Loi sur la protection juridique en cas d’une durée excessive des procédures judiciaires et lors de procédures d’enquête pénales

A. Problème et objectif

Quant à la protection juridique, le but du projet est de combler une lacune contraire tant aux exigences de la Loi fondamentale (Grundgesetz – GG) qu’à celles de la Convention européenne des droits de l’homme (la Convention). Une protection juridique n’est efficace que lorsqu’elle est accordée en temps utile. C’est pourquoi les articles 19 alinéa 4, 20 alinéa 3 GG et 6 § 1 de la Convention garantissent un droit à une protection juridique dans un délai raisonnable. Dans la pratique il est plutôt exceptionnel, que ce droit soit menacé ou violé mais ceci arrive tout de même. À l’exception du recours hiérarchique et du recours constitutionnel, le droit allemand en vigueur ne prévoit aucune voie de recours spécifique à cet effet. Certes, dans des cas graves la jurisprudence admet des recours développés en partie en vertu du droit prétorien – notamment des recours extraordinaires. La pratique à cet égard n’est cependant pas uniforme et prête à confusion. Cette situation juridique ne correspond pas à la clarté exigée par la Cour constitutionnelle fédérale pour ce qui concerne les voies de recours et qui existe seulement lorsqu’un recours est prévu par la législation et que les conditions de celui-ci sont clairement reconnaissables par les citoyens. Selon l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 8 juin 2006 (n° 75529/01), la situation juridique ne satisfait pas aux exigences des articles 6 § 1 et 13 de la Convention.

En s’écartant explicitement de sa jurisprudence précédente, la Cour a constaté dans son arrêt du 26 octobre 2000 (n° 30210/96) que dans le cas d’une durée excessive des procédures judiciaires non seulement le droit garanti par l’article 6 § 1 de la Convention à une procédure équitable menée dans un délai raisonnable mais également le droit consacré par l’article 13 de la Convention à un recours effectif peut être violé. Par conséquent, l’article 13 de la Convention garantit un recours auprès d’une instance nationale permettant à la personne intéressée de se plaindre lorsque son droit à faire entendre sa cause dans un délai raisonnable a été menacé ou violé. Entre-temps, d’autres décisions de la Cour européenne des droits de l’homme fondent sur cette conception juridique. Selon la jurisprudence de la Cour, un recours interne est effectif dès qu’il permet soit de faire intervenir plus tôt la décision des juridictions saisies (effet préventif), soit de fournir au justiciable une réparation adéquate pour les retards déjà accusés – en particulier pour des préjudices immatériels (effet compensatoire).

Certes, le droit à réparation d’un préjudice du fait de la responsabilité publique prévu à l’article 839 du code civil (Bürgerliches Gesetzbuch – BGB) combiné avec l’article 34 GG se réfère également à des cas de retards illicites d’un litige et donne, par conséquent, lieu à réparation. Du fait de la limitation à des retards causés par la faute des juridictions et de l’exclusion des préjudices immatériels, ce droit ne satisfait cependant pas aux exigences de la Convention relatives à un recours à effet compensatoire.

B. Solution

Le projet de loi prévoit l’introduction d’un droit à indemnisation en cas de durée excessive d’une procédure judiciaire. En vertu dudit projet, les préjudices résultant d’une violation du droit à une procédure menée dans un délai raisonnable subis par la personne intéressée donnent lieu à réparation. La réparation couvre les préjudices matériels et – à moins que la réparation d’une autre manière ne paraisse suffisante selon les circonstances du cas d’espèce – également les préjudices immatériels.

Une forme de la réparation d’une autre manière selon le projet est le constat d’un tribunal de la durée excessive de la procédure – combiné avec l’exonération du demandeur des frais du litige portant sur l’indemnisation – ainsi que des possibilités de réparation spécifiques dans une procédure pénale.

