Comité d’experts sur le pluralisme des médias et la transparence de leur propriété (MSI-MED) |
MSI-MED (2016)09rev2
Recommandation sur le pluralisme des médias
et la transparence de leur propriété
Deuxième projet révisé
Préambule
1. La liberté et le pluralisme des médias sont des éléments clés du droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, ci-après « Convention »). Ils sont essentiels au fonctionnement d’une société démocratique, car ils contribuent à assurer la disponibilité et l’accessibilité d’informations et d’idées diverses qui vont alimenter les échanges des citoyens et leur permettre de forger leurs opinions personnelles.
2. Les médias jouent un rôle essentiel dans les sociétés démocratiques en tant qu’instances de contrôle publiques, en diffusant à grande échelle des informations et des idées, des analyses et des opinions et en offrant un cadre propice au débat public. Dans l’écosystème multimédia actuel, ce rôle est rempli par les médias traditionnels et, de plus en plus, par d’autres médias et des acteurs non médiatiques, qui vont des entreprises multinationales aux organisations non gouvernementales et aux particuliers.
3. Les sociétés démocratiques, en raison de leur pluralisme, sont des mosaïques d’identités, d’idées et d’intérêts. Il est indispensable que cette diversité puisse être communiquée par l’intermédiaire d’un large éventail de canaux et de médias indépendants et autonomes, afin de bâtir une société éclairée, de contribuer à la compréhension mutuelle et de promouvoir la cohésion sociale.
4. Différents types de médias, ainsi que la variété des contenus éditoriaux et des programmes en termes de genres et de formats contribuent à la diversité du paysage médiatique. Si les contenus axés sur l’information et l’actualité sont les plus à même de favoriser l’existence d’une société avisé, d’autres types de contenus ont aussi une très grande importance. Ainsi, les contenus culturels, éducatifs et de divertissement, mais aussi ceux qui s’adressent à des catégories bien précises de la société, comme les contenus locaux.
5. Dans le paysage médiatique actuel, les médias en ligne et d’autres plates-formes internet permettent d’accéder à un éventail de plus en plus large d’informations provenant de sources diverses. Ils transforment ainsi la façon dont les contenus médiatiques sont mis à la disposition du grand public et sont utilisés, ce qui permet à davantage de gens d’agir les uns sur les autres, de communiquer et de participer au débat public.
6. Cette évolution technologique suscite aussi des préoccupations concernant le pluralisme des médias. Si la diversité des sources médiatiques et des types de médias peut contribuer à augmenter la diversité des contenus, mais aussi l’exposition à cette diversité, elle ne peut pas la garantir en elle-même. Les individus doivent toujours choisir les médias vers lesquels se tourner et les contenus à regarder, à écouter ou à lire parmi l’énorme quantité de contenus divers diffusés par les différents médias. Il peut en résulter qu’ils ne sélectionnent ou ne voient que des informations confirmant leurs positions et leurs opinions existantes, ce qui peut alors être source d’atomisation et conduire à une société polarisée. Certes les ressources d’informations limitées et les restrictions auto-imposées en matière de choix de contenus ne sont pas un phénomène nouveau, mais les médias et les intermédiaires d’internet peuvent amplifier les risques inhérents à cette situation, par leur capacité à contrôler les flux, la disponibilité, la recherche et l’accessibilité d’informations et d’autres contenus en ligne. Cette situation est particulièrement préoccupante si les utilisateurs ne sont pas conscients de ces processus ou ne les comprennent pas.
7. Alors que de nouveaux acteurs font leur entrée sur le marché mouvant des médias en ligne, les pressions concurrentielles qui en découlent, accompagnées par un transfert des recettes publicitaires vers internet ont contribué à une fusion croissante des médias et à la convergence des différents types de médias. Un ou plusieurs groupes de médias ou leurs propriétaires pourraient alors accéder à un pouvoir considérable susceptible de leur permettre, individuellement ou collectivement, de fixer les priorités du débat public et d’influer de manière significative sur la formation de l’opinion publique, en reproduisant un même contenu sur toutes les plates-formes où ils sont présents. La tendance à la convergence induit aussi une réduction des coûts, des pertes d’emplois dans le milieu des journalistes et dans le secteur des médias et le risque que les journalistes et les médias dépendent d’intérêt financiers. Cette évolution pourrait se traduire par une moindre diversité de l’information et plus généralement des contenus et, en fin de compte, par un appauvrissement du débat public.
