Compréhension de l’oral et de l’écrit –
vers une
définition des constructs

Introduction

Le présent document propose une sélection des définitions des notions de constructs de la compréhension de l’oral et de l’écrit, désignés par les expressions « réception orale » et « réception visuelle » dans le CECR (4.4.2, pp. 65-72). Il traite de certains aspects liés à l’apparition, aux fonctions, aux formes, aux activités ou aux processus de ces deux activités. La compréhension de l’oral et de l’écrit sont deux phénomènes très complexes qui jouent un rôle important dans la vie personnelle et sociale. Afin de promouvoir la littératie de l’évaluation de ces compétences essentielles en langues, nous passerons en revue quelques-unes de leurs caractéristiques. Une bibliographie sélective qui inclut les sources mentionnées ici est également proposée pour faciliter la conduite d’études plus approfondies sur la question

Dans un premier temps, nous aborderons les origines et les fonctions de la compréhension de l’oral et de l’écrit. Nous définirons ensuite la notion de « construct » et expliquerons son utilisation dans l’évaluation des compétences en langues, avant d’étudier les différents besoins associés à la compréhension de l’oral et de l’écrit et les différentes approches de celles-ci. Nous nous arrêterons plus précisément sur l’approche adoptée dans le CECR, avant de présenter le Cadre pour la littératie en compréhension de l’écrit de PISA (qui a été créé en 2000 et a été mis à jour à plusieurs reprises depuis),un modèle influent d’évaluation de la littératie en langue maternelle qui a largement fait ses preuves et dont on peut extraire des informations utiles pour l’évaluation des compétences en langues étrangères. Nous exposerons ensuite certains principes généraux de l’évaluation des compétences en langues, avant de conclure par quelques observations finales.

Compréhension de l’oral et de l’écrit : origines et fonctions

Deux des questions qui se posent inévitablement au sujet de ces deux activités sont celles de savoir comment et quand la compréhension de l’oral et de l’écrit sont apparues, et pour remplir quelles fonctions. Nous nous interrogerons également sur les fonctions qu’elles remplissent à l’heure actuelle, et sur celles qu’elles pourront remplir à l’avenir.

Chronologiquement parlant, l’oral a précédé l’écrit : si toutes les langues ont une forme orale, certaines d’entre elles n’ont pas de forme écrite – même à l’heure actuelle. L’on peut considérer que l’archétype de la communication est l’interaction en face-à-face. D’après Wagner (2014), en situation de communication, un individu consacre au moins 50% de son temps à la compréhension de l’oral. Mais que signifie cette phrase, au juste ?

L’invention de l’écriture a indiscutablement eu une influence profonde et durable sur le développement individuel, social et culturel. Il n’est donc pas surprenant que l’on ait largement prêté des pouvoirs mystiques à l’écriture. Pendant des milliers d’années, la littératie a été très limitée ; même aujourd’hui, elle n’est pas universelle. Au départ, la lecture s’effectuait à voix haute, à l’attention d’un groupe d’auditeurs. La lecture silencieuse (c’est-à-dire sans bouger les lèvres) est apparue bien plus tard, suscitant un grand étonnement. Contrairement à l’oral, l’écrit était visuellement incarné (argile, pierre, papyrus, parchemin, papier, supports électroniques…) Au vu de l’évolution de ces outils, qui devrait se poursuive, on peut supposer que l’interaction écrite en ligne permettra une communication pratiquement aussi instantanée que l’oral. Les artéfacts culturels allant de l’invention de l’écriture, il y a des milliers d’années, aux outils informatiques modernes ont eu un tel impact sur les modes de communication que l’interaction entre des distances plus ou moins longues peut simuler le modèle de communication initial.

Au départ, l’écriture a été inventée à la fois pour répondre aux besoins prosaïques de sociétés de plus en plus complexes (besoins engendrés par les échanges commerciaux entre des lieux très distants l’un de l’autre, par exemple) et pour conserver des manuscrits sacrés. Au fil du temps, de nouveaux types d’écriture sont apparus pour servir d’autres objectifs (voir Britton et.al. 1975; Bühler 1934; Gelb 1951; Jakobson 1960; Kinneavy 1971, par exemple).

