure par l’État permet de contrôler le coût de l’acte, mais pas de vérifier son opportunité. Par conséquent, elle prévoit souvent la possibilité pour le justiciable de déposer une plainte contre l’agent d’exécution et/ou la possibilité pour le juge de décider du paiement, par l’agent d’exécution, des frais non justifiés.

1.2       Exécution des décisions de justice en matière pénale

La CEPEJ a délibérément omis d’inclure le système pénitentiaire dans son évaluation du système judiciaire, celui-ci étant du ressort d'autres instances du Conseil de l'Europe (et notamment du Comité européen pour la prévention de la torture – CPT, du Conseil de Coopération Pénologique – PC-CP[12]). C'est pourquoi ce chapitre se limite à quelques données ayant un lien direct avec le fonctionnement des tribunaux.


Tableau 18: Exécution des décisions en matière pénale en 2014 (Q. 189, Q. 190, Q. 191)

Dans la quasi-totalité des États, l’exécution des décisions en matière pénale incombe à un organe public. On note cependant une grande disparité non seulement entre les instances compétentes, mais également à l’égard du taux de recouvrement des amendes prononcées.

Autorités responsables de l’exécution des décisions pénales

L'exécution est confiée dans 26 États ou entités à un juge spécialement chargé de l’exécution des décisions rendues en matière pénale. D’autres autorités peuvent intervenir, outre le juge : le procureur (Albanie, France, Allemagne, Grèce, Italie, Lituanie, Luxembourg, Monaco, Pays-Bas, Pologne, Serbie, Écosse (RU) et Turquie), l’administration pénitentiaire (33 États ou entités) ou d’autres autorités (ex. la police, une entité spécialisée du ministère de la Justice ou à titre exceptionnel un huissier de justice) : Azerbaïdjan, Belgique, Chypre, Estonie, Irlande, Lettonie, Malte, Moldavie, Monaco, Norvège, Fédération de Russie, Serbie, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, ERY-Macédoine, Irlande du Nord (RU), Écosse (RU).

Taux de recouvrement des amendes prononcées par une juridiction pénale évalués par des études

Il convient de relever qu’en 2014 seuls 16 États et entités ont réalisé des études sur le taux de recouvrement effectif des amendes imposées par une juridiction pénale : Albanie, Belgique, Estonie, Finlande, France, Irlande, Italie, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Fédération de Russie, Suède, Angleterre et Pays de Galles (RU), Irlande du Nord (RU) et Écosse (RU). La plupart du temps, ces études sont effectuées annuellement. L’Irlande et l’Écosse (RU) ont mentionné un taux de recouvrement d'environ 80% à 100% (très élevé) pour les amendes prononcées par les tribunaux pénaux. En Belgique, en Estonie, en Finlande, en France, auxPays-Bas, en Angleterre et Pays de Galle (RU) et en Irlande du Nord (RU), le taux de recouvrement était en 2014 de 50% à 79% (modéré). Par ailleurs, 4 États (Albanie, Lettonie, Pologne, Fédération de Russie) mentionnent un taux en-dessous de 50%, alors qu’en 2012 aucun État ne déclarait un tel taux.

1.3       Tendances et conclusions

L’organisation de la profession, l’efficacité des services d’exécution et l’efficacité des mesures d’exécution contribuent à l’exécution efficace des décisions de justice, qui, au regard de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, peut constituer un indicateur pertinent d’une bonne administration de la Justice.

Sur la période 2004 – 2014, l’évolution générale du nombre global d’agents d’exécution est à la hausse, même si l’on perçoit une légère diminution depuis 2010.

De plus, les agents chargés de l’exécution des décisions de justice bénéficient d’un statut très différent selon les États membres. Dans certains cas, les juges interviennent dans la procédure d’exécution, mais le plus souvent leur rôle se limite à la surveillance de ladite procédure. Cependant, une tendance claire est notable depuis 2006 : la proportion d’États ayant recours à des agents publics décroit, alors que la proportion d’États usant uniquement d’agents privés ou utilisant au moins une mixité de statuts augmente de manière constante.

Par ailleurs, en Europe, la variation entre 2008 et 2014 montre clairement que la tendance est à l’adoption de normes de qualité au sein des États membres.

