797e réunion – 29 mai 2002
Point 10.2
Autonomie territoriale et les minorités nationales
Projet de réponse à la Recommandation 43 (1998) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe
(CPLRE Rec 43 (1998), GR-H(2001)3 révisé, CM/Del/Dec(2001)747/1.1 et 796/10.7)
Décision
Les Délégués adoptent la réponse suivante à la Recommandation 43 (1998) du CPLRE sur l’autonomie territoriale et les minorités nationales :
« 1. Le Comité des Ministres a étudié de manière approfondie la Recommandation 43 (1998) sur l’autonomie territoriale et les minorités nationales, adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE), et le texte du projet de recommandation annexé à cette recommandation. Le Comité a sollicité l’avis du Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH).
2. Le Comité des Ministres prend note des idées qui sous-tendent le projet de recommandation qui lui a été soumis. En général, il souscrit à l’idée, reflétée dans son préambule, selon laquelle le principe de subsidiarité peut utilement contribuer à la protection des minorités nationales, particulièrement dans les aires géographiques d’implantation substantielle ou traditionnelle des personnes appartenant à de telles minorités. Il souligne que les mesures visant des formes décentralisées ou locales d’administration sont certes l’un des moyens de promouvoir la participation effective des personnes appartenant à des minorités nationales à la vie culturelle, sociale, économique, ainsi qu’aux affaires publiques, en particulier celles les concernant. A cet égard, le Comité des Ministres souligne que de nombreux exemples d’arrangements, à différents niveaux territoriaux en Europe, pourraient être considérés comme de bonnes pratiques.
3. Le Comité des Ministres est d’avis que le caractère approprié de telles mesures dépend en grande partie de facteurs tels que le cadre constitutionnel du pays et la situation spécifique des minorités nationales. Il est donc préférable de prendre en compte les différents facteurs pertinents lors de prises de décision concernant de telles questions.
4. Le CDDH met le doigt sur un certain nombre de difficultés juridiques soulevées par ce texte, notamment quant à sa cohérence avec les instruments du Conseil de l'Europe qui existent déjà dans ce domaine et fait des suggestions supplémentaires concernant le texte. Par conséquent, le Comité des Ministres informe le Congrès qu’il ne peut pas accepter la recommandation proposée par le Congrès et attire son attention sur l’avis formulé au sein du CDDH annexé à cette réponse.
5. D’un point de vue plus général, le Comité des Ministres rappelle que l’idéal d’une société multiculturelle repose sur la coexistence harmonieuse de groupes ethniques différents, fondée sur une compréhension et un respect mutuels, au sein d’une société donnée. Il note avec satisfaction que le Congrès partage ce point de vue (cf. paragraphe A.h. de la recommandation proposée).
6. Il est clair qu’un Etat pourrait également, dans certaines circonstances et à travers des décisions démocratiques prises dans le cadre de sa Constitution, juger opportun d’aborder la question de la protection des minorités nationales à travers la subdivision territoriale. Cependant, il convient de garder à l’esprit la nécessité de préserver la cohésion sociale de la population du pays considérée dans son ensemble, et de respecter la politique générale d’intégration poursuivie à cet effet, ainsi que de respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale des Etats. »
Annexe
Avis du CDDH relatif à la Recommandation 43 (1998)
du CPLRE sur l'autonomie territoriale et les minorités nationales
adopté par le CDDH lors de sa 46e réunion (22-25 juin 1999)
1. Faisant suite au mandat donné par les Délégués des Ministres le 15 septembre 1998, le CDDH, et particulièrement son sous-comité sur les questions relatives à la protection des minorités nationales (DH-MIN), a étudié de manière approfondie la Recommandation 43 (1998) sur l’autonomie territoriale et les minorités nationales, adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) le 27 mai 1998 et le texte du projet de recommandation du Comité des Ministres annexé à cette Recommandation.