Ainsi, l’écriture a eu un profond impact et elle continue de jouer un rôle important, comme en atteste le fait que l’on s’efforce d’aider les enfants à avoir accès au monde riche et excitant des textes, qui, en principe, transcendent les limites spatio-temporelles. C’est là une qualité remarquable, probablement peu reconnue, et même plus ou moins considérée comme évidente. Cependant, quelles que soient les évolutions, l’on peut avancer que l’importance donnée à la lecture ne sera pas remise en cause. C’est là un acquis fondamental.

Qu’est-ce qu’un construct?

Nous allons maintenant aborder brièvement la notion de construct. Tout d’abord, il convient de noter qu’il n’existe pas de véritable consensus autour de la définition de ce terme, qui est utilisé dans le discours scientifique en lien avec des théories, modèles, cadres et autres dispositifs du même type. Il semble renvoyer à une notion / idée conçue (établie, « construite ») pour décrire et expliquer un phénomène observé [un comportement / une activité lié(e) à la langue, par exemple]. Dans le contexte de l’évaluation, « construct » désigne le concept ou la caractéristique qu’un examen est censé mesurer. L’expression « validité du construct » est quant à elle utilisée pour indiquer dans quelle mesure une caractéristique précise est effectivement évaluée.

Dans le discours relatif à l’évaluation des compétences en langues, l’utilisation de ce terme s’est répandue parallèlement à l’apparition de cadres pour la communication et les compétences qui s’y rapportent. Les cadres pour les compétences communicatives sont au cœur du débat sur les constructs depuis la parution de l’article novateur de Canale et Swain (1980). Plusieurs modifications à leur modèle initial ont été proposées par la suite (voir, par exemple, Bachman, 1990; Bachman & Palmer, 1996; Bacham & Palmer, 2010).

Bachman (2007) décrit l’évolution, sur près de cinq décennies, des approches de la notion de construct dans le domaine de l’évaluation des compétences en langues. Il explique le débat de longue date sur la mesure dans laquelle les compétences, d’une part, et les contextes d’utilisation de la langue, d’autre part, sont soit étroitement liés, soit clairement distincts et ont une influence sur les performances lors de l’exécution de tâches dans le cadre d’une évaluation des compétences en langues. Il distingue les approches de la définition de construct fondées sur les compétences, sur les tâches et sur l’interaction. Les questions qui se posent sur cette notion portent essentiellement sur la validité.

Six des ouvrages de la série relative à l’évaluation des compétences en langues de Cambridge University Press (Language Assessment Series) (2000-2006), édités par Alderson and Bachman, présentent une approche de l’évaluation fondée sur les compétences. Les auteurs examinent les fondements conceptuels et théoriques des compétences spécifiques et expliquent comment ceux-ci ont été et sont actuellement interprétés et mis en œuvre dans les pratiques d’évaluation.

Dans le domaine de l’évaluation axé essentiellement sur la L1, des modèles intégrant une forte composante psycholinguistique / cognitive, fondés sur les travaux de Levelt relatifs à la production orale, ont été proposés. Les études pionnières de cet auteur sur le construct de la production orale (1989) ont été résumées (avec de légères modifications), ce qui a permis de construire un « schéma » du locuteur (1999), sur lequel on s’est appuyé pour créer un « schéma » de l’auditeur (Cutler & Clifton, 1999, voir Annexe), du lecteur (Perfetti, 1999, voir annexe), et de l’auteur (Alamargot and Chanquoy, 2001). Tous reflètent les composantes et processus relatifs aux quatre compétences correspondantes.

Dans l’éducation aux langues, l’un des changements évidents concernant les constructs a été le remplacement de la traditionnelle dichotomie entre les compétences « actives » et « passives » en langues par une dichotomie entre les compétences de « production » et de « réception ». En effet, des avancées dans le domaine de la psychologie cognitive dans les années 1960, notamment, ont montré que la compréhension de l’écrit et de l’oral, loin d’être des compétences passives, impliquaient au contraire des processus très actifs (consistant en un effort de recherche de sens). Le CECR distingue ainsi les activités linguistiques et les stratégies communicatives de réception, les activités linguistiques et stratégies communicatives de production, les activités et les stratégies de communication interactives et les activités et stratégies communicatives de médiation (pp. 57-88).

