Le processus de Turin

 

 

 

 

Contribution du

Réseau académique sur la Charte sociale européenne et les Droits sociaux [R.A.C.S.E.]

 

 

 

Avertissement : Le présent texte est en cours de traduction en langue anglaise.

 

 

 

 

I. Introduction

 

La Charte sociale européenne a é voulue par les Etats membres du Conseil de l’Europe comme pendant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Comme cette dernière, la Charte concrétise le but de cette organisation qui est de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont le patrimoine commun des Etats européens et de favoriser leur progs économique et social, notamment par la défense et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Aussi, participe-t-elle de la construction de la société démocratique européenne.

 

Depuis son adoption le 18 octobre 1961, et avec sa révision le 3 mai 1996, la Charte sociale européenne constitue une référence reconnue en Europe, en tant qu’elle formule le catalogue le plus complet de droits sociaux. Elle est au fondement du développement des droits sociaux fondamentaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne (article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).

 

La Charte sociale européenne de 1961 (et sa version révisée de 1996) sont des instruments conventionnels internationaux au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. Ainsi que le confirme la Charte elle-même: « Les Parties s'engagent à se considérer comme liées par les obligations résultant des articles et des paragraphes » figurant dans la partie I (article 20 de la Charte sociale européenne, article A de la Charte sociale européenne révisée). En ratifiant lesdites Chartes, ceux-ci s’engagent, conformément à l’article 26 de ladite Convention de Vienne, à exécuter les engagements qu’elles contiennent de bonne foi.

 

Le Réseau académique sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux (RACSE) est une association1 qui réunit, à titre principal, des enseignants-chercheurs et chercheurs des

 

 

  1. L’association est régie par les articles 21 à 79-III du Code civil local maintenu en vigueur dans les partements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle par la Loi du 1er juin 1924, ainsi que par ses statuts. Elle est inscrite au

 

 

établissements d’enseignement supérieur dEurope, de rang professoral ou non, et, à titre subsidiaire, des personnes physiques ou morales particulièrement qualifiées sur les questions relatives à la Charte sociale européenne et aux droits sociaux. Selon ses statuts, « le Réseau a pour mission prioritaire la promotion de la Charte sociale européenne et des droits sociaux en Europe, et prend toute initiative propre à faire connaître la Charte sociale européenne et les autres instruments de protection des droits sociaux en Europe, ainsi qu’à améliorer leur mise en œuvre et leur protection tant à léchelle du Conseil de l’Europe que dans les Etats membres de cette organisation »2.

 

 

 

Le Réseau académique sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux voit la Conférence à haut niveau de Turin comme devant avoir pour objectif de traduire dans la réalité européenne la vocation de la Charte sociale à être une véritable constitution sociale pour l’Europe. La alisation de cet objectif nimplique, en l’état actuel du droit européen, aucune révision des textes en vigueur. Elle suppose cependant que soient prises par le Comité des ministres, qui en a le pouvoir, des mesures concrètes pour renforcer la visibilité et l’effectivité de la Charte sociale. Elle suppose également une amélioration de la coordination entre la production normative de l'Union européenne et les exigences de la Charte sociale européenne.

 

Tel est le sens et lesprit du psent document. Le Réseau académique sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux souhaite, à travers lui, contribuer à la réflexion collective sur les thèmes à l’ordre du jour de la Conférence à haut niveau. Conformément à son mandat statutaire, il estime devoir soumettre à la délibération des gouvernements et des institutions européennes les propositions qu’il juge les plus propres à réaliser lobjectif que cette Conférence à haut niveau s’est donnée, à savoir « mettre au premier plan la Charte sociale européenne en tant que Constitution sociale du continent, pour que l’Europe retrouve

l’adhésion des  citoyens et  l’engagement des  Etats  autour des  valeurs de démocratie,  de prééminence du droit et de respect des droits de lhomme ».

 

 

 

  1. LAMELIORATION NECESSAIRE DES MECANISMES DE LA CHARTE SOCIALE EUROPEENNE

 

1.1.  Application de la Charte dans l’ordre juridique des Etats parties

 

Le mécanisme de suivi du respect des engagements des Etats parties qu'institue la Charte sociale européenne et le Protocole additionnel pvoyant un système de clamations collectives n'est pas un substitut à une meilleure prise en compte de la Charte par les autorités nationales. La Charte sociale européenne est un traité international qui, à ce titre, impose des obligations à l'ensemble des organes de l'Etat. Le Législateur, l'Exécutif, et le Judiciaire ne peuvent ignorer les exigences de la Charte sociale européenne qu'au risque d'engager la responsabilité de l'Etat. Or, trop peu de progs ont é faits à cet égard. S'il est vrai que l'Annexe à la Charte sociale européenne énonce, s'agissant de la Partie III de la Charte, que

 

registre des associations du Tribunal d'Instance de Strasbourg. Elle a son siège à : La Maison des associations, 1-a Place des Orphelins, 67000 Strasbourg.

  1. Article 2 des statuts.

 

 

celle-ci « contient des engagements juridiques de caracre international dont l'application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV », cette précision signifie uniquement que le contrôle de la Charte repose sur les mécanismes que la Charte institue et non sur d'autres mécanismes internationaux ; elle ne dispense pas les Etats parties de l'obligation de tenir compte de leurs engagements internationaux dans l'adoption de législations et de politiques au plan national.