8. Il importe de réévaluer les conceptions existantes de pluralisme des médias pour relever les défis du pluralisme découlant de la façon dont les utilisateurs et les milieux d’affaires ont adapté leur comportement à l’évolution technologique. Il est nécessaire d’adopter des approches et des stratégies nouvelles pour assurer la pérennité d’un journalisme indépendant de qualité et la diversité des contenus dans tous les types et les formats de médias.
9. Il convient de renforcer le rôle des médias indépendants de service public pour combattre les processus en cours de concentration et de convergence des médias. En raison de leur mission, les médias de service public sont particulièrement bien placés pour répondre aux besoins et aux intérêts de tous les groupes de la société en matière d’information, à l’image des médias communautaires vis-à-vis de leurs usagers. Il est capital qu’incombe à ces médias la responsabilité de promouvoir le pluralisme politique et la sensibilisation à des opinions diverses, notamment en donnant à différents groupes de la société – y compris les minorités culturelles, linguistiques, ethniques, religieuses ou autres – la possibilité de recevoir ou de communiquer des informations, de s’exprimer et d’échanger des idées.
10. La disponibilité accrue d’une large diversité de médias et de contenus met en lumière l’importance non seulement de posséder les capacités et les compétences cognitives, techniques et sociales pour pouvoir analyser avec un esprit critique les contenus médiatiques, mais aussi d’appréhender les retombées sur le plan éthique des médias et des nouvelles technologies. L’éducation aux médias contribue au pluralisme et à la diversité des médias en donnant aux individus la possibilité effective d’accéder à divers types de médias, de les évaluer, voire d’en créer, en comblant le fossé numérique, en facilitant une prise de décision éclairée, notamment eu égard aux affaires publiques et politiques et aux contenus commerciaux, et en permettant de reconnaître et de contrer les informations mensongères ou trompeuses et les contenus illégaux et préjudiciables qui circulent en ligne.
11. L’adoption et la mise en œuvre effective d’une réglementation sur la propriété des médias contribuent de façon déterminante à leur pluralisme. Une telle réglementation devrait garantir la transparence de la propriété des médias. Elle devrait notamment empêcher la propriété croisée ou indirecte, le contrôle effectif des médias et l’influence sur les médias. Elle devrait aussi veiller à l’existence d’une séparation effective et visible entre l’exercice d’une autorité ou d’une influence politique et l’exercice d’une surveillance des médias ou d’une décision concernant leur contenu.
12. La transparence sur la propriété, l’organisation et le financement des médias permet de contraindre les médias à rendre effectivement des comptes. La transparence et l’éducation aux médias sont donc des outils indispensables pour que chacun puisse décider, en toute connaissance de cause, quels médias utiliser et comment les utiliser, et pour rechercher, consulter et communiquer des informations et des idées de toute sorte. Ces outils sont par conséquent les vecteurs concrets d’un pluralisme effectif.
13. Dans ce contexte, la présente recommandation réaffirme l’importance des normes existantes du Conseil de l’Europe concernant différents aspects du pluralisme des médias et de la transparence de leur propriété, ainsi que la nécessité de les mettre pleinement en œuvre dans les sociétés démocratiques. La recommandation s’inscrit dans le prolongement de ces normes qu’elle adapte, complète et renforce si besoin, afin qu’elles restent pertinentes dans l’écosystème multimédia actuel.
