Strasbourg, le 23 mai 2002
Rapport sur les élections locales et régionales en Ukraine du 31 mars 2002
Rapporteur : Christopher NEWBURY (Royaume-Uni, L)
Document adopté par le Bureau du Congrès le 7 mai 2002
1. Introduction
Lors de sa réunion du 4 février 2002 à Tampere, Finlande, le Bureau a exprimé son intérêt pour l’envoi d’une délégation du Congrès en Ukraine afin d’y observer les élections locales et régionales du 31 mars 2002. Cet intérêt se fondait sur les rapports1 du Congrès établis dans le cadre du monitoring sur la situation de la démocratie locale et régionale en Ukraine, ainsi que sur la Recommandation 102 (2001) et la Résolution 123 (2001) adoptées en novembre 2001 par la Commission permanente du Congrès à la lumière de ces documents ; elle s’y déclare « très préoccupée par la dégradation de la démocratie et de l’État de droit au niveau local et régional en Ukraine » et y réaffirme sa volonté de continuer d’examiner attentivement les relations problématiques entre les élus locaux et les antennes locales de l’exécutif central, ainsi que d’organiser des missions d’enquête et d’établir des expertises détaillées sur ces questions s’il y a lieu. La Commission permanente se déclare en outre déterminée à suivre la mise en œuvre des recommandations qu’elle a adressées aux autorités ukrainiennes en s’appuyant sur son deuxième rapport de monitoring sur la situation de la démocratie locale et régionale en Ukraine.
À la suite de la décision du Bureau du Congrès, le Directeur exécutif du Congrès, M. Rinaldo LOCATELLI, a adressé le 13 février 2002 une lettre au Représentant permanent de l’Ukraine auprès du Conseil de l’Europe, Mme Siuzanna STANIK, pour demander une invitation officielle de la part des autorités ukrainiennes compétentes.
En réponse à cette demande, le Bureau a reçu une invitation officielle de la part du Ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine, datée du 27 février 2002 (lettre du Secrétaire d’État à l’intégration européenne auprès du Ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine, M. Olexandr CHALYI).
Acceptant cette invitation, le Bureau du Congrès a approuvé, lors de sa réunion du 20 mars 2002 à Strasbourg, l’envoi d’une mission du Congrès pour l’observation des élections locales et régionales en Ukraine.
2. Composition de la délégation
La composition de la délégation du Congrès, approuvée par le Bureau lors de sa réunion du 20 mars 2002 à Strasbourg, est la suivante :
1. Mme Ayse Bahar CEBI (Turquie, L), chef de la délégation ;
2. M. Christopher NEWBURY (Royaume-Uni, L), rapporteur ;
3. Mme Vesselina LUBENOVA (Bulgarie, L) ;
4. M. Vitali PASHENTSEV (Fédération de Russie, L) ;
5. M. Constantinos TATSIS (Grèce, R) ;
6. Mme Theodora NASOU (Grèce, expert) ;
7. Dr Giuseppe LA SCALA (Italie, expert)
Il est apparu toutefois que Mme Vesselina LUBENOVA (Bulgarie) ne pouvait se joindre à la délégation en raison d’engagements imprévus dans son pays.
La délégation était accompagnée de deux membres du Secrétariat du Congrès, MM. Mats LINDBERG et Ivan VOLDIN.
3. Programme de la visite
La Fondation pour l’autonomie locale en Ukraine a mis au point le programme de la visite et organisé l’hébergement à l’hôtel ainsi que les services d’interprétation à Kiev ; la logistique, les transports et les services d’interprétation en province ont été fournis par le Groupe interorganisations et ses antennes régionales. Ce groupe a été créé par décret présidentiel « pour faciliter les activités des observateurs officiels de pays étrangers et d’organisations internationales ». Il s’est révélé très efficace, les équipes d’observateurs ayant pu accomplir leur programme de travail dans les régions sans aucune difficulté.
Le programme comprenait plusieurs réunions et discussions avec des représentants des principaux partis politiques en lice, des candidats aux fonctions de maire et de conseiller, des représentants des commissions électorales, des fonctionnaires de l’administration locale et régionale, ainsi que des représentants des médias et des associations de pouvoirs locaux. Des réunions analogues ont eu lieu dans les quatre régions visitées par les équipes d’observateurs (voir le programme de la visite).
