Генеральная прокуратура

Российской Федерации

CONFÉRENCE DES PROCUREURS GÉNÉRAUX EUROPÉENS

Le rôle du Ministère public dans la protection des droits de l’Homme et de l’intérêt général en dehors du domaine pénal 

Organisée par le Conseil de l’Europe et le Bureau du Procureur général

de la Fédération de Russie

Saint Petersbourg, 2-3 juillet 2008

Konstantinovsky Palace

Présentation par Right Honourable Terry Davis

Secrétaire General du Conseil de l’Europe


Il n'y a pas d'Etat de droit sans un système judiciaire indépendant et efficace, et sans Etat de droit il n'y a pas de démocratie véritable ni de respect effectif des droits de l'homme.

Le rôle clé joué par les systèmes judiciaires en matière de droits de l'homme est lié à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit à un procès équitable et fixe des normes claires concernant la manière d'assurer cette équité dans la pratique.

Le désir d'évaluer l'impact des mesures prises au niveau national pour améliorer le fonctionnement des systèmes judiciaires a conduit le Conseil de l'Europe à créer en 2005 la Commission européenne pour l'efficacité de la justice, appelée plus communément la CEPEJ. Elle a pour objectifs d'améliorer l'efficacité et le fonctionnement des systèmes judiciaires de nos Etats membres, de veiller à la mise en œuvre effective des droits de toute personne relevant de leur juridiction et d'accroître la confiance des citoyens dans la justice de leur pays.

Le Comité des Ministres a également constitué en 2005 le Conseil consultatif de procureurs européens, appelé le CCPE. Il reconnaissait ainsi le rôle important des procureurs et leur contribution essentielle au fonctionnement de la justice. En outre, il permettait aux procureurs d'examiner ensemble des questions d'intérêt commun. 

Depuis sa création, le CCPE a consacré une attention croissante au rôle du ministère public dans la défense des droits de l'homme et à celui qu'il peut et doit jouer pour assurer le respect des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme.

Je n'ai pas besoin de vous expliquer que le ministère public joue également un rôle important dans les procédures fondées sur les conventions du Conseil de l'Europe concernant la coopération en matière pénale : la « Convention européenne d'extradition », la « Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale » et ses protocoles, ainsi que la « Convention sur le transfèrement des personnes condamnées ».

Ces conventions définissaient pour la première fois en Europe un certain nombre de principes communs de coopération internationale en matière pénale. Elles remplacent de très nombreux traités bilatéraux et assurent une mise en œuvre cohérente des principes du droit international. Le problème est que ces conventions ont été adoptées pour la plupart il y a 30, 40 ou même 50 ans. Il y a un besoin évident de les réviser et de décider s'il convient ou non de les modifier pour les adapter aux besoins et aux défis contemporains.

Car nous devons veiller à ce que nos Etats membres disposent d'instruments juridiques adaptés à leurs besoins actuels et aux défis auxquels ils sont confrontés aujourd'hui.

La priorité actuelle du Conseil de l'Europe est la modernisation de la Convention européenne d'extradition qui date de 1957. Il est généralement admis que cette vieille convention n'est plus adaptée au contexte de la coopération internationale moderne, caractérisée notamment par une plus grande confiance entre les Etats. Un projet de protocole à la Convention européenne d'extradition simplifiant les procédures d'extradition en cas de consentement des personnes concernées devrait être finalisé en novembre.

Une autre manière pour le Conseil de l'Europe de veiller à la bonne mise en œuvre de ses conventions dans le domaine pénal consiste à encourager les gouvernements des Etats parties à informer le Comité européen pour les problèmes criminels de toutes difficultés qu'ils peuvent rencontrer lors de la mise en œuvre de ces conventions. Les discussions donnent l'occasion de partager une expérience pratique et d'identifier des solutions. Ces discussions ont souvent empêché des conflits entre des Etats membres en désamorçant les problèmes à un stade précoce. Lorsque cela ne suffit pas, la plupart des conventions de droit pénal contiennent également une clause de « règlement amiable » prévoyant l'implication active du Comité européen pour les problèmes criminels à la demande d'un Etat partie à la convention. Cette procédure a été appliquée notamment pour le transfèrement de détenus, et a permis de trouver des solutions acceptables pour toutes les personnes concernées. 

Les procureurs sont évidemment les personnes les plus impliquées dans la coopération internationale en matière pénale, et ils sont généralement chargés de mettre en œuvre les conventions. C'est pourquoi le Conseil de l'Europe élabore des outils pratiques destinés à vous aider à appliquer nos conventions de droit pénal. En 2008, nous avons lancé une base de données sur les procédures nationales en matière d'extradition, d'entraide judiciaire et de transfèrement des personnes condamnées. Elle comporte des informations pratiques comme les critères linguistiques, les délais à respecter, les documents requis, les délais de prescription et les critères concernant la double incrimination. Cette base de données devrait améliorer le taux de réponse aux demandes de coopération internationale.

Les procureurs jouent également un rôle majeur dans le fonctionnement du système judiciaire, les affaires pénales représentant leur domaine habituel de compétence. Cependant, les traditions juridiques et les événements historiques survenus ici en Russie et dans certains autres Etats membres ont aussi donné aux procureurs un rôle en dehors du domaine pénal. 

Ce rôle est pleinement compatible avec les exigences d'un système démocratique à condition de viser également la protection des droits de l'homme. Dans ces conditions, le rôle du ministère public en dehors du domaine pénal contribue à l'efficacité et à l'indépendance du système judiciaire, et la Cour européenne des droits de l'homme a donc fixé dans sa jurisprudence plusieurs conditions visant à garantir que les prérogatives du ministère public en dehors du domaine pénal ne portent pas atteinte aux droits de l'individu qui demande justice. 

Les conditions essentielles sont l'obligation de respecter le droit de chacun à être jugé par un tribunal indépendant et impartial, le droit à une procédure contradictoire, le droit à l'égalité des armes et le droit d'accès à un tribunal.

Le contrôle en révision en vigueur dans certains pays d'Europe de l'Est comme la Fédération de Russie, la Moldova ou l'Ukraine a soulevé un certain nombre de questions en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et du principe de la sécurité juridique. La Cour européenne des droits de l'homme estime généralement que lorsqu'une décision finale est cassée dans ces systèmes, les principes de la force de la chose jugée et de la certitude juridique et, par voie de conséquence, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, se trouvent violés. Cependant, ces violations découlent des décisions judiciaires qui cassent les décisions finales et non du rôle particulier du Procureur général dans ces procédures.

Il convient de noter que, compte tenu des arrêts de la Cour de Strasbourg, la Douma d'Etat russe a adopté récemment plusieurs modifications importantes de la législation concernant le contrôle en révision améliorant ainsi le respect de la Convention européenne des droits de l'homme par le système judiciaire russe.

Enfin, je dois remercier nos collègues russes d'avoir accueilli cette importante conférence sur un thème aussi essentiel.

Cette conférence a confirmé que certaines traditions juridiques qui se sont développées dans la Fédération de Russie et certains des pays voisins – et là je pense tout spécialement au rôle du ministère public en dehors des affaires pénales – valent la peine d'être examinées et peut‑être même reprises ailleurs. D'une manière plus générale, cela remet en question l'idée selon laquelle en matière de démocratie, de droits de l'homme et d'Etat de droit, l'Europe est divisée entre ceux qui ont tous les problèmes et ceux qui connaissent toutes les solutions.