Rapport relatif à la démocratie locale en Roumanie - CG (2) 5 partie II

Présenté par le Groupe de Travail "Démocratie locale en Roumanie": M. De Sabbata (Rapporteur), M. Chénard (Président), M. Onisei, M. Rydberg (pour M. Skard), M. Haller (pour M. Svoboda), Mme Storelli (pour M. Rabe).
Secrétaires du Groupe de Travail : MM. Locatelli et Priore

Rapporteur: M. De Sabbata (Italie)

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INTRODUCTION
Ce rapport sur la démocratie locale en Roumanie, qui suit de quelques mois la Conférence sur "La démocratie locale et le développement", co-organisée à Bucarest du 28 au 30 octobre 1994 par le Gouvernement roumain, le Conseil de l'Europe, l'Union Européenne et la Banque Mondiale, s'insère dans le contexte du monitorage des engagements pris par les gouvernements des Etats membres au moment de leur adhésion au Conseil de l'Europe, exercice proposé par l'Assemblée Parlementaire et décidé par le Comité des Ministres.

Pour ce qui est des engagements pris au niveau de la démocratie locale, lors de la Conférence de Bucarest, les experts du Conseil de l'Europe ont pu constater que la législation roumaine sur l'administration locale, dans ses lignes générales, représente un bon point de départ pour un véritable exercice d'autonomie locale.

Cependant, les experts ont également tenu à souligner que, d'une part cette législation n'est pas de nature, à elle seule, à créer des conditions pour le fonctionnement de l'autonomie locale et d'autre part que, en dehors des compléments législatifs à mettre en place, elle comporte des lacunes et des défauts importants.

Ces constatations, bien que fondées sur une analyse théorique, ont été largement confirmées dans la pratique par une vague de destitutions, de suspensions et de démissions d'élus locaux.

Ces faits, qui ont été portés à la connaissance du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe pendant les derniers mois, témoignent d'une façon très claire des faiblesses et de l'insuffisaince de la législation roumaine en matière d'autonomie locale.

Sur la base de ces informations, le Congrès, considéré l'ampleur du phénomène et alerté par les principales associations des collectivités locales roumaines, a décidé de mener, dans les meilleures délais, une enquête sur la situation réelle de la démocratie locale en Roumanie avec une attention particulière pour :

- les systèmes de contrôle sur les organes des autorités locales de la part des autorités centrales.

- d'autres aspects juridiques en la matière qui, déjà lors de précédentes expertises menées par le Conseil de l'Europe sur la législation roumaine en matière l'autonomie locale, avaient fait l'objet de remarques particulières.

Dans cette perspective, en vue de l'établissement précis des faits et de la préparation d'un rapport détaillé, un Groupe de Travail ad hoc et en particulier son Rapporteur et son Président se sont rendus à Bucarest à plusieurs reprises.

Lors de ses visites sur place ce Groupe, présidé par M. CHENARD (France), a pu rencontrer :

- des représentants qualifiés et à un haut niveau du Gouvernemnt roumain qui ont manifesté une remarquable ouverture et disponibilité ;

- des maires suspendus et destitués dont les cas avaient été sélectionnés par des experts juristes du Groupe de Travail, sur la base de questionnaires spécifiques, comme étant particulièrement significatifs des problèmes observés ;

- des représentants de l'Association des présidents des Judets de Roumanie et de la Fédération des municipalités roumaines.

Parallèlement à ces rencontres, les experts du Groupe de Travail ont accompli :

- une recherche approfondie auprès des instances de contentieux administratif et des autorités judiciaires roumaines concernées ;

- une étude de droit concernant la législation en vertu de laquelle ont été accomplis les actes de destitution et de suspension des organes élus de la part des autorités administratives centrales ;

- une analyse globale du cadre législatif roumain en matière d'autonomie locale qui, encore une fois, a mis en évidence l'absence de normes législatives en matière de finances locales, de propriété communale et régionale, de statut des élus locaux et du personnel local, de coopération intercommunale et de formation.

 

PARTIE I


LE CONTROLE SUR LES ORGANES LOCAUX : LES EPISODES DE DESTITUTION, DE SUSPENSION ET DE DEMISSION DES MAIRES ROUMAINS


I. LA SITUATION DE FACTO


Pendant la période de 1992 à 1995 les autorités administratives centrales roumaines ont destitué de leurs fonctions un grand nombre de maires et de conseillers locaux. D'autres maires ont été suspendus et d'autres encore ont présenté leur démission par écrit.

Cette situation peut être considérée dans le cadre général des organes élus lors des dernières éléctions locales en 1992 :

- nombre de maires élus en 1992 : 2951

- nombre de conseillers locaux élus en 1992 : 40178

Répartition des maires et des conseilleurs municipaux sortants par partis politiques

    Partis

    Conseillers municipaux

    Maires

    Front du Salut Public

    scindé par la suite en:

    16.051

    1.403

    Parti Démocratique Social de Roumanie PDSR (Gouvernement)

    -

    502

    Parti Démocrate PD (Opposition)

    -

    901

    Convention Démocratique de Roumanie CDR ( Opposition)

    8.337

    255

    Parti Agraire PDAR (Opposition)

    4.532

    70

    Indépendants

    2.743

    670

    Union Démocratique des Magyars UDMR (Opposition)

    2.606

117

Parti d'Unité Nationale Roumain PUNR (Gouvernement)

1.510

38


Les chiffres relatifs aux organes locaux qui ont subi une procédure de destitution ou de suspension, ou qui ont présenté spontanémment leurs démissions peuvent être ainsi résumés :

- nombre de maires ayant fait l'objet d'une enquête : 578 (20%)

- nombre des maires dont les Préfets a demandé la destitution : 205

- dont destitutés par le Gouvernement : 133 (4,8%)

- dont rétablis après recours auprès du contencieux administratif : 3

- dont appartenant aux partis au gouvernement : 17

- dont appartenant aux partis d'opposition ou indépendants : 116

- nombre de maires suspendus par les Préfets : environ 50 (2%)

- nombre de maires ayant démissionné : 264 (10%)

- nombre de conseillers locaux révoqués : 98 (0,22%)

 

II. LES TEXTES NORMATIFS ROUMAINS EN MATIERE D'AUTONOMIE LOCALE

1. Avant-propos


D'un point de vue général, il faut observer que les raisons qui sont à la base des épisodes de destitution, de suspension et de démission d'un nombre aussi élévé d'élus locaux peuvent être expliquées par :

- la carence du cadre législatif roumain en matière d'autonomie locale ;

- la non conformité de certaines dispositions de la législation roumaine en matière d'autonomie locale avec les principes fondamentaux contenus dans la Charte européenne de l'autonomie locale ;

- une utilisation impropre de l'arsenal législatif existant de la part des autorités administratives centrales et judiciaires et dans certains cas non conformes aux principes de la Convention européenne des droits de l'homme ;

D'un point de vue pratique, il est important de remarquer que :

- la Constitution, la Loi sur l'administration publique locale n° 69/1991 et la Loi n° 70/1991 sur les élections locales, constituent les seuls textes normatifs actuellement en vigueur qui régissent directement le cadre général de l'organisation de la démocratie locale en Roumanie ;

- en Roumanie, à l'heure actuelle, il n'existe pas encore de textes normatifs sur la propriété communale et régionale, sur les finances locales, sur les statuts et la formation des élus et des fonctionnaires locaux ;

- dans cette situation de carence législative il est très facile pour les élus locaux de commettre des erreurs dont l'appréciation est laissée aux représentants du Gouvernement, dans le cadre d'un pouvoir discrétionnaire presque absolu et de lois le légitimant ;

- aucune action systématique n'a été entreprise en action de formation ni des élus ni des fonctionnaires locaux, malgré les opportunités offertes par les institutions internationales.