La veille du jour de l’élection, la délégation du Congrès a formé quatre équipes de deux membres chacune, qui se sont rendues dans quatre régions :
Kiev
M. Christopher NEWBURY
Dr Giuseppe LA SCALA
Poltava
Mme Ayse Bahar CEBI
M. Mats LINBERG
Odessa
M. Vitaly PASHENTSEV
M. Ivan VOLODIN
Jitomir
M. Constantinos TATSIS
Mme Theodora NASOU
Ces rencontres ont été utiles et fructueuses ; elles ont aidé la délégation à obtenir le plus d’informations possible sur la campagne électorale.
4. Résumé des conclusions
Les élections locales et régionales en Ukraine se sont déroulées dans un contexte caractérisé depuis plusieurs années par une controverse sur le développement de l’autonomie locale. La campagne électorale a toutefois montré que des progrès ont été accomplis depuis les élections précédentes. Elle a été marquée par l’affrontement entre des candidats individuels plutôt que par un débat sur les programmes des partis et alliances politiques ; l’affrontement se reflétait également dans la couverture de la campagne par les médias, qui ont fait preuve d’une grande partialité.
Le jour des élections, le scrutin s’est globalement déroulé dans la sérénité et le calme. La complexité de ces élections a contribué à créer un certain nombre de problèmes dans les bureaux de vote. En raison du nombre insuffisant d’isoloirs mis à disposition, des files d’attente se sont formées dans certains bureaux de vote et des électeurs ont rempli leurs bulletins à découvert.
Cependant, hormis quelques exceptions, les administrateurs électoraux ont fait preuve d’une grande compétence.
Dans les bureaux de vote, des efforts considérables ont été déployés pour assurer le bon déroulement des élections.
5. Le cadre législatif
Outre la Constitution de l’Ukraine, les principaux textes de loi relatifs aux élections locales et aux organes locaux et régionaux sont les suivants :
– loi sur l’élection des membres et présidents des conseils des villages, agglomérations, districts, villes, arrondissements et régions (1998) ;
– loi sur l’autonomie locale en Ukraine (1997) ;
– loi sur l’élection des membres du Conseil suprême de la République autonome de Crimée (1998, modifiée et amendée en 1998 et 2000).
La loi sur les élections locales a été modifiée le 7 février 2002 par la Verkhovna Rada (Parlement ukrainien) à la lumière des observations du Président, en date du 17 janvier, ainsi que du décret du Président de l’Ukraine sur les dispositions relatives à la mise en œuvre des droits du citoyen, des principes gouvernant une société démocratique, de l’ouverture et de la transparence dans le processus de préparation et d’organisation des élections de 2002, promulgué le 30 octobre 2001.
Les principaux amendements comportaient des dispositions visant à assurer la transparence des élections et à prévenir ou à éliminer un certain nombre de difficultés rencontrées lors des élections précédentes, notamment les dispositions suivantes :
– les élections locales sont financées par l’État. La commission électorale centrale gère le budget correspondant – article 52, paragraphe 2 ;
– les délais pour l’établissement des listes d’électeurs sont établis conformément à la loi sur les élections législatives (30, plutôt que 45 jours avant le jour de l’élection au plus tard) – article 25, paragraphe 7 ;
– le droit de vote peut être exercé sur présentation d’un document permettant d’établir l’identité et la nationalité du porteur (dispositions antérieures : passeport ou tout autre document d’identité, sans mention de la nationalité) – (article 25, paragraphe 9) ;
– le vote en dehors des locaux prévus à cet effet doit être organisé par au moins trois (dispositions antérieures : deux) membres du bureau de vote, désignés par ce dernier –article 43, paragraphe 4 ;
– le jour de l’élection, le scrutin est ouvert de 8h00 à 20h00 (dispositions antérieures : 7h00 à 22h00) – article 39, paragraphe 1 ;
– les protocoles de dépouillement sont établis par les différentes commissions électorales en un nombre d’exemplaires respectivement égal au nombre de membres de la commission en question plus trois exemplaires (article 45, paragraphe 9 et article 46, paragraphe 7). En conséquence, chaque membre de la commission reçoit un exemplaire de ce document ;
– au cas où les élections législatives coïncident avec des élections législatives ou locales en Crimée, des bureaux de vote uniques sont mis en place (article 13, paragraphe 8).