Dans une importante étude portant sur les structures des constructs mentaux, Carroll (1993) a utilisé l’analyse factorielle comme méthode standard (les autres approches existantes étant la matrice d’intercorrélations et la théorie des facettes et le treillis des combinaisons telles que préconisées par Guttman). L’auteur a ainsi ré-analysé quelque 1500 études publiées sur les compétences dans le cadre desquelles des analyses corrélationnelles et factorielles avaient été effectuées. Il a conclu que chaque compétence se définit par rapport à un type de performance ou à un potentiel de performance à un moment donné dans un ensemble de tâches de niveau de difficulté variable. D’après lui, il est probable que toutes les tâches nécessitent plusieurs compétences.

Dans cette étude datant de 1993, il a identifié au total 367 compétences dans le domaine du comportement linguistique (dont 197 facteurs associés à la compréhension verbale, 10 au codage phonologique et 15 identifiés comme facteurs de vocabulaire distincts. Voir annexe). Des travaux remarquables ont été effectués plus récemment dans ce domaine par Weir, Vidakovic & Galaczi (2013), Khalifa & Weir (2009 ; voir annexe), et Field (2013; voir annexe), par exemple.

En tant que processus internes de compréhension verbale, la compréhension de l’oral et de l’écrit ont un certain nombre de facteurs/processus en commun, mais il est généralement considéré que la compréhension de l’oral et l’évaluation de cette compétence posent des défis spécifiques, liés aux caractéristiques de l’apport (Alderson 2000 ; Buck 2001 ; Wagner 2014, par exemple). Le résultat de la compréhension de l’oral et de la compréhension de l’écrit (c’est-à-dire ce qui est compris) est évalué à l’aide de comportements externes.

Carroll (1976, pp. 37-56) a également présenté une approche de l’analyse de tests en tant que tâches cognitives. Il a ainsi identifié les catégories d’analyse suivantes : matériels de stimulus (souvent désignées, actuellement, comme des caractéristiques de l’apport), la réponse générale à donner à la fin d’une tâche, la structure des tâches, les opérations et stratégies, les aspects temporels de l’opération ou stratégie, et la quantité de mémoire impliquée. D’autres auteurs ont adopté des modèles similaires par la suite, notamment Bachman et Palmer (1996) dans leur cadre des caractéristiques des tâches et leur domaine d’usage de la langue cible (target language use domain, ou TLU), mettant en œuvre une approche similaire. Alderson (2001) présente un cadre pour la conception de tests visant à évaluer la compréhension de l’écrit qui est fondé sur l’approche TLU.

Constructs de la compréhension de l’oral et de la compréhension de l’écrit – besoins différents, approches différentes

Compréhension de l’écrit

Ce n’est apparemment que très récemment que l’on a commencé à s’intéresser explicitement au construct relatif aux compétences en compréhension de l’écrit dans l’évaluation – il y a une vingtaine d’années, en gros (Grabe & Jiang 2014; Khalifa & Weir 2009). Dans son ouvrage détaillé sur l’évaluation des compétences en compréhension de l’écrit, Alderson (2001, pp. 116-137) passe en revue les approches récentes de la définition du construct de compétences en compréhension de l’écrit.