2. La Constitution

Les disposition de la Constitution en matière d'autonomie locale établissent que l'administration publique dans les unités administratives et territoriales, les communes et les villes, est fondée sur le principe de l'autonomie locale et sur celui de la décentralisation des services publics, (article 119).

La Constitution prévoit que les organes locaux sont :

- les conseils locaux et les maires, élus dans les conditions de la loi, pour les communes et les villes ;

- les conseils départementaux, qui coordonnent l'activité des conseils communaux et des villes en vue de la mise en place des services publiques d'intérêt régional, pour les départements, (articles 120 et 121).

Au niveau central périphérique la Constitution établie que le Gouvernement nomme un préfet dans chaque département et dans la municipalité de Bucarest.

Le préfet est le représentant du Gouvernement sur le plan local et il dirige les services publics décentralisés des ministères et des autres organes centraux dans les unités administratives territoriales, (paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 122).

Pour ce qui est du contrôle des autorités locales, la Constitution établie que le préfet peut attaquer devant l'instance de contentieux administratif, un acte du conseil départemental, du conseil local ou du maire, au cas où il considère l'acte illégal (art. 122, par. 4).

A ce propos il faut observer qu'il s'agit là d'un simple contrôle sur les actes et pas d'un contrôle sur les personnes.

3. Les dispositions de la Loi sur l'administration publique locale n° 69/1991 relatives au contrôle des organes locaux

Etant donné que l'intérêt principal de ce rapport est représenté par la vague de destitutions, suspensions et démissions d'élus locaux roumains, dans ce paragraphe seront examinées essentiellement les dispositions concernant le contrôle sur les autorités locales de la part des autorités centrales.

Dans la Loi sur l'administration publique locale les principes concernant le contrôle sur les actes des autorités locales sont énoncés dans les articles 12, 88, 100 litt.b et 101 ; par contre les principes concernant le contrôle sur les personnes sont établis par les articles 33, 34, 35, 41 et 46.

Les décisions de destitution et de suspension des élus locaux ont donc été adoptées en vertu des articles concernant le contrôle sur les personnes.

Les articles 34, aux litt. b et c, établissent en effet que le Conseil municipal peut être dissout et le maire destitué, par le biais d'une décision du Gouvernement suite à une proposition motivée du préfet, si ces organes : (...)

- adoptent des décisions contrevenant aux intérêts de l'Etat ou violent l'ordre de droit ;

- compromettent par mauvaise volonté les intérêts de la commune ou de la ville.

L'article 35 prévoit que les conseillers locaux peuvent être destitués selon la même procédure s'ils commettent des actes contraires à la Constitution et aux lois ou compromettent de mauvaise fois les intérêts de la commune ou de la ville.

L'article 46 de la Loi 69/1991 établi que le préfet peut déclarer la suspension du maire pendant une enquête de caractère judiciaire.

D'autre part, le statut des actes des collectivités locales ou régionales n'est clairement précisé nulle part. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une lacune de la loi, mais cette absence de statut des actes des collectivités locales pourrait être considéré comme une zone d'ombre du droit roumain, dont l'éclaircissement pourrait apporter une contribution utile à la solution du problème qui nous occupe.

Suite à cette présentation synthétique des dispositions qui régissent le contrôle sur les collectivités locales, nous tenons ici, sans entrer dans une étude détaillée des dispositions précitées de la loi 69/91, à remarquer une particularité de la loi 69/91 que, pour notre part, nous considérons comme une incohérence.

En effet, la Constitution roumaine à l'article 122, comme nous l'avons vu, qui définit dans les grandes lignes le rôle des Préfets, traite à son paragraphe 4 de la possibilité pour le Préfet d'attaquer devant les tribunaux les actes des collectivités locales.

Par contre, aucune mention n'est faite dans la Constitution à propos du contrôle sur les personnes et à une procédure de suspension ou de destitution des organes élus.

En effet, l'existence dans la loi 69/91 à la fois de dispositions relatives au contrôle sur les actes (articles 12, 88, 100 lit.b et 101) et au contrôle sur les personnes (articles 33, 34, 35, 41 et 46) n'est pas incompatible avec le concept d'autonomie locale, mais, en règle générale, le contrôle exercé sur les personnes devrait être subsidiaire au contrôle exercé sur les actes, et même perçu comme une sorte d'extrema ratio.

Nous pensons pouvoir affirmer que la loi 69/91 suit la même logique, puisque dans les dispositions générales de cette loi (Chapitre I), seul le contrôle des actes des collectivités locales est prévu par l'article 12, à l'exclusion d'une procédure de contrôle sur les personne.

C'est pourtant sur ce point que nous estimons que la législation roumaine souffre d'une certaine incohérence. Le contrôle le plus commun - qui devrait être prioritaire en ce sens d'une part qu'il est le moins attentatoire au principe de l'autonomie locale, et d'autre part suivant une interprétation systématique de la loi 69/91 -, le contrôle sur les actes, implique pour les autorités administratives (en l'occurrence le Préfet), une procédure moins facile que le contrôle sur les personnes.

En effet le contrôle sur les actes, s'il est initié par le Préfet conformément à la compétence que lui confèrent les articles 122 par. 4 de la Constitution, ainsi que 12 et 100 lit. b de la loi 69/91, et selon la procédure prévue par l'article 101 de la loi 69/91, dépend ensuite de la décision des tribunaux compétents.

Inversement, le contrôle sur les personnes est, conformément aux dispositions de l'article 34 et 41, exercé directement par l'autorité administrative, avec a posteriori une possibilité de recours pour les personnes concernées devant les tribunaux.

C'est ce caractère inversement proportionnel entre la lourdeur des procédures et l'ampleur de l'atteinte à l'autonomie locale que nous qualifions d'incohérence.

Nous comprenons dès lors -et l'étude de la pratique le montrera très clairement - que l'autorité administrative soit peu encline à utiliser la procédure la plus lourde et, que par conséquent, elle ait recourt systématiquement à une procédure plus simple pour elle, mais qui se trouve, en particulier lorsqu'elle est utilisée en priorité sur la procédure du contrôle sur les actes, être en contradiction avec le principe général du droit qu'est la proportionnalité des mesures, ainsi que plus particulièrement avec l'article 8 de la Charte européenne de l'autonomie locale, et même avec l'article 122 de la Constitution.

Il nous paraît donc souhaitable, que cette incohérence de la loi 69/91 soit corrigée dans les plus brefs délais, ce qui nous l'espérons permettrait le développement d'une pratique plus conforme aux standards européens en matière d'autonomie locale.

Parmi les dispositions considérées de la loi 69/91, il est d'autres aspects qui mériteraient également d'être reconsidérés. Ainsi les causes de destitution prévues par l'article 34 lit. b) et c) - qui sont d'ailleurs, la pratique le montre, les causes les plus fréquemment invoquées pour prononcer la destitution - font une part beaucoup trop large à des considérations d'opportunité. Il nous paraît en particulier délicat pour le Préfet de juger "des intérêts de la ville ou de la commune" comme le prévoit le motif de destitution indiqué à la lettre c) de l'article 34.

Il semblerait que cet intérêt de la population est mieux garantit par des mécanismes d'élections démocratiques libres au niveau local, que par le jugement que peut faire une autorité administrative non élue par cette population locale et dont elle serait censée représenter les intérêts.

Puisque nous sommes convaincus du contraire, nous estimons que cette situation n'est pas conforme aux principes démocratiques garantissant l'autonomie locale.

