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Strasbourg, 20 novembre 2015                                                                              DH-BIO/INF (2015) 12

COMITE DE BIOETHIQUE (DH-BIO)

Développements dans le domaine de la bioéthique

dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)

Document préparé par le Secrétariat

basé sur les expressions des documents officiels publiés par la CEDH


Table des matières

Jurisprudence récente. 3

Don d’embryons. 3

Gestation pour autrui 3

Tests génétiques. 4

Accouchements à domicile. 4

Qualité des soins de santé. 5

Traitement de substitution. 5

Droit des détenus et des conscrits en matière de santé. 6

Santé mentale. 9

Protection des données médicales. 10

Suicide assisté. 11

Décision d’interrompre l’alimentation et l’hydratation artificielles. 11

Fiches thématiques. 13



Jurisprudence récente

Don d’embryons

Décision du collège de la Grande Chambre

Parrillo c. Italie (requête n° 46470/11)

L’affaire concernait l’interdiction opposée à Mme Parrillo par la loi italienne n° 40/2004 de faire don d’embryons issus d’une fécondation in vitro et non destinés à une grossesse, afin d’aider la recherche scientifique.

Saisie pour la première fois de cette question, la Cour a dit que l’article 8 trouvait à s’appliquer dans cette affaire sous son volet « vie privée », les embryons en cause renfermant le patrimoine génétique de Mme Parrillo et représentant donc une partie constitutive de son identité.

La Cour a d’emblée estimé que l’Italie devait bénéficier sur cette question délicate d’une ample marge d’appréciation, ce que confirment l’absence de consensus européen et les textes internationaux à ce sujet.

La Cour a ensuite relevé que l’élaboration de la loi n° 40/2004 avait donné lieu à un important débat et que le législateur italien avait tenu compte de l’intérêt de l’État à protéger l’embryon, comme de celui des individus à exercer leur droit à l’autodétermination.

La Cour a précisé qu’il n’était pas nécessaire de se pencher dans cette affaire sur la question, délicate et controversée, du début de la vie humaine, l’article 2 (droit à la vie) n’étant pas invoqué.

Notant enfin que rien n’attestait de la volonté du compagnon décédé de Mme Parrillo de donner les embryons à des fins de recherche scientifique, la Cour a conclu que l’interdiction en cause était « nécessaire dans une société démocratique ».

Dans un arrêt du 27 août 2015, la Cour a conclu, par seize voix contre une, qu’il n’y avait pas de violation de l’Article 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Gestation pour autrui

Renvoi devant la Grande Chambre

Paradiso et Campanelli c. Italie (requête n° 25358/12)

L’affaire concernait la prise en charge par les services sociaux d’un enfant de neuf mois né en Russie à la suite d’un contrat de gestation pour autrui (GPA), conclu par un couple dont il fut ultérieurement établi qu’il n’avait aucun lien biologique avec l’enfant.

Dans son arrêt de chambre du 27 janvier 2015, la Cour européenne des droits de l’homme a dit, par cinq voix contre deux, qu’il y avait eu violation de l’article 8 de la Convention. Elle a estimé en particulier que les considérations d’ordre public ayant orienté les décisions des autorités italiennes – qui avaient estimé que les requérants avaient tenté de contourner l’interdiction de la GPA en Italie ainsi que les règles régissant l’adoption internationale – ne pouvaient l’emporter sur l’intérêt supérieur de l’enfant, malgré l’absence de tout lien biologique et la brièveté de la période pendant laquelle les requérants se sont occupés de lui. Rappelant que l’éloignement d’un enfant du contexte familial est une mesure extrême ne pouvant se justifier qu’en cas de danger immédiat pour lui, la chambre a estimé qu’en l’espèce, les conditions pouvant justifier un éloignement n’étaient pas remplies.

Le 1er juin 2015, l’affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande du gouvernement italien.

Tests génétiques

Décision rendue

Canonne c. France (requête n° 22037/13), décision

Dans cette affaire, le requérant, M. Canonne, se plaint du fait que les juridictions internes ont déduit sa paternité de son refus de se soumettre à l’expertise génétique qu’elles avaient ordonnée.