En vertu de l’article 15, alinéa b, du Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1), le Comité des Ministres recommande aux gouvernements des États membres :
i. de mettre pleinement en œuvre les lignes directrices énoncées dans l’annexe de la présente Recommandation ;
ii. de rester vigilants face aux menaces qui pèsent sur le pluralisme des médias et sur la transparence de leur propriété et de lutter contre ces menaces en assurant un suivi régulier de la situation en matière de pluralisme sur leur marché des médias, en évaluant les risques qui pèsent sur la liberté et le pluralisme des médias et en adoptant en réponse des réglementations appropriées, y compris en mettant systématiquement l’accent sur ces questions dans le cadre du processus continu de réexamen de leurs lois et pratiques nationales ;
iii. de mettre pleinement en œuvre, si ce n’est déjà fait, les précédentes recommandations et déclarations du Comité des Ministres concernant différents aspects du pluralisme des médias et de la transparence de leur propriété, en particulier celles mentionnées dans les lignes directrices annexées à la présente recommandation ;
iv. de promouvoir les objectifs de la présente recommandation au niveau national et international et de nouer le dialogue et de coopérer avec toutes les parties intéressées pour réaliser ces objectifs.
Annexe à la Recommandation
Lignes directrices
Aux fins de la présente recommandation, sauf indication contraire, on entend par « médias », d’une manière générale, la presse écrite, les médias audiovisuels et les médias en ligne.
I. Un environnement favorable à la liberté d’expression et à la liberté des médias
1. Les principes de la liberté d’expression et de la liberté des médias, tels que consacrés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent continuer de se développer d’une façon qui prenne pleinement en compte les caractéristiques de l’écosystème multimédia actuel au sein duquel un ensemble de nouveaux acteurs médiatiques occupent désormais une place de premier plan.
2. Les États ont l’obligation positive de contribuer à un environnement favorable à la liberté d’expression où chacun puisse exercer son droit à la liberté d’expression et participer véritablement au débat public, que leurs idées soient ou non accueillies favorablement par l’État ou par autrui. Les États doivent garantir des médias libres et pluralistes parce qu’ils contribuent à un débat public réel où la diversité sociale peut être approfondie et analysée.
3. Le cadre législatif et politique national doit préserver l’indépendance éditoriale et l’autonomie opérationnelle de l’ensemble des médias de façon qu’ils puissent s’acquitter de l’essentiel de leur tâche dans une société démocratique. Ce cadre doit être conçu et être mis en œuvre de manière à empêcher l’État ou tout autre groupe politique, économique ou religieux ou autre puissant d’imposer sa domination et d’exercer des pressions sur les médias.
4. La législation devrait garantir que les médias soient libres en toutes circonstances d’offrir une couverture précise et fiable de toutes les questions d’intérêt public, en particulier pour ce qui est des processus et des activités démocratiques essentiels comme les élections, les référendums et les consultations publiques sur les questions d’intérêt général. Des garanties appropriées devraient aussi être mises en place pour empêcher toute atteinte à l’indépendance éditoriale des médias pour ce qui est de la couverture de conflits, de crises et d’autres situations sensibles où un journalisme et des reportages de qualité sont des outils essentiels afin de s’opposer à la propagande et à la désinformation.
5. Dans un environnement favorable à la liberté d’expression, les autorités chargées de réglementer les médias et les autres autorités ou entités responsables de la régulation ou du suivi des autres fournisseurs de service (médias) ou du pluralisme des médias, doivent pouvoir s’acquitter de leur tâche de façon efficace, transparente et responsable. Pour ce faire, il importe qu’elles jouissent elles-mêmes d’une indépendance garantie par la loi et confirmée par la pratique.
6. Il convient de garantir l’indépendance des autorités et des entités visées au paragraphe précédent en veillant aux points suivants : elles doivent être dotées de procédures ouvertes et transparentes de nomination et de révocation, elles doivent disposer de ressources financières et humaines et pouvoir affecter leur budget de façon autonome, elles doivent avoir des procédures et des mode de prise de décision transparents, et doivent pouvoir prendre des décisions autonomes et les appliquer et les décisions prises doivent être susceptibles de recours.