Enfin, toujours dans cette analyse sommaire des termes de la loi 69/91 en ce qui concerne le contrôle que peut exercer l'autorité administrative sur les personnes, l'article 46 qui concerne la suspension des maires nous paraît trop imprécis lorsqu'il utilise les termes "d'enquête judiciaire". Selon les experts roumains que nous avons consultés, ce principe n'est d'ailleurs pas clairement défini en droit roumain. Il nous semble d'autre part, notamment par analogie avec des dispositions qui existent dans d'autres législations nationales, qu'il serait plus précis d'utiliser le terme "d'enquête pénale". Il s'agit certes d'une restriction du champ d'application de cet article, mais l'examen de la pratique à l'aune des standards européens en matière d'autonomie locale montre que le libellé actuel conduit en de nombreux cas à une application trop large de cet article.

A ce sujet il nous paraît également important de relever que l'article 46 de la Loi 69/1991 ne précise d'aucune manière quel est le moment initial d'une enquête judiciaire de caractère pénal. Cette lacune offre la possibilité au Préfet de procéder à la suspension d'un maire en dehors d'un véritable exercice de l'action pénale de la part des parquets et donc sans tenir compte des garanties que le code de procédure pénale prévoit en matière de défense dans le cas de mise en examen d'un citoyen en conformité aux principes exprimés dans la Convention européenne des droits de l'homme.

4. Les dispositions de la Loi 69/1991 dans le cadre des principes établis par la Charte européenne de l'autonomie locale

La Charte européenne de l'autonomie locale, dans son article 3 établie que "Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques".

De manière conséquente à cette définition générale, l'article 8 de la Charte définit le "Contrôle administratif des actes des collectivités locales".

Il faut ainsi immédiatement relever que seul le contrôle sur les actes des collectivités locales est envisagé, à l'exclusion de toute forme de contrôle portant sur la personne de leurs agents. Non que la question du statut des élus locaux soit éludée par la Charte; c'est au contraire l'article 7 qui dispose que "Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat". On constate donc que la Charte demande à ce qu'aucune entrave, d'ordre matériel ou réglementaire, ne soit mise à l'exercice du mandat des élus.

Au delà de ces considération préliminaires, nous constatons que pour ce qui est du contrôle des organes locaux, l'article 8 de la Charte européenne de l'autonomie locale pose trois principes fondamentaux :

Le premier principe, énoncé au paragraphe 1, prévoit que "Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi."

Comme nous l'avons relevé dans les chapitres précédents, la Constitution roumaine prévoit que le préfet peut effectivement attaquer devant les tribunaux les actes des conseils de Judet, des conseils communaux ou des maires s'il considère ces actes illégaux.

Toutefois, aucune disposition de la Constitution ne concerne la suspension ou la destitution des élus locaux ou régionaux. Dans cette optique, nous constatons que les épisodes de destitution et de suspension des élus locaux de la part des autorités centrales ne relève en tous cas pas d'un "cas prévu par la Constitution".

Le second principe concernant le contrôle administratif des actes des collectivités locales est posé par le paragraphe 2 qui stipule que "Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu'à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l'opportunité exercée par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l'exécution est déléguée aux collectivités locales."

En effet, la situation en Roumanie va largement au delà d'un simple contrôle de légalité des actes. La raison en est que les dispositions de l'article 34 lit. b) et c) prévoient explicitement un contrôle d'opportunité pour décider de la dissolution d'un Conseil local.

Une telle disposition est difficilement compatible avec le principe de l'article 8 par. 2. de la Charte européenne de l'autonomie locale. La pratique actuelle des autorités administratives roumaines et l'usage très large qui est fait de ces dispositions pour prononcer la destitution de Maires selon l'art. 41 de la loi 69/91 montrent que ces dispositions conduisent à des violations régulières des principes contenus dans la Charte européenne de l'autonomie locale et doivent en conséquence être révisées dans les meilleurs délais.

Le troisième principe, et c'est nous semble-t-il en nous basant sur celui-ci qu'il sera le plus aisé de rechercher une solution à la crise actuelle de l'autonomie locale en Roumanie, est celui de la proportionnalité des mesures de contrôle. En effet, le paragraphe 3 pose le principe du "Respect d'une proportionnalité entre l'ampleur de l'intervention de l'autorité de contrôle et l'importance des intérêts qu'elle entend préserver." En d'autres termes, ce principe commande à l'autorité, lorsqu'elle intervient par le biais d'un contrôle administratif, de faire usage des mesures propres à atteindre le but recherché sans pour autant porter atteinte à d'autres intérêts adjacents.

Selon cette mesure, la pratique des autorités administratives roumaines nous paraît plus que contestable ; en effet, la destitution d'un Maire porte certainement atteinte au principe de l'autonomie locale. Certains cas exceptionnels peuvent justifier cette atteinte. Dans la plupart des autres cas par contre, des mesures moins attentatoires au principe de l'autonomie locale, comme la substitution des actes ou le recours contre le ou les acte(s) considérés comme illégaux, doivent être envisagées.

La loi 69/91 prévoit expressément à ses articles 12, 100 lit. b et surtout 101, que le Préfet peut attaquer un acte des autorités locales pour cause d'illégalité.

Or la pratique montre que la destitution des organes est systématiquement préférée à une action contre leurs actes considérés comme illégaux. Ainsi ce principe de la proportionnalité de l'intervention de l'autorité administrative dans l'exercice de ses mesures de contrôle n'est actuellement pas respecté en Roumanie.

Ce bref examen des principes posés par la Charte européenne de l'autonomie locale en ce qui concerne le contrôle des actes des collectivités locales, mais que nous avons examiné par analogie dans la situation roumaine au contrôle qui est exercé sur les organes - en particulier les maires - des collectivités locales roumaines, montre que la situation actuelle est en contradiction avec les principes de la Charte.

5. Les dispositions d'autres lois prévoyant la destitution des maires


Nous n'avons bien entendu pas eu la possibilité de nous livrer à une analyse exhaustive de l'ensemble de la législation roumaine. Certaines des lois les plus souvent invoquées pour prononcer la destitution des Maires nous ont cependant paru mériter un examen plus détaillé. Il apparaît ainsi que dans l'Arrêt Gouvernemental 728/1992 relatif à l'application de la Loi 18/1991 sur le fonds foncier, l'article 17 § 2 stipule que :

"Si le Maire contrevient à l'intérêt général de l'Etat, il doit être destitué selon la procédure de l'article 41 de la loi 69/91".


Outre le fait, critiquable et déjà critiqué, qu'un tel motif laisse une grande latitude dans l'appréciation de la légalité des comportements des Maires, il nous paraît pour le moins curieux qu'un Arrêt Gouvernamental traitant du fonds foncier fournisse également au juge des instructions relatives à la destitution de Maires, conséquence grave s'il en est. La loi devra veiller à ce que la propriété foncière soit correctement répartie; or la destitution d'un Maire est une question sans effet direct sur l'attribution des parcelles immobilières. Les principes de la systématique juridique tels qu'ils existent dans un état de droit, ne sont pas respectés par l'insertion de cette disposition dans la loi 18/91.

N'ayant analysé que quelques unes des lois roumaines, nous ignorons si des injonctions similaires sont données aux juges dans d'autres lois roumaines. Nous tenons cependant à souligner que la sanction de la destitution d'un Maire est une sanction extrêmement grave et qui ne peut que rester exceptionnelle. En conséquence, elle ne devrait pas se trouver dispersée en différents endroits de la législation roumaine.

6. Premières conclusions

En conclusion de ce chapitre sur les textes normatifs roumains en matière d'autonomie locale, nous pensons par une analyse juridique comparative et rigoureuse, avoir permis de mettre en lumière une partie des difficultés que présente l'actuelle situation roumaine. Paradoxalement donc, une situation qui de prime abord est tout à fait alarmante en ce qui concerne le respect des standards européens en matière d'autonomie locale pourrait se révéler être la conséquence de certaines incohérence rédactionnelles de la loi 69/91, malheureusement amplifiées par la pratique. Le remède pourrait donc être plus accessible que le premier examen de la situation aurait pu le laisser craindre.