Décision rendue le 25 juin 2015 (définitive) : irrecevable pour défaut manifeste de fondement. La Cour a jugé qu’en tenant compte du refus de M. Canonne de se soumettre à l’expertise ordonnée pour le déclarer père d’Eléonore P. et en faisant prévaloir le droit au respect de la vie privée de cette dernière sur celui de M. Canonne, les juridictions internes n’ont pas excédé l’importante marge d’appréciation dont elles disposaient.

Accouchements à domicile

Renvoi devant la Grande Chambre

Dubská et Krejzová c. République tchèque (requêtes n° 28859/11 et 28473/12)

(disponible en anglais, islandais et suédois uniquement, communiqué de presse en français)

Les requérantes souhaitaient accoucher chez elles, or le droit tchèque interdit aux professionnels de la santé d’aider des femmes à accoucher à domicile. La première requérante mit au monde son enfant à la maison, seule, tandis que la seconde accoucha à l’hôpital. La Cour constitutionnelle a rejeté la demande du premier requérant pour non-épuisement des voies de recours disponibles mais elle a néanmoins exprimé des réserves quant à la compatibilité de la législation tchèque applicable avec l’article 8 de la Convention. 

Dans leur requêtes à la Cour européenne, les requérantes se plaignaient de la violation de l’article 8 car les mères n’avaient pas d’autre choix que d’accoucher à l’hôpital si elles désiraient être assistées par un professionnel de santé.

Dans son arrêt de chambre du 11 décembre 2014 la Cour européenne des droits de l’homme a dit, par six voix contre une, qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 8 de la Convention. Elle a tenu compte en particulier de l’absence de consensus européen sur le point de savoir s’il fallait ou non autoriser les accouchements à domicile, et du fait que cette question impliquait l’allocation de ressources financières, par exemple pour créer un système adéquat de gestion des urgences pour les naissances à domicile.

Le 1er juin 2015, l’affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande des requérantes.


Qualité des soins de santé

Arrêt rendu

Altuğ et autres c. Turquie (requête n° 32086/07)

L’affaire concerne le décès de Mme Keşoğlu à l’âge de 74 ans, suite à une réaction allergique violente à l’administration d’un dérivé de la pénicilline par voie intraveineuse dans un hôpital privé.

Jugement rendu le 30 juin 2015  (définitif) : violation de l’Article 2 (droit à la vie). La Cour a précisé qu’il ne lui appartenait pas de spéculer sur l’éventuelle responsabilité dans le décès de Mme Keşoğlu de l’équipe médicale concernée. Elle a cependant estimé que les autorités n’avaient pas assuré la mise en œuvre adéquate du cadre législatif et réglementaire pertinent, conçu pour protéger le droit à la vie des patients. En effet, ni les experts médicaux, considérant que le décès relevait de l’aléa thérapeutique, ni les juridictions turques ne se sont penchés sur une éventuelle méconnaissance de la réglementation en vigueur par l’équipe médicale (obligation d’interroger le patient ou ses proches sur ses antécédents, de l’informer sur l’éventualité d’une réaction allergique et d’obtenir son consentement pour l’administration du médicament).

Arrêt rendu

Zafer Öztürk c. Turquie (requête n° 25774/09)

L’affaire concerne la mort de l’épouse du requérant à l’issue de l’opération chirurgicale d’un fibrome utérin. L’opération a été conduite après que deux gynécologues eurent diagnostiqué un fibrome utérin sur la femme du requérant. Quatre jours après l’opération, atteinte de fièvre et de nausée, elle fut de nouveau hospitalisée. Son état de santé se dégrada fortement et Mme Öztürk décéda d’une hépatite toxique et d’un sepsis.

M. Öztürk déposa une plainte pénale contre le médecin qui avait opéré son épouse pour négligence et imprudence ayant entraîné la mort. Le tribunal correctionnel décida sur le fondement du rapport d’expertise de condamner le médecin à une peine d’emprisonnement de 6 mois, laquelle fut commuée en une peine d’amende avec sursis à exécution.Par la suite, lorsque l’affaire a été renvoyée à cette juridiction, la procédure pénale était forclose en raison de l’expiration du délai de prescription. La demande additionnelle en réparation contre le même médecin a finalement été rejetée. 

