AVIS

DU

CONSEIL CONSULTATIF DE

PROCUREURS EUROPEENS

(CCPE)



Table des matières

Avis N° 1 (2007) 5

Les moyens d’améliorer la coopération internationale dans le domaine pénal 5

Avis N° 2 (2008) 15

Les mesures alternatives aux poursuites. 15

Avis n° 3 (2008) 21

Le rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale. 21

Avis n° 4 (2009) 29

Déclaration de Bordeaux : 29

« Juges et procureurs dans une société démocratique ». 29

Avis N° 5 (2010) 41

Le ministère public et la justice des mineurs. 41

Déclaration de Erevan. 41

Avis N°6 (2011) 45

Les relations entre procureurs et administrations pénitentiaires. 45

Avis N°7 (2012) 55

La gestion des moyens du ministère public. 55

Avis N°8 (2013) 63

Les relations entre procureurs et medias. 63

Avis n°9 (2014) 71

Les normes et principes européens concernant les procureurs. 71

Avis n°10 (2015) 71

Le rôle des procureurs dans l’enquête pénale. 85

Avis n°11 (2016) 95

La qualité et l’efficacité du travail des procureurs, y compris dans la lutte contre le terrorisme et

la criminalité grave et organisée. 95



Avis N° 1 (2007)

du Conseil consultatif de procureurs européens

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

Les moyens d’améliorer la coopération internationale dans le domaine pénal

INTRODUCTION

1.     Le Conseil Consultatif de Procureurs Européens (CCPE) a été institué par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 13 juillet 2005 avec, en particulier, la  tâche de rendre des avis concernant le fonctionnement des services du ministère public et de promouvoir l'application effective de la Recommandation Rec(2000)19 du 6 octobre 2000 sur le rôle du Ministère public dans le système de la justice pénale. Les principes de l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme représentent une base identitaire pour le Ministère public, en tant qu' "autorité chargée de veiller, au nom de la société et dans l'intérêt général, à l'application de la loi lorsqu’elle est pénalement sanctionnée, en tenant compte, d’une part, des droits des individus et, d’autre part, de l’efficacité nécessaire du système de justice pénale[1]".

2.     La Déclaration de Varsovie et le Plan d’action adoptés lors du troisième Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe[2] ont mis en exergue, au plus haut niveau politique, le rôle du Conseil de l’Europe dans la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, de même que son engagement à poursuivre la lutte contre terrorisme, la corruption et le crime organisé et à poursuivre le développement des instruments et des mécanismes de coopération juridique du Conseil de l’Europe. Le Sommet de Varsovie a en même temps exprimé l’intention de renforcer la coopération et l’interaction avec l’Union Européenne, notamment pour ce qui est des droits de l’homme[3], de la démocratie et de l’Etat de droit.

3.     La Recommandation Rec(2000)19 contient, aux paragraphes 37 à 39, des dispositions relatives à la coopération judiciaire internationale en matière pénale, dont l'importance est soulignée dans le Rapport explicatif y afférent.  Le Comité des Ministres observe en particulier que "compte tenu du nombre des instruments et recommandations internationaux déjà disponibles en ce domaine et de l’existence d’une réflexion spécifique au sein même du Conseil de l’Europe, le Comité s’est attaché à définir les moyens concrets de nature à améliorer la situation actuelle, eu égard au rôle important que joue, le plus souvent, le Ministère public dans la coopération judiciaire internationale en matière pénale". Le Comité des Ministres est conscient des obstacles posés à la coopération internationale par la pratique institutionnelle et de la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de coordination, en premier lieu au sein de chaque Etat. Dans la Recommandation, il indique que les procureurs sont appelés à "participer (directement ou par le biais de notes et de mémoires) à toutes les procédures liées à l'exécution des demandes d'entraide judiciaire". Dans la plupart des systèmes nationaux, le Ministère public dispose de compétences tant en matière de coopération internationale active que lorsque son pays est destinataire d’une demande de coopération, qu’il s’agisse d‘une extradition, d'un mandat d’arrêt ou d'une commission rogatoire. Cette double compétence implique une connaissance de tous les aspects de la coopération et donc des possibilités de coordination à un niveau plus général.

4.     Le présent Avis a été préparé conformément au Programme cadre d’action générale du CCPE, adopté par le Comité des Ministres le 29 novembre 2006[4]. Il vise à souligner les éléments essentiels concourant à renforcer la coopération internationale en matière pénale et l'assistance judiciaire mutuelle du point de vue des praticiens du droit et acteurs prééminents de cette coopération que sont les procureurs.

5.     Le CCPE est conscient que les questions liées à la coopération internationale en matière pénale ne sont pas des questions essentielles qui s'adressent seulement aux procureurs. L’extradition, les mandats d’arrêts, la collecte de preuves à l’étranger relèvent fondamentalement des juges, représentés au sein du Conseil de l'Europe à travers le Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE).  D’autres comités du Conseil de l’Europe, comme le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), notamment à travers les travaux du Comité d’experts sur le fonctionnement des conventions européennes sur la coopération dans le domaine pénal (PC-OC) ont également un rôle prééminent à jouer dans ce domaine[5], de même que la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ).

6.     Dans le cadre de cet Avis, le CCPE s'appuie sur les instruments juridiques universels et régionaux, en particulier les conventions pertinentes du Conseil de l'Europe apparaissant en annexe. Il se réfère également à l'Avis N° 9 (2006) du Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE) sur le rôle des juges nationaux dans l’application effective du droit international et européen.

7.     Le CCPE a tenu compte des travaux et conclusions de différents fora dans lesquels les responsables politiques et des instances chargées de l’application du droit, de même que les représentants des ministères publics des Etats membres ont traité de questions relatives à la coopération internationale en matière pénale, et notamment la 1ère Conférence paneuropéenne des Ministères publics spécialisés dans les affaires de criminalité organisée (Caserte, 2000)[6], la 7ème Conférence des Procureurs Généraux d'Europe (Moscou, 2006)[7] et la Conférence à haut niveau de ministres de la Justice et de l’Intérieur de (Moscou, 2006)[8].

8.     Pour préparer cet Avis, le CCPE a analysé, avec le concours d'un expert scientifique[9], les réponses de 30 Etats membres à un questionnaire élaboré à cette fin[10]. Le rapport qui en a résulté a fait l'objet d'une Conférence européenne des procureurs sur la coopération internationale dans le domaine pénal (Varsovie, 4-5 juin 2007)[11], à laquelle participaient les représentants des Ministères publics de la plupart des Etats membres et des organismes de coopération judiciaire de l’Union Européenne (Eurojust et le Réseau judiciaire européen en matière pénale).

9.     Dans cette approche, le CCPE a également voulu être en ligne avec le "Memorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne"[12] qui indique, parmi les "priorités communes et les domaines d’intérêt pour la coopération", les "droits de l’homme et libertés fondamentales; la prééminence du droit, la coopération juridique et la réponse aux nouveaux défis".

SITUATION ACTUELLE ET LACUNES EXISTANTES

10.  Le renforcement de la coopération internationale en matière pénale représente une exigence essentielle, étant la réponse de la communauté des Etats aux attaques portées contre nos sociétés par la criminalité internationale, le terrorisme et la corruption. Même si la Résolution du Comité des Ministres  en 1997[13] se rapportait spécialement à la corruption, il est important de la rappeler, du fait de sa portée générale: "La corruption représente une grave menace pour les principes et les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, sape la confiance des citoyens en la démocratie, porte atteinte à la prééminence du droit, méconnaît les droits de l’homme et met en péril le progrès social et économique".

11.  La Recommandation Rec(2000)19 a été enrichie par des textes importants dans le domaine considéré:

§  des conventions majeures ont ainsi été adoptées au sein du Conseil de l'Europe, telles que le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (STCE N° 182), la Convention sur la cybercriminalité (STCE N° 185) et son Protocole additionnel relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STCE N°189), le Protocole portant amendement à la Convention européenne pour la répression du terrorisme (STCE N° 190), la Convention pour la prévention du terrorisme (STCE N° 196), la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE N° 197) ou la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE N° 198). De même, des formes renforcées de coopération judiciaire ont été introduites par la Convention de Palerme des Nations Unies contre la criminalité organisée transnationale[14], la Convention des Nations Unies contre la corruption[15], la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire[16], la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne[17] et la Convention de la CEI relative à l‘entraide judiciaire et aux relations judiciaires en matière civile, familiale et pénale[18]. Il convient toutefois de remarquer que tous les Etats concernés ne sont pas encore parties à ces Conventions, dont certaines ne sont pas encore entrées en vigueur. Ceci limite leur portée et freine leur application effective par les praticiens du droit. Par ailleurs, des lacunes dans les instruments pertinents du Conseil de l'Europe ont été mises en évidence lors de la Conférence européenne des procureurs généraux de Moscou susmentionnée.

§  au sein de l'Union européenne, de nouveaux instruments tels que la Décision cadre du Conseil de 2002 sur le Mandat d’arrêt européen et les procédures de remise entre Etats membre de l’Union européenne ont été adoptés, et de nouvelles structures ont été développées, telles qu'Eurojust, les magistrats de liaison ou le Réseau judiciaire européen en matière pénale, donnant corps au principe de reconnaissance mutuelle.

§  en matière d'entraide judiciaire, des contacts directs sur la base d'accords bilatéraux, régionaux ou internationaux entre organes judiciaires des Etats membres[19] se développent.   

12.  Mais la véritable nouveauté réside dans une autre option ouverte par ces accords. Les accords mentionnés prévoient la possibilité de transmettre spontanément des informations d’une autorité judiciaire nationale à celle d’un autre pays. Des instruments juridiques pleinement applicables dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe donnent aux autorités judiciaires[20] nationales la faculté de signaler l’existence d’une infraction en lui transmettant les informations pertinentes. Cette pratique avait était prévue par le Comité des Ministres dans la Recommandation Rec(2000)19 qui, à ce sujet, suggérait: "enfin, devrait être étudiée la possibilité d'étendre les dispositifs existants favorisant l'échange spontané d'informations entre les Ministères publics des différents pays"[21].

13.  La question qui se pose est de vérifier quel suivi concret a été donné à ces innovations dans la pratique institutionnelle, notamment si les accords internationaux susmentionnés ont entraîné des réformes normatives et dans la pratique conséquentes dans les Etats membres et, en tout cas, si et en quelle mesure les procureurs utilisent ces nouveaux instruments et sont conscients des mutations intervenues récemment.

14.  Il ressort de l'étude préliminaire conduite par le CCPE[22] que le système de coopération internationale fonctionne de mieux en mieux depuis le début des années 90, parfois grâce à des solutions pragmatiques mises en œuvre à travers une coopération et des contacts directs entre les acteurs impliqués dans ce processus. Certains Etats rapportent une spécialisation croissante des acteurs compétents et le développement de l'information interne quant aux possibilités offertes dans le cadre de l'entraide judiciaire.

15.  Cependant, de nombreux éléments sont mis en avant comme faisant obstacle au nécessaire développement de l'entraide judiciaire en matière pénale et comme causes de délais excessifs dans les procédures de coopération internationale, notamment:

§  les mécanismes de coopération juridique pan-européens ne sont pas toujours conformes aux enjeux et aux attentes actuels;

§  la rédaction des demandes d'entraide (lacunaires ou comportant trop de détails, non signées ou mal instruites, mal traduites, inexactes ou non conformes à la procédure en vigueur, etc.) peut porter préjudice à la procédure de coopération; le manque de formation, la complexité  des procédures, le manque de moyens mis à disposition peuvent notamment en être la cause;

§  la transmission des demandes reste trop souvent effectuée par le seul canal diplomatique, bien que la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STCE N° 30) et le Deuxième Protocole additionnel à cette Convention (STCE N° 182) rendent possible des contacts direct entre autorités judiciaires compétentes pour présenter et exécuter les demandes; le manque d’informations (coordonnées des autorités compétentes) oblige souvent à passer par les autorités centrales; par ailleurs, il arrive que plusieurs canaux de transmission soient simultanément utilisés, perturbant la bonne application de la procédure de coopération;

§  la multiplication des demandes d’entraide est vue comme un facteur contribuant au blocage des procédures, les autorités requises étant surchargées par l’exécution de demandes liées à des affaires parfois mineures;

§  au niveau de l’exécution des demandes, le manque de culture de coopération judiciaire et une certaine résistance pratique conduit à ce que des procédures de coopération passent systématiquement après les procédures internes.

16.  Mais des difficultés sérieuses résident dans la différence entre systèmes juridiques. Les moyens d'obtention de la preuve, le problème de la double incrimination ou le ne bis in idem, la compétence de l’autorité requérante ou le régime des jugements in absentia sont autant de concepts et de procédures qui gagneraient à être mis en cohérence au niveau international pour favoriser la coopération entre systèmes. Une meilleure connaissance mutuelle de ces systèmes permettrait également à elle seule de faciliter cette coopération.

17.  Ces difficultés sont exacerbées en matière d’extradition. Par exemple, des procédures d’extradition avortent suite à l’invocation de motifs politiques, à cause de l'interprétation disparate d’un même concept juridique ou par l'objection de l’impossibilité d’extrader des ressortissants nationaux.

18.  Un autre aspect négatif généralement dénoncé est le retard sans cause objective. Il ne s’agit alors pas d’une question structurelle ou juridique, mais de dysfonctionnements professionnels sans cause juridique.

19.  Il convient donc de développer des mesures et des outils permettant de construire une véritable culture de la coopération judiciaire internationale en matière pénale, tant au niveau des autorités centrales qu'au niveau des acteurs individuels de cette coopération.

20.  Le CCPE rappelle à cet égard que la première Conférence paneuropéenne des Ministères publics spécialisés dans les affaires de criminalité organisée [23] avait formulé des recommandations dans ce sens en préconisant l'organisation de "contacts et des échanges d'informations entre ministères publics de manière plus structurée" en invitant "le Conseil de l'Europe à créer un groupe de liaison composé d'un petit nombre de procureurs, chargés officieusement d'organiser les contacts et les échanges d'information entre ministères publics en général, en complément des mécanismes existants, et en particulier entre les ministères publics spécialisés dans les affaires de criminalité organisée" en précisant que "des contacts devront être établis entre le Groupe de liaison du Conseil de l'Europe et Eurojust (…)".

21.  De même les ministres européens de la Justice et de l’Intérieur réunis à Moscou en novembre 2006[24], ont soutenu l'idée "qu’un réseau de points de contact nationaux soit développé afin de faciliter les relations entre les personnes responsables de la coopération judiciaire internationale, notamment dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, la corruption et le crime organisé, la traite des êtres humains et la cybercriminalité".

RECOMMANDATIONS DU CCPE

22.  Le CCPE souligne les avancées majeures dans la coopération internationale en matière pénale, au niveau des instruments européens et internationaux adoptés dans les années récentes, des structures institutionnelles mises en place pour faciliter les échanges entre les acteurs de cette coopération et des contacts effectifs établis entre les praticiens. Le CCPE encourage les instances compétentes du Conseil de l’Europe et les Etats membres à poursuivre et intensifier leurs efforts pour établir les conditions institutionnelles, normatives et interpersonnelles pour le développement d'une véritable culture juridique européenne de la coopération internationale en matière pénale entre les différents Etats membres, voire au-delà.

Agir sur le cadre normatif de la coopération internationale

23.  Afin de renforcer le cadre normatif de la coopération internationale et de permettre d'améliorer le travail quotidien des praticiens du droit chargés de la mise en œuvre concrète de l'entraide judiciaire, le CCPE rappelle qu'il est essentiel que les Conventions pertinentes, notamment celles mentionnées au paragraphe 11 ci-dessus, soient rapidement ratifiées et effectivement appliquées par les Etats concernés, et en particulier par l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe.

24.  Par ailleurs, le CCPE soutient pleinement les travaux en cours au sein du PC-OC visant à moderniser les instruments pertinents du Conseil de l'Europe. Sur la base des conclusions de la Conférence des Procureurs Généraux de Moscou[25], le CCPE invite le Comité des Ministres et les comités compétents du Conseil de l'Europe à poursuivre de manière prioritaire leur travail visant à mettre à jour les instruments en matière d'extradition, d’entraide judiciaire et de transmission des procédures répressives afin de mettre en place des procédures de coopération plus souples, fondées sur la confiance mutuelle entre les systèmes. Des dispositions pourraient par exemple permettre d’accélérer une procédure de remise fondée sur le consentement de la personne dont l’extradition est demandée, en la simplifiant, tout en garantissant pleinement ses droits fondamentaux.

25.  A cet égard, le CCPE recommande au Comité des Ministres d’étudier la possibilité de préparer une convention globale du Conseil de l’Europe sur la coopération internationale en matière pénale[26].

26.  Le CCPE invite également les législateurs des Etats membres à étudier la possibilité de simplifier les procédures nationales en ayant à l'esprit le fonctionnement effectif de la coopération internationale, afin que le poids de ces procédures internes ne soit pas un obstacle à la mise en œuvre des demandes de coopération, notamment en matière d'extradition. Cette simplification devra en tout état de cause respecter pleinement les droits des personnes concernées.

Agir sur la qualité de la coopération internationale

27.  S'appuyant notamment sur la Recommandation Rec(2000)19 (en particulier son article 38), sur les Avis du Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE) N° 4 (2003) sur la formation initiale et continue appropriée des juges, aux niveaux national et européen[27] et N° 9 (2006) sur le rôle des juges nationaux dans l’application effective du droit international et européen[28], de même que sur les conclusions de la Conférence européennes des Procureurs de Varsovie[29], le CCPE recommande de développer fortement la formation des procureurs impliqués dans la coopération judiciaire internationale de même que d’autres acteurs de cette coopération . L’amélioration de la formation des praticiens devra prendre en compte non seulement l’acquis conventionnel existant mais aussi les données opérationnelles rassemblées par les organisations et systèmes en action. Elle devrait permettre aux praticiens de mieux rédiger leurs demandes d'entraide et de mieux comprendre et exécuter les demandes qui leur sont adressées. Des efforts de sensibilisation des acteurs de la coopération judiciaire internationale pourraient également être entrepris afin de développer leurs facultés de discernement lorsqu'ils formulent les demandes de coopération, afin d'éviter de surcharger les systèmes tiers par des demandes de moindre importance.

28.  Il n'est peut être pas nécessaire, voire possible que chaque magistrat soit pleinement informé sur les instruments et canaux de coopération internationaux pertinents. Mais il est essentiel que certains d'entre eux le soient, à travers une formation spécifique. C'est pourquoi le CCPE recommande qu'une structure appropriée soit établie dans chaque Etat membre afin d'assurer une telle spécialisation.

29.  Cette formation centrée sur la coopération internationale en matière pénale ne pourra pas faire l'économie d'une formation en matière de droits de l’homme, offerte aux juges et procureurs, et, lorsque ceci est spécifiquement approprié, aux avocats. Outre une vue d'ensemble des éléments fondamentaux des droits de l’Homme, il est essentiel d’identifier explicitement les droits fondamentaux et les normes pertinentes concernant directement les individus dans le cadre des procédures pénales relatives à l’exécution des demandes d’entraide judiciaire en matière pénale. Ceci devrait consister en des commentaires accompagnant chacune des sources juridiques pertinentes, les droits et normes applicables étant différents en fonction des formes de coopération. Ces commentaires ou documents spécialisés devraient s’appuyer sur la pratique en vigueur ainsi que sur la jurisprudence.

30.  Cette connaissance doit être diffusée par des supports adaptés et par les organisations en charge de la formation au premier rang desquelles les institutions nationales de formation des juges et procureurs. Les instances européennes compétentes en matière de formation des magistrats, telles que le  Réseau de Lisbonne du Conseil de l'Europe et le Réseau européen de formation judiciaire pourraient également jouer un rôle moteur dans ce contexte.

31.  Cette formation devrait également être complétée par une formation en langues étrangères, permettant notamment d'améliorer les contacts directs entre praticiens, la qualité des demandes d'entraide formulées et la meilleure compréhension de demandes reçues.

32.  En outre, le CCPE recommande que les autorités nationales compétentes développent les outils d'information nécessaires aux praticiens. Il souligne en particulier l'utilité d’élaborer un manuel en matière d’entraide judiciaire, contenant de larges informations diffusées sur les systèmes nationaux d’investigation, à l’instar des "Fiches belges"[30] qui constituent un outil de travail important à la disposition du Réseau judiciaire européen en matière pénale et permettent de mieux appréhender les systèmes juridiques des Etats. Des circulaires ou des lignes directrices synthétisant les mécanismes applicables, des recueils de bonnes pratiques et des formulaires multilingues destinés à uniformiser et faciliter la pratique des mesures d’entraide les plus communes pourraient être développés, mis à jour et diffusés auprès des praticiens, y compris par le biais d’Internet.

Le cas échéant ceci devrait être fait avec le concours du CCPE. Le CCPE rappelle dans ce contexte que les ministres européens de la justice et de l’intérieur réunis à Moscou en novembre 2006[31] ont encouragé "l’élaboration d’une base de données sur les procédures en vigueur dans les Etats membres relatives aux différentes formes de coopération qui permettrait un accès plus aisé aux informations" etréitère son soutien à cette proposition. Les outils susmentionnés pourraient être transmis au Conseil de l’Europe afin d’enrichir cette base de données.

33.  En matière de formation professionnelle et d'information des procureurs, le CCPE pourrait également jouer un rôle en organisant des rencontres entre procureurs spécialisés des Etats membres, à l'exemple du Colloque de Caserta susmentionné, le cas échéant en coopération avec d'autres instances compétentes au sein du Conseil de l'Europe, et en partenariat avec d'autres institutions ou organisations européennes et internationales.

34.  L'efficacité de la transmission des demandes d'entraide et de leur traitement passe également par le développement des modes de transmission des demandes. Le CCPE souligne que les possibilités offertes par les nouvelles technologies de l'information pourraient ainsi être largement utilisées pour favoriser notamment des échanges sécurisés par voie électronique, à condition que le respect du principe de confidentialité et l’authentification des documents soient pleinement garantis.

Développer les échanges entre praticiens du droit

35.  Au niveau du Conseil de l'Europe, le CCPE invite le Comité des Ministres à réfléchir à l'opportunité d'établir une coopération et des échanges d'information structurés inspirés du Réseau judiciaire européen en matière pénale et d’Eurojust, permettant notamment aux Etats non membres de ces structures de l'Union européenne de bénéficier de services analogues, sur la base des instruments pertinents du Conseil de l'Europe.

36.  Sur la base des dispositions du "Memorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne"[32], une perspective serait de confier au Conseil de l’Europe un rôle de médiation formelle ou informelle lorsque des difficultés se font jour dans le domaine de la justice pénale. 

37.  Sans remettre en cause les modes de transmission directs et décentralisés, les Etats membres pourraient également considérer la possibilité de mettre en place, dans chaque Etat, et au niveau approprié en fonction du système juridique national, une "unité spécialisée" chargée, dans le cadre des demandes d'entraide judiciaire, d’assister les praticiens des Etats requérants ou requis pour résoudre les difficultés rencontrées dans ce cadre. Cette unité serait notamment compétente pour répondre aux problèmes provoquant des blocages ou des lenteurs dans les procédures d’entraide.

38.  Le CCPE appelle les Etats membres à renforcer la motivation en matière de coopération internationale en matière pénale et à favoriser la participation pleine et directe des praticiens du droit. Le CCPE invite les Etats membres à établir une liste de contacts et d'adresses indiquant les noms des interlocuteurs compétents, leur spécialisation, leur domaine de responsabilité, etc., et à publier cette liste sur un site Internet d'accès restreint qui pourrait être administré par le Conseil de l'Europe. Cette liste devrait être mise à jour régulièrement par les Etats afin de garantir l'efficacité du système. Ceci permettrait, dans le respect des Conventions pertinentes, des échanges directs entre praticiens, sans passer par les procédures parfois lourdes des canaux diplomatiques.

39.  Par ailleurs, le CCPE considère que l'échange de magistrats de liaison entre les Etats, telle qu'encouragé à l'article 38 de la Recommandation Rec(2000)19, est une bonne pratique qui devrait être développée  autant que possible, car elle facilite grandement les contacts entre les systèmes judiciaires nationaux, la meilleure connaissance mutuelle de ces systèmes et, partant, contribue à renforcer la confiance mutuelle entre les acteurs de la coopération internationale.

40.  Le CCPE recommande que les ministères publics renforcent également l’entraide judiciaire au niveau de la rédaction et de l’exécution des demandes, le cas échéant.

Renforcer la coopération avec les Etats tiers et les tribunaux internationaux compétents en matière pénale

41.  Dans le cadre de l'activité du Conseil de l’Europe, en matière de coopération internationale en matière pénale, il conviendrait de porter une attention croissante aux problèmes résultant de la coopération avec les tribunaux internationaux compétents en matière pénale. Une telle approche devrait également considérer les efforts nécessaires à mettre en œuvre par les Etats membres pour coopérer pleinement avec les tribunaux internationaux compétents en matière pénale, lorsque la compétence de ces tribunaux est légalement reconnue dans les Etats concernés. 

42.  Le fait que les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe sont également applicables à des Etats non européens devrait également être d'avantage pris en considération. 

43.  Afin d’élargir la base juridique de la coopération des Etats membres avec des pays tiers, le CCPE recommande que le Comité des Ministres envisage la question d’inviter certains Etats non européens à adhérer à la Convention européenne d’extradition et à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale et aux protocoles y afférents.

Agir sur les ressources mises à la disposition de la coopération internationale

44.  Le CCPE recommande que les gouvernements des Etats membres mettent à disposition des ressources financières, matérielles et en personnel appropriées pour permettre d'accroître quantitativement et qualitativement la coopération internationale en matière pénale, notamment au niveau des juridictions et des parquets. Ces efforts devraient en particulier être centrés sur la possibilité de désigner au sein des juridictions concernées des juges et des procureurs spécialisés dans l'entraide judiciaire en matière pénale. Ils devraient également permettre aux praticiens de consacrer le temps nécessaire à un traitement approprié des demandes, tant dans leur formulation que dans les réponses données aux demandes reçues. Des ressources devraient enfin être dégagées pour améliorer la qualité linguistique de la coopération internationale, en mettant à la disposition des juridictions et des parquets les moyens appropriés en termes de traduction et d'interprétation.


DISPONIBILITE DU CCPE POUR COOPERER AVEC D'AUTRES INSTANCES

45.  Le cas échéant, le CCPE pourrait prêter son concours au développement d'initiatives allant dans ce sens. Il réitère sa pleine disponibilité à coopérer, en premier avec les autres Comités compétent au sein du Conseil de l'Europe, de même qu'avec d'autres instances ou organisations européennes et internationales compétentes. Un Ministère public de plus en plus préparé du point de vue professionnel à répondre aux exigences de la coopération internationale pourrait en effet jouer pleinement le rôle de "gardien des intérêts propres à la coopération internationale" que lui confère la Recommandation Rec(2000)19[33].

rÉsumÉ des RecommAndations

Afin d'améliorer les conditions institutionnelles, normatives et interpersonnelles pour le  développement d'une véritable culture juridique européenne de la coopération internationale en matière pénale, le CCPE recommande au Comité des Ministres et aux Etats membres du Conseil de l'Europe:

§  d'agir sur le cadre normatif de la coopération internationale

-    en poursuivant de manière prioritaire le travail visant à mettre à jour les Conventions du Conseil de l’Europe existantes dans le domaine de la justice pénale, notamment la Convention européenne d’extradition;

-    en accélérant la ratification et l'application effective des conventions pertinentes et en cherchant à simplifier les procédures internes pour favoriser l'entraide judiciaire;

§  d'agir sur la qualité de la coopération internationale:

-    en développant des formations appropriées des procureurs de même que d'autres acteurs de la coopération judiciaire internationale,

-    en établissant dans chaque Etat membre une structure appropriée pour garantir la spécialisation de certains magistrats dans le domaine de la coopération internationale,

-    en publiant des documents spécialisés ou des commentaires sur les droits et standards applicables en matière de droits de l'Homme dans le cadres des procédures pénales internationales, en en assurant leur mise à jour régulière,

-    en mettant à la disposition des praticiens des outils d'information mutuelle sur les systèmes judiciaires et les procédures, y compris à travers la mise en place au sein du Conseil de l'Europe d'une base de données,

-    en multipliant les occasions de rencontres et d'échanges entre praticiens des différents Etats membres, et notamment des colloques et séminaires spécialisés à l'attention des procureurs,

-    en améliorant la transmission et le traitement des demandes d'entraide grâce aux nouvelles technologies de l'information et à l'amélioration de la qualité rédactionnelle et linguistique des demandes,

-    en favorisant la transmission spontanée et directe d’informations entre praticiens;

§  de développer les échanges entre praticiens du droit:

-    en développant au niveau du Conseil de l'Europe une coopération et des échanges d'informations structurés, en cohérence avec le Réseau européen de coopération judiciaire en matière pénale et Eurojust;

-    en mettant en place dans chaque Etat, au niveau approprié en fonction du système juridique national, une "unité spécialisée" chargée d’assister les praticiens des Etats requérant ou répondant à une demande d'entraide judiciaire pour résoudre les difficultés rencontrées dans ce cadre;

-    en établissant des listes de contacts et d'adresses indiquant les noms des interlocuteurs compétents, leur spécialisation, leur domaine de responsabilité et en publiant cette liste sur un site Internet d'accès restreint administré par le Conseil de l'Europe;

-    en développant l'échange de magistrats de liaison;

-    en coopérant également au stade de la rédaction et de l'exécution des demandes d'entraide;

§  dans le cadre du Conseil de l'Europe, de renforcer la coopération avec les Etats tiers et les tribunaux internationaux compétents en matière pénale et les institutions ou organisations européennes et internationales compétentes;

§  d'accroître les ressources budgétaires et en personnel consacrée au sein des tribunaux et des parquets à la coopération internationale en matière pénale.


Annexe

Conventions du Conseil de l'Europe concernant

la coopération internationale en matière pénale

024  

Convention européenne d'extradition  

030  

Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale  

051  

Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition  

052  

Convention européenne pour la répression des infractions routières  

070  

Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs  

071  

Convention européenne sur le rapatriement des mineurs  *

073  

Convention européenne sur la transmission des procédures répressives  

082  

Convention européenne sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre  

086  

Protocole additionnel à la Convention européenne d'extradition  

088  

Convention européenne sur les effets internationaux de la déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur  

090  

Convention européenne pour la répression du terrorisme  

097  

Protocole additionnel à la Convention européenne dans le domaine de l'information sur le droit étranger  

098  

Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'extradition  

099  

Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale  

101  

Convention européenne sur le contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes à feu par des particuliers  

112  

Convention sur le transfèrement des personnes condamnées  

116  

Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes  

119  

Convention européenne sur les infractions visant des biens culturels  *

141  

Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime  

156  

Accord relatif au trafic illicite par mer, mettant en œuvre l'article 17 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes  

167  

Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées  

172  

Convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal  *

173  

Convention pénale sur la corruption  

182  

Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale  

185  

Convention sur la cybercriminalité  

189  

Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques  

190  

Protocole portant amendement à la Convention européenne pour la répression du terrorisme  *

191  

Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption  

196  

Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme  

197  

Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains  *

198  

Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme  *

Les Conventions marquées d'une * ne sont pas entrées en vigueur à cette date.


Avis N° 2 (2008)

du Conseil consultatif de procureurs européens

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

Les mesures alternatives aux poursuites

INTRODUCTION

1.     Le Conseil Consultatif de Procureurs Européens (CCPE) a été institué par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 13 juillet 2005 avec, en particulier, la tâche de rendre des avis concernant le fonctionnement des services du ministère public et de promouvoir l'application effective de la Recommandation Rec(2000)19 du 6 octobre 2000 sur le rôle du Ministère public dans le système de la justice pénale.

2.     L'Article 3 de cette Recommandation souligne que "dans certains systèmes de justice pénale, le ministère public (…) décide des mesures alternatives à la poursuite". L'Article 23-c de cette Recommandation indique également que le ministère public doit notamment "veiller à ce que le système de justice pénale fonctionne avec autant de célérité que possible".

3.     Le présent Avis a été préparé conformément au Mandat confié par le Comité des Ministres au CCPE[34], en tenant compte du programme cadre d’action générale pour les travaux du CCPE[35] et des conclusions de la Conférence des Procureurs Généraux d’Europe tenue à Celle (Allemagne) du 23 au 25 juin 2004 sur le thème : « Les rapports entre le ministère public et la police ».

4.     Lors de cette Conférence, les Procureurs Généraux d’Europe avaient relevé avec satisfaction une tendance à l’harmonisation des objectifs poursuivis en Europe, autour des principes d’intérêt général, d’égalité de tous devant la Loi et d’individualisation de la justice pénale, conformément notamment à la Recommandation Rec(2000)19 du Conseil de L’Europe. La Conférence avait souhaité la mise en œuvre des principes :

a    du choix possible entre la réponse pénale et les autres modes de réponse aux actes de délinquance, quel que soit le système de légalité ou d’opportunité des poursuites en vigueur, compte tenu de la nécessité de réprimer les infractions graves au regard de l’intérêt général;

b    du caractère sérieux, crédible et susceptible de prévenir la réitération du mis en cause et prenant en compte l’intérêt des victimes, que doit revêtir la mesure alternative;

c    du respect dans la mise en œuvre d’un choix alternatif à la voie pénale, de prescriptions légales établissant notamment un équilibre entre le droit des victimes et le traitement objectif équitable et impartial du mis en cause.

Le CCPE est d'avis que les questions relatives à la corruption et à la criminalité grave contre l'environnement devraient également être traitées dans ce contexte.

5.     En préparant cet Avis, le CCPE a également considéré les Recommandations du Comité des Ministres Rec(87)18 concernant la simplification de la justice pénale, Rec(85)11 sur la position de la victime et Rec(99)19 sur la médiation en matière pénale ainsi que les travaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la justice réparatrice[36]. Il a également  tenu compte également de la Décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales[37].

6.     Pour traiter cette question, le CCPE a décidé de réaliser une étude sur l’adoption des mesures alternatives à la poursuite afin de pouvoir identifier les meilleures pratiques suivies dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et les promouvoir. A cette fin, il a effectué une enquête auprès des membres nationaux du CCPE en leur demandant de remettre leurs réponses afin de nourrir la discussion sur ce thème lors de la 2ème réunion plénière du CCPE (Strasbourg, 28 – 30 novembre 2007). Le présent Avis tient compte des réponses de 23 Etats membres.

DEFINITIONS

7.     Est entendu comme « mesures alternatives aux poursuites » au sens du présent Avis, les mesures accompagnant l’abandon définitif, momentané, ou sous conditions des poursuites dans le cas où un délit a été commis, qui aurait sinon fait encourir à son auteur une sanction pénale comme l’emprisonnement ou l’amende avec ou sans sursis ainsi que des peines accessoires comme la déchéance de certains droits, etc.

8.     Il en résulte que la procédure de « plaider coupable devant » un tribunal n’entre pas dans le champ de cet Avis car elle n’écarte pas des poursuites pénales et débouche sur une condamnation.

9.     De même la « dispense de peine » qui existe dans certains Etats membres n’est pas considérée comme une alternative aux poursuites car elle suit une condamnation. 

CONSIDERATIONS GENERALES

10.  Le recours aux mesures alternatives aux poursuites n’est pas en contradiction avec le système, majoritaire en Europe, de légalité des poursuites, qui le plus souvent doit être compris ainsi : à chaque infraction à la loi il existe une réponse, sans que le type de réponse soit limité à la seule condamnation. Tous les systèmes connaissent de telles mesures.

.

11.  Certains Etats membres, connaissent le système d’opportunité des poursuites, d’autres celui de la légalité des poursuites, mais leur code de procédure pénale prévoit des exceptions comme :

-     les cas où la poursuite apparaît inutile par rapport à des objectifs énumérés dont : prévenir le renouvellement de l’infraction;

-     les cas où la compensation financière ou autre est réalisée;

-     les cas d’un mis en cause mineur.

12.  Dans certains pays, l’obligation de poursuite ne peut être évitée que pour les mineurs, dans le cadre de « mesures réformatrices » et dans des cas très particuliers pour des infractions mineures commises par des mis en cause primaires ou, en cas d’infraction moyenne, en cas de repentir sincère.

13.  L'autorité de poursuite, dans la plupart des pays, est particulièrement bien placée pour proposer et veiller à la réalisation des réponses alternatives qui constituent bien une réponse judiciaire aux infractions commises. Parfois, cela relève de son seul choix, mais il arrive que le juge doive donner son consentement à cette formule d’abandon des poursuites.

14.  Dans d'autres pays toutefois, le rôle du procureur est bien moindre que celui du juge qui seul peut décider l’abandon des poursuites, le Procureur étant tenu au strict respect du principe de légalité.

15.  Les mesures alternatives doivent répondre aux objectifs qui doivent guider l’action de la justice pénale : prévenir les infractions, favoriser la réparation du préjudice subi par la société, considérer l'intérêt des victimes et respecter les droits de la défense, constituer une vraie réponse aux actes illicites, éviter la récidive.

16.  Comme l’indiquent certaines législations, les mesures alternatives doivent être utilisées quand une sanction pénale ne paraît pas nécessaire pour éviter la réitération.

17.  Dans de nombreuses législations intervient la notion d’acte qui ne me menace pas la société de façon significative. En revanche, le recours aux mesures alternatives aux poursuites est parfois strictement encadré s’agissant des formes les plus graves de criminalité comme la traite d’êtres humains ou le terrorisme, ainsi que les crimes graves menaçant sérieusement et directement l’intérêt général.

18.  Les mesures alternatives aux poursuites, dont la palette peut s’enrichir progressivement, traduisent un stade d’évolution de la société et de modernisation de la justice particulièrement bienvenu par rapport au système traditionnel limité à la prison, avec ou sans sursis, ou aux amendes, en particulier en direction des mis en cause mineurs ou encore jamais condamnés.

19.  Ces mesures permettent de favoriser l’acceptation de la réponse judiciaire par le mis en cause, voire par la victime si elle y est convenablement associée. Parfois, le code prévoit que la victime peut s’opposer à toute forme d’abandon des poursuites: cette possibilité prend la forme d’un recours contre la décision de l’autorité en charge des poursuites, sous la forme d’un recours à l’autorité hiérarchique du procureur ou d’un appel devant à la juridiction supérieure. Dans certains Etats membres il n’y a pas de mesure alternative sans accord de la victime. 

20.  Les mesures alternatives ont également l’avantage de ne pas désocialiser le mis en cause et au contraire favorisent sa réinsertion : dans certaines Etats membres la procédure pénale recommande l’adoption de ces mesures quand l’infraction semble avoir été le fruit plus de l’inconscience que de l’indifférence aux lois et aux interdits légaux.

21.  Les mesures alternatives donnent souvent à la réparation une visibilité supérieure pour la société que le simple versement d’argent (trop superficiellement libératoire des consciences) ou l’enfermement.

22.  Alternatives à l’incarcération, elles font baisser le nombre de la population carcérale dans une Europe où un grand nombre des établissements pénitentiaires sont surpeuplés et où le budget des prisons absorbe souvent une part écrasante du budget de la justice.

23.  Les mesures alternatives permettent d’alléger la charge des tribunaux, mais elles constituent souvent un travail de mise en place très important pour les parquets.

24.  Les mesures alternatives ne doivent cependant pas être considérées comme des mesures d'économie des moyens : en effet elles demandent des moyens matériels - notamment des locaux - et humains conséquents. Elles exigent une préparation scrupuleuse et une information sur la nature des mesures alternatives aux poursuites, leur mise en œuvre et leur suivi. Elles demandent pour leur mise en œuvre des personnes de qualité et bien formées - comme par exemple des médiateurs - aux côtés des procureurs ; ces personnes doivent être convenablement rémunérés et être plus des professionnels que des bénévoles philanthropes, tout comme des associations qui accomplissant des missions de services publics ont vocation à recevoir des subventions.

25.  Dans certains Etats membres la Loi énumère limitativement les cas où il pourra être procédé à la mise en œuvre d’alternatives aux poursuites, dans d’autres cela résulte d’instructions non contraignantes. Conformément à la Recommandation Rec(2000)19[38] et pour favoriser l’équité, la cohérence et l’efficacité de l’action du Ministère Public dans ce domaine, les Etats membres devraient veiller à:

-     définir des lignes directrices générales relatives à la mise en œuvre de la politique pénale;

-     arrêter des principes et des critères généraux servant de référence aux décisions dans les affaires individuelles afin d’éviter tout arbitraire dans le processus de prise de décision.

26.  Le public devrait être informé de cette organisation et de ces lignes directrices, principes et critères. Il est recommandé que des dispositions spécifiques soient prises pour tenir compte de la mise en œuvre effective des lignes directrices susmentionnées.

 

27.  Avant d’adopter des mesures alternatives aux poursuites, les conditions économiques, administratives et structurelles devraient être évaluées pour vérifier la possibilité de mettre en œuvre pratiquement et concrètement de telles mesures.

EXEMPLES DE MESURES ALTERNATIVES AUX POURSUITES TIRES DE LA PRATIQUE DES PAYS DU CONSEIL DE L’EUROPE

28.  Plusieurs bonnes pratiques peuvent être relevées dans les Etats membres du Conseil de l'Europe pour mettre en œuvre des mesures alternatives aux poursuites. Le CCPE tient à attirer l'attention sur certaines d'entre elles.

29.  Le "Rappel à la Loi" est très souvent utilisé dans certains Etats membres, que l’on nomme en anglais  « caution » quand elle est faite avec une certaine solennité par un facilitateur spécialement qualifié et notamment pour les mineurs: le procureur ou toute autorité judiciaire compétente organise un entretien solennel entre lui ou son délégué et le contrevenant, au cours duquel ce dernier doit se voir rappeler la règle de droit et les risques de sanction encourus s’il recommence. L’objectif est de favoriser une prise de conscience chez l’auteur, des conséquences de son acte, pour la société, la victime et pour lui même. Le rappel à la Loi est utilisé en cas de trouble mineurs causés à la société ou aux individus par des personnes non encore condamnées. Une autre formule approchante est pratiquée dans les systèmes de justice réparatrice, qui inclut une discussion relative à la gravité de l’acte, etc.

 

30.  Les personnes mises en cause peuvent être renvoyées vers  une structure sanitaire, sociale ou professionnelle : le procureur ou toute autorité judiciaire compétente enjoint à l’auteur des faits de prendre contact avec un type de structure désignée par exemple une association. Il y suivra un stage ou une formation sur un thème en relation avec l’infraction par exemple en cas d’infractions routière, un stage au cours duquel outre des règles de conduite automobile, des rencontres avec des personnes lourdement handicapées à la suite d’accidents, l’aideront à prendre conscience des conséquences de la mauvaise conduite. Autre exemple: en cas de carence éducative grave à l’égard d’enfants mineurs, un stage de « parentalité » pourra être offert à des parents « dépassés ». Pour un alcoolique mis en cause: des services d’hygiène alimentaire pourront organiser des sessions; pour de jeunes mis en cause, auteurs de désordres ou de comportements racistes ou antisociaux des stages de citoyenneté pourront être proposés afin que le mineur prenne conscience de la gravité de ses actes et change de comportement.

31.  La régularisation d’une situation constitutive d’une infraction tend à faire disparaître effectivement et rapidement le trouble issu de la violation de la Loi : par exemple, si un conducteur n’a pas été à même de présenter un permis de conduire lors d’un contrôle routier, on l’invitera à le présenter le lendemain. En matière de protection de l’environnement et d’urbanisme: la remise en état est souvent un remède particulièrement approprié et dissuasif par le travail qu’il occasionne.

32.  Le dommage résultant des faits peut parfois être réparé, soit par la restitution du bien frauduleusement soustrait, soit par un dédommagement pécuniaire soit par l’expression d’excuses envers la victime. La réparation est parfois organisée dans le cadre d’un processus de médiation entre l’auteur et la victime qui permet de constater l’accord sur ces modalités et, pour le cas où le risque de contact entre l’auteur et la victime existe dans le futur, de prévenir la récidive – travail au sein de la communauté, par exemple.

33.  La réparation pénale pour les mineurs mis en cause peut prendre la forme d'une action éducative à laquelle adhère le mineur par exemple: travail gratuit chez une personne âgé, lettre d’excuses à une victime, etc.

34.  L’éloignement familial peut être imposé à l’auteur de violences familiales.

35.  La personne peut être mise en observation, période au delà de laquelle elle n’est plus poursuivie si elle n’est plus suspectée d’avoir commis d’autres infractions.

36.  Une transaction peut être proposée à l’auteur des faits qui accepte une sanction qui sera validée par la justice: remise du permis de conduire, travail non rémunéré, interdiction de paraître dans certains lieux, paiement d’une somme d’argent. Cette transaction, validée par un juge, s’approche beaucoup du plaider coupable mais est considérée comme « alternative aux poursuites car elle ne constitue pas une condamnation stricto sensu et n’est pas inscrite au casier judiciaire. Dans certains Etats membres, l’amende fiscale est considérée comme une forme de mesure alternative.

37.  Injonction peut être faite au toxicomane de se soigner (dans certains pays on ne poursuit plus pour le simple usage de stupéfiants mais on privilégie en effet le traitement).

38.  Il parait particulièrement souhaitable et efficace pour prévenir le développement de justiciers privés, l’incompréhension de la victime, la persistance de conflits dangereux, d’associer la victime au choix de la procédure et au contenu de la mesure (cas de médiation, de réparation ou composition pénale).

39.  Dans certains Etats membres, on prend également en compte la motivation de l’acte et l’attitude de l’auteur: certaines motivations comme le racisme la discrimination ou le sexe excluant le recours à l’alternative.

40.  Une "repentance active" peut être appliquée dans les conditions suivantes: commission d'une première infraction sans gravité; l'auteur de l'infraction s'est rendu de lui-même et reconnaît pleinement sa culpabilité; assistance pour déterminer l'infraction: l’auteur devient collaborateur à l’action de la justice ; réparation du dommage résultant de l'infraction: l’infraction ne constitue plus un danger pour la société du fait de la reconnaissance de culpabilité.

41.  Si les personnes se conforment aux mesures alternatives, elles ne seront pas poursuivies. Dans certains pays, aucune mention de la mesure ne figurera à son casier judiciaire. Dans le cas contraire de non respect de la mesure, la poursuite et la condamnation peuvent être retenues par le ministère public. 

