La société d’information – quelles avancées et quelles menaces

pour les autorités publiques et les ONG ?

Débat thématique de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe

NOTE CONCEPTUELLE

« Prétendre que votre droit à une sphère privée

n’est pas important parce que vous n’avez rien à cacher

n’est rien d’autre que de dire

que la liberté d’expression n’est pas essentielle,

car vous n’avez rien à dire. »

 — Edward Snowden

Introduction

La société d’information basée sur la liberté d’expression (Art 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme) et sur le droit à l’information (Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics (STCE, 205)) contribue au développement de la démocratie basée sur la transparence de l’administration publique, d’une société pluraliste et informée, d’une société dans laquelle chaque individu a droit d’informer et être informé pour exercer son pouvoir démocratique dans la prise des décisions politiques. Dans ce contexte, la société informée peut devenir menaçante pour le pouvoir en place, si ce dernier ne souhaite pas prendre des engagements en faveur de la transparence des décisions publiques. Lors du débat sur les défis auxquels font face les ONG à l'époque du rétrécissement de l’espace civil, nous avons vu la mise en œuvre par le gouvernement de la Roumanie d’outils proposés par le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (Open Government Partnership).

A travers le développement des technologies numériques, les informations semblent être accessibles et transmises beaucoup plus rapidement. Cependant, nous ne mesurons toujours pas la manière dont les médias sociaux façonnent notre perception du monde, orientent nos choix politiques et économiques et les modes de notre participation à l’espace public. Nous sommes parfois victimes d’une illusion numérique qui nous fait croire que nous fonctionnons dans une société ouverte (K. Popper[1]).

L’industrie d’information numérique est devenue une source de revenus et de pouvoir à travers des banques des données et des algorithmes permettant de filtrer et déterminer l’information que nous recevons.  Comment donc pouvoir orienter nos choix pour que les informations enrichissent notre vision du monde ? Le monde de l’éducation est-il aujourd’hui préparé pour apprendre et promouvoir une pensée critique ?

A qui profitent aujourd’hui nos données privées ? Disposons-nous de toute l’information nécessaire pour signer un consentement éclairé ? La distinction entre public et privé, même si depuis longtemps souligné comme un point nodal pour l’effectivité des libertés fondamentales et de la Condition humaine (H. Arendt, 1983[2]), s’est davantage estompée. La surveillance massive, légitimée par les lois sur le renseignement, visant à lutter contre le terrorisme, menace nos droits à la vie privée. Dans ce contexte, la justice internationale sert d’un recours important pour chaque citoyen. La question se pose toutefois dans quelle mesure sommes-nous prêts à renoncer à nos droits au profit d’une plus grande sécurité ? La sécurité et la protection de la vie privée sont-elles réconciliables ?  

Dans ce contexte, le rôle des lanceurs d’alerte (individus et ONG), grâce auxquels notre connaissance sur les menaces s’accroit (Amnesty International), est inestimable. Le Conseil de l’Europe, à travers la Recommandation CM/Rec(2014)7 sur la protection des lanceurs d’alerte a fait avancer significativement la question de leur protection dans le contexte où encore de nombreux Etats membres n’ont pas adopté de tels instruments juridiques. Car les ONG et les journalistes sont également victimes de l’espionnage ou de piratage. Toutefois, ils ne disposent pas des mêmes moyens que les entreprises pour pouvoir protéger leurs données. Le groupe Security without Borders vient en aide aux activistes et défenseurs de droit qui en font la demande.  Les logiciels libres (comme par exemple Tor USB, Cryptocat ou Telegram) permettant de crypter les informations ou encore des outils interactifs d’information comme « Do Not Track » (une série documentaire personnalisée consacrée à la vie privée et à l'économie du Web)[3] servent à rendre la protection contre les menaces du monde numérique accessible à tous. 

Cependant, ce dont nous avons besoin le plus, ce sont les garanties que les gouvernements et les autorités publiques mettent en place pour respecter les libertés fondamentales de chacun.  Nous aurons donc l’occasion d’échanger autour des normes et outils élaborés par le Conseil de l’Europe, notamment la Stratégie pour la gouvernance de l’internet (2016-2019) ou le Guide des droits de l’Homme pour les utilisateurs d’internet. Cette présentation sera mise en perspective avec l’intervention de Monsieur Sébastien Fanti, Avocat au Barreau valaisan, élu au poste de Préposé à la protection des données et à la transparence du canton du Valais en Suisse et une analyse citoyenne du projet de la directive européenne antiterroriste.

Ce débat, auquel le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et les autres institutions sont conviés, permettra d’échanger les expériences visant à protéger les droits et les libertés fondamentales des personnes et des organisations, dans le contexte socio-politique actuel, au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe.  Au plaisir de vous rencontrer le 27 janvier 2017 !



[1] La Société ouverte et ses ennemis (1945)

[2] La Condition humaine (1983)

[3] Projet élaboré par les diffuseurs publics, des journalistes, des développeurs, des graphistes et des membres de médias indépendants de différentes régions du monde : Upian (société de production basée à Paris), l'Office national du film (Canada), Arte (chaîne de télévision publique franco-allemande), Bayerischer Rundfunk (diffuseur public allemand du groupe ARD), Radio-Canada (diffuseur public canadien), la Radio Télévision Suisse (diffuseur public suisse) et AJ+ (application mobile du service de l’innovation d’Al-Jazeera).