CDBI-CO-GT3 (2003) 13
Strasbourg, le 19 juin 2003
Comité Directeur pour la bioéthique
(CDBI)
la protection de l’embryon humain
in vitro
Rapport du Groupe de travail sur la protection de l‘embryon et du fœtus humains
(CDBI-CO-GT3)
Table des matières
I. Introduction générale sur le contexte et les objectifs du rapport
B. Approche philosophique de la « nature » et du statut de l’embryon
D. Commercialisation de l’embryon et de ses parties
F. « Liberté de procréation » et l’instrumentalisation des femmes
III. Fécondation in vitro (FIV)
A. Présentation des procédures
B. Discussion critique sur la FIV
C. Nombre d’embryons constitués pour la FIV
D. Information et consentement
A. Introduction à la recherche sur l’embryon
B. Le principe de « liberté de recherche »
C. Cellules souches embryonnaires : aspects scientifiques
E. Constitution d’embryons pour la recherche (y compris pour l’obtention de cellules souches)
V. Diagnostic préimplantatoire (DPI) (à des fins de diagnostic génétique)
A. Présentation du DPI : procédure et conditions
B. Aspects éthiques et conséquences sociales, en particulier la question de l’eugénisme
D. Recours au DPI pour l’analyse d’immunocompatibilité
Chronologie du développement embryonnaire jusqu’à l’implantation
Premières étapes du développement embryonnaire
Sélection de documents de référence au niveau européen
Rapport sur la protection de l’embryon humain in vitro
La réflexion éthique sur la protection de l’embryon humain in vitro et l’utilisation des techniques d’assistance médicale à la procréation constitue une partie importante du travail entrepris depuis une quinzaine d’années par le Conseil de l’Europe dans le domaine de la bioéthique. L’étendue de cette réflexion donne la mesure de la complexité et de la difficulté des questions éthiques en jeu, des importants développements scientifiques qui ont eu lieu pendant cette période et de l’évolution de l’opinion sur ces questions.
En 1989, le Comité ad hoc d’experts sur la bioéthique (CAHBI) - remplacé aujourd’hui par le Comité directeur pour la bioéthique (CDBI) - publiait un rapport sur l’assistance médicale à la procréation. Ce rapport n’avait aucun caractère juridique contraignant, mais il définissait un certain nombre de principes pouvant servir d’éléments d’orientation aux Etats membres dans un domaine encore relativement peu développé.
En 1992, le CAHBI, devenu ensuite le CDBI, entreprit d’élaborer une convention cadre définissant des normes générales communes pour la protection de la personne humaine dans le contexte des sciences biomédicales. Ce travail a abouti à l’ouverture à la signature, en avril 1997, de la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, STE 164).
L’article 14 de cette Convention énonce un principe général d’interdiction de l’utilisation des techniques d'assistance médicale à la procréation pour choisir le sexe de l'enfant à naître, sauf dans certains cas très limités de maladie. L’article 18 de la Convention est une disposition générale s’appliquant à la recherche sur les embryons in vitro. Les normes générales énoncées par la Convention à propos du consentement, des obligations et normes professionnelles et de l’interdiction du profit à partir du corps humain et de ses parties s’appliquent à l’assistance médicale à la procréation comme à toute autre intervention médicale.
La nécessité d’entreprendre une réflexion plus approfondie sur les questions relatives à la protection de l’embryon in vitro et l’utilisation des techniques d'assistance médicale à la procréation a conduit à la mise en place, en 1995, d’un Groupe de travail, présidé initialement par M. Jean MICHAUD (France), puis par le professeur Daniel SERRAO (Portugal), chargé d’examiner ces questions. (La liste des membres du Groupe de travail et des experts non membres du Groupe de travail qui ont contribué à l’élaboration de ce rapport est présentée à l’Annexe IV).
Pour confronter les points de vue et contribuer à la réflexion qu’allait mener le Groupe de travail, un symposium sur l’assistance médicale à la procréation et la protection de l’embryon humain fut organisé du 15 au 18 décembre 1996 (voir les actes du symposium sur le site web : http:// www.coe.int/bioethics)
La naissance de la brebis Dolly en 1997 a suscité, dans le monde entier, de vives inquiétudes quant aux possibilités de clonage reproductif d’êtres humains. Ces inquiétudes ont été prises en compte par le Groupe de travail qui a été chargé de préparer un projet de Protocole additionnel à la Convention concernant le clonage. Le Protocole à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, portant interdiction du clonage d’êtres humains (STE 168) a été ouvert à la signature en janvier 1998.
A la suite du symposium, afin d’aider le Groupe de travail dans sa réflexion, une étude comparative de la position des Etats membres et des Etats observateurs auprès du CDBI sur les points pertinents a été réalisée et publiée en 1998 (voir le document CDBI-INF(98)8, Assistance médicale à la procréation et protection de l’embryon humain : étude comparative sur la situation dans 39 pays ; clonage : étude comparative sur la situation dans 44 pays).
Si un grand nombre des questions abordées dans ce rapport font l’objet d’un large consensus au niveau européen, il subsiste, sur certains points, une très grande diversité d’opinions qui rend donc actuellement difficile l’identification d'approches communes. Dans ce contexte, il a été considéré qu’un rapport sur la protection de l’embryon humain in vitro serait une étape utile pour avancer dans la discussion sur le plan éthique de ces questions. Le Groupe de travail a commencé l’élaboration de ce rapport en septembre 2002.
Le présent rapport vise à faciliter la réflexion en présentant brièvement les diverses positions existantes sur les questions évoquées, ainsi que leur argumentation, sans prendre position sur les thèmes abordés. Le rapport présente brièvement les questions scientifiques en jeu pour aider à comprendre les problèmes éthiques qu’elles soulèvent, mais ne procède pas à une présentation scientifique détaillée et complète.
Lors de l’élaboration de la législation et de la réglementation concernant la fécondation in vitro, certaines questions relevant du droit de la famille, par exemple celles qui concernent la filiation de l’enfant à naître, devront être prises en compte. Toutefois, ces questions qui vont au-delà du champ de la protection de l’embryon, dépassent aussi le cadre de ce rapport.
Le rapport comprend quatre sections principales. La première aborde les différentes questions de principe concernant la protection de l’embryon humain in vitro qui sont pertinentes du point de vue de l’ensemble des problèmes évoqués dans le rapport. Les trois sections suivantes sont consacrées aux problèmes soulevés respectivement par la fécondation in vitro, la recherche sur l’embryon in vitro et le diagnostic génétique préimplantatoire.
La fécondation se produit 24 heures après l’ovulation dans la partie distale de la trompe de Fallope. Les pronuclei mâle et femelle se retrouvent dans l’ovocyte et les deux groupes de chromosomes – l’un provenant du gamète mâle et l’autre du gamète femelle – se rassemblent. Le zygote unicellulaire subit ensuite une série de divisions mitotiques. La première division du zygote se produit dans la trompe, un jour et demi à deux jours et demi après la fécondation (voir fig. 1 à l’Annexe I).
Les deux cellules (blastomères) de l’embryon possèdent un potentiel de développement similaire, c’est‑à‑dire qu’elles sont toutes les deux totipotentes. Chaque blastomère est encore capable de former tout seul un embryon entier, puis un fœtus, avec tous les types de cellules nécessaires à la différenciation en tissus fœtaux et en membranes extraembryonnaires après la fécondation. Au bout de 3 à 4 jours, se constitue la morula multicellulaire. Les blastomères dans l’embryon de souris ne sont plus totipotents après le stade 2 cellules, mais ceux des ovins et des bovins le sont même au stade 8 cellules, alors que les embryons humains se situent probablement entre les deux. Pendant toutes les phases jusqu’à l’implantation, l’embryon humain est entouré d’une membrane transparente non cellulaire, appelée zona pellucida. Au bout de cinq jours, le blastocyste est constitué (voir fig. 2 à l’Annexe I). Une cavité remplie de liquide (la cavité du blastocyste ou blastocèle) se forme au milieu des blastomères. On remarque à l’une de ses extrémités une agglomération de cellules (la masse cellulaire interne – MCI). La couche extérieure unicellulaire du blastocyste constitue le trophectoderme. Ainsi, pour la première fois dans l’embryon humain en développement apparaissent deux types de cellules différentes: le trophectoderme a pour fonction l’apport nutritionnel et l’implantation de l’embryon, tandis que la MCI contient toutes les cellules qui formeront le fœtus. Les cellules de la MCI sont pluripotentes. Elles ne sont pas totipotentes parce qu’elles ne peuvent constituer par elles-mêmes un fœtus.
