4e séminaire des Ministres européens de l'Education «Enseigner la mémoire pour vivre dans une Europe de liberté et de droit». Nuremberg et Dachau, Allemagne, 5-7 novembre 2008

Discours de clôture prononcé par Gabriele Mazza, Directeur de l'Education et des Langues du Conseil de l'Europe

7 novembre 2008

Les journées qui viennent de s'écouler nous ont permis une fois de plus de "balayer" toutes les grandes questions qui agitent notre présent à propos de ce qui s'est passé au centre de notre vieille Europe, au sein du plus cultivé des peuples, auquel beaucoup d'autres allaient emboîter le pas.

Au fil des prises de parole et des témoignages on aura pu une fois de plus mesurer l'extraordinaire complexité de la mise en place d'un régime d'exclusion et de terreur. Et quel homme ne saurait voir sans s'effrayer la relative facilité avec laquelle l'entreprise a pu se faire. Parce qu'ils furent nombreux à être séduits par une politique qui recourait aux bonnes vieilles recettes du bouc émissaire, de l'ennemi intérieur, puis de l'ennemi extérieur. Séduction du discours, peur de la force brutale, lâcheté des opportunismes, cupidité des uns, rêve des autres qui bientôt allaient devenir cauchemar, toute la panoplie de la mise au pas, appareil idéologique et appareil répressif se complétant, étaient présents.

Comment résister? Comment ne pas se laisser abuser? Comment éviter la reproduction de l'horreur, comment être en éveil, comment être courageux?

Voilà les question vraies qu'il nous faut aborder: certes nous sommes tous d'accord pour prôner une Europe de liberté et de droit désormais débarrassée de tous ses mauvais génies. Mais il nous faut aller au delà des mots, au delà du vœu pieux, de la déclaration d'intention facile. Tous nous devons nous poser avec courage, lucidité et sincérité ces deux questions radicales: qu'aurais-je fait à l'époque? Et qu'est-ce que je fais aujourd'hui?

Le Conseil de l'Europe n'a cessé d'œuvrer par tous les moyens à sa disposition pour que cet éveil et cette vigilance s'instaurent au plus profond de nos comportements. C'est pourquoi nous multiplions les séminaires d'enseignement à l'intention des formateurs sur cette page noire de l'Europe que nous ne tournerons jamais complètement. Le nazisme et sa folie appartiennent à notre histoire européenne au même titre que des événements plus heureux et plus positifs.

Il n'est pas plus question pour nous autres contemporains de l'oublier que de succomber à on ne sait quelle fascination malsaine qui parfois saisit l'un ou l'autre intellectuel glissant du révisionnisme au négationnisme. L'impératif qui retentit le plus souvent dans la Bible, socle commun de nos valeurs d'humanité est "souviens-toi". Mais comment empêcher l'histoire de dégénérer en imagerie d'Epinal? Ou pire encore de sombrer dans l'oubli ou l'indifférence. En ce nouveau siècle où l'obsolescence est reine, où l'effervescence médiatique efface chaque jour d'un coup d'éponge le drame d'hier, comment conserver cette leçon du passé?

J'insiste sur le mot "leçon": la commémoration du traumatisme seule, non seulement ne saurait suffire: elle est dangereuse parce qu'elle referme sur ce passé comme quelque chose de définitivement  surmonté et dépassé. Ce que nous prétendons faire au Conseil de l'Europe c'est un enseignement sans relâche de l'événement qui serve au présent et au futur. L'ampleur tragique, effroyable de l'extermination des Juifs et des Tziganes ne doit pas devenir l'arme en deçà de laquelle on ne saurait trop s'indigner. Parce que la moindre atteinte aux droits de l'homme, à la dignité humaine, est déjà grosse de menaces de massacres à venir.

Vigilance, maintenant, vigilance toujours ! et n'oublions pas que l'enseignement indispensable n'est jamais que le supplément nécessaire de cet impératif catégorique: "Etre au jour le jour le modèle même qui illustre notre parole".