Popowo, le 7 juin 2007

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        CCPE-Bu (2007) 15 rev

BUREAU DU

CONSEIL CONSULTATIF DE PROCUREURS EUROPEENS

(CCPE-Bu)

LES MESURES ALTERNATIVES AUX POURSUITES

REPONSES  SUR LE SYSTEME FRANÇAIS 

AU

QUESTIONNAIRE

adopté par le Bureau du CCPE

lors de sa 3e réunion

(Popowo, Pologne, 6-8 juin 2007)


Questionnaire sur les mesures alternatives aux poursuites dans les pays membres du Conseil de l’Europe

I. Introduction

En application du programme cadre d’action générale pour les travaux du CCPE tel qu’approuvé par le Comité des Ministres lors de la 981e réunion des Délégués des Ministres du 26 novembre 2006, et par le CCPE lors de sa première réunion à Moscou le 6 juillet 2006, le Bureau du CCPE à la suite de la Conférence des Procureurs Généraux d’Europe (CPGE) tenue à Celle du 23 au 25 juin 2004, sur le thème : « Les rapports entre le ministère public et la police » a décidé de réaliser une étude sur l’adoption des mesures alternatives à la poursuite afin de pouvoir identifier les meilleures pratiques suivies dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et les promouvoir.

A cette fin, il soumet à l’ensemble des membres nationaux du CCPE le questionnaire ci-joint en leur demandant de remettre leurs réponses, en anglais ou en français, pour le 15 septembre 2007, afin de nourrir la discussion qui aura lieu sur ce thème lors de la prochaine réunion plénière du CCPE au cours de laquelle sera proposée l’adoption d’un Avis.

Le Bureau du CCPE vous remercie d’envoyer vos réponses aux questions suivantes par courrier électronique à son Secrétariat à l’adresse suivante : [email protected], afin que celles-ci puissent être exploitées dans la préparation de la réunion plénière du CCPE où cette question sera à l’ordre du jour.

A noter que les réponses à  ce questionnaire ne seront en aucun cas publiées comme représentant la position ni la situation officielles des Etats sur la question envisagée, elles ne visent qu’à recueillir un échantillon le plus complet des bonnes pratiques en vue de rédiger un document formulant des recommandations sur cette question pour le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), à charge pour les membres du CCPE de recueillir les informations pertinentes auprès des personnes et des praticiens les mieux au fait de cette question dans leur pays. Il ne s’agit donc aucunement d’une évaluation.

II. CONCLUSIONS DE LA CPGE A CELLE

Réunis à CELLE du 23 au 25 Juin 2004, les Procureurs Généraux d’Europe avaient relevé avec satisfaction une tendance à l’harmonisation des objectifs poursuivis en Europe, autour des principes d’intérêt général, d’égalité de tous devant la Loi et d’individualisation de la justice pénale, conformément notamment à la Recommandation Rec(2000)19 du Conseil de L’Europe.

La Conférence des Procureurs Généraux d’Europe avait souhaité la mise en œuvre des principes :

1-     du choix possible entre la réponse pénale et les autres modes de réponse aux actes de délinquance, quel que soit le système de légalité ou d’opportunité des poursuites en vigueur, compte tenu de la nécessité de réprimer les infractions graves au regard de l’intérêt général et en particulier la corruption ou les actes commis par des détenteurs de l’autorité publique ;

2-      du caractère sérieux, crédible et susceptible de prévenir la réitération du délinquant et prenant en compte l’intérêt des victimes, que doit revêtir la mesure alternative ;

3-      du respect dans la mise en œuvre d’un choix alternatif à la voie pénale, de prescriptions légales préservant notamment le droit des victimes, le traitement objectif équitable et impartial du délinquant.

III. DEFINITIONS

Est entendu comme alternative aux poursuites au sens du présent questionnaire, l’abandon momentané ou sous conditions des poursuites dans le cas où une violation de la loi a été commise, qui fait encourir à son auteur une sanction pénale comme l’emprisonnement ou l’amende avec ou sans sursis ainsi que des peines accessoires comme la confiscation, la déchéance de certains droits, etc.
Vous noterez bien que la procédure de plaider coupable devant un tribunal n’entre pas dans le sujet de ce questionnaire en ce qu’elle n’écarte pas la voie pénale.