7. Il importe que les États assurent la transparence de la propriété, de l’organisation et du financement des médias et qu’ils encouragent l’éducation aux médias afin de donner à la population les éléments d’informations et l’esprit critique dont elle a besoin pour accéder à des informations diverses et participer pleinement à l’écosystème multimédia actuel.
II. Pluralisme des médias et diversité du contenu des médias
Conditions générales du pluralisme
1. En tant que garants en dernier ressort du pluralisme, les États ont l’obligation positive de mettre en place à cette fin un cadre législatif et politique approprié. Cela implique qu’ils adoptent des mesures adéquates pour assurer une diversité suffisante de l’éventail global de types de médias, en tenant compte des différences d’objectifs, de fonctions et de couverture géographique. La complémentarité des différents types de médias renforce le pluralisme externe et peut contribuer à créer et à pérenniser la diversité des contenus.
2. Les États sont invités à faire en sorte que soient réalisés un suivi et une évaluation périodiques indépendants de l’état du pluralisme des médias relevant de leur juridiction selon une batterie de critères objectifs et transparents pour discerner les risques pesant sur la diversité de la propriété des sources et des organes médiatiques, du type de médias, des points de vue représentés par les groupes politiques, idéologiques, culturels et sociaux et des intérêts et des positions propres aux collectivités locales et régionales. Ils sont invités en outre à élaborer et à appliquer des réactions politiques et règlementaires appropriées pour faire face à tout risque qui serait mis en évidence.
Conditions spécifiques du pluralisme
Diversité des contenus
3. Les États devraient prendre des politiques et mesures règlementaires pour promouvoir la disponibilité et l’accessibilité de l’éventail le plus large possible de contenus et la représentation de toute la diversité de la société dans les médias, notamment en soutenant leurs actions dans ce sens.
Ils devraient encourager le lancement d’initiatives ouvertes, indépendantes, transparentes et participatives par les médias sociaux, les acteurs des médias, la société civile et les milieux universitaires afin que soit améliorée l’exposition des utilisateurs à la diversité la plus large possible de contenus médiatiques en ligne.
Lorsque la notoriété, la facilité de recherche et l’accessibilité des contenus médiatiques en ligne sont influencées par des processus automatisés, qu’ils soient totalement automatisés ou utilisés conjointement avec des décisions humaines, les États devraient inciter les médias sociaux, les acteurs des médias, la société civile et les milieux universitaires à développer des projets ouverts, indépendants, transparents et participatifs pour :
- améliorer la transparence des processus de diffusion de contenus médiatiques en ligne, y compris les processus automatisés ;
- évaluer l’effet de ces processus sur l’exposition effective des utilisateurs à l’extrême diversité des contenus médiatiques ; et
- viser à améliorer les processus de diffusion pour élargir l’exposition des utilisateurs à un éventail de contenus le plus large possible.
4. Les États devraient faire des efforts particuliers, en tirant partie des évolutions technologiques pour veiller à ce que tous les groupes de la société, en particulier ceux qui peuvent avoir des besoins spécifiques ou rencontrer des difficultés pour accéder à ces contenus, comme les minorités (linguistiques), les enfants, les personnes âgées, les personnes ayant un handicap cognitif ou physique notamment aient accès à une offre diversifiée de contenus médiatiques, y compris dans différentes langues.
5. La diversité des contenus médiatiques ne peut être bien mesurée qu’à la condition d’un haut degré de transparence concernant les contenus éditoriaux et commerciaux. Les médias et les autres acteurs devraient respecter les normes de transparence les plus strictes en ce qui concerne la provenance des contenus qu’ils diffusent, et lorsqu’un contenu est fourni par des sources politiques, qu’il contient un message publicitaire ou relève d’une autre forme de communication commerciale comme le sponsoring et le placement de produits, toujours le signaler. Ce principe vaut également pour les contenus générés par les utilisateurs et pour les formes hybrides comme les contenus parrainés, la publicité native, les publireportages et l’infodivertissement.
