Introduction – Session d’études – Conduire le changement vers la cyberjustice

26ème réunion plénière de la CEPEJ, 10 décembre 2015 à Strasbourg

La session d’études relative à la conduite du changement vers la cyberjustice, préalable à la 26ème réunion plénière de la CEPEJ a été ouverte par M. François Paychère, Président du Groupe de travail sur la qualité de la justice (CEPEJ-GT-QUAL). Il a partagé avec l’ensemble des membres de la CEPEJ ses réflexions sur l’impact des processus d’informatisation sur le monde judiciaire, qui touche à la fois l’accès à la justice etle travail judiciaire dans un contexte d’évolution permanente des technologies informatiques. M. François Paychère a contextualisé ses réflexions dans un cadre plus large d’élaboration de Lignes Directrices sur la conduite du changement vers la cyberjustice, actuellement en cours au sein du CEPEJ-GT-QUAL.

En ce qui concerne l’accès à la justice, le Président a souligné que la logique d’accès doit être pluridimensionnelle. Il est essentiel de se placer du point de vue du justiciable : quelle signification et quel impact sur la conduite des parties a un accès dématérialisé à la salle d’audience ? Il faut également s’interroger sur ce qui implique un accès dématérialisé au dossier, tant sur le plan des comportements du justiciable - les modifications des mœurs liées à la dématérialisation mène à une véritable « dé »-ritualisation de la justice - que sur le respect du principe de l’égalité des armes et du droit d’être entendu. Ceux-ci doivent être garantis lors de l’étape de dématérialisation.

Par ailleurs, l’accès des professionnels à la justice se trouve aussi affecté par la mise en œuvre des technologies de l’information et de la communication (TIC). Les défis qui se posent à cet égard sont ceux de la réaction des professionnels à un partage plus large de l’information, la nécessité de préserver le secret des relations avocat / client, et la garantie de la séparation de pouvoirs.

Dans un deuxième temps, le Président a souligné que l’outil informatique a un véritable impact sur le travail judiciaire. Si l’on examine par exemple les considérants-types et les trames de jugement mis à disposition du magistrat par les TIC,  force est de constater que l’intelligence artificielle aide bien à résoudre des tâches répétitives, mais qu’elle influence également la créativité du magistrat. Le Président cite une expérience faite à l’Académie de la magistrature en Suisse, dans laquelle il a été constaté que les décisions administratives fondées sur des trames de jugement ne discutaient pas toujours les arguments de l’administré, et conclût qu’il est impératif que l’intelligence artificielle soit véritablement au service du magistrat et du justiciable.

Dans un troisième temps, le Président a décrit deux exigences dont il faut tenir compte dans le développement des technologies informatiques. La première est celle de rester à niveau avec les attentes des parties prenantes et les besoins des utilisateurs, et engager ou réserver des ressources pour le développement des systèmes informatiques. La deuxième est celle de concevoir l’outil d’une manière à répondre de manière continue aux besoins d’efficacité et d’efficience des systèmes judiciaires : il faut que l’outil aide à faire plus et à faire mieux, dans un cadre global de réduction des moyens à disposition.

En conclusion, le Président a souligné la nécessité d’adopter une conception holistique dans l’application des TIC dans le domaine de la justice, qui tienne compte des éléments mentionnés ci-dessous. Il faut partir des utilisateurs et des leurs besoins, et non pas de réalisations « possibles » de l’informatique. Il faut également mesurer l’impact des TIC sur le travail judiciaire pour pouvoir le maîtriser et éviter la marchandisation du droit.