LA PLACE DE LA VICTIME

42.  Il est essentiel que les droits des victimes soient préservés et que, dans les Etats qui connaissent de l’opportunité des poursuites, la victime, qu'elle soit individuelle ou constituée officiellement en un groupe, puisse exercer un recours contre le classement sans suite de sa plainte suite au recours à une mesure alternative aux poursuites. Dans certains pays, il dépend même de la victime, dans certains cas limitatifs d’infractions qui ne lèsent pas la communauté, de décider ou non si des poursuites doivent être exercées.

43.  Par ailleurs la mesure alternative doit représenter une réponse sérieuse et proportionnée par rapport à l’infraction commise et au trouble ou aux souffrances qu’elle a causés.

44.  La médiation et la conciliation en matière pénale peut également être utilement utilisée, le cas échéant, en articulation avec les mesures alternatives aux poursuites.

CONCLUSIONS

45.  Au vu de l’enquête réalisée auprès des Etats membres du Conseil de l’Europe et dans la ligne des recommandations de la Conférence des procureurs généraux qui l’ont précédé, le CCPE est d’avis que:

a.     une justice pénale moderne et en adéquation avec les besoins de nos sociétés doit recourir aux mesures alternatives aux poursuites quand la nature et les circonstances des infractions le permettent; les autorités nationales compétentes doivent organiser la formation et l'information du public quant à la nature et aux avantages, dans l’intérêt général, des mesures alternatives aux poursuites;

b.    la seule imposition de peines pécuniaires et de peines d’incarcération constitue une réponse insuffisamment efficace et fine à la délinquance du début de ce vingt et unième siècle : aussi bien pour éviter la récidive, réparer les dommages, que pour éteindre les conflits, répondre aux attentes de la société et des victimes;

c.     les Etats membres doivent tenir compte des instruments et des possibilités nouvelles constituant des réponses adaptées et diverses à la délinquance;

d.    pour favoriser l’équité, la cohérence et l’efficacité de l’action du ministère public, il conviendrait de veiller à définir des règles claires, des lignes directrices générales et des critères relatifs à la mise en œuvre de la politique pénale concernant les mesures alternatives aux poursuites; les autorités compétentes de l'Etat doivent donc être incitées à adopter de telles dispositions qui seront rendues publiques afin d’appliquer effectivement ces mesures alternatives;

e.     les mesures alternatives doivent être appliquées avec impartialité, conformément aux lignes directrices nationales, le cas échéant, conformément au principe d'égalité devant la loi et en évitant tout arbitraire dans le processus de prise de décision dans les affaires individuelles.

f.     pour garantir la transparence et la responsabilité, les procureurs doivent pouvoir rendre compte des raisons pour lesquelles ils ont recours aux mesures alternatives au niveau local, régional ou national, à travers les media ou des rapports publics sans intervention non justifiée relative à l’indépendance et l’autonomie du procureur;

g.    des ressources matérielles et humaines appropriées doivent être allouées au ministère public et aux autres autorités de l'Etats compétentes afin qu'une réponse efficace, pertinente et rapide puisse être donnée à travers des mesures alternatives;

h.     l’instauration de mesures alternatives ne doit pas être guidée par des motifs d’économie mais principalement par le souci de rechercher une justice de haute qualité fonctionnant avec rapidité et efficacité;

i.      les procureurs doivent engager et mettre en œuvre effectivement de telles mesures alternatives; il ne peut y avoir d'intervention non justifiée dans les activités des procureurs lorsque ceux-ci exercent leur pouvoir discrétionnaire relatif à de telles mesures.

j.      les Etats membres et les autorités compétentes doivent développer des structures et des programmes de formation pertinents et soutenir les associations et organisations professionnelles capables d’apporter un concours de qualité à la mise en œuvre des mesures alternatives;

k.     les mesures alternatives doivent préserver les intérêts des victimes et même permettre de mieux prendre ceux-ci en compte par la qualité de la réparation, la rapidité de la réponse et, le cas échéant, le dialogue qu’elle introduit entre le mis en cause et sa victime;

l.      les mesures alternatives aux poursuites ne doivent jamais priver les victimes de leur droit à demander à ce que leurs droits soient sauvegardés;[39]

m.   les mesures alternatives ne doivent jamais conduire à contourner les règles du procès équitable en imposant une mesure à une personne innocente ou qui ne pourrait être condamnée du fait d’obstacles procéduraux comme la prescription, ni quant il y a un doute sur la responsabilité de l’auteur identifié ou l’étendue du dommage causé par l'infraction ;

n.     l'acceptation d'une mesure alternative, en cas d'exécution, doit exclure toute poursuite à raison des mêmes faits (ne bis in idem);

o.    si la personne suspectée se voit proposer une mesure alternative, elle doit être informée si un refus de sa part ou un accomplissement non satisfaisant de la mesure l’expose à des poursuites pénales;

p.    les Etats membres et les autorités compétentes devraient s’inspirer des bonnes pratiques suivies dans les autres Etats pour améliorer la qualité de leurs réponses à la délinquance, en s’inspirant notamment des informations recueillies par le CCPE;

q.    les Etats membres pourraient envisager la possibilité de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux permettant d’exécuter sur le territoire d’un autre Etat certaines mesures alternatives comme par exemple les injonctions de soins, les stages de conduite ou de parentalité etc.;

46.  Le CCPE recommande que le Conseil de l'Europe considère la question des mesures alternatives aux poursuites dans le sens de leur mise en œuvre effective dans les Etats membres ainsi que la possibilité d'élaborer un instrument approprié sur les mesures alternatives aux poursuites et leur exécution transfrontalière.

47.  Le CCPE souhaite inviter à une de ses réunions un ou plusieurs procureurs provenant de systèmes judiciaires différents identifié comme ayant œuvré dans la mise en œuvre efficace des mesures alternatives aux sanction, pour être informé de son (leur) expérience et préparer un document audiovisuel destiné à être diffusé auprès des autorités compétentes.

 

48.  Le CCPE est à la disposition du CDPC, du CCJE et de la CEPEJ pour apporter le point de vue des procureurs qu’il représente, aux travaux et réflexions de ces instances sur la question des mesures alternatives.


Avis n° 3 (2008)

du Conseil consultatif de procureurs européens

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

Le rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale

I.   INTRODUCTION

1.    Le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) a été créé le 13 juillet 2005 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui lui a fixé pour tâche la formulation d’avis sur les questions relatives aux poursuites pénales et la mise en œuvre effective de la Recommandation Rec(2000)19 du 6 octobre 2000 relative au rôle du ministère public dans le système de justice pénale (ci-après la Recommandation)[40].

2.    Cet avis a été préparé en conformité avec le programme-cadre d’action générale pour les travaux du CCPE adopté par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 29 novembre 2006[41],  le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ayant également demandé au CCPE de recueillir des informations sur le fonctionnement des services du ministère public en Europe[42].

3.    La Recommandation précise ce qu’est le rôle des procureurs et des services du ministère public dans le système de justice pénale ainsi que les principes fondamentaux qui sous-tendent leurs interventions mais elle ne fait aucunement mention de ce que pourraient être les missions des procureurs en dehors du système de la justice pénale. Cependant, dans la plupart Etats membres, ce rôle et ces devoirs couvrent, avec une étendue variable, des compétences juridictionnelles ou pas en dehors du système de la justice pénal.  

4.    Il existe en Europe de nombreux systèmes différents qui régissent le rôle des ministères publics, y compris en dehors du système de la justice pénale, et qui résultent de traditions juridiques et historiques distinctes[43]. C’est aux Etats membres qu’il revient d’élaborer leurs structures juridiques et les modalités de leur fonctionnement, pour autant qu’ils respectent intégralement les droits de l’homme et les libertés fondamentales des individus, le principe de la primauté du droit et leurs obligations internationales dont, notamment, celles qui résultent de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après dénommée : « la Convention »). Le rôle du ministère public et l’ampleur de ses attributions – notamment en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et la défense de l’intérêt général – sont définis par le droit interne de chaque Etat membre. La présence ou l’absence de compétences du ministère public dans le domaine non pénal ainsi que leur étendue sont étroitement liées à l’héritage culturel aux traditions juridiques et à l’histoire constitutionnelle des nations[44].

5.    Dans la formulation de son Avis, le CCPE a accordé une attention toute particulière à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci-après dénommée : « la Cour ») les objectifs du Conseil de l’Europe, le principe de la primauté de droit et le développement de l’identité et diversité culturelles en Europe. Dans la jurisprudence de la Cour, il était apparu que certaines violations de la CEDH n’étaient pas étrangères aux missions des ministères publics étrangères au système de la justice pénale et où l’accent avait été mis sur l’exigence de procédures appropriées[45]. Il a aussi été pris note de la Recommandation 1604(2003) de l’Assemblée Parlementaire sur le Rôle du ministère public dans une société démocratique régie par le principe de la primauté du droit[46] ainsi que des conclusions produites en réponse par le Comité des Ministres[47].

6.    Dès qu’ils ont eu l’opportunité de se pencher sur le sujet, les procureurs généraux d’Europe étaient conscients de ce que « … les interventions hors du domaine pénal des services du ministère public ne pouvaient trouver d’autres justifications que la mission générale qui leur est fixée d’agir « au nom de la société et en défense de l’intérêt général » afin d’assurer l’application de la loi telle que prévue par la Recommandation Rec(2000)19 et que cette mission n’était pas de nature à remettre en cause le principe de la séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, ni le fait qu’en dernière instance, il incombait aux juridictions de jugement compétentes – et à elles seules – de régler les différends après avoir entendu les parties »[48] [49].

7.    A l’issue de la Conférence de Bratislava où avait été évoquée la question du rôle extra-pénal des procureurs, la Conférence de Celle a reconnu, dès le départ que « …dans la plupart des systèmes juridiques, les ministères publics avaient également des missions parfois substantielles dans les domaines commercial, civil et administratif, voire même des responsabilités dans le contrôle de la légalité des décisions prises par les gouvernants[50] ».   Cela dit, la même Conférence avait tenu à reconnaître l’absence de principes directeurs en la matière à l’échelon international et avait donné instruction à son Bureau de lui soumettre un document de réflexion pour sa prochaine session plénière.

8.    En conséquence, le document de réflexion présenté lors de la Conférence de Budapest en 2005[51] qui résumait et proposait une évaluation des réponses à un questionnaire préparé par le Bureau, a servi de premier outil d’analyse des activités extrapénales des ministères publics, et les conclusions des réunions de la CPGE qui s’en inspiraient ont constitué les premières réflexions systématiques de l’Europe sur le sujet. Cette Conférence devait conclure « que cette question importante et complexe méritait que, lors d’une phase d’examen ultérieure, plus ample considération lui soit accordée »[52].

9.    La Conférence de Moscou (2006) devait conclure que « …lors de la Conférence, les meilleures pratiques objet du débat sur la protection effective des personnes par les services des ministères publics et qui ressortissent des compétences extra pénales de ces derniers, devraient faire l’objet d’un examen en vue d’une éventuelle application de cette expérience positive par les Etats membres dont les services du ministère public se sont vus reconnaître de telles compétences »[53] .

10.   La Conférence des procureurs généraux d’Europe (Saint-Pétersbourg, 2008) a souligné « … la nécessité croissante dans nos sociétés européennes de protéger efficacement les droits des groupes vulnérables, notamment les enfants et les jeunes, les témoins, les victimes et les personnes handicapées ainsi que les droits socio-économiques de la population en général. Ils se sont dits convaincus du rôle crucial que jouent les procureurs dans ce contexte. De surcroît, la participation croissante de l’Etat au règlement de problèmes d’actualité tels que la protection de l’environnement, les droits des consommateurs ou la santé publique, peut conduire à une extension du rôle du ministère public, dans le respect plein et entier de la CEDH »[54].

11.   Les points de vue exprimés par la Conférence des procureurs généraux de l’Europe (CPGE) ont été adoptés par le CCPE. Sur la base des réponses de 43 Etats membres au questionnaire tel qu’amendé à Popowo (4-5 juin 2007)[55], un nouveau rapport circonstancié a été élaboré et présenté à la Conférence de Saint-Pétersbourg[56]. Lors de cette conférence ont été formulés plusieurs impératifs particuliers en matière d’attributions extrapénales[57], qui sont reflétés dans le présents avis.

12.   Par ailleurs, la préparation du présent Avis a fait appel à certains documents adoptés par d’autres instances et organisations internationales dont, notamment, les Nations Unies[58] et la Communauté des Etats indépendants[59].

13.   Sur la base des travaux issus des réunions de la CPGE, des sessions du CPE et du CCPE cet Avis se propose de recenser les statuts, les pouvoirs, les pratiques et les fructueuses expériences que les ministères publics de la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ont pu connaître dans leurs activités en dehors du système de la justice pénale et de formuler des conclusions visant à la promotion et à l’optimisation de ces activités. La formulation de cet Avis a montré le besoin de considérer dans les travaux à venir l’importance des principes de la Recommandation au regard des compétences des ministères publics dans le domaine extra pénal.

II.    SITUATION ACTUELLE

14.   Au regard des réponses au questionnaire, des conclusions des CPGE et des sessions du CPE, le CCPE a défini les grandes lignes suivantes concernant la situation du rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale.

15.   Deux groupes principaux d’Etats membres ont pu être identifiés : ceux dont les ministères publics n’ont aucune compétence en dehors du système de la justice pénale et ceux dont ces mêmes services ont certaines attributions – voire des pouvoirs étendus – en dehors du système de la justice pénale.

16.   Dans la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe, il s’avère que les ministères publics ont certaines attributions et compétences en dehors du système de la justice pénale[60]. Leurs domaines de compétence sont très variés et concernent, entre autres, le droit civil, le droit de la famille, le droit du travail, le droit administratif, le droit électoral ainsi que la protection de l’environnement des droits sociaux et des groupes vulnérables tels que les mineurs, les handicapés et les personnes en situation économique de précarité. Dans certains Etats membres, les compétences et la charge de travail des procureurs dans ces domaines l’emportent même sur le rôle qui leur est dévolu en matière de poursuites dans le système de la justice pénale. Par contre, les services des ministères publics de certains Etats déclarent que leurs attributions dans ce domaine ne sont pas particulièrement importantes ou qu’ils n’ont à les exercer que très rarement dans la pratique[61].

17.   Les ministères publics de certains Etats membres n’ont aucune compétence en dehors du système de la justice pénale[62]

18.   En matière de droit civil, les compétences en cause concernent différentes branches du droit tel que le droit civil, le droit de la famille, le droit du travail, le droit commercial, le droit de l’environnement ou le droit de la sécurité sociale et portent sur divers domaines tels que : la nullité des mariages, les déclarations de décès, la recherche en paternité ou l’annulation d’une décision d’adoption, le maintien des personnes dans des établissements de soins, la limitation de la capacité juridique des personnes, la protection des droits des enfants, la révocation d’administrateurs ou la dissolution de sociétés, les droits patrimoniaux et la défense des intérêts de l’Etat, la privatisation, l’indemnisation de dommages éventuellement causés par l’appareil judiciaire, le contrôle de l’exercice de certaine professions réglementées, la dissolution d’associations de droit civil, la déclaration de violations du droit du travail ou du droit de la sécurité sociale ainsi que la gestion de l’environnement. Par ailleurs, dans certains pays, les procureurs sont habilités à intervenir en tant que représentants légaux de l’Etat et peuvent engager des instances, notamment contre des personnes soupçonnées d’avoir porté atteinte à des biens publics.

19.   Dans certains Etats membres, non seulement le ministère public peut agir pour protéger juridiquement les intérêts et les droits des particuliers, mais il est habilité à intervenir en cas de violation des droits de nombreux justiciables. De telles compétences en matière de supervision de l’application de la loi et de légalité de certains actes qui sont le fait d’instances de l’Etat et d’autorités locales, font du ministère public un instrument fondamental de la protection des droits et des libertés d’importants groupes de particuliers ou du public en général.

20.   Il y a deux particularités communes aux situations concernées par les missions de droit public. Dans tous les pays où les procureurs ont compétence pour superviser les activités des autorités administratives, ils ont également la possibilité d’engager des actions en justice contre les décisions prises par de telles autorités. Certains Etats relèvent que les services des ministères publics ont le droit de formuler, par exemple, des avis sur les projets de loi relatifs à la structure de l’appareil judiciaire, aux règlements intérieurs ou au droit positif. Des compétences spécifiques ont été reconnues à certains ministères publics par exemple, à propos de décisions administratives : formulation d’avis juridiques sur des propositions de lois, demande de médiation impérative ou règlement à l’amiable avant toute action en justice contre l’Etat, contrôle du respect des règles de détention, suivi et contrôle de l’exécution des lois, mission d’avertissement, de protestation ou de contestation, avec ou sans pouvoir de suspension d’une décision prise par une instance administrative, motion fondée sur une exception d’inconstitutionnalité, action en contestation de la validité d’une élection ou d’un référendum, présence active aux séances du Cabinet et participation à des commissions d’enquête parlementaires. Dans certains pays, les procureurs sont également investis de certaines missions dans les domaines du droit civil, administratif, social ou du droit du travail ; mais l’élaboration d’avis consultatifs peut alors être la seule tâche qui leur soit confiée.

21.   Du point de vue du droit procédural, certaines compétences sont limitées au seul engagement d’instances judiciaires (ce qui est caractéristique de leurs attributions en matière de droit civil, mais vaut également pour certaines missions en matière de droit public) tandis que dans d’autres cas – généralement lorsqu’il s’agit de droit public – ces compétences s’exercent directement hors de la sphère proprement judiciaire (réclamations, vérifications, rappel à l’ordre, etc.). Dans certains pays, afin d’éviter un encombrement des tribunaux – les procureurs se sont vus donner des pouvoirs de décider sur certaines requêtes par les particuliers, avec la possibilité des parties concernées de saisir un tribunal.

22.   Les actions en justice – indépendamment des règles de procédure qui les régissent (procédures civiles ou administratives spéciales) – sont inscrites dans le cadre normal de la procédure judiciaire à laquelle les procureurs sont partie. Les ministères publics n’ont pas fait mention de l’existence de facultés ou de pouvoirs spéciaux lorsque les procureurs prennent part à des procédures civiles en tant que requérants : ils y ont alors les mêmes pouvoirs et facultés que les autres parties à l’instance. Leur rôle n’est pas exclusif : la procédure peut tout aussi bien être engagée par d’autres personnes intéressées. En pareils cas, les procureurs n’ont rigoureusement aucun pouvoir de décision en ce qui concerne l’appréciation au fond des affaires et leurs interventions se limitent à l’engagement de la procédure par le dépôt d’une requête au civil.

23.   Dans la quasi-totalité des pays concernés pratiquement tous les ministères publics compétents dans ce domaine ont la possibilité d’engager de nouvelles actions en justice et d’utiliser les voies de recours ordinaires et extraordinaires (appels), en leur qualité de parties à la procédure. Néanmoins, des règles pourront être identifiées (interdiction d’un recours extraordinaire ou proposition de réouverture des affaires; interdiction d’un accord au nom d’une partie).

24.   Dans certains Etats membres, les ministres public disposent également de quelques compétences particulières telles que leur rôle dans l’administration et la gestion de l’appareil judiciaire ou encore leurs fonctions de conseil des pouvoirs judiciaire, exécutif et législatif. 

25.   Les objectifs fixés aux activités des procureurs, en dehors du système de la justice pénale et indépendamment de leurs différences de fond ou de forme, sont davantage concordants : veiller au respect de la primauté du droit (exécution des décisions prises démocratiquement, principe de la légalité, respect de la loi, recours contre les infractions à la loi), protéger les droits et les libertés des personnes (et, pour l’essentiel, de celles qui ne peuvent les protéger par elles-mêmes – mineurs, SDF (personnes sans domicile fixe), handicapés mentaux –, protéger le patrimoine et les intérêts de l’Etat, défendre l’intérêt général (ou l’ordre public), harmoniser les compétences juridictionnelles des tribunaux (recours spéciaux contre les décisions de justice définitives dans l’intérêt de la loi ou interventions en tant que parties dans les procédures engagées devant les plus hautes instances judiciaires).

26.   Les ministères publics qui ont des compétences étendues en dehors du système de la justice pénale disposent souvent d’unités spéciales ou d’entités mixtes au sein de leur structure organisationnelle en charge de ces attributions extrapénales. Dans certains Etats membres, il n’existe pas de département spécifique mais les missions en cause sont confiées à des procureurs spéciaux nommés selon les besoins par les instances auxquelles ils appartiennent et en fonction du nombre de dossiers à traiter ; il peut être interdit à ces procureurs d’intervenir dans des procédures pénales.

27.   Par ailleurs, le CCPE a pris note de pratiques occasionnelles inappropriées des ministères publics intervenant en dehors du système de la justice pénale et qui ont été relevées par la Cour et par certaines Cours constitutionnelles[63] ou qui ont pu motiver les critiques d’autres organes du Conseil de l’Europe à cet égard, les circonstances les plus troublantes concernent le rejet sans motif de requêtes introduites devant des tribunaux civils ou des interventions dans une procédure judiciaire sans véritable raison (intérêt de l’Etat, bien public ou protection des droits) et en violation du principe d’égalité des armes, l’annulation de décisions de justice définitives en violation du principe de « force de la chose jugée » (res judicata)[64]ou encore la participation de procureurs à des collèges de magistrats membres de Cours suprêmes qui suppose confusion entre la fonction décisionnaire des juges et les tâches imparties aux procureurs ou enfin l’existence d’un droit sans limite à engager des actions en justice.

28.   Il est un fait que dans de nombreux Etats pays, les procureurs contribuent à l’élaboration d’une jurisprudence. Leur rôle en la matière ne doit pas leur permettre d’intervenir sans contrôle sur la prise de décision par les juges.   

III.   CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

29.   Actuellement, les activités du ministère public en dehors du système de la justice pénale sont principalement déterminées par les besoins de la société dans la protection des droits de l’homme et de l’intérêt public.

30.   En plus du rôle des tribunaux et d’autres institutions telles que l’ombudsman, le rôle du ministère public dans la protection des droits de l’homme défini par les lois internes des Etats membres est très apprécié[65].

31.   Cependant, il n’existe pas de normes juridiques internationales communes ou de règles applicables aux tâches, aux fonctions et à l’organisation du ministère public en dehors du domaine pénal. Dans le même temps, tous les systèmes juridiques font de cette entité un instrument de protection important des droits de l’homme, de préservation de la légalité et de la primauté du droit et de défense de la société civile. La grande diversité des fonctions des ministères publics en dehors du système de la justice pénale est le produit de traditions juridiques et historiques nationales. La définition de leur statut et des procédures institutionnelles et juridiques qui régissent leurs fonctions de protection des droits de l’homme et du bien public – dans le respect du principe de la primauté du droit et des obligations internationales de l’Etat – relève de la souveraineté de ce dernier. L’harmonisation des systèmes en vigueur dans la « grande Europe » repose sur les dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et s’inspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

32.   Il incombe à tous les Etats d’Europe de développer et de renforcer la capacité de leurs instances et organes à défendre les droits de l’homme, s’agissant, notamment, des tribunaux et des ministères publics. Leur efficacité dans la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne saurait s’accommoder de l’affaiblissement de certaines procédures au profit de certaines autres mais implique, au contraire, leur développement simultané ; leur objectif commun vise la protection des droits et des libertés des personnes et des citoyens ainsi que des intérêts individuels de la société et de l’Etat.

33.   Dans bon nombre d’Etats européens, l’importance du rôle de l’ombudsman ne cesse de croître (qu’il s’agisse de sa compétence générale ou de sa spécialisation dans la protection des droits individuels, notamment des femmes et des enfants). Il est nécessaire qu’un nombre suffisant d’entités, d’organisations et de responsables se posent la question de la protection des droits de l’homme et de la défense des libertés fondamentales. Il doit être possible pour chacun de choisir par quels moyens procéduraux (officiels ou pas) ses intérêts seront défendus, y compris s’agissant des structures que la société civile met à sa disposition.

34.   Dans un état démocratique les procureurs peuvent avoir ou ne pas avoir des compétences en dehors du système de la justice pénale. Le CCPE invite les Etats membres à s’assurer que l’exercice de ces compétences reste subordonné aux principes suivants :

a.         s’agissant des tâches et activités confiées aux procureurs en dehors du domaine de la justice pénale, le principe de la séparation des pouvoirs devra être respecté tout comme le rôle des tribunaux dans la protection des droits de l’homme ;

b.         l’action du procureur agissant en dehors du système de justice pénale doit être guidée par l’impartialité et l’équité ;

c.         les fonctions en cause doivent s’exercer « au nom de la société et en défense de l’intérêt général »[66], pour assurer l’application de la loi, en respectant les droits de l’homme et les libertés fondamentales et dans le cadre des missions confiées aux procureurs par la loi, en tenant compte des principes de la Convention ainsi que de la jurisprudence de la Cour;

d.         de telles compétences reconnues aux procureurs doit être réglées par la Loi et de façon aussi précise que possible ;

e.         aucune intervention injustifiée dans les activités des ministères publics ne saurait être autorisée ;

f.          lorsque leurs interventions s’inscriront en dehors du domaine de la justice pénale, il conviendra que les procureurs jouissent des mêmes droits et obligations que n’importe quelle autre partie à l’instance et qu’ils ne bénéficient d’aucun privilège dans la procédure judiciaire (« égalité des armes ») ;

g.         l’intervention des ministères publics hors du cadre de la justice pénale, au nom de la société et en défense de l’intérêt général ne saurait emporter violation du principe de la force exécutoire des décisions de justice devenues définitives (res judicata) à quelques exceptions près, s’agissant de celles fixées par les obligations internationales de l’Etat et, notamment, par la jurisprudence de la Cour;

h.         la loi devrait contraindre les procureurs à motiver leurs interventions et à rendre leurs conclusions accessibles aux personnes ou institutions impliquées ou intéressées par chaque dossier en cause ;

i.          le droit que peuvent avoir des personnes ou des institutions impliquées ou intéressées dans des affaires de droit civil à contester des mesures ou l’absence de décisions des procureurs devra être garanti ;

j.          les développements de la jurisprudence de la Cour relative aux activités déployées par les procureurs en dehors du domaine pénal seront suivis attentivement afin de s’assurer que le fondement juridique de ces activités et la pratique correspondante soient parfaitement conformes aux décisions correspondantes de la Cour.

35.   En fonction du nombre d’affaires, les ministères publics dotés de compétences en dehors du domaine pénal sont invités, si nécessaire, à mettre sur pied des unités spécialisées ou en l’absence, des procureurs spécialisés dans leurs structures organisationnelles ainsi que suffisamment de ressources financières et humaines compétentes pour gérer les activités extrapénales.

36.   Les ministères publics concernés devraient organiser et développer dans leurs activités en dehors du domaine pénal, une coopération ou des échanges avec les ombudsmen et les organisations de ce type ainsi qu’avec les structures de la société civile dont, notamment, les mass-médias.

37.   Des circulaires ou des lignes directrices qui résument les bonnes pratiques et les recommandations destinées à harmoniser, le cas échéant, l’approche des activités des procureurs en dehors du domaine pénal devraient être élaborées.

38.   Les Etats membres ou les ministères publics concernés devraient mettre sur pied des programmes de formation à l’intention des procureurs engagés dans ce type d’activités en dehors du domaine pénal.

39.   Les Etats membres ou les ministères publics concernés devraient échanger leurs expériences notamment leurs meilleures pratiques ainsi que leurs textes législatifs et tous autres instruments normatifs.

 

40.   Le CCPE recommande au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe d’envisager l’élaboration des principes européens communs, en particulier sur le statut, les pouvoirs et la pratique du ministère public en dehors du système pénal. La question doit être traitée à la lumière de la protection des droits de l’homme, des libertés fondamentales, du principe démocratique de la séparation des pouvoirs dans un Etat et de l’égalité des armes.


RESUME DES RECOMMANDATIONS

 Le CCPE considère que les Etats dont les ministères publics ont des compétences extra pénales, doivent s’assurer que ces fonctions soient accomplies en conformité avec les principes d’un Etat fondé sur la démocratie et la primauté de droit et tout particulièrement que :

a.     le principe de la séparation des pouvoirs est respecté en relation avec la mission des procureurs et les activités confiées en dehors du domaine de la justice pénale tout comme le rôle des tribunaux dans la protection des droits de l’homme ;

b.    le procureur agissant en dehors du système de justice pénale est guidé par l’impartialité et l’équité ;

c.     les fonctions en cause doivent s’exercer « au nom de la société et en défense de l’intérêt général », pour assurer l’application de la loi, en respectant les droits de l’homme et les libertés fondamentales et dans le cadre des missions confiées aux procureurs par la loi, en tenant compte des principes de la Convention ainsi que de la jurisprudence de la Cour;

d.    de telles compétences reconnues aux procureurs sont régies par la loi et de façon aussi précise que possible ;

e.     il n’y aura aucune intervention injustifiée dans les activités des ministères publics;

f.     lorsque leurs interventions s’inscriront en dehors du domaine de la justice pénale,   il conviendra que les procureurs jouissent des mêmes droits et obligations que n’importe quelle autre partie à l’instance et qu’ils ne bénéficient d’aucun privilège dans la procédure (« égalité des armes ») ;

g.    l’intervention des ministères publics hors du cadre de la justice pénale, au nom de la société et en défense de l’intérêt général ne saurait emporter violation du principe de la force exécutoire des décisions de justice devenues définitives (res iudicata) à quelques exceptions près, s’agissant de celles fixées par les obligations internationales de l’Etat et, notamment, par la jurisprudence de la Cour;

h.     les procureurs seront contraint uniquement par la loi à motiver leurs interventions et à rendre leurs conclusions accessibles aux personnes ou institutions impliquées ou intéressées par chaque dossier en cause ;

i.      le droit que peuvent avoir des personnes ou des institutions impliquées ou intéressées dans des affaires de droit civil à contester des mesures ou l’absence de décisions des procureurs sera garanti ;

j.      les développements de la jurisprudence de la Cour relative aux activités déployées par les procureurs en dehors du domaine pénal seront suivis attentivement afin de s’assurer que le fondement juridique de ces activités et la pratique correspondante soient parfaitement conformes aux décisions correspondantes de la Cour ;

k.     les ministères publics concernés organisent et développent dans leurs activités en dehors du domaine pénale, une coopération ou des échanges avec les ombudsmen et les organisations de ce type ainsi qu’avec les structures de la société civile dont, notamment, les mass-médias ;

l.      les Etats membres ou les ministères publics concernés échangent leurs expériences notamment leurs meilleures pratiques ainsi que leurs textes législatifs et tous autres instruments normatifs ;

m.   les Etats membres ou les ministères publics mettent sur pied des programmes de formation à l’intention des procureurs engagés dans ce type d’activités en dehors du domaine pénal ;

n.     des circulaires internes ou des lignes directrices qui résument les bonnes pratiques    et les recommandations destinées à harmoniser, le cas échéant, les approches de l’activité des procureurs en dehors du domaine pénal sont élaborées.

Le CCPE recommande au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe d’envisager l’élaboration des principes européens communs, en particulier sur le statut, les pouvoirs et la pratique du ministère public en dehors du système pénal. La question doit être traitée à la lumière de la protection des droits de l’homme, des libertés fondamentales, du principe démocratique de la séparation des pouvoirs dans un état et de l’égalité des armes. 


Avis n° 4 (2009)

du Conseil consultatif de procureurs européens

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

Le présent Avis, adopté conjointement par le CCJE et le CCPE contient :

§  une Déclaration, dite « Déclaration de Bordeaux » ;

§  une Note explicative.

Déclaration de Bordeaux :

« Juges et procureurs dans une société démocratique »[67]

Le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) et le Conseil consultatif des procureurs européens (CCPE), à la demande du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe de fournir un avis sur les relations entre les juges et les procureurs, sont convenus de ce qui suit :

1.     L’intérêt de la société requiert que l’Etat de droit soit garanti par une justice équitable, impartiale et efficace. Les procureurs et les juges doivent veiller, à tous les stades de la procédure, à ce que les droits individuels et les libertés soient garantis et que l’ordre public soit protégé. Cela implique le respect absolu des droits de la personne mise en cause et des victimes. Une décision de classement sans suite par le procureur devrait faire l’objet d’un contrôle par le juge. Une option serait de permettre à la victime de porter l’affaire directement devant le tribunal.

2.     Une justice équitable exige le respect de l’égalité des armes entre le ministère public et la défense. Elle implique également le respect de l’indépendance du tribunal, du principe de la séparation des pouvoirs ainsi que de la force contraignante des jugements définitifs.

3.     Le rôle distinct mais complémentaire des juges et des procureurs est une garantie nécessaire pour une justice équitable, impartiale et efficace. Si les juges et les procureurs doivent être indépendants dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent l’être et apparaitre ainsi également les uns vis-à-vis des autres.

4.     Des moyens organisationnels, financiers, matériels et des ressources humaines suffisants devront être mis à la disposition de la justice.

5.     Le rôle des juges et, le cas échéant, des jurys, est de juger les affaires portées régulièrement devant eux par le ministère public, sans aucune influence illicite exercée par l’accusation ou la défense, ou par toute autre source.

6.     L’application de la loi et, le cas échéant, le pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites par le ministère public pendant la phase préalable au procès, exigent que le statut des procureurs soit garanti par la loi, au plus haut niveau, à l’instar de celui des juges. Les procureurs doivent être indépendants et autonomes dans leur prise de décision et doivent exercer leurs fonctions de manière équitable, objective et impartiale.

7.     Le CCJE et le CCPE se réfèrent à la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’Homme en ce qui concerne l’article 5, paragraphe 3 et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Il s’agit, en particulier, des décisions dans lesquelles la Cour a affirmé l’exigence d’indépendance vis-à-vis de l’exécutif et des parties, pour tout magistrat exerçant des fonctions judiciaires, ce qui n’exclut toutefois pas la subordination à une autorité hiérarchique judiciaire indépendante. Toute attribution de fonctions juridictionnelles aux procureurs devrait être limitée aux affaires n’impliquant que des sanctions mineures, ne devrait pas se cumuler avec le pouvoir de poursuivre dans la même affaire et ne devrait pas porter atteinte au droit du prévenu d’obtenir une décision sur la même affaire par une autorité indépendante et impartiale exerçant des fonctions judiciaires.

 

8.     Un statut d’indépendance des procureurs requiert certains principes de base, en particulier :

-          ils ne doivent pas être soumis dans l’exercice de leurs fonctions à des influences ou à des pressions de  toute origine extérieure au ministère public;

-          leur recrutement, leur carrière, leur sécurité de fonction, y compris le déplacement de fonctions qui ne peut être effectué que conformément à la loi ou soumis à leur consentement, ainsi que leur rémunération, doivent  être protégés par la loi.

9.     Dans un Etat de droit, et lorsque le ministère public est hiérarchisé, l’efficacité des poursuites est, en ce qui concerne les procureurs, indissociable de la nécessité d’instructions transparentes émanant de l’autorité hiérarchique, de l’obligation de rendre compte à celle-ci et de la responsabilité. Les instructions envers les procureurs doivent être faites par écrit, dans le respect de la loi et, le cas échéant, conformément à des directives et critères préalablement publiés. Toute révision, autorisée par la loi, d’une décision de poursuite ou de non poursuite prise par un procureur, doit être faite de manière impartiale et objective. En tout état de cause, les intérêts de la victime devront être pris en compte.

 

10.  Le partage de principes juridiques et de valeurs éthiques communes par tous les professionnels impliqués dans le processus judiciaire est essentiel pour une bonne administration de la justice. La formation, y compris la formation à la gestion administrative, est un droit et un devoir pour les juges et les procureurs. De telles formations devront être organisées sur une base impartiale. Elles devront également être régulièrement et objectivement évaluées quant à leur efficacité. Lorsque cela est approprié, une formation commune aux juges, aux procureurs et aux avocats sur des sujets d’intérêt commun peut contribuer à la recherche d’une justice de la plus haute qualité.

11.  L’intérêt de la société exige également que les médias puissent informer le public sur le fonctionnement du système judiciaire. Les autorités compétentes doivent fournir cette information, en respectant en particulier la présomption d’innocence des personnes mises en cause, le droit à un procès équitable et le droit à la vie privée et familiale de toutes les personnes impliquées dans un procès. Juges et procureurs devraient rédiger un code de bonnes pratiques ou des lignes directrices régissant leurs relations respectives avec les médias.

12.  Les juges et les procureurs sont des acteurs clef de la coopération internationale en matière judiciaire. Le renforcement de la confiance mutuelle entre les autorités compétentes des différents Etats est indispensable. Dans ce contexte, il est impératif que l’information recueillie par les procureurs au moyen de la coopération internationale, et utilisée dans les procédures judiciaires, soit transparente tant dans son contenu que sur son origine, et soit disponible pour les juges et toutes les parties, dans le but d’assurer une protection efficace des droits et des libertés fondamentaux.

13.  Dans les Etats membres où le ministère public exerce des fonctions s’étendant au-delà du domaine pénal, les principes mentionnés s’appliquent à toutes ces fonctions.


NOTE EXPLICATIVE

I. INTRODUCTION 

a.             Objet de l’Avis

1.    L’une des missions essentielles d'une société fondée sur la démocratie et la primauté du droit est de veiller au respect absolu des libertés et droits fondamentaux et de l'égalité devant la loi, conformément, en particulier à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la CEDH) ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (la Cour). Dans le même temps, il est important de garantir la sécurité et la justice au sein de la société en prenant des mesures efficaces contre les comportements criminels. La sécurité au sein de la société doit également être garantie dans un Etat démocratique par l’exécution effective des sanctions imposées aux comportements criminels (Déclaration, paragraphe 1).

2.    Ainsi, appartient-il à l’Etat de mettre en place et d’assurer le fonctionnement d’un système judiciaire qui respecte pleinement les droits de l’homme et les libertés fondamentales, tout en étant efficace. Alors que de nombreux acteurs participent à cette mission, qu’ils soient issus du secteur public ou privé (tel que les avocats), les juges et les procureurs jouent un rôle-clé lorsqu’ils assurent le fonctionnement de la justice d’une manière indépendante et impartiale.

3.    Dans leurs précédents avis, le Conseil consultatif de Juges européens (CCJE) et le Conseil Consultatif des Procureurs européens (CCPE) se sont penchés sur de nombreux aspects importants qui permettent de rendre la justice efficace et respectueuse des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il convient de noter que le but commun des juges et des procureurs, y compris pour les procureurs qui ont de telles tâches dans les matières non pénales, est d’assurer une justice équitable, impartiale et efficace. La nouveauté de cet avis vient du fait qu’il a été élaboré par des juges et des procureurs représentant leurs collègues nationaux et qu’il touche à des principes sur lesquels les juges et les procureurs se sont mis d’accord au vu de leur expérience du terrain.

4.    C’est pourquoi le texte est concentré sur des aspects essentiels des deux missions et notamment: l’indépendance, le respect des droits et des libertés fondamentales, l’objectivité et l’impartialité, l’éthique et la déontologie, la formation et les relations avec les medias.

5.    Cet avis devrait être compris dans le contexte des relations des juges et des procureurs avec les autres professionnels qui interviennent aux différents stades de la procédure judiciaire, par exemple les avocats, les experts judiciaires, les greffiers, les huissiers de justice ou la police, comme le préconise le Programme cadre d’action global pour les juges en Europe adopté par le Comité des Ministres le 7 février 2001 et la Recommandation Rec (2000) 19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, adoptée par le Comité des Ministres le 6 octobre 2000 .

b.            Diversité de systèmes nationaux

6.    Au sein des pays du Conseil de l'Europe, plusieurs systèmes judiciaires cohabitent :

i.      les systèmes de « common law » où il existe une séparation nette entre les juges et les procureurs et où le pouvoir d’investigation n’est pas combiné avec les autres fonctions ; 

ii.     les systèmes de droit continental où l’on trouve des variantes dans lesquels juges et procureurs font partie du ”corps judiciaire” ou au contraire dans lesquels cette appartenance est réservée aux seuls juges.

De plus, dans ces divers systèmes, l’autonomie du ministère public par rapport à l’exécutif peut être complète ou limitée.

7.    Le but de cet Avis est d’identifier des principes et approches applicables, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, en tenant compte des points communs et des différences.

8.    La garantie de séparation des fonctions représente une condition essentielle de l’impartialité du juge à l’égard des parties au procès. Ainsi que l’énonce l’Avis n°1 du CCJE sur les normes relatives à l’indépendance et l’inamovibilité des juges, l’impartialité est la première des garanties organiques qui définissent la mission du juge. Elle implique, par ailleurs, que le ministère public a la charge de la preuve et  développe l’acte d’accusation, ce qui constitue une des premières garanties procédurales de la décision finale de juger

9.    La mission du juge est donc différente de celle du ministère public et ce, dans tous les systèmes. Leurs missions respectives n’en demeurent pas moins complémentaires. Il n’existe pas de relations hiérarchiques entre le juge et le procureur (Déclaration, paragraphe 3).

10. L’indépendance du ministère public constitue un corollaire indispensable à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le procureur ne joue jamais aussi bien son rôle dans l'affirmation et la défense des droits de l'homme – tant des personnes mises en causes que des victimes – que lorsqu’il prend des décisions indépendamment des organes exécutif et législatif et que juges et procureurs exercent correctement leurs fonctions respectives. Dans les démocraties qui se fondent sur la prééminence du droit, c'est le droit qui sert de base à la politique du ministère public (Déclaration, paragraphe 3).

c.             Spécificités des fonctions

11. Les procureurs et les juges doivent exercer leurs fonctions de façon juste, impartiale, objective et cohérente, respecter et s’efforcer de protéger les droits de l’homme et garantir que le système de justice fonctionne de façon prompte et efficace. 

12. Que l’action des procureurs se base sur un système de poursuite discrétionnaire (principe d’opportunité) ou sur un système de poursuite obligatoire (principe de légalité), ceux-ci agissent non seulement au nom de la société dans son ensemble mais ils ont aussi des devoirs envers des individus bien précis, notamment les accusés, vis-à-vis desquels ils ont un devoir d’équité, et les victimes à qui ils doivent garantir que justice sera faite. En ce sens, et sans préjudice du respect de l’égalité des armes, les procureurs ne doivent pas être considérés comme une partie comme les autres (Déclaration, paragraphe 2). Les procureurs devraient également tenir dûment compte du point de vue et des préoccupations des victimes et prendre ou encourager des mesures visant à garantir que celles-ci soient informées de leurs droits et de l’évolution de la procédure. Lorsqu’une enquête impartiale conclut sur la base des preuves disponibles que la charge n’est pas fondée, le procureur ne doit pas déclencher ni poursuivre l’action pénale.

d.            Normes internationales existantes

13. Plusieurs textes du Conseil de l’Europe ainsi que la jurisprudence de la Cour concernent, directement ou implicitement, les relations entre juges et procureurs.

 

14. Tout d’abord, la Cour réserve certaines tâches aux juges garants des droits et libertés – voir en particulier les articles 5 (Droit à la liberté et à la sûreté) et 6 (Droit à un procès équitable) – mais aussi au ministère public (par le biais de l’article 5 paragraphes 1a et 3 et de l’article 6).

15. La Cour, dont l’un des rôles est d’interpréter la CEDH, s’est prononcée à plusieurs reprises sur des questions relatives aux rapports institutionnels entre les juges et le ministère public ainsi que sur des questions de procédure dans des affaires pénales et civiles.

16. Elle s’est notamment prononcée sur l’exercice successif des fonctions de procureur et de juge par une seule et même personne dans la même affaire (arrêt du 1er octobre 1982, affaire Piersack c. Belgique, §§ 30-32), sur la nécessité de garantir l’absence de toute pression politique sur les tribunaux et les autorités de poursuite (arrêt du 12 février 2008, affaire Guja c. Moldova, §§ 85-91), sur la nécessité de protéger les juges et les procureurs dans le contexte de la liberté d’expression (arrêt du 8 janvier 2008, affaire Saygili et autres c. Turquie, §§ 34-40), sur l’obligation procédurale des tribunaux et des services du ministère public d’instruire, de poursuivre et de sanctionner les violations des droits de l’homme (arrêt du 15 mai 2007, affaire Ramsahai et autres c. Pays-Bas, §§ 321-357) et enfin sur la contribution des autorités de poursuite à l’uniformisation de la jurisprudence (arrêt du 10 juin 2008, affaire Martins de Castro et Alves Correia de Castro c. Portugal, §§ 51-66).

17. En ce qui concerne la procédure pénale, la Cour a examiné le statut et les pouvoirs du ministère public et les exigences posées par l’article 5 paragraphe 3 de la CEDH (relatif aux juges ou aux autres magistrats habilités « par la loi à exercer des fonctions judiciaires ») à partir de différentes situations de fait (voir, parmi d’autres, l’arrêt du 4 décembre 1979, affaire Schiesser c. Suisse, §§ 27-38 ; l’affaire De Jong, Baljet et Van den Brink c. Pays-Bas, §§ 49-50 ; l’affaire Assenov et autres c. Bulgarie, §§ 146-150 ; affaire Niedbala c. Pologne, §§ 45-47 ; l’affaire Pantea c. Roumanie, §§ 232-243, et l’arrêt du 10 juillet 2008, affaire Medvedyev et autres c. France, §§ 61, 67-69). La Cour a également examiné le statut, la compétence et les pouvoirs de contrôle des autorités de poursuite dans des affaires d’écoutes téléphoniques (arrêt du 26 avril 2007, affaire Dumitru Popescu c. Roumanie, §§ 68-86) et la question de la présence du ministère public aux délibérés des juridictions suprêmes (arrêt du 30 octobre 1991, affaire Borgers c. Belgique, §§ 24-29, et arrêt du 8 juillet 2003, affaire Fontaine et Berlin c. France, §§ 57-67).

18. Enfin, en dehors de la sphère pénale, la Cour a une jurisprudence claire et bien établie sur la « théorie des apparences », selon laquelle la présence du ministère public aux délibérés des juridictions est contraire à l’article 6 § 1 de la CEDH (arrêt du 20 février 1996, affaire Lobo Machado c. Portugal, §§ 28-32, et arrêt du 12 avril 2006, affaire Martinie c. France [GC], §§ 50-55).

