CONFÉRENCE DES PROCUREURS GÉNÉRAUX D’EUROPE

(6e SESSION, BUDAPEST 30 ET 31 MAI 2005)

CÉRÉMONIE D’OUVERTURE

Margaret Killerby, chef du Service des problèmes criminels, DG1, Conseil de l'Europe

  1. Monsieur le Président de la République, Monsieur le Président de la Cour suprême, Monsieur le Vice‑président du Parlement, Messieurs les ministres des Affaires étrangères et de la Justice, Monsieur le procureur général et Monsieur le procureur général adjoint, Monsieur le chef de la police nationale, Mesdames et Messieurs les procureurs généraux d’Europe, Mesdames et Messieurs : au nom du Conseil de l'Europe, je vous remercie, Monsieur le Président et Monsieur le procureur général, non seulement pour votre aimable invitation de tenir cette session de la Conférence des procureurs généraux d’Europe dans votre merveilleux pays, mais aussi pour l’accueil chaleureux que vous nous avez réservé dans la Chambre de ce bel édifice historique qu’est le Parlement.

  1. Monsieur le Président, il y a quinze ans[1], votre pays a été le premier des nouveaux Etats d’Europe centrale et orientale à adhérer au Conseil de l'Europe. En 1995, un second centre européen de la jeunesse, semblable à celui de Strasbourg, a été ouvert à Budapest. Aujourd'hui, après les nombreux bouleversements qui se sont produits, votre pays est membre de l’Union européenne.

  1. Nous nous félicitons tous grandement de l’importance que vous accordez au rôle du ministère public et estimons particulièrement approprié de parler de coopération internationale dans un pays qui a une frontière avec sept autres Etats.

  1. C’est en 2000, à l’occasion de la finalisation de la Recommandation sur le ministère public[2], que les procureurs généraux ont été invités à une conférence à Strasbourg[3]. Suite au succès de cette conférence et face aux besoins exprimés par les procureurs, des conférences ont été organisées tous les ans pour examiner l’évolution du ministère public, notamment par rapport aux principes contenus dans la recommandation. Il est clair que pour être efficaces, ces principes doivent être bien connus, acceptés et correctement respectés par toutes les personnes concernées. Bien que le Comité pour les problèmes criminels (CDPC) n’ait pas jugé nécessaire de prévoir un mécanisme de suivi de cette recommandation, il vous encourage à poursuivre vos efforts constructifs pour sa mise en œuvre.

  1. La présente conférence a pour thème principal « les rapports entre le ministère public et la police ». Un chapitre spécifique de la recommandation traite de cette question et, comme l’a indiqué M. Tak dans son rapport sur ce thème, d’une manière générale, les systèmes juridiques européens permettent au ministère public de vérifier la légalité des enquêtes de la police et le respect des droits de l'homme par la police. Le nouveau Conseil pour les questions de police (PC‑PM), qui est représenté à votre conférence, examine des questions liées à la mise en œuvre du Code européen d’éthique de la police et les conclusions de vos débats seront évidemment utiles à ses travaux.

  1. Demain, la conférence examinera les compétences du ministère public en dehors du domaine pénal. Cet aspect est particulièrement important, car si les procureurs de certains pays ont de telles tâches supplémentaires, celles-ci ne sont pas couvertes par la recommandation. Il peut donc s’avérer nécessaire d’élaborer des dispositions supplémentaires pour couvrir ces cas.

  1. La conférence examinera également demain les lignes directrices sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public. La recommandation invite les Etats à veiller à ce que dans l’accomplissement de leurs fonctions, les membres du Ministère public soient liés par des « codes de conduite ». Un projet de lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public a donc été élaboré et sera examiné en vue de son adoption. Ces lignes directrices, qui comportent des principes généraux largement reconnus à utiliser au niveau national, pourraient éventuellement servir à un stade ultérieur de point de départ d’une recommandation. Le projet comporte une disposition selon laquelle les membres du ministère public doivent favoriser le plus possible la coopération internationale.

  1. Bien que la Conférence des procureurs généraux d’Europe soit encore jeune puisque ses sessions n’ont commencé qu’en 2000, elle a pris rapidement une place importante dans les activités du Conseil de l'Europe. La poursuite et le succès de ces activités sont assurés et nous sommes reconnaissants à nos Etats membres qui ont aimablement proposé d’accueillir les sessions passées et futures. En ce qui concerne les futures sessions, la prochaine aura lieu en 2006 en Russie et l’Irlande a également fait part de son désir d’accueillir une conférence.