IV. QUESTIONNAIRE

1.     Quant au cadre légal : votre pays se rattache-t-il au système de légalité ou d’opportunité des poursuites ? Un changement est-il intervenu dans les deux années ou est-il envisagé ? Dans votre pays, quel est le pourcentage des réponses pénales données en 2005 et 2006 aux infractions commises par des auteurs identifiés ? Parmi celles-ci, quelle est la proportion de réponses alternatives aux poursuites ?

La France se rattache au système de l’opportunité des poursuites. Aucun changement n’est intervenu à ce sujet, sur lequel il n’y a pas de projet de réforme.

Le taux de réponse pénale est actuellement de l’ordre de 80%. Ce taux est en augmentation constante de puis 10 ans ; à titre d’exemple il était de 65% en 1998.

Le taux de réponses alternatives aux poursuites pénales a connu une évolution encore plus spectaculaire puisqu’il est passé en dix ans de 13% à 42%.

2.     En présence d’une infraction, vos autorités judiciaires ont-elles le choix entre la voie pénale et d’autres modes de réponse et pouvez-vous préciser lesquels ? Ce choix est-il définitif ou peut-il être remis en cause ?

La catégorie des alternatives aux poursuites, au sens large, est constituée des mesures énoncées à l’article 41-1 ainsi que de la mesure de composition pénale prévue à l’article 41-2 du code de procédure pénale français, même si celle-ci emprunte une partie de son régime aux décisions  juridictionnelles, notamment l’inscription au casier judiciaire. Toutes ces réponses présentent comme caractéristique commune de relever de l’exercice des prérogatives du procureur de la République sans que soit mise en mouvement l’action publique. Les mesures alternatives aux poursuites représentent un moyen essentiel pour les Parquets d’apporter une réponse judiciaire aux infractions commises Leur mise en œuvre est en général confiée à des « délégués du procureur » qui reçoivent une mission en ce sens du procureur et lui rendent compte de l’aboutissement de la mesure. Certaines mesures comme les stages nécessitent des conventions avec le milieu associatif pour leur organisation. Si la personne se conforme à la mesure alternative, la procédure pénale est alors classée sans suite. Les différentes mesures alternatives aux poursuites :

- le rappel à la loi (art. 41-1, 1° CPP) consiste, dans le cadre d’un entretien solennel, à signifier à l’auteur la règle de droit, la peine prévue et les risques de sanction encourues en cas de réitération des faits. Il doit favoriser une prise de conscience chez l’auteur des conséquences de son acte, pour la société, la victime et pour lui-même.

- l’orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle (art. 41-1, 2° CPP) consiste à demander à l’auteur des faits de prendre contact avec un type de structure désignée; Cette mesure peut prendre la forme de “stages” alternatifs aux poursuites: stage de sensibilisation à la sécurité routière, stage parental par exemple en cas de carence éducative grave à l’égard d’un enfant mineur, et stage de citoyenneté, stage sécurité et hygiène alimentaire.

- la régularisation d’une situation constitutive d’une infraction (art. 41-1, 3° CPP) tend à faire disparaître, effectivement et rapidement, une infraction issue de la violation de dispositions législatives ou réglementaires, notamment en demandant à l’intéressé d’obtenir le titre qui lui fait défaut et d'en justifier par exemple présenter un permis de conduire, ou bien, de respecter à l’avenir les normes requises;

- la réparation du dommage résultant des faits (art. 41-1, 4° CPP) recherche le désintéressement effectif de la victime, soit par la restitution de l’objet frauduleusement soustrait, soit par le dédommagement de nature pécuniaire. A la marge, la notion de “réparation” peut revêtir une dimension morale et donc procéder d’une démarche pédagogique comme l’expression d’excuses à l’égard de la victime;

- la mesure de médiation pénale (art.41-1, 5° CPP) consiste, sous l’égide d’un tiers, à mettre en relation l’auteur et la victime afin de trouver un accord sur les modalités de réparation mais aussi de rétablir un lien et de favoriser, autant que possible, les conditions de non réitération de l’infraction alors même que les parties sont appelées à se revoir;

- l’éloignement du domicile familial (art. 41-1, 6° CPP) : qui peut être imposée aux auteurs de violences familiales : mesure introduite par la loi du 4 avril 2006 ;