Dispositifs institutionnels du pluralisme des médias
6. Les États devraient reconnaître le rôle crucial des médias de service public qui contribuent à stimuler le débat public, le pluralisme politique et la sensibilisation à des opinions diverses. En conséquence, ils devraient garantir aux médias de service public les conditions qui leur permettent de jouer ce rôle dans le nouvel environnement médiatique et leur apporter le soutien nécessaire à l’innovation et à l’élaboration de stratégies et de nouveaux services numériques.
7. Il importe que les États adoptent des mesures appropriées pour protéger l’indépendance éditoriale et l’autonomie opérationnelle des médias de service public en limitant l’influence des autorités. Les commissions de surveillance et de gestion des médias de service public doivent bénéficier d’une pleine indépendance et les règles applicables à leur composition et aux procédures de désignation de leurs membres doivent prévoir des contre-pouvoirs afin de garantir cette indépendance.
8. Les États devraient assurer aux médias de service public un financement stable, pérenne, transparent et approprié afin de garantir leur indépendance vis-à-vis des pressions gouvernementales, politiques et commerciales et de leur permettre de diffuser un large éventail d’information pluralistes et de contenus variés. C’est ainsi qu’ils pourraient contribuer à contrebalancer tout risque découlant d’une situation de concentration.
9. Les États devraient encourager et soutenir la mise en place et le fonctionnement de médias locaux et régionaux, minoritaires et associatifs, y compris en instituant des mécanismes financiers susceptibles de promouvoir leur développement. Ces médias indépendants permettent aux groupes de population et aux individus de s’exprimer sur des sujets qui touchent à leurs besoins et à leurs intérêts, et contribuent ce faisant à conférer une visibilité publique à des questions non représentées dans les médias majoritaires et à faciliter des processus inclusifs et participatifs de dialogue au sein des communautés et entre celles-ci, aux niveaux local et régional.
10. Les États devraient faciliter l’accès aux médias transfrontaliers qui desservent des communautés au-delà des frontières du pays où ils sont établis, complètent les médias nationaux et peuvent permettre à certains groupes de la société, y compris les migrants, les réfugiés et les diasporas, de maintenir des liens avec leur pays d’origine, avec leur culture et leur langue.
Mesures d’aide aux médias et au pluralisme des médias
11. Les États devraient, en soutien au pluralisme des médias, concevoir des stratégies et des mécanismes visant à soutenir les médias d’information professionnels et un journalisme de qualité, y compris la production d’informations à même de répondre à la diversité des besoins et des intérêts des groupes qui pourraient ne pas être suffisamment représentés dans les médias. Ils devraient étudier un large éventail de mesures, y compris diverses formes d’aide financière et autre comme la publicité et les subventions, qui devraient être prévues pour les différents types et plateformes de médias, y compris les médias en ligne. Les États sont aussi encouragés à soutenir des projets en lien avec la formation au journalisme, l’étude des médias et des approches novatrices pour le renforcement du pluralisme des médias et de la liberté d’expression.
12. Les mesures d’aide devraient être assorties d’objectifs clairement définis. Elles devraient se fonder sur des critères prédéterminés qui soient clairs, précis, équitables, objectifs et transparents et être mises en œuvre tout en respectant pleinement l’autonomie éditoriale et opérationnelle des médias. Elles pourraient comprendre des mesures positives visant à assurer une quantité et une qualité appropriées de la couverture médiatique des questions qui concernent et intéressent des groupes sous-représentés dans les médias.
13. Il importe que les mesures d’aides soient administrées de façon non discriminatoire et transparente par un organe jouissant d’une autonomie fonctionnelle et opérationnelle tel qu’une autorité indépendante de régulation des médias. Un système de suivi effectif devrait aussi être mis en place pour contrôler ces mesures et veiller à ce qu’elles servent les objectifs qui leur ont été fixés.
III. Réglementation de la propriété des médias : propriété, contrôle et concentration
1. Pour garantir un pluralisme effectif dans leurs pays respectifs, les États devraient adopter et mettre en œuvre un cadre de réglementation global concernant le contrôle et la propriété des médias qui soit adapté à l’état actuel du secteur des médias. Un tel cadre devrait tenir pleinement compte de la convergence des médias et de l’incidence des médias en ligne.
