L’indépendance du pouvoir judiciaire : problèmes actuels et solutions possibles

Philippe Boillat,

Directeur général des droits de l’Homme et des affaires juridiques

Conférence régionale sur « Le rôle des cours suprêmes dans la mise en œuvre de la Convention européenne des Droits de l’Homme

au niveau interne »

Belgrade, 20 – 21 septembre 2007

Introduction

Madame la Présidente de la Cour suprême,

Excellences,

Mesdames, Messieurs,

Chers collègues,

Le Conseil de l’Europe est la maison commune européenne fondée sur trois piliers : les droits de l’homme, la prééminence du droit et la démocratie pluraliste. Aussi est-il naturellement de son devoir de monter en première ligne lorsqu’il s’agit de défendre et de promouvoir le développement d’une justice indépendante et impartiale. Dans mon allocution d’ouverture de la Conférence ce matin, j’ai évoqué la nécessité, pour tout Etat démocratique, respectueux des droits de l’Homme et de l’Etat de droit, d’avoir un pouvoir judiciaire indépendant. Et cette indépendance doit aller de pair avec une organisation judiciaire efficace et transparente.

Dans l’Europe d’aujourd’hui, il convient d’appréhender l’indépendance du juge, avant tout, comme un droit des citoyens ; il s’agit d’un champ de réflexion tout à fait actuel en Europe. L’indépendance et l’impartialité du juge prennent tout leur sens si elles sont pensées et concrétisées comme un élément de politique publique : la justice au service de la communauté.

La Convention européenne des Droits de l'Homme, et en particulier ses articles 5 et 6, constitue le socle normatif sur lequel l'Europe a construit et consolidé le principe fondamental de l'indépendance du pouvoir judiciaire, et cela, sous le contrôle intransigeant de la Cour européenne des Droits de l'Homme qui, en plusieurs décennies, a développé une jurisprudence claire et constante en la matière.

Les autres organes et entités du Conseil de l’Europe, le Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire, le Commissaire aux Droits de l’Homme, mais aussi l’Accord élargi pour le développement de la démocratie par le droit, mieux connu sous le nom de Commission de Venise, font également de l’indépendance des juges l’une des clés de voûte de leurs actions pour développer le corpus normatif européen, pour soutenir les réformes institutionnelles et législatives dans les Etats membres et, enfin, pour suivre le respect des engagements pris par ces Etats au moment où ils ont rejoint la famille des démocraties européennes.

Je viens de le souligner, l’un des éléments les plus importants de l’Etat de droit respectueux des droits de l’homme est une organisation judiciaire efficace et transparente. Or, le bon fonctionnement des tribunaux et leur capacité d’administrer la justice sont aujourd’hui mis à rude épreuve : les tribunaux doivent efficacement  régler les contestations entre citoyens ; ils doivent assurer la répression des crimes et délits ; ils sont également amenés, dans maintes situations, à garantir la légalité de l’action gouvernementale.

Et les tribunaux doivent assurer la qualité de leur action en dépit, d’une part, des fluctuations politiques, qui sont, fonction, on le sait, des résultats des élections et, d’autre part, des demandes de plus en plus nombreuses de la part des justiciables.

En Europe aujourd’hui, les juges sont ainsi confrontés à de grands et nombreux défis. Pour leur permettre de les relever, les tribunaux doivent pouvoir s’appuyer sur un cadre juridique solide. Ils doivent également bénéficier de moyens suffisants en personnel et autres ressources. A cet égard, je rappelle que la Cour européenne des Droits de l’Homme répète de façon constante que le manque de moyens des tribunaux ne saurait être une excuse valable pour un Etat de ne pas respecter les dispositions de la Convention, notamment son article 6[1]. Aussi, les autorités compétentes doivent-elles prendre les mesures qui s’imposent pour assurer l’efficacité de l’action des tribunaux.