Une condition impérative pour faire valoir des droits à indemnisation du fait de la durée excessive d’une procédure judiciaire consiste dans le fait que la personne intéressée s’est plainte de la durée de la procédure devant la juridiction. Le droit à indemnisation implique toutes les procédures judiciaires et la procédure visant la préparation de l’action publique en matière pénale. Les préjudices subis du fait de retards causés par les juridictions d’un Land relèvent de la responsabilité dudit Land. Les actions en indemnisation du fait de tels préjudices sont tranchées par la juridiction concernée au niveau des tribunaux régionaux supérieurs, des tribunaux administratifs supérieurs, des tribunaux supérieurs du contentieux social et des tribunaux supérieurs du travail, dans le domaine de la juridiction financière par la Cour fédérale des finances. La Fédération répond des préjudices résultant de retards causés par les Cour fédérales. Ce sont les cours fédérales suprêmes concernées qui en statuent. La Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgerichtsgesetz – BVerfGG)prévoit des dispositions spéciales pour la Cour constitutionnelle fédérale.Les Länder ont la faculté de prévoir des règles pour les cours constitutionnelles des Länder.


« Titre XIV »

Voies de recours contre la durée excessive des procédures judiciaires et lors de procédures d’enquête pénales

Article 198

         (1) Quiconque, en sa qualité de partie au procès, subit un préjudice du fait d’un délai déraisonnable d’une procédure judiciaire est indemnisé. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure dépend des circonstances du cas d’espèce, notamment de la complexité et de l’importance de la procédure et du comportement des parties au procès et de tiers.

         (2) Un préjudice autre qu’un préjudice matériel est présumé lorsque la durée d’une procédure judiciaire a été excessive. Une indemnisation ne peut être invoquée à cet effet que si selon les circonstances du cas d’espèce une réparation d’une autre manière en vertu du paragraphe 4 ne paraît pas suffisante. Conformément à la 2ème phrase, une indemnisation de 1 200 EUR est accordée pour chaque année de retard. Si, selon les circonstances du cas d’espèce, le montant en vertu de la 3ème phrase paraît inéquitable, la juridiction peut fixer un montant plus élevé ou plus faible.

         (3) Une indemnisation n’est accordée à la partie au procès que lorsqu’elle a dénoncé la durée de la procédure devant la juridiction saisie de l’affaire (grief dénonçant un retard). Le grief dénonçant un retard ne peut être soulevé que lorsqu’il y a lieu de craindre que la procédure ne sera pas clôturée dans un délai raisonnable ; ce grief ne peut être réitéré qu’après six mois au plus tôt, à moins qu’un délai plus bref ne s’impose à titre exceptionnel. Si l’avancement de la procédure dépend de faits n’ayant pas encore été invoqués au cours de la procédure, le grief doit en faire état. Autrement ils ne seront pas pris en compte par la juridiction appelée à décider de l’indemnisation (tribunal décidant de l’indemnisation) lors de l’appréciation du délai raisonnable de la procédure. Lorsque la procédure subit d’autres retards devant une autre juridiction, un nouveau grief dénonçant un retard doit être soulevé.

            (4) Une réparation d’une autre manière est notamment possible par le constat du tribunal d’indemnisation que le délai de la procédure a été déraisonnable. Ce constat n’est pas subordonné à la présentation d’une demande. Il peut être prononcé dans des cas graves parallèlement à l’indemnisation ; il peut également être prononcé si une ou plusieurs des conditions prévues au paragraphe 3 ne sont pas remplies.

         (5) Une action pour faire valoir un droit en vertu du paragraphe 1 ne peut être introduite que six mois au plus tôt après avoir soulevé le grief dénonçant un retard. L’action doit être introduite au plus tard six mois après que la décision clôturant la procédure soit passée en force de chose jugée ou à la suite d’une autre forme d’achèvement de la procédure.

         (6) Aux fins de la présente disposition, on entend par

1.   procédure judiciaire toute procédure à partir de son ouverture jusqu’à sa clôture définitive y compris une procédure de référé et une procédure visant l’octroi d’une aide ou assistance judiciaire, à l’exception de la procédure d’insolvabilité après l’ouverture de celle-ci ; lorsqu’une procédure d’insolvabilité a été ouverte l’obtention d’une décision est considérée comme une procédure judiciaire ;

2.   une partie au procès toute partie et toute personne intéressée d’une procédure judiciaire à l’exception des organes constitutionnels, organes de l’administration publique et d’autres services publics.