M. Öztürk allègue que les circonstances du décès de son épouse ont emporté violation de la Convention. Il déplore enfin la durée des procédures engagées devant les juridictions nationales.

Arrêt rendu le 21 juillet 2015 (non définitif) : violation de l’Article 2 (droit à la vie)

Traitement de substitution

Affaire communiquée

Kurmanayevskiy et 2 autres c. Russie (no 62964/10)

Les requérants sont tous dépendants à l’héroïne. Ils ont suivi à plusieurs reprises des cures de désintoxication mais ont néanmoins continué à consommer des stupéfiants à leur sortie de l’hôpital. Il convient de noter que tous les requérants sont également atteints du VIH et que l’un d’entre eux souffre d’une forme d’hépatite C. Les demandes de traitements de substitution par méthadone et par buprénorphine qu’ils ont formulées ont été rejetées sur la base de dispositions de la législation russe. Ces refus ont été confirmés par les juridictions internes.

Les requérants se plaignent d’une violation de leurs droits garantis par les articles 3, 8 et 14 de la Convention.

La requête a été communiquée le 12 mai 2014, accompagnée de questions qui visent à établir tout d’abord si l’interdiction générale des traitements de substitution par méthadone et par buprénorphine répond à l’obligation qui incombe à l’État de protéger la vie et la santé des personnes relevant de sa juridiction. Il s’agit ensuite de présenter les raisons de cette interdiction générale. La Cour a également demandé aux parties de préciser s’il y a lieu de considérer que les requérants ont fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’état de santé au mépris de l’article 8 combiné à l’article 14 de la Convention.

Droit des détenus et des conscrits en matière de santé

Arrêt rendu

Martzaklis et autres c. Grèce (requête n° 20378/13)

L’affaire concerne les conditions de détention de personnes séropositives dans la section psychiatrique de l’hôpital de la prison de Korydallos.

La Cour estime avérées les mauvaises conditions matérielles et sanitaires de détention à l’hôpital de la prison ainsi que les irrégularités dans l’administration des traitements médicaux. Elle a considéré que les requérants ont été exposés à une souffrance physique et mentale allant au-delà de celle inhérente à la détention.

Le 9 octobre 2015, la Cour dit, à l’unanimité, qu’il y a eu : Violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), pris isolément et combiné avecl’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme ; violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention.

Arrêt rendu

Patranin c. Russie (requête n° 12983/14)

(disponible en anglais uniquement, communiqué de presse en français)

L’affaire concerne un requérant qui se plaignait de n’avoir pas reçu de soins médicaux appropriés pendant sa détention.

M. Patranin souffrait de sclérose en plaques évolutive depuis des années et, pendant sa détention provisoire, soit à partir de février 2012, sa santé se dégrada nettement étant donné que l’établissement où il était détenu ne disposait pas de médecins spécialistes. Il eut en septembre 2012 une crise d’épilepsie qui le laissa paralysé d’un côté. Un rapport médical ultérieur conclut que la gravité de son état était incompatible avec la détention ; il fut donc libéré. Après sa condamnation, il fut toutefois réincarcéré dans l’hôpital d’une colonie pénitentiaire. En janvier 2014, on lui notifia un avis médical selon lequel il n’était pas atteint d’une maladie suffisamment grave pour justifier sa libération. D’après lui, il passait toutes ses journées au lit et il ne pouvait boire ou manger seul ; il ne pouvait pas aller aux toilettes et ne bénéficiait d’un lavement qu’une fois tous les quinze jours.

En l’absence de réponse aux plaintes qu’il avait adressées à différentes autorités russes pour faire valoir qu’il avait besoin d’une assistance en permanence et d’un traitement médical que le système pénal russe ne pouvait lui fournir ainsi qu’à sa demande d’être examiné par un médecin indépendant, M. Patranin adressa à la Cour une demande de mesure provisoire au titre de l’article 39 du règlement.

Arrêt délivré le 23 juillet 2015 (non définitif) : violation de l’article 34 (droit de recours individuel), violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), violation de l’article 13 (droit à un recours effectif).