Néanmoins, cette loi présente encore un certain nombre d’insuffisances. Il s’agit notamment, entre autres, de l’absence de dispositions relatives aux observateurs nationaux, de la définition trop générale du droit de vote des membres des forces militaires, et de certaines incohérences avec la loi sur les élections législatives.
La loi sur l’autonomie locale a également connu d’importantes modifications : un nouveau projet de loi daté du 3 avril a fait l’objet d’une première lecture devant le Parlement précédent.
L’un des principaux points critiqués, parmi les dispositions législatives et constitutionnelles antérieures, est le fait que les régions (oblast) et les districts (raion) ne possèdent pas d’organes administratifs propres, la gestion des affaires locales étant assurée par les antennes locales de l’administration centrale2. Les chefs de ces antennes locales sont nommés et révoqués par le Président de l’Ukraine sur proposition du Cabinet des ministres (article 118). Les conseils de région ou de district ont la possibilité de ne pas exprimer leur confiance au chef en question, auquel cas le Président de l’Ukraine tranche et présente une réponse circonstanciée. Lorsque les deux tiers des membres d’un conseil refusent leur confiance au chef de l’administration d’un district ou d’une région, le Président adopte une décision de révocation du fonctionnaire en question.
Par ailleurs, la législation en vigueur définit les conseils de district et de région en tant qu’organes d’autonomie locale représentant les intérêts communs des collectivités territoriales – communes, agglomérations et villes. D’un autre côté, la Constitution et la législation pertinente ne reconnaissent pas les communautés locales composant les régions et les districts comme des communautés distinctes, ayant leur propre personnalité juridique. En conséquence, le pays « ne possède pas de système démocratique d’autonomie régionale reconnu par la loi »3. Dans ce contexte, on peut affirmer sans grande exagération que le niveau régional de gestion des affaires publiques n’existe qu’en Crimée.
En ce qui concerne le nouveau projet de loi, qui a fait l’objet d’une première lecture au Parlement, il s’agit « en fait d’un nouveau texte de loi, et non de simples amendements à la loi existante » ; « les améliorations qu’il comporte par rapport à la situation actuelle s’inscrivent dans le cadre de la conception des collectivités locales qui résulte de la Constitution ». Les experts ont estimé, dans l’ensemble, que ce texte « a pour objectif de rapprocher le régime de l’administration locale en Ukraine des standards européens », mais aussi qu’il est nécessaire d’y apporter un certain nombre d’améliorations4.
La délégation du Congrès a été informée qu’une nouvelle version du projet de loi a d’ores et déjà été élaborée et approuvée par le Cabinet des Ministres, et que ce texte sera prochainement soumis au nouveau Parlement.
Il convient de souligner que les dispositions légales relatives à l’autonomie locale ne s’appliquent pas à Kiev et Sébastopol, villes dont la gestion doit faire l’objet de lois particulières. Actuellement, les conseils municipaux et de district de ces deux cités ne possèdent pas de services administratifs propres, et leurs chefs, les maires, sont nommés par le Président ukrainien. Étant donné qu’aucune loi n’a été adoptée à ce jour pour Sébastopol, il n’a pas été possible d’y élire un maire.
Les élections locales et régionales ont eu lieu le même jour que les élections législatives, régies par la loi sur l’élection des députés du peuple. Cette loi a été adoptée par le Parlement, signée par le Président Koutchma le 18 octobre 2001, puis modifiée le 4 février 2002. Elle comporte des améliorations considérables par rapport à la législation antérieure et offre de solides garanties pour le respect des engagements de l’Ukraine en matière d’élections démocratiques5.
La majorité des problèmes juridiques observés était liés à l’application de cette loi plutôt qu’à son contenu.