L’indépendance du pouvoir judicaire, thème sur lequel je vais plus particulièrement me pencher à présent, est l’un des éléments clés du cadre juridique qui doit entourer le juge et son action afin de garantir son autorité.

L’indépendance du juge va de pair avec ses compétences. En effet, seul un juge indépendant et compétent peut exercer sereinement ses fonctions. Cela exige une excellente formation initiale, ainsi qu’une formation continue tout au long de sa carrière. Cette question essentielle sera l’un des thèmes de cette après-midi.

L’indépendance du juge doit s’affirmer aussi bien vis-à-vis du législateur, que de l’exécutif et des parties au litige. Elle exige un vrai pouvoir de décision de la part du tribunal[2]. La Cour a eu l’occasion de relever que, dans une affaire individuelle, l’indépendance se confond souvent avec l’impartialité[3].

Selon la jurisprudence de la Cour, pour établir si un tribunal peut être qualifié d’« indépendant » aux fins de l’article 6 paragraphe 1, il faut notamment prendre en compte le mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, l’existence d’une protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s’il y a ou non apparence d’indépendance[4].

Sur ce dernier point, la Cour relève que la confiance des justiciables dépend en grande partie de ce que l’organisation judiciaire ne laisse aucune raison de soupçonner une dépendance ou une partialité du tribunal. La fameuse maxime de la Cour « Il faut en effet non seulement que justice soit rendue, mais encore qu’elle soit ainsi perçue » prend ainsi tout son sens[5].

Le mandat des  juges

L’un des aspects primordiaux relatifs à l’indépendance concerne les modes de nomination des juges. Dans de nombreux pays, les juges sont nommés par le gouvernement ou par le parlement. L’influence politique, que ce soit de la part du gouvernement ou du parlement, dans le processus de nomination des juges pose problème, selon la Cour, si d’autres garanties assurant l’indépendance des juges ne sont pas données.

Pour ce faire, de nombreux pays ont instauré des Hauts conseils judiciaires responsables en matière de nominations et de discipline. L’indépendance devra ici s’analyser à la lumière des pouvoirs et de la composition de ces Hauts conseils judiciaires. Pour que l’indépendance soit réelle, il va de soi que le pouvoir judicaire doit y être représenté de façon conséquente.

La durée des mandats des juges, en soi, n’est pas décisive dans la jurisprudence de la Cour. Des mandats très courts ont été considérés comme suffisants si l’indépendance du juge est par ailleurs garantie. La durée du mandat est néanmoins une considération importante pour apprécier l’indépendance du tribunal lorsque cette durée du mandat est combinée avec d’autres éléments, comme par exemple les conditions de révocabilité du mandat ou encore la protection contre des pressions indûes.

Dans la presque totalité des Etats européens, le principe de l’inamovibilité des juges est consacré dans la Constitution comme l’une des garanties les plus fondamentales de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Ce principe n’empêche évidemment pas de révoquer certains juges pour des raisons disciplinaires, en respectant toutefois les formes appropriées. Dans certains Etats,  y compris dans votre région, la question s’est posée de savoir s’il était justifié, suite à un changement de régime politique et à l’adoption d’une nouvelle Constitution, de soumettre les juges à une procédure de vérification ou de lustration, dans le but de révoquer, ou de ne pas renommer, les juges qui, soit, se sont compromis sous l’ancien régime, soit, qui se sont avérés corrompus. S’il parait bien évidemment difficile de contester, a priori, la justification de telles procédures, suite à la transition d’un régime autoritaire vers un régime démocratique, par exemple, ou dans des pays où le pouvoir judiciaire est fortement entaché par la corruption, une telle procédure ne va pas sans entraîner des risques graves pour l’indépendance du pouvoir judiciaire. Une telle procédure ne peut donc être acceptée que si elle comporte des garanties adéquates pour l’objectivité et la transparence des procédures, si les droits des juges contestés sont garantis, et, enfin, si le risque d’ingérence politique dans le pouvoir judiciaire au cours de cette procédure peut être écarté. La Cour européenne des Droits de l’Homme a d’ailleurs déclaré que l’article 6 de la Convention est applicable aux procédures de lustration[6]. Une grande prudence s’impose donc si l’on souhaite s’avancer sur ce terrain-là.

