15 juin 2010

EUROMED JUSTICE II : "Qualité de la justice"

Luxembourg, 15 – 17 juin 2010

Evaluer la qualité de la justice:

les travaux de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice CEPEJ) du Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe est depuis 1949 la maison commune européenne fondée sur les droits de l'homme, la prééminence du droit et la démocratie pluraliste. Ces valeurs fondatrices du vivre ensemble européen sont aujourd'hui étendues à quarante sept Etats, soit la quasi-totalité des pays du continent européen.

Il est donc naturellement du devoir de l'institution de Strasbourg de monter en première ligne lorsqu'il s'agit de défendre et de promouvoir le développement d'une justice indépendante et impartiale. On pourrait néanmoins être tenté de se demander si cette fonction de "gardien du temple" de l'indépendance du pouvoir judiciaire est compatible avec les exigences de qualité et de mesure de la qualité qui lui sont attachées, et qui impliquent le développement de principes et de méthodes d'administration et d'évaluation des systèmes de justice. Peut-on parler de la justice comme d'un service public sans fragiliser l'indépendance et l'autorité du pouvoir judiciaire? Doit-on introduire au sein des systèmes judiciaires des concepts de management et des modes d'organisation et de contrôle importés d'autres sphères qui peuvent sembler a priori éloignées des spécificités de la justice?

Si l'on appréhende l’indépendance non comme un privilège du juge mais un droit des citoyens, on ouvre un champ de réflexion tout à fait actuel en Europe. L'indépendance et l'impartialité du juge n'ont en effet de sens que si elles sont pensées comme un élément de politique publique: la justice au service de la communauté. Administrer et évaluer la qualité du service public de la justice devient ainsi une exigence pour les Etats européens.

En créant la Commission Européenne pour l'Efficacité de la Justice (CEPEJ), le Conseil de l'Europe est résolument entré dans cette logique: promouvoir l'efficacité et la qualité des systèmes judiciaires, au service des citoyens, sans jamais faire la moindre concession au plein respect des principes fondamentaux consacrés par la Convention européenne des droits de l'Homme.

Du principe fondamental de l'indépendance des juges au développement nécessaire des politiques publiques de la justice en Europe

Les Articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme sont le socle normatif sur lequel l'Europe a construit et consolide le principe fondamental de l'indépendance du pouvoir judiciaire, pilier de l'Etat de droit. Ce principe est placé sous le contrôle intransigeant de la Cour européenne des droits de l'Homme qui, en plusieurs décennies, a développé une jurisprudence claire et constante en la matière. Par ailleurs, le Comité des Ministres, l'Assemblée Parlementaire et le Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe font de l'indépendance des juges l'une des clés de voûte de leurs politiques pour développer le corpus normatif européen, soutenir les réformes institutionnelles et législatives dans les Etats membres et suivre le respect des engagements pris par ces Etats lors de leur entrée dans la famille des démocraties européennes. En outre, plusieurs programmes de coopération ciblée du Conseil de l'Europe ont pour objectifs, depuis une quinzaine d'années, d'ancrer l'indépendance du système judiciaire, notamment dans les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale. Par ailleurs, le Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE)[1] veille au respect des principes de l'indépendance et de l'impartialité des juges, dont il a détaillé les modalités d'application dans plusieurs Avis[2]

Ces principes fondamentaux étant posés et protégés, encore faut-il les confronter aux réalités du fonctionnement du système judiciaire. Ainsi le CCJE affirme dans son Avis N°1(2001)[3]: "leur indépendance [des juges] n'est pas une prérogative ou un privilège octroyé dans leur propre intérêt, mais elle leur est garantie dans l'intérêt de la prééminence du droit et de ceux qui recherchent et demandent justice". Poser la question de la qualité de la justice conduit donc à s'interroger sur le lien entre justice et société.

