NB_CE

Strasbourg, 9 septembre 2015

CCPE-SA(2015)1

CONSEIL CONSULTATIF DE procureurs européens (CCPE)

Déclaration du CCPE
sur les informations relatives à des menaces

qui concerneraient le fonctionnement impartial et efficace

des services du ministère public en Turquie

Au cours de 2015, les membres du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) ont reçu de nombreux courriers relatifs à des menaces qui concerneraient le fonctionnement impartial et efficace des services du procureur en Turquie.

Ces courriers prétendent que «l’Etat de droit a été suspendu en Turquie", et, "contrairement à la règle constitutionnelle", les procureurs, tout comme les juges et les officiers de police, sont de plus en plus l'objet de mutations, de révocations, voire même d’arrestations et de poursuites. Ces pratiques alléguées seraient pourtant le résultat du bon accomplissement par les personnes qui en sont victimes de leurs obligations professionnelles.

Si le CCPE n’est pas en mesure de vérifier l'exactitude de chaque situation individuelle décrit dans ces courriers, il souhaite néanmoins déclarer qu'il a pris bonne note des événements mentionnés.

Dans ce cadre, le CCPE souhaite se référer aux principes fondamentaux énoncés dans la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale et dans les Avis adoptés par le CCPE depuis 2005, ainsi que dans les Avis adoptés par le Conseil consultatif de juges européens (CCJE).

Ainsi, conformément à ces instruments, le CCPE tient à rappeler que:

1. Les procureurs devraient bénéficier de l'indépendance appropriée dans l'exercice de leurs fonctions et, en particulier, ils doivent décider s’il y a lieu d'engager ou de continuer les poursuites (Recommandation 2 de la Rec(2000)19).

Dans la Charte adoptée par le CCPE à Rome en décembre 2014 (Avis n ° 9), il est indiqué dans la section V que les procureurs devraient prendre leurs décisions de façon autonome et effectuer leurs tâches sans subir de pressions externes ni d’ingérence, conformément aux principes de séparation des pouvoirs et de responsabilité.

La Déclaration de Bordeaux, adoptée conjointement par le CCPE (Avis n ° 4 de 2009) et le CCJE, prévoit en son paragraphe 8 que la position et les activités des procureurs ne doivent pas être soumises à des influences ou à des pressions de toute origine extérieure au ministère public.

2. Le ministère public devrait, en tout état de cause, être en mesure d’exercer sans entrave les poursuites des agents de l’Etat pour les délits commis par eux, notamment des délits de corruption, d'abus de pouvoir, de violation grave des droits de l'homme et d'autres  délits reconnus par le droit international (Recommandation 16 de la Rec(2000)19). 

3. La loi devrait prévoir que les procédures disciplinaires contre les membres du ministère public sont régies par la loi et devrait garantir une évaluation juste et objective qui serait soumise à un contrôle indépendant et impartial (Recommandation 5 de la Rec(2000)19).

La Charte de Rome (section XII) prévoit également que le recrutement et la carrière des procureurs, y compris la promotion, la mobilité, les procédures disciplinaires et de révocation, devraient être définis par la loi et devraient être fondés sur des critères transparents et objectifs, en vertu de procédures impartiales excluant toute discrimination et pouvant être soumises à un contrôle indépendant et impartial.

4. Dans son avis n° 10 de 2007, le CCJE considère que « le Conseil de la Justice doit fonctionner sans la moindre concession au jeu des majorités parlementaires et des pressions de l'exécutif, en dehors de toute subordination aux logiques partisanes, pour pouvoir se porter garant des valeurs et des principes essentiels de la justice ».

Ces principes fondamentaux sont essentiels dans un Etat de droit et nécessaires pour assurer une justice égale pour tous en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme.

Le CCPE est prêt à fournir toute contribution jugée utile à l'analyse de la situation en Turquie. Le CCPE va suivre les développements sur la question avec intérêt et invite son membre au titre de la Turquie à fournir un rapport sur la situation actuelle lors de la prochaine réunion plénière du CCPE, qui se tiendra les 19-20 novembre 2015 à Strasbourg.