Cardinal Jean-Marie Lustiger : «La problématique de ce colloque pose la question de l'universalité des droits de l'homme»
Un séminaire sur ''Enseignement de la mémoire et patrimoine culturel'' s’est tenu du 4 au 6 mai 2005 à Cracovie, en Pologne. Regroupant les ministres de l’Education des 48 Etats signataires de la Convention Culturelle européenne, ce séminaire visait à dégager une approche différente de l’enseignement de la mémoire. Le Cardinal Jean-Marie Lustiger était invité à s’exprimer sur ce thème.
04.05.2005
Question : Vous étiez jusqu’à très récemment Archevêque de Paris. Vous êtes également d’origine juive. Quel est pour vous l’enjeu d’un tel séminaire en Pologne à quelques kilomètres d’Auschwitz, le jour du souvenir de la Shoah ?
Cardinal Jean-Marie Lustiger : La problématique de ce colloque m'a semblé tres intéressante car elle pose la question de l'universalité des droits de l'homme. Auschwitz est-il seulement le symbole d'un drame historique entre le peuple juif et l'Allemagne nazie ou bien la mémoire d'Auschwitz touche-t-elle un point fondamental de l'histoire humaine pour son passé et son avenir ?
Question : Comment perçevez-vous les polémiques récurrentes sur le rôle du Vatican pendant la Seconde Guerre Mondiale ?
Cardinal Jean-Marie Lustiger : Pour les générations qui ont vécu cette periode, les plaies sont souvent encore a vif, mais les contemporains connaissent l'ambiguité de ces situations. Pour comprendre le rôle du Vatican, il faut aussi poser la question du silence des Etats Unis et des Alliés et de l'attitude de la Russie soviétique. Il reste que le reproche qui est fait montre, à bon droit, une plus grande exigence a l'égard du Vatican qu'a l'égard des vainqueurs de la Deuxieme Guerre Mondiale. Ce que l'Eglise a fort bien compris, en particulier dans l'action de Jean-Paul II.
Question : Quelle signification peut avoir le fait qu'un pape allemand succède a un pape polonais?
Cardinal Jean-Marie Lustiger : Je n'ai pas le sentiment que la nationalite de Benoit XVI ait été prise en considération dans son élection, mais je suis persuadé que ce fait marque définitivement la fin de la tragique Histoire des guerres européennes qui ont ensanglanté le deuxieme millenaire. Le cardinal Ratzinger s'est exprimé il y a déjà longtemps avec clarté sur le drame de l'Allemagne. Il l'a fait avec courage et lucidité en mettant en lumière les sources philosophiques et religieuses de ce drame. Mais qu'un pape d'origine allemande succède à un pape d'origine polonaise est un acte que seule l'Eglise pouvait accomplir en ce continent façonné par deux millenaires de christianisme. Les Allemands ne s'y sont pas trompés.