Propriété et contrôle
2. La réglementation de la concurrence sur le marché des médias, y compris les fusions et les acquisitions, devrait empêcher des acteurs particuliers d’occuper des positions dominantes dans le secteur des médias dans sa globalité ou sur une niche particulière, au niveau national ou infranational, dans la mesure où une telle concentration de la propriété limite la possibilité de choix parmi les contenus médiatiques disponibles.
3. La réglementation de la propriété des médias devrait s’appliquer à toutes les plates-formes de médias et prévoir des restrictions en matière de propriété croisée, d’intégration verticale et horizontale, y compris en fixant des seuils de propriété conformément à la Recommandation CM/Rec 2007(2) du Comité des Ministres aux États membres sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias. Ces seuils devraient être basés sur des critères tels que parts sociales, droits de vote, diffusion, chiffre d’affaires, part d’audience ou public touché.
4. Les États devraient définir des critères clairs relativement à la propriété et au contrôle des sociétés de médias en traitant de manière explicite et appropriée la question de la propriété directe et de la propriété effective, ainsi que celle du contrôle des médias. Les critères applicables pourraient être le pouvoir détenu du fait de la participation au capital, du poids financier ou des droits de vote au sein d’une ou plusieurs sociétés de médias et la détermination des différents niveaux de pouvoir qui permettent d’exercer un contrôle ou une influence significative, directe ou indirecte, sur la prise de décision stratégique de la/des société(s), y compris sur sa/leur politique éditoriale.
5. Dans la mesure où l’une des missions démocratiques essentielles des médias est de rendre les autorités comptables de leurs actions, la législation devrait disposer que l’exercice d’une fonction publique est incompatible avec la participation à la propriété, à la gestion ou à la prise de décision éditoriale d’un média. L’incompatibilité de ces fonctions devrait être reconnue par principe et ne pas être subordonnée à l’existence de conditions particulières. La loi devrait déterminer clairement le critère d’incompatibilité ainsi qu’une série de mesures appropriées pour gérer et résoudre les conflits d’intérêts.
6. Toute limite imposée aux participations étrangères dans les médias devrait s’appliquer de façon non discriminatoire à toutes les sociétés et tenir pleinement compte de l’obligation positive de l’État de garantir un pluralisme effectif, ainsi que des lignes directrices pertinentes énoncées dans la présente recommandation.
Concentration
7. Les États sont encouragés à concevoir et à appliquer des méthodologies appropriées pour évaluer la concentration des médias. Elles doivent non seulement permettre de mesurer la disponibilité de sources d’information, mais aussi mettre en évidence l’influence réelle exercée par les différents médias au moyen d’une approche basée sur l’audience et d’un ensemble de critères appropriés permettant de mesurer l’utilisation et l’incidence des médias considérés sur la formation de l’opinion.
8. La réglementation de la propriété des médias devrait comprendre des procédures claires destinées à empêcher la fusion ou l’acquisition de sociétés de médias qui pourraient avoir des effets préjudiciables sur le pluralisme de la propriété des médias ou la diversité des contenus médiatiques. De telles procédures devraient impliquer l’exigence, pour les propriétaires de médias, de notifier l’autorité de régulation indépendante compétente de tout projet de fusion ou d’acquisition de médias dès lors qu’il implique le franchissement de seuils de propriété ou de contrôle, clairement énoncés dans la législation.
9. L’autorité de régulation indépendante compétente devrait être investie du pouvoir d’évaluer les répercussions attendues sur le pluralisme des médias de tout projet de concentration et de formuler des recommandations ou de prendre des décisions, le cas échéant, pour déterminer s’il faut autoriser la poursuite de la fusion ou de l’acquisition concernée en l’assortissant éventuellement de restrictions ou de conditions, y compris des engagements de cession. Ses décisions devraient être soumises à un contrôle juridictionnel.