2. Les principaux résultats de l’analyse effectuée par le DH-MIN figurent en annexe au présent avis.
3. Sur la base de cette analyse, le CDDH ne peut que conclure que, sous sa forme actuelle, le projet de recommandation ne saurait être adopté par le Comité des Ministres.
Annexe à l’Avis
S’agissant du projet de recommandation, le DH-MIN a formulé un certain nombre d’observations générales (partie A) et d’autres plus spécifiques (partie B).
A. Observations générales concernant le projet de recommandation établi par le CPLRE
1. Il est indiqué que l’« autonomie territoriale » n’a pas fait l’objet d’une définition en droit international et que le sens de ces termes peut donc varier selon les pays. En outre, ces termes sont étrangers à la Constitution, voire interdits dans certains pays. Le point de vue généralement soutenu est celui selon lequel, si on garde ces termes dans le contexte de ce projet de recommandation, ils devraient être compris en tant qu‘« autonomie régionale et/ou locale », cette dernière notion étant définie à l’article 3 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Quelques délégations se sont opposées à l’usage des termes « autonomie territoriale » dans ce projet de recommandation.
2. Une deuxième observation générale concerne la portée du projet de recommandation. Le préambule (dans son troisième considérant) comporte l’expression «…minorités nationales entendues comme minorités historiques… ». Les experts s’accordent à considérer cette formulation comme hautement problématique, en ce sens qu’elle semble impliquer une définition des minorités nationales, alors que la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales évite délibérément de définir ces termes.
3. Certaines délégations estiment que le mieux serait de limiter expressément la portée du projet de recommandation aux « minorités historiques » en tant que catégorie distincte qui aurait des liens solides et durables avec le pays en question. D’autres délégations se montrent réticentes à l’idée d’introduire un nouveau terme ou une nouvelle catégorie dans ce domaine et considèrent qu’il serait préférable d’utiliser l’expression « minorités nationales » sans plus de précisions.
4. Une autre observation de caractère général porte sur le fait qu’il faut éviter de donner l’impression que « l’autonomie territoriale » est le seul moyen ou le meilleur en général pour assurer une protection effective aux minorités nationales, ou que « l’autonomie territoriale » est un concept qui s’applique exclusivement aux minorités nationales. Il convient de souligner que l'autonomie territoriale n’est qu’un moyen parmi d’autres de permettre la participation effective dans la vie culturelle, sociale et économique, ainsi que dans les affaires publiques et la représentation politique des membres des minorités nationales, dans le cadre du fonctionnement de la démocratie locale. Il s’ensuit que les mérites de l’autonomie territoriale pour les minorités nationales doivent être considérées à la lumière des circonstances propres à une situation donnée, y compris les dispositions pertinentes de la législation nationale et à la lumière d’éventuelles alternatives. Quelques délégations ont exprimé la position selon laquelle « l’autonomie territoriale pour les minorités nationales » proposée par le projet de Recommandation (43) 1998 ne se réfère pas au concept d’autonomie territoriale en général, mais à une « autonomie territoriale spéciale pour les minorités nationales fondée sur des critères ethniques » qui n’est pas acceptable pour ces délégations.
5. Une observation supplémentaire d’ordre général souligne que la Recommandation sur l’autonomie territoriale devrait faire apparaître clairement que cette autonomie ne doit pas déboucher sur une situation dans laquelle les droits fondamentaux des personnes n’appartenant pas à la minorité –cette dernière pouvant être majoritaire sur le territoire en question – seraient niés.
6. Il y a un accord général selon lequel toute recommandation dans ce domaine ne sera interprétée comme impliquant pour un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte contraires aux principes fondamentaux du droit international et notamment à l’égalité souveraine, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique des Etats.
B. Observations concernant le texte du projet de Recommandation
7. L’analyse révèle des cas d’utilisation de la terminologie de manière imprécise et/ou prêtant à confusion et des écarts importants entre la version anglaise et la version française du projet, d’où un manque de clarté quant à la portée ou aux intentions de plusieurs des recommandations.