Au bout de 6 à 7 jours, l’embryon se sépare de la zona pellucida par «éclosion» et commence à s’enfoncer dans l’épithélium de l’utérus et plus profondément dans la paroi utérine. Le trophoblaste, issu du trophectoderme, entre en contact avec les cellules utérines et les vaisseaux sanguins maternels, pour former le placenta. Au début de la deuxième semaine, les cellules (embryonnaires) de l’endoderme primitif se séparent du reste de la MCI pour tapisser la cavité du blastocyste. Cet endoderme primitif (l’hypoblaste, qui est un tissu extra-embryonnaire) donne naissance à l’endoderme du sac vitellin (voir fig. 2 à l’Annexe I). Les cellules restantes de la MCI sont désormais appelées épiblaste ou ectoderme.
Entre le 7e et le 14e jour, le blastocyste s’implante de plus en plus profondément dans l’endomètre utérin. Les cavités amniotique et exocélomique sont constituées. La ligne primitive se forme au milieu, à l’extrémité postérieure de l’ectoderme. Les cellules précurseurs de l’endoderme et du mésoderme fœtaux se séparent de l’ectoderme et migrent à travers la ligne. La gastrulation se caractérise par la formation de trois feuillets embryonnaires définitifs: l’ectoderme, l’endoderme et le mésoderme qui sont nécessaires à la poursuite de l’organogénèse.
La question du statut de l’embryon est au centre du débat éthique sur la protection dont devrait bénéficier l’embryon. Les différents postulats sur le statut de l’embryon aboutissent à des conclusions différentes sur la protection adéquate de l’embryon in vitro, aussi bien en ce qui concerne le moment où elle commence que sur son degré. Les arguments invoqués peuvent se combiner de diverses façons et chaque combinaison révèle une position morale différente sur le statut de l’embryon. Quatre principales positions peuvent être identifiées. Toutefois, parmi les individus ou les groupes qui adhèrent de manière générale à une position, des divergences peuvent subsister sur le statut accordé à l’embryon. En outre, les différences entre les positions ne sont pas nécessairement aussi tranchées qu’il y paraît. Certains peuvent donc ne pas reconnaître leur point de vue dans aucune des positions décrites. Néanmoins, dans la mesure où cela est possible, des distinctions nettes sont établies parce qu’elles sont nécessaires à l’élaboration d’une législation claire et opérante.
Les quatre principales positions morales sur le statut de l’embryon
Ces positions sont claires, simples et sans ambiguïté.
Pour la première, l’œuf fécondé doit être considéré comme un être humain. Par conséquent, un œuf fécondé ou un embryon a, en principe, une valeur inviolable (comme tout être humain) et un droit à la vie. Rien ne doit donc être fait pour empêcher, rendre difficile ou impossible le développement de l’embryon. Si un processus naturel est susceptible de mettre en danger ce développement, il peut exister une obligation de contrer ce processus, de la même façon qu’il peut exister une obligation de lutter contre une maladie entraînant un risque vital pour un individu. Toutefois, de même qu’un Etat ne peut être tenu d’assurer toutes les formes de traitement permettant de prolonger la vie, cette obligation n’est pas absolue.
Chaque œuf fécondé ou embryon ayant la même valeur, toute forme de sélection entre des œufs fécondés ou des embryons est inacceptable. Les tenants de cette position considèrent que toute interruption de la grossesse ou toute recherche sur un embryon qui entraînerait sa destruction sont, par principe, inacceptables. La seule exception possible concerne le cas où la poursuite de la grossesse met en danger la vie de la mère.
Dans la seconde position, aucune valeur morale n’est accordée à l’embryon ou seulement une valeur très faible. Il n’y a pas lieu dans ce cas de le protéger et il ne bénéficie pas de la reconnaissance d’un droit à la vie.
Selon les défenseurs de cette position, la poursuite de recherches susceptibles d’entraîner la destruction de l’embryon est dès lors acceptable. Si, pour une raison quelconque, une sélection entre des embryons ou des œufs fécondés doit être pratiquée, elle doit être effectuée sur la base des intérêts en jeu. L’œuf fécondé n’ayant pas, en tant que tel, d’intérêt propre, les intérêts en question sont uniquement ceux des autres parties concernées. Cette position laisse l’embryon sans aucune protection.
Les positions « gradualistes »
Les tenants de ces positions considèrent que l’ovule et le spermatozoïde sont des entités vivantes dès avant même la fécondation et que l’œuf fécondé se développe progressivement en un être humain. L’embryon a pour eux une valeur importante, mais non absolue. S’agissant du droit à la vie, diverses opinions sont possibles : certains considèrent que l’embryon a un droit à la vie, d’autres font état d’un droit à se développer.
Les défenseurs de la position gradualiste considèrent que les droits de l’embryon se renforcent au cours de son développement. D’autres droits ou intérêts, tels que la santé de la mère, peuvent cependant prendre le pas sur ces droits. Ceux qui contestent ce point de vue craignent que le niveau variable de protection qui peut être accordé à l’embryon ou au fœtus ne remette en cause le principe du respect de la dignité humaine et de l’égale valeur morale des individus. Dans une approche gradualiste, si, pour une raison ou une autre, une sélection entre des embryons s’impose, elle ne devrait être réalisée que sur la base d’intérêts primordiaux.
Comme nous l’avons indiqué plus haut, on trouve parmi les tenants de la position gradualiste des nuances d’opinion au sujet de la protection de l’embryon, notamment en ce qui concerne le moment où la protection maximale lui est accordée. A cet égard, deux points de vue peuvent être considérés.
Pour certains, le développement étant un processus continu, les droits de l’embryon et, surtout, le droit à la protection s’accroissent à mesure de son développement, une protection maximum et des droits au sens plein du terme prenant effet dès l’instant où l’embryon est viable. Toutefois, les intérêts et droits des autres parties concernées sont aussi à prendre en compte et des conflits d’intérêts peuvent donc soulever des problèmes éthiques.
Dans ce cas, il peut être acceptable, sous certaines conditions, par exemple d’utiliser un moyen de contraception après un rapport sexuel, d’effectuer une sélection entre des œufs fécondés, de mener des recherches sur un embryon et de pratiquer un avortement. Pour préciser la nature de ces conditions, il faut bien souvent définir des limites précises (en précisant, par exemple, après quelle étape du développement, la recherche sur les embryons est interdite). Les étapes spécifiques du développement de l’embryon, notamment l’étape de développement de la ligne primitive, ont souvent été retenues comme critères décisifs. Toutefois, pour certains, ce type de limite est relativement arbitraire, en raison de la nature du processus de développement. Même le moment où l’embryon devient viable peut varier en fonction des techniques d’assistance (comme les soins intensifs) mises en œuvre.
Pour ceux qui adhèrent à la seconde position de type gradualiste, comme pour la première, les droits de l’embryon, et surtout le droit à la protection, augmentent progressivement au cours de son développement mais ce n’est qu’à la naissance que peuvent être reconnus des droits au plein sens du terme. Les intérêts et les droits d’autres parties concernées peuvent également être pris en compte et donc, par exemple, la poursuite de recherches sur l’embryon peut être justifiée dans certains cas. L’avortement peut être jugé acceptable à un stade plus avancé de la grossesse qu’à celui accepté par les tenants du point de vue précédent. Toutefois, certains craignent que les arguments avancés pour soutenir cette position soient également utilisés pour justifier l’infanticide et ne conduisent sur une « pente glissante ».
On voit donc, en conclusion, que la plupart des positions adoptées au sujet du statut de l’embryon considèrent que l’embryon doit au moins bénéficier d’un certain niveau de protection.
Ces différentes positions s’appuient sur des arguments divers, liés notamment à la biologie, à l’idée de potentialité et à la notion de personne. Ce sont ces arguments que nous allons maintenant examiner.
Arguments sur lesquels se fondent les positions
Le problème fondamental qui sous-tend la question du statut de l’embryon est celui de savoir quand commence une vie individuelle et à partir de quel moment on peut invoquer une valeur morale.
Arguments liés à la biologie
Selon ce type d’arguments, le moment où un être unique commence à exister est déterminant. Dès l’instant de la fécondation, une nouvelle entité unique, notamment sur le plan génétique, existe. Cet instant est pour certains, le moment à partir duquel on peut faire référence à l’unicité d’un être.
Pour d’autres, ce moment intervient plus tard dans le développement. Pendant une certaine période, qui prend fin environ quinze jours après la fécondation et avant l’apparition de la ligne primitive, l’embryon se développe d’une manière qui peut aboutir à la formation d’un, deux ou trois embryons. Les tenants de cette position considèrent que ce n’est qu’à la fin de cette période, lorsque l’embryon a perdu cette possibilité, qu’il peut être fait référence à l’unicité d’un être.