La nature de la compréhension de l’écrit, en particulier en L1, fait en permanence l’objet de débats. E.L. Thorndike (1917, 1918) a présenté la compréhension de l’écrit comme consistant essentiellement en une résolution de problèmes. Cette perception a continué de prévaloir, avec des modifications l’enracinant fortement dans les premiers stades de la psychologie cognitive, qui allouait un rôle fondamental au traitement « de haut en bas », l’émission d’hypothèses à partir du contexte concernant des items lexicaux probables (recours à la redondance) et à un temps de fixation visuelle limité, même des mots de contenu (Smith, 1971, par exemple). Les mouvements qui ont suivie (le connexionnisme, par exemple) ont remis en question les modèles « descendants » et mis en lumière l’importance des niveaux de traitement. Une approche ascendante, axée sur un mécanisme efficace de décodage de mots, un temps de fixation visuelle relativement long, et un suivi assez détaillé du traitement et de la compréhension a donc vu le jour et progressivement gagné de l’ampleur (Stanovich, 1992 ; Kintsch, 1988 : modèle de construction-intégration, CIA). Le débat se poursuit, par exemple, sur le rôle du texte, du lecteur (« les variables du lecteur » ; Alderson 2001, pp. 33-60), du contexte et des objectifs de la lecture. Comme souligné par Thorndike, le raisonnement joue un rôle important – limité, cependant, par un certain nombre d’autres facteurs (selon Stanovich).

Pour résumer les différentes approches mentionnées ci-dessus, il est généralement considéré que la compréhension de l’écrit fait appel aux compétences et connaissances/ressources suivantes :

·         Capacité à décoder les formes graphiques pour une reconnaissance efficace des mots (traitement phonologique, orthographique, morphologique et sémantique) ;

·         Capacité à accéder au sens d’un grand nombre de mots automatiquement (connaissance du vocabulaire) ;

·         Capacité à déduire le sens à partir de l’information grammaticale contenue aux niveaux des phrases et des clauses (analyse grammaticale efficace) ;

·         Capacité à associer les sens tirés au niveau des clauses pour créer un réseau plus large de relations de sens (structuration au niveau du discours et détection du genre de texte) ;

·         Capacité à utiliser une gamme de stratégies de lecture sur des textes plus difficiles (y compris la fixation d’objectifs, la déduction et le suivi) ;

·         Capacité à s’appuyer sur ses connaissances personnelles préalables, le cas échéant ;

·         Capacité à évaluer, intégrer, et synthétiser les informations contenues dans un texte pour créer un modèle de situation de compréhension (ce que le lecteur retire du texte) ;

·         Capacité à maintenir ces processus de façon fluide sur une longue période ;

·         Capacité à persévérer dans la lecture et à utiliser les informations du texte de façon appropriée et conformément aux objectifs du lecteur.

Les ordinateurs peuvent faciliter certains types spécifiques de lecture, tels que le survol ou la recherche d’informations, et permettre de mesurer la vitesse de lecture et d’évaluer cette dernière, à des fins de diagnostic, par exemple.

Compréhension de l’oral

Comme mentionné précédemment, l’on estime que dans une situation de communication, une personne consacre au moins 50% de son temps à l’écoute (Wagner 2014). Il est évident que cette dernière est également importante dans l’acquisition de la langue. Si la compréhension de l’oral est une sous-catégorie de la compétence langagière générale et qu’elle a de nombreuses caractéristiques communes avec la compréhension de l’écrit, elle possède également des caractéristiques spécifiques.

Buck (2001) soutient que la compréhension de l’oral est un processus très complexe et qu’avant de pouvoir la mesurer, il faut en comprendre le fonctionnement (p. 1). Comme la compréhension de l’écrit, la compréhension de l’oral a été conceptualisée à la fois comme un processus essentiellement ascendant et descendant. Les taxonomies qui s’y rapportent définissent un certain nombre d’aptitudes dans ce domaine. Ainsi, se fondant sur la taxonomie de Bloom, Valette (1977) a décrit un ensemble de compétences cognitives de plus en plus complexes pouvant être utilisées pour illustrer la maîtrise croissante de la compréhension de l’oral : les compétences mécaniques, la connaissance de la langue, le transfert, la communication et l’esprit critique. Aitken (1978) a proposé une approche axée sur la communication répertoriant sept aptitudes ; Richards (1983) identifie 33 aptitudes relatives à l’écoute à des fins de conversation et l’écoute à des fins académiques. Weir (1993) a quant à lui établi une distinction entre la compréhension du sens directe (4 composantes), la compréhension du sens déduite (4), la compréhension du sens participative (7), et la compréhension de l’oral et la prise de notes (2).