 

Le Réseau académique sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux estime le moment venu de dépasser le pju selon lequel la Charte sociale européenne ne contiendrait que des obligations de nature programmatique, et trop vagues pour être invoquées directement devant les juridictions nationales. Il relève en outre que, même dans les Etats parties qui définissent de manière restrictive la compétence de leurs juridictions nationales à prendre appui sur les règles de droit international en vigueur à l'égard de l'Etat concerné, ceci ne dispense pas les autres pouvoirs de l'Etat le Législateur et l'Exécutif de prendre en compte les gles de la Charte dans l'élaboration des lois et dans leur mise en œuvre, de même que cela na pas fait obstacle à une application de ces gles par les juridictions. Les mécanismes de contrôle institués au niveau du Conseil de l'Europe devraient n'avoir qu'une fonction purement subsidiaire à remplir.

 

  1. La prise en compte de la Charte devant les instances juridictionnelles

 

De manière croissante, les juridictions nationales reconnaissent que les droits économiques et sociaux que leur Etat s'est engagé à reconnaître en droit international peuvent être invoqués devant elles. Les modalités de cette invocation sont diverses. L'invocabilité passe parfois par l'application directe de la gle internationale: celle-ci est assimilée à une gle de droit nationale, et appliquée comme telle. L'invocabilité peut être plus indirecte : la gle internationale peut influencer  l'interprétation des gles  applicables  du  droit interne,  par exemple lorsque plusieurs interprétations sont possibles, ou lorsqu'apparaissent des notions à contenu variable telles que l'ordre public, la « faute » en droit de la responsabilité civile, l'abus de droit ou la bonne foi.

 

Dans plusieurs Etats parties à la Charte sociale européenne, les cours et tribunaux admettent qu'au moins certaines dispositions de la Charte puissent être invoquées dans le cadre des litiges dont ils sont saisis. Cette évolution est appelée à s'aclérer dans les années qui viennent, notamment suite à l'entrée en vigueur, le 5 mai 2013, du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

 

Bien que le Comité européen des droits sociaux n'impose pas aux Etats parties qu'ils reconnaissent une forme déterminée d'invocabilité de la Charte sociale européenne, il a insisté à juste titre sur le fait que la reconnaissance de pareille invocabilité est de nature à favoriser une meilleure prise en compte de la Charte par l'Etat concerné3. Il ressort aussi de certaines décisions du Comité qu’il appartient aux juridictions internes dappliquer aux litiges dont

 

 

 

 

3 C.E.D.S., Conseil européen des syndicats de police (CESP) c. France, réclamation n° 57/2009, déc. du 1er déc. 2010, § 23.


 

 

elles sont saisies les appréciations générales qu’il donne sur la conformité des situations nationales à la Charte4.

 

Le Réseau académique européen sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux en appelle aux différents organes du Conseil de l’Europe pour qu’ils encouragent l’application de la Charte sociale par les juridictions nationales. Ceci pourrait se traduire notamment par l’organisation d’échanges guliers entre le Comité européen des droits sociaux et les juges des cours suprêmes des Etats membres du Conseil de l’Europe, par la formation des juges cela est nécessaire, et par la diffusion des bonnes pratiques. Une flexion pourrait aussi être engagée sur la possibilité de compléter le système de la Charte sociale européenne par une produre d’avis consultatif permettant aux juridictions nationales d’obtenir une interptation autorisée des dispositions pertinentes de la Charte par le Comité européen des droits sociaux.

 

Le Réseau entend contribuer à cette évolution, qui renforcerait le caractère subsidiaire des mécanismes de suivi de la Charte que pvoit la partie IV de la Charte sociale européenne de 1961 (à laquelle renvoie l'article C de la Charte sociale européenne visée), en même temps que l’effectivité de ladite Charte sur le territoire des Etats parties. Il peut contribuer à la formation des juges et agents de la justice et à la réflexion sur un éventuel mécanisme d’avis consultatif. Il a en outre solu dentreprendre une étude comparative sysmatique de la prise en compte de la Charte par les juridictions nationales des Etats parties, de manière à favoriser une diffusion des bonnes pratiques et à permettre de mettre en lumière à la fois les avantages d'une telle prise en compte et les obstacles qu'elle rencontre.

 

  1. La prise en compte de la Charte dans l’élaboration des lois et des politiques au plan national

 

Lorsqu'une atteinte aux droits que garantit la Charte sociale européenne est dénoncée devant les juridictions nationales, c'est que les lois ou pratiques nationales ont échoué à prendre en compte les exigences de la Charte de manière suffisamment complète. C'est donc le signe d'un échec. Or, plusieurs mécanismes permettraient d'éviter une telle situation, une atteinte aux droits de la Charte est constatée post hoc, par une meilleure prise en compte de la Charte ex ante. Parmi ces canismes préventifs figurent :

 

 

4 C.E.D.S., Confédération européenne des Syndicats c. Suède, réclamation n° 12/2002, déc. du 22 mai 2003, §§ 28 et 42


 

 

le suivi des conclusions adressées par le Comité européen des droits sociaux à l'Etat concerné.

 

Le Réseau académique européen sur les droits sociaux estime que le Conseil de l’Europe pourrait encourager les initiatives des Etats tendant à renforcer la prise en compte de la Charte dans les politiques publiques nationales et, par ailleurs, assurer et contribuer à la diffusion des bonnes pratiques.

 

Le Réseau invite l’Union européenne et ses Etats membres à œuvrer à l'amélioration de la prise en compte de la Charte sociale européenne dans la formulation et la mise en œuvre des législations et pratiques nationales, et au partage des bonnes pratiques en la matière. Il est prêt à apporter sa contribution au processus. Il tient également à souligner le rôle important des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme en la matière, y compris dans le suivi des décisions et conclusions du Comité européen des droits sociaux.

