CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2003)15

du Comité des Ministres aux Etats membres
sur l’archivage des documents électroniques dans le secteur juridique

(adoptée par le Comité des Ministres le 9 septembre 2003,

lors de la 851e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15. b du Statut du Conseil de l’Europe,

Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres;

Considérant que l’archivage est une partie essentielle du traitement des affaires dans le secteur juridique;

Ayant à l’esprit que divers documents juridiques doivent légalement être conservés pendant de très longues périodes, voire de manière permanente;

Conscient que le nombre croissant des utilisateurs d’ordinateurs et des communications électroniques, la numérisation de l’enregistrement du son et de la vidéo, et l’introduction de systèmes informatiques plus puissants ne manqueront pas d’accroître l’utilisation des documents électroniques dans le secteur juridique;

Ayant présent à l’esprit qu’un nombre croissant de documents juridiques seront produits sous forme électronique conformément à la législation sur la signature électronique;

 

Considérant que des procédures adéquates d’archivage des documents électroniques sont essentielles pour promouvoir la reconnaissance juridique et l’utilisation générale des documents électroniques, des signatures électroniques et du traitement électronique des données dans le secteur juridique;

Reconnaissant que les documents électroniques offrent de nombreux avantages et des fonctionnalités étendues telles que de vastes possibilités d’accès, d’affichage et de communication;

Réalisant en même temps que la conservation des documents électroniques se heurte au problème de la longévité limitée des supports de conservation, de la diversité des formats et des normes des documents, et de l’obsolescence rapide du matériel informatique et des logiciels requis pour leur lisibilité;

Conscient également des problèmes d’organisation, des coûts élevés et des risques liés à la sécurité pour la conservation des documents électroniques;

Déterminé à trouver des solutions appropriées pour l’archivage des documents électroniques dans le secteur juridique;

Reconnaissant en même temps que l’évolution permanente des technologies ne permet pas d’édicter des dispositions techniques définitives dans le domaine de l’archivage des documents électroniques;

Considérant cependant que, lorsque l’on attire l’attention des Etats membres, des organismes du secteur juridique et des services des archives sur les risques et les problèmes liés à l’archivage des documents électroniques, il est essentiel de promouvoir la recherche continue dans ce domaine;

Tenant compte de la Recommandation n° R (95) 11 relative à la sélection, au traitement, à la présentation et à l’archivage des décisions judiciaires dans les systèmes de documentation juridique automatisés, la Recommandation n° R (2000) 13 sur une politique européenne en matière de communication des archives, la Recommandation Rec(2001)2 concernant la conception et la reconception rentables des systèmes judiciaires et des systèmes d’information juridique, la Recommandation Rec(2002)2 sur l’accès aux documents publics et la Recommandation Rec(2003)14 sur l’interopérabilité des systèmes d’information dans le secteur de la justice,

Recommande aux gouvernements des Etats membres:

1.         de mettre en œuvre les principes et les lignes directrices énoncés dans la présente recommandation dans leur législation et leur pratique nationales;

2.         de porter ces principes et lignes directrices à l’attention des personnes et des services responsables de l’archivage des documents électroniques dans le secteur juridique.

1. Définitions

Aux fins de la présente recommandation:

– «l’archivage» signifie la conservation des documents durant des délais prescrits par la législation et les réglementations applicables des Etats membres comprenant les deux stades suivants:

i. «conservation initiale» : la conservation tenant aux finalités primaires pour lesquelles les documents ont été produits en vue de leur valeur probante;

ii. «l’archivage ultérieur» : la conservation tenant à la valeur patrimoniale des documents, au-delà de leurs finalités primaires;

– «les services des archives» signifient les responsables de l’archivage, y compris:

i. «les archivistes» : personnes ou départements au sein des organismes ayant produit ou reçu les documents en question ainsi que les services spécialisés d’archivage responsables de la conservation initiale des documents électroniques;

ii. «les Archives» : les institutions publiques nationales ou les institutions publiques des collectivités territoriales responsables de l’archivage ultérieur, conformément à la législation et aux réglementations applicables des Etats membres;

– «les documents électroniques» concernent des documents, tant les textes que les images, audio et vidéo sous forme numérique, qui ont vocation à créer des droits ou ont une valeur probante et sont susceptibles d’être remis à un dépositaire public;

– «le secteur juridique» comprend toutes les parties prenantes publiques et privées qui agissent comme producteurs ou destinataires de documents électroniques dans le sens de la définition précédente.

2. Dispositions générales

2.1. Les Etats membres devraient s’assurer que le cadre juridique régissant l’archivage s’applique également aux documents électroniques.

2.2. Les documents électroniques devraient être archivés de manière à préserver leur intégrité, leur authentification, leur fiabilité et, le cas échéant, leur confidentialité.

2.3. La lisibilité et l’accessibilité des documents électroniques archivés devraient être assurées dans le temps, en prenant en compte l’évolution des technologies de l’information.

2.4. Comme cela est le cas pour l’archivage des documents papier, les délais de conservation et de communicabilité au public des documents électroniques devraient être définis en collaboration avec les archivistes.