Les personnes soutenant la première position avancent que la question de savoir si une identité génétique sera finalement commune à plus d’un individu, dans le cas de jumeaux par exemple, n’est pas en soi importante, dans la mesure où, à ce stade, il est déjà clair qu’au moins un être génétiquement unique est en cours de développement.
En outre, la proportion des grossesses qui évolue en grossesse gémellaire monozygotique étant faible, il peut être considéré qu’il serait disproportionné de se focaliser sur une telle éventualité puisque celle-ci ne se réalise pas dans la grande majorité des cas.
Arguments philosophiques reposant sur la notion de « potentialité »
Ce type d’arguments repose sur l’idée que, si un embryon et un être humain à un stade ultérieur de son développement peuvent être considérés comme différents, ils sont cependant liés entre eux par le développement. A partir de là, on peut développer des thèses différentes, voire même contradictoires.
L’une d’elles est la suivante : bien qu’un embryon et un être humain à une étape ultérieure de développement (une « personne ») peuvent être considérés comme différents, l’embryon est potentiellement une personne. En raison de cette potentialité, il doit être respecté comme s’il était déjà une personne et, par conséquent, la sélection entre des embryons, afin de déterminer lequel aura la possibilité de vivre (dans le cas de la fécondation in vitro, par exemple, en le transférant dans un utérus), est tout aussi inacceptable que la sélection qui serait effectuée entre des personnes.
Pour certains, cependant, le fait que « a » puisse devenir « A » ne signifie pas que « a » et « A » soient identiques d’un point de vue ontologique. Le simple fait que « a » ait le potentiel de devenir « A » n’implique pas que l’on doive traiter « a » comme s’il était déjà « A ».
Dans la nature, en outre, un grand nombre d’œufs fécondés ne réussissent pas à s’implanter dans l’utérus. Compte tenu de la fréquence de ces pertes naturelles, on pourrait considérer qu’il est inexact de suggérer que tout œuf fécondé est potentiellement un être humain car cette affirmation ne tient nullement compte des chances réelles d’aboutir à ce résultat. Cependant, le fait que la nature semble accorder une protection limitée à l’œuf fécondé ou à l’embryon au début de son développement n’implique pas nécessairement que l’on doive suivre la même approche sur ce point : l’homme est mû par des considérations morales, ce qui n’est pas le cas de la nature.
L’implantation dans l’utérus n’est que l’un des événements qui doivent intervenir pour que l’embryon puisse réaliser ses potentialités et devenir une personne. Certains de ces événements sont liés au processus du développement naturel, tandis que d’autres peuvent dépendre de l’existence de moyens techniques d’assistance pouvant permettre au fœtus de survivre, comme la chirurgie ou les soins néonatals intensifs.
Arguments fondés sur la notion de « personne »
Ici, il faut distinguer la simple appartenance à l’espèce humaine de la notion de « personne ». Le terme « personne » est utilisé ici pour définir un membre de l’espèce humaine digne de respect. Autrement dit, l’appartenance à l’espèce humaine ne constitue pas une base suffisante pour justifier le respect moral ; d’autres qualités sont requises.
On peut déduire de cette idée qu’il existe en fait deux catégories de membres de l’espèce humaine, dont l’une pourrait être utilisée, ou « instrumentalisée », au profit de l’autre, c’est-à-dire des « personnes ».
Dans une approche de ce type, la nature des qualités supplémentaires requises pour bénéficier de la qualité de « personne » est évidemment déterminante. Comme elles doivent servir à justifier le respect, on peut considérer que les qualités pertinentes doivent elles-mêmes être de nature morale. Une distinction fondée sur la taille, par exemple, serait difficile à accepter car on voit mal, sinon pas du tout, comment la taille d’une personne pourrait justifier une différence sur le plan moral dans le traitement qui doit lui est accordé. En revanche, on pourrait considérer qu’une qualité comme l’« autonomie », par exemple, a plus de poids dans la mesure où elle est à la base des jugements moraux formulés par un individu et constitue, par conséquent, ce qui permet à une personne d’agir en tant qu’être moral.
Or, les membres de l’espèce humaine n’atteignent une autonomie complète que bien longtemps après leur naissance. En outre, certains individus, par exemple les personnes atteintes de handicaps mentaux graves, ne parviennent jamais à une autonomie complète. D’autres peuvent acquérir une telle autonomie et la perdre en partie ou complètement à la suite d’une maladie, telle que la démence, ou d’une grave blessure à la tête.
Cette approche nous amène évidemment bien au-delà de la question du traitement approprié de l’embryon et du fœtus. Si le droit au respect moral devait entraîner automatiquement le droit à une protection juridique, les implications juridiques seraient extrêmement complexes. Il peut également être avancé qu’une telle approche n’assurerait pas un respect suffisant aux membres les plus vulnérables de la société.
Une autre approche consiste à affirmer que tous les êtres humains possèdent une dignité et que le simple fait d’être humain justifie le respect. Tous ceux qui soutiennent ce point de vue s’accordent sur le fait que tout être humain né vivant a une dignité humaine, mais ils divergent sur la question de savoir si l’embryon ou le fœtus possède une dignité humaine et, si oui, à partir de quel moment. Ces différences d’opinion découlent parfois des arguments de nature biologique sur la spécificité de l’individu évoquée plus haut.
Enfin, d’autres positions s’appuient sur l’identification du moment précis à partir duquel l’embryon ou le fœtus devient moralement digne de protection, en particulier les approches issues de plusieurs traditions culturelles qui se réfèrent à l’« animation successive » de l’embryon et du fœtus. Il n’est pas possible d’entrer ici dans le détail d’une telle approche, mais on peut citer, par exemple, la croyance selon laquelle l’embryon ou le fœtus est animé par une série d’âmes progressivement plus élevées au fur et à mesure de son développement. Pour d’autres, « l’animation successive » ne devrait pas être assimilée à une chronologie d’évènements.
Certaines traditions distinguent en outre, par exemple, l’âme « intellectuelle » qui commence à animer l’embryon à partir du 40e jour de développement dans le cas des êtres de sexe masculin et du 90e jour dans le cas des êtres de sexe féminin. On a suggéré que cette distinction pourrait tirer son origine de certaines pratiques propres aux cultures concernées qui exigeaient des parturientes qu’elles se soumettent à un rituel de purification d’une durée de 40 jours après la naissance d’un garçon et de 90 jours après la naissance d’une fille. Les connaissances biologiques ont toutefois montré le caractère progressif du processus de développement.
Le cas de l’embryon constitué par transfert de noyau cellulaire
Un aspect plus récent du débat concerne plus particulièrement la nature même de l’embryon. S’agissant du clonage in vitro d’embryons réalisé en vue du développement d’organes et de tissus à partir de cellules souches, indépendamment de toute considération sur le caractère moralement acceptable ou non de cette procédure, la méthode utilisée a été mise en avant pour répondre à l’objection selon laquelle des embryons sont effectivement constitués.
D’après ce raisonnement, un embryon cloné selon la méthode utilisée dans le cas de la brebis Dolly (transfert du noyau d’une cellule) ne peut être considéré comme identique à un embryon résultant de la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde. L’embryon cloné est le produit de l’introduction dans un ovocyte énucléé du noyau d’une cellule somatique et n’implique pas un processus de fécondation avec des gamètes. Le point de vue exprimé ici est que, indépendamment de leurs potentialités de développement, du fait de leur différence d’origine, les embryons « naturels » et les embryons « clonés » doivent être considérés de manière différente.
Sous cet angle, un embryon qui n’est pas issu d’un processus de reproduction naturel (ou d’une imitation de ce processus comme dans le cas de la fécondation in vitro) ne peut être considéré comme un embryon, avec l’ensemble des droits qui s’attachent à ce statut (voir plus haut). La question de savoir si le produit du transfert d’un noyau cellulaire peut être considéré comme un embryon est une question capitale, notamment pour ceux qui sont fermement opposés à toute intervention sur des embryons in vitro. Si le statut de l’embryon dépend entièrement de l’argument concernant ses potentialités de développement, le statut d’un embryon « cloné » est le même que celui d’un embryon « naturel ». Toutefois, si son statut dépend tout autant de son origine (fécondation naturelle, bien qu’assistée) que de ses potentialités de développement, le statut d’un embryon « cloné », par exemple, serait différent.