Arrêt rendu

Sergey Denisov c. Russie (requête n° 21566/13)

Tselovalnik c. Russie (requête n° 28333/13)

(disponible en anglais uniquement, communiqué de presse en français)

Les deux affaires portaient essentiellement sur le caractère prétendument inadéquat de soins médicaux dispensés en détention.

Les deux requérants purgent à l’heure actuelle des peines d’emprisonnement. Les deux hommes souffrirent de diverses maladies pendant leur détention.

M. Denisov, atteint du sida, d’un cancer et d’une hépatite C chronique, fut placé sous une surveillance régulière pendant sa détention, traité pour son sida et adressé à un spécialiste en cancérologie. Une biopsie fut recommandée mais refusée par le requérant.

M. Tselovalnik commença à souffrir de douleurs sévères au genou pendant sa détention en décembre 2009 et, après s’être plaint à de nombreuses reprises, il fut examiné en juin 2010 par un médecin qui diagnostiqua une polyarthrite rhumatoïde. Fin octobre 2012, en réponse à ses plaintes continues concernant ses douleurs, il commença à bénéficier d’un traitement sommaire et, en décembre 2012, fut examiné par divers professionnels de la médecine mais pas par un spécialiste approprié. Les plaintes de M. Tselovalnik concernant les douleurs qu’il ressentait à d’autres articulations ne furent pas examinées. En février 2013, on diagnostiqua chez lui une prostatite aiguë mais plutôt que de faire venir un spécialiste, comme c’était recommandé, on estima qu’il était transportable.

Invoquant l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), les deux hommes faisaient grief aux autorités de n’avoir entrepris aucune démarche pour préserver leur santé et leur bien-être, et d’avoir failli à leur fournir des soins médicaux adéquats. M. Denisov alléguait en particulier que son traitement HIV avait été interrompu à la suite de son arrestation et que le fait qu’il était atteint d’un cancer et contaminé par le virus du sida aurait dû lui valoir d’être libéré. M. Tselovalnik alléguait en particulier que les autorités avaient failli à prendre les mesures nécessaires pour assurer un diagnostic précis à un stade précoce de sa maladie. Invoquant également l’article 13 (droit à un recours effectif), les deux hommes soutenaient n’avoir disposé d’aucun recours effectif pour se plaindre du manque de soins médicaux pendant leur détention. Enfin, M. Denisov se plaignait sous l’angle de l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la durée excessive de sa détention provisoire et de la motivation insuffisante des ordonnances judiciaires de mise en détention le concernant.

Arrêts rendus le 8 octobre 2015 (non définitifs) :

- affaire Sergey Denisov:

Non-violation de l’article 3

Non-violation de l’article 5 § 3

Violation de l’article 13

- affaire Tselovalnik:

Violation de l’article 3 (traitement inhumain et dégradant)

Violation de l’article 13

Arrêt rendu

Sellal c. France (requête n° 32432/13)

L’affaire concerne le suicide en détention d’A.S., un détenu atteint de schizophrénie. Après enquête, les juridictions internes estimèrent que s’il était constant que l’intéressé présentait une pathologie psychiatrique, sa maladie ne s’accompagnait pas de tendances suicidaires et que rien dans ses antécédents ni dans sa conduite récente ne pouvait laisser prévoir un suicide. Les juridictions internes en conclurent qu’aucune faute n’avait été commise par l’administration pénitentiaire.

La Cour estime en particulier que le comportement d’A.S. ne pouvait laisser présager un suicide.

Par conséquent, il ne saurait être affirmé que les autorités internes auraient dû savoir qu’un risque réel et immédiat existait qu’A.S. attente à sa vie. Dès lors, elles n’étaient pas tenues d’adopter des mesures particulières.

Arrêt rendu le 8 octobre 2015 (non définitif) : Non-violation de l’article 2 (droit à la vie)

Arrêt rendu

Akkoyunlu c. Turquie (requête n° 7505/06)

(disponible en anglais uniquement, communiqué de presse en français)

L’affaire concerne M. Akkoyunlu, qui allègue avoir perdu la vue de l’œil gauche pendant son service militaire en raison d’un trop grand délai d’accès aux soins.