19. D’autres textes ont été élaborés par le Conseil de l’Europe :

-           la Recommandation Rec(94)12 du Comité des Ministres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges, qui est applicable à toutes les personnes exerçant des fonctions judiciaires, reconnaît l’existence de rapports entre les juges et le ministère public, au moins dans les pays où ce dernier a une dimension d’autorité judiciaire au sens qui est accordé à cette expression par la Cour ;

-           la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale souligne explicitement les rapports entre les juges et le ministère public, tout en mettant en avant les principes généraux essentiels pour garantir que ces rapports contribuent à l’accomplissement des missions des juges et du ministère public. La Recommandation met en particulier l’accent sur l’obligation positive qui incombe aux Etats de prendre « toutes mesures afin que le statut légal, la compétence et le rôle procédural des membres du ministère public soient définis par la loi de sorte qu'il ne soit possible de nourrir aucun doute légitime quant à l'indépendance et à l'impartialité des juges ».

-    La Recommandation Rec(87)18 du Comité des Ministres concernant la simplification de la justice pénale, contient divers exemples de tâches qui étaient précédemment dévolues aux seuls juges et qui sont aujourd’hui confiées au ministère public (dont la mission première consiste toujours à engager et diriger les poursuites). Ces nouvelles tâches créent des exigences supplémentaires quant à la manière d’organiser le ministère public et au choix des personnes appelées à assumer ces fonctions.

II. STATUT DU JUGE ET DU PROCUREUR

a.             Garanties d’indépendance interne et externe des juges et des procureurs ; l’Etat de droit, condition nécessaire à leur indépendance

20. Les juges et les procureurs doivent être indépendants les uns par rapport aux autres et jouir d’une indépendance effective dans l’exercice de leurs fonctions respectives. Ils ont des fonctions distinctes au sein du système judiciaire et de la société dans son ensemble. Il existe ainsi différentes perspectives d’indépendance institutionnelle et fonctionnelle (Déclaration, paragraphe 3).

21. Le pouvoir judiciaire se fonde sur le principe de l'indépendance à l'égard de tout pouvoir extérieur et sur l’absence tant de toute directive émanant de qui que ce soit que de hiérarchie interne. Son rôle et, le cas échéant, celui du jury, est de juger régulièrement les causes portées devant lui par le ministère public et par les parties. Ceci implique l’absence de toute influence illicite exercée par le ministère public ou la défense (Déclaration, paragraphe 5). Juges, procureurs et avocats doivent chacun respecter le rôle des autres.

22. Le principe fondamental de l'indépendance des juges est inscrit dans l’Article 6 de la CEDH et souligné dans les avis précédents du CCJE.

23. La fonction de juger implique la responsabilité de rendre des décisions contraignantes pour les personnes concernées par celles-ci et de trancher les litiges en disant le droit. Les deux sont l’apanage du juge, autorité judiciaire indépendante des autres pouvoirs de l’Etat[68]. En général, elle n’est pas du ressort du procureur, qui est lui-même responsable de l’engagement ou de la conduite des poursuites pénales.

24. Le CCJE et le CCPE se réfèrent à la jurisprudence constante de la Cour en ce qui concerne l’article 5, paragraphe 3 et l’article 6 de la CEDH. Il s’agit en particulier de l’arrêt Schiesser c. Suisse dans lequel la Cour a affirmé l’exigence d’indépendance vis-à-vis de l’exécutif et des parties pour tout « magistrat exerçant des fonctions judiciaires », ce qui n’exclut toutefois pas la subordination à une autorité hiérarchique judiciaire indépendante (Déclaration, paragraphe 7).

25. Certains Etats membres attribuent au ministère public le pouvoir de rendre des décisions contraignantes dans certains domaines, au lieu d’engager des poursuites criminelles ou afin de protéger certains intérêts. Le CCJE et le CCPE estiment que toute attribution de fonctions juridictionnelles aux procureurs devrait être limitée aux affaires impliquant des sanctions mineures, ne devrait pas se cumuler avec le pouvoir de poursuivre dans la même affaire et ne devrait pas porter atteinte au droit du prévenu d’obtenir une décision sur la même affaire par une autorité indépendante et impartiale exerçant des fonctions judiciaires. Cette attribution ne devrait en aucun cas permettre au ministère public de prendre des décisions définitives restrictives des libertés individuelles et privatives de liberté, dépourvues du droit d’exercer un recours devant un juge ou un tribunal. (Déclaration, paragraphe 7).

26. Le ministère public est une autorité indépendante qui doit se fonder sur la loi, au plus haut niveau. Dans un Etat démocratique, ni le Parlement ni aucune instance gouvernementale ne doivent chercher à influencer indûment les décisions du ministère public relatives à telle ou telle affaire pour déterminer la manière de conduire les poursuites dans un cas précis, ou contraindre le ministère public à modifier sa décision (Déclaration, paragraphes 8 et 9).

27. L’indépendance du ministère public est indispensable pour lui permettre de remplir sa mission. Elle renforce le rôle de celui-ci dans l’Etat de droit et la société et est également une garantie pour que le système judiciaire fonctionne avec impartialité et efficacité et pour que tous les bénéfices attendus de l’indépendance des juges soient effectifs (Déclaration, paragraphes 3 et 8). A l’instar de l’indépendance accordée aux juges, l’indépendance du ministère public n’est pas une prérogative ou un privilège octroyé dans l’intérêt de ses membres, mais une garantie pour une justice équitable, impartiale et efficace et protège les intérêts publics et privés des personnes concernées.

28. La mission du procureur, qui peut se caractériser par les principes de légalité ou d'opportunité des poursuites, diffère selon le système existant dans chaque Etat, en fonction de la place qu’occupe le ministère public dans le paysage institutionnel et dans la procédure pénale.

29.  Quel que soit son statut, le ministère public doit jouir d’une indépendance fonctionnelle totale dans l’exercice de ses missions légales, tant pénales que non pénales. Qu’il soit ou non hiérarchisé, pour que ses membres puissent rendre compte et afin d’empêcher que des poursuites soient intentées de manière arbitraire ou sans raison valable, le ministère public doit édicter des lignes directrices claires et transparentes sur l’exercice des poursuites. (Déclaration, paragraphe 9).

30.  A cet égard, le CCJE et le CCPE renvoient en particulier à la Recommandation Rec (2000) 19 qui reconnaît que pour favoriser l’équité, la cohérence et l’efficacité de l’action du ministère public, les Etats doivent veiller à arrêter des principes et des critères généraux servant de référence aux décisions dans les affaires individuelles prises par les procureurs[69].

31. Les instructions aux procureurs doivent être faites par écrit, dans le respect de la loi et, le cas échéant, conformément à des directives et critères préalablement publiés (Déclaration, paragraphe 9).

32. Toute décision du Ministère public de poursuite ou de non poursuite doit être légalement justifiée. Toute révision autorisée par la loi d’une décision de poursuite ou de non poursuite prise par un procureur doit être faite de manière impartiale et objective, que ce soit par le ministère public lui-même ou par une autorité judiciaire indépendante. Les intérêts de la victime doivent, tout comme ceux des autres personnes concernées, toujours être pris en compte (Déclaration, paragraphe 9).

33. La complémentarité des fonctions de juge et de procureur implique qu’ils soient chacun conscients qu’une justice impartiale exige l’égalité des armes entre le ministère public et la défense et que le ministère public doit toujours agir dans ses poursuites avec honnêteté, objectivité et impartialité. Juge et ministère public auront à chaque moment le souci de respecter la personne mise en cause et les victimes ainsi que les droits de la défense (Déclaration, paragraphes 2 et 6).

34.  L'indépendance du juge et du ministère public est indissociable de la primauté du droit.  Les juges comme les procureurs agissent dans l'intérêt général, au nom de la société et des citoyens qui veulent que leurs droits et libertés soient garantis sous tous leurs aspects. Ils interviennent dans des domaines où les droits de l'homme les plus sensibles (liberté individuelle, vie privée, préservation des biens, etc.) méritent la plus grande protection. Ainsi, le ministère public doit s’assurer que les preuves sont recueillies et les poursuites engagées et menées conformément à la loi. Ce faisant, il doit respecter les principes consacrés par la CEDH et les autres conventions internationales, notamment la présomption d’innocence, les droits de la défense et le droit à un procès équitable. Le juge doit veiller au respect de ces principes dans les procédures qui lui sont soumises.

35. S'il est permis au procureur de saisir le juge des actions et demandes définies par la loi et de lui présenter tous les éléments de fait et de droit à l'appui de celles-ci, il ne peut s'ingérer d'une manière quelconque dans le processus décisionnel du juge et est tenu de respecter ses décisions. Il ne peut s'opposer à l'exécution de ces décisions, sauf en exerçant les recours prévus par la loi (Déclaration, paragraphes 4 et 5).

36. L’intervention et l’attitude du ministère public et du juge ne doivent laisser planer aucun doute sur leur impartialité objective. Si les juges et les procureurs doivent être indépendants dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent l’être et apparaitre ainsi également les uns vis-à-vis des autres. Il ne faut pas qu’aux yeux du justiciable et de la société en général, il puisse exister ne fût-ce qu’une impression de connivence entre eux  ou de confusion entre les deux fonctions.

37.  Le respect des principes qui précèdent implique que le statut des procureurs soit, à l’instar de celui des juges, garanti par la loi au plus haut niveau. La proximité et la complémentarité des missions de juge et de procureur imposent des exigences et garanties semblables sur le plan du statut et des conditions d’emploi, en particulier en ce qui concerne le recrutement, la formation, le développement de la carrière, la discipline, le déplacement de fonctions (qui ne peut être effectué que conformément à la loi ou soumis à leur consentement), la rémunération, la cessation de fonctions et la liberté de créer des associations professionnelles (Déclaration, paragraphe 8).

38. Les juges et les procureurs doivent selon le système national en vigueur, être directement associés à l’administration et à la gestion de leurs services respectifs. A cette fin, les moyens budgétaires suffisants ainsi que l’infrastructure et les ressources humaines et matérielles nécessaires doivent être mis à la disposition des juges et des procureurs et doivent être utilisés et gérés sous leur autorité (Déclaration, paragraphe 4)

b.            Ethique et déontologie des juges et des procureurs

39.  Les juges et les procureurs doivent être intègres et posséder les qualifications professionnelles et compétences organisationnelles nécessaires. En raison de la nature de leurs fonctions qu’ils ont acceptées en connaissance de cause, les juges et les procureurs sont constamment exposés aux critiques publiques et doivent en conséquence s’imposer un devoir de réserve,  sans préjudice, dans le cadre de la loi, de leur droit à communiquer sur les affaires dont ils sont saisis. Acteurs essentiels de la justice, ils doivent en permanence préserver la dignité et l'honneur de leur charge et adopter une attitude digne de leur fonction[70] (Déclaration, paragraphe 11).

40. Juges et procureurs doivent s'abstenir de toute action ou attitude qui pourrait compromettre la confiance en leur indépendance et leur impartialité. Ils doivent examiner les causes qui leur sont présentées avec diligence et dans un délai raisonnable, d’une manière objective et impartiale.

41. Les procureurs doivent s’abstenir, en public, de toute déclaration ou commentaire susceptible de donner à penser qu’ils font pression directe ou indirecte sur le tribunal pour que celui-ci rende une certaine décision, ou qui pourrait compromettre le caractère équitable de la procédure.

42.  Les procureurs devraient se familiariser avec les normes éthiques qui régissent les fonctions des juges, et réciproquement. Cela permettrait d’améliorer la compréhension et le respect pour les deux missions et ainsi d’augmenter les chances d’une collaboration harmonieuse.

c.             Formation des juges et des procureurs

43.  Le plus haut niveau de compétences professionnelles constitue une condition préalable indispensable à la confiance que l’opinion publique accorde aux juges et aux procureurs et dont ceux-ci tirent principalement leur légitimité et leur rôle. Il est crucial que leur formation professionnelle soit appropriée, car elle permet d’améliorer l’efficacité de leur performance dans leur travail et, partant, de renforcer la qualité de la justice dans son ensemble (Déclaration, paragraphe 10).

44.  La formation des juges et des procureurs ne vise pas seulement l’acquisition des aptitudes professionnelles exigées pour l’accès à la profession, mais également la formation permanente tout au cours de la carrière. Elle revêt les aspects les plus divers de leur vie professionnelle, y compris la gestion administrative des cours et services d’enquête et doit aussi répondre aux nécessités de spécialisation. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la formation permanente requise pour maintenir un niveau élevé de qualification professionnelle et pour parfaire celle-ci est pour chaque juge et procureur non seulement un droit mais aussi un devoir (Déclaration, paragraphe 10).

45.  Lorsque cela est approprié, une formation commune aux juges, aux procureurs et aux avocats sur des sujets d’intérêt commun peut contribuer à la recherche d’une justice de la plus haute qualité. Cette communauté de formation devrait permettre de créer un socle de culture juridique commun (Déclaration, paragraphe 10).

46.  Les différents systèmes juridiques européens forment les juges et les procureurs selon des modèles divers. Certains pays ont créé une académie, une école nationale ou d’autres instituts spécialisés. D’autres pays confient la formation à des organes spécifiques. Des formations internationales pour les juges et les procureurs devraient être organisées. Dans tous les cas, il est essentiel de veiller à l’autonomie de l’institution chargée d’organiser la formation judiciaire, car cette autonomie est la garante du pluralisme culturel et de l’indépendance[71].

47.  Dans ce contexte, la contribution directe des juges et des procureurs aux cours de formation revêt une importance capitale, car elle permet de présenter des points de vue tirés de l’expérience professionnelle respective. Les matières enseignées devraient porter non seulement sur le droit et la protection des libertés individuelles, mais également sur les techniques de management et comporter une réflexion sur les missions respectives des juges et des procureurs. Dans le même temps, les contributions d’autres juristes et du monde universitaire sont essentielles pour éviter le risque d’une approche étroite d’esprit. Enfin, la qualité et l’efficacité de la formation devraient être régulièrement et objectivement évaluées.

III. FONCTIONS ET ROLES DES JUGES ET DES PROCUREURS DANS LA PROCEDURE PENALE

a.         Rôles des juges et procureurs pendant la phase préparatoire

48. Au stade de l’enquête, le juge contrôle, seul ou parfois en collaboration avec le procureur la légalité des enquêtes, en particulier lorsqu’elles touchent aux droits fondamentaux (décisions concernant l’arrestation, le placement en détention, la confiscation de biens, recours à des techniques d’enquête spéciales).

49. En règle générale, lorsqu'il décide de déclencher ou de poursuivre l'action pénale, le ministère public doit vérifier attentivement que l’enquête est menée de manière conforme au droit et qu’elle respecte les droits de l'homme.

50. Selon la Recommandation Rec(2000)19, lorsque la police est placée sous l'autorité du ministère public ou que les enquêtes de police sont dirigées ou supervisées par ce dernier, l'Etat prend toutes mesures pour que le ministère public puisse donner des instructions, procéder aux évaluations et aux contrôles nécessaires et puisse sanctionner les violations. Lorsque la police est indépendante du ministère public, le texte préconise simplement que l’Etat prenne toutes mesures pour que le ministère public et les autorités d’enquête coopèrent de façon appropriée et efficace.

51. Même dans les systèmes où l’enquête est contrôlée par le procureur dont le statut fait de lui une autorité judiciaire, il est impératif que les mesures prises dans ce cadre et constituant des atteintes importantes aux libertés, notamment la détention provisoire, soient contrôlées par les juges ou un tribunal.

b.            Relations entre juges et procureurs pendant les poursuites et l’audience

52. Dans certains Etats, le ministère public peut réguler le flux des affaires grâce au pouvoir discrétionnaire qui lui permet de décider des dossiers à transmettre aux tribunaux et des affaires pouvant être réglées par voie extrajudiciaire (conciliation entre l’accusé et la victime, règlement avant procès avec le consentement des parties, procédures simplifiées et raccourcies dérivées du plaider-coupable, mesures alternatives aux poursuites, médiation), ce qui contribue à réduire l’encombrement judiciaire et à dégager des priorités en matière de poursuites.

53. Ces compétences du ministère public, qui reflètent la modernisation, l’adaptation à la société, l’humanisation et la rationalisation de l’exercice de la justice pénale, sont utiles pour réduire la surcharge des tribunaux. Cela étant, à partir du moment où les procureurs ont le pouvoir de ne pas porter telle ou telle affaire devant les tribunaux, il est nécessaire d’éviter toute décision arbitraire ou discrimination, ou toute pression illicite qui émanerait du pouvoir politique et de protéger les droits des victimes. Il est également nécessaire de permettre à toute personne intéressée, en particulier aux victimes, d’exercer un recours contre la décision du procureur de ne pas mettre l’action publique en mouvement. Une option pourrait permettre à la victime de porter l’affaire directement devant le tribunal.

54. Par conséquent, dans les pays où s’applique le principe de l’opportunité des poursuites, le ministère public doit se montrer particulièrement attentif lors de la décision d’engager ou non des poursuites et se référer à des principes objectifs ou lignes directrices destinés à assurer la cohérence des décisions relatives aux poursuites.

55. L’impartialité du procureur, pendant le déroulement de la procédure, doit se manifester comme suit : il doit faire preuve d'objectivité et d'équité pour veiller notamment à ce que les tribunaux disposent de tous les éléments de fait ou de droit pertinents, y compris les preuves favorables à l’accusé ; il doit tenir dûment compte de la situation du mis en cause et de la victime, vérifier que les preuves ont été obtenues par des méthodes admissibles au regard des règles du procès équitable et rejeter les preuves obtenues en violation des droits de l'homme, telles que la torture (Déclaration, paragraphe 6).

56. Lorsqu'une instruction impartiale a établi que les accusations sont sans fondement, le procureur ne doit pas déclencher ou poursuivre l’action pénale mais mettre fin à la procédure.

57. Globalement, pendant la procédure, le juge et le ministère public exercent leurs fonctions respectives pour garantir le déroulement équitable du procès pénal. Le juge veille au respect de la légalité des preuves réunies par le ministère public ou les autorités d’enquête et à l’abandon des poursuites lorsque les preuves sont insuffisantes ou illégales. De son côté, le ministère public a le pouvoir de faire appel des décisions judiciaires.

c.         L’exercice des droits de la défense à tous les stades de la procédure

58. Les juges doivent appliquer les règles de procédure pénale en respectant pleinement les droits de la défense (en donnant aux accusés la possibilité d'exercer leurs droits, en leur notifiant leur chef d’accusation, etc.), les droits de la victime dans la procédure, le principe de l’égalité des armes et le droit à une audience publique, de manière à ce que l’équité du procès soit en toute hypothèse sauvegardée[72] (Déclaration, paragraphes 1, 2, 6 et 9).

59. L’acte d’accusation joue un rôle déterminant dans les poursuites pénales : à compter de sa signification, la personne mise en cause est officiellement avisée par écrit de la base juridique et factuelle des reproches formulés contre elle (Cour européenne des droits de l'homme, arrêt du 19 décembre 1989, affaire Kamasinski c. Autriche, § 79). En matière pénale, l’exigence du procès équitable prescrite par l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH implique pour l’accusé la possibilité de discuter les preuves recueillies sur les faits contestés qui sont mis à sa charge et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi la qualification juridique donnée à ces faits.

60. Dans les pays où le ministère public supervise l’enquête, il incombe aussi au procureur de s’assurer que les droits de la défense sont respectés. Dans les pays où l’enquête pénale est dirigée par la police ou toute autre autorité chargée de l’application de la loi, le juge intervient en tant que garant des libertés individuelles (habeas corpus), notamment en matière de détention provisoire, et il lui appartient de vérifier que les droits de la défense sont respectés.

61. Toutefois, dans de nombreux Etats, le contrôle de l’exercice des droits de la défense ne revient au juge et au procureur qu’une fois l’enquête terminée et lorsque commence l’examen des charges. Il appartient alors au procureur qui reçoit les procès-verbaux des autorités d’enquête, puis au juge qui examine les charges et les preuves recueillies, de vérifier que tout accusé a notamment été informé dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui.

62. Le procureur et le juge, selon leur rôle dans le pays considéré, doivent ensuite s’assurer notamment que l’accusé a pu disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense, qu’il est défendu, le cas échéant par un avocat commis d’office à la charge de l’Etat, qu’il dispose si nécessaire d’un interprète et qu’il peut solliciter certains actes nécessaires à la manifestation de la vérité.

63. Une fois l’affaire portée devant la juridiction de jugement, les pouvoirs du juge et du procureur varient selon le rôle de l’un et de l’autre dans le procès. En tout état de cause, si l’un des éléments du respect des droits de la défense fait défaut, soit le juge, soit le procureur, soit les deux selon le système national en vigueur, doivent avoir la capacité de relever cette situation et d’y remédier objectivement.

IV. RELATIONS ENTRE JUGES ET PROCUREURS ET ROLE DU MINISTERE PUBLIC en dehors du domaine pénal et devant les cours suprêmes

64. Selon les Etats membres, le procureur peut avoir ou non des fonctions en dehors de la sphère pénale[73]. Lorsqu’il remplit de telles fonctions, celles-ci peuvent inclure, entre autres, le droit civil, administratif, commercial, social, électoral et le droit du travail, ainsi que la protection de l’environnement, les droits sociaux des groupes vulnérables tels que les mineurs, les personnes handicapées et les personnes à faibles revenus. Le rôle du procureur dans ce domaine ne devrait pas lui permettre d’exercer une influence illicite sur le processus définitif de prise de décision des juges (Déclaration, paragraphe 13).

65. Il convient également de mentionner le rôle que le ministère public remplit dans certains pays devant la cour suprême. Ce rôle est comparable à celui des avocats généraux devant la Cour de justice des Communautés européennes. Devant ces juridictions, l’avocat général (ou son équivalent) n’est pas une partie et ne représente pas l’Etat, mais est un organe indépendant qui dépose des conclusions dans chaque affaire ou seulement dans les affaires qui présentent un intérêt particulier afin d’éclairer la cour sur tous les aspects des questions de droit qui lui sont soumises en vue d’une application correcte du droit .

66. Conformément aux règles de l’Etat de droit dans une société démocratique, toutes les compétences des procureurs, ainsi que toutes les procédures d’exercice de celles-ci devraient être établies avec précision par la loi. Lorsqu’un procureur agit en dehors du domaine pénal, il doit respecter la compétence exclusive du juge et tenir compte des principes suivants, développés notamment par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme:

            i.        la participation du ministère public aux procédures judiciaires ne doit pas affecter l'indépendance des tribunaux ;

           ii.        le principe de la séparation des pouvoirs doit être respecté dans le cadre, d’une part, des tâches et activités confiées aux procureurs en dehors du domaine de la justice pénale et, d’autre part, du rôle des tribunaux dans la protection des droits de l'homme ;

          iii.        sans préjudice de leur mission de représentants de la société, les procureurs doivent jouir des mêmes droits et être soumis aux mêmes obligations que toute autre partie et ne doivent pas bénéficier d'une position privilégiée dans la procédure (égalité des armes) ;

          iv.        lorsqu'ils agissent au nom de la société pour défendre l'intérêt public et les droits des individus, les procureurs ne doivent pas violer le principe de l'autorité de la chose jugée (res judicata), sous réserve des exceptions établies par les mesures et engagements internationaux y compris par la jurisprudence de la Cour.

Les autres principes mentionnés dans la Déclaration s’appliquent mutatis mutandis à toutes les fonctions des procureurs en dehors du domaine pénal (Déclaration, paragraphe 13).

V. LE JUGE, LE PROCUREUR ET LES MEDIAS (Déclaration, paragraphe 11)

67. Les médias jouent un rôle essentiel dans les sociétés démocratiques et notamment à l’égard du système judiciaire. La perception de la qualité de la justice au sein de la société dépend beaucoup de la façon dont les médias rendent compte de la manière dont le système judiciaire fonctionne. La publicité des débats contribue à l’équité du procès, en protégeant les parties contre une justice opaque.

68. L’opinion publique et les médias accordant de plus en plus d’attention aux affaires pénales et civiles, les tribunaux et les autorités de poursuite doivent leur fournir de plus en plus d’informations objectives.

69. Il est fondamental que les tribunaux d’une société démocratique inspirent confiance aux justiciables [74]. La publicité de la procédure est l’un des moyens essentiels de préserver cette confiance.

70. Deux instruments du Conseil de l’Europe traitent notamment de cette question : (i) la Recommandation Rec (2003)13 sur la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales ; (ii) l’Avis n°7 du CCJE sur Justice et Société (2005).

71. Compte tenu du droit du public à recevoir des informations d’intérêt général, les journalistes doivent pouvoir recevoir les informations nécessaires pour être à même de rendre compte du fonctionnement du système judiciaire et faire des commentaires à ce sujet. Ce droit s’exerce sans préjudice du devoir de réserve des juges et des procureurs concernant les affaires pendantes et des limitations prévues par les lois nationales et conformément à la jurisprudence de la Cour.

72. Les médias doivent respecter, tout autant que les juges et les procureurs, certains principes fondamentaux, tels que la présomption d’innocence[75] et le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée des personnes concernées, la nécessité d’éviter de porter atteinte au principe et à l’apparence d’impartialité des juges et des procureurs impliqués dans une affaire.

73. La couverture médiatique d’affaires en cours d’instruction ou de procès peut constituer une ingérence et exercer une influence et une pression néfastes sur les juges, les jurés et les procureurs chargés de l’affaire. De bonnes compétences professionnelles, de solides valeurs éthiques et une autodiscipline afin de ne pas faire une évaluation prématurée des affaires en cours, sont nécessaires aux juges et procureurs pour faire face à ce défi.

74. Des personnes chargées de la communication avec les médias, par exemple les responsables de l’information au sein des tribunaux ou un groupe de juges et procureurs formés à entretenir des contacts avec les médias, pourraient aider ces derniers à diffuser des informations plus précises sur le travail et les décisions judiciaires.

75. Les juges et les procureurs doivent respecter mutuellement le rôle spécifique de chacun dans le système judiciaire. Juges et procureurs devraient élaborer des lignes directrices ou un code de bonne conduite pour chaque fonction dans sa relation avec les médias[76]. Certains codes d’éthique interdisent aux juges de commenter les affaires pendantes, afin de ne pas faire de déclarations dont le public pourrait estimer qu’elles mettent en cause l’impartialité du juge[77] et la présomption d’innocence. En toute hypothèse, le juge doit s’exprimer avant tout par sa décision et, lorsqu’il s’exprime, conformément à la loi, sur des affaires pendantes ou jugées, la retenue et le choix des mots sont importants[78]. Le procureur doit commenter avec retenue la procédure suivie par le juge ou la décision rendue, et ne doit faire part de son désaccord avec une décision que par le biais, le cas échéant, de l’appel.

VI. LE JUGE, LE PROCUREUR ET LA COOPERATION INTERNATIONALE (Déclaration, paragraphe 12)

76. Pour une protection efficace des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, il importe de souligner la nécessité d’une coopération internationale efficace, notamment entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et sur la base des valeurs contenues dans des instruments internationaux pertinents, tout particulièrement la CEDH. La coopération internationale doit reposer sur la confiance mutuelle. Les informations rassemblées grâce à la coopération internationale et utilisées dans les procédures judiciaires doivent être transparentes tant dans leur contenu que dans leur origine et accessibles au juge,  au procureur et aux parties. Il conviendra de veiller à ce que la coopération judiciaire internationale fasse l’objet d’une évaluation et tienne compte, de manière appropriée, en particulier des droits de la défense et de la protection des données personnelles.


Avis N° 5 (2010)

du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

Le ministère public et la justice des mineurs

Déclaration de Erevan

Introduction

1.            Le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) a été créé en 2005 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui lui a fixé pour tâche la formulation d’avis sur les questions relatives au fonctionnement des services du procureur et la promotion de la mise en œuvre effective de la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres aux Etats membres relative au rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

2.            Pour 2010, le Comité des Ministres a chargé le CCPE[79], à la lumière de la Résolution n°2 sur la justice adaptée aux enfants[80], d’adopter un Avis sur "les principes d’action publique en matière de justice des mineurs " et d’examiner, entre autres, la place des mineurs avant, pendant et après la procédure judiciaire, les moyens de tenir compte, au cours de ces procédures, des intérêts du mineur, les améliorations possibles concernant les moyens d’information des autorités à l’encontre des mineurs concernant leurs droits et l’accès à la justice, y compris l’accès à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

3.            Les procureurs sont des autorités publiques chargées de veiller, au nom de la société et dans l'intérêt général, à l'application de la loi lorsqu’elle est pénalement sanctionnée. Pour ce faire, ils prennent en compte d’une part, les droits des individus et, d’autre part, la nécessaire efficacité du système de justice pénale, conformément à la Recommandation Rec(2000)19.

4.            Le rôle des procureurs varie considérablement d’un pays à un autre; le but de cet Avis est d’établir des lignes directrices visant à guider l’action de tous les procureurs impliqués dans la justice des mineurs. Cet Avis consiste à assurer que, dans toutes les procédures concernant les mineurs, dans lesquelles les procureurs sont impliqués, certains principes fondamentaux sont appliqués en tenant compte du niveau de maturité, de vulnérabilité et de capacité mentale du mineur qu’il soit en infraction avec la loi pénale, victime ou témoin. Ces principes s’appliquent à tous les stades de la procédure, ce qui signifie avant le procès, pendant le procès, lors de l’exécution de la décision et lors de l’exécution des décisions concernant les mineurs.

5.            Dans les affaires impliquant des mineurs, les procureurs devraient accorder une attention particulière à la préservation d’un équilibre entre, d’une part l’intérêt public et les objectifs de la justice, et d’autre part les intérêts, besoins spécifiques et la vulnérabilité des mineurs.

6.            Dans les Etats où les procureurs ont des compétences en dehors du domaine pénal (par exemple, en matière de droit de la famille, de droit de garde et de droit administratif), ils devraient toujours promouvoir les droits et libertés fondamentaux et, en particulier, ceux concernant la protection spécifique des mineurs, tel qu’explicités dans cet Avis.

7.            Les lignes directrices suivantes s’appliquent dans le cadre des compétences reconnues aux procureurs et conformément aux lois nationales en vigueur.

8.            Les principes du présent Avis concernant les mineurs peuvent également être appliqués aux jeunes majeurs.

9.            En outre, le CCPE exprime le souhait que les Etats membres prennent les mesures appropriées pour combattre les autres facteurs socio-économiques susceptibles de conduire à la délinquance des mineurs (par ex. mineurs sans domiciles, le chômage, le manque de formation).

Documents de référence

10.         Le CCPE a préparé le présent Avis sur la base des réponses de la part de (37) Etats membres à un questionnaire spécifique sur la question[81].

11.         Cet Avis se base sur des instruments juridiques universels[82] ou régionaux[83], y compris la jurisprudence de la CEDH en la matière[84].

12.         Le CCPE a également tenu compte des travaux et conclusions de la 7ème Conférence des Procureurs Généraux d'Europe (Moscou, 2006)[85] sur le rôle du ministère public dans la protection des individus, ainsi que des Avis du CCPE n°2 sur les mesures alternatives aux poursuites, n°3 sur le rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale et n°4 sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique[86].

Définitions

13.         Aux fins du présent Avis, le CCPE se réfère aux définitions contenues au paragraphe 21 de la Recommandation Rec(2008)11 sur les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l'objet de sanctions ou de mesures et au Point I de la Recommandation Rec(2003)20 concernant les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs.

(i)         “Mineur” s’entend comme une personne de moins de 18 ans ;

(ii)        "Délinquant mineur” s’entend comme une personne de moins de 18 ans suspectée d’avoir commis ou ayant commis une infraction ;

(iii)        “Infraction” s’entend comme tout acte ou omission qui constitue une violation de la loi entraînant une sanction et dont connait une juridiction pénale ou toute autre autorité judiciaire ou administrative. 

Particularités de la justice des mineurs

14.         La justice des mineurs, en raison de la fragilité de ceux qui en font l’objet, doit bénéficier d’une attention particulière de la part de tous les acteurs judiciaires et sociaux, compétents  en matière d’exécution. Quel que soit le système en vigueur, le procureur devrait prendre en compte l’état de minorité, éventuellement l’atténuation de responsabilité qui en découle et accorder une attention particulière à l’exercice des droits des mineurs.

15.         Les mesures suivantes devraient, le cas échéant, être envisagées:

§    vidéo ou enregistrement audio des témoignages donnés par des mineurs, auditions des mineurs réalisées avec l'aide de psychologues pour enfants, de pédagogues, de travailleurs sociaux ou d'autres experts;

§    auditions de mineurs réalisées, lorsque cela est approprié, en présence du titulaire de la responsabilité parentale ou d'une autre personne proche des services pour mineurs ou sociaux;

§    salles d'auditions spécialement adaptées pour les jeunes. Les victimes mineures devraient être interrogées le moins de fois possible;

§    les auditions devraient être menées de manière à éviter la double victimisation.

16.         Les procureurs devraient veiller à la promotion des mesures visant à prévenir les infractions des mineurs qui, en raison de leurs conditions de fragilité, sont susceptibles de commettre des infractions. Les parents devraient être consultés et impliqués dans la mise en œuvre de ces mesures préventives.

17.         Les sanctions devraient tenir compte de l’éducation, de la formation, de l’environnement personnel et de la personnalité des mineurs concernés et ne pas seulement viser à sanctionner une infraction pénale ou tout autre comportement illégal. Les mesures qui limitent la liberté des mineurs devraient être précisées par la loi et limitées aux strictes nécessités de protection de la société.

18.         Conformément à leurs compétences, le procureur devrait veiller à s’assurer que tout contact du mineur avec le système judiciaire, qu’il soit délinquant, victime ou témoin, fasse l’objet de précautions particulières visant à lui permettre de recevoir l’information nécessaire, par des moyens que son âge lui permet de comprendre, sur le déroulement de la procédure, le rôle des acteurs judiciaires et les mesures dont il est susceptible de faire l’objet. 

19.         Les procureurs devraient disposer de tous les moyens utiles et appropriés pour l’exercice de leurs compétences à l’égard des mineurs et ces moyens devraient aussi être attribués aux autres services compétents qui interviennent à l’égard des mineurs. Ils doivent en particulier bénéficier d’un système de recrutement et de formation appropriée ainsi que de la mise à disposition du personnel, du matériel et des services spécialisés indispensables. De même, les Etats membres devraient envisager la mise en place d’unités ou d’agents spécialisés pour les mineurs délinquants. 

20.         Lors des poursuites ou des enquêtes pénales et des autres procédures impliquant des mineurs, les procureurs devraient veiller à porter une attention particulière aux délais et s’assurer que de telles affaires sont traitées en priorité et sans retard injustifié. Une longue procédure peut aggraver l'impact négatif de l'infraction commise et peut freiner la réhabilitation du mineur, délinquant ou victime.

21.         Les procureurs devraient être conscients que, selon les normes internationales, les enfants privés de leur liberté doivent, en règle générale, être séparés des adultes et ont le droit d’être en contact avec leur famille[87].

22.         L’intérêt de la société exige que les médias reçoivent l’information nécessaire sur le fonctionnement du système judiciaire[88]. Néanmoins, l’exposition médiatique des mineurs impliqués dans des poursuites pénales ou des autres procédures peut leur être particulièrement préjudiciable. Les procureurs devraient donc être particulièrement sensibilisés sur leur responsabilité de ne pas révéler une information susceptible de violer les droits des mineurs impliqués ou d’augmenter leur préjudice.

23.         L’échange d’expériences entre les procureurs ainsi que la coopération internationale en matière de justice des mineurs est fortement recommandée[89].  

Les mineurs avant le procès

24.         Afin de mieux connaître la situation du mineur impliqué dans une procédure, les procureurs devraient, dans leur domaine de compétence, jouer un rôle clef dans la coordination et la coopération des divers acteurs de la phase de poursuite pénale (par exemple la police, les services de probation et les services sociaux).

25.         Les procureurs devraient, si cela est approprié, faire appel aux conseils des services sociaux, des services spécialisés de protection de l’enfance avant de décider de poursuivre ou non les mineurs impliqués. Les procureurs devraient également y faire appel avant de décider quelle sanction ou mesure proposer au tribunal. Ils devraient également être sensibilisés et recourir, le cas échéant, à des moyens techniques adaptés aux mineurs pour les auditions ainsi qu’à des experts (voir paragraphe 15 ci-dessus).

26.         Gardant à l’esprit l’éventuel impact négatif des procédures pénales ou autres sur le développement futur des mineurs, les procureurs devraient, le plus souvent possible et conformément à la loi, envisager des alternatives aux poursuites des mineurs délinquants, dès qu’elles peuvent constituer une réponse judiciaire appropriée à l’infraction tout en tenant compte des intérêts des victimes et de l’intérêt général, en cohérence avec les objectifs de la justice des mineurs[90].

 

27.         Selon les normes internationales, la détention provisoire des mineurs devrait être uniquement utilisée comme une mesure de dernier ressort et pour une durée la plus courte possible. S’ils en ont la charge, les procureurs devraient tout particulièrement vérifier si les motifs de la détention provisoire peuvent être atteints par des mesures moins coercitives et s’assurer que la détention provisoire des mineurs s’effectue dans des conditions minimisant leurs éventuelles conséquences négatives.

28.         Des lignes directrices ou des recommandations sur les mesures appropriées en réponse aux différents types d’infractions commises par les mineurs, pourraient être utiles pour assurer l’égalité devant la loi.

Les mineurs pendant le procès

29.          L’objectif d’assurer le bien être et l’intérêt des mineurs pendant le procès, devrait être une valeur partagée par tous les procureurs. Les procureurs devraient veiller à ce que la procédure pénale ne cause pas de troubles excessifs à l’encontre des délinquants et ne nuisent pas aux victimes et aux témoins, si cela est approprié, au moyen d’une approche protectrice.

30.         Le procureur devrait veiller à ce que le mineur soit informé des charges retenues contre lui, et exercer pleinement sa défense, afin qu’il soit en mesure de présenter ses explications et de bénéficier de l’assistance d’un avocat dans toutes les procédures qui le concernent, et de pouvoir s’exprimer librement devant l’instance judiciaire compétente.

 

Exécution des décisions concernant les mineurs

31.         En matière de justice des mineurs, les procureurs devraient, lorsque cela entre dans leurs compétences, veiller à ce que des mesures d’éducation et de socialisation soient utilisées le plus largement possible, telles que la réparation, la formation, le contrôle par les services sociaux, le traitement, le placement dans des établissements spécialisés pour mineurs, la médiation, ainsi que le contrôle judiciaire, la mise à l’épreuve et la liberté conditionnelle, tout en tenant compte de l’intérêt de la victime, de l’intérêt général, de l’intérêt du mineur ainsi que des objectifs de la justice pénale.

32.         Lorsque cela entre dans leurs compétences, les procureurs devraient contrôler la légalité de la mise en œuvre de toutes les sanctions et mesures ainsi que le placement des mineurs en établissements spécialisés et régulièrement inspecter les établissements pénitentiaires spécialisés pour les mineurs. Ces inspections devraient également concerner les établissements utilisés pour la détention provisoire.

33.         Les procureurs devraient, lorsque cela entre dans leurs compétences, veiller à ce que le mineur qui a commis une infraction et qui a fait l’objet d’une mesure ou d’une sanction judiciaire, puisse faire l’objet d’un suivi et d’une assistance afin d’éviter au maximum les risques de récidive.

34.         Les Etats  membres sont invités à vérifier régulièrement la mise en œuvre, au sein de leur système national, de la Recommandation (2000)19, en particulier au regard de la justice des mineurs telle que détaillée dans le présent Avis . 


Avis N°6 (2011)

du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

Les relations entre procureurs et administrations pénitentiaires

I.          Introduction

1.         Le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) a été créé en 2005 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui lui a fixé pour tâche la formulation d’avis sur les questions relatives au fonctionnement des services du procureur et la promotion de la mise en œuvre effective de la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres aux Etats membres relative au rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

2.         Le Comité des Ministres a chargé le CCPE[91] d’adopter en 2011 un avis à son attention sur les relations entre les procureurs et l’administration pénitentiaire, à la lumière de la Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les Règles pénitentiaires européennes.

3.         Le CCPE a rédigé cet avis sur la base de 25 réponses reçues des Etats membres[92] à un questionnaire. Celles-ci démontrent clairement que les relations entre le Ministère public et les autorités pénitentiaires varient grandement dans leurs objectifs, contenu ou structure, allant de l’absence d’interaction à une interaction très structurée, voire contrôlée par le Ministère public. L’histoire juridique, la culture nationale et les développements dans les différentes institutions judiciaires explique la diversité actuelle.

Champ d’application de l’Avis

4.         Toutes les dispositions de cet Avis s’appliquent aux Etats dans lesquels les procureurs ont un rôle spécifique en matière pénitentiaire. Dans les Etats où les procureurs n’ont pas de tels pouvoirs, une autre autorité doit toujours pouvoir protéger les droits des personnes privées de liberté.

5.         Le présent Avis concerne les relations entre les procureurs et les institutions chargées des « personnes placées en détention provisoire par une autorité judiciaire ou privées de liberté à la suite d’une condamnation », telles que visées par la Recommandation Rec(2006)2.

Objectifs de l’Avis

6.         L’enfermement des personnes détenues contiendra toujours le risque, dans une entité fermée, que ne soient pas respectés les droits de l’homme les plus élémentaires.

7.         Le CCPE vise à définir des lignes directrices concernant les procureurs dans l’exercice de leurs fonctions vis-à-vis des personnes privées de liberté, et en particulier :

·         à déterminer les domaines d’action permettant de contrôler les conditions de détention dans les prisons et le respect de la loi et des droits de l’homme ainsi que de favoriser l’amendement des condamnés et leur réinsertion dans la société dans les meilleures conditions possibles ;

·         à sensibiliser toutes les autorités concernées, y compris les membres du ministère public, au sort des personnes détenues afin qu’elles remplissent pleinement le rôle que les lois nationales leur assignent en la matière ;

·         à mettre en lumière les principes fondamentaux et des mesures concrètes définies dans la Recommandation Rec(2006)2 afin d’en améliorer la connaissance et d’en faciliter le respect par toutes les autorités concernées.

Principes généraux

8.         Il est nécessaire, pour un Etat de droit, qu’un système bien coordonné d’exécution et de contrôle, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, soit instauré concernant la privation de liberté du fait de l’Etat. Cela implique que, tant dans le cadre du déroulement de la détention provisoire que dans le cadre de l’exécution des peines, des mécanismes de surveillance et de contrôle appropriés soient mis en place.

9.         A cet égard, tous les Etats membres doivent mettre en place une autorité impartiale, objective et professionnelle chargée de suivre et contrôler, périodiquement et de manière structurée, l’exécution des peines privatives de liberté. Dans certains Etats membres, à cette fin, les procureurs disposent de tous les pouvoirs dont ils ont besoin pour exécuter ces tâches de manière effective. Dans d’autres Etats membres, ces pouvoirs peuvent être confiés à une instance judiciaire ou à une autre instance indépendante extérieure à l’administration pénitentiaire.

10.        De ce fait, une importance particulière doit être accordée aux buts et tâches des institutions pénales et aux fonctions et pouvoirs du Ministère public, quand ils ont ces compétences, concernant la légalité de l’application des peines, le respect des droits et des libertés fondamentaux des personnes qui purgent leur peine ou qui sont en détention provisoire. 

11.       Le procureur, lorsqu’il exécute ou demande l’exécution d’une peine ou d’une détention provisoire décidée par toute autorité compétente, est directement concerné par la privation de liberté d’un individu. Dans le cadre de ces activités, le procureur doit toujours être tenu par le respect du principe de légalité, d’impartialité et d’indépendance vis-à-vis de toute influence indue. Il doit donc éviter, dans l’accomplissement de ses tâches, toute discrimination qui serait basée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la langue, la religion, les orientations sexuelles, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, l’association avec une minorité nationale, les biens, la naissance ou tout autre statut (principe de non discrimination).

Instruments de référence

12.       S’agissant des conditions de détention, le CCPE souligne l’importance de se référer, à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (La Cour). Le CCPE insiste notamment sur le respect de l’article 3 de la CEDH énonçant l’interdiction de la torture[93] et des traitements inhumains et dégradants[94], l’article 8 (respect de la vie privée et familiale)[95] et l’article 13 (droit à un recours effectif)[96].

13.       Le CCPE a particulièrement pris en compte les Recommandations Rec (2000)19 relative au rôle du ministère public dans le système de justice pénale et Rec(2006)2 sur les Règles pénitentiaires européennes qui énumère les règles à appliquer lorsqu’un Etat membre décide de placer un individu en détention (Principes fondamentaux, conditions de détention, santé, bon ordre, direction et personnel, inspection et contrôle, prévenus, détenus condamnés) ainsi que d’autres instruments du Conseil de l’Europe[97].

14.       Le CCPE a également tenu compte de documents pertinents des Nations Unies[98] ainsi que d’autres instruments juridiques internationaux[99].

II.            Le rôle du procureur

A.            La détention provisoire

15.       La détention provisoire dans les affaires pénales doit toujours répondre à des motifs raisonnables conformes à la loi et aux exigences de la CEDH et de la jurisprudence pertinente de la Cour.

16.       Dans les Etats dans lesquels les procureurs ont des compétences en matière pénitentiaire, ils devraient pouvoir :

- contrôler le respect, par les services chargés des enquêtes, des droits des détenus tels qu'ils sont protégés par la CEDH et par le droit national (tels que le droit de connaître le motif de sa détention, le droit de prévenir ses proches de sa détention, le droit à la défense, y compris d'être défendu par un avocat, etc.) et prendre des mesures pour faire cesser les violations constatées et de faire rendre des comptes aux personnes coupables de les avoir commises ;

- prendre des mesures visant à libérer immédiatement un détenu, lorsque les conditions de privation de liberté ne sont pas remplies (par ex :absence d’un titre autorisant la détention ou si des mesures moins intrusives sont considérées comme suffisantes) ;

- vérifier la légalité de la manière dont est exécutée la détention décidée par un juge.

B.            L’exécution des peines

17.       L’exécution d’une peine d’emprisonnement aboutit à la privation d’un droit fondamental de l’individu : celui de la liberté.