Buck a étudié en profondeur la question du construct de la compréhension de l’oral (2001, pp. 94-115). Selon lui, la compréhension de la langue parlée (l’apport contextualisé à l’auditeur) fait appel aux types de savoir-faire suivants :

·         application de la connaissance de la langue ;

·         recours aux connaissances du monde;

·         construction de représentations mentales du sens.

Le cadre de compétences en langues qu’il a mis au point pour décrire la capacité d’écoute (p. 104) distingue quatre types de connaissances (connaissances grammaticales, connaissances discursives, connaissances pragmatiques et connaissances sociolinguistiques) et deux types de compétences stratégiques (stratégies cognitives et métacognitives).

Selon Buck (2001), dans le cadre de l’évaluation des compétences en compréhension de l’oral, il est particulièrement pertinent de tenir compte de l’importance du traitement automatique, ainsi que de l’interaction complexe entre les connaissances de l’auditeur, ses expériences préalables, ses pensées et sentiments actuels, ses intentions, sa personnalité et son niveau d’instruction, et du traitement rapide des connaissances linguistiques en temps réel. Il ressort de tout cela que la compréhension de l’oral est un processus très individuel et personnel.

Wagner (2014) soutient que l’évaluation des compétences en compréhension de l’oral d’un individu entraîne des défis spécifiques. Se pose par exemple la question de savoir comment présenter des textes oraux aux auditeurs (en faisant appel à un interlocuteur spécialement pour le texte ou en ayant recours à un enregistrement ?). Par ailleurs, quelle devrait être la durée du texte, la vitesse d’élocution et les caractéristiques linguistiques employées ? En d’autres termes, quelles doivent être les caractéristiques des tâches de compréhension de l’oral ?

Approche de la compréhension de l’oral et de l’écrit présentée dans le CECR

L’approche des activités de réception présentées dans le CECR est reproduite en intégralité ci-dessous :

  • « La compétence à communiquer langagièrement du sujet apprenant et communiquant est mise en œuvre dans la réalisation d’activités langagières variées pouvant relever de la réception, de la production, de l’interaction, de la médiation (notamment les activités de traduction et d’interprétation), chacun de ces modes d’activités étant susceptible de s’accomplir soit à l’oral, soit à l’écrit, soit à l’oral et à l’écrit.

  • Pour autant, les activités langagières de réception (orale et/ou écrite) ou de production (orale et/ou écrite) sont évidemment premières car indispensables dans le jeu même de l’interaction. Toutefois, dans ce Cadre de référence, l’usage de ces termes pour des activités langagières se limitera au rôle qu’elles jouent lorsqu’elles sont isolées. Les activités de réception supposent le silence et l’attention au support. Elles tiennent également une grande place dans bien des formes d’apprentissage (comprendre le contenu d’un cours, consulter des manuels, des ouvrages de référence et des documents). Les activités de production ont une fonction importante dans nombre de secteurs académiques et professionnels (présentations et exposés oraux, études et rapports écrits) et dans l’évaluation sociale à laquelle elles donnent particulièrement lieu (jugements portés sur les prestations écrites ou sur la fluidité, l’aisance des prises de parole et de l’exposition orale).

  • Dans l’interaction, au moins deux acteurs participent à un échange oral et/ou écrit et alternent les moments de production et de réception qui peuvent même se chevaucher dans les échanges oraux.

  • Non seulement deux interlocuteurs sont en mesure de se parler mais ils peuvent simultanément s’écouter. Même lorsque les tours de parole sont strictement respectés, l’auditeur est généralement en train d’anticiper sur la suite du message et de préparer une réponse. Ainsi, apprendre à interagir suppose plus que d’apprendre à recevoir et à produire des énoncés. On accorde généralement une grande importance à l’interaction dans l’usage et l’apprentissage de la langue étant donné le rôle central qu’elle joue dans la communication.

  • Participant à la fois de la réception et de la production, les activités écrites et/ou orales de médiation, permettent, par la traduction ou l’interprétariat, le résumé ou le compte rendu, de produire à l’intention d’un tiers une (re)formulation accessible d’un texte premier auquel ce tiers n’a pas d’abord accès direct. Les activités langagières de médiation, (re)traitant un
  • texte déjà là, tiennent une place considérable dans le fonctionnement langagier ordinaire de nos sociétés. »

Le tableau ci-dessous résume l’approche du CECR concernant la compréhension de l’oral, de l’écrit et les stratégies de réception.