Étant donné que les élections locales et régionales avaient lieu le même jour que les élections législatives, et qu’elles étaient organisées par les mêmes commissions électorales, leur déroulement a été influencé par la loi sur les élections législatives. Il en est résulté un certain nombre de conflits juridiques dus à l’existence de dispositions incompatibles dans les deux lois.
Parmi les actes législatifs et réglementaires jouant également un rôle important dans le contexte des élections locales et régionales, il faut citer les textes suivants :
– la loi sur les partis politiques (2001) ;
– la loi sur la Commission électorale centrale (1997) ;
– les ordonnances de la Commission électorale centrale.
6. Le système électoral
La structure de l’administration locale ukrainienne est d’une grande complexité. Lors des élections locales et régionales, qui ont lieu parallèlement et dans les mêmes bureaux de vote que les élections législatives, les électeurs sont appelés à élire les organes suivants :
– conseils de région ;
– conseils de district ;
– conseils municipaux ;
– conseils de villages et d’agglomérations ;
– conseils d’arrondissement ;
– conseils de Kiev et de Sébastopol, ces deux villes jouissant d’un statut spécial.
Parallèlement, mais dans le cadre de scrutins distincts, sont élus les chefs de ces entités hormis les districts et les régions dont les chefs sont élus par les conseils parmi leurs membres.
Ces élections reposent sur le principe du vote majoritaire, c’est-à-dire que, dans tous les scrutins en question, est élu le candidat qui a reçu le plus grand nombre de voix.
Étant donné que les bulletins à remplir pour les élections législatives sont au nombre de deux, le nombre total de bulletins de vote pour les électeurs participant aux élections locales et régionales est de cinq ou six.
7. La campagne électorale
i. Aspects généraux
Hormis certains cas isolés d’incidents violents, qui ont eu lieu la veille des élections, la campagne électorale s’est globalement déroulée dans le calme. À Odessa, ville tristement célèbre pour la tension et les nombreux incidents qui avaient émaillé la campagne il y a quatre ans, les deux candidats aux fonctions de maire déjà en lice à l’époque ont fait un effort pour que la campagne ne dépasse pas les limites raisonnables.
L’une des principales caractéristiques de cette campagne était la dominance exercée par les élections législatives ; dans tous le pays, les aspects nationaux ont masqué les aspects locaux. La distinction entre les élections locales et les élections nationales s’est estompée jusqu’à provoquer une profonde confusion parmi les électeurs.
Le déluge d’informations sur les partis et alliances politiques se présentant aux élections législatives a masqué en grande partie les informations relatives aux candidats aux conseils locaux. Des sondages effectués au hasard dans les rues de Kiev et d’Odessa ont fait apparaître une situation particulière : en général, les électeurs étaient mieux informés sur les élections nationales que sur les élections locales. Rares sont ceux qui ont pu nous indiquer le nom d’un candidat aux fonctions de maire autre que le maire sortant, alors que l’on comptait une douzaine de candidats.
ii. Médias
La télévision est le moyen de communication qui a le plus fortement influencé la campagne électorale, pour les élections locales comme pour les élections nationales. Selon le rapport de l’Institut européen de la communication, la situation s’est améliorée par rapport aux élections précédentes, les médias ayant offert aux électeurs une diversité et un volume d’informations susceptibles de les aider à faire un choix politique6. Toutefois, comme le souligne ce rapport, l’information fournie par les médias était loin d’être impartiale et équilibrée. La presse écrite, notamment, était particulièrement partisane.
En revanche, la presse locale s’est concentrée sur les élections locales, publiant nombre d’articles qui étaient le plus souvent nettement favorables à un candidat précis.
iii. Plaintes
La délégation du Congrès a eu connaissance de plusieurs plaintes alléguant des inégalités dans l’accès des candidats aux médias ainsi qu’une partialité des médias dans la couverture de la campagne ; il a également été question de l’utilisation, par les fonctionnaires des services administratifs locaux et régionaux, des ressources administratives à des fins électorales. Des allégations analogues ont été formulées par les candidats aux fonctions de maire de Kiev et d’Odessa, MM. KOSSAKIVSKY et GURVITS. Le premier a retiré sa candidature la veille des élections, accusant les fonctionnaires municipaux de pratiquer un « blocus de l’information » à son encontre. Le second a fait une déclaration à la presse après les élections, remportées par le maire sortant M. BEDOLAN.
