Discours du 27 janvier 2022

Madame la Secretaire generale, Mesdames, Messieurs,  

Il y a quarante-trois ans, la serie televisee americaine Holocauste repandait une onde de choc en Europe, occasionnant de nombreux traumatismes au sein de familles. Le plus saisissant fut de constater que les enfants et les petits-enfants decouvrirent ceux que la generation precedente avait vecu.

Trente-quatre ans après que les fours crematoires se furent eteints, ces buchers des temps modernes ou finirent a grand feu des homosexuels qui croyaient pourtant avoir definitivement echappe a cette peine atroce, la memoire des hommes avait fait table rase du passe et les crimes les plus odieux jamais perpetres appartenaient ainsi déjà a l’oubli.

Certains diront qu’on ne peut vivre eternellement avec l’image des hontes passees et mieux vaut oublier. A quoi sert de se souvenir? A quoi sert d’infliger a celles et ceux qui n’etaient pas ne.e.s cet intolerable spectacle de la mort sans honneur? Mieux vaut se tourner vers l’avenir.

Or c’est precisement en songeant a l’avenir que l’homme a pour devoir de regarder vers le passe. Rien n’est plus vulnerable qu’une generation ignorante. Elle qui n’a pas grandi avec les totalitarismes, elle est prete a se laisser prendre au piege par les nouveaux precheurs de haine, tandis qu’un vent mauvais souffle sur l’Europe. Tapis dans la toile ou a visage decouvert, ils profitent des conditions favorables a leur emprise: angoisse face a l’avenir, incertitude du climat actuel, soif d’une fausse spiritualite.

Les gourous pronant la rancune et la revanche sont plus prets que jamais a abuser celles et ceux qui ne demandent qu’a l’etre. Leurs bouc-emissaires, presque curieusement, sont ceux d’il y a soixante-quinze ans: homosexuels, Juifs, franc-macons, libre-penseurs.

Les manipulateurs de l’histoire connaissent parfaitement le pouvoir des mots et savent qu’il suffit souvent d’un slogan, d’un nom pour impressionner et convaincre. Ils disposent surtout du plus precieux des allies: nous-memes. Car au fond de chacun.e de nous, un.e faible sommeille, toujours enclin.e a se laisser aller a l’ivresse de la violence.  

Le but de la commemoration d’aujourd’hui n’est autre que de nous mettre en garde. Contre les autres mais aussi contre nous-memes. Car c’est avec des hommes et des femmes comme nous que des puissants auxquels on avait abandonne tout pouvoir ont su savamment mettre en oeuvre l’opposition des uns aux autres dans un contexte d’exacerbation des peurs et des ressentissements. Nous avons une longueur d’avance sur les dupes d’hier. Ne nous laissons pas rattraper.