- la composition pénale (art.41-2, 41-3 du CPP), dont la loi du 9 mars 2004 a notablement étendu le champ d'application, est une transaction proposée par le procureur de la République à l’auteur des faits, consistant en une sanction acceptée par celui-ci et validée par un magistrat du siège: cette mesure constitue une alternative aux poursuites “renforcée” se situant en haut de l’échelle des réponses pénales de ce type. Exemples : amende, dessaisissement de la chose ayant servi ou qui était destinée à commettre l’infraction ou qui en est le produit, immobilisation du véhicule, remise du permis de conduire, travail non rémunéré, stage dans un organisme sanitaire, social ou professionnel, interdiction d’émettre des chèques, interdiction de paraître dans certains lieux, interdiction de rentrer en relation avec la victime ou les coauteurs, interdiction de quitter le territoire français, stage de citoyenneté, éloignement du domicile familial…

- la mesure de réparation pénale (art. 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945) : mesure concernant les mineurs délinquants, elle consiste dans une action éducative à laquelle doit adhérer le mineur, pouvant consister par exemple à effectuer un travail de réflexion et de recherche sur la justice et en l’accomplissement d’une action très concrète de réparation des dommages ou d’une démarche de présentation d’excuses à la victime. 

- l’injonction thérapeutique (art.L.3423-1 du code de la santé publique) : instituée en 1970 comme une réponse au problème de santé publique posée par la toxicomanie, cette mesure est actuellement en désuétude, remplacée par la mesure d’orientation vers une structure sanitaire, d’une utilisation plus facile (l’injonction thérapeutique prévoit la seule intervention du procureur sans délégation possible, les parquets voient leur temps largement occupé à recevoir les contrevenants).

3.      Qui décide de ce choix ? Quel est le rôle spécifique du procureur ?

Le système français permet aux procureurs saisis d’une infraction, de décider de son classement sans suite.

 

La France se rattache en effet au mode d’opportunité des poursuites mais pour autant, la poursuite ou la non poursuite n’est pas la seule alternative qui s’offre au parquet.

A côté du classement de la procédure, sous condition de réparation, l’autorité de poursuite dispose également de toute une palette qui lui permet d’éviter de recourir à des mesures de sanction et de saisir les juges à cette fin. Cela  permet d’alléger la charge des juges et parfois d’atteindre une utilité sociale qu’une condamnation ne réussirait  pas obligatoirement à obtenir.

4.     Y a-t-il des critères conduisant à l’abandon de la voie pénale ?

Les critères de choix

L’extrait ci-après reproduit de circulaire du Ministre Français de la justice valant instruction de la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur du 16 mars 2004, expose bien l’utilisation respective qui peut être faite des différentes mesures alternatives à la disposition des parquets :

« Plusieurs critères permettent de déterminer le choix de la mesure.

Certaines catégories d’infractions, d’une gravité relative, font trop souvent l’objet de classement en opportunité en raison notamment de “la faiblesse du trouble ou du préjudice”. Compte tenu du principe de réponse pénale systématique voulu par le Garde des Sceaux, je vous demande de veiller à ce que le rappel à la loi soit davantage utilisé pour le traitement de ces contentieux, comme les vols à l’étalage commis par des primo-délinquants, et que cette réponse soit, d’une façon générale, mise en oeuvre comme une alternative aux classements. Si, toutefois, une victime souhaite être indemnisée, d’évidence, la procédure sera orientée vers une mesure de réparation et non vers un rappel à la loi.

A l’inverse, la mesure de composition pénale, d’une “densité” particulière compte tenu de sa spécificité procédurale, de son contenu et ses effets juridiques, doit être exclusivement réservée aux affaires qui auraient pu faire l’objet d’une citation devant le tribunal correctionnel. Il convient alors de proposer à l’auteur la mesure de composition la plus adaptée à la situation concrète, en préservant les intérêts de la victime.

Entre ces deux réponses pénales, intervenant sur des champs de gravité bien distincts, les autres alternatives aux poursuites constituent une échelle de mesures dont les critères de mise en oeuvre, souples et variés, doivent tendre vers la réalisation d’objectifs identifiés. Certaines d’entre elles sont principalement axées sur les conséquences de l’acte (réparation du dommage, régularisation d’une situation illicite), tandis que d’autres sont davantage tournées vers les causes de la transgression (orientation vers une structure sociale, sanitaire ou professionnelle): Il apparaît donc que certains contentieux appellent très logiquement certains types de mesures: une atteinte aux biens rend opportune la réparation du dommage; un usage de substances illicites peut justifier une orientation sanitaire... La régularisation d’une situation illicite concerne un champ d’application plus spécifique, dans la mesure où l’infraction procède souvent de la violation d’une réglementation technique, notamment dans les domaines de l’urbanisme ou de l’hygiène et de la sécurité.