2.5. Aux documents électroniques archivés devraient être associées les métadonnées standardisées relatives au contexte de leur élaboration ainsi que les liens existants avec d’autres documents électroniques ou documents papier ou sur support analogique.

2.6. Les documents électroniques cryptés devraient être archivés sous une forme décryptée.

2.7. La numérisation des documents papier ou sur support analogique peut se justifier en vue d’une meilleure exploitation et traitement des documents, mais ne devrait pas forcément avoir pour vocation à se substituer à l’archivage des documents sous leur forme d’origine.

3. Mesures d’organisation

3.1. La conservation initiale des documents électroniques devrait être assurée soit par les responsables au sein des organismes ayant produit ou reçu les documents en question, soit par l’intermédiaire des services spécialisés d’archivage, en coordination avec les Archives.

3.2. Les Etats membres devraient encourager le fait de raccourcir, après clôture des dossiers concernés, les délais légaux de transfert des documents électroniques aux Archives pour archivage ultérieur.

3.3. Les documents électroniques transmis aux services des archives devraient être accompagnés de leurs métadonnées.

3.4. Les Etats membres devraient s’efforcer de doter les Archives et les organismes du secteur juridique chargés de l’archivage par la loi des ressources nécessaires à l’archivage des documents électroniques.

3.5. Les Archives devraient mettre en œuvre des programmes d’archivage des documents électroniques afin d’acquérir un savoir-faire et d’être ainsi en mesure de fournir les recommandations nécessaires pour l’archivage des documents électroniques aux archivistes et aux autres organismes concernés.

4. Mesures de sécurité

4.1. Toutes les opérations concernant l’archivage des documents électroniques devraient faire l’objet de procédures assurant leur traçabilité.

4.2. Les services des archives devraient s’assurer, éventuellement par l’usage de signatures électroniques ou de tout autre procédé électronique, que les documents électroniques leur soient remis par des personnes ou organismes qualifiés et qu’ils n’aient pas été altérés durant leur transfert.

4.3. L’enregistrement, la modification et l’effacement des documents électroniques dans les dispositifs d’archivage des documents électroniques devraient être exécutés par des spécialistes autorisés et formés pour la mise en œuvre de telles opérations.

4.4. Les Etats membres devraient faciliter l’utilisation des techniques modernes de sécurité pour préserver l’intégrité des documents électroniques archivés, telles que la signature électronique du support de stockage ou le choix de supports de stockage non réinscriptibles.

4.5. Des copies du document électronique archivé devraient être conservées par les services des archives, si possible sur plusieurs supports différents.


4.6. Des procédures devraient être mises en place pour assurer la protection physique des locaux où sont situés les dispositifs d’archivage des documents électroniques, incluant des conditions de stockage adéquates et le contrôle de l’accès. Les dispositifs d’archivage des documents électroniques devraient être soumis à des évaluations périodiques.

5. Mesures de conservation

5.1. Les documents électroniques devraient être archivés en appliquant périodiquement des techniques de migration – le transfert périodique de données d’un support de stockage à un autre ou d’un format à un autre. La migration devrait s’étendre également aux métadonnées relatives aux documents électroniques archivés.

5.2. La migration vers un support de stockage neuf devrait s’effectuer régulièrement, compte tenu des spécificités de dégradation et d’usure du support en question. Les supports de stockage devraient être renouvelés lorsqu’ils deviennent obsolètes à cause du développement technologique des supports et du matériel informatique.

 

5.3. La migration vers de nouveaux formats devrait être réalisée lorsque cela s’avère nécessaire au vu des évolutions technologiques.

5.4. Les Etats membres devraient également encourager la recherche et l’expérimentation sur l’émulation comme méthode alternative de conservation des documents électroniques.

6. Formats des documents

6.1. Les Etats membres devraient faciliter l’uniformité des formats des documents utilisés dans le secteur juridique.

6.2. Les Etats membres devraient veiller à ce que ces formats soient ouverts, internationaux et standardisés, à ce qu’ils permettent les migrations ultérieures des données et le traitement de différentes langues.

6.3. Les services des archives devraient être consultés et associés au choix du format et à la définition des métadonnées afin de veiller à ce qu’il soit dûment tenu compte des exigences liées à l’archivage des documents électroniques.

7. Signatures électroniques

7.1. Comme il est du ressort de l’autorité productrice de vérifier l’authenticité du document électronique par vérification de sa signature électronique au moment où ce document électronique est sous son contrôle et avant sa transmission pour archivage, les services des archives ne devraient pas être obligés de vérifier les signatures électroniques utilisées initialement par ceux qui ont contribué à l’élaboration des documents électroniques certifiés par les signatures électroniques.

7.2. Le document électronique archivé devrait être considéré comme fiable et valide, en l’absence de preuve du contraire, indépendamment de la possibilité d’une vérification continue de sa signature électronique initiale, s’il a fait l’objet d’une transmission sécurisée et a été conservé par les services des archives en conformité avec les dispositions de sécurité énoncées au principe 4.