III. L'APPLICATION DE LA LOI EN MATIERE DE CONTROLE SUR LES AUTORITES LOCALES PAR LES AUTORITES CENTRALES ROUMAINES


Suite à l'examen approfondi du cadre juridique roumain en matière d'autonomie locale, aux dispositions de la Charte européenne de l'autonomie locale concernant le contrôle sur les organes locaux et les reponses au questionnaire adressé aux maires suspendus ou destitués ce chapitre, de caractère plus pratique, tentera de mettre au clair les effets concrets de l'application de la législation roumaine en matière de contrôle des organes élus des collectivités locales.

A ce sujet, il faut tout d'abord observer que même l'application de la Loi 69/1991 de la part des autorités centrales roumaines, dans un certain nombre de cas, nous paraît contestable pour différentes raisons.

1. L'absence de proportionnalité

Les enquêtes réalisées auprès des Maires destitués font apparaître que dans la plupart des cas, la proposition de destitution n'a pas été précédée de procédures d'annulation des actes du Maire, tel que le prévoit l'article 101 de la loi 69/91. Or de nombreux actes de destitution, comme on peut d'ailleurs le relever dans les publications du moniteur officiel, invoquent des actes particuliers qui sont en infraction avec le droit roumain, (très souvent d'ailleurs la loi 18/91 sur le fonds foncier). Le fait que les actes n'aient pas été attaqués pour illégalité conformément à la procédure prévue par l'article 101 de la loi 69/91 mais qu'ils soient ensuite invoqués au cours d'une procédure de destitution paraît contraire au principe de proportionnalité, qui est un principe général de droit public.

Le Département de l'Administration Locale, confronté à cet argument, nous a fourni les statistiques suivantes. En 1994, 1092 actes de collectivités locales ou régionales ont été attaqués devant des Tribunaux par des Préfets ; il s'agit de :

- 44 actes de conseils de Judet ;

- 26 actes des commissions permanentes de Judet;

- 8 actes émanant de présidents de Judets;

- 790 actes de conseils locaux;

- 244 actes de maires.

Ces chiffres montrent donc qu'il existe bel et bien un contrôle administratif sur les actes des agents des collectivités locales. C'est une bonne chose, mais la statistique montre cependant que le respect du principe de proportionnalité par une utilisation graduelle des sanctions administratives n'est pas pour autant respectée. En effet, les décisions des Conseils locaux sont beaucoup plus souvent portées devant le juge que les décisions prises par les Maires. Or ce sont les Maires qui sont très souvent destitués, et que rarement des Conseillers locaux ou même des Conseils locaux intégralement. On pourrait donc en conclure que le contrôle administratif sur les actes des organes et le contrôle exercé sur la personne des organes ne sont pas nécessairement liés.

2. Le caractère "secret" des procédures

L'enquête réalisée auprès des Maires destitués et suspendus a permis d'établir que :

- dans un grand nombre de cas, les Maires destitués n'ont pas été informés de leur sort par une communication officielle, mais ont appris la nouvelle d'une source extérieure, comme notamment la presse.

- ce n'est souvent que devant l'instance auprès de laquelle il a fait appel que l'élu victime d'une décision administrative est informé de l'ensemble des chefs d'accusation portés contre lui.

- sur la base d'un silence de la loi à ce sujet, dans aucun cas de destitution ou de suspension des élus locaux la décision administrative a été motivée par les autorités competentes.

Dans cette perspective, nous estimons que les procédures administratives relatives à la suspension et à la destitution des élus locaux mentionnées ci-dessus sont inadmissibles dans un Etat de droit.

3. La suspension des maires en dehors d'une enquête judiciaire

Les décisions de suspension en particulier, ne semblent pas toujours respecter les termes de la loi 69/91. Ainsi il semble que certains maires (au moins 19 cas ont été identifiés) auraient été suspendus en l'absence de toute "enquête judiciaire" ouverte contre eux. Cela revient à dire que le Préfet a alors agit en contradiction avec l'article 46 de la loi 69/91. Un tel comportement de certains Préfets peut trouver son origine dans une confusion entre les termes de l'article 35 qui prévoient que "le Préfet peut suspendre de ses fonctions toute personne dont il a demandé la démission", et la disposition de l'article 46 qui prévoit que "Le Préfet peut décider la suspension de fonction du maire, pendant une enquête judiciaire." En ce qui concerne la suspension de Maires, c'est l'article 46 exclusivement qui doit s'appliquer. En effet l'article 35 concerne les membres des conseils locaux, et à ce titre ne devrait pas s'appliquer aux Maires ; les seules dispositions concernant les conseillers locaux qui sont applicables aux maires sont celles contenues à l'article 34 lit. b et c auxquelles l'article 41, consacré aux maires, renvoie mais il n'existe aucun renvoi de ce type en direction de l'article 35. De plus selon le principe général du droit lex specialis derogat generali, l'article 46 devrait, en cas de doute, primer sur l'article 35. Malheureusement, certaines décisions - notamment une décision 65/19 VII 1994-dos.690/94 de la Cour d'appel de Iasi - considèrent que le Préfet peut suspendre toute personne avant sa destitution; cela revient à faire primer l'article 35 sur l'article 46, même pour ce qui est des Maires.

4. L'absence de recours effectif contre les décisions


Il s'agit là d'un problème très sérieux. Contrairement cependant à d'autres problèmes examinés, la difficulté ne provient pas de l'interprétation d'une disposition particulière de la loi 69/91, mais d'une combinaison de facteurs qui rendent l'accès à un recours fort délicat.

Tout d'abord, l'absence de communication détaillée des motivations d'une destitution ou d'une suspension, et l'absence d'indication de l'existence de procédure de recours et des délais dans lesquels il convient de les interjeter a conduit certains Maires - comme ils l'ont indiqué par écrit en réponse au questionnaire élaboré par les experts du Conseil de l'Europe - à ne pas formuler de recours contre la décision. Une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme indique que la connaissance par une personne accusée des voies de recours existantes contre l'accusation portée contre elle est un préalable nécessaire à l'existence d'un droit de recours effectif.

Ensuite, de nombreux maires n'ont pas les moyens financiers de formuler un recours. Il ne s'agit, lorsque les maires invoquent des difficultés financières, pas uniquement des frais inhérents à la procédure, mais de la conséquence d'une interprétation fort restrictive qui est donnée de l'article 37 de la loi 69/91 in fine qui stipule que "Pour toute la durée du mandat du maire et du maire adjoint, le contrat de travail de ceux-ci dans les régies autonomes, les sociétés commerciales à capital d'Etat ou dans les institutions budgétaires est suspendu." Si la ratio de cette disposition est clairement compréhensible, une difficulté concrète se pose dans les cas de suspension du mandat de maire, décidée par le Préfet conformément à l'article 46 de la loi. En effet, la suspension ne correspond pas à la fin de la durée du mandat, et les maires qui choisissent d'exercer une activité économique pendant la période de suspension du mandat sont d'office considérés par l'autorité administrative comme ayant renoncé à l'exercice de leur mandat. Il s'agit là d'une interprétation abusive, nous semble-t-il, de la disposition de l'article 37, qui si elle ne viole pas la lettre de cette disposition, en travestit cependant l'esprit. La conséquence pour de nombreux maires qui sont privés de revenus durant la durée de leur suspension, est de renoncer à interjeter un recours pour cette raison économique et préférer retrouver un emploi.