Réception orale (écoute)

Réception visuelle (lecture)

Stratégies de réception

L’utilisateur de la langue, en tant qu’auditeur, reçoit

et traite un message parlé produit par un/plusieurs locuteur(s).

L’utilisateur de la langue, en tant que lecteur, reçoit et

traite des textes écrits produits par un ou plusieurs auteur(s).

L’utilisateur de la langue identifie le contexte et la connaissance du monde qui lui est attachée, activant la

mise en œuvre du processus de ce que l’on considère être le schéma approprié.

Exemples d’activités d’écoute :

• écouter des annonces publiques (renseignements, consignes, mises en garde, etc.) ;

• fréquenter les médias (radio, télévision, enregistrements, cinéma) ;

• être spectateur (théâtre, réunion publique, conférences, spectacles, etc.) ;

• surprendre une conversation, etc.

Exemples d’activités de lecture :

• lire pour s’orienter ;

• lire pour s’informer, par exemple en utilisant des ouvrages de référence ;

• lire et suivre des instructions ;

• lire pour le plaisir.

Exemples de stratégies de réception :

. Planification : cadrer (choisir un cadre cognitif, mettre en œuvre un schéma, créer des attentes) ;

. Exécution : identifier des indices et en tirer une déduction ;

. Evaluation : vérifier des hypothèses : apparier les indices et le schéma ;

. Remédiation : réviser les hypothèses s’il y a lieu.

Dans chacun de ces cas, l’utilisateur peut écouter afin de comprendre :

• l’information globale ;

• une information particulière ;

• une information détaillée ;

• l’implicite du discours, etc.

Des échelles sont proposées pour illustrer les activités suivantes :

 

• comprendre l’oral en général ;

• comprendre une interaction entre locuteurs natifs ;

• comprendre en tant ;

• comprendre des annonces et instructions orales

• comprendre des émissions de radio et des enregistrements.

L’utilisateur de la langue peut lire afin de comprendre :

• l’information globale ;

• une information particulière ;

• une information détaillée ;

• l’implicite du discours, etc.

Des échelles sont proposées pour illustrer les activités suivantes :

• comprendre la correspondance ;

• lire pour s’orienter;

• lire pour s’informer et discuter ;

• lire des instructions.

Le CECR propose une échelle intitulée « Reconnaître des indices et faire des déductions » (oral et écrit).

Dans les activités de réception audiovisuelle, l’utilisateur reçoit simultanément une information auditive et une information visuelle. Parmi ces activités, on trouve par exemple le fait de suivre des yeux un texte lu à haute voix, de regarder la télévision, une vidéo ou, au cinéma, un film sous-titré, ou encore d’utiliser les nouvelles technologies (multimédia, cédérom, etc.). Le CECR propose une échelle illustrative pour le spectateur de télévision ou de cinéma.

Le Cadre d’évaluation de PISA

Dans le Cadre d’évaluation des compétences en compréhension de l’écrit de PISA (2009, 2012), la littératie dans ce domaine est définie comme suit : « Comprendre l’écrit, c’est non seulement comprendre et utiliser des textes écrits, mais aussi réfléchir à leur propos et s’y engager. Cette capacité devrait permettre à chacun de réaliser ses objectifs, de développer ses connaissances et son potentiel, et de prendre une part active dans la société. » Si l’enquête PISA (voir également l’enquête PIRLS) porte sur l’évaluation des compétences en littératie dans la L1, son cadre propose une approche détaillée et concrète pouvant également être utile pour la conception d’examens de la compréhension de l’écrit dans la L2.