18.       Cette conséquence justifie que des mesures soient prises par le procureur, s’il a des compétences en la matière, afin que :

·                     cette peine soit exécutée en temps non prescrit en raison d’une condamnation définitive rendue par une autorité judiciaire impartiale et indépendante ;

·                     cette peine soit fixée avec précision quant à sa nature et/ou sa durée conformément à la décision rendue ;

·                     les raisons de cette peine soient portées à la connaissance de la personne incarcérée tant dans son fondement que dans ses modalités.

19.       Avant l’exécution de la peine d’emprisonnement, il importe qu’une autorité indépendante de la direction de l’établissement pénitentiaire concerné soit garante de la légalité d’une telle exécution.

20.       L’autorité compétente pour exécuter la peine doit:

- vérifier en particulier que toutes les conditions légales sont remplies pour mettre la peine à exécution, mais aussi que la peine est exécutée dans le respect de la dignité humaine. Sauf circonstance particulière justifiée par l’urgence (risque de fuite ou motif de sécurité), elle veillera à répondre avec célérité à toute interrogation du détenu lui-même ou de ses avocats ou de l’administration pénitentiaire quant à l’exécution de la peine et à produire tout document pour justifier sa position ;

- traiter et transmettre sans délai à l’autorité compétente toute demande pouvant affecter l’exécution de la peine (par exemple recours en grâce, demande de libération).

21.       Selon les systèmes nationaux, le procureur peut jouer un rôle important dans la procédure de libération conditionnelle des personnes condamnées ainsi que dans leur réhabilitation dans la société.

C.            Le régime de détention

22.       Bien que les Règles pénitentiaires européennes ne précisent pas le rôle et la position ni du procureur, ni de tout autre organe de contrôle dans le cadre de la détention, il appartient au procureur, lorsque cela entre dans ses compétences, de contrôler strictement l’exécution des lois nationales mettant en œuvre ses Règles. Il importe notamment qu’il veille, dans la limite de ses compétences, à assurer la protection totale et effective des droits des personnes détenues afin de permettre une application cohérente des droits de l’homme et des libertés au sein des prisons.

23.       La détention doit respecter la dignité des personnes privées de leur liberté et limiter les effets négatifs de l'emprisonnement, tout en protégeant la société.

24.       Si le procureur est responsable du contrôle du respect de la réglementation au sein des centres de détention, il devrait pouvoir:

·         inspecter régulièrement les installations de détention à tout moment,

·         avoir accès et disposer des documents, des dossiers, des ordres écrits et des décisions de l’administration pénitentiaire,

·         rencontrer librement les personnes privées de liberté sans la présence d'autres             personnes,

·         demander des explications pertinentes aux employés des lieux de détention,

·         vérifier la légalité des procédures et résolutions émises par les instances éducatives concernant les soins et la protection, ainsi que des ordonnances et des résolutions de l'administration pénitentiaire concernant la détention provisoire ou la sanction,

·          s’assurer du respect de la législation applicable dans les divers lieux de détention,

·          prendre les mesures nécessaires pour libérer immédiatement une personne dont la détention est sans titre.

25.       En cas de violation des dispositions légales lors de la détention, un procureur, lorsque cela entre dans ses compétences, devrait réagir en exigeant le respect strict des dispositions applicables, indépendamment des coûts supplémentaires que cela pourrait entraîner. Le cas échéant, le procureur initie une enquête disciplinaire ou pénale à l’encontre des agents pénitentiaires responsables.

D.            Réponses aux infractions commises en prison (matières pénales et disciplinaires)

26.       Le CCPE rappelle que le procureur est «l'autorité chargée de veiller, au nom de la société et dans l'intérêt général, à l'application de la loi lorsqu’elle est pénalement sanctionnée, en tenant compte, d’une part, des droits des individus et, d’autre part, de la nécessaire efficacité du système de justice pénale»[100]. Les Etats devraient prendre des mesures appropriées afin d’assurer aux procureurs le pouvoir d’exercer leurs fonctions sur l’ensemble des lieux de privation de liberté.

 

27.       Les individus privés de leur liberté vivent dans une relation spéciale de subordination et de vulnérabilité. En raison de cette situation, il est particulièrement important de veiller à ce que les lieux de privation de liberté soient à l’abri de violation de la loi pénale et des règles élémentaires touchant aux droits de l’homme et aux libertés.

28.        En tant qu'instrument de prévention de la criminalité au sein des prisons, toutes les infractions pénales commises dans ces lieux méritent une attention particulière.

 

29.       L’intérêt public commande que les procureurs, lorsque cela entre dans leurs compétences, ouvrent des enquêtes appropriées lorsque des infractions pénales ont été commises, en particulier en matière de corruption ou de pression sur le détenu, ou en cas de violation des droits de l’homme commises par le personnel des établissements de privation de liberté.

30.       Dans tous les cas de violation de la loi dans les prisons, les Etats membres devraient prendre les mesures appropriées pour s'assurer que les autorités chargées de l’enquête aient toutes les informations nécessaires à la conduite, la direction ou le contrôle de l'enquête, afin de permettre qu’une décision puisse être prise concernant l’initiation ou la continuation des poursuites devant le tribunal.

E.            L’administration pénitentiaire

31.       Dans les Etats dans lesquels les procureurs ont des compétences en matière pénitentiaire, ils devraient:

-       tenir compte des instruments du Conseil de l’Europe, et en particulier les recommandations du Comité européen de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) notamment en matière de conditions de détention[101]. Lorsqu’ils constatent une violation de ces recommandations, ils peuvent soumettre la question aux autorités compétentes. Le cas échéant, le Procureur général, par exemple à l’occasion du Rapport annuel présenté au Parlement, ou d’un autre événement, peut proposer des mesures appropriées pour assurer le respect de ces recommandations ;

-       - assurer l’Etat de droit sous deux aspects : d’une part, assurer les droits des détenus afin qu’ils ne soient pas, dans leur situation spécifique, moins bien traités que comme la loi le prévoit; d’autre part, protéger la société en assurant que la sanction est exécutée conformément à la loi ;

-       - assurer une protection effective des personnes détenues dans la mesure où ils ont accès aux lieux de détention, ils peuvent visiter régulièrement ces lieux et agir immédiatement en disposant des moyens appropriés et d’une expérience spécifique.

III.                    Conclusions

32.       Quel que soit le système en vigueur au sein de chaque Etat membre du Conseil de l’Europe, le respect des droits de l’homme au sein des lieux de détention devrait être une préoccupation essentielle des procureurs, garants du respect des lois et des principes fondamentaux énoncés dans la CEDH.

33.       Le CCPE a constaté que, dans nombre d’Etats, les procureurs jouent un rôle important dans l’exécution des peines d’emprisonnement et dans le contrôle de la légalité des détentions et des conditions de traitement des détenus au sein des prisons. Dans d’autres Etats néanmoins, les procureurs n’ont pas de compétence en matière pénitentiaire, ce rôle étant confié à d’autres autorités, qui devraient toujours pouvoir protéger les droits des personnes privées de liberté.

34.       Le CCPE estime nécessaire que les établissements pénitentiaires disposent de moyens suffisants, tant matériels qu’humains, afin de permettre des conditions de détention adéquates ainsi que des conditions optimales pour leur réinsertion.

35.       Les conclusions ci-après concernent les Etats membres dans lesquels les procureurs sont compétents en matière pénitentiaire:

a)        Les procureurs impliqués dans cette sphère d’activités devraient disposer des moyens nécessaires financiers et humains pour remplir leurs tâches de manière appropriée;

b)        En fonction de l’ampleur de leurs tâches, les services du procureur devraient prévoir des unités spécialisées au sein de leur structure organisationnelle pour leurs relations avec l’administration pénitentiaire;

c)        Si nécessaire, il devrait exister des lignes directrices synthétisant les bonnes pratiques ou des recommandations visant à harmoniser, au sein de chaque système, les approches générales ou spécifiques concernant les activités des procureurs qui sont en relation avec l’administration pénitentiaire;

d)        Les Etats membres ou les services du procureur devraient développer des formations spécifiques pour les procureurs amenés à travailler en relation avec l’administration pénitentiaire;

e)        Dans l’exécution de leurs fonctions, les procureurs devraient mettre en place ou développer, lorsque cela est approprié, une coopération ou des contacts avec un médiateur ou des institutions ayant un rôle de médiateur, avec les autorités concernées par la réhabilitation et la réinsertion, et avec les autres autorités pertinentes, ainsi qu’avec les représentants de la société civile, y compris les ONG concernées.

36.       Le CCPE estime qu’il appartient à toute autorité compétente, y compris aux procureurs, d’entreprendre les efforts nécessaires pour améliorer le sort des personnes détenues et favoriser leur réinsertion dans la société.

37.       Les Etats membres devraient s’assurer que les autorités compétentes appropriées pour exécuter les peines d’emprisonnement vérifient que toutes les conditions légales sont remplies pour mettre la peine à exécution dans le respect de la dignité humaine et en veillant à ce que les droits et conditions des personnes détenues soient évaluées.

38.       Les Etats membres doivent s’assurer que des enquêtes appropriées sont menées lorsque la commission d’infractions a été portée à leur connaissance, concernant la violation des dispositions légales lors de la détention.


ANNEXE

Description des différents systèmes juridiques et des diverses compétences des procureurs en matière pénitentiaire (Analyse des réponses au questionnaire)

1.            Dans près de la moitié des 25 Etats membres qui ont répondu au questionnaire, le contrôle sur les établissements pénitentiaires fait partie des missions du ministère public. Par contre, les procureurs de plusieurs Etats n'ont que des pouvoirs limités pour veiller à la protection des droits des personnes séjournant dans les lieux de privation de liberté.

2.            Les compétences des procureurs varient fortement d'un État à l'autre: elles vont d'un contrôle général sur les établissements pénitentiaires à l’absence de pouvoir en matière de contrôle de privation de liberté ou de détention provisoire. De ce point de vue, les Etats membres peuvent être répartis en trois grands groupes: (1) ceux où le ministère public contrôle les établissements pénitentiaires; (2) ceux où les procureurs disposent d'un pouvoir de contrôle limité sur les lieux de privation de liberté et de détention provisoire; (3) ceux où le procureur n'a aucun pouvoir dans les domaines susmentionnés.

3.            Dans les pays où les procureurs ont tout pouvoir en matière de contrôle de l'application des lois par les administrations qui gèrent les établissements pénitentiaires et de sûreté, les centres de détention provisoire et les autres lieux de privation de liberté et par les autres instances chargées de l'application des peines et des mesures de sûreté, ils veillent également au respect des droits et obligations des détenus et des personnes condamnées ou soumises à des mesures de sûreté ou de contraintes.

4.            Pour déceler et supprimer rapidement les violations de la loi à l'égard des personnes qui purgent leur peine ou ont été arrêtées, le procureur dispose de pouvoirs relativement étendus: il peut procéder à des contrôles indépendants dans les établissements pénitentiaires; demander aux administrations de créer des conditions propices au respect des droits des détenus et des personnes arrêtées, condamnées ou soumises à des mesures de sûreté ou de contraintes; vérifier la conformité des ordres, règlements et décisions des administrations des établissements pénitentiaires avec le droit national.

5.            La législation de certains Etats membres exige que les procureurs effectuent des contrôles réguliers dans les établissements pénitentiaires. La fréquence de ces contrôles varie d'un pays à l'autre, et va de visites journalières à un contrôle tous les trois mois. Certains pays ne réglementent pas le nombre de contrôles, et se limitent à recommander au procureur de procéder à une éventuelle inspection. De tels contrôles peuvent donner lieu à un rapport, un rapport officiel de synthèse (déclaration) ou à une action en justice sur les violations constatées, qui doivent être adressés au directeur de l'établissement contrôlé et à l'administration compétente, le cas échéant.

6.            Dans nombre de pays, le principal moyen de garantir la légalité est de conférer à un procureur le droit de visiter à tout moment les lieux de privation de liberté et de sûreté. Ces visites offrent au procureur l'occasion de se familiariser avec les documents, de vérifier les conditions de détention des personnes et d'avoir des entretiens libres et confidentiels avec les personnes condamnées.

7.            Dans la plupart des Etats, la fréquence des contrôles sur les conditions de détention est définie par la loi et cette fréquence peut aller d’un contrôle hebdomadaire à des visites programmées quatre fois par an. Dans d’autres Etats, les procureurs ont l'obligation de rencontrer individuellement les détenus à intervalles réguliers; parallèlement, les plaintes des personnes prévenues ou condamnées relatives aux conditions de détention sont perçues comme une raison d’initier un contrôle ad hoc de l’institution concernée. Dans un troisième groupe de pays, les visites sont motivées par une réclamation ou une déclaration des personnes condamnées. Les requêtes des condamnés au procureur peuvent être motivées par une violation alléguée de leurs droits de personne détenue ou arrêtée, mais il peut aussi s'agir de demandes d'une autre nature, comme le transfert d'un condamné dans une autre prison pour garantir sa sécurité.

8.            Dans les pays qui confèrent au ministère public des pouvoirs limités de contrôle sur les établissements pénitentiaires, il n'est pas exclu que les personnes condamnées puissent coopérer avec le procureur. En outre, dans ces pays, l'initiative d'une telle demande est souvent prise par le condamné ou la personne arrêtée, qui affirme être victime de traitements cruels ou d'autres violations des droits de l'homme. En règle générale, l'absence de loi régissant ces rencontres n'exclut pas le droit pour le procureur d'avoir, si nécessaire, un entretien confidentiel avec un détenu.

9.            Dans pratiquement tous les Etats où le ministère public dispose d'un pouvoir de contrôle sur les lieux de privation de liberté et de détention, le procureur peut, s'il constate des violations des droits de l'homme, exiger que les fonctionnaires fournissent des explications, suspendre l'exécution des ordres et décisions illégaux de l'administration et annuler les sanctions infligées aux détenues en violation de la loi. S'il constate qu'une mesure ou une instruction des administrations des institutions d'application des peines et des autres mesures de sûreté, le procureur est autorisé à demander le réexamen ou même, en toute indépendance, à suspendre la validité de la disposition illégale. Dans de nombreux pays qui confèrent de larges pouvoirs au ministère public, le procureur peut immédiatement faire libérer toute personne détenue sans motif légal dans les établissements d'application des peines, ou dont l'arrestation ou la détention provisoire n'est pas conforme à la loi.

10.          Une violation des droits de l'homme pendant une peine de privation de liberté ou une détention provisoire justifie une intervention du procureur pour la faire cesser. L'efficacité et la nature de l'intervention du procureur face aux agissements des administrations d'établissements pénitentiaires varient d'un Etat membre à l'autre. Dans plusieurs pays, le procureur qui constate une violation des droits de l'homme dans un lieu de privation de liberté ou de détention provisoire lance une enquête indépendante qui conduit, le cas échéant, à engager la responsabilité disciplinaire, administrative ou pénale des fonctionnaires mis en cause. Il convient de noter que les procureurs sont habilités à réagir aux violations de droits de l'homme dans les établissements pénitentiaires, même dans les pays qui ne lui accordent pas un pouvoir de contrôle étendu sur les lieux de privation de liberté et de détention provisoire.

11.          Dans la plupart des Etats membres, les procureurs ne disposent pas de pouvoirs indépendants pour prendre des mesures disciplinaires contre les fonctionnaires coupables. S'ils constatent une violation disciplinaire lors d'un contrôle, ils peuvent saisir l'organisme national compétent pour sanctionner, le cas échéant, le personnel des lieux de privation de liberté et de détention provisoire. Seuls quelques pays donnent au procureur le droit de prendre des mesures à l'encontre des personnels dont ils constatent les fautes disciplinaires.

12.          Le procureur a des pouvoirs nettement plus étendus en cas d'infraction pénale constatée dans un établissement pénitentiaire. Face à une telle situation, la plupart des pays donnent au procureur le droit d'engager des poursuites pénales et de mener une enquête indépendante. Dans pratiquement tous les Etats membres, le procureur est habilité à enquêter sur les atteintes à la personne humaine commises dans les établissements pénitentiaires. Si l'on signale le décès inopiné d'un détenu ou des crimes commis à l'encontre d'un détenu, ou par un détenu à l'encontre d'une autre personne condamnée ou du personnel pénitentiaire, le procureur doit intervenir. La législation de la plupart des pays confère au procureur le droit de mener une enquête indépendante ou de confier l'affaire criminelle aux organismes d'enquête tout en conservant un droit de contrôle sur l'enquête.

13.          Certains pays prévoient que si une violation des droits de l'homme des détenus ou de personnes placées en détention provisoire par l'administration d'un établissement est avérée, le procureur est fondé à engager des poursuites et à demander réparation des dommages dans le cadre d'un procès au civil.

14.          Dans les pays qui confèrent au ministère public un droit de contrôle sur les établissements pénitentiaires, les parquets jouent un rôle important dans la surveillance de la conformité des conditions de détention par rapport aux normes du droit international et aux recommandations du Conseil de l'Europe.

15.          Dans certains pays, le procureur a des pouvoirs supplémentaires. Il peut ainsi décider du calcul de la durée d'une peine; il participe aux discussions sur le transfert des condamnés; il peut imposer des restrictions sur les conditions de vie d'un condamné pour assurer la sécurité; il rend les décisions autorisant, le cas échéant, les détenus à quitter les établissements pénitentiaires en cas d'urgence; il invite les médecins des diverses spécialités à examiner, si nécessaire, les personnes privées de liberté ou placées en détention. Dans divers pays qui donnent au procureur des pouvoirs limités en matière de contrôle sur les établissements pénitentiaires, le procureur dispose d'un droit d'examen des faits pour définir les conditions de traitement des personnes placées en détention, y compris leur degré d'isolement et les limites à fixer à leurs contacts et à leur utilisation des moyens de communication.

16.          Dans quelques Etats, les pouvoirs du procureur en matière de contrôle sur les établissements pénitentiaires ne couvrent que les lieux où les détenus et les gardés à vue sont maintenus. Dans ce cas, le procureur est compétent pour vérifier les documents qui confirment la légalité de la détention provisoire, pour visiter ces établissements à tout moment et pour communiquer librement avec les personnes détenues. De plus, certains Etats confèrent également au procureur un droit de rendre des décisions sur l'arrestation et la mise en détention provisoire et de participer aux décisions sur la nécessité de prendre des mesures spéciales pour protéger pendant leur détention provisoire les personnes qui sont en danger en raison de leur appartenance à des organisations criminelles.

17.          Dans la plupart des pays, le procureur est indépendant des autres instances de l'Etat dans ses activités de contrôle de la légalité des incarcérations. Cependant, dans pratiquement tous les Etats où le ministère public appartient à un système centralisé et unique, les procureurs sont soumis à l'autorité du procureur général dans l'exercice de leurs fonctions.

18.          Certains parquets interviennent dans les décisions relatives à une grâce. Dans le cadre de telles procédures, les procureurs sont très souvent appelés à exprimer leur avis sur le bien-fondé d'une telle grâce à l'égard d'une personne condamnée. Les procureurs de plusieurs Etats ont également le pouvoir de contrôler la légalité de l'exécution des décisions d'amnistie et de grâce.

19.          Une grande importance est accordée aux activités des parquets dans le domaine de la libération conditionnelle de détenus. Dans ces cas, le rôle du procureur ne se limite généralement pas à introduire une demande de libération conditionnelle et à l'élaboration, à l'attention du tribunal, de la déclaration suggérant la possibilité d'accorder une libération conditionnelle: certains pays lui permettent de participer aux réunions de la commission compétente et aux audiences sur la libération conditionnelle, ainsi que de contrôler la légalité de la libération.

20.          Dans de nombreux Etats membres, le ministère public est habilité à faire appel des décisions des tribunaux relatives à l'application des peines (condamnation). Au cours de l'examen de telles affaires, les procureurs peuvent participer aux audiences avec une possibilité d'y soumettre des documents, de déposer des motions, etc.

21.          Dans certains Etats, le procureur est en contact avec des instances publiques chargées de surveiller et contrôler le respect des droits de l’Homme dans les lieux de détention. Les lois de plusieurs pays réglementent la coopération des représentants du ministère public avec le médiateur (pour les droits de l'homme). Dans la plupart des Etats, cette coopération comporte deux volets: d'une part les informations présentées dans les rapports du médiateur, qui peuvent servir de base aux contrôles réalisés par les procureurs et, d'autre part, les conclusions des procureurs concernant leurs efforts pour faire éliminer les violations des droits de l'homme dans les lieux de détention, qui sont soumises au médiateur.



Avis N°7 (2012)

du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

La gestion des moyens du ministère public

I.          INTRODUCTION

1.     Le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) a été créé en 2005 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, qui lui a fixé pour tâche la formulation d’avis sur des questions relatives au fonctionnement des services du parquet et la promotion de la mise en œuvre effective de la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres aux Etats membres relative au rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

2.     Le Comité des Ministres a chargé le CCPE d’adopter en 2012 un avis à son attention sur la gestion des moyens du Ministère public[102].

3.     Le CCPE a rédigé cet avis sur la base de 30 réponses reçues des Etats membres à un questionnaire[103]. Selon ces réponses, le niveau d’autonomie financière semble avoir une incidence sur les outils à la disposition des ministères publics pour gérer leurs ressources. La préparation du budget est, dans la plupart des cas, une compétence partagée entre le ministère public et le ministère de la justice, accompagnée souvent d’une implication directe du ministère des finances. La moitié des Etats environ précise que les budgets des ministères publics sont gérés par un système de gestion par résultats incluant des objectifs d’efficacité et de productivité.

4.     En outre, selon un nombre important d‘Etats, les budgets alloués aux ministères publics sont jugés insuffisants, cet aspect étant accentué en cette période de crise. La situation économique actuelle constitue un défi à l’efficacité de la justice, mais également une opportunité pour introduire des changements dans la manière d’utiliser les ressources des ministères publics. En tout état de cause le ministère public devrait garder à l’esprit la nécessité d’utiliser les ressources disponibles de la manière la plus efficace.

A.          Textes de référence

 

5.     Le CCPE souligne l’importance de se référer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (La Cour)[104].

6.     Le CCPE a particulièrement pris en compte la Recommandation Rec(2000)19, notamment la partie concernant les garanties reconnues au ministère public pour l’exercice de ses activités. Il a également tenu compte des conclusions et recommandations en la matière contenues dans les précédents avis du CCPE, en particulier dans les Avis n°3(2008) sur le « Rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale » et n°4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique.

7.     Le CCPE a également tenu compte des lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public – Les lignes directrices de Budapest[105] – , de l’Avis N°2 (2001) du Conseil consultatif de juges européens (CCJE) relatif au financement et à la gestion des tribunaux au regard de l'efficacité de la justice et au regard des dispositions de l'article 6 de la CEDH, ainsi que le Rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) intitulé « Systèmes judiciaires européens : édition 2010 »[106] et le Rapport de la Commission de Venise sur les normes européennes relatives à l'indépendance du système judiciaire : Partie II – le ministère public[107].

8.     Le CCPE a pris note, enfin, des instruments adoptés par d’autres organisations internationales telles que l’Organisation des Nations Unies et l’Association internationale des procureurs, ainsi que des Conclusions du document final de la 5ème réunion plénière du Réseau des procureurs généraux ou institutions équivalentes près les cours suprêmes judiciaires des Etats membres de l’Union Européenne, adoptées à Budapest le 26 mai 2012[108].

B.           Champ d’application et but de cet Avis

9.     Le présent Avis s’applique au ministère public dans l’exécution de l’ensemble des fonctions qui lui sont dévolues par la loi. Lorsqu’il a des compétences en dehors du système de justice pénale[109], les principes et dispositions mentionnés s’appliquent mutatis mutandis à toutes ses fonctions. Le ministère public assume un rôle déterminant dans le système judiciaire et assure le respect des droits de l’Homme, y compris, dans certains ressorts, dans les lieux de détention. Plus particulièrement, en sa qualité d’autorité chargée de veiller à l’application de la loi et de poursuivre tout comportement criminel, le ministère public doit répondre à l’exigence commune de combattre la criminalité nationale et internationale.

10.  De nos jours, le ministère public est confronté à une délinquance croissante qui induit un sentiment d’insécurité grandissant. En raison de la grave mise en danger qu’elle représente pour la société, l’expansion du crime organisé, y compris les actes terroristes, le trafic de drogue, et la cybercriminalité exige une efficacité accrue des activités du ministère public ainsi qu’une protection renforcée des droits de l’Homme et de l’intérêt public.

11.  Même si les compétences du ministère public de gérer de manière autonome son propre budget et ses ressources varient d’un Etat membre à l’autre, l’autonomie de gestion constitue l’une des garanties de son indépendance et de son efficacité. A cette fin, il est indispensable de pouvoir faire appel à du personnel compétent en matière de gestion et de définir des principes communs en matière de gestion des moyens, notamment budgétaires.

12.  Le présent Avis a pour ambition d’élaborer des recommandations visant à identifier les besoins, et à répartir et utiliser, de manière plus efficace, les ressources du ministère public.

II.         LES BESOINS DU MINISTERE PUBLIC

A.            La préparation du budget

13.  Le budget de chaque ministère public devrait être intégré dans le budget de l’Etat, dans une ligne budgétaire séparée. Il est important de s’assurer que les procédures visant à définir les budgets des services du ministère public et à allouer des ressources financières additionnelles sont prévues par la loi budgétaire ou d’autres règlements financiers. L'attribution des ressources au ministère public étant une décision d’ordre politique, les pouvoirs législatif et exécutif ne devraient pas être en mesure d’influencer de manière excessive le ministère public lors de la prise de décision sur son budget. La décision concernant l’attribution des ressources devrait se faire dans le respect de l’indépendance du ministère public et assurer les besoins nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

14.  Le ministère public devrait être impliqué, avec l’exécutif, dans l’élaboration de son budget. Dans les pays où le système juridique l’autorise, le droit d’entrer directement en contact avec le Parlement afin de lui faire part de ses besoins peut être un moyen de participer activement à l'élaboration de son budget. En tout état de cause, la procédure d'adoption du budget du ministère public devant le parlement devrait prévoir la prise en considération de l’avis des services du ministère public concernés.

15.  Afin de permettre l'attribution de moyens suffisants par le parlement (ou par une autre autorité publique compétente), les coûts estimés doivent être calculés à l'avance. Cela nécessite des plans budgétaires fiables, soit en ce qui concerne le budget de fonctionnement soit en ce qui concerne le budget d’investissement. Les statistiques pénales  et d’autres statistiques pertinentes des années précédentes, ainsi que les tendances confirmées et les activités du ministère public, particulièrement les nouveaux projets et projets en cours, peuvent servir de base à l’élaboration d’un budget global minimal pour l’année ou la période à venir. La gestion par résultats offre certains outils utiles pour établir les budgets des périodes futures.

16.  Dans tous les cas, il importe que toutes les décisions internes concernant l’attribution des ressources liées directement aux activités du ministère public soient prises par le service concerné lui-même.

17.  La gestion des ressources budgétaires devrait être effectuée par le ministère public lui-même de manière responsable et efficace, selon des critères de bonne gouvernance. C’est pourquoi, parmi d’autres mesures, une formation appropriée des membres du ministère public en la matière devrait être mise en place. Le ministère public devrait également, le cas échéant, être doté du personnel spécialisé ayant de l’expérience dans la finance, l’audit et la gestion pour s'acquitter de ces fonctions et veiller à la bonne utilisation des ressources. Le ministère public devrait être informé de la possibilité de recourir à ce personnel spécialisé et de disposer des ressources nécessaires à cette fin. Il devrait avoir le dernier mot et la responsabilité des choix essentiels.

18.  Le budget du ministère public doit, en toutes circonstances, lui permettre des réactions rapides à des évènements et circonstances imprévus.

B.            Les besoins du ministère public

19.  Les nouveaux défis en matière de crimes et l’augmentation de la complexité de certaines formes de criminalité sont aussi dus au développement rapide des nouvelles technologies, à un accroissement de l’intégration internationale et de la mondialisation, des échanges commerciaux internationaux et de la circulation des données internationales. Cette réalité a créé des nouveaux moyens de commettre des délits, ce qui implique une nécessité de coopérer, y compris au niveau international, pour la détection de ceux-ci, et la poursuite des criminels. Une formation spécifique visant à faire face aux menaces posées par ces phénomènes s’avère également nécessaire.

20.  Par temps de crise économique, lorsque la pauvreté et les inégalités entre les gens risquent de provoquer une augmentation des troubles sociaux et de la délinquance et de rendre plus insupportable pour la population tous les types de fraudes et d’injustice causés par ceux qui violent la loi, les moyens attribués au ministère public doivent être maintenus, voire augmentés, pour que ce dernier puisse jouer pleinement son rôle de gardien de l’intérêt public, des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

21.  Les services du ministère public ont des besoins sans cesse croissants en termes d’effectifs, de matériel et de ressources budgétaires pour effectuer leurs missions. Sachant que, dans certains pays, le ministère public intervient aussi dans des matières non pénales, dont certaines visent à réduire les problèmes sociaux et environnementaux[110], une telle demande n’apparaît que plus évidente.

22.  Que ce soit dans leurs fonctions pénales ou non pénales, les membres du ministère public doivent être soumis à des mesures propres à assurer leur sécurité. À cette fin, les Etats membres doivent faire en sorte que les membres du ministère public et, en cas de nécessité, les membres de leurs familles soient protégés physiquement, en cas de menace pour leur sécurité personnelle résultant de l’exercice correct de leurs fonctions de procureur[111].

23.  La participation du ministère public à la coopération internationale en matière pénale engendre des dépenses sans cesse croissantes. Pour que celle-ci puisse être exercée rapidement et efficacement, les nouvelles technologies doivent être utilisées (telles que les vidéoconférences et systèmes de cryptage). Des ressources financières et humaines additionnelles doivent être disponibles, par exemple pour élaborer des conventions internationales, pour le détachement d’agents de liaison (en particuliers des procureurs) dans les ambassades nationales à l'étranger, pour financer des équipes d'enquêtes communes et pour participer à des instances de coordination pertinentes[112].

24.  Compte tenu de l’importance de la protection des droits de l’Homme dans les lieux de privation de liberté, des ressources suffisantes devraient aussi être accordées pour en permettre le contrôle, lorsqu’il entre dans les compétences du ministère public.

1.             Dans le domaine pénal (enquêtes et poursuites)

25.  L'attribution de ressources appropriées aux activités du ministère public est une condition préalable nécessaire au respect du principe de l'indépendance des procureurs et/ou du ministère public, surtout dans le domaine pénal.

26.  L'indépendance financière du ministère public constitue une garantie d'équité dans les poursuites pénales, la protection efficace des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans les procédures pénales en général, et à terme, une bonne administration de la justice pénale.

27.  La gestion des ressources financières allouées aux enquêtes en cours varie de manière significative d’un État membre à l’autre. Il en est de même du rôle du ministère public au cours de l’'enquête : dans certains États membres, le ministère public dispose d’un pouvoir d'enquête total ou partiel ; dans d'autres, il n'a pas de pouvoir d'enquête mais il peut avoir le droit d'ordonner aux autorités compétentes de mener des investigations et d’autres actes procéduraux, même s’il ne dispose pas d’un pouvoir d’enquête lui-même.

28.  Les coûts liés aux enquêtes et autres actes procéduraux sont généralement avancés par les autorités qui en sont effectivement chargées. Dans de nombreux Etats membres, le ministère public est confronté au problème selon lequel l'autorité chargée de l'enquête, invoquant une insuffisance de moyens budgétaires, ne peut ou ne veut pas obéir aux mesures de poursuites ou d’autres actes procéduraux du ministère public. Ce problème est particulièrement pertinent dans les cas où l’enquête entraîne des frais supplémentaires, notamment pour certaines expertises (homogénétique, en matière économique, etc.), des analyses ADN ou des techniques spéciales d'enquête.

29.   Les Etats membres devraient prévoir des ressources suffisantes pour toutes les enquêtes ordonnées par le ministère public. Une telle approche contribuerait, de manière significative, à s’assurer que celles-ci sont complètes et à éviter toute irrégularité dans les procédures pénales qui peut entraver le cours de la justice.

30.  Ainsi, lorsque les enquêtes font partie des tâches dévolues au ministère public, les Etats membres devraient:

-               veiller à un accès immédiat et libre du ministère public aux ressources fondamentales destinées aux actions nécessaires aux mesures d’enquête efficaces et impartiales ;

-               permettre aux membres du ministère public l’utilisation appropriée de nouvelles technologies pour mener leurs enquêtes et pour s’assurer du respect des lois durant les enquêtes (outils de recherche, matériel pour les expertises médico-légales, bases de données électroniques, vidéoconférences, outils de cryptage, interception des télécommunications, surveillance audio et vidéo etc.).

Les mêmes principes devraient s’appliquer aux ressources nécessaires aux actions des procureurs durant le procès.

31.  Par ailleurs, il conviendrait de porter une attention particulière au paiement complet et, quand cela est prévu par la loi, au remboursement des frais engagés par les différentes autorités pendant la procédure pénale. Les mécanismes nécessaires devraient être mis en place pour permettre de tels remboursements. Cet aspect est particulièrement pertinent pour les Etats membres et leurs instances judiciaires, en période de crise économique.

32.  Les Etats membres devraient envisager le développement des politiques de confiscation dans le but de priver les criminels des produits du crime et pour financer les poursuites des délits, tout en respectant le rôle et l’indépendance des procureurs.

33.  Le ministère public ne devrait pas être limité de manière injustifiée dans la gestion de ses ressources allouées aux enquêtes. L'utilisation des ressources doit être rationnelle, effective et transparente.

2.             En dehors du domaine pénal

34.  Les activités confiées au ministère public en dehors du domaine pénal existent dans la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe à des degrés divers et exigent parfois et parmi d’autres démarches procédurales des examens médico-légaux et l’intervention de spécialistes dans différents domaines d’expertise (psychologues dans les affaires familiales, comptables et experts financiers en cas de faillite, chimistes et biologistes dans les affaires liées à la protection de l'environnement, etc.).

35.  Selon la diversité et l'étendue de ces activités, il peut être nécessaire de créer, au sein du ministère public, des unités ou des postes de procureurs spécialisés chargés d’activités autres que celles relevant du droit pénal général ou relevant de domaines particuliers. La nature spécifique de ces activités peut impliquer de proposer une formation spéciale au personnel.

III.        Les solutions envisagées

A.            Les ressources humaines

36.  La situation actuelle implique une adaptation des besoins en ressources humaines conformément aux nécessités de l’action publique, qu’il s’agisse d’une rémunération suffisante ou d’une formation appropriée[113], initiale comme continue.

37.  De manière générale, on distingue dans les services modernes du ministère public trois différents niveaux professionnels :

-               des fonctions de poursuite exercées par le ministère public lui-même. En cas de besoin (et si compatible avec le système juridique), des spécialistes juridiques peuvent être appelés à remplir des fonctions juridiques spécifiques ;

-               des experts dans les domaines spécifiques peuvent être utiles : des psychologues ou des psychiatres dans les affaires impliquant des mineurs, des délinquants souffrant d'un handicap mental, ou encore pour assister les victimes ; des sociologues et des experts en statistiques lorsque des données statistiques sont nécessaires ; des professionnels d’informatique pour mener des recherches liés à la cybercriminalité ; des biologistes ou des chimistes pour enquêter sur des infractions à l’environnement, etc. ;

-               le personnel administratif est un élément indispensable du service du ministère public. Il doit être qualifié pour faire face à la charge de travail due au traitement des affaires qui inévitablement augmentent parallèlement à la spécialisation ou à la complexité des affaires traitées par le procureur.

38.  Un système capable de calculer la charge de travail des membres du ministère public et l'évolution de leurs besoins devrait être mis en place pour mesurer l’évolution des besoins. Ce système devrait également pouvoir mesurer les facteurs qui influencent ou affectent l’exécution de leurs tâches, afin que les actions concernées puissent être menées à bien.

B.                        Les ressources financières

39.  Les principes généraux liés à l'utilisation de ces ressources publiques doivent être respectés, à savoir : le principe d’opportunité, le principe d'efficacité et le principe de légalité. Si l'utilisation de ressources concerne plus d'un organe à la fois (comme par exemple le ministère public, la police et les autorités fiscales), le respect de ces principes doit s'accompagner d'une coordination rigoureuse pour éviter les doubles emplois et veiller à ce que les moyens financiers soient mis au service de la réalisation de l'objectif final de l’administration efficace de la justice.

40.  Pour faire des économies tout en veillant à garder son indépendance, le ministère public est encouragé à conclure des accords avec d'autres services de l'État en vue de partager des équipements et des services administratifs ou de participer à des actions communes. La coordination est un outil essentiel qui permet d’éviter un gaspillage des ressources et une duplication des efforts, y compris au niveau du même service – par exemple, dans des cas où plusieurs membres du ministère public (ayant des compétences locales) sont impliqués dans une enquête sur des faits liés.

41.  Le principe de la légalité de l'utilisation des fonds publics implique que la gestion financière assurée de manière indépendante par le ministère public devra faire l'objet d’une supervision par les autorités de l'État compétentes en matière de contrôle et d'audit, comme pour les tribunaux.

C.            Équipement et ressources matérielles

42.  Les ministères publics sont instamment invités à installer et à utiliser des systèmes de technologies de l’information compatibles pour la planification, le suivi et la comparaison des dépenses de leurs services. Cela peut constituer une méthode pratique et efficace pour concilier l’utilisation des ressources et la charge de travail de leurs services territoriaux, pour produire des indicateurs pour l’utilisation des ressources au niveau des différents bureaux, pour faciliter la réaffectation rapide des ressources, si nécessaire et, enfin, pour garantir le contrôle des dépenses.

43.  Les États membres sont encouragés à permettre aux services du ministère public de généraliser l’utilisation du matériel de TI dans leurs activités quotidiennes, en introduisant des instruments d’« e-justice », des systèmes de gestion électronique des affaires et d’échange de données avec les autres instances chargées de l’application de la loi avec lesquelles les membres du ministère public sont en contact dans l’exercice de leurs tâches. Ceci devrait permettre une gestion plus efficace des affaires, de réduire la durée des procédures et d’assurer l’application des mesures visant à la protection des données et mesures de confidentialité.

44.  Les États membres sont également tenus de répondre au besoin des ministères publics, d’entretenir leurs propres sites internet et de disposer de locaux adéquats pour recevoir le public afin d’assurer un niveau de transparence approprié et informer le public, ainsi que pour promouvoir et faciliter l'accès à la justice.

D.            Les moyens du ministère public et les plans d’austérité gouvernementaux

45.  Les crises économiques peuvent affecter, si elles ne sont pas complètement résolues, le fonctionnement du ministère public. Les effets de la crise sont variables d’un Etat membre à l’autre : mise en œuvre d'une politique générale d'économie et de redistribution des ressources destinées aux activités fondamentales au détriment des investissements ou réductions drastiques de salaires des membres du ministère public. De nombreux Etats membres considèrent comme une priorité le fait d'obtenir du personnel et des crédits supplémentaires, un meilleur équipement technique, un meilleur accès à la formation du personnel et à l'expertise technique nécessaire pour étayer les preuves utilisées devant les tribunaux.

46.  Le ministère public doit lui-même pouvoir agir pour compenser ou du moins minimiser les effets des crises économiques sur ses tâches courantes. Pour ce faire, un équilibre devrait être trouvé entre les ressources disponibles et les résultats à obtenir. Une meilleure coopération et une coordination renforcée entre les acteurs européens et nationaux de la lutte contre la criminalité permettraient d'améliorer considérablement la situation. Au niveau européen, il conviendrait d’exploiter davantage les nouvelles possibilités de coopération internationale en matière pénale (grâce à Eurojust ou par le biais d’enquêtes conjointes). Au niveau national, des accords avec les autres autorités locales, régionales et nationales pour mutualiser les services administratifs, les locaux et les personnels, ou une meilleure coopération avec les autres autorités de contrôle (inspection de l’environnement, par exemple) aideraient à surmonter les problèmes liés aux crises économiques.

47.   S’il dispose de moyens de gestion des ressources humaines et financières nécessaires, les crises économiques n’auront pas d’impact négatif sur la qualité du travail du ministère public. La mise en place de nouvelles structures au sein des services (par exemple, création d'unités spécialisées dans la lutte contre la criminalité économique ou la cybercriminalité) ou du système de financement du ministère public (autonomie budgétaire dans les pays où ce n’est pas le cas) pourrait grandement aider à maintenir le niveau de qualité professionnelle.

48.  En période de crise économique, il est en effet particulièrement important pour le ministère public d’affiner son organisation et d’améliorer sa gestion de manière à assurer une utilisation optimale des ressources financières et humaines. Aussi, la répartition des services du ministère public dans le pays et une attribution rationnelle des compétences peuvent être utiles.

E.            Améliorer la gestion du ministère public

a.              L’audit et le contrôle

49.  Le contrôle et l'audit sont des éléments essentiels permettant d’assurer une gestion responsable des fonds publics. Ils doivent être adaptés aux tâches spécifiques du ministère public. En raison de sa finalité spécifique, l'utilisation des fonds consacrés, par exemple, aux enquêtes criminelles ne peut pas être évaluée par un calcul ordinaire de performance des coûts ; les enquêtes ne devraient pas être déterminées seulement sur la base d’un rapport coût-efficacité. Le contrôle peut constituer un instrument utile pour établir des bonnes pratiques au sein du parquet, pour comparer le traitement des dossiers par les différentes unités et dans des matières différentes, mais ne saurait être utilisé comme un moyen de régir le ministère public en tant que tel.

50.  Dans des circonstances exceptionnelles uniquement, les ministères publics peuvent être amenés à prioriser certains types d’affaires ou de crimes pour contrebalancer les limitations de ressources. Néanmoins, une telle priorisation ne devrait pas se faire au détriment de l’activité du ministère public dans son intégralité, et surtout pas de la poursuite efficace des autres types de crimes, et ne devrait pas non plus limiter le principe général de l’égalité devant la loi.

b.              La gestion par résultats

51.  Quel que soit le système de gestion adopté dans les différents Etats membres, le ministère public devrait toujours s’assurer que les ressources mises à sa disposition sont utilisées de manière efficace et économique, et que des mécanismes de contrôle et de suivi adaptés sont mis en place.

52.  Dans la mesure où cela est compatible avec leur système juridique, les Etats membres pourraient également envisager d’introduire ou de renforcer un modèle permettant une gestion par résultats des activités du ministère public. Ce concept est un système interactif et consensuel dans lequel les ressources sont allouées en fonction d’une activité convenue et attendue. L’idée principale de la gestion par résultats est d’aider les parties à établir un équilibre approprié entre les ressources disponibles et les résultats à atteindre (par exemple la réduction des délais de procédure ou l’amélioration de l’accueil des justiciables) tout en respectant le rôle et l’indépendance du ministère public et le principe de légalité.

53.  Il s’agit d’un instrument fonctionnant sur la base de résultats négociés entre une entité responsable du gouvernement (le ministère des finances, le ministère de la justice) ou le parlement et le ministère public. Celui-ci devrait participer lui-même aux négociations, étant le mieux placé pour fixer les objectifs visant à guider les procureurs (les membres du ministère public) dans leur travail concret. Le ministère public devrait pouvoir fixer ses objectifs de manière suffisamment libre afin d’atteindre les meilleurs résultats possibles.

54.  Des « outcomes » et « outputs »[114] servent de base pour évaluer les performances et pour allouer les ressources. Les « outcomes » du ministère public consistent en la manière dont les objectifs sociaux (le renforcement de la responsabilité pénale par exemple) sont atteints. Les « outputs » concernent les objectifs que le ministère public peut lui-même influencer par ses propres activités et la manière dont elles sont gérées comme par exemple l’efficacité des opérations, la qualité des contrôles et la gestion des ressources humaines.

55.  Les « outputs » et les « outcomes » du ministère public devraient être étroitement liés à ses activités fondamentales et à ses ressources disponibles de manière à ce que la réalisation des objectifs dépende entièrement de ce que les instances concernées effectuent et de la manière dont cela est géré. Une attention particulière devrait être portée au fait que la définition d’« outputs » aura des conséquences sur l’activité du ministère public.

56.  La gestion par résultats exige des instances concernées qu’elles rendent compte de la réalisation de leurs objectifs. Concrètement, les instances locales du ministère public rendent des rapports au bureau du Procureur général qui les transfère au corps gouvernemental allouant les ressources ou au parlement. L’évaluation et la mesure claires et fiables des résultats sont vitales mais peuvent représenter un défi. Des indicateurs de bonne performance montrent ce qui a été atteint et non ce qui a été entrepris.

57.   Les objectifs et les ressources allouées pour la période d’exercice suivante seront influencés par la manière dont ils ont été atteints. L’évaluation visant à savoir si les objectifs ont ou non pas été atteints devrait toujours être suivie par des décisions sur les mesures concrètes à adopter par le ministère public lui-même.

IV.        RECOMMANDATIONS

(i)            Les procureurs doivent avoir des moyens suffisants pour accomplir leurs diverses tâches en tenant compte des nouvelles menaces et défis nationaux et internationaux, y compris ceux qui découlent du développement des technologies et des processus de mondialisation.

(ii)           Le ministère public doit avoir la maîtrise de l’évaluation de ses besoins, de la négociation de ses budgets, de l’utilisation et de la gestion des moyens alloués.

(iii)         Pour préparer son budget, le ministère public devrait se reposer sur des indicateurs précis et fiables découlant de statistiques pénales ou d’autres statistiques pertinentes.

 

(iv)          L’environnement économique et financier difficile constitue un défi professionnel renforçant le besoin d’une gestion rationnalisée. L’indépendance, l’impartialité, l’autonomie financière et l’efficacité du ministère public sont des valeurs qui doivent être garanties en toutes circonstances économiques.

(v)           Le ministère public devrait utiliser de manière efficace et transparente des méthodes de gestion modernisée. La mise en place d’indicateurs de performance et d’un système de gestion par résultats peut être utile à cet effet. Le ministère public doit également avoir assez de liberté pour pouvoir choisir quelles actions poursuivre pour atteindre les résultats souhaités. Il ne doit pas se voir opposer une rigidité budgétaire excessive.

(vi)          Des contrôles intérieurs et extérieurs et un audit sur l’utilisation du budget du ministère public devraient être mis en place. Les contrôles extérieurs et l’audit doivent correspondre à ceux qui sont appliqués au sein des tribunaux.

(vii)        Une formation en matière de gestion pour les membres du ministère public chargés des fonctions de gestion doit être assurée. Les procédures visant à règlementer la coopération entre le ministère public et les professionnels des finances et de gestion extérieurs devraient être clairement mis en place.