Il a également été question de ressources financières insuffisantes, empêchant les candidats indépendants et les représentants de partis et alliances politiques mineures de financer des campagnes politiques dans la presse ou d’autres médias.
À l’opposé, il y aurait également eu des abus dans l’utilisation de la presse par certains candidats. On a évoqué notamment le cas d’une candidate au conseil municipal d’Odessa rédactrice en chef d’un quotidien dont elle aurait utilisé les colonnes pour promouvoir sa propre candidature, laquelle a finalement été annulée par décision judiciaire.
Les équipes d’observateurs déployés en province ont constaté une certaine confusion concernant la nomination des commissions électorales ; en raison de cette confusion, plusieurs membres de commissions ont été contraints de se retirer après avoir pris leur service, ce qui n’a pas été sans conséquence pour le travail des commissions concernées. Ces observations sont confirmées par le rapport de l’OSCE/ODIHR, qui souligne qu’à la suite du retrait ou de l’exclusion de membres de commissions électorales de district et de bureaux de vote, environ 50 % de ces équipes présentaient l’effectif minimum de huit personnes7.
8. Jour de l’élection
Le jour de l’élection, les équipes d’observateurs de la délégation du Congrès se sont rendues dans 54 bureaux de vote situés dans quatre régions, à Odessa, Poltava, Jitomir, Mirgorod, Illitchevsk et Kiev, ainsi que dans plusieurs petites agglomérations dans les environs de la capitale.
Il n’y a pas eu d’incident majeur le jour de l’élection ; de l’avis de la délégation, cette journée a été un succès.
L’un des principaux éléments ayant contribué à ce résultat positif tient à la présence nombreuse d’observateurs nationaux des différents partis et alliances politiques et des ONG. Ces observateurs étaient en grande partie très bien formés et en possession de questionnaires bien conçus pour examiner les procédures de vote et de comptage, et pour établir leur conformité aux dispositions pertinentes de la loi électorale. En revanche, les connaissances des observateurs concernant la loi sur les élections locales étaient très limitées.
Les observateurs nationaux n’ont pas rapporté d’irrégularités graves durant le jour de l’élection. Hormis quelques exceptions, les bureaux de vote ont travaillé avec compétence. À certains moments de la journée, ils ont toutefois eu de grandes difficultés à faire en sorte que les électeurs puissent voter dans de bonnes conditions, car l’affluence était très forte et les isoloirs en nombre insuffisant. De nombreux électeurs ont préféré remplir leurs bulletins à découvert plutôt que de faire la queue devant les isoloirs, compromettant ainsi la confidentialité du vote. Certains électeurs ont déclaré s’être rendus plusieurs fois au bureau de vote au cours de la journée et avoir fait demi-tour à la vue des longues files d’attente et de l’affluence.
En outre, les observateurs ont remarqué des différences dans les pratiques en usage dans les bureaux de vote. Il s’agit des points suivants :
– Dans la plupart des bureaux de vote, aucun tampon n’était apposé sur les bulletins des élections locales et régionales, tandis que c’était le cas dans d’autres bureaux. Les bulletins ne portaient pas de numéro de série. La loi sur les élections locales ne comporte pas, semble-t-il, de dispositions en la matière. Il serait certainement bénéfique, en termes de sécurité, d’instaurer la numérotation des bulletins ainsi que l’apposition obligatoire de tampons dans les bureaux de vote.
– Dans la plupart des bureaux de vote, tous les bulletins (pour les élections nationales, régionales et locales) étaient déposés dans une seule et même urne, tandis que d’autres bureaux utilisaient des urnes distinctes pour chaque élection. Il semble que la loi ne comporte pas de dispositions à cet égard, mais il serait souhaitable d’utiliser une méthode cohérente pour éviter toute confusion ; l’utilisation d’urnes distinctes permettrait probablement de faciliter grandement le dépouillement du scrutin.
– Certains bureaux de vote avaient, semble-t-il, du mal à établir qui, parmi les militaires en service, avait le droit de voter aux élections locales.