L’indépendance face à l’exécutif

La Cour européenne des Droits de l’Homme a identifié différentes facettes de la séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif[7].

Dans la jurisprudence de la Cour, il est relativement rare de trouver des situations dans lesquelles l’indépendance des juges face à l’exécutif est objectivement mise en question. Les problèmes apparaissent le plus fréquemment sur le terrain des apparences et cela surtout dans les affaires pénales et administratives.

A cet égard, la Cour relève qu’il ne doit exister aucun lien hiérarchique entre les représentants de l’Etat dans un cas d’espèce et les juges. En effet, dès lors qu’un tribunal compte parmi ses membres une personne se trouvant dans un lien de subordination de fonctions et de services par rapport à l’une des parties, les justiciables peuvent légitimement douter de l’indépendance de cette personne. Selon la Cour, pareille situation met gravement en cause la confiance que les juridictions se doivent d’inspirer dans une société démocratique[8]. La Cour a souligné la sensibilité des apparences en constatant une violation de l’indépendance des Cours de sûreté en Turquie suite à la présence d’un juge militaire siégeant en son sein.  La Cour a considéré que le requérant pouvait légitimement redouter que, par la présence d’un juge militaire au sein de la Cour de sûreté de l’Etat, celle-ci ne se laissât indûment guider par des considérations étrangères à la nature de sa cause.[9].

Dans le même ordre d’idées, le procès équitable exigé par la Convention interdit à l’exécutif de jouir de privilèges spéciaux dans l’administration de la justice, que ceux-ci soient octroyés par la loi ou dans un cas d’espèce[10].

L’indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif peut aussi se trouver mise à mal dans le cadre de procédures civiles, que l’Etat soit en fait partie ou non à la procédure. Une immixtion de l’exécutif dans une affaire spécifique entre personnes de droit privé pour en influencer l’issue ne saurait en aucun cas être tolérée[11].

L’indépendance entre juges

Les apparences d’indépendance peuvent également interdire aux juges eux-mêmes d’assumer différents rôles au cours de la procédure. Cette interdiction, ou plutôt cette incompatibilité, est particulièrement important en matière pénale. Ainsi, si un juge a, par exemple, décidé de questions intimement liées à la culpabilité du prévenu au stade de l’instruction, il ne peut plus, par la suite, décider du fond de l’affaire[12]. En revanche, si la décision préliminaire n’a pas vraiment impliqué un vrai examen de la culpabilité du prévenu, le juge qui l’a prise n’est pas ultérieurement exclu de l’examen du fond. Des problèmes similaires peuvent se présenter au cas où l’on autoriserait les magistrats à alterner les fonctions de procureur et de juge[13].

Cela dit, la Cour a accepté que les tribunaux supérieurs puissent donner des directives aux tribunaux inférieurs surtout dans le cadre de l’appel[14]. Nous entendrons tout à l’heure M. Paul Lemmens nous parler du rôle de guide que jouent les cours suprêmes au regard de la mise en œuvre de la Convention par les juridictions inférieures. Je ne vais donc pas m’étendre sur ce point.

L’indépendance du juge  vis-à-vis des parties

L’indépendance vis-à-vis des parties à un procès soulève parfois des problèmes structurels complexes, notamment dans le cadre des tribunaux dits « paritaires ». Si les parties représentées au sein du tribunal reflètent bien les différents intérêts en jeu, l’indépendance au sens de la Convention est assurée. En revanche, si tous les représentants au sein du tribunal ont des intérêts opposées à ceux du requérant, l’indépendance n’est plus garantie[15]. Cela dit, on constate que malgré cette importante limitation, de nombreux Etats ont néanmoins choisi de tels systèmes, notamment en matière de droit du travail. Différents « astuces » ont été trouvées pour régler les cas difficiles p.ex. la possibilité d’un recours spécial aux tribunaux ordinaires[16].