La justice est un service public. Un service public certes tout à fait à part, dont l'administration peut être partagée entre différents acteurs appartenant aux trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, mais dont la production - les jugements - ne peut relever que du seul juge. Cette spécificité ne l'affranchit toutefois pas de certaines exigences posées par la relation avec le politique et avec le citoyen. En posant la question de l'efficacité de la justice, on s'inscrit dans une démarche de politique publique, où interviennent les décideurs publics (ministères de la justice, parlements), les institutions judiciaires (conseils de la justice, tribunaux) et les justiciables-contribuables, et où sont concernés les moyens (budgets, personnels, équipements), les processus et les relations entre les acteurs. Il faut donc considérer l'interaction entre les magistrats, les professionnels du droit et les justiciables, organisée par des systèmes, des règles, des procédures, et financée par les deniers publics.

Les normes européennes en matière de justice développées au sein du Conseil de l'Europe conduisent à une même évidence: il ne suffit pas d'avoir jugé de manière indépendante pour avoir jugé bien. Ainsi la Convention européenne des droits de l'Homme ne se limite pas, dans son Article 6, à exiger des Etats contractants qu'ils garantissent l'indépendance et l'impartialité du tribunal. Il demande aussi qu'ils organisent le système de manière à ce que chacun puisse voir sa cause entendue "dans un délai raisonnable". Ce dispositif est précisé par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg et complété par plusieurs recommandations du Comité des Ministres aux Etats membres qui concernent les procédures[4], l'accès au juge[5], le fonctionnement des tribunaux[6] et le rôle des acteurs du système judiciaire[7]. De son côté, le Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE) a défini des principes en matière de financement des juridictions, de responsabilité des juges, de célérité des procédures et de relations entre la justice et la société[8].  

La croissance exponentielle du nombre d'affaires portées devant la Cour européenne des droits de l'Homme, principalement motivées par des dysfonctionnements de la justice, montre la nécessité de poursuivre les réformes des systèmes judiciaires nationaux. Le Conseil de l'Europe est ainsi résolument entré dans cette logique visant à promouvoir la qualité des systèmes judiciaires, au service des citoyens européens.

On assiste ainsi à une évolution importante de la manière dont on appréhende les questions relatives à la justice: ce qui pouvait apparaître comme tabou pour certains est en train d'évoluer, parfois sous la pression des magistrats eux-mêmes: le juge est appelé à descendre de son piédestal pour aller à la rencontre du citoyen et à reconnaître qu'il a des obligations vis-à-vis de la communauté. Mais il en va avant tout de la responsabilité du législateur et des gouvernements, invités à conduire des politiques publiques plus ambitieuses, tant en termes de moyens mis au service des systèmes judiciaires qu'en matière d'innovations dans les modalités et procédures régissant l'administration des tribunaux.

La Commission européenne pour l'efficacité de la justice

C'est conscient du devoir du Conseil de l'Europe de soutenir ses Etats membres dans le développement des politiques publiques de la justice, au service des citoyens européens, que le Comité des Ministres a créé la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ)[9]. Trois objectifs ont présidé à la création de commission: i) proposer aux Etats membres du Conseil de l'Europe des solutions pragmatiques en matière d'organisation judiciaire, en tenant pleinement compte des usagers de la justice; ii) faciliter la mise en œuvre effective des instruments du Conseil de l’Europe relatifs au fonctionnement de la justice – la CEPEJ peut être vue comme un "service après-vente" des normes européennes en matière de justice et iii) contribuer à désengorger la Cour européenne des droits de l'Homme en appliquant le principe selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir et en offrant aux décideurs publics des solutions effectives pour améliorer en amont le fonctionnement des systèmes judiciaires nationaux, limiter les violations du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable et, partant, les recours devant la Cour de Strasbourg.

Instance innovante, composée d'experts (magistrats, fonctionnaires du ministère de la justice ou universitaires) représentants les quarante-sept Etats membres du Conseil de l'Europe[10], la CEPEJ est aujourd'hui tournée vers des préoccupations concrètes du fonctionnement quotidien du service public de la justice.

Evaluer le fonctionnement des systèmes judiciaires européens pour en améliorer la qualité

Si l'on a l'ambition d'améliorer la qualité de la justice, il convient, au préalable, de connaître en profondeur le fonctionnement du système, pour être ensuite capable de conduire une analyse et enfin proposer des solutions aux plans normatif, administratif et organisationnel. C'est précisément le parcours de la CEPEJ dans son processus d'évaluation des systèmes judiciaires des Etats membres du Conseil de l'Europe.