IV. Transparence de la propriété, de l’organisation et du financement des médias
1. Les États devraient assurer un régime de transparence en ce qui concerne la propriété des médias qui permette de disposer des données nécessaires à une règlementation et à la prise de décisions en connaissance de cause. Cela permettrait au public d’accéder à ces données pour pouvoir analyser et évaluer les informations, les idées et les opinions qui sont diffusées par les médias.
2. À cette fin, les États devraient adopter et mettre en œuvre une législation qui énonce de façon claire et précise les obligations contraignantes des États en matière de déclaration/transparence. Ces obligations devraient au minimum inclure la fourniture des informations ci-après :
- la raison sociale et les coordonnées du média ;
- le/les noms(s) et les coordonnées du/des propriétaire(s) direct(s) détenant des participations permettant d’influencer le fonctionnement et la prise de décision stratégique au sein du média. Il est recommandé aux États d’appliquer un seuil de participation de 5 % aux fins des obligations de déclaration ;
- l’identité et les coordonnées des personnes physiques détenant des participations effectives. La notion de participation effective s’applique aux personnes physiques qui possèdent ou contrôlent en dernier lieu un média où au nom de qui ces parts sont détenues, ce qui leur permet d’exercer un contrôle indirect ou une influence significative sur le fonctionnement et les décisions stratégiques au sein du média.
- des informations sur la nature et le périmètre des actions ou des droits de vote détenus par les personnes morales et/ou physiques susmentionnées dans d’autres médias, sociétés en lien avec les médias ou sociétés de publicité, qui pourraient permettre l’exercice d’une influence sur ces sociétés, ou concernant les fonctions éventuellement occupées au sein de partis politiques ;
- le/les nom(s) des personnes à qui incombe effectivement la responsabilité éditoriale ou des auteurs effectifs du contenu éditorial ;
- les changements dans les modalités de propriété et de contrôle du média.
3. Le champ des obligations minimales des médias en matière de déclaration/transparence inclut les personnes morales et physiques établies dans d’autres juridictions et leurs intérêts pertinents dans d’autres juridictions.
4. Un haut degré de transparence concernant les sources de financement des médias devrait également être assuré pour établir un tableau d’ensemble des diverses sources d’ingérence potentielles dans l’indépendance opérationnelle et éditoriale des médias et permettre un suivi et un contrôle effectifs de ces risques.
5. À cette fin, les États devraient adopter et appliquer une législation qui prévoie l’obligation contraignante de déclaration des informations suivantes :
- des informations sur les sources de revenus du média, y compris les revenus provenant de l’État, d’autres mécanismes de financement et de la publicité (financée par l’État) ;
- l’existence de relations structurelles ou d’une coopération contractuelle avec d’autres médias ou sociétés de publicité, des partis politiques ou l’État, y compris en ce qui concerne la publicité publique institutionnelle.
6. La législation devrait énoncer des critères clairs concernant quels médias sont tenus à ces obligations déclaratives. Celles-ci pourraient être limitées à certaines catégories de médias compte tenu de facteurs comme la nature commerciale de leurs activités, l’étendue de leur audience, l’exercice d’un contrôle éditorial, la fréquence et la régularité de publication ou de diffusion etc., ou une combinaison de ces facteurs. Le délai dans lequel les obligations de déclaration doivent être remplies devrait aussi être stipulé.
7. Une telle législation devrait aussi prévoir la tenue d’une base de données publique en ligne sur la propriété des médias et les dispositions de contrôle au sein de l’État avec des données ventilées par type de médias (marchés/secteurs) et par échelon territorial, local et/ou régional, selon le cas. Elle devrait être actualisée régulièrement, tenue gratuitement à la disposition du public, être accessible et facilement consultable. Les données contenues devraient être mises à disposition dans des formats ouverts et sans restriction quant à leur réutilisation.