 

  1. Les voies de la consolidation du mécanisme des réclamations collectives

 

  1. Ratification du Protocole sur les clamations collectives.

 

La produre de clamations collectives a é instituée par le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne pvoyant un système de réclamations collectives, ouvert à la signature le 9 novembre 1995 et en vigueur depuis le 1er juillet 1998. Cette produre est un élément c du processus de « relance » de la Charte sociale européenne. A ce jour, 15 Etats sur les 47 que compte le Conseil de l’Europe ont accepté la procédure. Il s’agit de : la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, la Finlande, la France, la Grèce, lIrlande, lItalie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Slovénie et la Suède. Quatre autres Etats ont signé, mais nont pas encore ratifié le Protocole de 1995. Il s’agit de : l’Autriche, le Danemark, la Hongrie et la Slovaquie.

 

Le nombre relativement faible de Parties à la Charte sociale européenne ayant accepté le mécanisme des réclamations collectives illustre la distance considérable qui sépare encore la réalité européenne des objectifs assignés à cette nouvelle produre. En effet, pour les rédacteurs du Protocole, celui-ci devait permettre « daméliorer la mise en œuvre effective des droits sociaux garantis par la Charte »5. Or, la poursuite de cet objectif implique, de l’avis du Réseau académique sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux, que le Protocole de 1995 soit ratifié par tous les Etats parties à la Charte sociale de Turin ou à la Charte sociale

révisée. Parallèlement, les efforts doivent se poursuivre en vue de la ratification de la Charte sociale européenne par l'ensemble des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe, de manière à marquer l'interdépendance, l'indivisibilité et l'égale importance de l'ensemble des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux, que les Etats européens promeuvent dans le cadre universel.

 

 

 

 

 

  1. Préambule du Protocole de 1995 prévoyant un système de clamations collectives.

 

 

 

Le Réseau estime que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pourrait inviter les Etats membres non encore parties à la Charte sociale européenne à adhérer sans plus tarder à celle-ci, et inviter les Etats parties qui n’ont pas encore ratif le Protocole additionnel de 1995 à le faire dans un délai raisonnable. Le Réseau serait favorable à ce que, parallèlement, une étude sysmatique permette d'identifier les obstacles qui subsistent à cet égard dans les différents Etats concernés.

 

  1. Optimisation du fonctionnement de la produre de clamations collectives.

 

Depuis son entrée en vigueur en 1998, la produre a enregist 110 réclamations. Le traitement de ces requêtes par le Comité européen des droits sociaux est, de l’avis du Réseau académique européen sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux, globalement satisfaisant. Le Réseau se jouit en particulier :

 

Des difficultés et des points de poccupation nen demeurent pas moins.

 

En ce qui concerne l’accès à la produre. Dans l’économie générale du Protocole de 1995, une place importante est accordée aux organisations non-gouvernementales nationales, aux côtés des organisations non-gouvernementales internationales et des organisations professionnelles, en tant qu’agents de réclamations. Du fait de la position de ces organisations, au plus près des réalités sociales, on pouvait fonder sur elles l’espoir dune mise en conformité de maintes situations nationales concrètes avec la Charte. Or ce levier de la mise en œuvre effective des droits sociaux est resté, à ce jour, largement inactif, parce que le Protocole subordonne le droit de réclamation des ONG nationales à une déclaration de l’Etat de juridiction et qu’un seul Etat7, la Finlande, a effectué cette formalité.

 

Le Comi des Ministres du Conseil de l'Europe pourrait recommander à tous les Etats ayant accepté la procédure de faire la déclaration autorisant les ONG nationales à introduire des réclamations.

 

 

  1. Ils sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/default_fr.asp
  2. Article 2, § 1 du Protocole de 1995 : « Tout Etat contractant peut, en outre, lorsqu'il exprime son consentement à être l par le présent Protocole, conformément aux dispositions de l'article 13, ou à tout autre moment par la suite, déclarer reconnaître le droit de faire  à son  encontre des réclamations aux autres organisations nationales non gouvernementales représentatives relevant de sa juridiction et qui sont particulièrement qualifiées dans les matières régies par la Charte ».

 

 

 

 

En ce qui concerne la publicité et le suivi des décisions du Comité européen des droits sociaux. Du Protocole de 1995 il ressort la répartition suivante des rôles dans le cadre de la produre de clamations collectives8 : le Comité européen des droits sociaux se prononce en droit sur la conformité avec les obligations découlant de la Charte des situations nationales dont il est saisi et fait rapport au comité des Ministres9 ; et ledit comité des Ministres prend acte des décisions de non violation et, s’agissant des constats de violation, recommande aux Etats les mesures à prendre afin de se conformer à la Charte 10 . Quant au comité gouvernemental, il ne joue pas de rôle spécifique dans le cadre de cette procédure, mais voit sa mission générale de préparation des travaux du comité des Ministres s’étendre à ce cadre.

 

Cette claire répartition des rôles se trouve à présent affectée par certaines gles et pratiques auxquelles, de l’avis du Réseau, il conviendrait de mettre fin.

 

Il en va ainsi dabord de la gle qui impose que les décisions du CEDS ne soient rendues publiques qu’aps l’adoption par le comité des Ministres de la résolution ou de la recommandation pvues par le Protocole ou, à défaut, aps un délai de 4 mois 11 . Lapplication de cette gle ne peut être que source de confusion. Pour le requérant, et plus largement le citoyen, rien ne justifie qu’une décision définitivement acquise voie sa publication retardée. Cette absence de transparence ne peut que nourrir la suspicion. Et ce d’autant plus que cette obligation de délai nétant pas sanctionnée, une organisation réclamante, qui y a nécessairement intérêt, sera tentée de rendre publique la décision qui lui a é notifiée.

 

Ce délai nuit à la crédibilité et à lefficacité de la produre. C’est pourquoi le Réseau est en faveur de la publication imdiate des décisions du Comité européen des droits sociaux. Ceci ne ferait pas obstacle à ce que le Comité des Ministres joue pleinement le rôle que lui reconnaissent la Charte sociale européenne et son protocole additionnel pvoyant une produre de réclamations collectives.