Si les questions de lenteur de la justice, de difficultés d'accès au juge ou, plus généralement, la "crise du système judiciaire" sont régulièrement discutées dans de multiples enceintes européennes, il faut constater que, jusqu'alors, les analyses étaient rarement étayées par des éléments chiffrés concrets, faute de statistiques suffisamment précises et comparables d'un pays à l'autre.

La CEPEJ a fait de pari de mettre au point une grille de lecture d'un système judiciaire applicable à l'ensemble des Etats européens. Ce questionnaire compte aujourd'hui plus de 130 questions relatives aux moyens financiers et en personnels de la justice, à l'organisation des tribunaux, aux procédures judiciaires, à l'organisation des professions de la justice et aux relations avec les usagers. La CEPEJ est aujourd'hui parvenue à stabiliser ce référentiel, ce qui permet à la fois des comparaisons entre pays et des mesures des évolutions dans le temps, au sein d'un même pays ou groupe de pays. Aucune initiative de ce type et de cette ampleur n’avait jamais été menée dans le domaine de la justice. Il s'agit d'un processus unique en Europe, tant par la méthodologie mise en œuvre – aujourd'hui largement reconnue par la communauté juridique et scientifique - que par le champ des informations collectées et analysées.

Le troisième cycle d'évaluation, qui doit aboutir à la publication de l'édition 2010 du Rapport "Systèmes judiciaires européens"[11], donne une photographie précise du fonctionnement des systèmes judiciaires de quarante-cinq Etats européens ainsi que, pour la première fois, une analyse sur des premières séries statistiques permettant de passer progressivement "de la photographie au film", pour reprendre l'expression chère au président du groupe de travail de la CEPEJ sur l'évaluation de la justice, Jean-Paul JEAN. On y trouve des tableaux comparatifs et des commentaires pertinents dans des domaines essentiels pour comprendre le fonctionnement de la justice. Le rapport fait ressortir des indicateurs communs d'évaluation de la capacité des tribunaux à gérer les flux d'affaires, tels que le taux de variation du stock d'affaires pendantes (clearance rate) et la durée estimée d'écoulement du stocks d'affaires pendantes (disposition time). En soulignant les moyens et les processus mis à la disposition des différents acteurs, il permet de saisir les grandes tendances, d'identifier les difficultés et orienter les politiques publiques de la justice vers davantage de qualité, d’équité et d’efficacité, au bénéfice des citoyens. La CEPEJ dispose ainsi d'une véritable clé de lecture du fonctionnement de la justice en Europe, dans une perspective dynamique.

Promouvoir et mesurer la qualité de la justice: jusqu'où peut-on aller?

En évaluant le fonctionnement des systèmes judiciaires et développant des mesures et outils destinés à améliorer l'efficacité de la justice, la CEPEJ n'a pas la prétention d'avoir pleinement appréhendé la question complexe de la qualité de la justice. Or, si la justice est un service public, les justiciables (qui sont non seulement détenteurs de la souveraineté mais également des contribuables) peuvent légitimement être en attente de qualité. La qualité de la justice est gage de légitimité du juge et de confiance du citoyen dans son système de justice.

Il est vrai qu'introduire la notion de qualité comme une exigence des politiques publiques de la justice peut conduire, comme cela a été souligné[12], à une démarche "qui évoque immédiatement à l’esprit le monde de l’entreprise, de la production et du management (…)" et qui amène à se demander si "l’obsession de la qualité, après être passée de l’entreprise aux administrations publiques, par le biais du nouveau management public [ne serait pas] en train de gagner le cercle (de qualité) de la justice?". Le concept de qualité de la justice est de plus en plus discuté dans les différents fora européens. On a vu y voir le "signe d’une évolution, d’un changement dans la manière dont nous appréhendons la justice et l’institution judiciaire qui la rend au quotidien"[13]. On s'accorde volontiers, et à raison, sur la nécessité d'appeler les pouvoirs publics à centrer leurs politiques sur la qualité des services offerts aux citoyens. Des questions qui pouvaient paraître déplacées il y a moins d'une dizaine d'années sont aujourd'hui portées sur la place publique. Ainsi, par exemple, l'Union Européenne des Greffiers de justice et Rechtspfleger (UER) a-t-elle invité la CEPEJ à réfléchir à la pertinence d'introduire des normes de type ISO pour les tribunaux.

