LES MESURES ALTERNATIVES AUX POURSUITES.

1) Qualifié de système d’opportunité des poursuites, le système légal belge permet au procureur du Roi de décider s’il y a lieu on non d’engager des poursuites pénales.

Le magistrat du ministère public est donc le premier juge de l’action publique, ce qui lui confère un pouvoir quasi juridictionnel.

Il appréciera en conscience et suivant les directives de politique criminelle, la suite qu’il y a lieu de réserver à l’affaire qui lui est soumise.

Soit il mettra l’action publique en mouvement, soit il classera le dossier sans suite.

En cas de classement sans suite, les motifs  avancés peuvent être d’ordre technique ( auteur inconnu, prescription de l’action publique,…) ou d’ordre plus politique ( dommage limité, infraction isolée,…)

En raison de l’indépendance du ministère public, le juge pénal ne peut apprécier la décision du procureur du Roi relative aux poursuites ou lui donner des ordres à cet égard.

La mise en mouvement de l’action publique n’est pas l’exclusivité du ministère public. En effet, on note également la possibilité pour la partie civile de mettre l’action publique en mouvement: soit par citation directe devant la juridiction de jugement ( article 145 et 182 du Code d’instruction criminelle) ou par constitution de partie civile entre les mains du juge d’instruction. (article 63 du Code d’instruction criminelle)

La législation régissant la matière n’a connu aucun changement récent.

Les tableaux annexés permettent d’avoir une vue globale de la proportion de réponses alternatives données aux poursuites dans le paysage belge, et ce durant les deux dernières années.

Comme explicité dans la note méthodologique (voir annexe), il convient également de noter que les rubriques « transaction et médiation » entendent que ces procédures se soient clôturées de manière positive.

La présente analyse  reprend à la fois les dossiers répertoriés « auteurs connus » et « auteurs inconnus ».

2) A  côté de la voie pénale dite classique, le système belge prévoit deux modes de réponse : la transaction et la médiation, procédures qui sont toutes deux réglementées par le Code d’instruction criminelle.

 a) La transaction pénale est une procédure non juridictionnelle par laquelle le ministère public propose à l’auteur présumé d’une infraction de ne pas exercer, à son égard, de poursuites moyennant le paiement préalable d’une somme d’argent.

Exception au principe de l’indisponibilité de l’action publique, la transaction ne peut survenir que dans les cas expressément prévus par la loi.

Lorsque la transaction est proposée au contrevenant comme prévu à l’article 216 bis du Code d’instruction criminelle, deux solutions coexistent:

Soit le contrevenant accepte, paie la somme mentionnée, ce qui éteint l’action publique.

Soit il refuse l’offre ou ne paie pas la somme mentionnée et le ministère public recouvre alors sa liberté d’appréciation pour ouvrir ou non les poursuites.

Il convient également de noter qu’une procédure transactionnelle simplifiée existe en matière de roulage.

 b) A l’instar de la transaction, la médiation pénale constitue une autre mesure alternative à la sanction pénale.

Dans ce cadre, le procureur du Roi pourra proposer à l’auteur présumé d’une infraction de ne  pas le poursuivre devant les juridictions pénales pour autant que ce dernier accepte et respecte les conditions prévues par l’article 216 ter du Code d’instruction criminelle.

Diverses mesures peuvent être proposées séparément ou cumulativement comme :

- L’indemnisation de la victime ou réparation de son dommage,

- La médiation entre l’auteur présumé et la victime,

- Le suivi d’un traitement médical,

- L’exécution d’un travail d’intérêt général et/ou le suivi d’une formation.

Lorsque la médiation pénale est menée à bonne fin et qu’il a été satisfait à toutes les conditions, l’action publique est alors définitivement éteinte.

En cas d’échec de la médiation pénale, le ministère public recouvre sa liberté d’appréciation pour ouvrir ou non les poursuites.

3) Les procédures de médiation et de transaction dépendent  toujours de l’initiative du ministère public: elles sont toujours facultatives et unilatérales.

Le requérant n’a pas de droit d’initiative à cet égard  et est dépendant du bon vouloir du procureur du Roi qui n’a pas à motiver sa décision de proposer ou non une de ces mesures alternatives.

Cela fait partie de son pouvoir de juger de l’opportunité des poursuites qui doit cependant être exercé dans le respect des directives générales de politique criminelle définies par le Ministre de la Justice.

4) Les critères légaux de la transaction peuvent être résumés comme suit:

a) Elle ne peut s’appliquer qu’aux délits et aux contraventions pour les infractions punissables, soit d’une amende, soit d’une peine d’emprisonnement dont le maximum  théorique ne dépasse pas cinq ans, soit de l’une et l’autre de ces peines ;

b) Le  ministère public n’envisage de requérir qu’une amende ou une amende et la confiscation ;

c) Le montant résultant de l’infraction doit être payé ;

d) L’action publique ne doit pas encore avoir été intentée.

Quant à la médiation, les critères légaux se présentent de la sorte :

a) Les faits ne paraissent pas être de nature à devoir être punis d’un emprisonnement correctionnel principal de plus de deux ans ou d’une peine plus lourde.