  1. Je vais maintenant vous présenter quelques brèves informations sur certains événements majeurs concernant le Conseil de l'Europe intervenus depuis votre dernière conférence et qui peuvent intéresser les membres du ministère public.

  1. En ce qui concerne les nouvelles conventions, trois conventions du Conseil de l'Europe ont été ouvertes à la signature au cours du récent sommet. Elles concernent :

  1. la prévention du le terrorisme[4];
  2. le blanchiment, le dépistage, la saisie et la confiscation des produits du crime et le financement du terrorisme ;[5]
  3. la lutte contre la traite des êtres humains.[6]

  1.  En outre, la Convention sur la cybercriminalité[7], ouverte à la signature à Budapest, est entrée en vigueur le 1er juillet 2004 et s’applique déjà entre dix Etats, dont la Hongrie. Elle a également été signée par plus de trente Etats, et, si votre Etat ne l’a pas ratifiée, je tiens à souligner combien il est important qu'il le fasse le plus tôt possible. Il s’agit du premier traité international sur les crimes commis par le biais d’Internet et d’autres réseaux informatiques et son protocole étend la portée de la convention aux infractions liées à la propagande raciste ou xénophobe.

  1. Le mois dernier, le Comité des Ministres a adopté deux nouvelles recommandations, qui concernent :

a.       la protection des témoins et des collaborateurs de justice[8] ;

b.      les techniques spéciales d’enquête en relation avec des infractions graves, y compris des actes de terrorisme[9].

  1.  Au début de cette année, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) a publié des données comparatives sur les systèmes judiciaires européens. Le chapitre consacré au ministère public comporte des informations utiles sur les budgets, les effectifs et les salaires des membres du ministère public, les procédures disciplinaires, la charge de travail et le pourcentage des condamnations et des acquittements dans les affaires engagées par le ministère public.

  1.  Tous nos Etats membres reconnaissent de plus en plus la nécessité de prendre davantage en compte les intérêts des victimes et les membres du ministère public ont évidemment un rôle essentiel à jouer dans ce domaine. Un nouveau Groupe de spécialistes sur l’assistance aux victimes et la prévention de la victimisation (PC-S-AV) a commencé son travail. Après avoir examiné l'assistance aux victimes du terrorisme, il s'intéressera aux aspects plus larges de l’aide aux victimes en général et actualisera la recommandation existant sur ce sujet.

  1. Plusieurs réunions importantes ont eu lieu cette année telles que la Troisième Réunion multilatérale à haut niveau des ministres de l’Intérieur[10], la 26e Conférence des ministres européens de la Justice[11], le Troisième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe et la session plénière du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC).

  1.  Le Troisième Sommet qui s'est tenu au début de ce mois[12] à Varsovie a adopté une déclaration et un plan d’action. Il a chargé en outre un « comité des sages » de formuler des propositions visant à assurer l’efficacité à long terme de la Cour européenne des Droits de l'Homme en tenant compte des premiers effets du Protocole 14 à la Convention européenne des Droits de l'Homme.

  1. Le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) a tenu sa session plénière à Strasbourg au début de cette année[13] et a finalisé la Convention contre le blanchiment et les deux recommandations relatives aux témoins et aux techniques spéciales d’enquête. Il a également élu un nouveau président, Claude Debrulle, qui représente le CDPC à cette conférence. Le CDPC finalise actuellement les Règles pénitentiaires européennes et examinera ensuite l’éventualité de l’élaboration d’une « charte pénitentiaire européenne ».

  1.  Le CDPC a souligné le rôle essentiel du ministère public dans le système de justice pénale d’une société démocratique et rappelé l’importance croissante de vos activités. Prenant en compte les conclusions de vos conférences, le CDPC a invité le Comité des Ministres à constituer un Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), qui aurait un rôle de conseil auprès du Comité des Ministres et serait assisté par un bureau de onze membres désignés par le CCPE[14].