– La législation électorale charge les représentants de la force publique de veiller sur les urnes ; aussi un agent de police en armes était-il en service auprès de chaque bureau de vote. Or, cet agent se tenait souvent à l’intérieur du bureau de vote, ce qui, sans constituer une infraction à la législation électorale, n’est pas conforme aux normes européennes.
9. Résultat de l’élection
Le Congrès n’a pas encore reçu les résultats complets des élections municipales et régionales. La participation, de presque 70 %, était supérieure à la moyenne. On trouvera ci-dessous quelques résultats à titre d’exemple.
À Kiev, le maire sortant, M. Olexandr OMELCHINKO, a été réélu ; son parti, Unité, a gagné 65 des 90 sièges du conseil municipal. La deuxième formation politique, avec seulement 18 sièges, est Notre Ukraine. À Odessa, le maire sortant, M. BODELAN, l’a emporté sur son prédécesseur, M. GURVITZ. En Crimée, l’ancien président a été réélu en dépit du fait que son nom aurait dû être rayé des bulletins de vote en vertu d’une décision judiciaire rendue la veille des élections8.
10. Le lendemain de l’élection
Le lendemain de l’élection, la délégation du Congrès a rencontré les représentants des trois associations de pouvoirs locaux : l’Union des villes d’Ukraine, la Fondation pour l’autonomie locale en Ukraine et l’Union des chefs des pouvoirs locaux et régionaux d’Ukraine. Ces organisations ont expliqué n’avoir pas participé directement à la campagne électorale, mais avoir en partie soutenu certains candidats à titre individuel. Leur rôle, ont-elles estimé, consiste avant tout à favoriser l’adoption d’une nouvelle législation conforme à la Charte européenne de l’autonomie locale.
Les organisations représentées possédaient des points de vue divergents sur la question de savoir si les élections locales et régionales doivent avoir lieu à une autre date que les législatives. Certaines organisations étaient favorables à cette idée tandis que, pour d’autres, le risque d’affluence étant toujours présent, la tenue d’élections locales parallèlement aux élections législatives est un moyen de limiter les possibilités de fraude.
La délégation a eu connaissance de la plainte de l’ancien maire de Vasilkiv, qui estime avoir été injustement privé de son droit de se porter candidat aux fonctions de maire et au conseil régional.
L’après-midi, une conférence de presse a été organisée à l’agence ukrainienne de l’information. Le chef de la délégation, Mme Ayse Bahar CEBI, y a fait une déclaration à la presse et a répondu aux questions posées par une trentaine de journalistes et plusieurs représentants de chaînes de télévision (voir la déclaration à la presse).
11. Les missions internationales d’observation en Ukraine
i. Délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Les élections législatives ont été observées par une délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui a choisi d’agir indépendamment de la délégation du Congrès. La délégation de l’Assemblée parlementaire a tenu une conférence de presse commune avec la délégation de l’OSCE.
ii. Mission OSCE/ODIHR
La délégation du Congrès a pris contact avec la mission d’observation des élections de l’OSCE/ODIHR longtemps à l’avance. Les contacts ont été cordiaux et fructueux. La délégation du Congrès a été invitée à une réunion d’information organisée par la MOE le 29 mars à Kiev.
12. Conclusions et recommandations
La mission d’observation du Congrès s’est déroulée sans problème majeur. La délégation a pu observer en toute liberté les derniers préparatifs avant le scrutin ainsi que les opérations de vote dans les régions où elle avait déployé des équipes d’observateurs.
En dépit de la situation dans certains bureaux de vote, surpeuplés et insuffisamment équipés en isoloirs – situation qui a conduit de nombreux électeurs à remplir leur bulletin à découvert –, le vote s’est globalement déroulé dans la sérénité et le calme. Hormis quelques exceptions, les administrateurs électoraux se sont acquittés de leur tâche avec une grande compétence.
La tenue d’élections locales et régionales en même temps que d’élections législatives a considérablement alourdi toutes les procédures. Il semblerait que nombre d’électeurs, notamment parmi les plus âgés, aient eu des difficultés à remplir les bulletins de vote.