 

 

  1. Articles 7 à 10 du Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives.
  2. Article 8, § 1 du Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives: « Le Comité d'experts indépendants rédige un rapport dans lequel il décrit les mesures qu'il a prises pour examiner la réclamation et présente ses conclusions sur le point de savoir si la Partie contractante mise en cause a ou non assu d'une manière satisfaisante l'application de la disposition de la Charte visée par la réclamation ». Disposition à lire de concert avec l’article 2 du Protocole d’amendement à la Charte sociale européenne (1991) modifiant l’article 24 de la Charte de Turin (1961), ainsi rédigé : « le [Comité européen des droits sociaux] appréciera, d'un point de vue juridique, la conformi des législations, réglementations et pratiques nationales avec le contenu des obligations découlant de la Charte pour les Parties contractantes concernées ». Souligné par nous.
  3. Article 9, § 1 du Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives: « Sur la base du rapport du Comité d'experts indépendants, le Comité des Ministres adopte une résolution à la majorité des votants. En cas de constat, par le Comi d'experts indépendants, d'une application non satisfaisante de la Charte, le Comi des Ministres adopte, à la majorité des deux tiers des votants, une recommandation à l'adresse de la Partie contractante mise en cause ». Souligné par nous.
  4. Article 8, § 2 du Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives: « Le rapport [du Comité européen des droits sociaux] est transmis au Comité des Ministres. Il est également communiqué à l'organisation qui a introduit la réclamation et aux Parties contractantes à la Charte, sans qu'elles aient la faculté de le publier. Il est transmis à l'Assemblée parlementaire et rendu public en même temps que la solution prévue à l'article 9 ou au plus tard dans un délai de quatre mois après sa transmission au Comité des Ministres ».

 

 

 

 

Outre cette gle, doivent aussi être mentionnées deux pratiques du comité des Ministres. L’une consiste à admettre que l’Etat qui a succom devant le CEDS conteste devant l’organe ministériel le constat de violation rendu à son égard, et l’autre à remplacer les recommandations requises par le Protocole par de simples résolutions. Ces deux pratiques ne sont conformes ni à la lettre ni à l’esprit des textes. Mais elles sont plus encore. La première d’entre elles, en plus de fragiliser le constat juridique fait par le CEDS, remet directement et nécessairement en cause le principe du contradictoire qui gouverne la procédure de réclamations collectives, la partie réclamante n’ayant pas l’avantage de pouvoir s’exprimer devant le comité des Ministres. Quant à la seconde pratique, elle fait naître un contraste frappant entre le suivi dont font l'objet les décisions du CEDS et la surveillance par le comité des Ministres de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, ce qui est de nature à renforcer la perception dune protection des droits de l’homme à deux vitesses, au détriment des droits sociaux.

 

Le Réseau académique sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux considère que le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe jouerait pleinement son rôle dans le système de la Charte sociale européenne en contribuant à assurer le suivi de l’exécution des décisions du Comité européen des droits sociaux, œuvrant à cet égard par analogie avec le rôle qu'il assume dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'Homme. Il s'agit dans les deux cas de garantir le respect de l'Etat de droit en Europe, à travers la mise en œuvre de décisions adoptées par des mécanismes régionaux indépendants de contrôle du respect des engagements internationaux des Etats en matière de droits de l’homme.

 

En ce qui concerne ladministration de la procédure de réclamations collectives. La produre de réclamations collectives est administrée par un comité de 15 membres assisté dun Secrétariat réduit (le service de la Charte sociale européenne et du Code européen de sécurité sociale). Or, le CEDS et les personnels mis à son service ont à gérer aussi une produre de contrôle sur rapports qui accroit considérablement leur charge de travail.

 

Le processus de « relance » de la Charte sociale européenne entamé en 1990 avait aussi éanimé par la volonté de consolider l’organe de contrôle international de cet instrument. Un des moyens choisis pour y parvenir était de conférer aux membres du Comité européen des droits sociaux la même légitimité qu’aux membres de la Cour européenne des droits de l’homme. Aussi, l’article 3 du Protocole d’amendement à la Charte sociale (1991) modifiant l’article 25 de la Charte de Turin pvoyait-il que les « membres [du Comité européen des droits sociaux sont] élus par l'Assemblée parlementaire à la majorité des voix exprimées sur une liste d'experts de la plus haute intégrité et d'une compétence reconnue dans les matières sociales nationales et internationales », sur proposition des Parties contractantes. Cette réforme n'a jamais été mise en œuvre, en raison de la non-ratification du Protocole de Turin.

 

Dans le souci de consolider l’efficacité du contrôle européen des engagements des Etats en matière de droits sociaux, le Comité européen des droits sociaux devrait voir le nombre de ses membres accru. Ceci n'implique pas nécessairement de devoir saligner sur la solution retenue dans le cadre de la Convention européenne des droits l'Homme,


 

 

 

la Cour européenne des droits de l'Homme comprend un juge élu au titre de chaque Partie contractante.

 

Parallèlement, il importerait d’augmenter le nombre de juristes au service de la Charte sociale européenne.

 

Le Réseau estime par ailleurs le moment venu de mettre en application l’amendement figurant à larticle 3 du Protocole de Turin de 1991. Ce serait une manière, parmi d’autres, d’indiquer l’importance que le Conseil de l’Europe et ses Etats membres attachent aux droits de la Charte sociale européenne.