Je l’ai relevé il y a quelques instants, dans les affaires individuelles, l’indépendance du juge se confond souvent avec son impartialité. L’indépendance vis-à-vis des parties au procès doit donc également être appréciée à la lumière des apparences. Ainsi, s’il existe une apparence de liens entre un juge et les avantages reçus par l’une des parties, la Cour de Strasbourg est encline à dire qu’il existe des craintes légitimes de la part du requérant que la cour nationale ait manqué d’impartialité[17].

Enfin, la structure physique, la structure matérielle des tribunaux peut, elle aussi, induire un soupçon de manque d’indépendance du juge. En effet, si l’accès au bureau du juge est complètement libre, comment ne pas se demander si l’une des parties, ou le procureur, n’est pas allé discrètement parler au juge « entre quatre yeux » ? Il en va de même des audiences qui se déroulent dans le bureau du juge.

L’indépendance du juge face au pouvoir législatif

L’indépendance du juge face au législateur fait, en effet, rarement l’objet de contestations devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. L’indépendance exige ici notamment que le législateur n’intervienne pas dans le traitement d’affaires individuelles dans le but d’influer sur le dénouement d’un litige [18]. Si tel devait être le cas, il y aurait alors violation du principe de la prééminence du droit et du procès équitable consacrés par l’article 6 de la Convention. Quant à l’importance des apparences, elle a pour conséquence que le juge ne peut agir en tant que conseiller dans l’élaboration des lois qu’il lui reviendra d’appliquer[19].

Les autres facettes de l’indépendance du pouvoir judiciaire

Ainsi, selon la Cour, l’Etat ne saurait empêcher la presse de discuter d’une question débattue devant les tribunaux[20]. La Cour, par ailleurs, admet la possibilité de critiquer, même en termes sévères et exagérés, les décisions judiciaires[21] mais, en revanche, elle garantit au juge la protection contre des attaques diffamatoires personnelles[22].

Les autres normes européennes

Après avoir tracé dans leurs grandes lignes quelques traits spécifiques de la jurisprudence de la Cour sur l’indépendance des tribunaux, je souhaite à présent attirer votre attention sur d’autres organes du Conseil de l’Europe et sur d’autres normes européennes importantes dans ce contexte.

Le Conseil Consultatif de Juges Européens veille, lui aussi, au respect des principes de l'indépendance et de l'impartialité des juges, dont il a détaillé les modalités d'application dans le cadre de plusieurs Avis. Il a notamment adopté l'Avis No 1(2001) sur les normes relatives à l'indépendance et l'inamovibilité des juges, qui rappelle que ces principes sont une pré-condition de l’Etat de droit respectueux du procès équitable.

Plusieurs programmes de coopération ciblée du Conseil de l'Europe ont également été organisés depuis une quinzaine d'années, avec pour objectifs d'ancrer l'indépendance du système judiciaire, notamment dans les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale. La plupart de vos pays ont bénéficié de ces programmes qui mettent en évidence la jurisprudence de la Cour et les autres normes du Conseil de l’Europe.

Même si le thème de mon exposé est l’indépendance du pouvoir judiciaire, il faut souligner qu’il ne suffit pas d'avoir jugé de manière indépendante pour avoir bien jugé. Ainsi la Convention européenne des Droits de l'Homme ne se limite pas à exiger des Etats contractants qu'ils garantissent l'indépendance et l'impartialité du tribunal. L’administration de la justice doit également répondre à toute une série d’autres exigences. La Convention exige ainsi, par exemple, que les Etats organisent leur système judiciaire de manière à ce que chacun puisse voir sa cause entendue "dans un délai raisonnable". Cette exigence inhérente au procès équitable a été très largement précisée par la jurisprudence de la Cour et concrétisée et complétée par plusieurs recommandations du Comité des Ministres aux Etats membres, des Recommandations qui concernent les procédures[23], l'accès au juge[24], le fonctionnement des tribunaux[25] ou encore le rôle des acteurs du système judiciaire[26]