De même, il est indispensable que les agents d’exécution bénéficient d’une formation adaptée et rigoureuse. À ce sujet, il est notable que la proportion de pays où une formation initiale spécifique existe (par opposition à une formation continue à l’attention des agents déjà praticiens) croit constamment depuis 2008. Examen d’entrée et formation initiale sont en train de devenir de véritables normes européennes dans le champ de l’exécution. Sans atteindre les mêmes proportions, la prévision d’une formation continue obligatoire progresse également et concerne désormais 45 % des États.

Il convient de souligner comme une nécessité le fait d’offrir aux agents d’exécution une qualification adéquate leur permettant d’accomplir la procédure d’exécution de manière efficace et raisonnée, dans le respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles. Cette formation initiale et continue est d’autant plus nécessaire que, dans de nombreux États, les agents d’exécution exercent plusieurs activités « accessoires » aux côtés de leurs deux activités principales que sont la mise à exécution des décisions de justice et la signification des actes judiciaires ou extrajudiciaires. Ainsi, la pluridisciplinarité de ces professionnels tend à devenir une norme européenne.

Enfin, il est cohérent que le contrôle de telles activités ne porte pas seulement sur le respect des procédures à l’égard de la loi, mais également sur l’opportunité des actes pris par l’agent d’exécution. À cette fin, les Lignes directrices sur l’exécution publiées par la CEPEJ sont unanimement reconnues comme une référence parmi les praticiens[13].



[1] Guillaume PAYAN ([email protected]), Maître de conférences HDR à l’Université de Toulon

[2] En premier lieu, voir CEDH, 19 mars 1997, Hornsby contre Grèce, req. n°18357/91, spéc. § 40.

[3] Voir aussi Conseil Consultatif des Juges Européens, Avis n°13 (2010) sur le rôle des juges dans l’exécution des décisions judiciaires (CCJE(2010) 2 final, 19 novembre 2010) ainsi que, dans une moindre mesure, Conseil Consultatif des Procureurs Européens, Avis n°3(2008) sur le rôle du Ministère public en dehors du système de la justice pénale (CCPE(2008) 3, 21 octobre 2008).

[4] J. LHUILLIER, D. SOLENIK, G. NUCERA, J. PASSALACQUA, L’exécution des décisions de justice en Europe, Études de la CEPEJ No. 8, 2009.

[5] La « Procédure d’exécution » est ici entendue comme l’« ensemble des formalités et des actes légalement requis pour mettre en œuvre une mesure conservatoire et/ou une mesure d’exécution dans une affaire donnée » (définition retenue dans le Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice, préc.).

[6] Le « demandeur » ou « créancier » correspond à la « partie qui recherche l’exécution » (ibid.).

[7] Le « défendeur » ou « débiteur » est, quant à lui, la « partie, tenue d’une obligation de payer, de faire ou de s’abstenir de faire, à l’encontre de laquelle l’exécution est recherchée » (ibid.).

[8] Au sujet des normes européennes relatives à l’exécution, voir : CEPEJ, Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la Recommandation existante du Conseil de l’Europe sur l’exécution, CEPEJ(2009)11REV2. Sur le plan mondial, adde Code mondial de l’exécution, UIHJ Publishing, 2015.

[9] Voir CEPEJ, Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la Recommandation existante en matière d’exécution - Rec (2009)11.

[10] Voir CEPEJ, Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la Recommandation existante en matière d’exécution - Rec (2009)11, spéc. point 33. Adde, CEPEJ, Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice, CEPEJ(2015) 10, spéc. points 10 et s.

[11] Voir CEPEJ, Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la Recommandation existante en matière d’exécution - Rec (2009)11, spéc. point 34. Adde, CEPEJ, Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice, CEPEJ(2015) 10, spéc. points 13.

[12] M.-F. AEBI et N. DELGRANDE, SPACE I – Council of Europe Annual Penal Statistics: Survey 2009. Conseil de l’Europe 2011.

[13] CEPEJ, Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la Recommandation du Conseil de l’Europe en matière d’exécution, CEPEJ(2009)11REV2. Adde, CEPEJ, Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice, CEPEJ(2015) 10.