JEJC.2006.9

                                   PRIX  «LA BALANCE DE CRISTAL »

                        PRIX EUROPEEN DE PRATIQUES INNOVANTES

                  CONCOURANT A LA QUALITE DE LA JUSTICE CIVILE

                                       DOSSIER DE CANDIDATURE

  1. Institution / organisation candidate

Tribunal de grande instance de Créteil

Palais de justice, boulevard Pasteur Valléry-Radot, 94000 Créteil, France

Téléphone   01 49 81 16 00

  1. représenté par

Didier MARSHALL

Président du tribunal

Téléphone      01 49 81 16 06  /  16 08

Télécopie       01 49 81 19 07

E.mail     [email protected]

  1. Initiative proposée

L’initiative du tribunal de grande instance de Créteil a consisté en l’élaboration d’outils permettant, au sein d’une des grandes juridictions de la région parisienne, d’évaluer, pour l’ensemble des contentieux traités,  la charge de travail des magistrats et des fonctionnaires, et la qualité du service rendu aux justiciable.

Ce travail, qui a pris la forme d’un diagnostic du fonctionnement des services du tribunal, a été mené au cours du deuxième trimestre de l’année 2005 et rendu public en juillet 2005.

Il doit permettre à la juridiction d’effectuer des choix d’organisation et, dans le cadre du dialogue de gestion (1) entrepris avec la cour d’appel et la chancellerie, de justifier ses demandes de moyens matériels et humains et de rendre compte des résultats obtenus.

(1) le dialogue de gestion : dans le cadre de la nouvelle loi budgétaire applicable à tous les services de l’Etat (la LOLF), l’administration centrale du ministère de la Justice doit débattre chaque année avec les juridictions des objectifs poursuivis et des moyens qui leur sont nécessaires pour y parvenir.

  1. Dossier joint

  1. description de l’initiative

Pour mesurer son activité juridictionnelle la justice dispose actuellement d’outils statistiques qui sont des sous-produits des logiciels de traitement des procédures civiles ou pénales.

La chancellerie s’est dotée d’un logiciel, Outigref (2), permettant de mesurer la charge de travail des fonctionnaires de justice.

Cependant aucun outil ne permet de mesurer la charge de travail des magistrats du siège et du parquet, ni d’évaluer la qualité du service rendu au justiciable.

L’exigence d’une meilleure qualité exprimée par le justiciable, et la mise en application cette année des dispositions de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui introduit une logique d’objectifs et de résultats dans l’ensemble des services publics,  ne permet plus de se satisfaire de cette situation.

Persuadés que les juridictions ont toute leur place dans l’élaboration des outils nécessaires, les magistrats et les fonctionnaires de justice du tribunal de grande instance de Créteil ont entrepris un important travail de diagnostic sur le fonctionnement  des services du tribunal, après avoir élaboré une méthodologie leur permettant de mesurer la charge de travail des magistrats et la qualité du service rendu au justiciable.

Le tribunal de Créteil est compétent sur le département du Val de Marne qui compte environ 1,2 million d’habitants. Ce département de la banlieue sud-est de la région parisienne est très urbanisé. Le tribunal compte un effectif de 95 magistrats du siège, 32 magistrats du parquet et 250 fonctionnaires de justice. Il fait partie, en France, du groupe des douze tribunaux les plus importants, après celui de Paris.

La méthodologie adoptée a porté sur le croisement de trois données : l’activité juridictionnelle des services, les moyens humains mis en œuvre pour mener cette activité, et la qualité du service rendu au justiciable.

-          l’activité quantitative des services résulte des statistiques élaborées par les logiciels de traitement des procédures. La saisie des dossiers de procédure, et de leurs différentes étapes,  permet de connaître automatiquement notamment le nombre des affaires inscrites au rôle, le nombre et la durée des procédures terminées, et l’ancienneté des affaires en cours.

-          les moyens humains mis en œuvre ont nécessité, pour les magistrats, l’élaboration d’un outil mesurant la charge de travail : une fiche déclarative établie par chaque magistrat pour indiquer le temps de travail consacré à chacune de ses activités. Pour les fonctionnaires cet outil existait déjà (Outigref) (2).

