Extraits du rapport de la 8ème réunion plénière

13. M. CANIVET indique que sa demande à la CEPEJ fait suite à la mission confiée au Premier Président de la Cour de Cassation par le Ministre français de la Justice, Pascal CLEMENT, de proposer une architecture visant à mieux sélectionner et préparer les présidents de juridictions à leur fonctions, notamment en matière de gestion, et à permettre à la justice de s'ouvrir sur la société civile. Se posent ainsi trois séries questions fondamentales:
§ qu'est ce qu'un magistrat à potentiel? qui peut déceler ce potentiel (en interne, avec une expertise extérieure au corps judiciaire)? quelle transparence?
§ quel contenu de la formation, pour y inclure les capacités à gérer? quel espace de formation (un institut spécifique? un lien avec les grandes écoles et le monde économique?), quel rythme de formation? quelle ouverture vers les autres systèmes juridiques?
§ quelle ouverture sur la société civile? (permettre à la justice de comprendre ce que la société attend d'elle et faire comprendre au public le fonctionnement de la justice; apprendre aux magistrats à communiquer)

14. Les membres de la CEPEJ au titre de la Hongrie et de la Suède présentent l'expérience de leur pays. Les grandes lignes de leur intervention figurent en Annexe IV au présent rapport.

15. Le membre de la CEPEJ au titre de l'Italie indique que la séparation des fonctions judiciaires et administratives à la tête des tribunaux fait actuellement débat dans son pays.

16. Le représentant du Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE), soutenu par le membre letton de la CEPEJ, attitre l'attention sur les Avis du CCJE N° 1 sur les normes relatives à l'indépendance et l'inamovibilité des juges, N° 4 sur la formation initiale et continue appropriée des juges aux niveaux national et européen et N° 7 sur justice et société, qui contiennent la position du CCJE et des recommandations utiles pour répondre aux questions posées par M. CANIVET.

17. Le membre de la CEPEJ au titre de l'Estonie informe qu'une formation spécifique au "leadership" est organisée pour chaque président de tribunal, de même que pour les directeurs administratifs des juridictions.

18. Le membre de la CEPEJ au titre de Chypre souligne que tous les juges suivent annuellement une formation. Le Conseil Supérieur de la Justice, composé de membres de la Cour suprême, sélectionne les futurs juges parmi les avocats et juristes ayant une certaine expérience.

19. Le membre de la CEPEJ au titre du Royaume Uni indique qu'il faut montrer des capacités spécifiques pour être sélectionnés comme chef de juridictions parmi des juristes confirmés, recommandés par le Centre de sélection. Ils bénéficient du soutien du Judicial Training Board en termes de formation.

20. Le membre de la CEPEJ au titre de la Suisse relève que des sondages d'opinion réguliers sont organisés dans certaines juridictions auprès des magistrats, des avocats et notaires, des justiciables, et de la population, de manière à mesurer la satisfaction des usagers. Par ailleurs, une collaboration avec les autorités scolaires permet de sensibiliser les jeunes aux questions de justice.

21. Le membre de la CEPEJ au titre de l'Allemagne indique que les futurs chefs de juridictions sont sélectionnés au niveau des Länder, parmi les jeunes magistrats qui sont ensuite orientés vers des formations et des expériences professionnelles spécifiques dans le domaine de la gestion, tout en conservant des responsabilités judiciaires. L'Académie judiciaire de Trèves offre une formation aux juges, complétées par des formations spécifiques au niveau des Länder.

22. Le membre de la CEPEJ au titre de la Fédération de Russie souligne les difficultés à former près de 24 000 juges dans un pays très vaste. Il indique que l'Académie de justice auprès de la Cour Suprême est responsable de la formation. Une réflexion sur un retour à l'élection des présidents des tribunaux par leurs paires est en cours.

23. Le représentant du Conseil Consultatif de Procureurs Européens (CCPE) note que les chefs des parquets, outre de possibles responsabilités administratives, sont également responsables des orientations de la politique pénale. Il convient d'en tenir compte dans la sélection et la formation de ces personnels.

24. Le membre de la CEPEJ au titre de la France souligne que la question à l'étude pose plus largement le problème de la filiarisation de la carrière, relevant que la pertinence d'un investissement spécifique dans la formation des chefs de juridiction est d'autant plus importante que les personnes formées resteront chefs de juridiction. Se posent alors notamment les questions de l'évolution des carrières, de l'accession des personnes n'ayant pas suivi ce cursus spécifique aux fonctions de chefs de juridiction et de l'évaluation des chefs de juridiction.

25. Le Secrétaire Général du Réseau Européen de Formation Judiciaire (REFJ) indique la disponibilité du Réseau à contribuer à la réflexion dans ce domaine.

26. Le Premier Président CANIVET conclut les débats en indiquant que, jusqu'à présent, la doctrine française pose le principe que l'indépendance de la justice doit se traduire dans l'aptitude à la gestion des chefs de cours, contrairement, par exemple, à l'expérience de la Cour de Justice des Communautés Européennes, où les fonctions judiciaires et administratives sont strictement séparées. Il indique qu'en tout état de cause, le concept de "managing judiciaire" doit être développé.