Dans ce contexte, j’attire votre attention sur le fait que le Conseil Consultatif de Juges Européens a également défini des principes en matière de financement des juridictions, de responsabilité des juges, de célérité des procédures et de relations entre la justice et la société[27]

A côté du Conseil Consultatif de Juges Européens, je ne voudrais pas omettre de mentionner la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) qui, depuis 2002[28], s’efforce de contribuer à désengorger la Cour européenne des Droits de l'Homme en appliquant le principe selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir. En offrant aux décideurs publics des solutions effectives pour améliorer le fonctionnement des systèmes judiciaires nationaux, la Commission œuvre à limiter les violations du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable et, donc, les recours devant la Cour de Strasbourg.

Il est ainsi clairement posé qu’il n’y a pas de bonne justice, aussi indépendante soit-elle, si la justice n’est pas tournée vers les justiciables. Des systèmes judiciaires indépendants, efficaces et accessibles sous-tendent et renforcent l’Etat de droit, sur lequel reposent les démocraties européennes.

Conclusion

L’indépendance du pouvoir judiciaire soulève de nombreux problèmes auxquels vous avez sans aucun doute, vous-mêmes, personnellement été confrontés. Cette indépendance est à la base même de l’autorité des tribunaux. Il s’agit d’un domaine très sensible où les apparences ne sont pas à négliger afin d’assurer que les justiciables aient confiance en leurs tribunaux. L’organisation pratique du travail des juges au regard de la distribution des affaires, des contacts entre les parties ou de l’organisation pratique du procès peut, en grande partie, éviter l’émergence de tout soupçon d’arbitraire ou de dépendance. Une formation adéquate des juges, initiale et continue, contribuera à renforcer leur confiance et leur donnera la sérénité et l’indépendance nécessaires.

Seuls des tribunaux indépendants peuvent assumer efficacement la tâche de protéger les droits fondamentaux au niveau national et garantir pleinement ainsi  la subsidiarité du système de contrôle institué par la Convention.

Il a été affirme a fort juste titre que la Convention, est l’instrument contraignant de l’ordre public européen[29].  La Convention et la jurisprudence de la Cour forment un véritable ciment qui unit les Etats européens.

Dans cette logique, il n’est pas étonnant que les Etats Parties à la Convention s’engagent à exécuter les arrêts de la Cour constatant des violations. L’exécution pleine et entière de ces arrêts est surveillée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe où siègent les représentants des gouvernements de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe – en fait les représentants des ministres des Affaires étrangères. Ce contrôle exprime bien la responsabilité collective des Etats de garantir les droits et libertés contenus dans la Convention. Ce contrôle, effectué par le Conseil des Ministres, est minutieux et toutes les violations que j’ai évoquées au cours de mon intervention ont donné lieu, sous le contrôle du Comité des Ministres, à des changements législatifs, réglementaires ou de pratiques judiciaires nécessaires pour éviter de nouvelles violations.

Ces considérations nous amènent au cœur du sujet de notre Conférence.

La Convention se veut, certes, subsidiaire, mais si la Cour européenne des Droits de l’Homme a constaté une violation d’une de ses dispositions, les autorités de l’Etat défendeur, et notamment les tribunaux guidés par les cours suprêmes, doivent tout mettre en œuvre pour se conformer à l’arrêt rendu. Les autorités d’autres Etats qui connaissent une organisation semblable doivent se sentir eux aussi concernés. L’obligation de respecter les normes européennes s’impose à tous les Etats Parties à la Convention. La notion d’autorité de la chose jugée se voit complétée par celle de l’autorité de la chose interprétée.