Un autre obstacle à l'existence à un recours effectif, contre la procédure de destitution cette fois, est la conséquence de l'organisation de nouvelles élections dans un délai de 60 jours après le prononcé de la décision de destitution. Or un recours judiciaire n'a pratiquement aucune chance d'aboutir dans ce délai. Le problème ici est multiple. D'une part, il n'est pas certain que le renvoi de l'article 41 à l'article 34 de la loi 69/91 inclut la question de l'organisation de nouvelles élections dans un délai de 60 jours. L'article 34 vise en effet le cas de la dissolution du Conseil local, cas dans lequel il n'existe plus d'autorités locales pour exercer leurs fonctions. Dans le cas d'un Maire dont le mandat n'est pas terminé de manière certaine, l'article 41 in fine de la loi 69/91 ne prévoit pas l'organisation de nouvelles élections, mais la désignation par le Conseil local d'un Maire adjoint appelé à exercer les fonctions de Maire dans l'intérim. L'intérêt du bon fonctionnement de la collectivité locale permet certes de comprendre la nécessité pour la collectivité de limiter les périodes de vacances du pouvoir ou d'incertitude quant à sa titularité. On conçoit cependant aisément qu'il sera difficile au juge de trancher, dans le cas où le maire viendrait à gagner son recours contre l'autorité administrative, alors que dans le même temps un autre maire a été élu, pour décider lequel des intérêts privilégier. Dans un cas, un maire destitué a été rétabli dans se droits patrimoniaux (salaire), mais n'a pas eu le droit de récupérer son mandat de maire, le juge ne trouvant pas motif dans l'illégalité de la décision ayant motivé la destitution du (premier) maire pour invalider l'élection du second maire. Il est exact que s'il existe une causalité de fait entre les deux situations, il est difficile d'établir le lien juridique permettant d'invalider la nouvelle élection.

Plus grave encore, est l'attitude d'un certain nombre de juridictions qui rejettent l'action de maires destitués parce que de nouvelles élections ont déjà eu lieu, et qu'elles considèrent en conséquence le recours sans objet (c'est notamment l'attitude de la Cour suprême de Justice dans un arrêt No 534/94). Une telle attitude est bien entendu inadmissible du point de vue d'un Etat de droit et constitue un évident déni de justice à l'égard du maire destitué. Un moyen d'éviter cet écueil est pour les maires destitués de demander, parallèlement à leur recours contre la décision de destitution, une mesure conservatoire consistant en la suspension de la procédure relative à de nouvelles élections. La Cour Suprême de Justice admet une telle requête (par exemple la décision 728/3X de 1994), mais ce n'est pas le cas de toutes les cours d'Appel régionales.

Dans cette même perspective nous estimons qu'il n'est pas admissible que la candidature d'un maire à des nouvelles élections locales soit rejetée du fait qu'il a fait l'objet d'un acte administratif de destitution ou de suspension de la part de autorités centrales.

5. Le rôle des Préfets

Certains commentaires que nous avons recueilli durant cette enquête montrent que d'aucun considèrent que les Préfets exercent un rôle excessif, notamment pour ce qui est des décisions de suspensions, qui relèvent de leur seule autorité. Nous avons certes vu que ces décisions ont, selon notre analyse, conduit à des violations de la loi 69/91 (voir le paragraphe 3 de ce chapitre), mais nous ne sommes pas persuadés que ce constat permette d'affirmer que les Préfets jouent nécessairement un rôle excessif. Par contre, nous pensons qu'ils utilisent abusivement le contrôle sur les organes élus des collectivités locales - et, les statistiques le montrent, en particulier les Maires - au détriment du contrôle sur les actes des collectivités locales. Nous expliquons pour notre part cette tendance par le fait que la procédure de contrôle sur les personnes se présente, du point de vue des Préfets comme une procédure de nature exclusivement administrative (elle ne devient judiciaire que si le maire démis de ses fonctions formule un recours auprès d'une juridiction compétente), alors que la procédure de contrôle sur les actes est nécessairement une procédure judiciaire, donc au résultat, du point de vue du Préfet, moins certain.

D'autre part, sur la base d'une analyse approfondie des dossiers relatifs aux maires qui ont fait l'objet d'un acte de suspension de la part du Préfet, nous avons constaté que dans certains cas la décision de suspension du maire a été adoptée le même jour, voire le jour précédent que l'ouverture de l'enquête judiciaire par la magistrature.

Cette situation nous a conduit à reconnaitre que, en certaines occasions, étant donné que selon la Constitution roumanie le Parquet est un organe judiciaire dépendant du pouvoir exécutif, pourrait subsister une sorte de confusion, voire de collusion, entre la foction administrative et la fonction juridictionnelle.

 


PARTIE II

LES RELATIONS INSTITUTIONNELLES ENTRE LES AUTORITES CENTRALES, FEDERALES ET/OU REGIONALES AVEC LES AUTORITES LOCALES : ETUDE DE DROIT COMPARE


I. AVANT-PROPOS


La question des contrôles administratifs que peuvent exercer les autorités centrales (ou régionales dans les Etats fédéraux) sur les collectivités locales est certainement une des meilleures aunes de mesure de la portée et de l'effectivité de l'autonomie locale dans un Etat européen. Le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe consacre d'ailleurs des travaux à l'étude des "relations institutionnelles entre les autorités centrales et régionales et les autorités régionales" dans le cadre du Groupe de travail chargé du suivi et de la mise en oeuvre de la "Charte européenne de l'autonomie locale".

Ces travaux soulignent l'importance qu'il faut accorder à ces questions relativement techniques, mais dont la réponse conditionne dans la pratique le degré d'autonomie dont jouissent les collectivités décentralisées.

Tous les pays, sans exception, connaissent une ou plusieurs formes de contrôle administratif des collectivités locales. Survolons brièvement les dispositions et la pratique de différents Etats européens.

 

II. LES CAS, LES TYPES ET LES CARACTERISTIQUES POLITIQUES ET JURIDIQUES DU CONTROLE SUR LES AUTORITES LOCALES DANS CERTAINS ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L'EUROPE

En Allemagne, la législation allemande A prévu un contrôle de la légalité, qui peut porter sur tous les actes des collectivités locales, mais n'est pas automatique. Ce contrôle s'exerce principalement sur les actes; il peut cependant dans certains Länder, si le contrôle sur les actes s'avère systématiquement insuffisant et conduit à des violations répétées de la loi par les organes communaux, mener à une procédure de substitution des autorités locales, par la nomination d'un commissaire. Le contrôle s'exerce ainsi selon la gradation suivante:

- droit de l'autorité à demander à être informée ;

- désapprobation manifestée par l'autorité de contrôle d'un acte d'une collectivité locale ;

- demande aux organes judiciaires l'annulation de l'acte controversé ;

- en cas de non exécution de la décision judiciaire, substitution dans la prise de décision et exécution forcée ;

- en cas de violation systématique de la loi par les autorités locales et de refus d'y remédier, l'autorité de contrôle peut imposer la nomination d'un commissaire qui prendra en charge une partie ou la totalité des tâches de la commune. "Vu la gravité d'une telle ingérence dans les affaires communales, l'autorité de contrôle ne peut recourir à cette mesure que dans des limites très strictes."

- Dans certains Länder, il est même possible pour l'autorité de contrôle de demander la destitution du Maire, mais uniquement après que toutes les mesures précédentes se soient révélées inefficaces.

On retiendra donc du système de contrôle tel qu'il existe en Allemagne, d'une part la panoplie fort complète d'instruments qu'il propose pour l'exercice de ce contrôle, et d'autre part la gradation de ces mesures, qui doivent être utilisées dans un strict respect du principe de proportionnalité. Les commentateurs relèvent cependant que "malgré l'apparente sévérité des moyens de contrôle étatiques, il est plutôt rare qu'une action de contrôle soit lancée à l'encontre d'une commune."