La situation ne serait pas non plus la même si l’embryon cloné était en réalité dans l’impossibilité de se développer en un être humain auquel il serait donné naissance. Si l’embryon cloné ne disposait pas de pleines potentialités de développement, certains des arguments avancés en faveur du statut de l’embryon ne pourraient s’appliquer et les craintes concernant le développement du clonage dans le but de donner naissance à des enfants apparaîtraient non fondées. On peut cependant s’inquiéter d’une telle utilisation des ovocytes et considérer qu’il s’agit là d’une manipulation inacceptable de la fécondité. Les nombreuses questions philosophiques et morales soulevées par le clonage n’ont pas actuellement reçu de réponse. En outre, les connaissances scientifiques et l’expertise technique résultant des travaux menés sur les cellules souches embryonnaires prélevées sur des embryons « naturels », là où de telles expériences sont possibles, pourront influencer les réponses à certaines des questions concernant les cellules souches obtenues à partir d’embryons clonés.
En dépit des différences d’opinions existant sur la question du statut de l’embryon et sur celle de la constitution d’embryons in vitro, la nécessité d’une protection est généralement reconnue. Toutefois, les mesures adoptées pour assurer cette protection et le niveau de cette dernière varient, notamment en fonction du stade de développement de l’embryon et selon que l’embryon en question fait partie ou non d’un projet parental. Tous les pays, en outre, n’ont pas adopté d’instruments juridiques spécifiques en ce domaine. Des informations plus détaillées sur la protection de l’embryon dans certaines situations particulières sont fournies dans les autres sections de ce rapport.
Toutefois, d'une manière générale, deux types de position peuvent être identifiées. Dans les deux cas, les mesures mises en place garantissent normalement une protection à l’embryon in vitro à partir du stade de la fécondation. Il s’agit en général d’assurer des conditions optimales de fécondation et de culture de l’embryon et de respecter les bonnes pratiques médicales (voir Chapitre III. Fécondation in vitro). L’un des objectifs de la protection est d’assurer que l’embryon ne soit soumis à aucune procédure expérimentale susceptible de l'endommager ou de mettre en danger son potentiel de développement.
Dans un premier type de position, une protection maximale est accordée dès l’achèvement de la fécondation. Toute manipulation de l’embryon humain in vitro n’ayant pas directement pour but sa préservation est interdite. La constitution d’embryons in vitro à toute autre fin que l’implantation dans l’utérus en vue de la grossesse est également interdite (voir Chapitres III. Fécondation in vitro et IV. Recherche). Une telle approche exclut toute recherche sur l’embryon humain et toute dérivation de cellules souches embryonnaires. Le prélèvement d’une cellule souche totipotente pouvant se diviser et à partir de laquelle peut se développer un être humain est en outre considéré comme inacceptable. Pour effectuer un diagnostic génétique préimplantatoire (DPI), il est nécessaire de prélever une cellule de l’embryon au stade 8 cellules. Si ces cellules sont considérées comme potentiellement totipotentes, le DPI ne peut pas, par conséquent, être autorisé. Un problème, cependant, peut se poser dans le cas où une femme se trouve dans l’incapacité de poursuivre son projet parental.
Si, parallèlement, l’interruption de grossesse est autorisée, le niveau de protection accordé à l’embryon peut, pour certains, apparaître comme disproportionné par rapport à la protection qui est accordée au fœtus après l’implantation.
Dans le second type de position, les mesures de protection n’entraînent pas toujours de telles interdictions. On trouve des points de vue différents concernant, par exemple, le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI), en particulier parce que les cellules de l'embryon, au stade 8 cellules, ne sont pas considérées comme totipotentes (voir Chapitre V. Diagnostic préimplantatoire). Par ailleurs, le nombre d’embryons constitués par FIV au cours d’un cycle de traitement peut ne pas être limité et les embryons non transférés peuvent être cryoconservés.
Lorsque l’embryon doit être cryoconservé, des mesures de protection spécifiques visent à assurer l’utilisation de méthodes adéquates de congélation et de décongélation et la fourniture ininterrompue d’azote liquide. Les embryons qui ne font plus partie d’un projet parental initial et n’ont pas été donnés à un autre couple pour un transfert, peuvent faire l’objet de mesures de protection différentes que ceux qui font toujours partie d’un tel projet. Les mesures de protection peuvent aussi varier en fonction des situations.
La cryoconservation de ces embryons est généralement limitée dans le temps. Un argument avancé pour justifier cette décision tient compte de l’intérêt même de l’embryon, qui n’est pas d’être cryoconservé mais de se développer. En outre, bien que ceci excède le cadre de ce rapport, des considérations économiques peuvent aussi entrer en ligne de compte dans la décision d’interrompre la conservation. Certains, cependant, s’interrogent sur la légitimité d’une telle limite dans le temps et considèrent que la cryoconservation permanente constitue une obligation à l’égard des embryons, afin d’éviter leur destruction.
Dans certains pays, les embryons qui ne font plus partie d’un projet parental peuvent être donnés pour la recherche, y compris, le cas échéant, pour la dérivation de cellules souches. Les mesures mises en place pour protéger les embryons donnés pour la recherche (lorsque celle-ci est autorisée) visent en particulier à garantir le caractère approprié des objectifs de recherche et à assurer que les embryons soient conservés dans des conditions adéquates pendant toute la durée nécessaire à la réalisation des objectifs du projet de recherche (voir Chapitre IV. Recherche). Les objectifs de recherche autorisés sont souvent strictement limités.
Il est un principe bien établi selon lequel une personne ne peut faire l’objet de commerce. De la même façon, on voit mal pourquoi il devrait en être autrement pour l'embryon.
Dans une certaine mesure, ce principe s’est étendu au corps humain, qu’il s’agisse du corps d’une personne encore vivante ou déjà décédée. La qualification du corps humain comme « res extra commercium » est traditionnelle en droit.
Il pourrait être suggéré que la théorie économique libérale accepte le principe selon lequel toute marchandise a un prix. En conséquence, tout organe humain ou cellule souche embryonnaire utilisé pour le bénéfice d'un individu devrait être payé en proportion du bénéfice. Ce serait oublier cependant que tout ce qui est bénéfique pour un individu ou pour la société, qu’il s’agisse d’une chose ou d’un service, n’a pas nécessairement un prix marchand, et que d’autre part l’utilité d’une chose, même si elle est nécessaire à l’existence d’un prix, n’est pas mesurée par son prix, celui-ci étant plus directement déterminé par la rareté de la chose ou par son coût de production.
Le principe de non-commercialisation du corps humain est énoncé à l’article 21 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine dans les termes suivants : “ Le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit. ”. L’expression « en tant que tels » indique clairement que certains actes techniques (prélèvement, tests, stockage ou culture) sur ces éléments peuvent donner lieu à une rémunération raisonnable. De même, lorsqu’un tissu est transformé par un processus impliquant un travail et un savoir-faire – par exemple, la création d'une lignée de cellules immortelles – ce processus peut faire l’objet d’une rémunération.
Indépendamment du principe de non-commercialisation, se pose la question de savoir qui est fondé à décider du destin d’un embryon.
Si un embryon existe in vitro, il est souhaitable que la loi définisse clairement la ou les personnes qui peuvent décider de son destin.
En outre, comme cela est précisé dans la Section II B., bien qu'il puisse exister certains désaccords sur le moment exact à partir duquel commence la vie, il peut être au moins considéré, sur la base de la Convention, que l'embryon et ses parties ne doivent pas, en tant que tels, être commercialisés.
Il convient de rappeler à cet égard que, contrairement aux organes, tissus ou cellules qui proviennent du corps d’un seul individu, un embryon résultant de la fusion des gamètes provenant de deux personnes différentes, des questions plus complexes sont soulevées quant aux droits de ces personnes.
Du fait du rôle essentiel joué par les personnes dont les gamètes ont servi à la constitution de l’embryon dans le cadre d’un projet parental, l’intérêt de ce couple à contrôler l’utilisation d’un embryon particulier, aussi longtemps qu’existe un projet parental, prendra le pas sur l’intérêt de toute autre personne en relation avec cet embryon. Toutefois, l’Etat peut décider d’imposer certaines limites à cette faculté, par exemple en précisant la durée maximale de cryoconservation de l’embryon. De telles limites peuvent être justifiées, par exemple, par l’état actuel des connaissances scientifiques, celles-ci ne permettant pas de garantir la sécurité de l’embryon, en cas de conservation prolongée, ou de connaître les effets d’une conservation prolongée sur le futur enfant.