Ainsi, une réflexion constante sur l’effectivité de la mise en œuvre de la Convention au niveau interne est-elle indispensable pour faire du principe de subsidiarité une réalité. Les tribunaux suprêmes peuvent y participer activement en développant leur jurisprudence.

A ce sujet, je rappelle que cinq recommandations ont été adoptées par le Conseil de l’Europe en la matière depuis 2000 pour aider les autorités, y inclus les tribunaux, à développer cette réflexion[30]. J’espère que notre réunion d’aujourd’hui et de demain y contribuera elle aussi.

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[1] Immobiliare Saffi v. Italy, 28/07/1999, Sîrbu et autres c. Moldova, 15/06/2004

[2] Benthem c. Pays Bas, 23/10/1985

[3] Incal c. Turquie, 9/06/1998

[4] Findlay c. Royaume-Uni, 25/02/1997 et Brudnicka et autres c. Pologne, 3/03/2005

[5] ”Justice must not only be done, but it also has to be seen to be done.”

[6] Matyjek v. Poland  24/04/2007 (pénal), et Turek v. Slovakia 14/02/2006 (civil)

[7] Stafford c. Royaume-Uni, 28/05/2002, et SACILOR-LORMINES c. France, 9/11/2006

[8] Sramek c. Autriche, 22/10/1984

[9] Incal c. Turquie, 9/06/1998

[10] Bönisch c.Autriche 6/05/1985, Stoimenov c. « L’ex République yougoslave de Macédoine », 5/04/2007, Yvon c. France, 24/04/2003

[11] Sovtransavto c. Ukraine, 25/07/2002

[12] Hauschildt c. Danemark, 24/05/1989

[13] Huber c. Suisse, 23/10/1990

[14] Iourtayev c. xxx

[15] Holm c. Suède, 25/11/1993 et Langborger c. Suède, 22/06/1989

[16] Résolution du Comité des Ministres sur l’exécution de l’affaire Langborger c. Suède, ResDH(1991)25

[17] Thor Sigurdsson c. Islande, 10/04/2003

[18] Raffineries Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, 9/12/1994

[19] Procola c. Luxembourg, 28/09/1995

[20] Observer et  Guardian c. Royaume-Uni, 26/11/1991

[21] Amihalachioaie c. Moldova, 20/04/2004

[22] Barfod c. Danemark, 22/02/1989

[23]Recommandations Rec(84)5 sur les principes de procédure civile propres à améliorer le fonctionnement de la justice; Rec(87)18concernant la simplification de la justice pénale; Rec(95)5 sur l'instauration de systèmes et procédures de recours en matière civile et commercialeet sur l'amélioration de leur fonctionnement; Rec(2003)16 sur l’exécution des décisions administratives et juridictionnelles dans le domaine du droit administratif; Rec(2003)17en matière d’exécution des décisions de justice.

[27] Avis du CCJE à l'attention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe N°2(2001) sur le financement et la gestion des tribunaux, N° 3(2002) sur l'éthique et la responsabilité des juges, N° 6(2004) sur le procès équitable dans un délai raisonnable, N° 7(2005) sur "justice et société".

[28] Résolution Res(2002)12 du Comité des Ministres établissant la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ).

[29] Loizidou c Turquie « exceptions préliminaires » , 23/03/1995.

[30] -           Recommandation Rec (2000) 2 sur le réexamen ou la réouverture de certaines affaires au niveau interne suite à des arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme ;-         Recommandation Rec (2002) 13 sur la publication et la diffusion dans les Etats membres du texte de la Convention européenne des Droits de l'Homme et de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme ; -         Recommandation Rec(2004)4 sur la Convention européenne des Droits de l’Homme dans l’enseignement universitaire et la formation professionnelle ; - Recommandation Rec(2004)5 sur la vérification de la compatibilité des projets de lois, des lois en vigueur et des pratiques administratives avec les standards fixés par la Convention européenne des Droits de l’Homme ;-          Recommandation Rec(2004)6 sur l’amélioration des recours internes ;