 

  1. LE DEVELOPPEMENT DU DROIT DE LA CHARTE SOCIALE EUROPEENNE

 

2.1.  Les interactions entre la Charte sociale européenne et le droit de Union européenne

 

Le Réseau académique sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux constate l'existence de risques accrus de conflits entre les exigences de la Charte sociale européenne (révisée) d'une part, et celles du droit de l'Union européenne d'autre part, à mesure que s'étendent les rimètres de chacun de ces ensembles de normes.

 

Il relève ainsi que, dans une décision du 3 juillet 2013, le Comité européen des droits sociaux a conclu au bien-fondé d'une réclamation introduite par les syndicats suédois, qui estimaient que les amendements apportés à la législation suédoise en 2010, afin de permettre à la Suède de se conformer à  l'arrêt Laval de la Cour de justice  de l'Union européenne, violaient plusieurs paragraphes de la Charte sociale européenne (révisée) : le Comité constate que lesdits amendements ne favorisent pas la négociation collective, en violation de l'engagement accepté par la Suède dans l'article 6 § 2 de la Charte de promouvoir la négociation collective comme manière de gler les conditions d'emploi; et que ces amendements apportent des restrictions aux actions collectives auxquelles les travailleurs doivent pouvoir recourir, dont la

nature aboutit à une violation de l'article 6 § 4 de la Charte12.

 

Cette décision s'inscrit dans une évolution d'ensemble. Deux décisions rendues le 23 mai 2012 par le Comité européen des droits sociaux constataient dé qu'aboutissaient à des violations de la Charte sociale européenne de 1961 plusieurs mesures de flexibilisation du droit du travail en Grèce en particulier, autorisant le licenciement sans préavis ni indemnité de personnes engagées sous les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée ou favorisant l'embauche de jeunes travailleurs par la création de gimes spéciaux aboutissant à créer un régime dérogatoire –, alors que ces mesures se voulaient une réponse à la crise économique et notamment au taux de chômage très élevé des jeunes en Grèce, et étaient semble-t-il adoptées sous la pression de la « troïka » (comprenant la Banque centrale européenne, la Commission européenne, et le Fonds monétaire international) constituée afin de s'assurer que ce pays

 

 

 

 

  1. Comité européen des droits sociaux, Confédération générale du travail de Suède (LO) et Confédération générale des cadres, fonctionnaires et emplos (TCO) c. Suède, réclamation n° 85/2012, décision sur la recevabilité et le bien-fondé du 3 juillet 2013, spéc. paras. 116 et 120.

 

 

prendrait des mesures structurelles garantissant la résorption de sa dette publique13. Par la suite, le Comité européen des droits sociaux a pris position sur le bien-fondé d'une réclamation introduite par le Syndicat des pensionnés-salariés de Grèce (« IKA-ETAM »), alléguant qu'un ensemble de modifications apportées au gime grec des pensions au cours de l'année 2010 était incompatible avec les engagements de la Grèce dans le cadre de la Charte sociale européenne, notamment avec son article 12 qui impose de porter progressivement le régime de sécurité sociale à un niveau plus élevé14. Le Comité relève dans sa décision que la clause de restriction de l'article 31 § 1er de la Charte de 1961 ne fait pas figurer les « objectifs économiques ou financiers » parmi les motifs admissibles de restriction des droits que la Charte garantit15. Il ajoute que « la circonstance que les mesures nationales contestées tendent à satisfaire à une autre obligation internationale que la Charte ne les soustrait pas à l'empire de celle-ci »16. Selon le Comité européen des droits sociaux, « lorsque les Etats parties acceptent des dispositions contraignantes qui se réfèrent à des questions gies par la Charte, il leur appartient, tant lors de l'élaboration dudit texte que de sa mise en œuvre dans leur droit

interne, de tenir compte des engagements qu'ils ont souscrits par la ratification de la Charte »17.

 

Le Comité européen des droits sociaux dit attacher « la plus grande importance à ce que les Parties contractantes de la Charte tiennent compte de ce traité lorsqu’elles adoptent, au sein de l’Union européenne, des directives dans les domaines couverts par la Charte. Le Comité souhaite en outre que les Parties contractantes, lorsqu’elles sont appees à transposer en droit

 

 

  1. Comité européen des droits sociaux, Fédération générale des emplos des compagnies publiques d'électricité (GENOP- DEI) et Confédération des syndicats des fonctionnaires publics (ADEDY) c. Grèce, réclamation n° 65/2011, décision sur le bien-fondé du 23 mai 2012 ; Comité européen des droits sociaux,  Fédération générale des emplos des compagnies publiques d'électricité (GENOP-DEI) et Confédération des syndicats des fonctionnaires publics (ADEDY) c. Grèce, réclamation n° 66/2011, décision sur le bien-fondé du 23 mai 2012. La première décision concerne des mesures de flexibilisation du droit du travail en Grèce, introduites par une loi du 17 décembre 2010, rendant possible, au cours de la période probatoire, le licenciement d'un travailleur engagé à durée indéterminée, sans préavis ni indemnité de licenciement: le Comité considère que cette mesure porte atteinte à la garantie figurant à l'article 4 § 4 de la Charte sociale européenne de 1961, qui garantit « le droit de tous les travailleurs à un délai de préavis raisonnable dans le cas de cessation de l'emploi ». La deuxme décision constate que des dispositions introduites en 2010 dans le droit du travail grec, concernant les « contrats spéciaux d'apprentissage » destinés à l'embauche des jeunes de 15 à 18 ans et concernant la premre embauche de jeunes de moins de 25 ans, violent plusieurs garanties de la Charte sociale européenne. Les « contrats spéciaux d'apprentissage » ne prévoient pas que les jeunes bénéficieront de trois semaines au moins par an de congés payés, en violation de l'article 7 § 7 de la Charte ; ils ne favorisent pas la formation des jeunes travailleurs, contrairement au prescrit de l'article 10 § 2 de la Charte ; et ils excluent en pratique les jeunes travailleurs de la protection offerte par le système de sécurité sociale, en violation de l'article 12 § 3 de la Charte. Et, s'agissant des mesures destinées à favoriser la première embauche des jeunes de moins de 25 ans, le Comité considère que l'autorisation d'engager des jeunes contre une rémunération située à 68% du salaire minimum gal ne respecte pas l'article 4 § 1er de la Charte, qui garantit le droit à une rémunération équitable et s'oppose au versement d'un salaire situé en-dà du seuil de pauvreté ; il constate en outre qu'elle débouche sur une discrimination fondée sur lge.
  2. Comité européen des droits sociaux, Fédération des pensionnés salariés de Grèce (IKA-ETAM) c. Grèce, réclamation n°