Pourtant, comme cela a été souligné, les discussions ne s'aventurent que rarement sur le terrain de la définition de la qualité de la justice: "Il est assez facile de parler des qualités et des défauts de la justice. Les citoyens et les professionnels ont sur ce sujet des idées puisées dans leurs expériences personnelles ou fondées sur les réactions que suscitent les dysfonctionnements judiciaires. Lenteur, coût, distance, complexité sont les défauts de la justice toujours rappelés. Indépendance et compétence lui sont parfois reconnues. Mais donner une définition du concept de qualité de la justice est beaucoup plus difficile"[14].

Cela tient sans doute au fait que la notion de "qualité de la justice" est la synthèse complexe de facteurs nombreux, relevant de plans différents et qui ne peuvent tous être saisis par les mêmes outils. Agir sur la qualité demande donc d'appréhender un concept global et définir des indicateurs, sans empiéter sur le principe fondamental de l'indépendance du juge. C'est par exemple ce que souligne le CCJE dans son Avis N° 6[15] en indiquant que "l’évaluation de la « qualité » de la justice (c’est-à-dire le travail fourni par le système judiciaire dans son ensemble ou par chaque tribunal ou groupe local de tribunaux) ne devrait pas être confondue avec l’appréciation des capacités professionnelles de tel ou tel juge".

Peut-on, par exemple, mesurer la qualité d'un système sans mesurer la qualité de ce qu'il produit, c'est-à-dire des décisions de justice prise par un juge indépendant? Le CCJE apporte une réponse nuancée dans son Avis N° 11 (2008) sur la qualité des décisions de justice (question sur laquelle Alain Lacabarats, membre du CCJE, reviendra jeudi prochain).

Il n’entre pas dans la mission de la CEPEJ d’élaborer une théorie de la qualité de la justice ou de la définir. En revanche, elle vise à promouvoir la qualité au sein des systèmes judiciaires et de donner aux décideurs publics et aux praticiens de la justice des outils concrets pour améliorer la qualité de leur propre système, en tenant compte de leurs spécificités. La CEPEJ a donc choisi de mettre en avant la diversité des constituants qui font la qualité de la justice, de manière pratique, en considérant les différents auditoires de la justice - les parties, les témoins, les victimes, les citoyens ou les professionnels de la justice n'ayant pas forcément les mêmes attentes en terme de qualité. Cette approche permet de rechercher (ou d’élaborer) et d’utiliser des outils d’évaluation adaptés à chacun de ces foyers de qualité.

Des études et des outils concrets au service des décideurs publics et des professionnels de la justice pour promouvoir la qualité de la justice

Le Groupe de travail de la CEPEJ sur la qualité de la justice (CEPEJ-GT-QUAL), présidé par François Paychère (Magistrat suisse) a élaboré plusieurs outils en matière de  qualité de la justice:

§  Une Checklist pour la promotion de la qualité des systèmes judiciaires et des tribunaux, adoptée par la CEPEJ en 2008: cette Grille est conçue comme un « outil d'introspection » permettant aux décideurs publics, aux présidents et gestionnaires des tribunaux, aux juges et aux autres praticiens de la justice de faire face à leurs responsabilités, à leur propre niveau, pour améliorer la qualité des services offerts par le système de justice. L’objectif principal de cet outil consiste à aider les systèmes judiciaires à rassembler des informations appropriées et à analyser les aspects pertinents relatifs à la qualité. Ce document se distingue d’autres modèles généraux de qualité (tels que le « European Foundation on Quality Management model ») ou d’autres modèles développés au niveau national (tels que le « Quality model » de la Cour d'Appel de Rovamiemi en Finlande ou le « RechtspraaQ model » aux Pays-Bas) parce qu'il envisage la qualité de l’organisation judiciaire à trois niveaux : le niveau national, le niveau de la juridiction et le niveau du juge individuel. Pour chacun de ces trois niveaux, une liste de questions peut être formulée. Ces questions ne sont pas exhaustives et pourront être complétées à l'avenir.