Le 25 juillet 2001, M. Akkoyunlu, qui avait commencé peu de temps auparavant son service militaire obligatoire à Şırnak, se rendit à l’infirmerie de son régiment, se plaignant d’une forte douleur à l’œil gauche. Selon lui, le médecin militaire était alors absent et il fut reçu par un soldat qui le renvoya avec des gouttes pour les yeux. Le Gouvernement conteste cette allégation et affirme que M. Akkoyunlu a bel et bien été examiné par un médecin militaire. Le 2 août 2001, il fut finalement envoyé à l’hôpital. On diagnostiqua un ulcère cornéen et il entama un traitement, cependant il perdit complètement la vue de l’œil gauche. Il fut réformé pour cause médicale en juillet 2002 et peut prétendre à une pension d’invalidité.

Invoquant en particulier l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), M. Akkoyunlu alléguait que, parce que son régiment ne l’avait pas immédiatement envoyé à l’hôpital, il n’avait pas eu accès suffisamment tôt au traitement médical approprié, ce qui serait la cause de la perte de la vue de l’oeil droit qu’il avait subie.

Arrêt rendu le 13 octobre 2015 (non définitif) : violation de l’article 3 (obligations positives)


Santé mentale

Arrêt rendu

Bataliny c. Russie (requête n° 10060/07)

(disponible en anglais uniquement, communiqué de presse en français)

Les requérants sont Vladislav Batalin et ses parents.

L’affaire concernait l’internement et le traitement de Vladislav Batalin contre son gré dans un hôpital psychiatrique. Il fut admis dans un établissement psychiatrique pour s’être coupé les veines du poignet. On diagnostiqua chez lui plusieurs maladies, dont des douleurs chroniques et des troubles de la personnalité. Lorsque ses parents arrivèrent à l’hôpital le lendemain pour le ramener à la maison, comme il en avait fait la demande, ils ne furent pas autorisés à l’emmener mais on leur dit au contraire de repartir. D’après Vladislav Batalin, il fut battu au cours de la nuit suivante par les infirmières de l’hôpital puis attaché à son lit. Il alléguait aussi qu’on s’était servi de lui à des fins de recherche scientifique : on lui aurait administré un nouveau médicament antipsychotique et interdit tout contact avec l’extérieur. À sa sortie, un médecin qui se trouvait dans l’ambulance nota qu’il avait un hématome sous l’oeil ainsi que des ecchymoses et contusions sur le corps.

Les requérants se plaignirent de l’internement d’office de Vladislav Batalin et des mauvais traitements dont il aurait fait l’objet à l’hôpital. Une procédure pénale fut finalement lancée.

Celle concernant l’allégation de coups fut par la suite suspendue puis rouverte à plusieurs reprises ; elle demeure pendante. La plainte concernant l’internement d’office de Vladislav Batalin fut ensuite retirée du dossier pour faire l’objet d’une procédure distincte, ouverte en octobre 2007 puis abandonnée en novembre 2010.

Arrêt rendu le 23 juillet 2015 : Violation de l’article 5 § 1 (concernant Vladislav Batalin)

Violation de l’article 5 § 4 (concernant Vladislav Batalin)

Violation de l’article 3 (traitement inhumain et dégradant) – concernant le traitement psychiatrique forcé auquel a été soumis Vladislav Batalin

Violation de l’article 3 (traitement inhumain et dégradant + ineffectivité de l’enquête) – concernant les mauvais traitements infligés à Vladislav Batalin dans l’hôpital psychiatrique et le défaut d’enquête effective

Arrêt rendu

Hadžimejlić et autres c. Bosnie-Herzégovine (requêtes nos 3427/13, 74569/13 et 7157/14)

(disponible en anglais uniquement, communiqué de presse en français)

L’affaire porte sur le placement des requérants dans un foyer d’assistance sociale où ils sont actuellement détenus.

Les trois requérants étaient traités pour schizophrénie. Ils ont été privés de la capacité juridique et placés sous la tutelle d’un membre de leur famille ou d’un tuteur représentant un centre d’action sociale. La mise sous tutelle a eu lieu soit avant leur placement au foyer d’assistance sociale de Drin, soit après.