La question du droit à déterminer l’utilisation future de l’embryon se pose également en cas de cessation du projet parental. Comme on l’a vu plus haut dans ce rapport, des points de vue différents sur le statut de l’embryon peuvent amener à formuler des conclusions différentes au sujet de la protection à laquelle celui-ci peut avoir droit. L’Etat peut ainsi décider de limiter certaines utilisations de l’embryon dans tous les cas - par exemple en précisant que les embryons ne peuvent être utilisés à des fins de recherche ou ne peuvent être détruits. Les principes généraux adoptés par l’Etat au sujet de la protection de l’embryon in vitro peuvent offrir ou non au couple géniteur diverses possibilités quant au devenir de l’embryon une fois que celui-ci ne fait plus partie du projet parental initial – par exemple sa destruction, son don pour transfert chez une autre femme ou son utilisation à des fins de recherche, sous réserve de contraintes éventuelles liées au consentement donné par un tiers donneur de gamètes utilisés pour la constitution de l’embryon concerné dans le cadre du projet parental.
Il peut être avancé qu’à partir du moment où le projet parental n’existe plus, l’intérêt propre de chacun des membres du couple géniteur à l’égard de l’utilisation ultérieure de l’embryon se trouve de fait diminué et qu'une importance plus grande peut être accordée aux intérêts de tiers. D’autres personnes pourraient ainsi être amenées à jouer un plus grand rôle dans la décision concernant le sort ultime de l’embryon. D’un autre côté, l’utilisation d’un embryon à des fins pour lesquelles les membres du couple géniteur n'auraient pas donné leur accord - en particulier, l’utilisation de l’embryon dans le cadre d'une FIV chez une autre femme - risquerait d’être très traumatisante pour les personnes concernées. C’est pourquoi on admet généralement que c’est au couple géniteur que devrait revenir le droit de décider du sort ultime de l’embryon et de ses parties, dans le cadre des possibilités définies par l’Etat.
Lorsqu’un Etat décide d’interdire l’utilisation de l’embryon in vitro à des fins autres que la procréation par le couple concerné, la question de la commercialisation ne se pose pas. Par contre, lorsque l’utilisation des embryons à d’autres fins est autorisée, le principe de non-commercialisation peut être explicitement pris en compte dans la procédure d’autorisation.
Le concept de «liberté de procréation», qui est parfois utilisé comme slogan, et les préoccupations concernant l’instrumentalisation des femmes n’intéressent pas directement la protection de l’embryon. Toutefois, ils sont pertinents lorsque l’on considère le contexte social dans lequel sont prises les décisions relatives à la protection de l’embryon. En outre, ils soulèvent des questions telles que le droit à la non‑ingérence dans les choix en matière de procréation, et la légitimité d’un contrôle de l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP), question dont il est nécessaire de tenir compte lorsqu’on étudie la protection de l’embryon in vitro. Ces questions ne feront pas ici l’objet d’une analyse approfondie mais peuvent être mentionnées brièvement, compte tenu de leur importance dans la réflexion générale autour notamment de l’assistance médicale à la procréation.
Certains interprètent la «liberté de procréation» comme un droit à la non‑ingérence dans les choix en matière de procréation. Les arguments en faveur d’un droit moral des femmes à la liberté de procréation ont fait ressortir les conséquences possibles qu’entraîne, pour l’épanouissement de la femme ou pour sa situation sociale, le fait de devenir mère tôt dans la vie ou d’avoir un enfant qui connaît de graves problèmes de santé.
Les influences sociales qui s’exercent sur les femmes n’entrent pas dans le champ du présent rapport, pas plus que les questions relatives aux réformes sociales tendant à améliorer la qualité de vie des femmes, y compris les aspects économiques et autres qui ont une incidence sur le moment choisi pour procréer. Les considérations concernant la liberté du choix dans le domaine de la médecine de la reproduction et l’impact des avancées accomplies dans ce domaine de la médecine renvoient à des questions plus vastes, relatives à l’accomplissement de soi pour les femmes, sans toutefois apporter de réponse globale à de telles questions. On constate cependant que les modes de vie actuels – se traduisant, par exemple, par la recherche d’un équilibre entre la maternité et la vie professionnelle – induisent, chez les Européennes en moyenne, une primiparité plus tardive que celle des générations antérieures. De même, l’âge des femmes ayant recours à la FIV augmente. Etant donné que l’âge (en particulier après 40 ans) est, d’une part, un facteur d’augmentation du risque d’infertilité et, d'autre part, un facteur de diminution du taux de réussite de la FIV, un certain nombre de femmes peuvent ne pas atteindre les buts qu’elles s’étaient fixés en matière de procréation.
Comme ce rapport le souligne, le consentement libre et éclairé joue un rôle central dans toutes les considérations éthiques et dans les choix relatifs à l’utilisation des techniques de l’assistance médicale à la procréation (AMP). Toutefois, certains estiment que les pressions sociales exercées sur les femmes peuvent limiter la «liberté» de leur choix ; et ils craignent que, dans certaines situations, une femme puisse être instrumentalisée par d’autres. D’autres parties du présent rapport mettent en évidence des situations qui comportent un risque d’instrumentalisation des femmes.
D’autres considèrent toutefois, que sans nécessairement recourir à la notion de « pression sociale », le mode de vie actuel conditionne largement la décision de nombre de femmes de retarder le moment de leur maternité : tandis que la possibilité, pour les jeunes femmes, de poursuivre leurs études est regardée de façon positive, d’autres facteurs sociaux et économiques, tels que les conditions de travail ou de logement, contribuent de manière décisive à limiter le choix du moment de la maternité. Ceux qui font cette analyse considèrent qu’on devrait s’efforcer d’améliorer ces facteurs socio-économiques.
Les inquiétudes concernant les éventuelles limites ou le libre choix des femmes ont conduit à souligner les risques et les contraintes qui découlent, pour les femmes, des méthodes de procréation assistée – risques et contraintes qu’il est nécessaire de mettre en balance avec la probabilité d’un résultat positif de l’utilisation des méthodes en question. Faire en sorte que des procédures appropriées soient en place pour assurer que le consentement est véritablement libre et éclairé – dans le sens de ce qui est discuté à la Section IV.D – permet de répondre en partie à ces inquiétudes.
Les textes juridiques internationaux tels que la Convention européenne des Droits de l'Homme font référence au «droit de fonder une famille», plutôt qu’au droit de procréer. Toutefois, la question de la liberté de procréation peut être examinée dans le contexte du respect de la vie privée et de la vie familiale.
Si l’on prend en compte la distinction généralement établie à propos des droits de l’homme, la «liberté de procréation» en tant que possible droit des hommes et des femmes pourrait être revendiquée soit comme un droit plutôt défensif – négatif – soit comme un droit positif. Dans le premier cas, une femme ou un homme devrait être protégé(e) contre toute intervention qui constitue une ingérence sans son consentement dans le processus de procréation. Une telle ingérence peut se produire directement ou indirectement, soit qu’on intervienne dans le processus de la procréation naturelle, soit – plus fréquemment – qu’on restreigne l’accès aux techniques AMP. Il existe, tant dans les textes législatifs que dans la jurisprudence, une doctrine bien établie qui veut que toute restriction affectant des droits fondamentaux doit, pour être justifiée, remplir un certain nombre de conditions, parmi lesquelles : elle doit correspondre à un but légitime (par exemple, protéger un autre droit fondamental); elle doit être nécessaire dans une société démocratique (en d’autres termes, répondre à un besoin social impérieux); les moyens de restriction utilisés doivent être proportionnels à l’objectif poursuivi; enfin, la restriction doit être prévue par la loi. D’un autre côté, l’existence d’un droit positif impliquerait un accès illimité à l’assistance médicale à la procréation, avec notamment les conséquences financières qui en découlent.
Les textes juridiques internationaux considèrent le droit de fonder une famille essentiellement comme un droit négatif; dans cette optique, les restrictions frappant ce droit doivent être justifiées au regard des principes susvisés. Bien que ces principes soient pertinents pour les décisions concernant les catégories de personnes pouvant avoir accès aux techniques de l’assistance médicale à la procréation, ces textes ne sont pas considérés comme conférant un droit général d’accès à l’AMP, au sens où ils obligeraient un Etat à rendre un tel traitement largement disponible. D’une manière générale, le principe de l’accès équitable aux soins de santé implique également la nécessité d’opérer des choix qui rendent possible une juste affectation de ressources limitées. Toutefois, certains pourront faire valoir que le concept de liberté de procréation, même si cette liberté est considérée comme un droit négatif, est également un appel à la solidarité de la société dans le cas des personnes qui souffrent d’infertilité.