Préambule
8. Concernant l’utilisation des termes « minorités nationales », « minorités historiques » et « autonomie territoriale » : voir la section A. Observations générales.
9. Les points suivants sont relevés par certains experts à titre individuel, sans que le comité ne se prononce dans son ensemble à ce stade :
- de l’avis de certains experts, le 4e considérant établit un lien incorrect entre l’autonomie territoriale et la protection des minorités nationales ;
- de l’avis de certains experts, le terme anglais « citizen » et le terme français « citoyen » n’ont pas la même signification, ce qui risque d’engendrer des confusions au 4e considérant ;
- s’agissant du 7e considérant, certains experts expriment l’avis qu’il appartient à chaque État de décider si une mesure donnée constituerait une menace pour l’unité de l’État ;
- on fait observer qu’au 7e considérant, l’expression française « population européenne » a été incorrectement traduite en anglais par « the peoples of Europe » ;
- de l’avis de certains experts, on ne pourrait faire, dans certains États, de distinctions au sein des pouvoirs délégués aux autorités locales ou régionales.
SECTIONS A et B : observations générales
10. S’agissant des titres des sections A et B, il est souligné que le titre de la section A mentionne une « minorité » (au singulier) tandis que celui de la section B parle de « minorités nationales » (au pluriel), sans que cela réponde, semble-t-il, à une intention de marquer une différence réelle.
11. D’autre part, un délégué remarque que cette divergence existe également aux points A.d), A.f), A.h), A.i) (dans la version anglaise uniquement) et B.b). Il est suggéré que le singulier soit utilisé dans tous les cas, à la fois par souci de clarté et parce que cela semble refléter la situation générale.
12. L’un des experts soulève la question de savoir si la séparation en deux parties A et B se justifie, sachant que les Etats ayant déjà fixé des subdivisions administratives peuvent eux aussi, dans le futur, envisager de modifier leur système de subdivision.
13. Certains experts estiment que les termes « partie substantielle » sont trop vagues et demandent à être clarifiés. D’autres experts sont d’avis que cela n’est pas possible, ni nécessaire puisque cette terminologie est également employée dans des instruments juridiquement contraignants.
Partie A
A.a
14. Certains experts estiment que les termes « limites géographiques » ne sont pas appropriés, s’agissant de pouvoirs locaux ou régionaux. Il serait préférable de parler de limites juridiques, administratives ou politiques. Dans sa forme actuelle, la section A.a ne serait pas compatible avec l’article 16 de la CCMN. D’autres experts estiment que le texte actuel est compatible avec cette disposition.
15. Il est souligné que le terme français « collectivité » a été traduit par « authority » en anglais.
A.b
16. Une délégation estime que les recommandations formulées sous A.a et A.b sont incohérentes, car cette dernière plaide pour la modification des limites qui finalement changeraient la proportion de la population, tandis que la première plaide pour leur maintien.
17. Un expert souligne que la fusion de collectivités locales demande l’intervention d’autorités supérieures, car les collectivités locales n’ont pas le droit d’agir ainsi de leur propre chef.
18. La différence entre « partnership » et « association » est soulignée.
19. Il est souligné que le texte français et le texte anglais sont différents, le premier parlant de « la minorité » et le second de « a national minority ».
20. Plusieurs experts sont d’avis que cette recommandation est tout à fait conforme aux articles 15 et 16 de la CCMN.
A.c
21. Certains experts sont favorables au remplacement des termes « compétences étendues » par les termes « compétences requises ».
22. Un expert formule des réserves quant à la possibilité de déléguer aux pouvoirs locaux ou régionaux des compétences en matière d’utilisation des langues.
23. S’agissant de la version française, il est suggéré d’insérer le mot « effective » après le mot « protection », afin de la rendre conforme à la version anglaise.