Dans l’enquête PISA, les tâches de compréhension de l’écrit sont axées autour de trois grandes caractéristiques pour assurer une large couverture du domaine :

·         la situation, qui renvoie aux quatre domaines définis dans le CECR (personnel, public, éducationnel et professionnel) ;

·         le texte,qui englobe : le support (textes sur papier et textes sur support électronique) ; l’environnement (contenu non modifiable, contenu modifiable, contenu mixte) ; format du texte (continu, non continu, mixte et multiple) ; type de texte [description, narration, information, argumentation, instruction (d’après Wehrlich, 1976) – et transaction] ;

·         les aspects,qui renvoient aux stratégies, approches ou intentions mentales que les lecteurs choisissent pour trouver comment aborder des textes, les cerner et passer des uns aux autres. Cinq aspects ont été définis : localiser et extraire l’information, comprendre le sens global d’un texte, développer une interprétation, réfléchir sur le contenu d’un texte et l’évaluer, réfléchir sur la forme d’un texte et l’évaluer. Ceux-ci sont également regroupés au sein de trois catégories plus larges, à savoir : « localiser et extraire », « intégrer et interpréter » et « réfléchir et évaluer ».

Les enquêtes PISA tiennent également compte des facteurs influant sur la difficulté des items. Le Cadre 2012 mentionnait la chose suivante à ce sujet (p. 69) :

« Le degré de difficulté de toute tâche de compréhension de l’écrit dépend de l’action conjuguée de plusieurs facteurs : comme le montrent les travaux de Kirsch et Mosenthal (voir, par exemple, Kirsch, 2001 ; Kirsch et Mosenthal, 1990), il est possible de faire varier le degré de difficulté des items grâce au contrôle des variables d’aspect et de format suivantes :

·         Dans les tâches de localisation et d’extraction, la difficulté dépend du nombre d’éléments d’information à localiser, de l’importance des inférences à faire, du volume et de la visibilité des informations concurrentes, ainsi que de la longueur et de la complexité du texte.

·         Dans les tâches d’intégration et d’interprétation, la difficulté dépend du type d’interprétation à effectuer (faire une comparaison est plus facile qu’identifier un contraste, par exemple), du nombre d’éléments d’information à traiter, et du volume et de la visibilité des informations concurrentes. La nature du texte intervient aussi : plus le texte est long et complexe, et plus son sujet est abstrait et peu familier, plus la tâche sera difficile.

·         Dans les tâches de réflexion et d’évaluation, la difficulté dépend du type de réflexion et d’évaluation à effectuer (par ordre croissant de difficulté, ces processus consistent à établir des liens, expliquer et comparer, et enfin, faire des hypothèses et évaluer), de la nature des connaissances extérieures au texte auxquelles il faut faire appel (les tâches sont plus difficiles si les connaissances requises sont spécialisées et pointues, et non générales et courantes), de la longueur du texte et de son caractère plus ou moins abstrait, et enfin, du degré de compréhension requis pour mener les tâches à bien.

Dans le cadre des enquêtes PISA, les items qui requièrent l’intervention de correcteurs expérimentés sont les réponses construites ouvertes et les réponses construites courtes qui nécessitent un codage. Les items qui ne nécessitent pas (ou peu) d’intervention de la part d’un correcteur sont les items à choix multiple (simple et complexe) et les items à réponse construite fermée. Ces derniers exigent des élèves qu’ils produisent une réponse, mais ne nécessitent qu’une intervention minime du correcteur.

Les réponses dites courtes sont celles qui consistent à cocher une case ou à entourer quelque chose. Généralement, les items à réponse construite ouverte nécessitent une phrase complète. Quant aux réponses construites fermées, elles peuvent impliquer d’écrire/de recopier un nom (par exemple) contenu dans le texte.

Remarques finales

Takala, Erickson, Figueras et Gustafsson (2016) notent que l’élaboration de toute définition de la notion de construct exige de prendre des décisions concernant les formats et méthodes, ces décisions impliquant elles-mêmes la planification, l’élaboration et le choix des instruments et procédures qui seront utilisés pour collecter et analyser les données. Il existe plusieurs ouvrages, manuels et matériels en ligne traitant des aspects techniques de tels processus et donnant des conseils très utiles sur la manière d’approcher cette tâche très complexe.