Dans les systèmes juridiques nationaux actuels, l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) est souvent soumis à certaines restrictions (voir réponses au questionnaire de 1998 sur l’assistance médicale à la procréation et la protection de l’embryon humain[1]). Par exemple, plusieurs pays limitent cet accès aux couples hétérosexuels, le refusant aux femmes seules ou aux couples homosexuels; d’autres pays n’opposent pas un tel refus. Sans entrer ici dans les mérites comparés de l’une ou l’autre de ces solutions, on peut souligner que les restrictions qui pèsent sur l’assistance médicale à la procréation sont beaucoup plus nombreuses et répandues que celles qui touchent la procréation naturelle. Ce dernier cas implique de réelles interventions physiques, de sorte que la restriction est considérée comme trop intrusive pour ne pas rester exceptionnelle; en revanche, les restrictions à l’AMP concernent des services médicaux qui sont fournis par des professionnels et dont la réglementation n’impose pas le même niveau de contrainte.
En conclusion, on peut dire qu’il importe que les questions relatives à la protection de l’embryon in vitro ne soient pas isolées du contexte. En effet, il est nécessaire de prendre en considération l’ensemble des conditions sociales, ainsi que les opportunités et les choix qui s’offrent aux membres d’une société ; les unes et les autres constituent le cadre général pour l’assistance médicale à la procréation et la réflexion sur la protection de l’embryon.
La fécondation in vitro et le transfert d’embryons (FIVETE) est un traitement médical destiné à répondre à un problème d’infertilité, maladie du système reproductif qui affecte l’homme, la femme ou les deux. Dans les sociétés occidentales, elle touche près de 10 % de la population en âge de procréer. A l’heure actuelle, environ 5 % des couples inféconds ont recours à la FIV.
La fécondation in vitro (FIV) est généralement la solution appropriée pour les femmes dont les trompes de Fallope sont obturées, gravement endommagées ou absentes. La FIV est également employée pour remédier à l’infertilité causée par l’endométriose ou un facteur masculin. Par ailleurs, de nombreux programmes recourent à la FIV pour traiter les couples présentant une infertilité inexpliquée ou de longue durée et pour lesquels les autres traitements ont échoué.
La FIV est une procédure biologique complexe au cours de laquelle quatre étapes peuvent être identifiées:
Obtention des gamètes
Recueil d’ovocytes matures
Dans quelques rares cas, le recueil d’ovocytes est réalisable au cours d’un cycle spontané. Mais ceci ne permet de récupérer qu’un seul ovocyte. Dans la plupart des cas, l’opération fait suite à une stimulation ovarienne d’environ 12 jours avec suivi échographique et contrôle hormonal, afin d’identifier le moment le plus approprié pour la ponction ovocytaire. Chaque cycle de traitement permet d’obtenir une moyenne de neuf ovocytes. Toutefois, les résultats peuvent varier notamment selon la réponse au traitement hormonal. Près de 90 % des ovocytes recueillis sont matures. (Les gamètes peuvent aussi provenir d’une donneuse dans les pays autorisant ce type de don (seulement à l’origine de 1 % des FIV dans ces pays).)
La stimulation hormonale permet de recueillir plusieurs ovocytes, d’où une augmentation du taux de grossesse par cycle. Toutefois, elle implique la constitution d’embryons qui peuvent ne pas être transférés immédiatement dans l’utérus. Il existe par ailleurs un risque de syndrome d’hyperstimulation ovarienne, et certaines interrogations ont été émises quant au risque potentiel de développer un cancer du sein ou de l’ovaire.
Un certain nombre de naissances à partir d’ovocytes matures congelés, puis décongelés ont été rapportées. Néanmoins, cette méthode en est encore au stade expérimental. En cas de traitement ayant pour conséquence une stérilité (par exemple la radiothérapie pour le traitement des cancers), la possibilité de conserver en particulier des tissus ovariens est jugée prometteuse, mais nécessiterait une gamétogenèse in vitro.
Recueil et traitement des spermatozoïdes
Dans plus de 90 % des cas, les gamètes mâles (spermatozoïdes) sont obtenus à partir de l’éjaculat du partenaire de la patiente ou d’un donneur. Après collecte, le sperme est traité en laboratoire afin de conserver et concentrer les spermatozoïdes de morphologie normale les plus mobiles.
Les spermatozoïdes peuvent aussi être prélevés par des moyens chirurgicaux à partir du canal déférent, de l’épididyme ou des testicules. Dans certains cas, les spermatozoïdes sont conservés après avoir été congelés en attendant la fécondation. Dans 5 % des cas, les spermatozoïdes proviennent d’un donneur, dans les pays autorisant un tel don.
Fécondation et culture des embryons
En général, un ou plusieurs ovocytes et des spermatozoïdes en concentration adéquate (50.000 à 100.000 par ml) sont mis en contact. Lorsque les spermatozoïdes sont insuffisants ou déficients sur le plan fonctionnel, la fécondation peut être facilitée par une injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI) (voir Procédures spéciales de FIV, ci-dessous).
Le processus de fécondation aboutit à la formation d’un oeuf fécondé, présentant généralement deux pronuclei, un femelle et un mâle. Après 15 à 17 heures, les cellules périphériques des ovocytes (œufs) fécondés sont éliminées pour vérifier le résultat du processus et détecter les éventuelles anomalies (un seul ou plus de deux pronuclei). Les premières divisions cellulaires de l’embryon interviennent en principe le lendemain. L’embryon peut alors être transféré dans l’utérus ou cryoconservé. En grande majorité, les embryons formés in vitro, qui ne présentent ni de polyploïdie (plus de deux pronucléi, et par voie de conséquence un trop grand nombre de chromosomes) ni aucune autre anomalie morphologique (environ 60 %), sont cultivés en milieu artificiel et transférés dans l’utérus le deuxième ou troisième jour après la fécondation. Dans certains cas, la culture peut être prolongée de 3 à 4 jours jusqu’à la phase de pré-implantation (blastocyste) (voir Procédures spéciales de FIV, ci-dessous).
Transfert de l’embryon
Les embryons formés in vitro sont introduits dans l’utérus en passant à travers le col de l’utérus. Le recours à un suivi échographique est possible dans certains cas afin de placer correctement l’embryon dans la cavité.
Pour minimiser les risques de grossesse multiple, le nombre d’embryons transférés est en général de deux ou trois par tentative. Toutefois, ce nombre peut être porté à quatre dans certains pays ou réduit à un seul dans quelques autres. Du fait de l’amélioration des techniques, la tendance est néanmoins au transfert d’un nombre plus réduit d’embryons. Ceux qui ne sont pas transférés lors du premier cycle de traitement sont congelés en vue d’un transfert ultérieur intervenant en cas d’échec de la tentative ou si le couple désire un autre enfant. Certains pays n’autorisent toutefois pas la constitution d’un nombre d’embryons supérieur au nombre pouvant être transféré au cours d’un cycle de traitement (voir Section III.C).
Evolution de la FIV
Les progrès de la connaissance et l’amélioration des différentes étapes techniques de la procédure ont fait évoluer les programmes de FIV. Actuellement, la tendance est à la diminution du nombre d’embryons constitués et du nombre d’embryons transférés, à l’amélioration des possibilités d’évaluer in vitro la capacité d’implantation et de développement.
L’accès aux techniques de procréation médicalement assistée et notamment la FIV continue à se développer dans la majorité des pays européens. Il semble toutefois important de souligner, dans ce contexte, les aspects socio-économiques qui peuvent contribuer aux disparités rencontrées entre ces pays - disparités prenant encore une toute autre dimension en dehors du paysage européen, dans le rapport nord-sud.
Procédures particulières de FIV
Injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI)
Cette injection a pour but de faciliter le processus de fécondation en cas de problème d’infertilité masculine liée à un nombre insuffisant de spermatozoïdes ou de déficit fonctionnel de ces derniers. Un spermatozoïde est injecté dans un ovocyte spécialement préparé à cet effet par élimination de la couche des cellules périphériques. Le spermatozoïde provient soit d’un éjaculat, d’une ponction de l’épididyme, soit encore d’une biopsie testiculaire, et peut avoir été congelé au préalable. Le taux de grossesse après ICSI est de l’ordre de 30 à 40 %. Le taux de production d’embryons est de 60 à 70 % avec des spermatozoïdes provenant d’éjaculat, 45 à 50 % pour ceux obtenus par ponction de l’épididyme et 30 à 45 % à partir d’une biopsie testiculaire.
L’injection de cellules germinales (spermatide, spermatocyte), lorsque la spermatogenèse est bloquée, reste une technique expérimentale et fait l’objet de débats quant aux risques pour le futur enfant.