C’est pourquoi la délégation recommande aux autorités ukrainiennes d’envisager la possibilité d’organiser séparément les élections locales et régionales d’un côté et les élections législatives de l’autre.
La délégation estime que l’absence, dans certains processus des élections locales et régionales, de dispositions relatives aux tampons à apposer sur les bulletins de vote, demande à être réexaminée. L’apposition de tampons officiels sur tous les bulletins de vote et l’instauration d’une numérotation des bulletins pourraient accroître la sécurité du scrutin.
La délégation est d’avis qu’il serait également utile de mettre au point des dispositions légales claires en ce qui concerne le droit de vote aux élections locales et régionales de certains groupes d’électeurs tels que les membres des forces militaires.
La délégation regrette qu’il n’ait pas été possible d’élire le maire de Sébastopol en raison de l’absence de dispositions légales pertinentes. Elle souligne que l’absence de dispositions légales concernant l’élection des maires de Kiev et de Sébastopol est contraire à la Charte européenne de l’autonomie locale, et qu’il convient de trouver une solution à ce problème.
L’une des caractéristiques marquantes de la campagne électorale (concernant les élections aux organes nationaux et locaux ainsi qu’aux fonctions de maire et de chef de service administratif) était la prédominance de l’affrontement entre des candidats individuels, éclipsant le débat sur les programmes politiques. Cette caractéristique se reflétait également dans la couverture médiatique de la campagne ainsi que dans les plaintes formulées par les représentants des partis et alliances politiques ainsi que des associations de pouvoirs locaux. Certaines de ces associations ont même mis en doute le droit des partis à nommer leurs candidats, en contradiction avec les dispositions légales relatives aux élections locales.
La délégation est au contraire convaincue que, étant donné le déficit législatif et le manque de confiance dans les institutions démocratiques, les partis politiques ont un rôle important à jouer pour renforcer la démocratie locale en Ukraine.
La délégation estime que ces élections locales et régionales apporteront une contribution majeure à la démocratie locale en Ukraine, même s’il y a d’importantes leçons à tirer de ce scrutin.
À l’évidence, les nouveaux élus auront besoin d’apprendre à élaborer des politiques, notamment pour forger une vision commune du développement durable. En apportant une aide plus cohérente à ces efforts, le Congrès pourrait jouer un rôle essentiel dans la réussite des initiatives locales en la matière. Les organisations de formation professionnelle telles que le Réseau européen des institutions de formation des collectivités territoriales (ENTO) ont une mission importante à remplir à cet égard ; il s’agit de mettre en place, en collaboration avec les institutions compétentes ukrainiennes, des programmes d’aide à la formation des membres des pouvoirs locaux et régionaux.
CPLRE/ns
13. Appendix 1 : Programme (english only)
Observation mission for local and regional elections in Ukraine
14. Appendix 2 : Communiqué de presse
Déclaration à la presse de Mme Ayse Bahar CEBI, chef de la délégation du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe
À l’invitation du Ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine, une délégation du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe s’est rendue en Ukraine pour observer les élections locales et régionales qui ont eu lieu le 31 mars 2002, le même jour que les élections législatives.
Durant cette visite, la délégation a tenu un certain nombre de réunions auxquelles ont participé des représentants des partis politiques et des candidats, des membres de la commission électorale centrale et de plusieurs commissions de ville et de district, des fonctionnaires de l’administration locale et régionale, ainsi que des représentants des médias.
Ces réunions nous ont permis d’obtenir des informations de première main sur le déroulement de la campagne électorale dans quatre régions, dans lesquelles des équipes d’observation ont été déployées.
Il est apparu à la délégation que la tenue simultanée d’élections locales et régionales et d’élections législatives a réduit l’intérêt du public pour les premières, les questions nationales occupant une place prépondérante dans les débats.
La délégation a reçu des plaintes invoquant des inégalités dans l’accès des candidats aux médias et, pour certains candidats, l’absence de ressources financières pour la présentation de leur projet aux électeurs.
Nous avons constaté une certaine confusion concernant la nomination des bureaux de vote. En conséquence, dans différentes régions, des membres des bureaux ont été contraints de se retirer après avoir pris leur service ; cela n’a pas été sans causer des problèmes, notamment dans les commissions peu nombreuses.