-          la qualité du service rendu au justiciable est le résultat d’un long travail d’inventaire de l’ensemble des missions procédurales qui incombe aux magistrats et aux fonctionnaires de justice, et du croisement de ce travail avec les conditions dans lesquelles ces missions ont été menées, notamment au regard du respect des délais légaux.

Le traitement de l’ensemble de ces données a permis de mettre en évidence, pour chacun des services, les moyens humains affectés à une activité juridictionnelle quantifiée, et la qualité du service rendu au justiciable.

Ce diagnostic nous a livré une photographie précise et mesurée du fonctionnement du tribunal.

Quelques exemples d’informations résultant du diagnostic:

 - En matière familiale: le nombre de décisions rendues par chaque juge aux affaires familiales, avec le nombre de fonctionnaire de justice assistant le magistrat, et le délai moyen de traitement des procédures. L’unité du temps de travail d’un magistrat et d’un fonctionnaire de justice est évalué en  équivalent temps plein  (ETP) (3)

 - La répartition du temps de travail des magistrats entre les grandes masses de contentieux: les magistrats du tribunal (siège et parquet) consacrent 65% de leur temps de travail aux activités pénales, 30% aux activités civiles et 5% aux activités communes et à la formation.

 (2) OUTIGREF : Ce logiciel a été élaboré il y a plusieurs années pour évaluer le temps moyen nécessaire à un fonctionnaire de justice pour effectuer les actes de chaque procédure. Il a été construit en mesurant concrètement, dans des juridictions de taille différente, le temps nécessaire à un fonctionnaire de justice pour mener à bien ses missions procédurales.

Si les indications qu’il fournit sont actuellement purement indicatives, elles servent de référence au ministère de la Justice pour évaluer les besoins des juridictions

(3) EQUIVALENT TEMPS PLEIN (ETP) : Il s’agit de l’unité de mesure du travail fourni. Il correspond au travail réalisé par un magistrat ou par un fonctionnaire de justice qui occupe son poste à plein temps pendant une année entière.

Par exemple un magistrat arrivé dans une juridiction le 1er avril et qui s’y trouve jusqu’à la fin de l’année fournira un travail représentant 0,75 ETP.

Si un fonctionnaire travaille à mi-temps durant toute l‘année il fournira un travail représentant 0,5 ETP.

 

  1. les résultats apportés par cette initiative sur le fonctionnement de la juridiction

Lors de la création du tribunal de Créteil, il y aura bientôt trente ans, les moyens alloués à la juridiction lui ont permis d’assurer un traitement rapide et de bonne qualité des procédures civiles et pénales. Au fil du temps et des réformes législatives, les missions juridictionnelles ont augmenté, notamment en matière pénale. Si le nombre des magistrats a marqué une hausse sensible, il n’en a pas été de même pour l’effectif des fonctionnaires.

Il a donc été nécessaire de transférer des effectifs de fonctionnaires des chambres civiles vers les services pénaux nouvellement créés pour permettre à la juridiction de mener à bien ses missions. Ce mouvement entrepris en fonction des nécessités conjoncturelles, s’est souvent fait au détriment de la qualité du service rendu.

Le diagnostic entrepris a permis de connaître avec précision les moyens humains alloués à chacune des activités du tribunal, notamment pour des services assurés par des magistrats affectés à plusieurs chambres. Il a permis de déterminer le nombre de décisions civiles ou pénales  rendues par magistrat et par fonctionnaire, tout en appréciant le niveau de la qualité du service rendu.

Il constitue donc un instrument de pilotage du tribunal permettant de procéder à des choix raisonnés dans l’affectation des moyens humains.

  1. les éléments qui pourraient être apportés dans le futur afin d’améliorer les performances de cette initiative.

Les travaux entrepris à l’occasion de ce diagnostic doivent cependant être prolongés dans trois directions.

 1- Il convient dans un premier temps d’expérimenter la méthodologie mise en place dans d’autres juridictions pour en vérifier la pertinence.