Coculture et éclosion assistée pour un meilleur résultat d’implantation
La culture d’embryons in vitro, en présence des facteurs nécessaires à leur croissance, dans un état favorable à la nutrition de l'embryon, peut être prolongée jusqu’au stade du blastocyste. Cette étape permet d’identifier des embryons présentant des problèmes de développement et de ne pas les conserver pour un transfert. Parmi eux, environ 40 % présentent des anomalies cytogénétiques. Le taux d’implantation des blastocystes restant est presque deux fois plus élevé que celui du transfert d’embryons deux ou trois jours après fécondation. La réduction du nombre d’embryons transférés à ce stade permet de limiter les grossesses multiples.
Eclosion assistée
L’implantation nécessite l’ouverture de la zone pellucide qui enveloppe l’œuf fécondé (voir fig. 2 à l’Annexe I). Dans certains cas, la zone pellucide semble s’épaissir et se durcir, rendant l’opération délicate. La réalisation d’une ouverture au niveau de la zone pellucide, soit mécaniquement soit chimiquement, semble résoudre ce problème. Toutefois, des recherches complémentaires sont nécessaires dans ce domaine pour préciser les indications et améliorer les techniques.
Don de gamètes
Don de sperme
La FIV pratiquée à partir de sperme provenant d’un donneur est en général envisagée après une tentative infructueuse d’insémination artificielle avec le sperme d’un donneur (infertilité masculine) ou dans le cas de partenaires présentant tous deux des problèmes d’infertilité.
Don d’ovocytes
Il est principalement envisagé en cas de ménopause précoce, après un traitement affectant la fertilité, en cas de développement anormal des gonades souvent lié à une maladie génétique (par exemple le syndrome de Turner), d’échecs répétés de FIV homologues ou encore de risque de transmission de maladies graves. Les ovocytes ayant fait l’objet d’un don ne peuvent, contrairement aux spermatozoïdes et aux embryons, être préalablement congelés en routine (voir paragraphe sur la cryoconservation).
Les embryons constitués après don d’ovocytes peuvent avoir été ensuite congelés ouêtre obtenus après synchronisation des cycles de la donneuse et de la receveuse. Le taux de grossesse par cycle après transfert est de l’ordre de 20 à 40 %.
Résultats de la FIV
Les résultats de la FIV peuvent fortement varier selon les indications (problèmes de trompes de Fallope, d’infertilité masculine, endométriose, absence d’ovulation, problèmes d’infertilité masculine et féminine, etc.) et l’âge de la femme. Par ailleurs, les résultats peuvent aussi être différents d’une équipe médicale à l’autre et d’une période à l’autre pour une même équipe médicale. Dans ce contexte, il est difficile d’avancer des statistiques générales pour évaluer les chances de succès d’une fécondation in vitro pour un couple précis. Toutefois, elles sont intéressantes pour évaluer les techniques en termes de risque et d’efficacité générale.
Le taux de succès de la FIV est de 20 - 25 % de grossesse par collecte d’ovocytes. Ce taux est identique aux chances mensuelles d’un couple en bonne santé et fertile de parvenir à une grossesse donnant naissance à un enfant vivant. Lorsqu’il s’agit de grossesse par transfert, les taux de réussite sont en moyenne de : 25 - 29 % pour une FIV classique, 26 - 30 % pour une ICSI, 15 - 16 % pour une FIV classique avec embryons préalablement congelés et environ 40 % avec un don d’ovocytes.
L’âge de la patiente est un des critères influençant le taux de réussite de la FIV des plus déterminants. En effet, le taux d’implantation décroît avec l’âge, passant d’environ 10 % par embryon à 38 ans, à moins de 3 % à 42 ans.
Cryoconservation
Les embryons peuvent être cryoconservés dans de l’azote liquide à -196º C, dans des paillettes ou des tubes en verre, pendant plusieurs années. La majorité des pays disposant de réglementations dans ce domaine autorisent la conservation d’embryons congelés pendant une période maximum de cinq ans. Cette technique a été utilisée en routine pendant près de 20 ans avec des transferts réussis. Elle permet d’éviter une nouvelle stimulation ovarienne et d’autres tentatives de recueil d’ovocytes. Aucune conséquence dommageable pour l’enfant liée à la congélation et à la cryoconservation des embryons, n’a été observée à cette date.
Equipe en charge de la FIV
L’équipe en charge de la FIV est en général multidisciplinaire et associe notamment les différentes expériences et compétences requises sur le plan clinique et biologique dans l’exécution des diverses étapes de la procédure.
La possibilité d’obtenir des gamètes - spermatozoïdes de l’homme et ovocytes de la femme - a permis de mettre au point des solutions fondées sur l’assistance médicale à la procréation pour des couples souffrant de problèmes d’infertilité et désirant un enfant ou des couples risquant de transmettre à leur descendance une maladie d’une particulière gravité. Si l’insémination artificielle chez les êtres humains est pratiquée depuis deux cents ans, la première fécondation in vitro date seulement d’un quart de siècle.
Il a été reconnu que les problèmes d’infertilité et les difficultés rencontrées pour avoir un enfant appelaient à une aide médicale et à l’établissement d’instituts de recherche et de soins. Toutefois la société, qui est impliquée quand de nouvelles technologies sont mises en place et doit parfois fournir des ressources financières, n’est pas tenue de garantir un accès totalement inconditionnel à ces technologies. La FIV fait désormais partie intégrante de la pratique clinique en médecine reproductive dans de nombreux pays européens et tous les pays où elle est prévue par la loi mettent l’accent sur des contrôles stricts et des conditions spécifiques.
Trois arguments majeurs ont néanmoins été soulevés à l’encontre de la FIV. Le premier porte sur la destruction des embryons dans le cadre de recherches visant à développer et à améliorer les méthodes de FIV. Les deux autres font référence à la « nature » : l’un s’oppose à toute forme d’intervention technique dans le « processus naturel » de procréation, tandis que l’autre suggère que la FIV offre un niveau de protection pour l’embryon individuel moindre que la « nature ». En effet, dans la « nature », il n’y a généralement qu’un seul embryon par cycle qui a la possibilité de s’implanter dans un utérus. A l’issue d’une FIV plusieurs embryons sont transférés in utero, et il est probable qu’un seul s’implantera. La protection (au sens de protection du potentiel de développement) de chaque embryon individuellement est donc jugée plus faible que celle offerte par la « nature ».
Certaines personnes remarquent toutefois que la protection offerte par la « nature » à l’embryon n’est pas absolue et que la « nature », du point de vue de l’embryon, ne peut donc être considérée comme idéale. Il serait alors possible de manipuler la « nature » dans l’intérêt du genre humain. Il est intéressant de noter dans ce contexte que la « nature » constitue également une référence pour le développement et l’amélioration de la FIV, dont l’objectif est de se rapprocher autant que possible des conditions optimales offertes par la nature pour la constitution et le développement d’un embryon. En outre, il est souligné par certains que si cette technique est un moyen de répondre à des problèmes d’infertilité, elle n’en traite pas pour autant la cause.
Dans le cadre du débat qui entoure actuellement la FIV, d’autres arguments tiennent désormais compte - outre les résultats, les risques et les bénéfices des méthodes - du contexte social, et en particulier de l’évolution du mode de vie et de son influence sur les problèmes d’infertilité, ainsi que des aspects psychologiques.
Dans les pays où elle est autorisée, la fécondation en dehors du corps a été mise au point comme une réponse thérapeutique à des situations d’infertilité qui n’avaient auparavant pas de solution. A l’origine, la FIV a été utilisée pour remédier à des stérilités tubaires, par la mise en contact in vitro des gamètes pour qu’il y ait fécondation et le transfert ultérieur des embryons obtenus. Le recours à des traitements hormonaux pour stimuler l’ovulation et le suivi de ces traitements contribuent à optimiser le recueil des ovocytes, le moment de la rencontre des gamètes pour former des embryons, ainsi que la préparation synchrone de l’endomètre pour le transfert. Les résultats de cette pratique ont facilité l’appréciation de l’opportunité de la chirurgie dans les cas de stérilité tubaire et permis d’éviter des interventions et réinterventions inutiles.
La simplification de la méthode tant au plan biologique que clinique a permis d’étendre les indications de la FIV à l’échec du traitement d’autres causes d’infertilité féminine telles que l’endométriose, à certaines stérilités mal expliquées et à celles dues à des facteurs masculins de gravité modérée, notamment après échec de l’insémination artificielle.
Il y a dix ans à peine, la technique de micro-injection d’un spermatozoïde dans le cytoplasme (ICSI) a été pour la stérilité masculine une révolution thérapeutique comparable à la FIV pour la stérilité tubaire quinze ans auparavant. Elle permet aujourd’hui à près de 70 % des couples qui encore récemment auraient dû avoir recours à un don de sperme de concevoir un enfant qui est à 100% biologiquement le leur.