La médiation pénale, pour sa part, permet une approche globale de la situation par son double objectif de prévention de la réitération et de désintéressement de la victime. Celle-ci doit être choisie en fonction d’éléments qualitatifs tels que le rapport de proximité entre l’auteur et la victime (cadre familial, voisinage, relation de travail) et l'efficacité attendue de cette mesure, plutôt qu'une comparution devant une juridiction de jugement, pour apaiser le conflit qui oppose les parties.

Il vous revient donc de veiller particulièrement à la cohérence d’ensemble et à l’harmonisation au sein de vos ressorts des critères de choix retenus quant à ces orientations d’action publique qui participent à la crédibilité des mesures alternatives aux poursuites et donc à leur perception par l’opinion publique et les partenaires de l’institution judiciaire. Sur ce point, je vous demande que ces choix d’action publique soient mieux explicités aux élus dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et dans les enceintes habituelles d'exercice de la démocratie ainsi qu’aux officiers de police judiciaire lors de réunions spécifiques consacrées à ce thème. »

5.     Est-il possible que grâce au recours aux alternatives aux poursuites une infraction grave échappe à toute poursuite ?

En vertu du principe de l’opportunité des poursuites, toute infraction pourrait en théorie faire l’objet d’une alternative aux poursuites.

6.     La victime est-elle informée au préalable, est-elle consultée, peut-elle faire un recours en cas d’abandon de la voie pénale, comment ses droits sont-ils préservés ?

La victime est obligatoirement informée des suites données à sa plainte.

Pour certains modes d’alternatives aux poursuites (médiation, réparation composition pénale), elle est même associée à la mesure.

Toute victime peut contester devant le procureur général près la cour d’appel une décision de classement sans suite prise par un procureur de la République.

Toute victime peut également mettre en mouvement l’action publique, soit par la voie de la citation directe devant un tribunal correctionnel ( pour les délits),soit en déposant plainte avec constitution de partie civile devant un juge d’instruction ( pour les crimes et les délits).

7.     Dans la mesure ou le mode de réponse choisi entraîne des obligations à l’égard de celui qui y est soumis – par exemple la réparation d’un dommage – a-t-il une possibilité de recours devant une autorité impartiale (comme par exemple la validation par un juge d’une interdiction de paraître dans certains lieux ou de l’obligation de suivre une formation proposée à titre de transaction) ?

Pour l’alternative au poursuites qui implique le plus de contraintes pour le prévenu (travail d’intérêt général, suspension du permis de conduire,…) c'est-à-dire la composition pénale l’homologation par un juge est obligatoire.

8.     Pouvez-vous donner des exemples précis de modes alternatifs aux poursuites qui vous paraissent particulièrement appropriés à prévenir la réitération par le délinquant et à la prise en compte des intérêts des victimes ?

La réparation pénale implique de la part du prévenu la prise de conscience de la gravité de l’acte commis et, surtout, des dommages causés à autrui. La confrontation avec la souffrance infligée à la victime, que le préjudice soit matériel ou moral, donne un sens à la réparation, pécuniaire ou en nature, qui lui est imposée. Elle est un facteur important de prévention de la récidive. De même, la constation par la victime des efforts fait par l’auteur de l’infraction pour réparer le dommage causé est un moyen efficace d’apaiser les tensions sociales.

La médiation pénale est également un outil précieux pour la prévention de la récidive et la préservation de la paix sociale.

Elle permet à des antagonistes de se parler, favorise un dialogue qui parfois était jusqu’alors impossible et responsabilise l’auteur des faits.

9.     Existe-t-il dans votre pays un mode d’évaluation de l’efficacité des alternatives aux poursuites et quel est-il ?

Il n’y a pas de mode d’évaluation national de l’efficacité des alternatives aux poursuites, mais les parquets peuvent mettre en place le suivi au niveau local

10.  Pouvez-vous indiquer, avec son consentement, les coordonnées d’une ou d’un spécialiste bien identifié(e) sur ces questions en illustrant ce choix par des exemples de son action ?

Monsieur Philippe LEMAIRE,Procureur de la république,Près le Tribunal de Grande instance de Lille est un excellent praticien de ces questions.

Adresse ; TGI de Lille 13 avenue du Peuple Belge

                59034 LILLE CEDEX

E-MAIL : [email protected]

Tél : 0033 (0)3 20.78.35.38

11.  Autres observations : NEANT

Olivier de BAYNAST

Procureur Général près la Cour d’Appel d’Amiens

France