(viii)       Les services du ministère public doivent être consultés sur les économies à faire, ainsi que sur les initiatives visant à attirer des nouvelles ressources ou à augmenter celles qui existent.

(ix)          Afin d’expliquer l’utilisation des moyens nécessaires à son action, le ministère public devrait assurer un niveau approprié de transparence et d’information du public à propos de son travail, y compris par le biais de ses propres sites internet et de la publication des rapports annuels. En tout état de cause, son image d’impartialité est à préserver.

(x)           Un échange d’expérience et de bonnes pratiques en matière de gestion des moyens par le ministère public au niveau national et international est recommandé.


Avis N°8 (2013)

du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

Les relations entre procureurs et medias

I.                      INTRODUCTION

1.            Le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) a été créé en 2005 par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, qui lui a fixé pour tâche la formulation d'Avis sur les questions relatives au fonctionnement des services du ministère public et la promotion de la mise en œuvre effective de la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

2.            Le Comité des Ministres a chargé le CCPE d’adopter en 2013 un Avis à son attention sur les relations entre procureurs et médias.

3.            Le CCPE a rédigé le présent Avis sur la base de 36 réponses reçues des Etats membres à un questionnaire[115].

4.            Il ressort de ces réponses que les différents aspects des relations entre procureurs et médias sont régis soit par la Constitution et/ou la législation nationale, soit par des instruments réglementaires internes (consignes et instructions du Procureur général, règles de conduite, codes d’éthique etc.).

5.            La diversité des systèmes juridiques au sein des Etats membres explique la variété des modes de communication des procureurs avec les médias, à qui sont d’ailleurs confiées des tâches et des rôles différents, tout en ayant l’obligation de toujours respecter les droits de l’Homme et les libertés fondamentales.

A.            Textes de référence

6.            Le CCPE souligne l’importance de se référer à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) et à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (la Cour).

7.            Le CCPE a examiné en particulier le juste équilibre qui pourrait être ménagé entre, d’une part, les droits fondamentaux à la liberté d'expression et d'information, garantis par l'article 10 de la CEDH et le droit et le devoir des médias d’informer le public sur les procédures judiciaires, et d’autre part, les droits à la présomption d’innocence, à un procès équitable et au respect de la vie privée et familiale, garantis par les articles 6 et 8 de la CEDH.

8.            Le CCPE a tenu compte des Recommandations suivantes du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe concernant les procureurs :

9.            Le CCPE a également pris en compte d’autres instruments adoptés par le Conseil de l'Europe, notamment :

10.          En outre, le CCPE s’est appuyé sur les principes contenus dans l’avis qu’il a adopté conjointement avec le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) sur les relations entre juges et procureurs dans une société démocratique, dite « Déclaration de Bordeaux » (2009), ainsi que dans les avis du CCJE n° 7 (2005) intitulé « Justice et société », et n° 14 (2011) intitulé « Justice et technologies de l'information (TI) ».

11.          Enfin, le CCPE a pris en compte les documents pertinents des Nations Unies, notamment l’Ensemble de règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing)[116] et les lignes directrices sur le rôle des procureurs (1990). Le CCPE s’est également appuyé sur les Normes de responsabilité professionnelle et la Déclaration des devoirs et droits essentiels des procureurs adoptés par l’Association Internationale des Procureurs en 1999.

B.            Champ d’application

 

12.          Le présent Avis vise à établir des recommandations permettant de faciliter l’accès des médias à des informations appropriées et de promouvoir des modes de communication adaptés entre les procureurs et les médias dans le respect de leurs lois nationales et des obligations internationales des Etats membres.

13.          Conformément au mandat du CCPE, cet Avis s’adresse aux procureurs et n’entend pas formuler des recommandations à l’intention des journalistes. Le CCPE est chargé de contribuer au développement d’un processus visant à une bonne compréhension du rôle du procureur et du système judiciaire par les médias et le public en général. Le CCPE invite les journalistes, ainsi que tous les autres professionnels concernés, à prendre connaissance de cet Avis et à contribuer à sa diffusion.

14.          Sous réserve des limitations mentionnées aux paragraphes 21, 23, 25 et 26 ci-dessous, le droit fondamental à la liberté d’expression et d’information est une exigence qui s’applique de manière générale aux différentes tâches des procureurs. Le présent Avis concerne toutes les formes d’activités du ministère public, et toutes les dispositions de cet Avis concernant les activités relevant du domaine pénal s’appliquent, mutatis mutandis, aux actions des procureurs en dehors du domaine pénal.

15.          Chaque fois que le procureur fait usage d’une nouvelle politique ou méthode de communication pour diffuser des informations, les principes énoncés dans le présent Avis s’appliquent dans la mesure où les informations fournies par le ministère public sont censées l’être dans l’intérêt général.

16.          S’agissant du terme “médias”, les conclusions, principes et recommandations formulés principalement à l'égard de la presse écrite, s'appliquent également aux médias audiovisuels et électroniques, ainsi qu’à internet utilisé en tant que média.

II.                    PRINCIPES DE BASE

17.          Trois groupes de principes de base peuvent être identifiés concernant les relations entre les procureurs, les médias et les parties :

·         les principes visant à garantir un juste équilibre entre l’exigence d’assurer une justice indépendante, impartiale et transparente et les autres droits fondamentaux tels que la liberté d’expression[117] et de la presse ; ces derniers peuvent néanmoins être soumis à des restrictions, qui doivent avoir une base légale, poursuivre un ou plusieurs buts légitimes, tels que la protection des droits d’autrui, le bon déroulement des enquêtes, la protection de la vie privée, et être nécessaires dans une société démocratique et proportionnés au(x) but(s) légitime(s) poursuivi(s), à savoir de répondre à un besoin social impérieux;

·         les principes visant à protéger les droits des individus, notamment les suspects et les victimes (en mettant l’accent sur le droit à la dignité, à la vie privée[118] et à la sécurité des personnes, ainsi que la présomption d’innocence[119]) ;

·         les principes tenant aux droits procéduraux, spécialement quand le procureur est partie au litige (par exemple, l’exigence de l’égalité des armes et du procès équitable).

En cas de conflit entre ces principes, un juste équilibre devrait être trouvé pour préserver le rôle essentiel de chacun d’eux.

Liberté d’expression et de la presse

18.          Toutes les personnes, y compris celles qui participent à la procédure judiciaire, ont droit à la liberté d’expression.

19.          Les procureurs ont également droit à la liberté d’expression[120], tout en étant soumis au secret professionnel et à un devoir de réserve, de discrétion[121] et d’objectivité. Les procureurs devraient accorder une attention particulière aux risques qui peuvent en découler pour l’impartialité et l'intégrité du ministère public, lorsqu’ils apparaissent dans les médias, à quel titre que ce soit.

20.          La liberté de la presse devrait être garantie durant les procédures judiciaires[122]. Selon la jurisprudence de la Cour concernant l’article 10 de la CEDH, la presse a un devoir de diffusion des informations et des idées sur des questions d’intérêt public[123]qui inclut le droit du public à les recevoir. Cela permet à la presse de jouer son rôle de vigile (“chien de garde” selon la terminologie de la Cour). La presse sera ainsi d’autant mieux protégée qu’elle participera au débat concernant les problèmes d’intérêt général légitime[124].

21.          Dans leurs communications avec les médias, les procureurs devraient veiller à ce que la liberté d’expression et la liberté de la presse ne portent pas atteinte aux droits et aux intérêts des individus (y compris les personnes vulnérables telles que les mineurs, les victimes, les familles des défendeurs), à la protection des données et à la confidentialité.

Liberté de recevoir et communiquer l’information

22.          Le droit du public à recevoir de l’information devrait également être assuré[125]. Cependant, la manière dont ce droit est appliqué peut être influencée et dépendre des circonstances spécifiques de l’affaire. Ce droit peut également être sujet à des restrictions, le cas échéant, afin d’assurer le respect des principes de base.

23.          Les procureurs devraient veiller à ce que l’information fournie aux médias ne compromette pas le déroulement des enquêtes et des poursuites ou l'objectif de l'enquête. Elle ne devrait pas porter atteinte aux droits des tiers ou influencer ceux qui sont impliqués dans les enquêtes ou les poursuites, ou la procédure judiciaire.

Présomption d’innocence et droits de la défense

24.          Les procureurs devraient être spécialement sensibles aux droits de la défense, à la liberté d’expression, à la présomption d’innocence et au droit d’être informé.

25.          Dans leurs communications, les procureurs devraient veiller à ne pas compromettre les droits de la défense en diffusant une information de manière prématurée et en ne permettant pas à la défense d’y répondre[126]. Ils devraient aussi veiller à ne pas transmettre une information qui ne respecterait pas le droit des victimes à être informées de manière appropriée. Fournir de l'information ne devrait pas non plus porter atteinte au droit des personnes à un procès équitable.

26.          Dans leurs communications, les procureurs devraient veiller à ne pas compromettre la sécurité des personnes concernées, notamment les témoins, les victimes, les procureurs et les magistrats chargés des dossiers délicats.

27.          Un équilibre doit être établi, par le biais du respect  de la présomption d'innocence, entre l'intérêt du public à l'information et la protection de l'honneur et de l'intégrité des personnes. Le procureur, lorsque cela relève de sa compétence, sera attentif à ne pas permettre d’exposer publiquement une personne détenue et préservera, de manière appropriée, de la pression médiatique les personnes concernées par un dossier[127] et, en particulier, les victimes de manière à éviter tout risque de harcèlement médiatique.

Vie privée / dignité

28.          A toutes les étapes de la procédure, les participants, quels que soient leurs rôles, ont droit à la dignité, au respect de leur vie privée et familiale et à la sécurité personnelle.

29.          Dans toute la mesure du possible, lors de la phase d'enquête, l'identité des suspects ne devrait pas être divulguée. Une attention particulière devrait être accordée aux droits des victimes avant la divulgation.

III.                   COMMUNICATION AVEC LES MÉDIAS

 

30.          La transparence dans l’exercice des fonctions du procureur est une composante essentielle de l’Etat de droit et l’une des garanties importantes du procès équitable. Il faut non seulement que justice soit rendue, mais encore qu’elle soit ainsi perçue. Afin que cela soit possible, les médias devraient être en mesure de donner des informations sur les procédures judiciaires, pénales ou autres.

31.          Appliquer le principe de transparence aux activités des procureurs est un moyen d’assurer la confiance du public et la diffusion d’informations sur leurs fonctions et compétences. L'image du ministère public contribue beaucoup à la confiance du public dans le bon fonctionnement de la justice. Donner aux médias le droit le plus étendu possible en matière d’accès aux informations sur les activités des procureurs permet également de renforcer la démocratie et de développer une interaction ouverte avec le public.

32.          Les services du ministère public peuvent également jouer un rôle pédagogique et, à ce titre, contribuer à expliquer le fonctionnement de la justice. Ils pourraient, en fonction des besoins, mettre des informations à la disposition des médias et du public en général, en vue d’améliorer la compréhension et la connaissance du système judiciaire.

33.          En outre, l’application du principe d’ouverture aux activités des procureurs est susceptible de contribuer à améliorer l’action des autorités de poursuite. En informant les médias sur les procédures en cours, et notamment sur les enquêtes, les forces de l’ordre et les services du ministère public peuvent obtenir du grand public des renseignements permettant ainsi d’accroître l’efficacité de la justice.

34.          De plus, les procureurs peuvent donner, conformément à la loi, des informations à la population par l’intermédiaire des médias afin de contribuer à la prévention de la criminalité et d’autres formes de délinquance.

35.          Le ministère public de chaque Etat membre doit examiner la manière la plus appropriée de communiquer, qu’il s’agisse de la personne qui communique ou du contenu de la communication en fonction de critères propres liés à sa situation, sa législation ou ses traditions.

36.          Dans certains Etats membres, les procureurs, tout en fournissant aux médias des informations générales concernant la politique et le fonctionnement du ministère public, ne s’expriment pas en public sur les cas individuels, à l’exception des arguments développés publiquement à l’audience. Dans d’autres Etats membres, chaque procureur peut activement communiquer avec les médias sur les affaires qu’il/elle traite, ou peut simplement se limiter à fournir certains éléments factuels au sujet d’une affaire déjà rendue publique. Dans tous les cas, les procureurs devraient établir avec les médias des relations basées sur le respect mutuel, la confiance, la responsabilité, l’égalité de traitement et être respectueuses de la décision judiciaire. En outre, dans l’exercice de leurs fonctions, les procureurs devraient toujours agir dans un esprit d’impartialité et d’égalité vis-à-vis de l’ensemble des médias.

37.          Les informations fournies aux médias par les procureurs doivent être claires, certaines et non ambigües.

38.          Les procureurs peuvent donner des informations aux médias à tous les stades de leurs activités, tout en respectant les dispositions légales qui régissent la protection des données à caractère personnel, la vie privée, la dignité, la présomption d’innocence, les règles déontologiques relatives aux relations avec les autres participants à la procédure, ainsi que les dispositions légales interdisant ou limitant les conditions de diffusion de certaines informations.

39.          Dans tous les cas, les dispositions légales qui régissent les secrets protégés par la loi, y compris le caractère confidentiel des enquêtes, devraient être respectées.

40.          Dans certains Etats membres, toute communication requiert un porte-parole, qui n’est pas nécessairement un procureur, ou un service de presse spécialisé; dans d’autres Etats membres, les communications sont autorisées ou effectuées par le chef du bureau du procureur ou le chef du parquet. Les communications émanant des services du ministère public dans son ensemble peuvent éviter le risque que les activités soient présentées de façon personnalisée et peuvent minimiser les risques de critiques personnelles.

41.          Les procureurs peuvent avoir une approche proactive face aux demandes des médias ; en cas de besoin, ils devraient prendre l’initiative d’informer le public par l’intermédiaire des médias, soit sur des questions générales concernant la justice, soit exceptionnellement pour rétablir la vérité sur des points de fait pour lesquels de fausses informations sont propagées dans l’opinion publique[128].

42.          Afin d’exercer ses fonctions de manière équitable, impartiale, objective et efficace, le ministère public peut considérer qu’il est utile de diffuser un communiqué de presse, une note d’information ou toute autre communication écrite. Il peut également estimer qu’il est utile de donner des entretiens, de participer aux conférences et/ou aux séminaires et aux tables-rondes. Les nouvelles technologies de l’information peuvent  être utilisées largement pour informer la société de manière appropriée et en temps utile sur les activités du ministère public et sur les opérations de maintien de l’ordre public dans le pays[129]. A cet égard, il est souhaitable que les services et bureaux du procureur mettent régulièrement à jour leurs propres sites internet.

43.          Lors de la préparation des communiqués de presse, des « points presse » ou de toute autre forme de communication, le ministère public peut coopérer, en particulier, avec la police et d’autres autorités compétentes. Le cas échéant, cela peut contribuer à démontrer que les différents acteurs coordonnent leurs efforts pour éviter et prévenir la diffusion de fausses informations et des réactions négatives au sein de la société à la suite d’un crime grave. Une telle coopération devrait respecter les principes généraux énoncés aux paragraphes 22 et 23 de la Recommandation Rec(2000)19.

44.          Les procureurs devraient éviter d’exprimer une opinion ou de divulguer des informations contraires aux principes fondamentaux d’une bonne communication. Ceux-ci doivent, en toute circonstance, assurer une communication indépendante et objective et s’abstenir d’émettre des opinions personnelles ou des jugements de valeur sur des personnes ou des événements.

45.          Lorsqu’un procureur est mis en cause à titre individuel d’une manière injuste dans les médias, il est en droit d’obtenir que les informations contestées soient rectifiées ou d’utiliser d’autres recours légaux, conformément au droit national. Néanmoins, dans de tels cas ou quand de fausses informations ont été publiées concernant des événements ou des personnes figurant dans des dossiers qu’il traite, toute réaction devrait émaner, si possible, du chef du service ou d’un porte-parole du service du ministère public, et dans les cas graves du Procureur Général ou de la plus haute autorité du Parquet ou étatique compétente. Cette réaction officielle permettra de limiter le besoin pour le procureur concerné d’exercer son droit de réponse, droit qui est assuré à toute personne, ainsi que le risque d’une personnalisation excessive du conflit.

46.          Il faut tenir compte de l’existence, dans certains Etats membres, de dispositions juridiques ou pratiques qui ont une influence sur la possibilité d’informer des personnes concernées par des décisions judiciaires en matière pénale. Néanmoins, il est recommandé aux procureurs de veiller à informer, dans la mesure du possible et/ou en pratique, les personnes dont les droits sont affectés par la décision avant que celle-ci ne soit transmise aux médias.  

IV.        RECOMMANDATIONS

  1. Les Etats membres ou le ministère public devrai(en)t établir une politique de communication visant à s’assurer que les médias ont accès à l’information appropriée, afin d’informer le public sur le travail des procureurs. Des dispositions règlementant leurs relations avec les médias pourraient également être incluses dans les codes de déontologie des procureurs. Il appartient aux services du ministère public de chaque Etat membre d’examiner dans quelle mesure et de quelle manière il convient de mieux communiquer avec les médias en fonction de sa situation, sa législation et ses traditions.

  1. La communication entre le ministère public et les médias devraient respecter les principes suivants : la liberté d’expression, la liberté de la presse, le devoir de réserve, le droit à l’information, le principe de transparence, le droit à la vie privée et à la dignité ainsi que le caractère confidentiel des enquêtes, la présomption d’innocence, l’égalité des armes, les droits de la défense et à un procès équitable.

  1. Les relations du ministère public avec les médias devraient se fonder sur le respect mutuel, la confiance, la responsabilité, l'égalité de traitement et le respect de la décision judiciaire.

  1. Dans ses relations avec les médias, le ministère public devrait envisager d’adopter à la fois une approche réactive, en répondant aux sollicitations des médias, et proactive, en informant d’initiative les médias d’un événement judiciaire.

  1. Il pourrait être envisagé que la relation du ministère public avec les médias soit confiée à des porte-parole professionnels ou procureurs spécialisés en relations publiques.

  1. Il est recommandé aux procureurs de veiller à informer, dans la mesure du possible et/ou en pratique, les personnes dont les droits sont affectés par la décision en matière pénale avant que celle-ci ne soit transmise aux médias.

  1. Lorsque le ministère public a une relation directe avec les médias, une formation appropriée dans le domaine de la communication devrait être dispensée afin d’assurer une information adéquate. Cette formation pourrait être commune/faire appel à des experts et à des journalistes.

  1. Les communications émanant des services du ministère public dans son ensemble peuvent éviter le risque que les activités soient présentées de façon personnalisée et peuvent minimiser les risques de critiques personnelles.

  1. Outre l’ensemble des moyens légaux à disposition des procureurs, les réactions à de fausses informations ou à des campagnes de presse injustes envers les procureurs devraient émaner, si possible, du chef du service ou d’un porte-parole du service du ministère public, et dans les cas graves, du Procureur Général ou de la plus haute autorité du Parquet ou étatique compétente.

  1. Il est recommandé de faire usage des nouvelles technologies de l’information, y compris par le biais d’un site internet du bureau du procureur et des services du procureur, pour informer la société en temps utile sur les activités du ministère public.

  1. Les procureurs peuvent, si nécessaire, collaborer avec la police et les autres services compétents, pour envisager les informations à communiquer aux médias et les diffuser.


Avis n°9 (2014)

du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

Les normes et principes européens concernant les procureurs

Cet Avis contient:

-       une Charte dite « Charte de Rome »,

-       une note explicative détaillée des principes contenus dans la Charte.

Charte de ROME

Le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), chargé par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe d’élaborer un document de référence sur les normes et les principes européens concernant les procureurs, s’est accordé sur ce qui suit :

I.                Dans tous les systèmes juridiques, les procureurs contribuent à faire en sorte que l’État de droit soit garanti, en particulier par une administration de la justice équitable, impartiale et efficace, dans tous les cas et à tous les stades de la procédure.

II.                Les procureurs agissent au nom de la société et dans l'intérêt public, en vue de respecter et de protéger les droits de l'homme et les libertés telles que mentionnées en particulier dans la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

III.                Le rôle et les tâches des procureurs, dans et en dehors du système de justice pénale, devraient être définis au plus haut niveau législatif, et être accomplis dans le strict respect des principes démocratiques et valeurs du Conseil de l’Europe.

IV.                L’indépendance et l’autonomie du ministère public constituent un corollaire indispensable à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Par conséquent, la tendance générale à renforcer l'indépendance et l’autonomie effective du ministère public devrait être encouragée.

V.                Les procureurs devraient prendre leurs décisions de façon autonome et effectuer leurs tâches sans subir de pressions externes ni d’ingérence, conformément aux principes de séparation des pouvoirs et de responsabilité. 

VI.                Les procureurs devraient respecter les normes éthiques et professionnelles les plus élevées, et toujours se comporter avec impartialité et objectivité. Ils devraient donc s'efforcer d'être indépendants et impartiaux et d’être perçus comme tels, ils devraient s'abstenir de toute activité politique incompatible avec le principe d'impartialité, et ne devraient pas agir dans les affaires où ils ont des intérêts personnels, ou dans lesquelles leur relation avec les personnes concernées par l’affaire pourrait compromettre leur totale impartialité.

VII.                La transparence concernant les actes du procureur est essentielle dans une démocratie moderne. Des codes d’éthique professionnelle et de conduite basés sur des normes internationales devraient être adoptés et publiés.

VIII.                Dans l'exercice de leurs fonctions, les procureurs devraient respecter la présomption d’innocence, le droit à un procès équitable, l’égalité des armes, la séparation des pouvoirs, l’indépendance du tribunal et la force contraignante des décisions de justice définitives. Ils devraient se concentrer sur le fait de servir la société et porter une attention particulière à la situation des personnes vulnérables, notamment les enfants et les victimes.

IX.                Les procureurs jouissent de la liberté d’expression et d’association. Dans la communication entre les procureurs et les médias, les principes suivants devraient être respectés : la présomption d’innocence, le droit à la vie privée et à la dignité, le droit à l'information et à la liberté de la presse, le droit à un procès équitable, les droits de la défense, l’intégrité, l’efficacité et la confidentialité des enquêtes ainsi que le principe de transparence.

X.                Les procureurs ne devraient pas jouir d’une immunité générale mais d’une immunité fonctionnelle pour les actes accomplis de bonne foi conformément à leurs fonctions.

XI.                Les procureurs et, le cas échéant, leurs familles, ont droit à la protection de l’État  lorsque leur sécurité personnelle est menacée en raison de l’exercice de leurs fonctions.

XII.                Le recrutement et la carrière des procureurs, y compris la promotion, la mobilité, les procédures disciplinaires et la révocation, devraient être définis par la loi et devraient être fondés sur des critères transparents et objectifs, conformément à des procédures  impartiales excluant toute discrimination et pouvant être soumises à un contrôle indépendant et impartial.

XIII.                Il ne peut y avoir un système effectif de poursuite ni de confiance du public sans un niveau de compétence et d'intégrité professionnelles le plus élevé possible. Les procureurs devraient donc bénéficier d’une formation initiale et continue en vue de leur spécialisation.

XIV.                L’organisation de la plupart des ministères publics repose sur une structure hiérarchique. Les rapports entre les différents niveaux de hiérarchie devraient répondre à une règlementation claire, transparente et équilibrée. L’attribution et la réattribution des affaires devraient satisfaire à des exigences d’impartialité.

XV.                Les procureurs ne devraient engager des poursuites qu’en cas de preuve bien fondée qu’ils estiment raisonnablement fiable et recevable. Les procureurs devraient refuser d’utiliser une preuve s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’elle a été obtenue par des méthodes illégales, en particulier quand elles constituent une violation grave des droits de l’homme. Ils devraient s’assurer que les personnes responsables de l’utilisation de telles méthodes ou d’autres violations de la loi font l’objet de sanctions appropriées.

XVI.                Les poursuites devraient être menées de manière ferme mais équitable. Les procureurs contribuent à ce que des décisions justes soient rendues par les tribunaux et devraient contribuer à ce que le système de justice fonctionne de manière effective, rapide et efficace.

XVII.                Dans le souci d’assurer la cohérence et l’équité lors de la prise de décisions discrétionnaires dans le processus de poursuites et devant le tribunal, des lignes directrices claires et publiques devraient être publiées, en particulier concernant les décisions de poursuivre ou non. Le cas échéant et conformément à la loi, les procureurs devraient envisager des alternatives aux poursuites.

XVIII.                Les procureurs devraient disposer de tous les moyens nécessaires et appropriés, y compris par l’utilisation des nouvelles technologies, à l’exercice effectif de leurs compétences, ce qui est fondamental pour l’État de droit.

XIX.                Le ministère public devrait avoir la possibilité d'évaluer ses besoins, de négocier ses budgets et de décider comment utiliser les fonds alloués de manière transparente afin de remplir ses objectifs rapidement et dans un souci de qualité. Lorsque le ministère public est chargé de la gestion des ressources, il devrait utiliser, de manière efficace et transparente, des moyens modernes de gestion pour lesquels il devrait également être prévue une formation appropriée.

XX.                Une coopération mutuelle et équitable est essentielle à l'efficacité du ministère public au niveau national et au niveau international, que ce soit entre différents ministères publics ou entre des procureurs relevant d’un même ministère public. Les procureurs devraient traiter les demandes d’entraide internationale au sein de leur juridiction avec la même diligence que celle dont ils font preuve dans leurs activités nationales et devraient disposer d’outils, y compris de formation,  permettant de promouvoir et favoriser une véritable et réelle coopération judiciaire internationale.

Approuvé par le CCPE à Rome le 17 décembre 2014


Note EXPLICATIVE

Introduction

1.     La Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale est – depuis 14 ans – un texte important. Toutefois, depuis 2000, d’autres aspects des activités du ministère public ont été soulignés au niveau européen ; il est donc devenu clairement nécessaire de procéder à une mise à jour et de faire une synthèse des principes dans ce domaine.

2.     Dans ce contexte, le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), créé par le Comité des Ministres en 2005, a souhaité identifier les évolutions les plus notables concernant le statut, les tâches et le fonctionnement du ministère public. En janvier 2014[i], le Comité des Ministres a chargé le CCPE d’adopter un document de référence sur les normes et principes européens concernant les procureurs. Pour mener sa tâche à bien, le CCPE a pris en considération les documents énumérés dans l’annexe de la présente Note.

3.     Les systèmes juridiques des États membres se caractérisent par une grande diversité, notamment dans les rôles et tâches des procureurs. Ils sont néanmoins tous soumis à l’obligation de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales telles que mentionnées dans la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. 

4.     Ce document s’adresse aux institutions publiques et aux pouvoirs judiciaire, exécutif et législatif ainsi qu’aux praticiens et aux chercheurs.

1. Définition du ministère public

5.     On entend par « ministère public » l’autorité chargée de veiller, au nom de la société et dans l’intérêt général, à l’application de la loi lorsqu’elle est pénalement sanctionnée, en tenant compte, d’une part, des droits des individus et, d’autre part, de la nécessaire efficacité du système de justice pénale[ii]. Certains systèmes juridiques nationaux confèrent également aux procureurs des attributions en dehors du système de justice pénale[iii].

2. Rôle du ministère public

6.     Dans tous les cas et à tous les stades de la procédure, les procureurs contribuent à faire en sorte que l’État de droit et l’ordre public soient garantis par une administration équitable, impartiale et efficace de la justice[iv].

7.     Il est fondamental d’assurer l’indépendance et l’autonomie effective des procureurs et d’établir des garanties suffisantes à cet égard. Ceux-ci doivent agir de façon équitable, impartiale et objective. En matière pénale, les procureurs doivent prendre également en compte les conséquences importantes qu’un procès pénal peut avoir pour l’individu, même en cas d’acquittement. Ils devraient également contribuer à ce que le système de justice fonctionne de façon aussi rapide et efficace que possible et aider les tribunaux à rendre des décisions justes[v].

8.     Un système dans lequel le procureur et le juge respectent les plus hautes valeurs d’intégrité et d’impartialité assure une protection des droits de l’homme supérieure à celle que garantit un système qui ne repose que sur le juge[vi].

2.1 Fonctions dans le domaine pénal

9.     Les procureurs jouent un rôle essentiel pour l’État de droit et le bon fonctionnement des systèmes de justice pénale.

10.  Les procureurs décident s’il y a lieu d’engager ou de continuer des poursuites, exercent les poursuites devant des tribunaux indépendants et impartiaux établis par la loi et décident, le cas échéant, de former des recours à l’encontre des décisions rendues par ces tribunaux.

11.  Dans certains systèmes de justice pénale, les procureurs assurent également d’autres fonctions. Ils peuvent ainsi être appelés à élaborer et à mettre en œuvre les politiques pénales nationales (en les adaptant, le cas échéant, aux réalités régionales et locales), à conduire, diriger ou superviser les enquêtes, à veiller à ce que les victimes bénéficient d’une assistance effective, à décider des mesures alternatives aux poursuites ou à superviser l’exécution des décisions de justice[vii]

2.1.1 Principes régissant les poursuites  

12.  Dans certains États membres, le système des poursuites est fondé sur le principe de « légalité » ; dans d’autres, il repose sur le principe discrétionnaire ou d’« opportunité ».

13.  Dans le souci d’assurer la cohérence et l’équité lors de la prise de décisions discrétionnaires dans le processus de poursuites et devant le tribunal, des lignes directrices claires et publiques devraient être publiées, en particulier concernant les décisions de poursuivre ou non[viii]. Même lorsque le système ne prévoit pas que les procureurs puissent prendre des décisions discrétionnaires, des lignes directrices générales devraient mener leurs décisions.

14.  Les procureurs veillent à ce que toutes les enquêtes et investigations nécessaires et raisonnables soient menées avant de prendre la décision d’engager ou non des poursuites pénales, et à ce que des poursuites ne soient engagées que s’ils estiment qu’une affaire repose sur des preuves fiables et recevables. Ils agissent avec fermeté mais équité, en ne tenant compte que des éléments de preuve disponibles[ix].

15.  Lorsque le fait de participer à des enquêtes ou à exercer une autorité sur la police ou d’autres autorités d’enquêtes relève de leur compétence, les procureurs font preuve d’objectivité, d’impartialité et de professionnalisme et s’assurent que les services d’enquête respectent les principes juridiques et les droits fondamentaux de la personne[x].

16.  Ils tiennent compte des intérêts des témoins et, quand cela entre dans leurs compétences, prennent ou favorisent les mesures visant à protéger leur vie, leur sécurité et l’intimité de leur vie privée, ou s’assurent que de telles mesures ont été prises.

17.  Les procureurs tiennent compte de l’opinion et des préoccupations des victimes lorsque leurs intérêts personnels ont été lésés, et veillent à ce qu’elles soient informées de leurs droits et de l’évolution de la procédure, ou favorisent cette information[xi].

18.  Ils considèrent soigneusement la décision d’engager ou non des poursuites, en respectant les droits des victimes, des témoins et des suspects et en permettant à toute personne concernée par leurs décisions d’exercer un recours contre celles-ci[xii].

19.  Les procureurs respectent le principe de l’égalité des armes entre le ministère public et la défense, la présomption d’innocence, le droit à un procès équitable, l’indépendance du tribunal, le principe de la séparation des pouvoirs et la force contraignante des décisions de justice définitives.

20.  Le procureur présente toutes les preuves crédibles disponibles au tribunal et communique tous les éléments pertinents à l’accusé. Dans certaines situations, il peut être contraint d’abandonner les poursuites[xiii].

21.  Les procureurs devraient refuser d’utiliser une preuve s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’elle a été obtenue par des méthodes illégales, en particulier quand elles constituent une violation grave des droits de l’homme. Ils devraient s’assurer que les personnes responsables de l’utilisation de telles méthodes ou d’autres violations de la loi font l’objet de sanctions appropriées[xiv]. Dans certains systèmes, une violation des droits de l’homme suffit pour refuser la preuve, sans que celle-ci soit grave.

2.2  Fonctions en dehors du domaine pénal

22.  De nombreux États attribuent aux procureurs des compétences en dehors du domaine  pénal (notamment le droit civil, le droit de la famille, le droit du travail, le droit administratif, le droit électoral, la protection de l’environnement, les droits sociaux et les droits des personnes vulnérables tels que les mineurs, les personnes handicapées et les personnes ayant de très faibles revenus[xv]).

23.  Dans les cas où les procureurs sont dotés de telles compétences, leur mission doit être de défendre l’intérêt général ou l’intérêt public, de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et de veiller au respect de l’État de droit[xvi]. En outre, ces compétences doivent respecter strictement les principes démocratiques et valeurs du Conseil de l’Europe.

24.  Ainsi, elles doivent être exercées :

·                      en respectant le principe de la séparation effective des pouvoirs de l’État ;

·                      en respectant l’indépendance des tribunaux et leur rôle dans la protection des droits de l’homme, l’égalité des parties, l’égalité des armes et le principe de non-discrimination ;

·                      en étant règlementées aussi précisément que possible par la loi, strictement limitées, précisément définies et respectant des lignes directrices claires et publiées afin d’éviter toute ambiguïté[xvii] ;

·                      en veillant à éviter toute intervention externe injustifiée dans l’action du ministère public ;

·                      en respectant le droit de toute personne physique ou morale d’agir, en demande ou en défense, pour défendre ses intérêts devant un tribunal indépendant et impartial, même dans les cas où le ministère public agit ou a l’intention d’agir en qualité de partie[xviii] ;

·                      en respectant le principe de la force exécutoire des décisions de justice devenues définitives (res iudicata), sauf exceptions prévues conformément aux obligations internationales de l’État et, notamment, par la jurisprudence de la Cour ;

·                      en veillant à ce que le droit de toute personne ou institution impliquée dans une affaire à demander un contrôle de l’action du ministère public soit clairement prévu ;

·                      en garantissant le droit de toute personne ou institution impliquée ou intéressée dans une affaire de droit civil à contester les mesures prises par le ministère public ou son défaut d’action.

25.  Les actes des procureurs ayant des effets sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales doivent demeurer sous le contrôle de tribunaux compétents[xix].

26.  Lorsque les procureurs sont habilités à contester la décision d’un tribunal ou d’une administration publique, ils doivent le faire en formant un recours ou en réclamant un contrôle de la décision. Lorsque dans les litiges entre personne privées, un intérêt public doit être défendu ou revendiqué devant un tribunal, le tribunal a le dernier mot[xx].

27.  Lorsque le ministère public intervient au tribunal en dehors du domaine de la justice pénale, il devrait, conformément à la loi nationale, notamment :

 

·                     avoir les mêmes droits et obligations que les autres parties au procès ;

·                     ne pas dissimuler des pièces pertinentes pour les questions faisant l’objet du litige ;

·                     ni participer aux délibérations du tribunal ni donner l'impression de le faire ;

·                     lorsqu’ils disposent du droit de recours à l’encontre d’une décision judiciaire, les procureurs devraient avoir les mêmes droits que les autres parties et ne devraient jamais se substituer aux droits des parties ;

·                     exercer ses pouvoirs de manière indépendante, transparente et en respectant pleinement le principe de la prééminence du droit ;

·                     intervenir contre des entités juridiques dans les cas où il existe des motifs raisonnables et objectifs de penser que l’entité privée en question a violé ses obligations légales, y compris celles découlant de l’application des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Les décisions pertinentes prises par les procureurs en dehors du domaine de la justice pénale devraient être motivées et portées à la connaissance des personnes ou institutions concernées par le dossier en cause.

2.3 Alternatives aux poursuites et sanctions

28.  Les procureurs envisagent, le cas échéant et conformément à la loi, des alternatives aux poursuites[xxi]. Celles-ci devraient être mises en œuvre en respectant pleinement les droits et intérêts légitimes des suspects et des victimes et prévoir une possibilité de médiation et de conciliation entre l’auteur de l’infraction et la victime[xxii]. Il convient d’accorder une attention particulière à la nature et à la gravité de l’infraction, à la protection de la société, ainsi qu’à la personnalité et aux antécédents du délinquant.

29.  Pour favoriser l’équité, la cohérence et l’efficacité de l’action du ministère public, les autorités publiques compétentes sont encouragées à publier des règles, des lignes directrices générales et des critères clairs pour une mise en œuvre effective et équitable de la politique pénale concernant les mesures alternatives aux poursuites.

30.  Les mesures alternatives ne devraient jamais être utilisées pour contourner les règles du procès équitable en imposant des mesures à une personne innocente ou qui ne pourrait être condamnée du fait d’obstacles procéduraux comme la prescription ; ces mesures ne devraient pas non plus être appliquées quand il y a un doute sur la responsabilité de l’auteur identifié ou l’étendue du dommage causé par l’infraction.

31.  Gardant à l’esprit l’impact négatif que peuvent avoir des procédures pénales ou autres sur le développement futur des mineurs, les procureurs devraient, le plus souvent possible et conformément à la loi, envisager des alternatives aux poursuites pour les mineurs délinquants, dès lors qu’elles peuvent constituer une réponse judiciaire appropriée à l’infraction tout en tenant compte des intérêts des victimes et de l’intérêt général, en cohérence avec les objectifs de la justice des mineurs[xxiii].

32.  Ils s’efforcent de n’engager des poursuites judiciaires contre les mineurs que dans la mesure où cela est strictement nécessaire[xxiv].

 

3. Statut des procureurs et garanties leur permettant d’exercer leurs fonctions

3.1 Indépendance des procureurs

33.  L’indépendance des procureurs, qui est essentielle à l’État de droit, doit être garantie par la loi, au plus haut niveau possible, tout comme celle des juges. Dans les pays où le ministère public est indépendant du gouvernement, l’État doit prendre les mesures effectives visant à ce que la nature et l’étendue de l’indépendance du ministère public soient précisées par la loi[xxv]. Dans ceux où il dépend du gouvernement ou est subordonné à celui-ci, ou jouit d’un autre statut que celui décrit ci-dessus, l’État doit s’assurer que la nature et l’étendue des pouvoirs du gouvernement vis-à-vis du ministère public soient également précisées par la loi et que le gouvernement exerce ses pouvoirs de manière transparente et conformément aux traités internationaux, au droit interne et aux principes généraux du droit[xxvi].

34.  La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après « la Cour ») a estimé devoir rappeler que « dans une société démocratique, tant les cours et tribunaux que les autorités d’instruction doivent demeurer libres de toute pression politique »[xxvii]. Il s’ensuit que les procureurs devraient prendre leurs décisions de façon autonome et, tout en coopérant avec d'autres institutions, effectuer leurs tâches respectives sans subir de pressions externes ni d’ingérence du pouvoir exécutif ou législatif, conformément aux principes de séparation des pouvoirs et de responsabilité[xxviii]. La Cour est également revenue sur la question de l’indépendance des procureurs en évoquant des sauvegardes générales telles que des mesures garantissant l’indépendance fonctionnelle des procureurs vis-à-vis des instances auxquelles ils sont subordonnés et le contrôle judiciaire des actes du ministère public[xxix].

 

35.  L’indépendance du ministère public n’est pas une prérogative ou un privilège octroyé dans l’intérêt de ses membres, mais est une garantie pour une justice équitable, impartiale et efficace et protège les intérêts publics et privés des personnes concernées.

36.  Les États doivent s’assurer que les procureurs sont en mesure d’exercer leurs fonctions sans entrave, intimidation, harcèlement, ingérence ou sans que leur responsabilité civile, pénale ou autre soit mise en cause de manière injustifiée[xxx].

37.  Le ministère public devrait, dans tous les cas, être en mesure de poursuivre sans entrave  des agents de l’État qui ont commis des infractions, notamment en cas de corruption, d’abus de pouvoir et de violation grave des droits de l’homme[xxxi].

38.  Les procureurs doivent être indépendants non seulement vis-à-vis des autorités exécutives et législatives, mais également vis-à-vis d’autres acteurs et institutions, notamment dans les domaines de l’économie, de la finance et des médias.

39.  Les procureurs sont également indépendants dans leur coopération avec les forces de l’ordre, les tribunaux et d’autres instances.

3.2 Hiérarchie

40.  La plupart des ministères publics sont généralement soumis à une organisation hiérarchique, compte tenu des missions qui leur sont conférées. Les rapports entre les différents niveaux de hiérarchie doivent répondre à des règles claires, transparentes et équilibrées, et un système approprié de contrôle doit être mis en place.

41.  Dans un État de droit, lorsque le ministère public est hiérarchisé, l’efficacité des poursuites est, en ce qui concerne les procureurs, indissociable de la nécessité de disposer d’instructions transparentes émanant de l’autorité hiérarchique, de l’obligation de rendre compte à celle-ci et de la responsabilité.

42.  Il est fondamental d’établir des garanties appropriées concernant la non-ingérence dans l’action du ministère public. La non-ingérence implique de veiller à ce que dans cette action, en particulier dans le cadre de procès, le procureur ne fasse pas l’objet de pressions externes, ni de pressions internes excessives ou illégales[xxxii]. Dans un système hiérarchique, le procureur de rang supérieur doit être en mesure d’exercer un contrôle approprié sur les décisions du ministère public, sous réserve du respect des droits de chaque procureur.

3.2.1 Attribution et réattribution des affaires

43.  L’organisation et le fonctionnement interne du ministère public, notamment l’attribution et la réattribution des affaires, devraient satisfaire à des exigences d’impartialité, à la lumière de la structure, des responsabilités et de la manière dont les décisions sont prises au sein du ministère public.

44.  Attribution et réattribution des affaires devraient être déterminés par une réglementation transparente qui est alignée avec la structure hiérarchique ou non hiérarchique du ministère public.

3.2.2       Instructions

45.  Les décisions générales sur la mise en œuvre des politiques pénales devraient être transparentes afin de garantir l’équité, la cohérence et l’efficacité de l’action du ministère public.

46.  Toute instruction à caractère général doit revêtir une forme écrite et, si possible, être publiée ou du moins rendue transparente. Cette instruction doit respecter strictement les principes d’équité et d’égalité[xxxiii].

47.  Les instructions de l’exécutif ou d’un niveau supérieur de la hiérarchie concernant des affaires spécifiques sont inacceptables dans certains systèmes juridiques. Si l’octroi d’une plus grande indépendance au ministère public est une tendance générale, ce qu’encourage le CCPE, il n’existe aucune norme commune à cet égard. Lorsque la loi permet encore de telles instructions, celles-ci devraient être formulées par écrit, limitées et régies par la loi.

48.  Tout agent public qui estime qu’on lui demande d’agir d’une manière illégale, irrégulière ou contraire à l’éthique devrait en répondre conformément à la loi[xxxiv].

49.  Un procureur a le droit de demander que les instructions qui lui sont adressées le soient par écrit. Au cas où une instruction lui paraîtrait illégale ou contraire à sa conscience, une procédure interne adéquate doit permettre son remplacement éventuel[xxxv].

50.  Ces garanties devraient s’entendre comme étant établies dans l’intérêt tant des procureurs que de la société en général[xxxvi].


3.3 Nomination des procureurs et déroulement de leur carrière

3.3.1 Principes généraux

51.  Les États membres devraient prendre des mesures afin que :

a)         le recrutement, la promotion et la mutation des procureurs soient mis en œuvre selon des procédures justes et impartiales et excluant toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur de peau, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;

b)         le déroulement de la carrière, l’évaluation professionnelle, les promotions et la mobilité des procureurs soient fondées sur des critères transparents et objectifs, tels que la compétence et l’expérience ; les organes chargés de recruter les procureurs soient choisis en fonction de leurs compétences et de leurs aptitudes et s’acquittent de leurs fonctions de manière impartiale en se fondant sur des critères objectifs ;

c)         la mobilité des procureurs soit fondée également sur les besoins du service[xxxvii].

52.  La nomination et la cessation des fonctions des procureurs devraient être régies par la loi au plus haut niveau et par un processus et des procédures claires et bien compris.

53.  Les missions de juge et de procureur sont proches et complémentaires : les exigences et les garanties concernant leur statut et les conditions d’emploi, en particulier le recrutement, la formation, le développement de la carrière, la rémunération, la discipline et la mutation de ces professionnels (qui ne peut s’effectuer que conformément à la loi ou avec leur consentement) sont similaires[xxxviii]. C’est pourquoi il est nécessaire de prévoir un mandat adéquat et des dispositions appropriées en matière de promotion, de discipline et de révocation[xxxix].

54.  La recherche d’impartialité, qui doit présider, sous différentes formes, au recrutement et à la carrière des membres du ministère public, peut se traduire par l’organisation de concours d’accès à la profession et par la création de conseils supérieurs de la magistrature ou de procureurs[xl].

55.  Le mode de nomination et de révocation du procureur général joue un rôle important dans le système garantissant le bon fonctionnement du ministère public[xli].

56.  Si les gouvernements ont un certain contrôle sur la nomination du procureur général, il importe que la méthode de sélection de celui-ci soit telle que cette fonction bénéficie de la confiance du public et du respect des autres membres du système judiciaire et des professions juridiques. Le procureur général devrait être nommé soit pour une période suffisamment longue, soit à titre permanent afin de garantir la stabilité de son mandat et d’éviter qu’il ne soit affecté par les changements politiques[xlii].

3.3.2 Formation

57.  Il ne peut y avoir un système effectif de poursuite ni de confiance du public sans un niveau de compétence et d'intégrité professionnelles le plus élevé possible. Les procureurs devraient donc bénéficier d’une formation initiale et continue en vue de leur spécialisation[xliii].

58.  Les différents systèmes juridiques européens forment les juges et les procureurs selon des modèles divers, la formation étant confiée à des organes spécifiques. Dans tous les cas, il est essentiel de veiller à l’autonomie de l’institution chargée d’organiser la formation judiciaire car cette autonomie est la garante du pluralisme culturel et de l’indépendance[xliv].

59.  Cette formation devrait être organisée sur une base impartiale et être régulièrement et objectivement évaluée quant à son efficacité. Lorsque cela est approprié, une formation commune aux juges, aux procureurs et aux avocats sur des sujets d’intérêt commun peut contribuer à améliorer la qualité de la justice[xlv].

60.  La formation devrait également concerner le personnel administratif et les fonctionnaires ainsi que les agents des forces de l’ordre.

61.  La formation, y compris la formation à la gestion administrative[xlvi], est un droit et un devoir pour les procureurs, tant avant leur prise de fonctions que tout au long de leur carrière.