Le système de contrôle administratif des collectivités locales en Autriche, ressemble fort, dans son principe et ses mécanismes, à celui décrit pour l'Allemagne. La suspension ou la dissolution d'une autorité locale est donc possible, mais elle doit être considérée comme une ultima ratio, à n'utiliser que lorsqu'aucun autre moyen pour assurer le respect de la loi ne fonctionne. Dans tous les cas de figure, le contrôle se limite à la légalité et ne peut porter sur l'opportunité des décisions. Enfin, la Constitution offre aux organes des collectivités locales à l'encontre desquelles s'exerce une procédure de contrôle des garanties procédurales, soit par le biais d'un recours à la Cour constitutionnelle, soit par un recours devant les juridictions administratives.

La Belgique, a allégé en 1984 la tutelle qui pesait sur les communes. Elle n'en reste pas moins "un des systèmes les plus contraignants d'Europe occidentale". L'examen attentif des mécanismes de tutelle en Belgique permet en effet de mettre en évidence leur lourdeur et leur complexité. L'article 162 de la Constitution belge prévoit "l'intervention de l'autorité de tutelle ou du pouvoir législatif pour empêcher que la loi ne soit violée ou l'intérêt général blessé". On constate donc que les textes fondamentaux en droit belge n'excluent pas, même si dans la pratique il est utilisé avec parcimonie, le recours à une forme de contrôle d'opportunité lorsqu'il s'agit d'apprécier les atteintes portées à l'intérêt général. Ce qui distingue pourtant fondamentalement ce système sévère de contrôle des procédures existant en Roumanie, c'est que la tutelle ne s'applique en Belgique que sur les actes des autorités locales, et ne permet pas à l'autorité de contrôle de prendre des mesures à l'encontre des organes des collectivités locales. D'autre part, la procédure de révision de l'article 162 de la Constitution sur lequel se fonde ce système de tutelle est actuellement en cours.

Au Danemark, le principe de l'autonomie locale garanti par la Constitution s'accompagne d'un droit de supervision de l'Etat sur les activités des communes. Ce contrôle est limité à la légalité des actes, et ne s'exerce que lorsque l'illégalité est flagrante. Pour ce qui est d'un contrôle exercé directement sur les organes, il n'existe pas de base légale qui permettrait de suspendre ou de révoquer une autorité locale élue démocratiquement. Il est cependant possible, sous certaines conditions, que les tribunaux soient amenés à constater le manquement d'un élu local à ses obligations, et que celui-ci soit condamné à une amende ; c'est la seule sanction possible - à l'exclusion de condamnations pénales n'ayant rien à voir avec l'exercice du mandat d'élu - contre les organes élus locaux au Danemark.

En Espagne, la portée de l'autonomie locale a été pour l'essentiel déterminée par une sentence du Tribunal constitutionnel du 2 février 1981, laquelle déclare inconstitutionnel tout contrôle d'opportunité des actes des collectivités locales par une autorité supérieure (à l'exception de cas spécifiquement fondés sur la Constitution) et surtout considère comme inconstitutionnel le pouvoir de suspendre ou de destituer les présidents ou les membres des assemblées locales, que ce soit pour mauvaise conduite ou négligence grave ou pour des motifs d'ordre public. Même une proposition de suspension de l'autorité locale pour une période limitée à soixante jours dans un cas où l'intérêt général est en jeu a été considérée comme contraire au principe constitutionnel de l'autonomie. Cette même sentence précise clairement que tout contrôle, quelque soit sa forme, ne pourra que porter sur la légalité des actes, et non sur leur opportunité. La loi No 7/1985 sur les bases du régime local prévoit cependant deux hypothèses exceptionnelles à son article 61, qui peuvent conduire à la destitution d'un organe local élu. Outre des conditions très strictes posées sur le fond, une telle décision doit émaner du Conseil des Ministres, après approbation préalable du Sénat.

En France, depuis 1982, les autorités étatiques ne peuvent plus qu'exercer un recours devant le tribunal compétent sur les actes des collectivités locales. Aucun recours de type administratif ne peut conduire à la suspension ou à la destitution d'organes élus au niveau local. En cas de procédures pénales engagées contre un élu local, son mandat ne peut se trouver affecté que par une décision exécutoire d'un Tribunal.

Un contrôle sur les personnes existe en Grèce. On peut en tirer la conclusion, comme semble le faire le Conseil d'Etat Grec, que les collectivités locales dans ce pays ne disposent pas de l'autonomie locale. Cet état de fait n'a cependant, il faut le souligner, pas empêché la Grèce de ratifier - avec des réserves il est vrai - la Charte européenne de l'autonomie locale. Les procédures de suspension (limitée à une période maximale de trois mois) et de "déchéance" sont initiées par le Préfet, soit pour des manquement à des obligations précises, soit pour des motifs d'intérêt public. Ces actes des Préfets peuvent être attaqués par les intéressés par des recours de type hiérarchique d'abord, puis si nécessaire juridictionnel ; les recours ont alors un effet suspensif, et les mesures de suspension ou de destitution ne prennent effet que lorsqu'un jugement définitif est prononcé. Soulignons cependant que ces procédures n'ont, dans la pratique, pas été appliquées depuis la fin de la dictature.

En Irlande, les lois sur le gouvernement local de 1941 et 1946 permettent au Ministre responsable des collectivités locales de destituer les élus locaux dans quatre cas:

"- incapacité de réaliser une tâche fixée par la loi ;

- défaut de fixation d'un taux d'impôt suffisant, compte non certifié ;


- décisions prises en l'absence de quorum ;


- échec de l'administration à exercer de façon satisfaisante ses fonctions.
" On constate que l'une au moins des causes de destitution relève de l'opportunité, ce qui permet d'affirmer que "le système irlandais reste l'un des plus centralisés d'Europe". Dans la pratique, deux cas de destitutions ont été enregistrés en 1969, et l'un en 1985, ce qui montre qu'une telle procédure conserve un aspect exceptionnel, sans commune mesure avec les observations que nous avons pu faire en Roumanie.

La législation en Italie prévoit effectivement des cas de contrôle sur les organes élus au niveau local. D'une part la loi organique 142/1990 et la loi 81/1993 permettent au Président de la République de dissoudre un Conseil local, sur proposition du Ministre de l'Intérieur,

- soit lorsque la collectivité locale viole la Constitution ;

- soit qu'elle enfreigne manière répétée et sérieuse la loi ;

- soit pour des motifs d'ordre public ;

- soit encore lorsque le fonctionnement satisfaisant des organes et des services de la collectivité ne peut être garanti.

D'autre part, les lois concernant la lutte contre le crime organisé (lois anti-mafia) prévoient également des circonstances dans lesquelles des organes élus peuvent être destitués. Tout acte de l'autorité de contrôle à l'encontre des organes élus est susceptible de recours, mais le recours n'a pas un effet suspensif automatique (l'effet suspensif doit être demandé par le requérant au juge, lequel est tenu de l'accorder sauf en cas manifeste de mauvaise foi du requérant). Dans la pratique le premier type de dissolution ne semble pas être rare ; cependant, étant donné le grand nombre de communes italiennes, ce chiffre reste certainement en deça d'un pour-cent. Le second cas (contact avec le crime organisé) est rare.

Le Luxembourg, connaît un système de tutelle qui n'est pas sans rappeler le modèle belge. Cette tutelle s'exerce uniquement sur les actes des organes des collectivités locales, à l'exclusion de tout contrôle administratif sur leur personne.