§  Une Etude sur les systèmes qualité en Europe, réalisée Philip Langbroek (Pays-Bas): elle présente une analyse comparative de mode de gestion de la qualité dans les tribunaux des pays suivants: Angleterre et Pays de Galles, Finlande, France, Basse Saxe (Allemagne), Pays-Bas, Slovénie, Suède et Ukraine.

§  Une Etude sur la contractualisation des processus judiciaires, préparée par Julien Lhuiller (France): cette étude part d’un constat simple : jusqu’à une date récente, l’activité judiciaire était traditionnellement une activité d’autorité. Aujourd’hui, le modèle vertical, fondé sur l’imposition de règles, s’enrichit peu à peu d’éléments nouveaux. Un modèle horizontal, reposant sur l’accord des volontés, envahit peu à peu les différents compartiments de l’activité judiciaire. Dans de nombreux Etats européens, la procédure et la pratique témoignent de l’existence d’éléments procéduraux reposant désormais sur un principe d’interactions, d’échanges entre différents acteurs. La « contractualisation » évoque l’émergence des nouveaux rapports de l’activité judiciaire, fondés sur la recherche d’un équilibre. L'étude (encours) cherche à analyser:

-       si l’efficacité de la Justice s’est contractualisée = si les acteurs de sa gestion développent le dialogue pour trouver des équilibres, des consensus dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice;

-       si la qualité de la Justice s’est-elle contractualisée = si le rôle du juge (dire le droit) bénéficie aujourd’hui d’instruments procéduraux lui permettant aussi d’entendre, et de prendre en compte la parole de l’usager, pour éclairer sa propre décision et la faire mieux acceptée de tous au moment de rendre la Justice.

§  Une Manuel sur les enquêtes de satisfaction, préparé par JP Jean et H. Jorry (France): un guide méthodologique destiné aux administrations judiciaires centrales et aux tribunaux individuels souhaitant développer des enquêtes de satisfaction des usagers, cet outil s'appuyant notamment sur les expériences de certains Etats membres et les bonnes pratiques pouvant être dégagées. Les enquêtes de satisfaction sont un élément fondamental des politiques visant à introduire une culture de la qualité. Partant de l’expression des attentes, la prise en compte de la satisfaction des citoyens traduit une vision de la justice davantage centrée sur l’usager d’un service, plutôt que sur les performances internes de l’institution judiciaire. Dans ce travail, la CEPEJ s' intéresse d’abord aux baromètres réguliers, à partir d’indicateurs fiables, qui permettent effectivement de mesurer le niveau de confiance des citoyens dans leur justice, d’expliquer les variations et de comprendre les priorités données par les citoyens en matière de réformes tendant à améliorer l’efficacité et la qualité des réponses judiciaires. Pour ce faire, ne s'appuie pas sur les enquêtes constituées de sondages auprès d’échantillons représentatifs de citoyens (dont les résultats n’intéressent que les représentations de la justice), mais sur celles, plus difficiles à mettre en œuvre, à conduire auprès de personnes ayant eu effectivement affaire à la justice, et dont les résultats traduisent l’évaluation d’un retour d’expériences concrètes.

Différentes catégories d’usagers peuvent être distinguées:

-       les citoyens qui ont eu affaire à la justice, à divers titres. En matière pénale, en qualité de victime ou d’auteur, de témoin, de juré. En matière civile, en tant que demandeur ou défendeur. La perception de la performance de la justice en termes d’accueil, de délai ou encore de coût est importante, de même que celle de l’intervention de chacun des acteurs, au premier rang desquels les juges, les avocats et les personnels des juridictions. Tous les biais doivent être examinés, ainsi le fait que les personnes aient gagné ou perdu leur procès en matière civile. Des catégories particulières d’usagers peuvent être étudiées, au premier rang desquelles les victimes d’infractions.

-       les professionnels de la justice, en distinguant : ceux qui appartiennent au service public de la justice, à l’instar des juges, des procureurs, des personnels non-juges et non-procureurs des tribunaux et ministères publics, et ceux qui sont les partenaires indispensables de la juridiction, au premier rang desquels les avocats.