76/2012, décision sur le bien-fondé du 7 décembre 2012.

  1. Id., para. 12. L'article 31 § 1er de la Charte sociale européenne de 1961 dit que: « Les droits et principes énons dans la

partie I, lorsqu'ils seront effectivement mis en œuvre, et l'exercice effectif de ces droits et principes, tel qu'il est prévu dans la partie II, ne pourront faire l'objet de restrictions ou limitations non spécifes dans les parties I et II, à l'exception de celles prescrites par la loi et qui sont nécessaires, dans une société démocratique, pour garantir le respect des droits et des libertés d'autrui ou pour proger l'ordre public, la sécurité nationale, la santé publique ou les bonnes mœurs ».

  1. Voir dé Comité européen des droits sociaux, Confédération générale du travail (CGT) c. France, réclamation

n°55/2009, décision sur le bien-fondé du 23 juin 2010.

  1. Comité européen des droits sociaux, Fédération des pensionnés salariés de Grèce (IKA-ETAM) c. Grèce, réclamation n°

76/2012, déc. précitée sur le bien-fondé, para. 51.


 

 

interne des directives de l’Union européenne, fassent cette transposition en se conformant à leurs obligations au regard de la Charte. Il en va ainsi particulièrement des directives qui n’ont pas encore été intégrées dans le droit interne d’un certain nombre de Parties contractantes »18.

 

En effet, les risques de conflit entre le droit de l'Union européenne et les exigences de la Charte sociale européenne subsisteront tant que les exigences que la Charte sociale européenne impose aux Etats parties ne seront pas mieux prises en compte dans l'élaboration du droit et des politiques de l'Union européenne19. Dans une décision de 201020, le Comité européen des droits sociaux a rappe que cette situation empêchait de considérer a priori les textes juridiques de l’Union européenne comme bénéficiant d'une présomption de conformité avec la Charte sociale européenne21. Il s'est dit néanmoins « prêt à modifier son opinion » lorsque la prise en compte de la Charte sociale européenne dans le droit de l'Union européenne serait plus systématique et fidèle22.

 

Or, le Réseau constate que le risque de conflits entre le droit de l'Union européenne et les exigences de la Charte sociale européenne s'accroît :

 

  1. La Cour de justice de l'Union européenne ne considère pas que la Charte sociale européenne devrait inspirer l’interprétation des dispositions fondamentales de l’Union en matière sociale, et plus généralement, les principes généraux du droit de lUnion. La Cour de justice accepte certes que les Etats membres puissent psenter certains droits sociaux fondamentaux et leur souci d’en assurer la protection au plan national comme constituant des raisons impérieuses dintérêt général susceptibles de justifier des restrictions à la libre circulation des marchandises23 ou à la libre prestation des services24, ou comme justifiant des restrictions aux exigences du droit de la concurrence25. Mais la Charte sociale européenne ne constitue pas une référence obligatoire pour l’identification de ces droits 26 . Il peut donc

 

 

  1. Conclusions XIV-1 (1998), Introduction générale, p. 28.
  2. En ce sens, O. De Schutter, « Le statut de la Charte sociale européenne dans le droit de l’Union européenne », in Mélanges

en hommage à Jean-Paul Jacqué, Dalloz, Paris, 2010, pp. 217-261.

  1. Comité européen des droits sociaux, Confédération générale du travail (CGT) c. France, réclamation n°55/2009, décision

sur le bien-fondé du 23 juin 2010, voy. spéc. §§ 32-42 (compatibilité de la loi française n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail avec les engagements de la France dans le cadre de la Charte sociale européenne révisée).

  1. Ibid., § 35.
  2. Comité européen des droits sociaux, Confédération générale du travail (CGT) c. France, déc. précitée n. 21, § 37.
  3. C.J., 28 avril 1998, Decker, C-120/95, Rec., p. I-1831, points 39 et 40. Pour une étude systématique, voy. O. De Schutter,

« Laffirmation des droits sociaux fondamentaux dans la Charte des droits fondamentaux de lUnion européenne », in A. Lyon-Caen and P. Lokiec (dir.), Droits fondamentaux et droit social, Paris, Dalloz 2005, pp. 145-184.

  1. C.J., 17 décembre 1981, Produre pénale c. A. J. Webb, 279/80, Rec., p. 3305 ; C.J., 27 mars 1990, Rush Portuguesa, C-

113/89, Rec., p. I-1417, point 17 ; C.J., 28 mars 1996, Guiot, C-272/94, Rec., p. I-1905, point 16; C.J., 28 avril 1998, Kohll, C-158/96, Rec., p. I-1931, point 41 ; CJ.C.E., 23 novembre 1999, Arblade, aff. jtes C-369/96 et C-376/96, Rec., p. I-8453, point 36 ; C.J., 15 mars 2001, Mazzaleni et ISA, C-165/98, Rec., p. I-2189, point 27 ; C.J., 24 janvier 2002, Produre d’infraction c. Portugaia Construçoes Lda, C-164/99, Rec., p. I-787, points 20 et 21.