Aux Pays-Bas, c'est également le principe de la tutelle qui régit les contrôles exercés par les autorités nationales sur les collectivités locales. Trois types de tutelle existent ; la tutelle préventive, la tutelle répressive et la tutelle de substitution. Les deux premières concernent les actes des collectivités locales, alors que la troisième a un effet direct sur le statut des élus locaux. En effet, les états députés pour le Conseil de la municipalité et le Commissaire de la Reine pour le Maire peuvent se substituer aux organes locaux élus (le Maire n'est pas élu au suffrage universel aux Pays-Bas). Dans la pratique, la tutelle de substitution n'a été utilisée que 5 fois depuis 1850, la dernière fois en 1948. Ainsi la tutelle répressive "est considérée tant dans la pratique que dans la théorie - comme ultimum remedium".

La loi au Portugal se réfère à la notion de tutelle administrative qui correspond à une vérification du respect de la loi par les organes des autorités locales. Cette forme de tutelle ne concerne que le respect de la légalité et ne peut aucunement s'exercer pour des motifs d'opportunité. Elle ne s'exerce d'autre part que sur les actes de collectivités locales, et non sur les organes directement.

Au Royaume-Uni, le concept de gouvernement local est par nature incompatible avec l'idée d'un contrôle exercé par une autorité supérieure. Par contre, toute personne qui s'estime lésée par l'action d'une autorité locale peut introduire un recours contre un ou plusieurs acte(s) de cette collectivité, et les tribunaux civils auront alors à connaître de la légalité des actes attaqués. Dans le cadre de procédures de contrôle ou d'audit financier, un ou des élus locaux peuvent, en cas d'illégalité avérée, être condamné à une amende (et éventuellement une inéligibilité subséquente pour les cas graves) s'ils est établi que leur responsabilité est engagée suite à une "malversation volontaire".

En Turquie, la Constitution de 1982 donne au Ministre de l'Intérieur le Pouvoir de suspendre un Maire, dans l'attente d'un jugement définitif. Selon le rapport soumis pour la Turquie au questionnaire sur les relations institutionnelles entre les autorités centrales et régionales et les autorités locales du CPLRE, 17 cas de suspension ont été observé en 1992, 12 en 1993 et 12 en 1994. L'auteur de ce rapport considère que ce nombre n'est pas négligeable (environ 1.23% des Maires sur trois ans); il faut cependant souligner que cette décision de suspension est temporaire, et que c'est le pouvoir judiciaire qui décide seul de la destitution d'un élu ou non. Dans l'intérim, un Maire est élu que pour la période intérimaire. C'est à dire qu'à l'issue du jugement du Tribunal le Maire intérimaire cesse son mandat, et soit le Maire antérieur est restitué dans ses fonctions, soit de nouvelles élections sont organisées. Il s'agit là, pour ce qui est des mesures intérimaires, d'une différence majeure avec la procédure telle qu'elle existe en Roumanie.

Nous ne disposions pas de données suffisantes pour traiter de tous les Etats européens, mais les Etats examinés semblent suffisamment représentatifs. D'autre part, les procédures de contrôle de type financier, qui portent sur les budgets - donc sur des actes des collectivités et non sur la personne des élus - n'ont pas été examinées. Par contre, ce bref aperçu des solutions existantes montre clairement la divergence des solutions retenues, entre des pays qui excluent formellement tout contrôle portant sur la personne des élus, et d'autres qui connaissent de tels contrôle. Relevons cependant que dans ce dernier cas, la pratique montre une utilisation extrêmement réservée de ce type de contrôle, avec une possible exception pour l'Italie et la Turquie. De plus, dans tous les cas ou une sanction peut-être exercée par l'autorité de contrôle sur les agents des collectivités locales, on constate d'une part que dans nombre de pays cette possibilité n'est pas appliquée ou extrêmement rarement appliquée dans la pratique. D'autre part, qu'une telle décision fait toujours l'objet d'une possibilité de recours effectif devant un Tribunal compétent (une autorité judiciaire) et non pas une autorité administrative.


PARTIE III


LES CONTACTS AVEC LES REPRESENTANTS DU GOUVERNEMENT ROUMAIN


Lors de ces visites en Roumanie, le Groupe de Travail du CPLRE a rencontré successivement les représentants du Gouvernement roumain suivants :

- M. COZMANCA - Secrétaire d'Etat à l'Administration publique territoriale ;

- M. HREBENCIUC - Secrétaie Général du Gouvernement ;

- M. CONSTANTINESCU - Directeur des relations internationales auprès du Ministère des Affaires Etrangères ;

- M. VACAROIU - Premier ministre.

Suite à ces rencontres, le Groupe de Travail a eu l'impression que les représentants du gouvernement, tout en justifiant les carences de la législation en matière d'autonomie locale par la grave situation économique et l'engorgement du Parlement, reconnaissent :

- l'imprécision des articles incriminés de la loi n° 69 et la nécessité d'adapter la loi n° 69 à la Constitution ;

- la nécessité d'une loi sur l'urbanisme en précisant que la préparation de cette loi est en cours, suite à une expertise du Conseil de l'Europe ;

- quelques excès des préfets dus à la mentalité ancienne et à un manque de formation ;

- l'absence d'une loi sur le patrimoine public national ;

- quelques difficultés à séparer le pouvoir administratif du pouvoir judiciaire, dûes à la transition.

D'autre part, le Groupe a perçu de la part du gouvernement roumain une volonté de :

- procéder à la révision de la loi n° 69, mais aussi, si possible, quelques autres lois ;

- ratifier la Charte européenne de l'autonomie locale.

Les impressions du Groupe de Travail sont actuellement étayées par une communication officielle écrite de la part de M. HREBENCIUC dans laquelle il exprime sa satisfaction pour les discussions positives entretenues avec les représentants du CPLRE et, au nom du Premier Ministre, informe le Président du Groupe et le Président du Congrès que :

- les questions évoquées se trouvent à l'attention du Gouvernement qui a l'intention de présenter devant le Parlement, dans les meilleurs délais, un projet amendé de la Loi 69/1991 conforme à la Constitution ;

- que le Gouvernement veillera à ce que le projet de révison de la Loi 69/1991 soit adopté en temps utile par le Parlement, afin qu'il soit opérationnel avant les élections locales qui auront lieu au printemps prochain ;

- que le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe sera mis au courant des propositions d'amendement de la Loi 69/1991.

Dans cette perspective le Gouvernement exprime officiellement le souhait que les experts juristes du Conseil de l'Europe puissent être consultés en vue de la rédaction finale du projet de révision de la Loi 69/1991.

Cette communication de la part du gouvernement roumain, annexée au présent rapport, témoigne encore une fois que le dialogue qui s'est installé entre les autorités roumaines et les représentants du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe constitue un véritable point de départ pour la modernisation du système concernant l'organisation de l'administration locale en Roumanie.

 

PARTIE IV

CONCLUSIONS


I. AVANT-PROPOS


Les experts du Conseil de l'Europe, déjà consultés sur la conformité de la loi 69/91 avec la Charte européenne de l'autonomie locale, avaient exprimé, malgré certaines réticences envers quelques articles, une confiance raisonnable dans le système roumain pour assurer un fonctionnement correct de l'autonomie locale.

La pratique, et en particulier le nombre très élevé de maires destitués, suspendus ou qui ont démissionné, montre que le pari était trop optimiste, et que des problèmes sérieux subsistent.

Toutefois, en dépit de ces constatations décourageantes et sur la base des résultats positifs que le Groupe de Travail du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe a obtenu avec son engagement, nous souhaitons que ce rapport sur la démocratie locale, auquel ont contribué également les autorités Roumaines, toujours ouvertes et disponibles, puisse représenter aujourd'hui un nouveau départ en vue d'une réelle amélioration des conditions de l'exercice de l'autonomie locale en Roumanie.

D'autre part, nous sommes coinvancus qu'un tel exercice constitue un élément essentiel pour un véritable développement économique endogène et qu'une démocratie solide et diffusée à tout niveau institutionnel, peut favoriser l'insertion de la Roumanie dans le cadre des initiatives de coopération politique et économique existantes aujourd'hui en Europe.