62.   Les procureurs devraient bénéficier d’une formation spécialisée appropriée pour être en mesure de remplir correctement leurs missions en matière pénale et en dehors du système de justice pénale pour être en mesure de remplir correctement leurs missions en matière pénale et en dehors du système de justice pénale[xlvii], notamment dans les domaines de la gestion des ressources budgétaires[xlviii] et de la communication[xlix].

63.  En conséquence, les États devraient prendre toutes les mesures appropriées pour assurer aux membres du ministère public une formation adéquate, avant et après leur nomination. Il convient notamment que ceux-ci soient dûment informés sur :

a)         les principes et les exigences éthiques inhérents à leurs fonctions ;

b)         la protection garantie par la Constitution et par d’autres législations aux personnes impliquées dans les procédures judiciaires ;

c)         les droits de l’homme et les libertés tels que définis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (notamment les articles 5 et 6) et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme;

d)         la théorie et la pratique de l’organisation du travail, de la gestion et des ressources humaines;

e)         les mécanismes et éléments qui peuvent contribuer à assurer l’efficacité et la cohérence de leurs activités[l].

64.  Les nouveaux défis en matière pénale et la complexification de certaines formes de criminalité sont dus au développement rapide des nouvelles technologies et  de la mondialisation, des échanges commerciaux internationaux et de la circulation des données internationales. Une formation spécifique visant à permettre aux procureurs de faire face aux menaces posées par ces phénomènes s’avère également nécessaire[li].

3.3.3 Évaluation des compétences professionnelles

65.  Les compétences professionnelles des procureurs devraient faire l’objet d’évaluations régulières, raisonnables, fondées sur des critères pertinents, objectifs et définis, et conduites selon une procédure appropriée et équitable.

66.  Les procureurs devraient avoir accès aux résultats de leurs évaluations et pouvoir soumettre des observations ou, le cas échéant, exercer un recours.

67.  La promotion des procureurs doit être fondée sur des facteurs objectifs, en particulier sur les qualifications professionnelles, la compétence, l’intégrité et l’expérience, et faire l’objet d’une procédure juste et impartiale[lii].

3.3.4 Mutation et mobilité

68.  La mutation, sans son consentement, d’un procureur vers un autre ministère public peut être un moyen d’influencer indûment ce magistrat.

69.  Si l’on introduit la possibilité de muter ou de placer en détachement un procureur contre sa volonté, que ce soit en interne ou en externe, des garanties prévues par la loi devraient exister pour compenser les risques potentiels qui en découlent (par exemple, une mutation masquant une procédure disciplinaire).

70.  La possibilité de muter un procureur sans son consentement devrait être régie par la loi et limitée à des circonstances exceptionnelles, telles que des nécessités de service impérieuses (répartir équitablement la charge de travail, etc.) ou  de mesures disciplinaires dans des cas particulièrement graves. Il convient aussi de tenir compte des vues, des aspirations et des spécialisations du procureur et de sa situation familiale[liii].

71.  Celui-ci devrait avoir la possibilité d’introduire un recours devant une instance indépendante.

3.3.5 Révocation

72.  Compte tenu de l’importance de leur rôle et de leurs fonctions, la révocation des procureurs devrait être soumise à des conditions strictes qui ne doivent pas compromettre leur indépendance et leur impartialité dans l’exercice de leurs activités[liv]. Toutes les garanties attachées aux procédures disciplinaires doivent s’appliquer.

73.  L’indépendance des procureurs vise à les protéger contre toute révocation arbitraire ou fondée sur des motifs politiques. Ceci est particulièrement pertinent s’agissant des procureurs généraux et la loi devrait définir clairement leurs conditions de la révocation avant la fin de ses mandats[lv].

3.4 Conditions de service

3.4.1 Principes généraux 

74.  Les procureurs devraient disposer de tous les moyens utiles et appropriés pour l’exercice de leurs compétences, ce qui est fondamental pour l’État de droit[lvi].

75.  Les États devraient prendre des mesures pour garantir aux procureurs des conditions de service raisonnables, avec notamment une rémunération, un statut et une pension conformes à l’importance des missions exercées, ainsi qu’un âge de départ à la retraite approprié[lvii].

76.  Les conditions de service devraient refléter l’importance et la dignité de la fonction, ainsi que le respect qui y est attaché[lviii]. Une rémunération satisfaisante des procureurs suppose également la reconnaissance de l’importance de leurs fonctions et de leur rôle et peut aussi réduire le risque de corruption[lix]. L’octroi de primes, le cas échéant, devrait reposer sur des critères totalement objectifs et transparents.

3.4.2 Incompatibilités et conflits d’intérêts

77.  Les procureurs devraient à tout moment respecter les normes éthiques et professionnelles  les plus élevées et, notamment, ne devraient pas agir dans les affaires où ils ont des intérêts personnels,  ou dans lesquelles leur relation avec les personnes concernées par l’affaire pourrait compromettre leur totale impartialité[lx]. Les procureurs ne devraient se livrer à aucune activité ou transaction, ni occuper un poste ou une fonction, rémunéré(e) ou non, incompatible avec le bon exercice de leurs fonctions publiques ou portant préjudice à celles-ci[lxi].

78.  Les États garantissent que nul ne peut exercer simultanément les fonctions de procureur et de juge. Toutefois, les États peuvent adopter des mesures concrètes pour permettre à une même personne d’occuper successivement les fonctions de procureur et de juge, ou inversement. Ces changements de fonctions ne peuvent intervenir qu’à la demande expresse de la personne concernée et en conformité avec les garanties[lxii].

79.  Toute attribution de fonctions juridictionnelles aux procureurs devrait être limitée aux affaires n’impliquant que des sanctions mineures, ne doit pas se cumuler avec le pouvoir de poursuivre dans la même affaire et ne doit pas porter atteinte au droit du prévenu d’obtenir une décision sur la même affaire par une autorité indépendante et impartiale exerçant des fonctions judiciaires[lxiii].

80.  Les procureurs devraient toujours se conduire de manière professionnelle et s’efforcer d’être indépendants et impartiaux, et d’être perçus comme tels[lxiv].

81.  Les procureurs devraient s’abstenir d’exercer des activités politiques incompatibles avec le principe d’impartialité.

82.  Les procureurs exercent leurs libertés d’expression et d’association d’une manière qui soit compatible avec leur fonction et qui n’affecte pas ou ne semble pas affecter l’indépendance ou l’impartialité des juges et des procureurs. S’ils sont libres de participer à des débats publics sur des questions relevant de la sphère juridique, judiciaire ou de l’administration de la justice, ils doivent s’abstenir de commenter les affaires en cours et éviter d’exprimer des points de vue susceptibles de ternir la réputation ou l’intégrité du tribunal[lxv].

83.  Conformément à la loi, pendant une période appropriée, un procureur ne devrait pas agir pour le compte de quelque personne ou entité que ce soit dans une affaire pour laquelle il était intervenu au nom du service publique ou avait conseillé cette dernière, et qui procurerait un avantage particulier à cette personne ou entité[lxvi].

84.  Un procureur, de même qu’un juge, ne peut intervenir dans une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel. Il peut être assujetti à certaines restrictions visant à préserver son impartialité et son intégrité[lxvii].

3.5 Garanties procédurales

85.  Les normes et les principes relatifs aux droits de l’homme établissent que les procureurs sont responsables dans l’exercice de leurs fonctions et qu’ils peuvent faire l’objet de procédures disciplinaires[lxviii].

86.  Dans un État de droit, l’acquittement d’une personne ne devrait pas conduire à une procédure disciplinaire à l’encontre du procureur en charge de l’affaire.

87.  Les États devraient faire en sorte que la loi prévoie une procédure disciplinaire pour les procureurs leur garantissant une évaluation et des décisions justes et objectives, soumises à un contrôle indépendant et impartial[lxix].

88.  Les procureurs ne devraient pas jouir d’une immunité générale qui les protégerait de toute poursuite pour des actes criminels qu’ils auraient commis et pour lesquels ils doivent répondre devant les tribunaux, sous réserve de garanties spéciales mises en place dans certains États pour garantir leur indépendance. Cela pourrait entraîner un manque de confiance du public, voire alimenter la corruption[lxx].

89.  Selon les normes générales, ils peuvent avoir besoin d’être protégés contre des poursuites civiles pour des actes accomplis de bonne foi conformément à leurs obligations.

3.6 Protection des procureurs, leurs familles, etc.

90.  Les États devraient prendre des mesures pour que les procureurs et, le cas échéant, leur famille, soient protégés par l'État lorsque leur sécurité personnelle est menacée en raison de l’exercice de leurs fonctions[lxxi].

91.  Si les procureurs ou leur famille font l’objet de violence ou de menaces de violence, ou de toute forme d’intimidation, de contrainte ou de surveillance indue, il convient de mener une enquête approfondie sur de tels faits, de prendre des mesures pour prévenir leur répétition et de fournir, si nécessaire, aux procureurs et à leur famille les conseils ou l’appui psychologique nécessaires[lxxii].

4. Droits et obligations des procureurs

4.1 Obligations relatives à la conduite des procureurs

 4.1.1 Obligation fondamentale d’impartialité, d’objectivité et d’équité

92.  Les procureurs devraient faire preuve d’impartialité et d’objectivité dans l’exercice de leurs fonctions. Ils devraient également respecter le droit de chacun à l’égalité devant la loi, sans favoritisme ni discrimination.

93.  Ils sont conscients des dangers de la corruption et ne sollicitent ni n’acceptent de faveurs ou d’autres avantages dans l’exercice de leurs fonctions. Ils doivent faire preuve d’impartialité pour garantir la confiance du public dans le ministère public. Ils évitent d’exercer un deuxième emploi ou d’autres tâches susceptibles de compromettre leur impartialité. En outre, ils doivent identifier les situations qui entraînent un conflit d’intérêts et, le cas échéant, refuser d’assurer la tâche en question.

4.1.2 Responsabilité des procureurs

94.  Les procureurs sont publiquement responsables. Leurs décisions, fondées sur la loi et sur d’autres règlementations, restent discrétionnaires. Ils devraient notamment respecter et s’efforcer de protéger les droits de l’homme.

95.  Les procureurs exercent leurs fonctions de façon transparente, sauf si la législation restreint leur action ou le caractère public des documents qu’ils ont rédigés. Ils devraient tout particulièrement veiller à énoncer leurs décisions de manière intelligible pour les parties concernées et à s’exprimer de façon compréhensible devant le public et les médias.

96.  Les procureurs doivent posséder un haut niveau de connaissances et de compétences professionnelles, notamment en matière de gestion, de communication et de coopération, y compris au niveau international, et ces connaissances doivent être entretenues par le biais de formations. Ils doivent gérer les affaires dont ils sont responsables avec une qualité et une célérité optimales, et utiliser les ressources dont ils disposent de façon responsable.

4.1.3 Obligation de préserver la dignité de la profession

97.  Les procureurs doivent gagner la confiance du public en faisant preuve, en toutes circonstances, d’un comportement exemplaire. Ils doivent traiter les justiciables de manière équitable, égale, respectueuse et courtoise, et, à tout moment, satisfaire aux normes professionnelles les plus élevées et préserver l’honneur et la dignité de leur profession, en faisant toujours preuve d’intégrité et de prudence[lxxiii].

4.1.4 Code d’éthique et de conduite

98.  Le partage de principes juridiques et de valeurs éthiques communs par tous les procureurs impliqués dans le processus judiciaire est essentiel à la bonne administration de la justice[lxxiv] et au respect des normes professionnelles les plus élevées. Les procureurs doivent être capables d’identifier les problèmes déontologiques qui se posent dans l’exercice de leurs fonctions et de s’appuyer sur des principes clairs pour les résoudre.

99.  Des codes d’éthique professionnelles et de conduite devraient être adoptés et publiés,  basés sur des standards internationaux mis au point par les Nations Unies, ainsi que sur ceux contenus dans les Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public (Lignes directrices de Budapest) adoptées par la Conférence des procureurs généraux d’Europe le 31 mai 2005.

4.2 Libertés fondamentales des procureurs

100. Les procureurs jouissent de la liberté d’opinion, d’expression et d’association au même titre que tout autre membre de la société. Lorsqu’ils exercent ces droits, ils doivent tenir compte de leur obligation de discrétion et veiller à ne pas entamer l’image publique d’indépendance, d’impartialité et d’équité qu’un procureur doit toujours avoir.

101. Toutes les mesures nécessaires devraient être prises pour que la vie privée des procureurs soit respectée[lxxv]. Néanmoins, ceux-ci devraient faire preuve de discrétion et de prudence pour éviter de nuire à la dignité de leur profession ou à leur capacité d’exercer leurs fonctions.

5. Relations avec d’autres acteurs et institutions

5.1 Relations avec les victimes, les témoins, les suspects, les prévenus, les accusés et le public

102. Les procureurs devraient respecter le droit à un procès équitable et tenir compte des intérêts légitimes des témoins, des victimes, des suspects, des prévenus ou des accusés en veillant à ce qu’ils soient informés de leurs droits et de l’évolution de la procédure[lxxvi].

5.2 Relations avec les tribunaux (juges et personnels des tribunaux) et les avocats

103. Si le ministère public fait partie de l’institution judiciaire, il convient d’établir une distinction claire entre les procureurs et les juges. Les États devraient préciser le statut, la compétence et le rôle procédural des membres du ministère public dans la loi, afin qu’il ne soit pas possible de douter de l’indépendance réciproque et de l’impartialité des procureurs et des juges[lxxvii].

104. Seule la complémentarité de l’action des juges et des procureurs peut garantir l’équité, l’impartialité et l’efficacité de la justice[lxxviii].

105. Pour une justice efficace, les procureurs doivent également toujours être courtois avec les membres du personnel des tribunaux et les avocats.

5.3 Relations avec les enquêteurs

106. Les procureurs et les enquêteurs coopèrent de façon appropriée et efficace dans le cadre des enquêtes.

107. Il appartient aux procureurs, quand cela relève de leur compétence, de s’assurer que les enquêteurs agissent conformément à la loi et respectent les droits de la défense, et que tout suspect soit informé dans le plus bref délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, des faits susceptibles de lui être reprochés[lxxix].

5.4 Relations avec l’administration pénitentiaire

108. Le procureur, dans la limite de ses compétences, est chargé de vérifier la légalité de la manière dont est exécutée la détention. Il doit assurer la protection totale et effective des droits des détenus et des personnes en détention préventive, améliorer leur situation et faciliter leur réinsertion dans la société[lxxx].


5.5 Relations avec les médias

109. Les procureurs sont encouragés à informer régulièrement le public, par le biais des médias, de leurs activités et des résultats de celles-ci[lxxxi]. Leur action devrait viser à favoriser et à préserver la confiance du public dans le ministère public.

110. Dans leurs communications, les procureurs font preuve d’impartialité afin de ne pas influencer indûment les juges, de quelque manière que ce soit, et de ne pas les exposer à des critiques personnelles.

111. Lorsqu’un procureur est mis en cause à titre individuel d’une manière injuste dans les médias, il est en droit d’obtenir que les informations contestées soient rectifiées ou d’utiliser d’autres recours légaux, conformément au droit national. Néanmoins, dans de tels cas ou quand de fausses informations ont été publiées concernant des événements ou des personnes figurant dans des dossiers qu’il traite, toute réaction devrait émaner, si possible, du chef du service ou d’un porte-parole du service du ministère public, et dans les cas graves du Procureur Général ou de la plus haute autorité du Parquet ou étatique compétente. Cette réaction officielle permettra de limiter le besoin pour le procureur concerné d’exercer son droit de réponse, droit qui est assuré à toute personne, ainsi que le risque d’une personnalisation excessive du conflit.

5.6 Relations avec les services publics et d’autres institutions

112. Les procureurs ne devraient pas s’immiscer dans les domaines relevant des pouvoirs législatif ou exécutif. Ils devraient néanmoins coopérer avec les institutions et les divers services étatiques.

113. Les procureurs devraient être chargés, sans aucune entrave, d’ordonner des enquêtes et d’exercer les poursuites à l’encontre d’agents de l’État et d’élus lorsqu’ils sont soupçonnés d’avoir commis des infractions[lxxxii].

6. Organisation du ministère public

6.1 Structure

114. L’une des responsabilités fondamentales du ministère public est de garantir l’efficacité de son action. Son organisation et sa structure devraient lui permettre de mener à bien toutes ses missions légales avec rapidité et professionnalisme, tout en maintenant un haut niveau de qualité.

6.2 Personnel

115.  Le ministère public devrait être géré de façon efficace, en évitant toute dérive bureaucratique. A cette fin, les procureurs devraient disposer d’effectifs administratifs suffisants, composés d’agents convenablement qualifiés. Ils devraient également pouvoir s’appuyer sur des spécialistes de domaines spécifiques (accueil des victimes d’infractions, traitement des données ou statistiques, par exemple).


6.3 Gestion des ressources

116. L’attribution de ressources adéquates organisationnelles, financières, matérielles et humaines contribue à garantir l’indépendance. Il importe tout particulièrement de veiller à ce que ces ressources soient suffisantes en période de difficultés économiques afin de pouvoir assurer des services de qualité[lxxxiii].

117. Lorsque la gestion des ressources revient au ministère public, il doit assurer cette tâche avec la plus grande rigueur et transparence[lxxxiv]. A cette fin, et pour une utilisation efficace des ressources, des mesures pertinentes devraient être mises en œuvre ; les procureurs devraient également suivre une formation adéquate et être soutenus par des spécialistes qualifiés.

118. Qu’il dispose ou non d’autonomie en matière de gestion, le ministère public devrait avoir la maîtrise de l’évaluation de ses besoins, de la négociation de ses budgets et de l’utilisation des fonds alloués de manière transparente afin d’assurer une justice rapide et de qualité[lxxxv].

6.4 Spécialisation

119. Pour mieux répondre à l’évolution de la criminalité et pour améliorer et faciliter la coopération internationale, les procureurs ou le ministère public organisé(s) dans une structure spécialisée devraient être considéré(s) comme une priorité[lxxxvi], y compris lorsqu’il est doté de compétences extrapénales. La spécialisation est essentielle pour améliorer l’efficacité, mais aussi pour relever les défis posés aux procureurs dans le cadre de leur mission par la complexité de la société contemporaine.

6.5 Coopération interne

120. Une coopération mutuelle et équitable est essentielle à l'efficacité du ministère public, que ce soit entre différents ministères publics ou entre des procureurs relevant d’un même ministère public.

7. Coopération internationale

121. Les procureurs devraient traiter les demandes d’entraide internationale au sein de leur juridiction avec la même diligence que celle dont ils font preuve dans leurs activités nationales. Au sein de leur juridiction, ils devraient contribuer, le cas échéant, à la mise en œuvre des décisions étrangères.

122. Les procureurs devraient bénéficier d’une formation concernant la mise en œuvre des instruments internationaux et les principes fondamentaux qui régissent les grands systèmes judiciaires. Ils peuvent participer autant que possible, à des échanges et forums internationaux utiles à l’exercice de leurs fonctions, notamment en vue du recueil de bonnes pratiques[lxxxvii].

123. Lorsque cela permet de gagner en efficacité, les procureurs devraient mettre à profit les accords de coopération existants tels qu’Eurojust, le Réseau judiciaire européen et d’autres réseaux pertinents, notamment celui des procureurs de liaison[lxxxviii].


Avis n°10 (2015)

du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

Le rôle des procureurs dans l’enquête pénale

I.                      Introduction

 

 

1.      Le Comité des Ministres a chargé le CCPE en 2015 de préparer et d'adopter un avis à son attention concernant le rôle des procureurs dans l’enquête pénale. Le CCPE a rédigé le présent Avis sur la base des réponses au questionnaire reçues de 29 Etats membres[130].

2.      Il ressort de ces réponses que les différents aspects des relations entre procureurs et services d’enquête sont régis par la Constitution et/ou par la législation nationale et des instruments de réglementation interne (par exemple, des consignes et instructions du Procureur général, des règles de conduite, des codes d’éthique, etc.).

3.    Le rôle du procureur dans l’enquête pénale varie d’un système à l’autre. Dans certains pays, les procureurs peuvent conduire des enquêtes eux-mêmes. Dans d’autres pays, la police ou les autres autorités d’enquête peuvent mener les enquêtes sous l’autorité et / ou la supervision des procureurs, ou peuvent agir de manière indépendante.

4.    Le système de poursuites peut également varier selon les Etats. Il peut être fondé sur le principe de la légalité ou sur le principe de l’opportunité des poursuites. En outre, les divers systèmes de poursuites sont traditionnellement basés sur le modèle inquisitoire ou accusatoire.

5.    L’évolution constatée ces dernières années en Europe, notamment sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la Cour), est de voir se rapprocher ces modèles, dans un souci d’assurer une enquête à la fois efficace et respectueuse des droits des personnes concernées, en ayant pour but commun le respect de tous ces systèmes qui partagent des valeurs fondamentales.

A.           Textes de référence

6.    Le CCPE souligne l’importance de se référer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH), en particulier à ses articles 2, 3, 5, 6 et 8 ainsi qu’à la jurisprudence pertinente de la Cour. Il rappelle également l’importance des conclusions et recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

7.    Le CCPE a pris en considération la Recommandation Rec(2000)19 mentionnée ci-dessus, qui constate que dans certains systèmes de justice pénale, le ministère public conduit, dirige ou supervise l’enquête[131]. Le CCPE a également pris en considération la Recommandation Rec(2001)10 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le Code européen d’éthique de la police[132], la Recommandation Rec(2005)10 du Comité des Ministres aux Etats membres relative « aux techniques spéciales d'enquête » en relation avec des infractions graves, y compris des actes de terrorisme, ainsi que les conclusions adoptées par la 6ème Conférence des Procureurs Généraux d'Europe à Budapest, Hongrie, le 31 mai 2005, concernant les rapports entre le ministère public et la police. Le CCPE s’est appuyé sur les principes contenus dans l’Avis n° 9(2014) sur les Normes et principes européens concernant les procureurs – « Charte de Rome » et dans ses autres Avis pertinents, en particulier ses Avis n° 3(2008) sur le rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale, et n° 8(2013) sur les relations entre procureurs et medias. 

8.    Le CCPE a également pris en compte les documents pertinents des Nations Unies, tels que
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, le Code de conduite pour les responsables de l'application des lois adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 17 décembre 1979 (Résolution 34/169), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984, les Lignes directrices sur le rôle des procureurs de 1990 et les recommandations des comités chargés de la surveillance de la mise en œuvre des instruments concernés des Nations Unies[133].

9.    Le CCPE a aussi considéré les Normes de responsabilité professionnelle et la Déclaration des droits et devoirs essentiels des procureurs et poursuivants, adoptés par l’Association internationale des Procureurs et poursuivants (AIP) en 1999, les autres documents pertinents adoptés par l’AIP, ainsi que la Déclaration de Sopot des Procureurs Généraux du Groupe de Visegrad[134] du 25 mai 2015 concernant les relations entre les services de poursuite et la police.  

B.        But et champ d’application de l’Avis

10.  Le présent Avis vise à établir des recommandations sur le rôle du procureur dans l’enquête pénale, en prenant en considération les droits de toutes les personnes concernées par cette enquête (victimes, défendeurs, avocats, témoins, etc.), et à identifier et promouvoir les bonnes pratiques professionnelles entre les procureurs et les enquêteurs.

11.  La Recommandation (2000)19 souligne brièvement les relations entre les procureurs et les services d’enquête en veillant à distinguer les différents systèmes existants au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe.

12.  Cette question est essentielle dans le cadre d’une bonne administration de la justice pénale. L’un des principes élémentaires de l’Etat de droit est le respect, par les procureurs et les services d’enquête, des droits de l’homme et des libertés fondamentales à tous les stades de l’enquête pénale.

13.  Ceci implique que :

·         les procureurs, lorsque telle est leur mission, devraient veiller à ce que les personnes concernées par une enquête soient traitées de manière humaine et puissent faire valoir leurs droits légitimes ;

·         les procureurs devraient user de toute leur autorité, dans la mesure du possible et dans le cadre de leurs compétences et pouvoirs, pour veiller à ce que les services d’enquête respectent la loi et adoptent des normes de conduite précises, afin qu’ils rendent compte de tout abus de pouvoir ou de comportement devant une autorité qualifiée ;

·         les procureurs devraient s’assurer que les résultats de l’enquête, qui seront présentés au juge du fond, reflètent la réalité des constatations afin que le tribunal ne soit pas induit en erreur.

14.  Le présent Avis se limite aux enquêtes pénales et à l’exercice de l’action publique par les procureurs.

II.            Le rôle des procureurs dans l’enquête pénale

 

  1. La surveillance des enquêtes par les procureurs

15.  D'une manière générale, les procureurs devraient vérifier la légalité des enquêtes au plus tard lorsqu’ils décident d'engager ou de poursuivre l'action publique. A cet égard, ils devraient aussi surveiller la façon dont les enquêtes sont menées et si les droits de l’homme sont respectés.

16.  Lorsque cela relève de leur compétence, les procureurs peuvent donner des instructions contraignantes, des conseils, des directives ou des lignes directrices appropriés aux organes d’enquête, concernant aussi bien le déroulement général de l’enquête que certains actes d’enquête spécifiques dans le but d’assurer le respect des règles de fond et de forme de la loi pénale, ainsi que des droits garantis par la CEDH.

17.  Pour pouvoir assurer des poursuites efficaces, ces instructions ou lignes directrices peuvent concerner, entre autres, les preuves qui doivent être obtenues, la stratégie propre à l’évolution de l’enquête, les méthodes ou outils qui doivent être utilisés lors de la collecte de preuves, les faits qui doivent être clarifiés et prouvés, et les mesures qui doivent être adoptées durant l’enquête.

18.  Si les procureurs ont le pouvoir de superviser les enquêtes, ils devraient veiller à ce que les services d’enquête les tiennent informés de l’évolution de l’enquête pénale, de la mise en œuvre des priorités de politique pénale qui leur ont été assignées et de l’application des instructions reçues des procureurs. 

19.  Dans les Etats où telle est leur mission, les procureurs devraient :

·         veiller à ce que les enquêtes aient pour seul objectif la recherche de la vérité et l’élucidation des affaires, qu’elles se déroulent légalement, conformément aux droits de l’homme et aux principes fondamentaux contenus notamment dans les articles 2, 3, 5, 6 et 8 de la CEDH et qu’elles soient menées en temps voulu, avec objectivité, impartialité et professionnalisme. Lorsqu’ils sont chargés de diriger, de contrôler ou de superviser le travail des enquêteurs, ils devraient dans la mesure du possible et dans le cadre de leurs compétences et pouvoirs, s’assurer que ces derniers respectent les mêmes principes ainsi que les droits fondamentaux ;

·         veiller à ce que la présomption d’innocence et les droits de la défense soient respectés tout au long des enquêtes. Dans la mesure du possible, il est nécessaire durant cette phase d’enquête de ne pas divulguer publiquement l’identité des suspects, de veiller à leur sécurité personnelle et de respecter leurs droits à la dignité et à la protection de leur vie privée ;

·         veiller à garantir, au cours des enquêtes, la confidentialité des informations afin de ne pas compromettre le déroulement et l’efficacité des enquêtes ;

·         durant le déroulement des enquêtes dans lesquelles ils sont impliqués, veiller à ce que la sécurité personnelle et les droits des parties, des témoins et des autres personnes concernées par le dossier soient garantis ;

·         veiller à l’information des victimes, en particulier des personnes vulnérables, sur le commencement et le résultat des enquêtes, par des modalités appropriées et respectueuses de leurs droits.

20.  En accomplissant ces tâches, les procureurs devraient agir de manière équitable, efficace et rapide, contribuant ainsi à assurer le bon déroulement de la procédure et le bon fonctionnement du système de justice pénale.

 

21.  Si telle est leur compétence, les procureurs devraient également prendre en compte les questions concernant la gestion efficace des ressources, y compris les ressources humaines et financières. Ils devraient aussi veiller à éviter les dépenses disproportionnées, en respectant toujours l’Etat de droit et les droits procéduraux.

  1. Situations dans lesquelles les procureurs conduisent eux-mêmes des enquêtes

22.  Dans les pays dans lesquels les procureurs peuvent mener des enquêtes, ils doivent mener celles-ci conformément à la loi, avec professionnalisme, de manière impartiale, avec célérité, en utilisant au mieux leurs compétences et sans préjudice ou discrimination envers quiconque. Ils devraient également développer des moyens d’enquête susceptibles d’être favorables à la défense et rassembler et communiquer des preuves à cet effet.

 

23.  Dans le cadre de leur fonction d’enquête, les procureurs devraient avoir au moins les mêmes droits et obligations que les autres autorités d’enquête et disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions.

  1. Situations dans lesquelles la police ou les autres organes d’enquête conduit les enquêtes sous l’autorité du procureur

 

24.  Dans les pays dans lesquels la police est placée sous l’autorité des procureurs ou dans lesquels les enquêtes policières sont supervisées par les procureurs, ces derniers devraient être investis de pouvoirs effectifs leur permettant d’assurer pleinement leurs tâches dans le cadre des enquêtes pénales, toujours dans le respect du droit national et international. Ils devraient veiller à ce que les enquêtes soient conduites de la manière la plus appropriée et efficace, dans le respect permanent de l’Etat de droit et des droits procéduraux.

25.  Ces tâches peuvent consister :

·         à assurer la mise en œuvre effective des priorités de politique pénale ;

·         à donner des instructions à la police concernant le moment d’initier l’enquête pénale et la façon de la mener ;

·         à attribuer les affaires individuelles aux organes d’enquête appropriés ;

·         à promouvoir une coopération efficace et effective entre la police et les procureurs, et à coordonner l’enquête lorsqu’elle concerne plusieurs services ;

·         à donner des conseils et des instructions sur des points de droit ;

·         à superviser la légalité et la qualité des enquêtes ;

·         à mener les évaluations et les contrôles nécessaires au respect de la loi ;

·         et, le cas échéant et conformément à la loi nationale, à sanctionner ou à promouvoir la sanction de violations.

26.  Dans les Etats où les procureurs supervisent les enquêtes, ils devraient être investis de pouvoirs procéduraux larges de manière à s’assurer que l’enquête pénale est réalisée de manière efficace et conformément à la loi. En particulier, dans les Etats dans lesquels la loi nationale confère aux procureurs le pouvoir de superviser les enquêtes :

·         les procureurs devraient veiller à ce que les enquêteurs respectent les dispositions légales, y compris celles concernant la légalité de l’ouverture, de la suspension et de la clôture d’une affaire pénale. Ils devraient aussi prendre en compte les droits des personnes concernées par la procédure pénale, y compris les victimes et les parties défenderesses. Pour ce faire, les procureurs devraient veiller à être dûment informés de toutes les décisions importantes concernant les enquêtes à venir et déjà réalisées qu’ils peuvent suivre particulièrement lorsqu’elles impliquent la possibilité de restrictions importantes des droits et des libertés des participants dans la procédure pénale (par exemple, sur les conséquences de la constatation d’un crime, et les principaux événements de cette enquête) ;

·         les procureurs devraient avoir le pouvoir soit d’approuver l’adoption de telles décisions importantes par l’enquêteur, soit de les rejeter ;

·         les procureurs devraient également informer, le cas échéant, les participants à la procédure pénale de leur droit de recours devant un procureur de rang plus élevé ou un tribunal, afin que leurs droits et intérêts légaux soient dûment respectés ;

·         les procureurs devraient respecter la confidentialité de l’enquête. Ils ne devraient pas autoriser la divulgation d’informations confidentielles reçues d’enquêteurs ou de tiers, sauf si la divulgation de telles informations peut être nécessaire dans l’intérêt de la justice ou conformément à la loi ;

·         les procureurs devraient avoir la possibilité d’accéder librement et à tout moment à tous les éléments d’enquête dont disposent les enquêteurs afin de permettre une surveillance efficace et en temps voulu de l’enquête, si nécessaire, pour éviter la perte de preuves importantes, pour assurer la sécurité et l’accès au dossier des victimes (si la loi le permet), ou pour prévenir la possibilité pour les personnes qui devraient faire l’objet de poursuites d’échapper à la justice ;

·         les procureurs devraient superviser les enquêtes de façon régulière, notamment pour empêcher la détention illégale ou infondée de personnes ;

·         les procureurs devraient s’efforcer de protéger, conformément au droit international et national, toutes les personnes privées de liberté des traitements abusifs de la part de toute personne ou autorité, et ils devraient examiner avec attention les plaintes déposées dans ce cadre ;

·         les procureurs devraient disposer de compétences établies par la loi leur permettant non seulement d’évaluer la légalité des actions des enquêteurs et le respect de leurs instructions, mais aussi, autant que possible, de prévenir les violations de la loi par ces enquêteurs ;

·         en cas d’utilisation de méthodes illégales constituant une violation grave des droits de l’homme, les procureurs devraient avoir le droit de poursuivre pénalement ces enquêteurs, ou d’inviter les autorités compétentes à engager une procédure pénale ou disciplinaire à l’encontre de ces enquêteurs ;

·         les procureurs devraient avoir le droit de rendre visite à un suspect/prévenu en détention provisoire.

  1. Situations dans lesquelles la police est indépendante pour conduire les enquêtes

27.  Dans les Etats où la police ou les autres autorités d’enquête agissent de manière indépendante, les systèmes judiciaires devraient disposer de procédures de contrôle appropriées, permettant de garantir la légalité des enquêtes et de s’assurer que la police ou les autres autorités chargées de l’enquête ont agi avec professionnalisme, équité et célérité.

28.  Dans tous les cas, les procureurs devraient pouvoir prendre des mesures effectives pour promouvoir une coopération adaptée et fonctionnelle avec les autorités d’enquête.

III.      Le rôle des procureurs concernant le respect des droits de la défense lors des enquêtes et les techniques d'enquête

A.           Le respect de la présomption d’innocence et des droits de la défense

29.  Selon la jurisprudence de la Cour[135], tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l’égalité des armes entre l’accusation et la défense. C’est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable. De plus, l’Article 6(1) de la CEDH exige que, durant la phase du procès, les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge. Le droit à un procès équitable inclut le principe de l’égalité des armes et suppose également une procédure contradictoire. Il comprend le droit d’avoir accès, dans un délai raisonnable, à toutes les informations dont le procureur dispose. Cela implique que tous les éléments de preuve sont disponibles et une obligation, pour le procureur ou l’autorité chargée de l’enquête, de rechercher des preuves conduisant à la fois à la culpabilité et à l’innocence.

30.  Les procureurs, quel que soit leur rôle dans l’enquête, devraient faire en sorte que leurs actions respectent la loi et en particulier les principes suivants:

·         l’égalité devant la loi ;

·         l’impartialité et l’indépendance du procureur ;

·         le droit à un avocat ;

·         le droit de la défense de se voir communiquer l’ensemble des éléments pertinents ;

·         la présomption d’innocence ;

·         l’égalité des armes ;

·         l’indépendance du tribunal ; 

·         le droit d’un prévenu à un procès équitable.

31.  Le respect de la présomption d’innocence lie non seulement les tribunaux mais aussi toutes les    autres instances étatiques. Il appartient aux procureurs et aux services d’enquête de s’abstenir de toute déclaration ou attitude qui contribuerait à enfreindre ce principe.

 

32.  Le respect du principe de l’égalité des armes impose, dans le cadre d’une procédure pénale équitable, que la personne qui fait l’objet d’une enquête puisse présenter sa cause devant un tribunal dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse. Un juste équilibre devrait être trouvé entre les parties, permettant à chacune de discuter de tous les éléments de l’enquête.

33.  Le respect du principe du contradictoire en matière pénale implique de distinguer la phase d’enquête de la phase de jugement. Concernant la première phase d’instruction, le principe du contradictoire n’est pas absolu. Il s’agit plutôt d’une anticipation à celui-ci : elle consiste en la recherche de preuves permettant d’établir qu’il y a des raisons suffisantes pour procéder à une inculpation et, lors de cette phase, la procédure peut être confidentielle[136].

34.  Toutefois, l’Article 6(3)(a) de la CEDH énonce le droit de tout accusé d’être informé dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui. Le prévenu doit être informé précisément des charges que l’on entend porter contre lui, au moins à partir du moment où l’intéressé est interpellé. De plus, c’est également à partir de ce moment que court le délai raisonnable au sens de l’Article 6(1). Une personne qui est arrêtée, détenue ou privée de liberté devrait être immédiatement informée par écrit de ses droits. Une telle notification devrait être rédigée clairement, dans une langue que la personne peut comprendre. Cette notification devrait, entre autres, inclure des informations précisant ses droits :

·         d’être pleinement informée des charges portées contre elle ;

·         d’être pleinement informée des raisons de sa détention ;

·         d’avoir accès à, et de consulter de manière effective un avocat ;

·         à la traduction et/ou l’interprétation.

35.  L’obligation de chercher et préserver des preuves de culpabilité ou d'innocence devrait être interprétée de façon réaliste en fonction des faits propres à chaque affaire, et la pertinence de ces preuves devrait être évaluée.

36.  Les preuves permettant d’établir la culpabilité ou l’innocence devraient, dans la mesure où cela est nécessaire et faisable, être conservées, conformément au droit national, au moins jusqu’à la fin de la procédure. Le fait que la preuve ne soit pas utilisée lors des poursuites, ne justifie pas sa destruction, son indisponibilité ou la destruction des notes ou des archives la concernant. Lorsque la preuve peut raisonnablement permettre de ne pas justifier les poursuites, elle devrait être conservée.

37.  Si des éléments pertinents sont portés à la connaissance du procureur pour l’innocence d’un accusé et/ou pouvant être utiles pour la défense, il devrait divulguer ces éléments. S’il refuse de le faire ou ne peut le faire, cela pourra avoir comme conséquence un acquittement ou un abandon des poursuites.

38.  A tout moment, les procureurs devraient agir de manière professionnelle, conformément à la loi, aux règles et normes éthiques professionnelles, ainsi qu’au Code de Déontologie des Procureurs (les « Lignes directrices de Budapest »[137]). Ils devraient veiller à atteindre les normes les plus élevées en matière d’intégrité, tout en veillant à ce que leur conduite soit irréprochable.

  

B.        Les techniques spéciales d’enquête

 

39.  Les procureurs devraient adapter leur action à l’évolution rapide de la criminalité. Dans ce cadre, ils devraient utiliser les nouvelles techniques disponibles, pour autant qu’elles soient conformes à la loi, et tenir compte des besoins de spécialisation et de multidisciplinarité.

40.  Les procureurs devraient prendre en compte que l’utilisation de certaines techniques peut néanmoins conduire à des restrictions ou des contraintes concernant les droits des personnes : par exemple, l’utilisation d’informateurs, d’agents infiltrés, d’enregistrement de réunions, la surveillance et l’interception téléphonique, des messageries électroniques et des communications internet, l’utilisation de programmes informatiques intrusifs, de G.P.S. ou de scanners, etc.

41.  Dans les Etats membres dans lesquels les procureurs sont impliqués dans des enquêtes utilisant des techniques spéciales  particulièrement intrusives pour la vie privée, ils ne devraient recourir à ces mesures d’investigation que dans des cas graves, lorsqu’une infraction grave a été commise ou préparée, et uniquement si d’autres moyens d’enquête ne sont pas utilisables ou appropriés, et « dans la mesures où cela est nécessaire dans une société démocratique et considéré comme adéquat pour la conduite efficace d’enquêtes et de poursuites pénales » (Rec.(2005)10, paragraphe 2). Les procureurs devraient, dans ce cadre, respecter les principes de proportionnalité et d'impartialité, les droits fondamentaux des individus ainsi que la présomption d’innocence.

42.  Afin de parvenir à un juste équilibre dans l’utilisation de ces techniques, les Etats membres devraient :

·         prendre les mesures législatives appropriées pour permettre et définir les limites de la production de preuves par le biais de ces nouvelles techniques ;

·         prendre des mesures appropriées pour répondre aux exigences imposées par la CEDH et les principes émanant de la jurisprudence de la Cour (contrôle judiciaire, respect de la légalité, etc.) ;

·         dispenser des formations adéquates aux procureurs ou au personnel du ministère public afin de leur permettre d’utiliser efficacement les nouvelles techniques et de faciliter les enquêtes criminelles.

IV.    Mesures pour renforcer le rôle des procureurs dans l’enquête

  1. Coopération internationale

43.  Les procureurs devraient promouvoir la coopération internationale et la confiance mutuelle en matière de procédure pénale en prenant en compte la nécessité de respecter la souveraineté des Etats et le strict respect des dispositions pertinentes du droit international et national.

44.  Les Etats devraient promouvoir les contacts directs entre les procureurs des différents Etats membres ou des organisations internationales, dans le cadre des conventions et accords internationaux en vigueur, en vue notamment d’un partage d’expériences par le biais de réseaux spécialisés, de colloques ou d’ateliers.

45.  Les procureurs devraient prendre en compte les demandes internationales d’extradition et d’assistance judiciaire en matière pénale y compris le gel, la saisie et la confiscation dans le cadre de leurs compétences, en prêtant une attention égale à celle qu’ils prêteraient à leurs propres affaires ou à des affaires similaires à un niveau national.

46.  La coopération entre procureurs devrait être améliorée par l’utilisation, lorsque cela est possible, des nouvelles technologies de l’information, en particulier pour le transfert et l’exécution des demandes d’assistance judiciaire, ainsi que par une mise à niveau régulière de la qualité de leurs requêtes et de leur traduction dans d’autres langues.

47.  Il conviendrait de promouvoir une plus grande spécialisation des activités des procureurs en matière de coopération internationale, notamment en nommant des procureurs spécialisés pour accomplir ces tâches ou en établissant des structures appropriées pour traiter les dossiers de coopération internationale et susceptibles d’aider les procureurs.

48.  Une formation spécifique concernant les questions de coopération internationale est indispensable pour les procureurs et les autres participants à la procédure, afin de disposer des compétences nécessaires pour préparer les demandes d’extradition et d'entraide judiciaire, ainsi que pour prendre en compte et répondre aux demandes similaires provenant de pays tiers. Cette formation devrait inclure l’apprentissage de langues étrangères, ainsi qu’une mise à jour du droit international et comparé, afin de promouvoir et faciliter le dialogue entre les autorités judiciaires des différents pays.

49.  Lorsqu’un bureau du procureur est désigné autorité nationale centrale en charge de la coopération internationale en matière pénale, il devrait avoir le droit, dans le cadre de la législation interne, d’exécuter directement la requête provenant de l’étranger ou/et de la transférer à d’autres autorités compétentes en vue de son exécution, tout en préservant le droit de superviser son exécution.

50.  Dans ce contexte, il serait souhaitable de mettre en place des points de contacts dans chaque pays, permettant une communication directe, avec des réunions régulières entre les autorités compétentes de ces Etats afin d’échanger sur des questions d’intérêt commun. Ces points de contacts devraient bénéficier d’une grande expérience en matière de coopération internationale et devraient comprendre et parler des langues étrangères. La mise à disposition de « magistrats de liaison » pourrait être utile dans cette optique et devrait être encouragée.

B.   Relations avec les médias

51.  Les procureurs devraient être conscients de la nécessité d’entretenir une relation suivie avec les medias, en ligne avec la publicité et la transparence nécessaires de leurs travaux, en vue d’accroître la confiance du public, la diffusion des informations sur leurs fonctions et leurs compétences, et de  promouvoir ainsi une meilleure connaissance de leur profession[138]

52.  Les informations données par les procureurs aux médias devraient être claires, fiables et précises. Elles ne devraient pas mettre en danger l’intégrité et l’efficacité de l’enquête ou la sécurité personnelle des procureurs. Elles ne devraient pas se référer à des procureurs spécifiques, mais se référer à l’action du ministère public en général. Les procureurs devraient traiter les différents médias en évitant toute discrimination entre ceux-ci.

53.  Ces informations devraient également respecter la liberté d’expression, la protection des données, la confidentialité de l’enquête, la dignité, le principe de présomption d’innocence, les normes éthiques qui concernent les autres participants à la procédure, ainsi que les normes légales règlementant et limitant la divulgation d’informations spécifiques.

54.  Les procureurs peuvent aussi communiquer des informations au public, par l’intermédiaire des médias, en vue de promouvoir la prévention et/ou la poursuite d’infractions, ainsi qu‘une meilleure compréhension du fonctionnement des procédures pénales, tant au niveau national qu’international.

55.  Afin de mieux informer le public sur leurs activités dans des délais appropriés, les procureurs devraient faire usage des technologies de l’information, ce qui inclut la mise en place, la bonne gestion et la mise à jour régulière des sites web.

56.  Une formation spécifique à la relation avec les medias devrait être prévue, notamment pour faire face aux situations dans lesquelles les procureurs ont des contacts directs et réguliers avec les professionnels des medias, dans le but de fournir des informations précises et de qualité. Une telle formation pourrait être effectuée, si nécessaire, avec l’assistance d’experts et de journalistes.

  1. Formation

57.  Un haut niveau de qualification professionnelle des procureurs, particulièrement dans le cadre des enquêtes, est une condition nécessaire à un travail efficace des services du procureur et pour améliorer la confiance du public. C’est la raison pour laquelle les procureurs devraient être formés à ces aspects et bénéficier de formations initiales et continues concernant leur spécialisation.


Liste des recommandations

a.      Les Etats membres devraient définir clairement les droits et obligations des procureurs et des services d’enquête dans le cadre des enquêtes pénales.

b.      D'une manière générale, les procureurs devraient vérifier la légalité des enquêtes au plus tard lorsqu’ils décident d'engager ou de poursuivre l'action publique. A cet égard, ils devraient aussi contrôler la façon dont les enquêtes sont menées et si les droits de l’homme sont respectés.

c.      Pour accomplir cette tâche, les procureurs devraient disposer des moyens légaux, financiers et techniques pour vérifier la légalité des enquêtes et réagir à toute violation de la loi.

d.      Les enquêtes devraient toujours être menées de manière impartiale et prévoir une obligation pour les enquêteurs de rechercher et préserver les preuves pertinentes tant de la culpabilité que de l’innocence.

e.      Les procureurs devraient présenter au tribunal tous les éléments de preuve crédibles et disponibles ainsi que communiquer au prévenu toutes les preuves pertinentes.

f.       Les procureurs devraient respecter à tout moment les droits des prévenus, victimes, témoins ou des personnes impliquées dans la procédure.

g.      Les procureurs et les services d’enquête devraient collaborer entre eux et échanger toutes les informations nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.

h.      Les procureurs et les services d’enquête devraient accomplir leurs tâches de la manière la plus efficace et rapide, particulièrement lorsque l’affaire concerne des personnes détenues, et respecter le principe de la proportionnalité dans l’utilisation des moyens de l’enquête.

i.       Les procureurs et les services d’enquête devraient disposer d’une formation appropriée tant concernant le droit applicable que les techniques d’enquête les plus modernes.

j.       Les procureurs et les services d’enquête devraient, de la manière la plus efficace possible, développer des relations internationales et promouvoir la coopération internationale.

k.      Les procureurs devraient chercher à développer la confiance du public en fournissant des informations au sujet de leurs fonctions et pouvoirs, contribuant ainsi à favoriser une meilleure connaissance de leur travail tout en respectant les droits et principes fondamentaux tels que la présomption d'innocence et le droit à un procès équitable.