8. Les exigences de rapport devraient inclure la fourniture des éléments ci-après :
- une description des dispositions relatives à la propriété et au contrôle des médias, pour les médias relevant de leur compétence (y compris les médias dont les services s’adressent à d’autres pays) ;
- une description des changements intervenus dans les dispositions relatives à la propriété et au contrôle des médias dans le pays concerné durant la période de référence ;
- une analyse de l’incidence de ces changements sur le pluralisme des médias dans le pays concerné.
9. La législation devrait prévoir que la publication des rapports sur la propriété des médias soit accompagnée d’explications appropriées sur les données et les méthodologies utilisées pour les collecter et les organiser, afin d’aider le public à interpréter ces données et à comprendre leur signification.
10. Les États devraient publier des orientations claires et actualisées sur les relations entre les différents dispositifs de régulation et leurs implications, et sur la façon de les mettre en œuvre de façon appropriée et cohérente. Ces orientations pourraient prendre la forme de guides, de manuels ou de lignes directrices faciles à utiliser, par exemple.
11. Les États devraient aussi faciliter la coopération inter-institutions, y compris l’échange approprié d’informations sur la propriété des médias détenues par les autorités de régulation des médias, les autorités de la concurrence et contenues dans les registres des sociétés. De même, l’échange d’informations et de bonnes pratiques avec d’autres autorités nationales, sur leur territoire et dans d’autres juridictions, devrait être facilité.
V. Éducation aux médias
1. Les États devraient introduire des dispositions juridiques, ou renforcer celles déjà en vigueur, afin de promouvoir l’éducation aux médias dans l’objectif de permettre aux citoyens de consulter, comprendre, analyser, évaluer et créer des contenus par l’intermédiaire de toute une série de médias traditionnels et numériques (y compris les médias sociaux).
2. Les États devraient aussi concevoir une politique nationale d’éducation aux médias et assurer sa mise en œuvre opérationnelle au moyen de plans d’action (pluri-)annuels. Une stratégie essentielle à cette fin pourrait consister à soutenir la formation d’un réseau national d’éducation aux médias intégrant une large diversité de partenaires, ou bien à consolider un tel réseau lorsqu’il existe déjà.
3. Dans le système multimédia, il est essentiel pour les personnes de tous âges et de tous horizons de posséder une culture des médias. La loi et / ou les politiques encourageant la connaissance des médias devraient contribuer ainsi à développer l’enseignement de la culture des médias dans les programmes scolaires à tous les niveaux et dans les cycles de formation permanente, y compris en offrant une formation appropriée et des ressources suffisantes aux enseignants et aux institutions éducatives dans leur élaboration des programmes d’enseignement. Toute mesure adoptée devrait être élaborée en consultation avec les enseignants et les formateurs afin de veiller à intégrer correctement des activités pertinentes. Les mesures adoptées ne devraient pas porter atteinte à l’autonomie pédagogique des établissements éducatifs en matière de programme.
4. Sans interférer dans l’indépendance éditoriale, les États devraient encourager tous les médias, à promouvoir l’éducation aux médias au moyen de politiques, de stratégies et d’activités. Ils devraient aussi promouvoir l’éducation aux médias au moyen de dispositifs de soutien pour les médias qui tiennent compte des rôles spécifiques des médias de service public et des médias associatifs.
5. Les États devraient veiller à ce que les autorités nationales de régulation indépendantes disposent de toute la latitude et des ressources nécessaires pour promouvoir l’éducation aux médias d’une façon qui soit pertinente eu égard à leur mandat, et les encourager dans ce sens.
6. Dans leurs programmes nationaux d’éducation aux médias, les États sont encouragés à accorder une place prioritaire aux questions de pluralisme des médias et de transparence de la propriété des médias, afin d’aider les citoyens à évaluer de façon éclairée et critique les informations et les idées qu’ils diffusent. À cette fin, les États sont invités à inclure dans leurs stratégies visant à garantir la transparence du secteur des médias des contenus pédagogiques permettant aux individus d’utiliser les informations relatives à la propriété des médias, à leur organisation et à leur financement, afin de mieux comprendre les diverses influences qui s’exercent sur la production, la collecte, la curation et la diffusion des contenus médiatiques.