Le travail entrepris n’avait pas pour objet de normaliser l’activité, mais seulement de la photographier. Son application à d’autres juridictions, notamment celles du même groupe que Créteil, doit leur permettre de se comparer et de s’interroger sur les éventuelles discordances constatées. Le diagnostic deviendra alors un réel instrument de pilotage.

Il permettra aussi aux attributaires des moyens de procéder à des choix raisonnés.

 2- L’analyse statistique de l’activité juridictionnelle est actuellement fondée sur un poids moyen des procédures. Or certaines d’entre elles sont très différentes de la norme retenue. Il est nécessaire de se doter d’un outil d’évaluation permettant de mesurer ces procédures qui nécessiteront un temps d’audience ou un travail de rédaction exceptionnel. Pour être pertinent et opérationnel, cet outils doit être intégré dans les logiciels de traitement des procédures.

 3- Le diagnostic réalisé à Créteil a permis de mesurer la qualité de la procédure au regard notamment des délais de traitement mis en œuvre. Cette analyse n’a pas pris en compte la qualité organisationnelle de la juridiction, les conditions d’accueil et d’écoute réservées aux justiciables, ni la qualité des décisions rendues.

Il convient donc de prolonger les travaux entrepris dans ces trois domaines.

Le cadre de la juridiction n’est sans doute pas le plus adapté pour cela. Il nécessite en effet une disponibilité et une diversité des expériences qui risquent de faire défaut.

C’est la raison pour laquelle il a été proposé à l’Ecole nationale de la magistrature, en collaboration avec l’Ecole nationale des greffes, de mettre en place un atelier dont l’objectif sera d’une part d’expérimenter dans d’autres juridictions les outils élaborés à Créteil pour en vérifier la pertinence, et d’autre part d’élaborer un outil permettant de mesurer le poids des procédures. Ce travail se fera sous le regard de la Direction des services judiciaires et de l’Inspection générale des services judiciaires.

Il prendra en considération les travaux menés dans ces domaines par d’autres Etats européens (Pays Bas et Italie notamment).

 

Ce projet a été accepté et sera mis en œuvre durant l’année 2007.

  1. Cette initiative est-elle soutenue par les autorités publiques compétentes dans votre pays ?

Le travail mené en 2005 au sein du tribunal de Créteil résulte d’une initiative purement locale, menée conjointement par les magistrats et les fonctionnaires de la juridiction.

Les travaux ont fait l’objet en juillet 2005 d’une restitution publique aux chefs de la cour d’appel de Paris, le premier président et le procureur général. Ces  derniers en ont souligné l’intérêt, et le premier président a exprimé le projet d’expérimenter la méthodologie mise en place, dans les autres juridictions du ressort de la cour d’appel.

Les documents présentant les travaux (rapport écrit et CDrom) ont été adressés à différents services de la chancellerie, à l’Inspecteur général des services judiciaires et à plusieurs juridictions ayant uns activité équivalente à celle de Créteil.

Ces travaux ont été exposés dans le cadre de formations organisées par l’Ecole nationale de la magistrature et l’Ecole nationale des greffes. Une réunion de restitution a également été organisée par l’Inspecteur général des services judiciaires.

 

  1. Selon vous, cette initiative est-elle transposable aux autres juridictions dans les Etats européens ? Pourquoi ?

La mesure de l’activité des juridictions, dans leurs composantes quantitatives et qualitatives, est devenue pour les Etats européens, une nécessité. Ils doivent en effet justifier, auprès de leurs citoyens et de leur opinion publique,  des moyens alloués à l’institution judiciaire, puis des résultats obtenus. Seuls des outils pertinents et reconnus permettent d’y procéder.

L’unification progressive de certaines procédures et la reconnaissance mutuelle nécessitent également l’utilisation d’instruments d’évaluation communs rendant possibles des comparaisons objectives.

Il en est de même pour la mesure de la qualité qui devient une exigence partagée par les Etat européens.

Les travaux entrepris à Créteil, puis poursuivis au sein de l’Ecole nationale de la magistrature, s’inscrivent dans cette perspective.

 

Je soussigné, Didier MARSHALL, représentant le tribunal de grande instance de Créteil, reconnaît avoir pris connaissance du règlement de la compétition et m’engage à le respecter.

                            A Créteil, le 25 août 2006