Avis n°11 (2016)

du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)

A l’attention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe

sur

La qualité et l’efficacité du travail des procureurs, y compris dans la lutte contre le terrorisme et

la criminalité grave et organisée

I.              INTRODUCTION  

1.         Conformément au mandat qui lui a été confié par le Comité des Ministres, le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) a préparé un avis sur la qualité et l’efficacité du travail des procureurs, y compris dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée. Dans les États membres où le ministère public remplit d’autres fonctions en dehors du système de justice pénale, les principes et recommandations du présent Avis s’appliquent également à ces fonctions.

2.         Dans un nombre croissant d’Etats membres du Conseil de l’Europe, le service public en général et les institutions de la justice pénale en particulier, incluant le ministère public, font l’objet d’une attention accrue de la part des citoyens, du monde politique et des media. Le ministère public est donc tenu de démontrer qu’il s’acquitte de ses obligations avec le plus grand professionnalisme appliquant les pratiques les plus modernes.

 

3.         L’objectif du présent Avis est de déterminer comment le ministère public peut remplir sa  mission en répondant aux plus hautes exigences de qualité et d’efficacité. Il est aussi de voir dans quelle mesure il devrait organiser son travail de manière moderne en utilisant l’ensemble des méthodes et moyens techniques actuels, et de pouvoir mesurer et évaluer l’efficacité et la qualité de ce travail.La deuxième partie de l’Avis examine la façon dont le ministère public peut répondre aux exigences croissantes de qualité et d’efficacité même lorsqu’il est confronté aux défis spécifiques associés à la lutte contre le terrorisme et les crimes graves et organisés.

4.         Le CCPEconsidère que les parquets sont des organisations publiques complexes. Par conséquent, pour pouvoir répondre de manière appropriée à des besoins, à des défis sociétaux et à une pression croissants pour que soient améliorés les services publics, l’existence d’un cadre juridique, organisationnel et technique, ainsi que des ressources financières et humaines suffisantes revêtent une importance cruciale.

                                          

5.         Les Etats membres du Conseil de l’Europe connaissent différents systèmes juridiques, incluant les ministères publics. Le CCPE entend respecter chacun d’eux dans sa diversité. Tous les éléments évoqués dans le présent Avis ne concernent donc pas forcément l’ensemble des États membres. La plupart répondent cependant aux préoccupations des procureurs de fournir, autant que possible, un travail efficace, de qualité et parfaitement respectueux de la loi et des droits de l’homme.

6.         Le présent Avis a été préparé sur la base de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la CEDH »), ainsi que d’autres instruments du Conseil de l’Europe incluant : la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale de 1959 ; la Convention européenne pour la répression du terrorisme de 1977 ; la Convention européenne sur la cybercriminalité de 2001 ; la Convention pour la prévention du terrorisme de 2005 et son protocole additionnel de 2015 ; la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme de 2005 ; la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains de 2005 ; la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale ; la Recommandation Rec(2012)11 du Comité des Ministres sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale.

7.         Cet Avis se base également sur les Lignes directrices relatives aux droits de l’homme et à la lutte contre le terrorisme énoncées en 2002 par le Comité des Ministres, sur la Recommandation Rec(2005)10 relative aux « techniques spéciales d’enquête » en ce qui concerne les crimes graves y compris les actes de terrorisme et sur divers Avis déjà rendus par le CCPE, en particulier les Avis n° 1(2007) sur les moyens d’améliorer la coopération internationale dans le domaine pénal, n° 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, n° 9(2014) sur les normes et principes européens concernant les procureurs (y compris « la Charte de Rome ») et n° 10(2015) sur le rôle des procureurs dans l’enquête pénale.

8.         Il a également été tenu compte des instruments suivants des Nations Unies : la Convention pour la suppression des attentats terroristes à l’explosif de 1997, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 1999, la Convention contre la criminalité transnationale organisée de 2000 et la Convention contre la corruption de 2003.

9.         Le CCPE a aussi pris en considération les normes de responsabilité professionnelle et déclaration des droits et devoirs essentiels des procureurs adoptées par l’Association internationale des procureurs et poursuivants (IAP) en 1999.

10.      Pour préparer le présent Avis, le CCPE a notamment analysé les réponses de 30 de ses membres au questionnaire rédigé à cette fin par le Secrétariat (la compilation des réponses est disponible sur le site Internet du CCPE : www.coe.int/ccpe).

II.            ÉLÉMENTS DE LA QUALITÉ ET DE L’EFFICACITÉ DU TRAVAIL DES PROCUREURS

                                          

A.   Environnement extérieur

                                   

11.      La qualité et l'efficacité du travail des procureurs ne dépend pas uniquement de leurs aptitudes et de leurs compétences, mais sont aussi extrêmement tributaires d’éléments extérieurs qui sont pour la plupart hors du contrôle des procureurs : législation et décisions judiciaires, ressources mises à leur disposition et attentes de la société. Par conséquent, il importe d’examiner soigneusement ces éléments, particulièrement du point de vue de leur impact sur la qualité et l’efficacité du travail accompli par le ministère public.

1. Cadre juridique, traditions nationales

                                                                                                     

12.      Le respect de l’État de droit est une obligation pour tous les États membres du Conseil de l’Europe. Un certain nombre d‘exigences en matière de qualité sont posées par la CEDH. Ainsi, l’article 6 prévoit des exigences importantes pour garantir la qualité de la justice pénale dans différents cadres juridiques nationaux, telles que l’indépendance du pouvoir judiciaire, le délai raisonnable, l’accès à la justice et la publicité[139].Dans la mesure où chaque ministère public s’acquitte de ses fonctions dans un certain cadre légal, une législation bien conçue est une condition préalable fondamentale à la qualité et à l’efficacité de son travail.Les lois et, particulièrement dans les pays de common law, les jugements influencent le type et le nombre d’affaires portées par les procureurs devant les tribunaux, ainsi que la manière dont ces affaires sont traitées.Ce cadre doit être clair et facile à mettre en place, de manière à ce que les systèmes nationaux ne soient pas submergés par les affaires ; l’une des façons d’y parvenir est de prévoir des mesures alternatives de résolution des litiges. Par ailleurs, une mauvaise qualité rédactionnelle ou des changements trop fréquents dans la législation ou la jurisprudence peuvent constituer un sérieux obstacle à l’adoption par le ministère public de décisions proprement justifiées et convaincantes.

13.      Un cadre juridique clair et simple favorise l’accès à la justice et contribue à son efficacité, par exemple en contribuant à réduire la charge de travail, surtout en matière pénale, tout en favorisant l’utilisation efficace et productive de ressources publiques et en permettant d’accorder davantage de temps et de ressources financières au traitement des infractions qui perturbent gravement l’ordrepublic, en particulier les infractions liées au terrorisme et à la criminalité grave et organisée. De même, la législation nationale et les systèmes judiciaires devraient prendre en considération l’évolution technologique, promouvoir l’accès aisé du ministère public aux bases de données et autres sources d’information pertinentes et établir le cadre requis à l’amélioration de la qualité de son travail.

                           

14.      Les systèmes politiques et les traditions juridiques ont également un impact direct sur le  travail des procureurs.Ceci inclut le statut du ministère public et, en particulier, son indépendance à l’égard du pouvoir exécutif. De plus, la situation sécuritaire qui prévaut actuellement en Europe, caractérisée par des pays confrontés à la menace croissante du terrorisme et de la criminalité grave et organisée, incite à la mise en œuvre de politiques pénales nationales visant à améliorer la qualité et l’efficacité du travail des procureurs.

15.      Même si la coopération internationale ne cesse de s’améliorer depuis quelques décennies, les réponses à des demandes émanant d’États tiers arrivent parfois avec un retard apparemment injustifié. Ce délai porte atteinte à l’efficacité de la procédure d’extradition, ainsi que du traitement des autres demandes d’assistance, et peut donc affecter l’efficacité du travail des procureurs et l’activité des tribunaux dans les États requérants.Il importe donc que les États continuent à œuvrer en faveur d’une coopération internationale immédiate en matière pénale, basée sur la confiance mutuelle.

2. Ressources

16.      La disponibilité de ressources financières et autres ressources dans les États membres a un impact direct sur la qualité et l’efficacité du travail des procureurs. Dans ce contexte, le CCPE souligne en particulier la nécessité d'assurer aux procureurs un niveau adéquat de ressources humaines et techniques, une formation appropriée et cohérente ainsi qu’un niveau d‘avantages sociaux en rapport avec l’importance de la mission qu’ils assurent. La situation dans les États membres démontre en outre qu’il est possible d’atteindre un niveau accru d’efficacité en conférant un certain niveau d’autonomie, notamment budgétaire, au ministère public dans la plupart des domaines relatifs à la gestion.

17.      Les procureurs devraient donc disposer des ressources humaines, financières et matérielles adéquates leur permettant de prendre en considération et d’analyser toutes les questions pertinentes. L’aide d’un personnel qualifié, d’un équipement technique moderne et d’autres ressources pourrait contribuer à libérer les procureurs d’une tension indue et, partant, améliorer la qualité et l’efficacité de leur travail.

3. Impacts du public

18.      Les procureurs doivent pouvoir disposer rapidement d’une information fiable et exhaustive en provenance de toutes les composantes pertinentes de la société. Par conséquent, les relations avec d’autres acteurs à l’intérieur ou à l’extérieur du système judiciaire (par exemple la police et autresautorités de l’Etat, les avocats, les ONG) jouent un rôle vital dans la capacité des procureurs à prendre rapidement des décisions bien fondées et basées sur un échange efficace d’informations pertinentes au niveau national et international. À cette fin, les procureurs ont besoin d’un cadre juridique et procédural cohérent et suffisamment large pour réunir les informations nécessaires à l’adoption de décisions éclairées et proportionnées aux intérêts en jeu.

19.      Les Etats membres devraient prendre des mesures conformes aux droits consacrés par la CEDH pouvant contribuer à renforcer la confiance de la société dans le ministère public en répondant à une demande croissante des media et travailler ainsi de manière plus transparente. Le recours à des structures et techniques modernes de traitement de l’information est indispensable au ministère public pour lui permettre de fournir au public des informationsrapides et précises. 

20.      La fuite à travers les media de certaines informations sensibles en matière pénale porte non seulement atteinte à l’efficacité de l’enquête et aux droits des victimes, mais fait également peser des menaces pour la présomption d’innocence et le droit de « ne pas être étiqueté ». Pour empêcher cela, il faudrait prévenir l’accès de personnes non autorisées à des informations sensibles. Les informations fausses ou tendancieuses relatives aux enquêtes peuvent trahir la confiance du public et faire naître des doutes sur l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité du ministère public ou des tribunaux. Par conséquent, une bonne communication entre le ministère public et les media devrait être établie pour éviter le risque de publication d’informations fausses ou tendancieuses ou minimiser les effets négatifs de telles publications.

21.      Toute personne devrait avoir le droit de porter plainte ou d’introduire un recours contre une mesure adoptée par un procureur. Afin de renforcer la qualité des décisions des procureurs, et renforcer la responsabilité de ces derniers à cet égard, il conviendrait d’établir un système efficace et impartial de gestion des plaintes et de promouvoir l’évaluation des fondements et des résultats de ces plaintes, non seulement du point de vue du droit à un procès équitable, mais également pour la promotion de la qualité du travail des procureurs en éliminant les erreurs et prévenant les manquements.

4.  Influence extérieure indue

22.      Dans l’exercice de leurs fonctions, les procureurs devraient rester libres de toute influence, incitation, pression, menace ou ingérence extérieure, directe ou indirecte, d’où qu’elle provienne et quelles qu’en soient les raisons.

B.   Environnement interne

           

1. Vision stratégique

23.      La qualité et l’efficacité du travail des procureurs sont aussi très affectées par des facteurs internes. La direction du ministère public devrait assurer un leadership stratégique. Un plan stratégique comprenant des objectifs professionnels et la gestion des ressources humaines et matérielles devrait orienter le travail des procureurs. Il peut prévoir des mesures internes visant à améliorer la qualité et l’efficacité grâce à une gestion adéquate des ressources humaines et des affaires, ainsi que des activités ciblées à cet effet.

2.Gestion des ressources humaines : sélection, recrutement, promotion et formation des procureurs

24.      Afin de promouvoir la qualité des services, il est indispensable que la sélection, le recrutement, la promotion, la nomination et la mutation des procureurs reposent sur des critères clairs et prévisibles définis par la loi ou des lignes directrices internes formulées par écrit.

25.      La qualité des décisions ou d’autres actes des procureurs dépend notamment de la formation continue des intéressés.Le CCPE est d'avis que les chefs de parquets et/ou d'autres institutions compétentes (par exemple, les institutions de formation judiciaire) devraient être responsables de la mise en place et de l’application au sein de leurs institutions d’une politique active de formation, y compris d'auto-formation, de nature à accroître la qualité et l’efficacité du travail des procureurs.

                                                

26.      Les procureurs devraient bénéficier, à tous les stades de leur carrière, d’un programme de formation continue afin de maintenir et d’améliorer leur niveau de compétences professionnelles[140]. Cette formation devrait également porter sur les techniques de traitement de l’information, l’éthique, les capacités de communication[141], ainsi que les questions de gestion en général, et sur la gestion des affaires en particulier. Elle devrait être disponible à tous les niveaux de hiérarchie du ministère public. Des thèmes spécifiques devraient être abordés en profondeur (en proposant également une formation commune avec d'autres institutions, lorsque cela est utile) afin d'améliorer les compétences professionnelles nécessaires pour faire face à des défis en constante évolution (tels que le terrorisme, comme indiqué ci-dessous)[142]

27.      Dans plusieurs Avis antérieurs, le CCPE a souligné l’importance de promouvoir la spécialisation des procureurs par le biais, notamment, de la participation régulière à des sessions de formation[143], des rencontres professionnelles ou des conférences. L’assimilation de connaissances plus poussées grâce à ce type de participation et l’acquisition de nouvelles qualifications peut aussi faciliter l’obtention de promotions, d’avancements ou d’une meilleure rémunération pour les procureurs.

28.      Les principes et les lignes directrices concernant notamment la gestion du temps, la manière adéquate de coopérer avec d’autres acteurs de l’administration de la justice ou d’intensifier cette coopération, devraient viser à faciliter le travail quotidien et ainsi améliorer la qualité et l’efficacité du travail des procureurs.

29.      L’intégrité, les normes de conduite tant professionnelle que personnelle et, dans les États membres disposant d’un tel arsenal, les dispositions légales relatives à l’éthique ou un code d’éthique des procureurs devraient faire partie de leur formation régulière.

3. Gestion du ministère public

a. Organisation du travail du ministère public : responsabilités, divisions administratives, répartition des compétences, etc.

30.      L’efficacité et la qualité du travail des procureurs exigent, en général, des structures organisationnelles – ainsi qu’une répartition des responsabilités et compétences en matière d’administration des ressources humaines et matérielles – claires et adéquates, en rapport avec la situation pénale ou sociale dans leur juridiction[144]. Par ailleurs, la structure des services du ministère public et de ses mécanismes de travail devrait être suffisamment souple pour répondre de manière adéquate, suffisante, rapide et légale à tout nouveau défi, qu’il soit d’ordre pénal, sociologique, économique ou international.

31.      Il conviendrait, en particulier, d'envisager l'établissement, le cas échéant, d'unités spécialisées dans le cadre du ministère public (par exemple, des procureurs chargés des affaires de terrorisme, de stupéfiants, de crimes économiques, de protection de l'environnement, et travaillant dans le domaine de la coopération internationale).

32.      En outre, le ministère public devrait organiser des travaux analytiques et méthodologiques appropriés pour améliorer la qualité et l'efficacité du travail des procureurs.

33.      Dans les Etats membres, il serait possible d’accroître l’efficacité et la qualité de l’action du ministère public en assurant la diffusion de bonnes pratiques relatives à certains types de crimes, une bonne répartition des affaires et une utilisation effective des technologies de l’information, y compris pour la gestion des affaires individuelles.Les chefs des parquets et/ou d'autres institutions compétentes devraient notamment être responsables de la promotion de l’utilisation de ces outils de gestion et de la diffusion des bonnes pratiques au sein de leurs bureaux.

b. Règles éthiques

34.      Dans la plupart des Etats membres, pour améliorer la qualité et l’efficacité, le ministère public évalue l’intégrité de ses procureurs et d’autres employés sur un moyen ou long terme. Il existe pour ce faire plusieurs méthodes. Certains systèmes reposent sur la définition de normes juridiques ou générales, et d’autres sur l’adoption d’un code d’éthique. D’autres encore font prêter serment aux procureurs nouvellement nommés qui doivent s’engager quant à leurs qualités personnelles et professionnelles, leur impartialité et leur équité, leur intégrité, ainsi que leur éthique irréprochable. Le CCPE a déjà recommandé que « des codes d’éthique professionnelle et de conduite basés sur des normes internationales devraient être adoptés et publiés »[145], après avoir souligné que « les procureurs devraient respecter les normes éthiques et professionnelles les plus élevées, et toujours se comporter avec impartialité et objectivité »[146].

35.      Le principal objectif d’un code d’éthique est de promouvoir les normes reconnues comme nécessaires pour garantir la qualité du travail et l’indépendance des procureurs. Si le ministère public adopte un tel code, celui-ci devra, comme indiqué ci-dessus, être compatible avec les normes internationales communes telles que celles posées par la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale (ci-après la Rec(2000)19)[147], les Lignes directrices européennes sur la conduite et l’éthique des membres du ministère public de la CPGE, 31 mai 2005 (Les lignes directrices de Budapest), l’Avis du CCPE No. 9(2014) sur les normes et principes européens concernant les procureurs (Charte de Rome) cité ci-dessus, et avec d'autres instruments internationaux applicables.

c.Mesure (quantitative et qualitative) des performances du ministère public

36.      Nombreux sont les Etats membres dans lesquels on dispose de statistiques pour mesurer la charge de travail et les performances du ministère public, ainsi que l’ampleur de la criminalité dans les différentes zones relevant de sa compétence. Dans bon nombre d’Etats, l’évaluation des procureurs sert à améliorer la qualité et l’efficacité du travail du ministère public.

37.      Le ministère public devrait établir de manière transparente des indicateurs et des mécanismes de suivi, en premier lieu pour inciter les procureurs à atteindre un meilleur niveau de professionnalisme. Le suivi interne du ministère public devrait être régulier, proportionné et fondé sur l’État de droit.

38.      Le CCPE considère que les indicateurs quantitatifs en tant que tels (nombre d’affaires, durée de la procédure, etc.) ne devraient pas constituer le seul critère pertinent pour évaluer l’efficacité du fonctionnement du parquet et/ou du procureur individuellement.De même, il a été établi par le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) « que la « qualité » de la justice ne devrait pas être considérée comme synonyme de la simple « productivité » du système judiciaire »[148].

39.      C’est la raison pour laquelle il convient, pour compléter les indicateurs revêtant un caractère quantitatif, de prendre en considération certains indicateurs qualitatifs comme l’adéquation et la méticulosité de l’enquête (lorsqu’elle relève de la compétence du procureur), l’usage approprié des preuves, la construction précise du dossier d’accusation, la conduite professionnelle au tribunal, etc.Dans le cadre de l’appréciation du degré de rapidité des poursuites, il est indispensable de tenir également compte des garanties prévues par l’article 6 de la CEDH[149].

40.      Par conséquent, comme objectif réel et final, les systèmes juridiques devraient être en mesure de fournir un système d’évaluation du travail de procureurs reposant sur des indicateurs quantitatifs et qualitatifs, qui respecte des principes essentiels de justice, tels qu’ils sont consacrés par la CEDH et par d’autres instruments internationaux.

41.      La nature particulière du terrorisme et de la criminalité grave et organisée renforce encore davantage la nécessité de suivre et de respecter l’approche mentionnée plus haut. Dans ces affaires, il faut également tenir compte des garanties énoncées dans l’Avis n° 10(2015) du CCPE sur le rôle des procureurs dans les enquêtes pénales, surtout en cas de recours à des techniques spéciales d’enquête[150], en raison du risque de restrictions importantes aux droits de l'homme qu'elles entraînent.

d.Évaluation (quantitative et qualitative) individuelle du travail des procureurs

42.      L’évaluation des procureurs et de leur travail peut constituer un outil stratégique utile pour améliorer les compétences nécessaires pour faire face à l'évolution des exigences en matière de qualité, d'efficacité et de professionnalisme. Les évaluations individuelles peuvent également fortement contribuer au développement des programmes de formation pertinents pour les procureurs à tous les niveaux.

43.      Les réponses des membres du CCPE au questionnaire révèlent que l’on peut recourir à deux méthodes d’évaluation : formelle et informelle. La méthode formelle préconise une évaluation selon un calendrier fixé à l’avance (par exemple tous les trois ou cinq ans). Elle repose sur une procédure spécialement élaborée pour apprécier certaines compétences. Parfois, elle se combine avec un système de notation qui permet la comparaison avec les collègues et favorise une promotion rapide. Ses résultats peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire dès lors qu’ils sont contestés par le procureur évalué. La méthode d’évaluation informelle repose plus ou moins sur une discussion visant à obtenir et donner des informations sur les moyens et procédés qui permettraient d’améliorer la qualité et l’efficacité du travail du procureur évalué (concernant, par exemple, la rédaction d’un acte d’accusation compréhensible, la capacité à travailler en équipe, le fait de ne pas violer les normes, etc.) ou, dans le cadre d’une approche plus stratégique, qui permettraient notamment de vérifier si un procureur dispose des compétences pour remplir ses fonctions. Chacune des deux méthodes d’évaluation devrait poursuivre le même but, à savoir l’étude du renforcement des aptitudes et de la capacité de travail du procureur évalué, ainsi que d'envisager la promotion et – dans certains pays – le versement d’une prime ou l’octroi d’une distinction, ou plus généralement d’empêcher les écarts et fautes professionnelles afin de se dispenser de devoir recourir à des mesures disciplinaires.

44.      Le CCPE recommande que l’évaluation du travail des procureurs soit transparente, prévisible, et basée sur des critères clairs, préalablement publiés et applicables à la fois aux règles de fond et de procédure.

45.      Pour être qualifiée de transparente et de prévisible, toute évaluation doit permettre au procureur évalué de discuter des résultats de cette évaluation ou, le cas échéant, de comparer les résultats de son auto-évaluation avec l’évaluation réalisée par son supérieur hiérarchique ou la personne compétente, si elle est différente, et de les soumettre à recours. Les résultats de l’évaluation ne devraient pas être publiés d’une manière pouvant porter atteinte à l’intégrité personnelle et à l’honneur du procureur évalué.

46.      L’évaluation devrait être réalisée sur la base de mêmes critères pour un même type de travail au sein du ministère public.Comme dans le cas où la performance globale du ministère public est évaluée, le CCPE considère que, pour définir la qualité du travail des procureurs, des éléments quantitatifs et qualitatifs devraient être pris en considération, tels que le nombre de dossiers ouverts et clôturés, les types de décisions et de résultats, la durée de la procédure, les compétences en matière de gestion des affaires, la capacité à s’exprimer clairement oralement et par écrit, l’ouverture aux technologies modernes, la connaissance de plusieurs langues, les compétences organisationnelles, ainsi que la capacité de coopérer avec d’autres personnes au sein ou hors du parquet.

4. Gestion des affaires

47.      Une décision (ou tout autre acte) de grande qualité prise par un procureur est celle qui tient compte tant des ressources matérielles disponibles que de la loi, et qui est prise  avec impartialité, rapidement, de manière proportionnée, claire et objective.Il est évident que, de ce point de vue, les actions des procureurs devraient, conformément à la CEDH et à d'autres instruments internationaux applicables, respecter l’équilibre entre les droits des victimes, de leurs familles et des témoins, les droits des accusés et l'intérêt général dans le cadre d’une poursuite pénale. Par conséquent, les procureurs devraient s’efforcer de mener leur travail conformément à ces principes. Le CCPE estime que le ministère public devrait soutenir l’activité des procureurs en définissant des bonnes pratiques en matière de gestion des affaires relevant des différents domaines de compétences et des obligations des intéressés. Chaque décision prise par un procureur devrait en outre inclure les éléments suivants :

 

a. Objectivité et impartialité

48.      Dans l’exercice de leurs fonctions, les procureurs devraient rester indépendants et  devraient constamment respecter l’Etat de droit, l’intégrité du système de justice pénale et le droit à un procès équitable. Les procureurs devraient adhérer aux normes éthiques et professionnelles les plus élevées, s’acquitter de leurs devoirs équitablement et toujours agir de manière impartiale et objective. 

49.      Chaque procureur devrait veiller à l’égalité des individus devant la loi, sans aucune forme de discrimination, notamment fondée sur le sexe, la race, la couleur, l’origine nationale et sociale, les convictions politiques et religieuses, la situation économique, le statut social et l'orientation sexuelle.

b. Exhaustivité

50.      Les procureurs devraient mûrement réfléchirtoutes leurs décisions et actes.Ils devraient rechercher des preuves à charge et à décharge et veiller à ce que tous les axes de recherches appropriés pour l’enquête soient examinés, y compris ceux conduisant à des preuves en faveur des personnes accusées ou soupçonnées. Ainsi, ils devraient examiner si la preuve fournie par l'enquête est claire et complète. Toutefois, cela ne nécessite pas qu'un enquêteur engage des ressources disproportionnées, et devrait être interprété de façon raisonnable et réaliste en se basant sur les faits pour chaque affaire. Cela ne dispense pas les avocats de leur responsabilité de rechercher des preuves qu'ils jugent pertinentes. 

51.      Les procureurs ne devraient décider de poursuivre que sur la base de preuves sérieuses pouvant raisonnablement être considérées comme fiables et recevables, et devraient refuser d’utiliser des preuves résultant d’une grave violation des droits de l’homme.

c. Motivation

52.      Le travail d’un procureur doit impérativement reposer sur un raisonnement et une analyse clairs. Chaque procureur devrait tenir pleinement compte de l’ensemble des preuves pertinentes et examiner tous les éléments factuels et autres révélés par l’enquête et par les parties. Toute décision ou acte du procureur devrait refléter ces preuves pertinentes, se conformer à la loi et aux lignes directrices générales qui peuvent s’y rapporter. Les décisions et mesures prises par les procureurs devraient être justifiées de manière cohérente, claire, non ambiguë et non contradictoire.  

d. Clarté

53.      Toute instruction ou directive, ainsi que tout acte officiel émanent d’un procureur devraient être clairement compréhensibles par leurs destinataires. Lorsqu’elles sont rédigées par écrit, de telles instructions ou directives devraient être rédigées de manière très claire. Les procureurs devraient également accorder une attention particulière au format des instructions et directives écrites, afin de permettre de les identifier facilement. 

e. Échange d’informations et coopération

54.      La coopération est essentielle pour garantir l’efficacité de l’action du ministère public au niveau national et international, entre différents parquets, ainsi qu’entre les procureurs relevant d’un même parquet ou entre les procureurs et les autorités répressives/d’enquête. La spécialisation accrue des procureurs contribuerait probablement à renforcer l’efficacité de cette coopération.

55.      Lorsque les procureurs assument une fonction d’enquête, ils devraient s’efforcer de mettre en place un échange efficace d’information en bonne et due forme avec leurs collèges et les services répressifs/d’enquête compétents.Ce procédé devrait leur permettre d’éviter un double travail, ainsi que de compléter les efforts déployés par différents procureurs dans des affaires ayant un lien entre elles.

56.      Lorsque les procureurs ne sont pas investis d’une telle fonction d’enquête, ils devraient, le cas échéant, coopérer durant les enquêtes avec l’organe d’enquête compétent, notamment en prodiguant à ce dernier des conseils pertinents.

57.      Cette coopération devrait se prolonger jusqu'à la fin de l’enquête, de manière à s’assurer que l’ensemble des preuves pertinentes soient mis à la disposition du procureur et communiqués, le cas échéant, à la défense.

III.           GRANDS DÉFIS ACTUELS POUR LA QUALITÉ ET L’EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET LA CRIMINALITÉ GRAVE ET ORGANISÉE

A. Introduction

58.      La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ont fait le constat que les crimes graves et la criminalité organisée s’internationalisent et revêtent un caractère de plus en plus complexe.Le terrorisme a frappé durement de nombreux pays et constitue une priorité majeure dans le travail du ministère public. La migration illégale pose de nouveaux défis dans ce contexte, notamment dans les domaines du terrorisme, du crime organisé et de la traite des êtres humains.

59.      Les procureurs sont en première ligne pour poursuivre ces infractions pénales graves devant les tribunaux et jouent un rôle essentiel pour préserver la sécurité publique et protéger l’État de droit.

B. Lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée au niveau national

1.Stratégie de lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée

 

60.      Conformément à la Résolution 1566 (2004) du Conseil de sécurité de l'ONU concernant les menaces à la paix et à la sécurité internationales résultant d’actes terroristes, le CCPE considère comme essentiel que chaque procureur veille à « traduire en justice, conformément au principe aut dedere aut judicare, quiconque prête appui au financement, à l’organisation, à la préparation ou à la commission d’actes de terrorisme » ou de criminalité grave et organisée. Pour mettre en œuvre ce devoir d'une manière efficace et professionnelle, le procureur doit agir dans un cadre juridique large, coopérer, au niveau national et international, avec tous les acteurs concernés dans ce domaine et disposer de ressources humaines et matérielles suffisantes. De nouvelles menaces terroristes (financement par la criminalité grave et organisée ; propagande, recrutement et formation de combattants sur Internet) imposent de nouvelles réponses, ainsi que de nouvelles techniques et mesures d’enquête et de poursuite, pour que les procureurs puissent agir avec l’efficacité et la qualité réclamées de manière accrue par la société.

61.      Le CCPE considère que l'indépendance et l'impartialité des procureurs dans l'exercice de leurs fonctions devraient être particulièrement préservées dans le cadre de l'enquête et des poursuites visant des affaires de terrorisme et de criminalité grave et organisée.

2.Cadre législatif à mettre en place pour lutter contre ces types de crimes, ressources organisationnelles et financières à affecter aux procureurs

                                                                                                                            

62.      Un cadre législatif et institutionnel inadéquat pour lutter contre le terrorisme, la criminalité grave et organisée et la cybercriminalité et son financement, y compris par le biais du blanchiment de capitaux, permet aux terroristes, aux individus impliqués dans la criminalité grave et organisée et à leurs complices d’agir sans tenir compte des limites territoriales et d’utiliser les fonds à leur disposition pour accomplir et multiplier leurs crimes. Pour être efficaces, les procureurs dépendent de l’existence d’une législation qui érige clairement en infraction pénale toute activité facilitant de manière directe ou indirecte la commission d’actes relevant du terrorisme et de la criminalité grave et organisée, y compris la propagande et le recrutement de candidats terroristes, etc.Seul un tel cadre leur permettrait d’élargir leur champ d’action en faisant appel à des instruments juridiques conçus pour réprimer les formes de criminalité les plus graves.

63.      La lutte contre le terrorisme et, en particulier, le recrutement de terroristes potentiels, l’admission dans une organisation, la propagande et le partage d’informations à des fins terroristes, l’entraînement et la préparation à des activités terroristes, et le transport à des fins terroristes nécessiteraient de disposer à un stade précoce d'informations privilégiées sur le terrorisme et la criminalité grave et organisée. Toutefois, une restriction disproportionnée des droits et libertés fondamentaux devrait être évitée. Pour la même raison, il conviendrait de poser des limites et des critères clairs pour une application proportionnelle des lois, surtout lorsque des mesures préventives doivent être prises avant les poursuites et, de ce fait, répondre aux règles ordinaires de la procédure pénale.

3. Techniques d’enquête et recours à des outils et moyens spéciaux, y compris les technologies récentes de traitement de l’information

64.      Dans la plupart des Etats membres, les techniques spéciales d’enquête – telles que la surveillance électronique et les opérations d’infiltration – se sont avérées efficaces pour combattre le terrorisme et la criminalité grave et organisée. Ces outils sont désormais disponibles, du moins dans certaines juridictions, aux procureurs dotés de pouvoirs d’enquête. Dans la mesure où ils portent atteinte à la vie privée non seulement de suspects, mais également de tiers n’étant pas nécessairement impliqués dans les activités criminelles faisant l’objet de l’enquête, il est indispensable, à tous les stades de la procédure, que les procureurs les utilisent après mûre réflexion, de manière à ce que le résultat des investigations soit jugé recevable par les tribunaux et la société dans son ensemble.

65.      On devrait veiller, dans une mesure appropriée et proportionnelle, à la conservation et à la préservation des données de trafic et de localisation par les entreprises privées et les entreprises de communication, tout en respectant la juridiction nationale et internationale ainsi que la CEDH et la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel de 1981.

66.      Les réponses au questionnaire montrent que tous les Etats membres ont pris des mesures sur le plan organisationnel afin d’accroître la qualité et l’efficacité des décisions rendues par le ministère public dans les affaires relevant du terrorisme et de la criminalité grave et organisée.Certaines juridictions disposent d’unités spécialisées au sein des différents parquets, tandis que d’autres ont transféré cette mission à un parquet unique, compétent sur l’ensemble du territoire national. Le CCPE estime souhaitable de concentrer les pouvoirs d’enquêter et d’engager des poursuites relativement à ces agissements au sein d’unités spécialisées.Une telle approche garantit le niveau de professionnalisme requis non seulement pour recourir à des techniques spéciales d’enquête, mais aussi pour mettre en place une bonne communication avec les autres acteurs compétents. Cela garantit également qu’une formation spéciale soit dispensée aux procureurs concernés, et que soient mis à leur disposition les moyens organisationnels, juridiques et techniques les plus modernes. Des unités de police spécialisées ou des experts, directement subordonnés et à la disposition des entités de poursuite, le cas échéant, peuvent améliorer la qualité et l'efficacité des enquêtes dans la domaine de la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée. Un tel cadre organisationnel présente également l’avantage d’aider les procureurs à s’acquitter de leurs fonctions de manière totalement indépendante et impartiale, tout en faisant preuve du respect nécessaire dû aux droits individuels des suspects et en garantissant la protection des victimes, des témoins et autres tiers impliqués dans la procédure pénale.

4. Gestion des affaires

67.      Un système de gestion des affaires approprié peut garantir que les techniques spéciales d’enquête, qui sont intrusives, ne soient utilisées, sous réserve d’un nécessaire contrôle de la justice, que lorsqu’il existe des raisons suffisantes de penser qu’une infraction grave a été commise ou préparée, ou est en cours de préparation, par une ou plusieurs personnes spécifiques ou par un individu ou un groupe d’individus non encore identifié.

68.      Le CCPE souligne que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après CrEDH), les techniques spéciales d’enquête doivent être utilisées uniquement en respectant le principe de proportionnalité et qu'elles devraient répondre à certaines exigences minimales en matière de confidentialité, d’intégrité et de disponibilité[151]

69.      Lorsque la législation relative au terrorisme et à la lutte contre la criminalité grave et organisée prévoit la limitation des droits des individus dans le cadre de la procédure pénale, le procureur qui décide d’invoquer cette disposition devrait toujours se poser la question de la proportionnalité et veiller à ce que les preuves ne soient pas recueillies sous la torture ou au moyen d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, en se basant constamment sur l’interprétation de ces notions dans la jurisprudence de la CrEDH. Quelle que soit la gravité des infractions relevant du terrorisme et de la criminalité grave et organisée, toute gestion adéquate et efficace des affaires implique que le procureur prenne ses décisions dans les délais et les applique de manière objective, impartiale et professionnelle en respectant la présomption d’innocence et les droits de la défense, ainsi que les droits des victimes. Dans le cadre de leurs compétences, les procureurs devraient contrôler le respect par les services répressifs de ces principes et libertés fondamentales, pendant toute la procédure.

70.      Si les victimes et les témoins sont autorisés à conserver leur anonymat, le juste équilibre devrait être préservé avec les droits des personnes mises en cause.

71.      Une protection appropriée devrait être appliquée aux victimes, aux témoins et aux autres personnes impliquées dans la procédure, y compris les procureurs eux-mêmes et leurs familles.

5. Formation

72.      La Rec(2000)19 demande aux Etats membres de porter une attention particulière à la formation continue des procureurs, compte tenu de l’émergence de nouvelles formes de criminalité et de la nécessité de poursuivre la coopération internationale en matière pénale. Pour s’acquitter de sa tâche de la manière la plus efficace possible, le procureur doit constamment se tenir au courant des nouveautés et se spécialiser dans les enquêtes et les poursuites visant les actes relevant du terrorisme et de la criminalité grave et organisée sous toutes leurs formes. En ce qui concerne les besoins propres à ce type de criminalité, la formation des procureurs devrait notamment porter sur le rassemblement et l’utilisation de preuves au niveau régional, national et international, les diverses formes et techniques de coopération avec les acteurs pertinents, l’échange d’expériences et de bonnes pratiques, l’attention à porter à d’éventuelles violations des droits de l’homme, le rôle des réseaux sociaux en matière de recrutement de terroristes potentiels, et la bonne communication avec les media.

73.      Le CCPE estime que la formation dans ce domaine devrait également englober les instruments juridiques nationaux et internationaux pertinents, ainsi que la jurisprudence de la CrEDH.

6.Gestion de l’information (échange, coopération)

74.      Le partage de preuves ou de renseignements avec les unités compétentes est l’un des éléments essentiels de la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée. Il convient plus particulièrement d’échanger ces renseignements avec les services de sécurité, le système judiciaire et, le cas échéant, les institutions ayant déjà été souvent ciblés par des activités terroristes. De plus, à supposer qu’une telle initiative apparaisse nécessaire et bénéfique, les preuves et les renseignements concernant des terroristes devraient pouvoir être aussi divulgués directement au public.

75.      L’un des principaux obstacles à la réussite d’une enquête tient à ce que la police et les autres autorités chargées de l'application de la loi et du renseignement ne partagent pas les informations en temps utile avec les procureurs. Pour éviter cet écueil, il faudrait promouvoir les enquêtes conjointes menées à la fois par les autorités du ministère public et de la police compétentes. Dans les Etats membres, lorsqu’un procureur est doté de pouvoirs d’enquête, il devrait pouvoir coordonner et gérer ce type d’actions.

76.      Il s’avère que, pour parvenir à une plus grande efficacité, on peut utilement recourir – en plus de la coopération et de la résolution en commun de problèmes spécifiques – à des réunions de consultation avec les membres de groupes multidisciplinaires en présence des procureurs.

77.      Le CCPE souligne la nécessité d’accroître l’efficacité des enquêtes et des poursuites relatives au système de financement du terrorisme et de la criminalité grave et organisée en recourant à une approche intensive, systématique et cohérente. Tout d’abord, il est indispensable d’échanger des informations dans le cadre d’un système national de gestion des données. En outre, les procureurs devraient instaurer une collaboration étroite entre les banques et les services répressifs, ainsi qu’avec d’autres personnes morales ou physiques de droit privé (compagnies d’assurances, courtiers, notaires, avocats, huissiers, etc.). Parmi les autres approches en matière d’enquête, dont l’importance croît avec le temps, il convient de citer la coopération avec les fournisseurs de services internet en vue de suivre à la trace des mouvements d’argent virtuel ou numérique.

C. Lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée au niveau international

78.      La coopération internationale entre procureurs est devenue un outil vital en raison du nombre croissant de crimes transfrontaliers, notamment ceux revêtant un caractère particulièrement grave et organisé, parmi lesquels le terrorisme. L’internationalisation des relations entre groupes et individus criminels, facilitée par la mondialisation et les moyens modernes de communication, rend obsolète l’approche consistant à se concentrer principalement sur les enquêtes et les poursuites, et également les activités de prévention, au niveau national.

79.      Comme l’a déclaré le CCPE, les procureurs devraient toujours faire preuve de leur volonté de coopérer et « devraient traiter les demandes d’entraide internationale au sein de leur juridiction avec la même diligence que celle dont ils font preuve dans leurs activités nationales et devraient disposer d’outils, y compris de formation, permettant de promouvoir et favoriser une véritable et réelle coopération judiciaire internationale »[152].

80.      Le respect de ces exigences devient particulièrement urgent aujourd’hui, compte tenu du niveau des attaques et des défis posés par le terrorisme et la criminalité grave et organisée internationale.Une coopération internationale efficace est inévitable, non seulement pour prévenir des crimes, mais également pour mener une enquête, poursuivre, produire des preuves et sanctionner légalement les personnes responsables de ces crimes et pour confisquer et récupérer les produits du crime. L’atteinte de pareils objectifs suppose un effort partagé maximal en vue de détecter et de détruire les sources de financement des groupes et individus criminels, leurs bases logistiqueset opérationnelles, ainsi que leur approvisionnement en faux documents, en armes et en explosifs. L’un des principaux défis posés par les criminels d’aujourd’hui tient à leur utilisation des moyens de communication modernes (y compris les réseaux sociaux et autres réseaux sur internet) dont la surveillance et l’interception légales nécessitent que soient prises des mesures à plus grande échelle.

81.      Les contacts directs entre ministères publics sont un moyen efficace et adéquat d'améliorer l'efficacité et la qualité en matière d’affaires pénales transfrontalières, non seulement en répondant à des demandes d’entraide judiciaire, mais également en promouvant et en alimentant les échanges d’information générés par des enquêtes parallèles et, parfois, en mettant sur pied des équipes d’enquête mixtes. Le CCPE encourage les Etats membres à renforcer la base juridique d’une coopération directe et à promouvoir une coopération rapide et souple reposant sur la désignation de points de contact nationaux compétents pour certaines formes d’infractions comme le terrorisme ou les actes relevant de la criminalité grave et organisée, et/ou par la nomination de magistrats de liaison dans d’autres pays.

82.      L’harmonisation de la législation nationale sur les normes juridiques internationales en matière de classification des actes criminels, ainsi que des procédures correspondantes, faciliterait grandement la coopération transfrontière. Il en va de même pour un éventuel rapprochement ou une possible harmonisation des législations nationales. Il conviendrait de déployer des efforts soutenus pour surmonter les obstacles inhérents à la particularité des cultures nationales, dans la mesure où l’autonomie du droit criminel est perçue comme un élément essentiel de l’identité de chaque système pénal.

83.      Dans le but d’améliorer et de faciliter la coopération internationale, trois aspects principaux devraient être pris en considération : la base juridique d’une coopération harmonieuse et efficace, la mise en œuvre adéquate des instruments juridiques internationaux dans chaque Etat partie et l’élaboration d’instruments pratiques et opérationnels.

84.      Il conviendrait d’éliminer les obstacles à la coopération internationale. Le fait de ne pas connaître ses homologues de l’autre côté de la frontière, de ne pas parler la même langue ou de ne pas comprendre d’autres cultures de lutte contre la criminalité peut expliquer certaines réticences à l’idée de travailler ensemble. C’est la raison pour laquelle des organismes de coopération et des réseaux internationaux ont été créés, parfois sur une base institutionnelle et parfois aussi de manière informelle. Les réseaux formels – qu’ils aient été établis au niveau des autorités répressives comme Europol et Interpol ou au niveau judiciaire comme Eurojust et le Réseau judiciaire européen – constituent un moyen rapide et efficace de développer une coopération judiciaire transfrontière et, ainsi, de briser les barrières inhérentes aux différences juridiques, culturelles et linguistiques. Les Etats devraient conférer à ces organisations la capacité requise pour assurer une assistance internationale harmonieuse et efficace. On pourrait également recourir utilement à des organisations moins formelles pour lutter contre la criminalité transfrontière, notamment l’Association internationale des procureurs qui contribue à la systématisation des normes internationales relatives à l'exercice des fonctions des procureurs, ainsi qu’à mettre en relation des procureurs dans le monde entier par l’intermédiaire de milliers de points de contact (c’est le cas notamment du réseau de procureurs spécialisés dans les affaires terroristes, tel qu’il a été établi en 2015, et du réseau des procureurs spécialisés dans la cybercriminalité créé en 2010).

***

RECOMMANDATIONS

1.         Pour répondre à la demande du public pour une plus grande transparence et la nécessité de rendre des comptes, le ministère public devrait agir de manière stratégique afin de conférer au travail des procureurs le plus haut niveau possible de qualité et d’efficacité.

2.         Dans la mesure où chaque ministère public s’acquitte de ses fonctions dans un cadre légal, l’existence d’une législation adéquate est indispensable à la qualité et à l’efficacité de son travail.

3.         Dans le but d’améliorer et de faciliter la coopération internationale, notamment en matière d'extradition, d'assistance juridique et de récupération des produits du crime, trois aspects principaux devraient être pris en considération : la base juridique pour une coopération harmonieuse et efficace ; la mise en œuvre adéquate des instruments juridiques internationaux dans chaque Etat partie et la mise en place d'outils pratiques et opérationnels.

4.         Garantir l’impartialité des procureurs constitue une condition importante sous l’angle de la protection accrue des droits de l’homme. Les États membres devraient donc s’assurer que les procureurs peuvent s’acquitter de leurs fonctions en jouissant d’une indépendance maximale et à l’abri de toute influence, incitation, pression, menace ou ingérence – directe ou indirecte – d’où qu’elle provienne et quelles qu’en soient les raisons.

5.         La qualité du travail des procureurs dépend également des mesures prises pour garantir la sécurité personnelle des procureurs et celle de leur famille. En particulier, dès lors qu’un procureur travaille sur une affaire relevant du terrorisme et de la criminalité grave et organisée, le ministère public devrait prendre des mesures proactives afin de protéger sa vie, sa santé, sa liberté, son intégrité physique et ses biens.