Deux des requérants, qui avaient entamé des procédures distinctes, ont introduit un recours constitutionnel pour contester la légalité de leur détention au foyer d’assistance sociale. Dans les deux affaires, en avril et en juin 2013 respectivement, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a jugé que la privation de liberté infligée aux requérants était illégale aux motifs que leur internement psychiatrique ne reposait sur aucune décision émanant d’une juridiction civile compétente et que leurs droits avaient été violés du fait de l’absence de contrôle judiciaire de la légalité de leur détention. La Cour constitutionnelle a ordonné aux centres d’action sociale locaux responsables de prendre des mesures afin de garantir le respect des droits des requérants. Par la suite, un tribunal municipal a examiné, dans les deux affaires, la nécessité de l’internement des requérants au foyer d’assistance sociale et a conclu, en novembre 2013 et en septembre 2014 respectivement, que leur état de santé d’alors ne justifiait plus leur internement dans ce lieu. Les requérants n’ont toutefois toujours pas été libérés du foyer d’assistance sociale.

En se fondant, en substance, sur l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’homme notamment, les trois requérants ont allégué que leur détention au foyer d’assistance sociale est illégale aux motifs qu’ils y seraient détenus contre leur gré et qu’ils ne pourraient pas obtenir de libération. Ils affirment aussi qu’il n’y a pas eu de contrôle judiciaire de leur internement dans ce lieu.

Arrêt rendu le 3 novembre 2015 : violation de l’article 5 § 1 dans le chef de tous les requérants.

Protection des données médicales

Affaire communiquée

Nikulin c. Russie et 20 autres requêtes (requête n° 63378/13)

(disponible en anglais uniquement)

La requérante, Yelena Anatolyevna Bogdanova, est une femme transsexuelle. En 2011, elle a subi une opération chirurgicale de changement de sexe à l’issue de laquelle elle est passée du sexe masculin au sexe féminin. Elle a été arrêtée en 2012, parce qu’elle était soupçonnée de tentative de trafic de stupéfiants. Après son arrestation, les autorités ont refusé de lui fournir un traitement par hormones de substitution malgré de nombreuses demandes de sa part et bien que ce traitement au long cours soit indispensable après l’opération chirurgicale qu’elle avait subie. La requérante a allégué que l’impossibilité d’obtenir ce traitement a eu pour effet une « dystropie de genre » (réapparition des caractères sexuels secondaires masculins). Elle soutient que son état mental se serait aussi considérablement dégradé et qu’elle n’aurait pas reçu de traitement pour une hépatite B, diagnostiquée après son arrestation. En réponse à ses demandes, les autorités l’auraient informée qu’elle devait payer elle-même le traitement par hormones de substitution. La requérante n’en avait pas les moyens.

La requérante a également affirmé qu’après son arrivée à l’hôpital pour tuberculeux, l’administration de l’établissement a mis informé toute la population carcérale de son transsexualisme. Elle aurait dès lors fait l’objet de menaces et de violences émanant de prisonniers, elle aurait été séparée des autres détenus et on l’aurait placée dans une unité médicale pour la mettre « à l’abri ».

En juillet 2013, la requérante a demandé à une juridiction d’autoriser sa mise en liberté provisoire eu égard à son mauvais état de santé et à l’impossibilité de bénéficier d’un traitement par hormones de substitution. Le 17 octobre 2013, la Cour régionale de Krasnoïarsk a rejeté la demande en dernier ressort au motif que l’état dont se plaignait la requérante ne figurait pas sur la liste des pathologies justifiant une mise en liberté.

Invoquant les articles 3 et 13 de la Convention, la requérante s’est plainte, entre autres, de n’avoir pas reçu les traitements médicaux nécessaires, y compris le traitement par hormones de substitution. Elle a déploré l’absence de recours effectif pour se plaindre de cette violation. Elle a également contesté le fait que ses conditions de détention étaient la conséquence de la divulgation par les autorités de son changement chirurgical de sexe.