On notera que le taux de la peine s’appréciera concrètement c’est à dire la peine qui pourrait être appliquée concrètement et non le maximum de la peine  prévue ;

b) L’action publique ne doit pas encore être intentée ;

c) L’auteur présumé doit marquer son accord sur l’application de la procédure et accepter les conditions ;

d) L’auteur présumé de l’infraction doit s’engager à payer les frais d’analyse ou d’expertise dans le délai fixé par le procureur du Roi.

5) Le recours aux mesures alternatives est comme décrit plus haut, réglementé par notre Code d’instruction criminelle, qui organise de manière stricte le recours à de pareilles mesures.

La mise en œuvre de ces procédures relèvent exclusivement du pouvoir du ministère public qui, suivant chaque cas d’espèce, pourra décider d’opter pour la voie dite classique ou la voie alternative lorsque les conditions légales se trouvent réunies.

On notera qu’au vu des conditions légales respectives des deux procédures alternatives,  le champ d’application potentiel de la médiation pénale est plus étendu que celui de la transaction.

6) L’article 5 bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale prévoit que la victime qui s’est constituée personne lésée soit informée des grandes étapes de la procédure.

L’esprit de cette loi requiert donc qu’elle soit informée de la proposition de transaction ou de la mise en route d’une procédure en médiation pénale.

Ces informations ne sont cependant pas communiquées à la victime non constituée personne lésée. En effet,  pareilles démarches engendreraient une charge de travail trop importante au vu des moyens mis à la disposition des services administratifs au sein des parquets du pays.

En matière de médiation pénale, le souci de la prise en compte des intérêts de la victime de l’infraction est omniprésent, puisque dans bon nombre de cas elle sera associée à la procédure.

7) En ce qui concerne la médiation pénale, le procureur du Roi  désigne au sein de chaque arrondissement judiciaire un magistrat de liaison chargé de la mise en œuvre de la médiation pénale.

Outre les magistrats de liaison, des assistants de justice  veillent à la mise en œuvre des dispositions en matière de médiation ainsi qu’au contrôle du respect des conditions fixées dans le cadre de la procédure.

A la fin de la médiation, l’assistant de justice  adresse un rapport au procureur du Roi qui décidera de l’extinction de l’action  publique ou constatera l’échec de la médiation.

En Belgique, la médiation et la transaction se déroulent en dehors du circuit classique de la procédure pénale et excluent l’intervention du tribunal.

8) Dans le cadre de la médiation, on peut noter que la médiation entre l’auteur présumé et la victime est un exemple pertinent.

Dans ce cas, le procureur du Roi invite par l’intermédiaire d’un assistant de justice, la victime et l’auteur de l’infraction à établir un dialogue sur les faits qui ont eu lieu et sur les suites à y réserver.

Toutefois, la victime est libre de refuser de participer à la médiation pénale.

Les solutions réparatrices qui peuvent être élaborées par les deux parties avec l’aide de l’assistant de justice, peuvent être les plus diverses : des excuses orales ou écrites, une réparation en nature, la définition de règles de convivialité, une réparation symbolique, la détermination du montant de l’indemnisation et de ses modalités…

Toujours dans le cadre de la médiation, le traitement médical proposé à l’auteur lorsque ce dernier invoque un lien entre la pathologie et l’infraction peut être porteur et éviter la récidive.

Les traitements peuvent être divers : suivi psychiatrique, suivi psychologique, cure de désintoxication,…

9) Le Service public fédéral Justice rédige annuellement un rapport d’activités qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur la manière dont la justice est rendue dans le royaume notamment sur les différents modes de poursuites au niveau répressif.

De plus une évaluation annuelle qualitative et quantitative est réalisée par les assistants de justice en vue d’estimer le fonctionnement de la médiation.

11) Il convient de ne pas confondre la médiation telle que décrite ci-avant et les nouvelles dispositions entrées en vigueur en janvier 2006 relatives à la médiation ( loi du 22 juin 2005) .

La terminologie employée est certes peu claire.

Les nouvelles dispositions pénales permettent désormais la mise en œuvre de la médiation dans le champ pénal à tous les stades de la procédure pénale c’est-à-dire aussi bien au stade de l’instruction préparatoire, de l’instruction proprement dite qu’au stade de l’examen sur le fond ou de l’exécution des peines et ce,  pour tout type de faits.

A la différence de ce qui est prévu à l’article 216 ter du Code d’instruction criminelle, la procédure envisagée dans la loi de 2005 renvoie l’initiative de cette dernière aux parties elles-mêmes.

Ce processus est mené par des services de médiation indépendants du système pénal et ne prend donc place que parallèlement au processus pénal sans suspendre ou éteindre l’exercice de l’action publique.

Bibliographie :

Michel Franchimont, Ann Jacobs, Adrien Masset, « Manuel de procédure pénale », Larcier, 2eme édition.

Henri-D Bosly, Damien Vandermeersch,  « Droit de procédure pénale », 2005, Editions La charte.