25 C.J., 21 septembre 1999, Albany, C-67/96, Rec., p. I-5751.

  1. Sur la question des rapports entre Charte sociale européenne et droit de l’Union européenne, voy. généralement O. De

Schutter, « Le statut de la Charte sociale européenne dans le droit de l’Union européenne », cité ci-dessus; J.-Fr. Akandji- Kombé, « Charte sociale et droit communautaire », in J.-Fr. Akandji-Kombé  et St. Leclerc  (éds.), La Charte  sociale européenne, Bruylant, Bruxelles, 2001 ; et J.-Fr. Flauss, « Les interactions normatives entre les instruments de droit européen


 

 

arriver qu’un Etat membre se voie tenu, en vertu des obligations qui lui sont imposées en raison de son appartenance à l’Union européenne, de renoncer à garantir certains droits sociaux fondamentaux, ou au moins de devoir renoncer à les garantir à un niveau déterminé, alors qu’en assurant cette garantie, il ptendrait s’acquitter des obligations que lui impose la Charte sociale européenne.

 

  1. Bien que la Charte sociale européenne et les directives de l'Union européenne en matière sociale n'imposent en général que des prescriptions minimales, le risque de conflit peut résulter de l'interprétation que donne la Cour de justice de l'Union européenne des libertés économiques que reconnaissent les traités européens. En outre, dans d'autres domaines couverts par la Charte  sociale européenne révisée, ce sont des mesures d'harmonisation adoptées au sein de l'Union européenne qui créent le risque de conflit. C’est le cas en particulier des mesures prises en vue de l’établissement du marc intérieur, sur la base des articles 114 et 115 TFUE.

 

Dans son rapport sur la Situation de la démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit en Europe, psenté à la 124e réunion du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe tenue à Vienne les 5 et 6 mai 2014, le Secrétaire général du Conseil de l'Europe note que: « le Comité européen des droits sociaux a rendu en 2013 une décision dans laquelle il conclut notamment à une atteinte au droit de négociation collective et au droit de gve, corollaires notables du droit syndical. Les mesures attaquées avaient é prises à la suite dun arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Les décisions dEtats parties découlant directement ou indirectement du droit de l’Union doivent respecter les droits garantis dans la Charte. Il est donc urgent de trouver des façons pragmatiques de résorber les contradictions entre les deux groupes de normes ».27

 

Cet appel doit être entendu.  Le seau propose d’y contribuer.

 

Il attire aussi l’attention sur le fait qu’il existe, dans le cadre de la produre de réclamations collectives, un mécanisme d’appel à interventions des tiers (article 32A du Règlement du Comité) qui peut servir au dialogue entre le sysme de la Charte sociale européenne et le droit de l’Union européenne. Il estime qu’il serait très utile que des mécanismes équivalents existants dans le cadre de l’Union européenne soient élargis.

 

  1. Les garanties de la Charte sociale européenne et les politiques liées à la crise financre et économique

 

  1. Position du problème

 

L’obligation qui incombe aux Etats de se conformer à la Charte sociale européenne lorsquils adoptent des dispositions gislatives ou glementaires, ou de prendre les mesures propres à faire en sorte que les parties sociales se conforment à la Charte lorsquelles concluent des

 

 

relatives à la protection des droits sociaux », in J.-Fr. Flauss (dir.), Droits sociaux et droit européen. Bilan et prospective de la protection normative, Bruylant-Némésis, Bruxelles, 2002, p. 87.

  1. Situation de la démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit en Europe. Rapport établi par le Secrétaire général

du Conseil de l'Europe, SG(2014)1 final, p. 41.


 

 

accords ou conventions collectifs de travail, na jamais soule de doute. En effet, en adhérant à la Charte, les Etats parties se sont engagés à prendre des mesures déterminées pour reconnaître des droits aux bénéficiaires désignés ou pour mettre en œuvre tel ou tel droit garanti par le texte européen, pour favoriser ou promouvoir telle pratique, pour reconnaître immédiatement tel droit qui devra par conséquent être respecté, etc.

 

Ces obligations, et les droits corrélatifs, ne sont cependant pas absolus. La Charte ouvre aux Etats parties deux possibilités pour en réduire la portée. Ces facultés font l’objet des articles 30 et 31 de la Charte de Turin, F et G de la Charte révisée. Ces articles visent respectivement les dérogations en cas de guerre ou de danger public28 et les restrictions29. C’est dans ces mêmes dispositions que se trouvent les garanties d’application de la Charte, en ce compris celles qui s’appliquent lors de circonstances extraordinaires comme la crise économique et

financière.

 

  1. La jurisprudence du Comité européen des droits sociaux

 

Interprétant l’article 31 de la Charte de 1961 ou l’article G de la Charte sociale révisée de 1996, le CEDS a toujours jugé que le pouvoir des Etats de restreindre la jouissance des droits protégés par la Charte sociale était subordonné à certaines conditions et ne saurait, en tout état de cause, conduire à ce que les droits en cause soient vidés de leur substance et, a fortiori, que la jouissance de ces droits soit suspendue. Cette position se fonde sur les articles 31-CSE et G-CSER, qui posent comme exigence que la restriction aux droits de la Charte soit pvue par la loi, qu’elle soit au surplus justifiée par la nécessité de garantir le respect des droits et des libertés d'autrui ou de protéger l'ordre public, la sécurité nationale, la san publique ou les bonnes mœurs et, enfin, qu’elle soit proportionnée au but à atteindre. Il sagit de conditions cumulatives.