A.d
24. Il est souligné que la présence du terme « existing » dans la version anglaise crée une confusion par rapport à l’élément de « légitimité ». Cette confusion n’existe pas dans la version française. Néanmoins, le mot « légitimité » pourrait être remplacé par le mot « légalité ».
A.e
25. Il est souligné que cette recommandation doit rappeler que « s’associer » n’est pas synonyme de « fusionner », et que la section A.e s’applique à la coopération dans des domaines précis.
26. Un expert est favorable au remplacement des termes « le droit » par les termes « le pouvoir ».
27. Certains experts sont favorables à l’utilisation de termes tels que « faciliter la coopération » plutôt qu’au maintien des termes « reconnaître le droit ».
A.f
28. Il est souligné que le mot « regrant » dans la version anglaise est dépourvu de sens et que le texte doit être aligné sur la version française.
29. Certains experts se disent préoccupés par le fait qu’il ne ressort pas clairement du libellé que le but est de permettre d’employer en plus une langue minoritaire et non d’exclure l’emploi de la langue officielle (de l’Etat).
30. Il est indiqué que la compétence des collectivités territoriales de légiférer sur l’usage des langues devrait être définie par la législation nationale.
A.g
31. Un expert estime que le texte ne devrait pas se borner à parler de permettre aux collectivités de consacrer des ressources aux minorités nationales, mais devrait les obliger à le faire. Un autre expert juge que cela ne conviendrait pas dans ce cadre.
32. Un expert souhaiterait que le texte précise expressément que cela n’entraînerait pas l’obligation de consacrer des fonds publics à l’enseignement privé dans les langues minoritaires.
A.h
A.i
33. Un certain nombre d’experts n’estiment pas approprié l’emploi du mot “garantie” car cela impliquerait un système de quotas et/ou de sièges réservés au sein des organes élus. On fait également observer qu’un tel système nécessiterait l’enregistrement des minorités, ce qui est contraire aux principes d’un certains nombre d’états membres. Ils préféreraient un libellé du type “.. donner aux minorités nationales les moyens leur permettant d’avoir ..”.
34. Un expert exprime une préférence pour le projet de texte actuel parce qu’il permet une certaine souplesse.
35. Un autre expert se demande si une disposition sur ce sujet est bien nécessaire.
Partie B
B.a
36. Certains experts souhaiteraient remplacer les mots “de garantir” par “s’efforcer de créer”.
37. Il est suggéré d’aligner la version anglaise sur la version française là où il existe une différence entre “make this impossible” et “ne s’y opposent”.
38. Certains experts estiment que le texte n’exprime pas clairement ce qu’il a pour objet d’assurer, à savoir la protection contre la dispersion des minorités.
39. Un expert exprime le point de vue que le territoire d’un Etat ne peut pas être réorganisé conformément au déploiement géographique des minorités nationales avec pour conséquence de le partager en subdivisions administratives et politiques fondées sur des critères ethniques.
B.b
40. Un expert estime que cette recommandation n’est pas nécessaire.
41. Un expert fait observer qu’il faudrait faire ressortir clairement que cette recommandation concerne des situations dans lesquelles les Etats envisagent de modifier leurs dispositions constitutionnelles.
42. Il est suggéré d’introduire le mot “nationales” apposé au mot “minorités” dans les deux langues.
B.c
43. Un expert émet des objections en ce qui concerne l’emploi du terme “limites géographiques” (voir également sous A.a)
B.d
44. Un expert serait favorable au remplacement du mot “importantes” par “nécessaires” ou “appropriées”. Certains experts estiment que l’expression “développement régional” doit être clarifiée de manière à ce que l’on voit nettement s’il s’agit en priorité de questions économiques ou d’identité régionale.
45. Un expert souhaiterait qu’il soit fait mention du fait que les connaissances linguistiques sont un atout.
46. Dans la version française, le dernier mot “confère” doit être lu “confèrent”.