Takala et al. (2016) soulignent qu’il existe également des lignes directrices, des codes de bonnes pratiques, des codes de déontologie et des normes qui abordent des principes tels que la transparence, l’obligation de rendre des comptes, la responsabilité et l’équité, et qui proposent des cadres pour la définition et l’analyse des implications et conséquences de l’utilisation de tests. Spolsky (2013) donne un bon aperçu de l’influence du respect de la déontologie dans l’évaluation des compétences en langues.

En tant que composantes fondamentales de la communication, la compréhension de l’écrit et de l’oral sont appelées à connaître des évolutions et à faire continuellement l’objet d’études et de recherches. Voici quelques-unes des questions à examiner aux fins du développement de l’évaluation de ces compétences :

·         Comment couvrir les multiples composantes des constructs de la compréhension de l’écrit et de la compréhension de l’oral dans le cadre d’un examen/d’une évaluation ?

·         Dans quelle mesure différents textes, tâches et types de tâches sont-ils appropriés à différents niveaux de compétence ?

·         Comment les stratégies de compréhension de l’écrit/de l’oral peuvent-elles/devraient-elles être intégrées dans les examens/évaluations ?

·         Quels liens existe-t-il entre la compréhension de l’écrit / de l’oral dans un contexte d’évaluation, d’une part, et ces compétences dans d’autres contextes, d’autre part ? Comment rapprocher ces différents types de contextes ?

·         Les domaines des constructs relatifs à la compréhension de l’écrit et de l’oral étant probablement sous-représentés dans toutes les situations d’examen / évaluation, comment renforcer leur représentativité ?

·         Quels sont les points forts relatifs des tests standardisés et des évaluations pratiquées en salle de classe ? Comment peuvent-ils être intégrés de façon optimale ?

·         Comment pourrait-on élaborer des tests intégrés, dans lesquels les compétences de réception et de production sont fusionnées, de sorte à tirer parti des avantages offerts par de tels tests sans risquer de compromettre leur fiabilité ?

Si le Conseil de l’Europe continue de mettre au point de nouveaux outils pratiques pour soutenir l’enseignement et l’apprentissage des langues en Europe, ceux-ci devraient être axés sur l’évaluation intégrée et sur l’utilisation des technologies de l’information, qui faciliteront la mise en œuvre des nouveaux modes d’évaluation de la compréhension de l’oral et de l’écrit.


Annexe

Cette annexe présente certains des principaux modèles de compétences en langues pour donner aux utilisateurs un aperçu de la manière dont la compréhension de l’oral et de l’écrit ont été modélisés.

Représentation conceptuelle des facteurs intervenant dans le domaine des compétences en langues (Carroll, 1990, p. 148)

V – Compréhension de la langue orale ou de la langue écrite

LD – Facteurs de développement de la langue

VL – Facteurs relatifs aux connaissances lexicales

RC – Facteurs de compréhension écrite

RD – Facteurs de décodage en compréhension de l’écrit

RS – Facteurs relatifs à la vitesse de lecture

CZ – Facteurs relatifs aux aptitudes immédiates

SG – Facteurs relatifs aux compétences en orthographe

PC – Facteurs de codage phonologique

MY –Facteurs relatifs à la sensibilité grammaticale

LA – Facteurs relatifs aux aptitudes en langues étrangères

LS – Facteurs relatifs aux compétences en compréhension de l’oral

CM – Facteurs relatifs aux compétences en communication

OP – Facteurs relatifs à la production orale

O& - Facteurs relatifs au style oral

WA – Facteurs relatifs à la production écrite

KL – Facteurs relatifs aux compétences en langues étrangères.

Le domaine du comportement linguistique (dans lequel 190 facteurs sont associés à la compréhension verbale) englobe 20 facteurs liés à l’acquisition de la langue, 14 aux compétences en orthographe, 10 au codage phonologique et 15 au vocabulaire ; il se distingue de la compréhension verbale (367 facteurs au total).

Modèle de la compréhension de l’écrit de Khalifa & Weir (2009, p. 62)


Modèle de la compréhension de l’oral de Field (2013, p. 97)


Schéma du lecteur (Perfetti, 1999)


Schéma de l’auditeur (Cutler & Clifton, 1999, p. 124)