 

S’agissant de l’article 30 de la CSE et de l’article F de la CSER, il résulte des décisions précitées du Comité européen des droits sociaux qu’une crise financière ou économique est étrangère à la notion de « guerre ou autre danger public menaçant la vie de la nation », seule circonstance pouvant justifier des mesures dérogatoires aux exigences de la Charte. Il a aussi é jugé que les anagements aux droits sociaux rendus nécessaires par les circonstances de crise doivent être strictement limités et ne pas porter atteinte à la substance de ces droits. La considération de principe justifiant cette position a é exprimée dans ces termes par le CEDS

 

  1. Les articles 30 CSE et F CSER sont rédigés comme suit : « 1- En cas de guerre ou en cas d'autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Partie peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Charte, dans la stricte mesure la situation l'exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international. 2- Toute Partie ayant exercé ce droit de dérogation tient, dans un lai raisonnable, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont inspirées. Elle doit également informer le Secrétaire Général de la date à laquelle ces mesures ont cessé d'être en vigueur et à laquelle les dispositions de la Charte qu'elle a acceptées reçoivent de nouveau pleine application ».
  2. Les articles 31 CSE et G CSER sont rédigés comme suit : « 1- Les droits et principes énoncés dans la partie I, lorsqu'ils seront effectivement mis en œuvre, et l'exercice effectif de ces droits et principes, tel qu'il est prévu dans la partie II, ne pourront faire l'objet de restrictions ou limitations non spécifiées dans les parties I et II, à l'exception de celles prescrites par la loi et qui sont nécessaires, dans une société démocratique, pour garantir le respect des droits et des libertés d'autrui ou pour protéger l'ordre public, la sécurité nationale, la santé publique ou les bonnes mœurs. 2- Les restrictions apportées en vertu de la présente Charte aux droits et obligations reconnus dans celle-ci ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues ».

 

 

lui même : « la crise économique ne doit pas se traduire par une baisse de la protection des droits reconnus par la Charte. Les gouvernements se doivent dès lors de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ces droits soient effectivement garantis au moment le besoin de protection se fait le plus sentir »30.

 

La protection des droits sociaux revêt une importance accrue, lorsque se trouvent fragilisées des populations entières et lorsque le pouvoir de négociation des travailleurs se trouve affaibli. Cest tout particulièrement le cas en cette période de crises. Les droits sociaux ne doivent pas être une variable d’ajustement des politiques économiques et sociales développées en ponse à la crise financre et économique et, aujourd'hui, à la crise de la dette souveraine des Etats.

 

  1. Les suites des cisions du Comité européen des droits sociaux

 

Dans le souci dassurer la protection des droits de l’homme en période de crise économique, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a formulé récemment les recommandations suivantes à l’endroit des Etats membres du Conseil de lEurope31 :

 

Le Commissaire aux droits de l’homme a entendu, à travers plusieurs de ces recommandations, tirer les implications des décisions du Comité européen des droits sociaux relatives au respect de la Charte sociale européenne dans le cadre des politiques d’austérité.

 

 

 

 

 

  1. Comité européen des droits sociaux, Fédération générale des employés des compagnies publiques délectricité (GENOP-DEI) et Confédération des syndicats des fonctionnaires publics (ADEDY) c. Grèce, Réclamation 65/2011, Décision sur le bien fondé du 5 fevrier 2013, § 16.
  2. Protéger les droits de l’homme en temps de crise économique, Document thématique publ par le Commissaire aux droits de lhomme du Conseil de l’Europe, Conseil de l’Europe, mai 2014, p. 9 à 12.

 

 

Malheureusement, les organes politiques du Conseil de l’Europe ont parfois adopté des positions qui sont de nature à instiller le doute sur les attentes développées à l'égard des Etats. Ainsi, le Comité des ministres, dont la mission est précisément de veiller à l’exécution des décisions du CEDS, na pas recommandé au gouvernement grec de prendre les mesures fortes qu’impliquaient les cisions rendues à lencontre de ce pays.

 

Le Réseau estime que le Comité des Ministres remplirait plus efficacement son rôle en assurant le suivi des décisions et conclusions du Comité européen des droits sociaux. Il pourrait, dans un premier temps, demander aux Etats de lui notifier les mesures prises pour se conformer aux exigences de la Charte telles qu’énoncées par le Comité européen des droits sociaux dans ses décisions.

 

Le Réseau est préoccupé par ailleurs par le fait que nombre dEtats parties à la Charte sociale, pour s’exonérer de l’obligation de se conformer aux exigences énoncées par le CEDS, nhésitent pas à invoquer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme32, dont ils ptendent qu’elle confirme leur liberté de prendre toutes mesures économiques et sociales exigées par la crise.

 

Il importerait, de l’avis du Réseau, de affirmer de manière claire et incontestable que les obligations assumées en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme, instrument complémentaire de la Charte sociale européenne, n’ont pas vocation à neutraliser les engagements pris au titre de la Charte sociale.

 

 

 

Le présent texte a été rédigé conjointement par

 

Il a été approuvé par l’Assemblée générale du Réseau académique européen sur la Charte sociale européenne et les droits sociaux (R.A.C.S.E.) réuni à Turin, le16 octobre 2014.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Voir notamment : Cour euroenne des droits de lhomme, 30 janv. 2013, Décision E.B. (no 2) c. Hongrie, req. n° 34929/11 (à propos dune réforme de 2010, en Hongrie, qui aboutit, notamment, à la suppression du régime de retraite à deux piliers (fonds public / fonds privé), et à l’augmentation des cotisations de retraite) ; 31 oct. 2013, Décision Da Conceição Mateus c. Portugal et Santos Januário c. Portugal, req. 62235/12 et n° 57725/12 (Portugal : à propos de la décision de réduction des pensions prise par le gouvernement en 2012).