Dans cette perspective, nous concluons notre travail avec des propositions qui pourront aider la Roumanie dans cette phase difficile et délicate de transition démocratique et économique et contribueront peut-être à un véritable projet de modernisation de l'administration locale du pays.

Le Conseil de l'Europe devrait se déclarer disponible, par le biais du programme LODE, pour assister les autorités roumaines dans cette oeuvre de réforme.

 
II. PROPOSITIONS


1. La révision de la Loi 69/91 sur l'administration publique locale


Lors de discussions entre les autorités gouvernementales roumaines et le Groupe de Travail du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l'Europe, le Groupe a appris par les fonctionnaires du gouvernement roumain que le Département responsable de l'administration publique locale est actuellement engagé dans une révision de la loi 69/91.

A ce sujet, les membres du groupe de Travail ont pu apprecier le souhait que les responsables de ce Département à que que des experts du Conseil de l'Europe soient consultés à divers stades d'élaboration de cette loi révisée, afin de garantir la conformité de celle-ci avec les principes de la Charte européenne de l'autonomie locale.

Dans cette perspective, nous tenons ici à souligner que la révision de la Loi 69/1991 devrait être :

- préparée en temps utile avant les prochaines élections locales prévues pour février 1996 ;

- conforme aux dispositions de la Constitution roumaine, en tant que source primaire de droit;

- respectueuse des principes exprimés par la Charte européenne de l'autonomie locale et par la pratique dans la grande majorité des pays membres du Conseil de l'Europe.

En particulier, pour ce qui est du contrôle sur les organes locaux elle devrait :

- mettre l'accent sur le contrôle des actes des élus locaux plutôt que sur le contrôle des élus, tout acte présumé contraire aux lois pouvant être suspendu par les autorités de tutelle jusqu'au moment où une décision définitive sera prise par l'autorité judiciaire compétente.

- supprimer tout contrôle d'opportunité sur les actes des élus locaux pour des actes effectués dans le cadre des compétences propres faisant partie intégrante de l'autonomie locale, en réservant cette tutelle administrative au domaine des compétences déléguées aux autorités locales par une instance supérieure.

Pour ce qui est de la destitution des élus locaux, nous estimons important de ne recourir à cette procédure que suite à une condamnation pénale suffisamment grave pour motiver la remise en cause du verdict du suffrage universel.

Analoguement, il faudrait faire de manière que les élus locaux ne soient suspendus qu'en cas de récidive flagrante, ou sur demande expresse des instances judiciaires dans le cadre d'une enquête pénale dans la mesure où la suspension soit vraiment nécessaire aux fins de l'enquête en cours.

Dans cette optique, il serait souhaitable que, conformément à la révision de la Loi 69/1991 en matière de contrôle sur les élus locaux, sur le plan pratique, soient prises des mesures parallèles visant le rétablissement dans leur droit des maires et des élus locaux indûment suspendus et que soient offertes aux maires destitués qui ont fait la preuve de leur innocence des indemnités de compensation à la hauteur des dommages encourus, ainsi qu'une réhabilitation morale, notamment en vue des prochaines élections municipales.

D'autre part, pour ce qui est du niveau politique le Gouvernement de la Roumanie devrait d'une part éviter que des cas de tension politique puissent devenir une sorte d'encouragement au contrôle et à la sanction des organes locaux et, d'autre part, donner des instructions aux Préfets pour qu'ils respectent les procédures administratives prévues par la loi et, dans les cas de suspension, ils veillent à ce que l'élu local :

- soit informé immédiatement de la décision dûment motivée pour qu'il puisse organiser sa défense ;

- soit informé au préalable des motifs d'ouverture de l'enquête pénale ;

- puisse faire recours auprès des instances du contentieux administratif et judiciaire ;

- ne soit pas démuni de toutes ressources comme c'est le cas actuellement, mais que ses émoluments lui soient garantis jusqu'à la décision de justice qui doit s'ensuivre.

En ce qui concerne les dispositions concernant le Judet la révision législative devrait prévoir d'une part l'éléction directe du Conseil du Judet, conformément à l'article 3, par. 2 de la Charte européenne de l'autonomie locale ainsi que le renforcemment des ses attributions et, d'autre part, clarifier les compétences exécutives du Président et de la délégation permanente par rapport à celles des représentants péripheriques du gouvernement.

Nous pensons que le Judet devrait devenir un véritable moteur de l'action régionale et un représentant des diversités géographiques, économiques et culturelles du pays.

Dans cette perspective, il serait souhaitable qu'aux attributions du Conseil de Judet soient ajoutées les mêmes compétences en matière de coopération transfrontalière dont disposent les communes.

Cet souhait est justifié par le fait que la coopération transfrontalière se développe en particulier au niveau régional.

Enfin, parallèlement à la révision de la Loi 69/1991 sur l'administration publique locale, les autorités roumaines devraient procéder à la ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale.

2. L'adoption des lois complémentaires sur le fonctionnement de l'autonomie locale

Le fonctionnement de l'autonomie locale ne se limite pas à l'énoncé des principes contenus dans la loi de base sur les collectivités locales.

Un certain nombre de lois complémentaires, plus spécialisées, sont indispensables au bon fonctionnement des collectivités locales.

Des projets de loi devraient être préparés - avec la coopération d'experts du Conseil de l'Europe chaque fois que cela s'avère nécessaire - dans les meilleurs délais.

Dans cette perspective, nous tenons ici à souligner la nécessité d'élaborer :

- une loi finances et budgets locaux, consolidant l'autonomie fiscale locale et introduisant des critères objectifs pour les transferts financiers aux collectivités locales, s'inspirant d'objectifs de préréquation financière indispensable au développement équilibré du pays ;

- une loi sur le patrimoine des Conseils locaux et des Conseils de Judet, indispensable à l'exercice d'une gestion locale efficace ;

- une loi sur l'urbanisme pour laquelle l'avis des experts du Conseil de l'Europe a déjà été donné ;

- un statut des élus locaux distinct du statut de la fonction publique, capable de protéger les élus dans l'exercice de leurs fonctions et qui aille au-delà de l'article 111 actuel de la loi n° 69 ;

- un statut de la fonction publique locale suffisamment différencié du statut des fonctionnaires de l'Etat et sauvegardant l'autonomie locale dans le respect de l'article 6 de la Charte européenne de l'autonomie locale.

3. Programmes de formation

Le bon fonctionnement de l'autonomie locale au bénéfice de la population roumaine ne découlera pas uniquement d'un système normatif, aussi élaboré fut-il. Ce sont des femmes et des hommes, à tous les échelons, qui assureront le bon fonctionnement de l'administration publique en Roumanie. En conséquence la mise sur pied, en coopération avec des partenaires d'Etats membres du Conseil de l'Europe de programmes de formation nous paraît être une des conditions indispensables du bon fonctionnement de l'autonomie locale en Roumanie.

Ces programmes de formation, spécialement axés sur le fonctionnement efficace et au bénéfice de la population de l'autonomie locale devraient être proposés aux quatre "public-cibles" suivant:

a) les fonctionnaires des Ministères

b) les Préfets

c) les élus locaux

d) les agents des collectivités territoriales

Dans cet esprit les autorités roumaines devraient essayer de:

- mettre à profit les offres d'aides techniques et/ou financières des organisations internationales, en particulier du Conseil de l'Europe (Programme Lode), de l'Union Européenne (Programme Phare), de l'OCDE et de la Banque Mondiale;

- trouver le partenariat nécessaire avec les associations représentatives des pouvoirs locaux et régionaux de Roumanie et d'autres pays européens prêtes à aider les associations roumaines.