6.         Les informations fausses ou tendancieuses relatives aux enquêtes peuvent trahir la confiance du public dans la qualité de la justice et faire naître des doutes quant à l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité du ministère public et des tribunaux. Par conséquent, il conviendrait de mettre en place une politique d'information active à l'égard des media et du public.  

7.         En vue d’atteindre l’efficacité et la qualité que le public attend d’eux, les procureurs devraient disposer des ressources humaines, financières et matérielles adéquates leur permettant de porter toute l’attention requise à l’ensemble des questions pertinentes lorsqu’ils travaillent sur une affaire, y compris des unités spécialisées dans le cadre du ministère public. En leur proposant l’assistance d’un personnel qualifié, une formation initiale et continue, un équipement technique moderne et adapté, y compris des systèmes de bases de données centralisés, et d’autres ressources, il est possible de les soulager d’une tension indue et, partant, d’améliorer la qualité de leurs décisions et l’efficacité du ministère public. Toutes ces mesures devraient faire partie d’une vision stratégique à moyen terme ou à long terme.

8.         Le CCPE considère que les normes définissant la qualité du travail du ministère public et des procureurs devraient englober à la fois des éléments quantitatifs et qualitatifs, comme le nombre de dossiers ouverts et clôturés, les types de décisions et de résultats, la durée de la procédure, les compétences en matière de gestion des affaires, la capacité à s’exprimer clairement oralement et par écrit, l’ouverture aux technologies modernes, la connaissance d'autres langues, les compétences organisationnelles, ainsi que la capacité de coopérer avec d’autres personnes au sein ou hors du parquet.

9.         Le travail du procureur doit impérativement reposer sur un raisonnement et une analyse clairs. Par conséquent, chaque procureur devrait tenir pleinement compte de l’ensemble des preuves pertinentes et examiner tous les éléments factuels et autres révélés par l’enquête et par les parties. Toute décision ou acte du procureur devrait refléter ces preuves pertinentes, se conformer à la loi et aux lignes directrices générales qui peuvent s’y rapporter. Les décisions et mesures prises par les procureurs devraient être justifiées de manière cohérente, claire, non ambiguë et non contradictoire. 

10.      Le cas échéant et conformément à la législation nationale, le ministère public devrait publier, à l’intention de procureurs, des lignes directrices exposant en termes généraux les principes qui devraient guider l’engagement et la conduite des poursuites. Ces lignes directrices devraient énumérer les éléments à prendre en considération aux différents stades de la procédure, de manière à ce que les poursuites s’organisent selon un schéma équitable, raisonné et cohérent. Le ministère public devrait établir des indicateurs et des mécanismes de suivi individuels visant les procureurs, en premier lieu pour inciter les intéressés à atteindre un niveau supérieur de professionnalisme. Le suivi interne du ministère public devrait être régulier et fondé sur l’État de droit.

11.      Le recours à un système efficace et impartial de gestion des plaintes et à des questionnaires soumis périodiquement aux acteurs concernés facilite l’identification des déficiences éventuelles du système et, partant, contribue à l’augmentation de la qualité du travail des procureurs. Un mécanisme de contrôle pour suivre les décisions des procureurs, notamment celles concernant les infractions sans plaignant ou victime, peut permettre de corriger d'éventuelles erreurs commises lors des phases d'enquête et de poursuite.

12.      Une gestion adéquate et efficace des affaires doit inclure le contrôle du respect des délais par les procureurs et du respect par ces derniers, dans leur décision, des obligations d’objectivité, d’impartialité et de professionnalisme dans le respect de la présomption d’innocence et des droits de la défense, ainsi que de ceux des victimes des infractions.Dans le cadre de leurs compétences, les procureurs devraient contrôler le respect de ces droits et libertés fondamentales par les services répressifs pendant toute la procédure.

13.      Dans les affaires de terrorisme et de criminalité grave et organisée, les Etats membres devraient prendre des mesures appropriées et proportionnées pour permettre aux procureurs l'utilisation de techniques spéciales d'enquête.


Annexe

Liste de documents

  1. Recommandation Rec(2000)10 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les codes de conduite pour les agents publics, 11 mai 2000.

  1. Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000.

  1. Recommandation Rec(2003)13 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la diffusion d’informations par les medias en relation avec les procédures pénales, 10 juillet 2003.

  1. Recommandation Rec(2010)12 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités, 17 novembre 2010.

  1. Recommandation Rec(2012)11 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale, 19 septembre 2012.

  1. Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), Avis No. 1(2007) sur les moyens d’améliorer la coopération internationale dans le domaine pénal, 30 novembre 2007.

  1. Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), Avis No. 2(2008) sur les mesures alternatives aux poursuites, 16 octobre 2008.

  1. Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), Avis No. 3(2008) sur rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale, CCPE(2008)3, 21 octobre 2008.

  1. Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), Avis No. 4(2009) sur les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux.

  1. Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), Avis No. 5(2010) sur le ministère public et la justice des mineurs, Déclaration d’Erevan, 20 octobre 2010.

  1. Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), Avis n°6 (2011) sur les relations entre procureurs et administrations pénitentiaires, 24 novembre 2011.

  1. Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), Avis No. 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, 11 décembre 2012.

  1. Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE), Avis No. 8(2013) sur les relations entre procureurs et médias, 9 octobre 2013.

  1. Conférence des procureurs généraux d’Europe, 6e session, Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public – « Les lignes directrices de Budapest », 31 mai 2005.

 

  1. Conférence des procureurs généraux d’Europe, Le rôle du ministère public dans la protection des droits de l’homme et de l’intérêt général en dehors du domaine pénal, Saint-Pétersbourg, 3 juillet 2008.

  1. Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011.

  1. Commission de l’ONU pour la prévention du crime et la justice pénale, Résolution sur renforcement de l’état de droit grâce à l’amélioration de l’intégrité et des capacités des services de poursuite, E/CN.15/2008/L.10/Rev.2, 17 avril 2008.

  1. Assemblée Générale des Nations Unies, Rapport intérimaire de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/65/274, 10 août 2010.

  1. Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août - 7 septembre 1990.

  1. Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport intérimaire de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, A/65/274, 10 août 2010.

  1. Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012.

  1. Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats : promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement, A/HRC/11/41, 24 mars 2009.

  1. Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/23/43, 15 mars 2013.

  1. Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats : promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement, A/HRC/8/4/, 13 mai 2008.

  1. Association internationale des procureurs et poursuivants, Normes de responsabilité professionnelle et Déclaration des droits et devoirs essentiels des procureurs et poursuivants, 23 avril 1999.

  1. Association internationale des procureurs et poursuivants, Combating use of the internet to exploit children (Lutter contre l’utilisation d’Internet à des fins pédopornographiques), Best Practice Series No. 1 (en anglais uniquement).

  1. Association internationale des procureurs et poursuivants, An international survey of the legal framework for and implementation of victim services by prosecutors’ offices (enquête internationale sur la mise en œuvre de services d’aide aux victimes et leur cadre juridique) conduite pour l’Association internationale des procureurs et poursuivants par Heike Gramckow, Ph.D. Susanne Seifert National Center for State Courts Arlington, VA, USA, 2006 (en anglais uniquement).

  1. Association internationale des procureurs et poursuivants, Declaration on Minimum Standards Concerning the Security and Protection of Public Prosecutors and their Families (Déclaration sur les normes minimales relatives à la sécurité et à la protection des procureurs et de leurs familles), 1er mars 2008 (en anglais uniquement).

  1. Association internationale des procureurs et poursuivants, Model guidelines for the effective prosecution of crimes against children (lignes directrices pour la poursuite effective des actes commis à l’encontre d’enfants), IAP Best Practice Series No. 2, general principles (en anglais uniquement).

  1. Soumission de l’Association internationale des procureurs et poursuivants au Comité de recherche pour le procureur de la CPI, mars 2011 (en anglais uniquement).

  1. Guide de ONUDC/AIP sur le statut et le rôle des procureurs (2014).



[1] Paragraphe 1 de la Recommandation Rec(2000)19.

[2] Varsovie, 16 – 17 mai 2005 – voir les documents : CM(2005)79 final et CM(2005)80 final.

[3] Le CCPE traitera ultérieurement de la formation professionnelle des procureurs en matière de droits de l’homme.

[4] Document CCPE(2006)05 Rev finale.

[5] Voir notamment les décisions prises par le CDPC sur la coopération internationale en matière pénale lors de sa 56ème  réunion plénière (Strasbourg, 18 – 22 juin 2007).

[6] Organisée à Caserta (Italie), les 8-10 septembre 2000, par le Conseil de l’Europe en coopération avec la Direction Nationale Antimafia et l’Université II de Naples.

[7] 7ème session de la Conférence des Procureurs Généraux d’Europe (Moscou, 5 - 6 juillet 2006) organisée par le Conseil de l’Europe en coopération avec le Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie sur le thème: "Le rôle du Ministère public dans la protection des individus".

[8] Conférence à haut niveau des Ministères de la Justice et de l’Intérieur (Moscou, 9-10 novembre 2006): "Améliorer la coopération européenne en matière de justice pénale".

[9] Mme Joana GOMES-FERREIRA, Procureur de la République (Portugal) – voir rapport CCPE-BU(2007)12.

[10] Document CCPE-Bu (2006) 06.

[11] Les conclusions apparaissent au document CPE(2007)Concl1.

[12] Signé à Strasbourg le 23 mai 2007.

[13] Résolution (97) 24 sur les 20 Principes directeurs portant sur la lutte contre la corruption, adoptée par le Comité des Ministres du CE le 6 novembre 1997.

[14] Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée transnationale, signée à la Conférence de Palerme les 12-15 décembre 2000.

[15] Signée lors de la Conférence au Haut niveau de Merida (Mexique) du 9 au 11 décembre 2003.

[16] Adoptée lors de la 91ème réunion plénière de l’Assemblée Générale des Nations Unies le 13 avril 2005 par la Résolution A/RES/59/290.

[17] Etablie par l’Acte du Conseil du 29 mai 2000, conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne.

[18] Signée à Chisinau (Moldova) le 7 octobre 2002.

[19] L'expression "organe judiciaire" est ici employée dans le sens le plus large, se référant aux juges, aux  procureurs et aux autres chefs des autorités chargées de l'exécution du droit compétents pour la coopération judiciaire internationale en matière pénale.

[20] Idem note précédente.   

[21] Commentaire à la Recommandation 39.

[22] Rapport CCPE-BU(2007)12 susmentionné.

[23] Voir ci-dessus.

[24] Voir ci-dessus.

[25] Voir ci-dessus.

[26] Le 18 juin 2007 dans son discours ouvrant la 56ème session du Comité Directeur pour les Problèmes Criminels (CDPC) le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe Terry Davis a suggéré de considérer à nouveau cette initiative lancée une dizaine d’années auparavant: “Il s’agirait de réactualiser, de rendre plus efficientes et de mettre sous un même « toit » toutes nos conventions existantes dans ce domaine. Je suis conscient que c’est là un projet à long terme, ambitieux et vraisemblablement polémique mais, à mon sens, nous ne pouvons jamais être trop ambitieux pour lutter contre la criminalité”. Un tel projet de Convention avait été élaboré quelques années auparavant mais il n’y avait pas été donné suite en son temps.

[27] Voir notamment paragraphes 43 et 44 de l’Avis N° (2003) 4 du Conseil Consultatif de Juges européens.

[28] Voir notamment paragraphes 7, 8 et 11 de l’Avis N° (2006) 9 du Conseil Consultatif de Juges Européens.

[29] "Considérant que le facteur humain est fondamental pour améliorer et optimiser la coopération internationale, la Conférence, tout en rappelant la place que la Recommandation Rec(2000)19 accorde à la formation des procureurs, souligne avec force qu’une formation appropriée doit être assurée, notamment pour suivre l’évolution dans la criminalité internationale".

[30] Les dénommées "Fiches belges" donnent aux praticiens de l’entraide judiciaire toutes les informations utiles sur le droit et l’organisation des Etats de l’Union européenne avec lesquels ils envisagent une action de coopération judiciaire.

[31] Voir ci-dessus.

[32] Voir paragraphe 29 de ce Memorandum.

[33] Paragraphe 3.

[34] Mandat adopté lors de la 1019ème réunion des Délégués des Ministres, le 27 février 2008.

[35] Approuvé par le Comité des Ministres lors de la 981e réunion des Délégués des Ministres du 26 novembre 2006.

[36] Voir notamment la Résolution N°1 adoptée lors de la 27ème Conférence des Ministres européens de la Justice (Erevan, 12 – 13 octobre 2006).

[37] 2001/220/JAI.

[38] Voir para. 36 du Rapport explicatif.

[39] Voir la Recommandation N° R(85)11 du Comité des Ministres sur la position de la victime dans le cadre du droit pénal et de la procédure pénale.

[40]La primauté du droit et le respect des droits de l’homme sont les principes de base qui sous-tendent l’action des services du ministère public comme « …l’autorité chargée de veiller, au nom de la société et dans l’intérêt général, à l’application de la loi lorsqu’elle  pénalement sanctionnée, en tenant compte d’une part, des droits des individus et d’autre part de la nécessaire efficacité du système de justice pénale». La Recommandation ne traite pas expressément des tâches qui sont celles du ministère public en dehors du système de la justice pénale, mais elle reconnaît implicitement dans son article 1, comme indiqué dans le mémorandum explicatif, que « dans certains pays, les procureurs peuvent se voir confier certaines autres tâches importantes dans les domaines du droit commercial ou civil, par exemple ».

[41]  Le programme-cadre d’action générale pour les travaux du CCPE n’a pas ignoré cette situation et a tenu compte du fait que « Les missions du ministère public en Europe varient considérablement étant donné les différences de leurs statut et rôle dans les systèmes de justice des Etats membres du Conseil de l’Europe… des missions suivantes du ministère public peuvent être abordées , soit par la réalisation d’une étude ou d’une enquête sur leur exercice (pouvoirs et limitations dans la législation et la pratique) dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, soit en rédigeant un avis (par exemple sur la nécessité d’élaborer des lignes directrices ou des normes relatives à leur exercice).

[42] Mandat du CCPE pour 2007-2008 ; voir CCPE (2006)04, rev. finale.

[43] Voir également CPE(2008)3.

[44] Conférence de Budapest : « La Conférence a une nouvelle fois souligné la grande diversité du rôle des ministères publics dans ce domaine qui résulte de la différence des traditions en Europe » (voir CCPE (2005) Concl.

[45] Voir e.g. les cas Brumarescu c. Roumanie (28342/05), Nikitin c. Russie (50187/99), Grozdanoski c. ex-République yougoslave de Macédoine (21510/03), Rosca c. Moldavie (6267/02), LM c. Portugal (15764/89), P. V. c. République slovaque (10699/05).

[46] Texte adopté par la Commission permanente au nom de l’Assemblée le 27 mai 2003.

[47] Voir doc. CM/AS(2004)Rec1604 rev. finale, 4 février 2004.

[48] Le CCPE s’est également inspiré des documents de travail et des conclusions de plusieurs des sessions tenues par la Conférence des procureurs généraux d’Europe (CPGE) : 4ème session (Bratislava, République slovaque, 1-3 juin 2003) où la question a été pour la première fois proposée au débat prévu pour la conférence suivante ; 5ème session (Celle, Basse-Saxe, Allemagne, 23-24 mai 2004) où il a été procédé pour la première fois à l’examen de la question ; 6ème session (Budapest, Hongrie, 29-31 mai 2004) qui a vu s’organiser un débat à propos du premier rapport sur le sujet soumis, par ailleurs, à de plus amples investigations ; 7ème session (Moscou, Fédération de Russie, 5-6 juillet 2006) et Conférence des procureurs européens (CPE) réunie à Saint-Pétersbourg (Fédération de Russie, 2-3 juillet 2008), entièrement consacrée à ce thème.

[49] Conférence de Celle, voir CPGE(2008)Concl.

[50] Voir doc. CPGE (2004) Concl.

[51] Voir doc. CPGE (2005)02.

[52] Voir CPGE (2005) Concl.

[53] Voir doc. CPGE (2006), 6 juillet 2006, paragraphe 7.

[54] Conférence de Saint-Pétersbourg, voir CPE (2008)3.

[55] Le questionnaire portait sur certaines compétences extra pénales, sur leur origine, le rôle des procureurs, l’application pratique des plus importantes de ces compétences, sur les réformes envisagées, les types d’organisations des services des ministères publics, les pouvoirs spéciaux et le rôle de décisionnaire éventuellement reconnu aux procureurs et sur la jurisprudence pertinente de la Cour européenne et des Cours constitutionnelles des Etats membres.

[56] Voir rapport de l’Association, Prof. Andras Zs. Varga in CCPE-Bu (2008) 4 rev.

[57] Voir doc. CPE (2008)3, paragraphe 8.

[58] Voir Résolution 17/2 : « Renforcement de la primauté du droit par le développement de l’intégrité et de la capacité des ministères publics » adoptée par la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale (UN doc. E/2008/30) ainsi que les Standards sur la responsabilité professionnelle et la Déclaration sur les devoirs et les droits des procureurs approuvés par l’Association Internationale des Procureurs.

[59] Voir la loi-cadre sur le ministère public adoptée par l’Assemblée interparlementaire des Etats membres de la Communauté des Etats indépendants, 16 novembre 2006.

[60] Albanie, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, France, ex-République yougoslave de Macédoine, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Moldavie, Monaco, Monténégro, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, San Marin, Slovénie, République slovaque, Espagne, Turquie et Ukraine.

[61] Albanie, Autriche, Azerbaïdjan, Danemark, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Moldavie, San Marin, Slovénie.

[62] Estonie, Finlande, Géorgie, Islande, Malte, Norvège, Suède, Suisse et systèmes judiciaires du Royaume-Uni.

[63] Voir CCPE-Bu (2008)4 rev.

[64] Le principe de « force de la chose jugée » n’a rien d’absolu comme en témoignent certains arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, la loi prévoyant certaines exceptions à ce principe (voir affaires Ryabykh c. Russie, requête No. 52854/99, Pravednaya c. Russie, requête No. 69529/01, Sergey Pettrov c. Russie, requête No. 1861/05).

[65] Conférence de Saint Petersburg, voir CPE (2008) 3, voir aussi les discours du Secrétaire général Terry Davis et du Commissaire aux droits de l’homme Thomas Hammarberg à cette Conférence (www.coe.int.ccpe).

[66] Conférence de Saint Petersburg, voir CPE (2008) 3.

[67] La présente Déclaration est suivie d’une note explicative. Elle a été préparée à Bordeaux (France) conjointement par les Groupes de travail du CCJE et du CCPE et adoptée officiellement par le CCJE et le CCPE à Brdo (Slovénie) le 18 novembre 2009.

[68] Voir notamment l’Avis n°1 du CCJE sur les normes relatives à l’indépendance et l’inamovibilité des juges et la Recommandation Rec(94)12 sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges.

[69] Voir également Avis n°3 (2008) du CCPE sur le rôle du Ministère public en dehors du système de la justice pénale.

[70] En ce qui concerne les juges, voir par exemple l’Avis n° 3 (2002) du CCJE sur les principes et règles régissant les impératifs professionnels applicables aux juges et en particulier la déontologie, les comportements incompatibles et l'impartialité, ainsi que les Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire (2002) (adoptés par l’ECOSOC des Nations Unies en 2006) ainsi que la Charte universelle du juge, adoptée par le conseil central de l’association international des juges le 17 Novembre 1999 à Taipei  (Taiwan). En ce qui concerne les procureurs, voir les principes directeurs de l’ONU sur le rôle des procureurs ainsi que les Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public (Lignes directrices de Budapest), adoptées par les Procureurs généraux d’Europe lors de leur Conférence de Budapest le 31 mai 2005.

[71] Voir l’Avis n° 4 (2003) du CCJE sur la formation initiale et continue appropriée des juges, aux niveaux national et européen et l’Avis n° 10 (2007) du CCJE sur le Conseil de la Justice au service de la société, paragraphes 65-72.

[72] Voir l’Avis n 8 (2006) du CCJE sur le rôle des juges dans la protection de l'Etat de droit et des droits de l'homme dans le contexte du terrorisme.

[73] Voir également Avis n°3 du CCPE sur le rôle du Ministère public en dehors du système de la justice pénale.

[74] Voir par exemple Cour européenne des droits de l’Homme, Olujić c. Croatie (requête n° 22330/05). 

[75] Voir notamment le Principe I de l’annexe de la Recommandation Rec(2003)13 et son exposé des motifs.

[76] Ceci a été proposé pour les juges et les journalistes dans l’Avis n°7 du CCJE sur Justice et Société, paragraphe 39 (2005).

[77] Voir par exemple Avis n° 3 du CCJE sur l’éthique et la responsabilité des juges, paragraphe 40 (2003).

[78] Voir par exemple Cour européenne des droits de l’Homme, Daktaras c. Lituanie (Requête n°42095/98) et Olujić c. Croatie (Requête n° 22330/05)

[79] Voir mandat du CCPE pour 2009-2010 (1044ème réunion des Délégués des Ministres, 10 décembre 2008).

[80] Résolution adoptée lors de la 28ème Conférence des Ministres européens de la Justice (Lanzarote, Espagne, Octobre 2007).

[81] Voir document CCPE-GT(2010)1REV6.

[82] Voir notamment les instruments juridiques des Nations Unies, incluant: la Convention des Nations Unies sur les droits des enfants (20 novembre 1989);  l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (« Règles de Beijing », 29 novembre 1985); les principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (« Principes directeurs de Riyad »,14 décembre 1990); les règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (« Règles de la Havane », 14 décembre 1990). Voir également l’Observation Générale n°10 du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs (CRC/C/GC/10, 2007) et le Règlement de procédure et de preuve de la Cour Pénale Internationale (9 Septembre 2002), et en particulier les règles 67 (« Témoignages en direct présentés par liaison audio ou vidéo »), 68 (« Témoignages préalablement enregistrés »), 87 (« Mesures de protection ») et 88 (« Mesures spéciales »).

[84] Voir jurisprudence de la CEDH, notamment : X et Y. c/ Pays-Bas (26 mars 1985, n°8978/80); Bouamar c/ Belgique (29 février 1988, n°9106/80); V. c/ Royaume-Uni (16 décembre 1999, n°24888/94) et T. c/ Royaume-Uni (16 décembre 1999, n°24724/94); Couillard c/ Maugery c/ France (1er juillet 2004, n°64796/01); Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c/ Belgique (12 octobre 2006, n°13178/03); Okkali c/ Turquie (17 octobre 2006, n°52067/99); Maumousseau et Washington c/ France (6 décembre 2007, n°39388/05); Yunus Aktaş et autres c/ Turquie (20 octobre 2009, n°24744/03); M.B. c/ France (17 décembre 2009, n°22115/06) (Recours devant la Grande Chambre en cours); Salduz c/ Turquie (27 novembre 2008, n°36391/02).

[85] Voir 7ème session de la Conférence des procureurs généraux d'Europe (Moscou, 5 à 6 Juillet 2006) organisée par le Conseil de l'Europe en coopération avec le Bureau du procureur général de la Fédération de Russie.

[86] Voir également le résumé de l'analyse du questionnaire relatif au traitement des mineurs délinquants (Document PC-CP (2009) 04final) et le projet de lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, préparé par un groupe de spécialistes du Comité européen de coopération juridique (Document CJ-S-CH (2011) 9).

[87] Voir Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, article 37.

[88] Voir la Déclaration de Bordeaux dans l’Avis n°12(2009) du CCJE et l’Avis n°4(2009) du CCPE sur les juges et procureurs dans une société démocratique.

[89] Voir Avis n°1 du  CCPE sur les moyens d’améliorer la coopération internationale dans le domaine pénal.

[90] Voir Avis n° 2 du CCPE sur les mesures alternatives aux poursuites.

[91] 1099ème réunion des Délégués des Ministres (23 novembre 2010).

[92] Voir l’Annexe au présent Avis ainsi que les réponses des Etats membres au questionnaire sur le même thème sur le site du CCPE : www.coe.int/ccpe

[93] Voir notamment Selmouni c. France (n°25803/94), Aksoy c. Turquie (18 décembre 1996) et Aydın c. Turquie (25 septembre 1997).

4 Voir notammentJalloh c. Allemagne (n°54810/00), Olswewski c. Pologne (13 novembre 2003), Labita c. Italie (n°26772/95), Kantyrev c. Russie (21 juin 2007), Orchowski c. Pologne (n°17885/04) et Nazarento c. (29 Avril 2003).

[95] Voir notamment Vlasov c. Russie (12 juin 2008), Ostrovar c. Moldova (13 septembre 2005), Enea c. Italie (17 septembre 2009).

[96] Voir notamment Kaya c. Turquie (19 février 1998) et Melnik c. Ukraine (28 mars 2006).

[97] Voir également la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, les Recommandations N° R(89)12 sur l'éducation en prison, N° R(93)6 concernant les aspects pénitentiaires et criminologiques du contrôle des maladies transmissibles et notamment du SIDA, et les problèmes connexes de santé en prison, N° R(97)12 sur le personnel chargé de l'application des sanctions et mesures, N° R(98)7 relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire, N° R(99)22 concernant le surpeuplement des prisons et l'inflation carcérale, Rec(2003)22 concernant la libération conditionnelle et Rec(2003)23 concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée.

[98] Voir, en particulier, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), les règles minima pour le traitement des délinquants (1955), les principes directeurs applicables au rôle du magistrat du parquet (1990), les règles pour la protection des mineurs privés de liberté (1990).

[99] Voir, en particulier , les « Standards of Professional Responsibility and Statement of the Essential Duties and Rights of Prosecutors », adoptés par l’Association internationale des procureurs en 2005.

[100] Voir paragraphe 1 de la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

[101] En vertu de la Recommandation Rec(2006)2 (paragraphe 4), “Le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de l’homme.” Conformément aux politiques et pratiques issues de la Recommandation, le fait de déroger gravement à la loi n’est pas acceptable. Si de telles violations de la loi ont lieu, conformément aux paragraphes 92 et 93 de cette Recommandation, il convient d’agir pour y remédier (y compris par le biais d’inspections par les procureurs).

[102] 1127ème réunion des Délégués des Ministres (23 novembre 2011).

[103] Voir les réponses des Etats membres au questionnaire sur le site internet du CCPE (www.coe.int/ccpe) sous « Travaux préparatoires – Elaboration du 7ème avis du CCPE ».

[104] Voir notamment Broniowski c. Pologne (22 juin 2004), §183.

[105] Adoptées lors de la 6ème Conférence de procureurs généraux d’Europe en mai 2005.

[107] Adopté lors de la 85e session plénière de la Commission de Venise (17-18 décembre 2010).

[109] Voir notamment la Recommandation CM/Rec(2012)11 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale.

[110] Résolution (77)28 du Conseil de l’Europe sur la contribution du droit pénal à la protection de l’environnement

[111] Voir notamment la Déclaration sur les normes minimales relatives à la sécurité et à la protection des procureurs et de leurs familles adoptée par l'Association Internationale des Procureurs en mars 2008.

[112] Par exemple, Eurojust, le Réseau judiciaire européen, le Réseau européen des procureurs généraux ou institutions équivalentes près les Cours suprêmes judiciaires des Etats membres de l’Union Européenne, le Forum Consultatif des Procureurs Généraux et des Directeurs de Poursuites publiques des Etats membres de l’Union Européenne, le Conseil consultatif de procureurs européens et le Conseil de coordination des procureurs généraux des Etats membres de la Communauté des Etats Indépendants ou l’un des nombreux autres réseaux de procureurs crées jour après jour.

[113] Voir « Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : Partie II, le ministère public », adopté par la Commission de Venise lors de sa 85ème session plénière (Venise, 17-18 décembre 2010).

[114] En français, le terme « outcomes » peut s’entendre comme les résultats ou objectifs à atteindre et le terme « outputs » comme les moyens développés pour atteindre un résultat ou un objectif déterminé.

[115] Voir les réponses des Etats membres au questionnaire sur le site web du CCPE (www.coe.int/ccpe), à la rubrique «Travaux préparatoires – relations entre procureurs et médias».

[116] Les règles de Beijing ont été adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa Résolution 40/33 du 29 novembre 1985.

[117] A propos de l’article 10 de la CEDH, la Cour a, à maintes reprises, constaté que «la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de la société démocratique, l’une des conditions de base pour sa progression et pour la réalisation individuelle de chacune» (voir Lingens c. Autriche, no. 9815/82, 8 juillet 1986; Sener c. Turquie, no. 26680/95, 18 juillet 2000; Thoma c. Luxembourg, no. 38432/97, 29 juin 2001; Maronek c. Slovaquie, no. 32686/96, 19 juillet 2001; Dichand et autres c. Autriche, no. 29271/95, 26 février 2002).

[118] La Cour a souligné à plusieurs reprises l’existence d’obligations positives de la part de l’Etat sous l’angle de l’article 8 de la CEDH afin de garantir une protection effective du droit à la vie privée de personnes faisant l’objet de procédures pénales (A. c. Norvège, no. 28070/06, 9 avril 2009) (Elle se réfère aussi dans cet arrêt au principe no. 8 de l’Annexe de la Recommandation Rec(2003)13 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la diffusion d'informations par les médias en relation avec les procédures pénales).

[119] La Cour estime que le principe de la présomption d’innocence « se trouve méconnu si une déclaration officielle concernant un prévenu reflète le sentiment qu'il est coupable, alors que sa culpabilité n'a pas été préalablement légalement établie. Il suffit, même en l'absence de constat formel, d'une motivation donnant à penser que le magistrat considère l'intéressé comme coupable » (voir Daktaras c. Lituanie, no. 42095/98, § 41, 10 octobre 2000).

[120] La Cour rappelle que la protection de l’article 10 s’étend à la sphère professionnelle en général et aux fonctionnaires en particulier (Guja c. Moldova (Grande Chambre), no. 14277/04, § 52, 12 fevrier 2008). Dans l’affaire Harabin c. Slovaquie (no. 58688/11, § 149, 20 novembre 2012), la Cour a établi que l’appartenance au pouvoir judiciaire (dans le cas d’espèce le requérant était le président de la Cour suprême), ne prive pas le requérant de la protection de l’article 10.

[121] La Cour « n’oublie pas que les salariés ont un devoir de loyauté, de réserve et de discrétion envers leur employeur. Cela vaut en particulier pour les fonctionnaires, dès lors que la nature même de la fonction publique exige de ses membres une obligation de loyauté et de réserve » (Guja c. Moldova (Grande Chambre), no. 14277/04, § 70, 12 février 2008). La divulgation de la part de fonctionnaires publics d’informations obtenues dans l’exercice de leur activité, même si elles concernent des questions d’intérêt public, doit être examinée à la lumière de leur devoir de loyauté et discrétion (Kudeshkina c. Russie, no. 29492/05, § 85, 26 février 2009; voir aussi Guja c. Moldova (Grande Chambre), no. 14277/04, §§ 72-78, 12 février 2008). Plus spécifiquement, dans l’affaire Ozpinar c. Turquie (no. 20999/04, 19 octobre 2010), « la Cour rappelle avoir déjà considéré comme légitime de soumettre les membres de la fonction publique ou les magistrats, en raison de leur statut, à une obligation de réserve au regard de l’article 10 de la Convention ou de discrétion dans l’expression publique de leurs convictions religieuses, au regard de l’article 9 (Kurtulmuş c. Turquie (déc.), no. 65500/01, 24 janvier 2006). Ces principes s’appliquent mutatis mutandis à l’article 8 de la CEDH. A cet égard, la Cour observe que « les devoirs déontologiques d’un magistrat peuvent empiéter sur sa vie privée, lorsque par son comportement – fût-il privé –, le magistrat porte atteinte à l’image ou à la réputation de l’institution judiciaire ».

[122] Dans l’arrêt Sunday Times c. Royaume-Uni (No. 1) (no. 6538/74, § 65, 26 avril 1979), la Cour a établi que les principes généraux qui découlent de l’article 10 s’appliquent également au domaine de l’administration de la justice, laquelle sert les intérêts de la collectivité tout entière et exige la coopération d’un public éclairé.

9 Voir, inter alia, Observer et Guardian c. Royaume-Uni, no. 13585/88, 26 novembre 1991.

[124] Voir Bladet Tromso et Stensaas c. Norvège (Grande Chambre), no. 21980/93, 20 mai 1999.

[125] Voir, inter alia, Arrigo et Vella c. Malte (déc.), no 6569/04, 10 mai 2005; Yordanova et Toshev v. Bulgarie, no. 5126/05, § 53, 2 octobre 2012.

[126] Voir, inter alia, Stoll c. Suisse (Grande Chambre), no. 69698/01, §§ 61 and 143, 10 décembre 2007; Craxi c. Italie (No. 2), no. 25337/94, 17 juillet 2003 concernant la fuite à la presse d’informations confidentielles.

[127] Voir, inter alia, Nikolaishvili c. Géorgie, no. 37048/04, 13 janvier 2009 ; Sciacca c. Italie, no. 5077/99, 11 janvier 2005; Karakas et Yesilımak c. Turquie, no. 43925/98, 28 juin 2005.

[128] Voir, par exemple, Société Bouygues Telecom c. France (déc.), no. 2324/08, 13 mai 2012.

[129] La Cour a reconnu qu’un communiqué de presse, même publié sur le site internet du service du ministère public, peut servir à informer le public de la mise en accusation devant le tribunal (Shuvalov c. Estonie, no. 39820/08 et 14942/09, § 79, 29 mai 2012).

[130] Voir les réponses des Etats membres au questionnaire sur le site web du CCPE (www.coe.int/ccpe) sous « Travaux préparatoires – Le rôle des procureurs dans le cadre d’une enquête pénale (2015) ».

[131] Pour ces Etats, la Recommandation confère au procureur la vérification de la légalité des enquêtes, la possibilité de donner des instructions aux services de police, le contrôle de leur exécution et le droit de sanctionner les éventuelles violations. Les Etats dans lesquels la police est indépendante du ministère public doivent prendre toutes les mesures pour s’assurer que le ministère public et la police coopèrent de manière appropriée et efficace.

[132] Il donne des indications sur les principes à respecter dans le cadre des enquêtes judiciaires menées par la police et stipule qu’il revient au ministère public ou au magistrat instructeur d’en assurer le respect.

[133] Le comité des droits de l'homme, le comité contre la torture, le comité sur les droits de l'enfant.

[134] Le Groupe de Visegrad est composé de la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie.

[135] Voir Messier contre France (CEDH, 30 juin 2011).

[136] Voir Salduz contre Turquie (CEDH, 27 novembre 2008). Salduz était condamné pour des faits de terrorisme sur la base de déclarations faites sans assistance d’un avocat lors du premier interrogatoire par la police. Selon la Cour, le droit dont disposent tous les suspects d’accès à un avocat est un des éléments fondamentaux d’un procès équitable.

[137] Lignes directrices européennes sur l'éthique et la conduite des membres du ministère public adoptées par la Conférence des Procureurs Généraux d’Europe en 2005 à Budapest, Hongrie.

[138] Voir l’Avis n° 3(2008) du CCPE sur le rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale, et l’Avis n° 8(2013) sur les relations entre procureurs et medias.

[139] Voir le Rapport final 2008 du Groupe de travail sur la gestion de la qualité du Réseau européen des Conseils de la Justice (RECJ).

[140] Voir Avis du CCPE No. 9(2014) sur les normes et principes européens concernant les procureurs, Charte de Rome, article XIII, Note explicative, paragraphes 57, 61 et 63.  

[141] Ibid., Note explicative, paragraphe 62.

[142] Ibid., Charte de Rome, article XX, Note explicative, paragraphe 64.

[143] Ibid., Charte de Rome, article XIII, Note explicative, paragraphes 57 et 62.

[144] Voir Avis du CCPE No. 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, paragraphe 47.

[145] Voir Avis du CCPE No. 9(2014) sur les normes et principes européens concernant les procureurs, Charte de Rome, article VII.

[146] Ibid., article VI.

[147] Voir Rec(2000)19, Exposé des motifs, commentaires sur chaque point de la Recommandation, paragraphe 35.

[148] Voir Avis du CCJE No. 6(2004) sur le procès équitable dans un délai raisonnable et le rôle des juges dans le procès, en prenant en considération les modes alternatifs de règlement des litiges, paragraphe 42.

[149] Voir Avis du CCJE No. 11(2008) sur la qualité des décisions de justice, paragraphe 26.

[150] Voir les paragraphes 40-43.

[151] Pour une liste des affaires de la CrEDH relatives au terrorisme, voir à https://www.unodc.org/tldb/fr/case-law-of-the-european-court-of-human-rights-related-to-terrorism.html?. Voir aussi un livre intitulé « Lutte contre le terrorisme et les droits de l'homme dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme » (« Counter-terrorism and human rights in the case law of the European Court of Human Rights ») (uniquement en anglais) par Ana Salinas de Frias (2012), voir à https://book.coe.int/eur/en/european-court-of-human-rights/4966-counter-terrorism-and-human-rights-in-the-case-law-of-the-european-court-of-human-rights.html.

[152] Voir Avis du CCPE No. 9(2014) sur les normes et principes européens concernant les procureurs, Charte de Rome, article XX.



[i] 1189ème réunion des Délégués des Ministres, 22 janvier 2014.

[ii] Voir la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, article 1.

[iii] Voir la Recommandation Rec(2012)11 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale, 19 septembre 2012, article 2.

[iv] Kayasu c. Turquie, requête no. 64119/00 et 76292/01, 13 février 2009, § 91. 

[v] Voir la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, article 24, et Conférence des procureurs généraux d’Europe, 6e session, Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public« Les lignes directrices de Budapest », CPGE (2005)05, 31 mai 2005, point III. Voir également Conseil consultatif des procureurs européens, Avis n°4 (2009), « Les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique », 8 décembre 2009, Note explicative, article 11. Voir également Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, article 16.

[vi] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, article 19.

[vii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, article 3. Voir également les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août - 7 septembre 1990, article 11.

[viii] Voir les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août - 7 septembre 1990, article 17.

[ix] Conférence des procureurs généraux d’Europe, 6e session, Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public« Les lignes directrices de Budapest », CPGE (2005)05, 31 mai 2005, point III. Association internationale des procureurs et poursuivants, Normes de responsabilité professionnelle et Déclaration des droits et devoirs essentiels des procureurs et poursuivants, 23 avril 1999, point 4.2. Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, article 27.

[x] Association internationale des procureurs et poursuivants, Normes de responsabilité professionnelle et Déclaration des droits et devoirs essentiels des procureurs et poursuivants, 23 avril 1999, point 4.2.

[xi] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, articles 32 et 33. Voir également: Association internationale des procureurs et poursuivants, Normes de responsabilité professionnelle et Déclaration des droits et devoirs essentiels des procureurs et poursuivants, 23 avril 1999, point 4.3; Conférence des procureurs généraux d’Europe, 6e session, Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public« Les lignes directrices de Budapest », CPGE(2005)05, 31 mai 2005, point III; Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août - 7 septembre 1990, § 13; Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Note explicative, article 12.

[xii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Note explicative, articles 53 et 54. Voir également: Association internationale des procureurs et poursuivants, Normes de responsabilité professionnelle et Déclaration des droits et devoirs essentiels des procureurs et poursuivants, 23 avril 1999, point 2.1. Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, article 34.

[xiii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Note explicative, article 55. Voir également Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public – CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, article 15.

[xiv] Association internationale des procureurs et poursuivants, Normes de responsabilité professionnelle et Déclaration des droits et devoirs essentiels des procureurs et poursuivants, 23 avril 1999, point 4.3.

[xv] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 3(2008) sur le rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale, 21 octobre 2008, §§ 16 et 19. Voir également: Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Note explicative, § 64.

[xvi] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation CM/Rec(2012)11 sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale, 19 septembre 2012, § 2.

[xvii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation CM/Rec(2012)11 sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale, 19 septembre 2012, §§ 3 et 11, et § 9.

[xviii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation CM/Rec(2012)11 sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale, 19 septembre 2012, § 10.

[xix] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, § 73.

[xx] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, § 77.

[xxi] Voir l’Avis No. 2(2008) du CCPE. Voir aussi Natsvlishvili et Togonidze c. Géorgie, requête no. 9043/05, 29 avril 2014, §§ 90-91.

[xxii] Voir Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août - 7 septembre 1990, article 18.

[xxiii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 5(2010) sur le ministère public et la justice des mineurs, Déclaration de Erevan, 20 octobre 2010, § 26.

[xxiv] Voir les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août - 7 septembre 1990, § 19.

[xxv] Voir la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 14.

[xxvi] Voir la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 13, points a & b. Pour davantage de garanties, voir également les points c à f.

[xxvii] Guja c. Moldova (Grande Chambre), requête n°14277/04, § 86.

[xxviii] Kolevi c. Bulgarie, requête no. 1108/02, 5 février 2010, §§ 148-149; Vasilescu c. Roumanie, requête no. 53/1997/837/1043, 22 mai 1998, §§ 40-41; Pantea c. Roumanie, requête no. 33343/96, 3 septembre 2003, § 238; Moulin c. France, requête no. 37104/06, 23 février 2011, § 57.

[xxix] Kolevi c. Bulgarie, requête n°1108/02, 5 février 2010, § 142.

[xxx] Voir les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août – 7 septembre 1990, § 4.

[xxxi] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 16.

[xxxii] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, §§ 31 et 32.

[xxxiii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, Exposé des motifs (§ 13).

[xxxiv] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation n° R(2000)10 sur les codes de conduite pour les agents publics, 11 mai 2000, § 12, point 1.

[xxxv] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 10.

[xxxvi] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, Exposé des motifs (§ 10).

[xxxvii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 5, points a, b et c.

[xxxviii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, Note explicative, § 37.

[xxxix] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, § 18.

[xl] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 5, points a, b et c.

[xli] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, § 34-35.

[xlii] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, § 37. Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012, § 65.

[xliii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, Note explicative, § 43.

[xliv] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, Note explicative, § 46.

[xlv] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, § 10.

[xlvi] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, § 10.

[xlvii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation CM/Rec(2012)11 sur le rôle du ministère public en dehors du système de justice pénale, 19 septembre 2012, § 8.

[xlviii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, § 10; voir également Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, 11 décembre 2012, § 17.

[xlix] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 8(2013) sur les relations entre procureurs et médias, 9 octobre 2013, Recommandation VII.

[l] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 7.

[li] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, 11 décembre 2012, § 19.

[lii] Voir les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août - 7 septembre 1990, § 7.

[liii] Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012, §§ 68 et 69.

[liv] Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012, § 70.

[lv] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, § 40.

[lvi] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, 11 décembre 2012 ; voir aussi Avis No. 5(2010) sur le ministère public et la justice des mineurs, Déclaration d’Erevan, 20 octobre 2010, § 19.

[lvii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec (2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 5d.

[lviii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec (2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 5 point d.

[lix] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD (2010)040, 3 janvier 2011, §69. Voir également : Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012, § 71.

[lx] Conférence des procureurs généraux d’Europe, 6e session, Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public – « Les lignes directrices de Budapest », CPGE (2005)05, 31 mai 2005, point II.

[lxi] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation n° R (2000)10 sur les codes de conduite pour les agents publics, 11 mai 2000, § 15, points 1, 2, 3.

[lxii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec (2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, §§ 17 et 18.

[lxiii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, § 7.

[lxiv] Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012, § 81.

[lxv] Adaptation du Code d’éthique judiciaire de la Cour pénale internationale.

[lxvi] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation n° R (2000)10 sur les codes de conduite pour les agents publics, 11 mai 2000, article 26 point 3.

[lxvii] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD (2010)040, 3 janvier 2011, §§ 17 et 62.

[lxviii] Conseil des droits de l’homme, Rapport intérimaire de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, 10 août 2010, § 60.

[lxix] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 5 point e. Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, 27 août - 7 septembre 1990, § 22.

[lxx] Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II - le ministère public, CDL-AD(2010)040, 3 janvier 2011, § 61.

[lxxi] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec (2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 5, point g.

[lxxii] Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, A/HRC/20/19, 7 juin 2012, §§ 76 à 78 et 118.

[lxxiii] Conférence des procureurs généraux d’Europe, 6e session, Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public – « Les lignes directrices de Budapest », CPGE(2005)05, 31 mai 2005, point II.

[lxxiv] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, § 10.

[lxxv] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)10 sur les codes de conduite pour les agents publics, 11 mai 2000, § 17.

[lxxvi] Conférence des procureurs généraux d’Europe, 6e session, Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du ministère public – « Les lignes directrices de Budapest », CPGE(2005)05, 31 mai 2005, point II.

[lxxvii] Voir la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 17 ; Voir également l’Avis No. 4(2009) du CCPE, 8 décembre 2009, Note explicative, § 66.

[lxxviii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, § 3.

[lxxix] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 4(2009) sur les relations entre les juges et les procureurs dans une société démocratique, 8 décembre 2009, Déclaration de Bordeaux, Note explicative, §§ 60 et 61.

[lxxx] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 6(2011) sur les relations entre les procureurs et l’administration pénitentiaire, 24 novembre 2011, §§ 16 et 36.

[lxxxi] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 8(2013) sur les relations entre procureurs et médias, 9 octobre 2013, §§ 20 et 22. Voir également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : Arrigo et Vella c. Malte (déc.), requête n°6569/04, 10 mai 2005 ; Yordanova et Toshev c. Bulgarie, requête n°5126/05, § 53, 2 octobre 2012 ; Observer et Guardian c. Royaume-Uni, requête n°13585/88, 26 novembre 1991.

[lxxxii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 16.

[lxxxiii] Voir l’Avis No.4 (2009) du CCPE, Bordeaux Declaration, para 4. Voir aussi Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, 11 décembre 2012, recommandation (i).

[lxxxiv] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, 11 décembre 2012, § 51.

[lxxxv] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 7(2012) sur la gestion des moyens du ministère public, 11 décembre 2012, recommandation (ii).

[lxxxvi] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, § 8.

[lxxxvii] Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, 6 octobre 2000, §§ 38 et 39.

[lxxxviii] Conseil consultatif de procureurs européens, Avis No. 1(2007) sur les moyens d’améliorer la coopération internationale dans le domaine pénal, 30 novembre 2007, §§ 38 et 39.