Avec ce manuel, la CEPEJ souhaite proposer ici un "produit de base", labellisé, peu coûteux, aisé à mettre en œuvre, concentré sur les problématiques et questions essentielles du fonctionnement des tribunaux. La finalité d’un tel outil est d’avoir vocation à être largement diffusé auprès des juridictions des Etats membres et utilisé à faible coût par elles. Le choix proposé est donc celui d’un modèle-type d’enquête auprès des usagers effectifs des juridictions, à plusieurs entrées, accompagné d’un guide méthodologique tirant le meilleur des expériences déjà engagées dans plusieurs Etats-membres et des questions de fond traitées dans le cadre des travaux de la CEPEJ. Ces propositions visent à construire un outil opérationnel s’inscrivant dans une démarche globale d’amélioration de la qualité de la justice. L’outil se présente comme un  kit modulable  avec un modèle standard adaptable par les utilisateurs selon leurs besoins, leurs moyens et leurs priorités.



[1] Le CCJE est la seule instance composée exclusivement de juges au sein d'une organisation internationale. Il est chargé de conseiller le Comité des Ministres en matière de statut et de rôle des juges.

[2] Voir en particulier l'Avis No 1(2001) du CCJE à l'attention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les normes relatives à l'indépendance et l'inamovibilité des juges – www.coe.int/ccje.

[3] Voir ci-dessus.

[4]Recommandations Rec(84)5 sur les principes de procédure civile propres à améliorer le fonctionnement de la justice; Rec(87)18concernant la simplification de la justice pénale; Rec(95)5 sur l'instauration de systèmes et procédures de recours en matière civile et commercialeet sur l'amélioration de leur fonctionnement; Rec(2003)16 sur l’exécution des décisions administratives et juridictionnelles dans le domaine du droit administratif; Rec(2003)17en matière d’exécution des décisions de justice - www.coe.int/cepej.

[5] Résolutions Res(76)5 concernant l'assistance judiciaire en matière civile, commerciale et administrative; Res(78)8sur l’assistance judiciaire et la consultation juridique; Recommandations Rec(81)7sur les moyens de faciliter l’accès à la justice; Rec(93)1relative à l'accès effectif  au droit et à la justice des personnes en situation de grande pauvreté; Rec(98)1sur la médiation familiale; Rec(99)19sur la médiation en matière pénale; Rec(2001)9sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées; Rec(2002)10sur la médiation en matière civile - www.coe.int/cepej.

[7] Recommandations Rec(94)12 relative à l'indépendance, l'efficacitéet le rôle des juges; Recommandation Rec(2000)19sur le rôle du ministère publicdans le système de justice pénale; Rec(2000)21 sur la liberté d'exercice de la profession d'avocat- www.coe.int/cepej.

[8] Avis du CCJE à l'attention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe N°2(2001) sur le financement et la gestion des tribunaux, N° 3(2002) sur l'éthique et la responsabilité des juges, N° 6(2004) sur le procès équitable dans un délai raisonnable, N° 7(2005) sur "justice et société" – www.coe.int/ccje

[9] Résolution Res(2002)12 du Comité des Ministres établissant la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). Voir www.coe.int/CEPEJ.

[10] La CEPEJ est actuellement présidée par Fausto de Santis, Directeur général au sein du Ministère de la Justice italien.

[11] Série "Les Etudes de la CEPEJ" – Edition du Conseil de l'Europe, à paraître en octobre 2010 - www.coe.int/cepej.

[12]Benoît Frydman, Directeur du Centre Perelman de Philosophie du Droit (Université Libre de Bruxelles) et membre du Conseil supérieur de la justice belge, s'exprimait dans le cadre du Colloque sur "La qualité des décisions de justice" organisé les 8 et 9 mars 2007 par l’Institut de droit public de la Faculté de droit et de sciences sociales de Poitiers – actes à paraître dans la série "Les Etudes de la CEPEJ", Conseil de l'Europe.

[13] Voir note précédente.

[14] André Potocki (Conseiller à la Cour de Cassation, ancien Vice-Président de la CEPEJ et membre du CEPEJ-GT-QUAL) in Groupe de travail de la CEPEJ sur la qualité de la justice – Document CEPEJ-GT-QUAL(2007)2 – www.coe.int/cepej.

[15] Avis N°6 (2004) du CCJE sur le procès équitable dans un délai raisonnable et le rôle des juges dans le procès, en prenant en considération les modes alternatifs de règlement des litiges.