Le jour de l’élection, la délégation du Congrès, répartie en quatre équipes de deux personnes chacune, s’est rendue dans 54 bureaux de vote situés à Odessa, Poltava, Jitomir, Mirgorod, Illitchevsk et Kiev, ainsi que dans plusieurs petites agglomérations dans les environs de la capitale.
Nous n’avons constaté aucun incident majeur durant le scrutin, qui selon nos observations était bien organisé. Les observateurs nationaux ne nous ont rapporté aucun problème important.
La plupart des présidents de bureau de vote étaient indépendants ; à l’exception de quelques-uns, ils se sont acquittés de leur tâche avec une très grande compétence, en dépit du caractère fort laborieux de certaines procédures de vote et de comptage.
Dans les cas où la confidentialité du scrutin était menacée, cela était dû à l’extrême affluence dans les bureaux de vote et au nombre insuffisant d’isoloirs mis à disposition.
Devant cette situation, de nombreux électeurs ont préféré remplir leurs bulletins à découvert plutôt que d’attendre pour accéder à un isoloir. La délégation voit dans cette situation un problème fâcheux dont il faudra tirer les leçons lors des prochaines élections.
La délégation a également été témoin des difficultés rencontrées par certains électeurs souvent pressés de remplir le plus rapidement possible de multiples bulletins.
Le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe est d’avis qu’il y a incompatibilité entre la loi sur les élections locales et la loi sur les élections législatives. Nous estimons en outre, en ce qui concerne l’organisation des élections locales et régionales, que l’absence de dispositions relatives aux tampons à apposer sur les bulletins de vote demande à être réexaminée. L’apposition d’un tampon officiel sur tous les bulletins de vote permettrait d’accroître la sécurité du scrutin.
En conclusion, la délégation du Congrès estime que les élections locales et régionales tenues le 31 mars 2002 en Ukraine ont été un succès et qu’elles renforceront considérablement la démocratie locale dans ce pays, même s’il y a indéniablement des leçons à tirer de ce scrutin.
La délégation du Congrès se composait des membres suivants :
1. Mme Ayse Bahar Cebi, Chef de la délégation, Turquie ;
2. M. Christopher Newbury, rapporteur, Royaume-Uni ;
3. M. Constantinos Tatsis, Grèce ;
4. M. Vitaly Pashentsev, Fédération de Russie ;
5. M. Giuseppe La Scala, expert, Italie ;
6. Mme Theodora Nasou, expert, Grèce ;
7. M. Mats Lindberg, Secrétariat du Congrès ;
8. M. Ivan Volodin, Secrétariat du Congrès.
1 Documents CPLRE CG(8) 22 chap. 11, CG/INS (7) 21 et CG/INS (2).
2 Document CPLRE CG/INST (8) 31, Expertise sur le projet de loi sur l’autonomie locale de l’Ukraine (3 avril 2001), établie par M. Gérard Marcou, Professeur à l’Université Paris I, Panthéon-Sorbonne, et M. Nicolas Levrat, Professeur à l’Université de Genève.
3 Document CPLRE CG (8) 22 chap. II, établi par MM. KIERES et ROPPE, rapporteurs.
4 Document CPLRE CG/INST (8) 31.
5 Rapport de l’OSCE/ODIHR sur l’examen de la loi sur l’élection des députés du peuple – Review of the Law on Elections of People’s Deputies, Ukraine, Election Observation 1, 26 novembre 2001, Varsovie (www.osce.org/documents/reports).
6 Rapport intermédiaire de l’Institut européen de la communication sur la couverture médiatique de la campagne des élections législatives en Ukraine : Preliminary report on Monitoring of Media Coverage during the Parliamentary Elections in Ukraine, March 2002. 1er avril 2002.
7 Rapport intermédiaire de l’OSCE/ODIHR sur la mission d’observation des élections : OSCE/ODIHR Election Observation Mission to Ukraine 2002. Interim Report No 1. 26 February – 11 March 2002 (www.osce.org/documents/reports ).
8 Décision annulée par la Cour suprême d’Ukraine le 19 avril 2002.