  1. Le projet de mandat du CCPE comporte les tâches suivantes :

a.       élaborer un programme–cadre d’action générale ;

b.      rédiger des avis sur demande du Comité des Ministres, du CDPC ou de tout autre organe du Conseil de l'Europe ;

c.       rédiger des avis à l’attention du CDPC sur les difficultés liées à la mise en œuvre de la recommandation sur le rôle du ministère public ;

d.      recueillir des informations sur le fonctionnement des services du ministère public en Europe ;

e.       et enfin mais pas sans importance, organiser des conférences.

  1. La proposition de constituer un Conseil consultatif de procureurs européens est maintenant devant le Comité des Ministres et il est probable que celui-ci y donnera une réponse favorable prochainement.

  1. En conclusion, j’aimerais souligner que nous sommes tous partisans d'un renforcement du rôle du ministère public. C’est pourquoi cette conférence et vos futurs travaux apporteront une aide inestimable aux Etats d’Europe pour le renforcement de ce rôle aux niveaux national et européen.



[1] Le 16 novembre 1990.

[2]Recommandation Rec (2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

[3] La Recommandation comporte un chapitre spécial sur la coopération internationale entre les membres du ministère public des différents pays, chapitre qui traite notamment des points suivants :

-          l’intérêt d’établir des contacts directs entre membres du ministère public de différents pays ;

-          les mesures qui pourraient être prises pour favoriser des contacts directs (y compris des réunions régulières entre procureurs généraux et l’établissement de listes de personnes contacts);

-          la sensibilisation à la nécessité d’une participation active à la coopération internationale ;

-          la promotion d’une spécialisation de certains membres du ministère public dans le domaine de la coopération internationale ;

-          l’amélioration des procédures d’entraide judiciaire.

[4]Cette convention est destinée à aider les Etats à prévenir le terrorisme et à renforcer la coopération internationale en matière de prévention. Elle considère comme des infractions pénales la provocation publique à commettre une infraction terroriste ainsi que le recrutement ou l’entraînement pour le terrorisme qui peuvent conduire à la commission d’une infraction pénale. La coopération doit être renforcée et la protection et le dédommagement des victimes du terrorisme améliorés. Il y a un devoir d’enquête aux fins de poursuites ou d’extradition.

[5] Cette convention, qui traite de la prévention et du contrôle du blanchiment, actualise et élargit la Convention de 1990 sur le blanchiment et couvre le financement du terrorisme.

[6] Cette convention vise à prévenir et à réprimer la traite, s’occupe de la protection des victimes et comporte un mécanisme de suivi indépendant, le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA).

[7] Cette convention se propose d’appliquer une politique pénale ordinaire pour la protection de la société contre la cybercriminalité. Elle concerne particulièrement les infractions au droit d’auteur, la fraude informatique, la pornographique enfantine et les violations de la sécurité des réseaux. Elle fixe également une série de compétences et de procédures telles que la fouille des réseaux informatiques et l’interception.

[8] La Recommandation Rec (2005)9 garantit que les témoins et les collaborateurs de justice puissent témoigner librement et sans faire l’objet d’actes d’intimidation. La question de la coopération judiciaire et la protection des témoins et collaborateurs de la justice sera maintenant examinée par le Comité d’experts sur le fonctionnement des conventions européennes dans le domaine pénal (PC‑OC) à la lumière de l’article 23 du second protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (qui traite de la protection des témoins).

[9] La Recommandation Rec (2005) 10 comporte des lignes directrices pour l’utilisation de ces techniques.

[10] Varsovie, 17 et 18 mars 2005.

[11] Cette conférence a eu lieu à Helsinki les 7 et 8 avril 2005. Les ministres ont adopté plusieurs résolutions, sont convenus de l’importance de la promotion d’une approche de justice réparatrice dans leur système de justice pénale (Résolution n° 2 sur la mission sociale du système de justice pénale – justice réparatrice), ont décidé de poursuivre leurs efforts pour intensifier la lutte contre le terrorisme et accroître la sécurité des citoyens (Résolution n°3 sur la lutte contre le terrorisme) et ont pris acte de l’évolution de la criminalité transfrontalière (Résolution n° 5 sur le fonctionnement des conventions du Conseil de l'Europe de coopération judiciaire dans le domaine pénal).

[12] Les 16 et 17 mai 2005.

[13] Du 7 au 11 mars 2005.

[14] Le CCPE travaillera notamment avec le CDPC et le Conseil consultatif des juges européens (CCJE) et aura un lien institutionnel suffisant avec le CDPC.