Suicide assisté

Décision rendue

Nicklinson et Lamb c.Royaume-Uni (requêtes n° 2478/15 et 1787/15), décision

(disponible en anglais uniquement, communiqué de presse en français)

L’affaire concernait l’interdiction du suicide assisté et de l’euthanasie volontaire au Royaume-Uni. Le suicide assisté est interdit par l’article 2 § 1 de la loi de 1961 sur le suicide, et l’euthanasie volontaire est considérée comme un meurtre.

Mme Nicklinson, épouse de feu Tony Nicklinson, qui était atteint du locked-in syndrome et souhaitait mettre fin à ses jours, se plaignait que les juridictions britanniques avaient manqué à apprécier la compatibilité du droit relatif au suicide assisté au Royaume-Uni avec son droit et celui de son époux au respect de la vie privée et familiale. La Cour déclare cette requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement, jugeant que l’article 8 n’impose aucune obligation procédurale qui commanderait aux juridictions internes d’examiner le bien-fondé d’un grief relatif à la législation primaire tel que celui du cas présent. Elle estime par ailleurs qu’en toute hypothèse, la majorité de la Cour suprême a bel et bien examiné le fond du grief de Mme Nicklinson.

M. Lamb est paralysé et souhaite également mettre fin à ses jours. Dans sa requête, il se plaignait de ne pas avoir eu la possibilité d’obtenir la permission d’un juge d’autoriser un volontaire à lui administrer, avec son consentement, un médicament létal. La Cour déclare sa requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes.

Cette décision est définitive.

Décision d’interrompre l’alimentation et l’hydratation artificielles

Arrêt rendu par la Grande Chambre

Lambert et autres c. France (requête n° 46043/14)

Les requérants sont respectivement les parents, un demi-frère et une sœur de Vincent Lambert, victime d’un accident de la route en septembre 2008 qui l’a rendu tétraplégique. Ils se plaignent en particulier de l’arrêt rendu le 24 juin 2014 par le Conseil d’Etat qui, statuant notamment au vu des résultats d’une expertise médicale par trois médecins, jugea légale la décision prise le 11 janvier 2014 par le médecin en charge de Vincent Lambert de mettre fin à son alimentation et hydratation artificielles.

La Cour constate qu’il n’existe pas de consensus entre les États membres du Conseil de l’Europe pour permettre l’arrêt d’un traitement maintenant artificiellement la vie. Dans ce domaine qui touche à la fin de la vie, il y a lieu d’accorder une marge d’appréciation aux États. La Cour considère que les dispositions de la loi du 22 avril 2005, telles qu’interprétées par le Conseil d’État, constituent un cadre législatif suffisamment clair pour encadrer de façon précise la décision du médecin dans une situation telle que celle-ci.

Pleinement consciente de l’importance des problèmes soulevés par la présente affaire qui touche à des questions médicales, juridiques et éthiques de la plus grande complexité, la Cour rappelle que dans les circonstances de l’espèce, c’est en premier lieu aux autorités internes qu’il appartenait de vérifier la conformité de la décision d’arrêt des traitements au droit interne et à la Convention, ainsi que d’établir les souhaits du patient conformément à la loi nationale.

Le rôle de la Cour a consisté à examiner le respect par l’État de ses obligations positives découlant de l’article 2 de la Convention.

La Cour a considéré conformes aux exigences de l’article 2 le cadre législatif prévu par le droit interne, tel qu’interprété par le Conseil d’État, ainsi que le processus décisionnel mené d’une façon méticuleuse.

La Cour est arrivée à la conclusion que la présente affaire avait fait l’objet d’un examen approfondi où tous les points de vue avaient pu s’exprimer et où tous les aspects avaient été mûrement pesés tant au vu d’une expertise médicale détaillée que d’observations générales des plus hautes instances médicales et éthiques.

Le 5 juin 2015, la Cour a rendu un arrêt dans lequel elle a conclu qu’il n’y aurait pas violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention en cas de mise en œuvre de la décision du Conseil d’État du 24 juin 2014.



Fiches thématiques

Préparées par le service de presse de la Cour, les fiches thématiques portent sur la jurisprudence de la Cour ainsi que sur les affaires pendantes. Ces dossiers ne sont pas exhaustifs et ne lient pas la Cour. La date indique la dernière mise à jour de la fiche thématique.