Toutefois, lorsque la FIV, et en particulier l’ICSI, sont utilisées pour résoudre un problème d’infertilité (ou d’hypofertilité) masculine, les femmes peuvent subir des interventions invasives sans souffrir elles-mêmes d’un problème d’infertilité. Bien que l’infertilité soit souvent ressentie comme un problème « du couple », qu’elle soit d’origine masculine ou féminine, des inquiétudes ont été exprimées concernant ces situations et les difficultés qui peuvent se poser pour garantir le respect de l’autonomie de la femme et son choix personnel de se soumettre aux interventions.
Résultats
Grâce à l’assistance médicale à la procréation, en France par exemple, près de 2% des enfants naissent chaque année après une FIV ou une ICSI, ce qui concerne presque 7000 couples. Ces résultats sont considérés par beaucoup comme un véritable progrès scientifique, qui donne à des couples infertiles ou hypofertiles une fertilité (capacité à concevoir au cours d’un cycle) comparable à celle dont bénéficie naturellement les couples féconds (qui ont déjà eu un enfant). Il peut également être considéré qu’ils reflètent un progrès éthique, fondé sur le principe de bienfaisance, puisqu’ils soulagent des couples de leurs angoisses, en renforçant leur autonomie dans leur désir d’enfant et en leur épargnant tout sentiment de singularité, et résolvent autant que possible ce qui est considéré comme un problème de santé.
Néanmoins, il a aussi été indiqué que le taux de réussite de la FIV est relativement faible et que ce faible taux est perçu par les couples avec de plus en plus de difficultés au fur et à mesure que des tentatives échouent.
Risques
Il a été suggéré que la FIV comporterait des risques pour les femmes, en particulier en raison du traitement hormonal de stimulation ovarienne, et notamment une augmentation des risques de cancer. Toutefois, sur ce dernier point, les études scientifiques effectuées jusqu’à présent n’ont pas apporté la preuve de ces implications et les connaissances acquises ont permis une amélioration significative du traitement ainsi que la limitation de ses effets secondaires.
Des naissances prématurées plus fréquentes et les risques qui en découlent ont été associés au recours à la FIV. Certains considèrent néanmoins que les méthodes de FIV ne sont pas responsables : les deux principales explications seraient l’âge plus avancé des femmes participant à des procédures de FIV et l’augmentation du taux de grossesses multiples. Ce second facteur devrait toutefois maintenant être plus limité, grâce au taux de réussite plus important du transfert qui permet de réduire le nombre d’embryons introduits dans l’utérus.
Il semblerait qu’il existe un accord plus large quant au fait que l’ICSI n’a pas fait l’objet de tous les prérequis avant son introduction dans la pratique clinique et en particulier que les études pré-cliniques ont été très limitées. A cet égard, certaines inquiétudes sont actuellement exprimées quant à l’utilisation éventuelle de spermatozoïdes non matures (par exemple des spermatides).
De façon générale, la rareté des données concernant la santé des enfants nés après ces procédures a mené les scientifiques à suggérer une amélioration du suivi de ces enfants, sans perdre de vue la nécessité d’éviter toute stigmatisation.
L’une des préoccupations soulevées concerne spécifiquement la santé, et en particulier la fertilité, des enfants nés après une ICSI, lorsque cette technique est utilisée pour pallier certains types d’infertilité masculine. Si l’infertilité est d’origine génétique, il est probable qu’un enfant de sexe masculin né après une ICSI soit porteur de la même anomalie génétique, et soit donc confronté aux mêmes problèmes d’infertilité que son père avant lui. Certains estiment par conséquent qu’on ne devrait pas donner naissance à un enfant porteur de ce qui pourrait être considéré comme une forme de handicap.
Pour d’autres en revanche, c’est un problème qui n’affecte pas la santé de l’enfant en tant que telle et il peut exister des méthodes pour atténuer ses effets. Pour eux, l’étendue du problème ne justifie donc pas que l’on entrave l’autonomie des parents dans leur désir d’avoir leur propre enfant biologique.
Enfin, il convient de noter que la possibilité de constituer un embryon in vitro a ouvert la voie à de nouvelles techniques permettant une intervention sur l’embryon et/ou une sélection, ainsi qu’à la recherche. Cela soulève d’autres questions, qui seront développées dans les chapitres suivants, en même temps que les arguments qui sous-tendent les différentes positions exprimées.
La FIV consiste en la fécondation in vitro des ovocytes provenant du groupe de follicules s'étant développés à l’issue d’un traitement hormonal de stimulation ovarienne. Les données physiologiques actuelles concernant la folliculogénèse semblent indiquer que le traitement de stimulation ovarienne agit directement sur un ensemble de follicules dont la maturité est telle, qu'ils disposent de récepteurs essentiels pour l’action hormonale. Ces follicules commencent à se développer environ 70 jours avant la stimulation ovarienne par des mécanismes intra-ovariens qui sont encore assez mal connus.
Le traitement de stimulation ovarienne n’agit donc pas sur la réserve ovarienne puisqu’il affecte uniquement les follicules qui ont déjà commencé à se développer. Il ne risque donc pas d'accélérer l’apparition de la ménopause.
Ceci implique aussi que :
- il n’est pas possible de prédire la taille du groupe de follicules qui vont se développer pendant un cycle donné ;
- la qualité des ovocytes et le nombre d’ovocytes recueillis varient d’un cycle à l’autre chez une même femme soumise plusieurs fois au même traitement de stimulation de l’ovulation.
Le nombre d’embryons obtenus[2] (voir Section III. A), leur « aptitude à se développer »[3], la réceptivité de l'endomètre et, par conséquent, les chances de grossesse et de naissance d’un enfant sont donc difficiles à prévoir de façon précise.
Plusieurs ovocytes susceptibles d’être fécondés sont donc prélevés à chaque fois dans un ovaire à partir du groupe de follicules stimulés en vue de la FIV. Leur nombre est déterminé par plusieurs facteurs et, en particulier, par le mécanisme naturel intra-ovarien qui déclenche le développement des follicules et par la quantité d’hormones à laquelle les follicules déjà recrutés sont exposés.
Il arrive parfois que le nombre d’embryons obtenus soit supérieur au nombre d’embryons pouvant raisonnablement être transférés en même temps si l’on souhaite éviter une grossesse multiple, car la grossesse multiple peut avoir des conséquences tragiques pour le couple concerné et pour les enfants, avec un risque de fausse-couche, souvent à un stade avancé, ou de naissance légèrement ou même très prématurée. Les embryons qui ne sont pas utilisés pour un transfert immédiat peuvent être cryoconservés après congélation (voir Section III.A).
Dans certains pays (par exemple, l'Allemagne ou l’Autriche) cependant, la loi interdit la constitution par FIV d’un nombre d’embryons plus important que le nombre d’embryons qu’il est possible de transférer pendant un cycle de traitement. Leur nombre est donc limité à un maximum de trois afin de réduire les risques de grossesse multiple. La constitution d’embryons plus nombreux est interdite par le droit pénal.
La possibilité de congeler les embryons a pour conséquence qu’il n’y a pas, au sens strict, d’ovocytes non utilisés (sauf dans le cas où certains ne sont pas fécondés afin d’éviter de produire des embryons) susceptibles d’être cryoconservés. Toutefois, la difficulté d’évaluer le taux de fécondation et, par conséquent, le nombre d’embryons qui seront obtenus peut avoir les effets suivants :
- un nombre insuffisant d’ovocytes est utilisé lors de la procédure de fécondation et le taux de transfert d’embryons ou le taux de grossesse par transfert se trouve diminué ;
- un nombre trop important d’embryons est transféré et le couple se trouve inévitablement exposé au risque de grossesse multiple.
Dans les pays où le nombre d’embryons par cycle de traitement est limité, comme l’Allemagne, s’il arrive qu’un nombre un peu plus important d’« embryons » soit constitué par accident, ceux-ci sont congelés avant même l’achèvement de la fécondation des ovocytes. A ce stade, c’est-à-dire avant la fusion complète des deux pronuclei et l’achèvement du processus de fécondation, ils ne peuvent être considérés comme des embryons selon la définition prévue par la loi.
Dans les pays où la cryoconservation des embryons est autorisée, la congélation en vue d’un transfert ultérieur est utilisée avec près de 94% des embryons. Dans ces pays, le suivi des couples est exigé et les embryons doivent être clairement identifiés par rapport à un couple parent. On notera que les ovocytes, contrairement aux spermatozoïdes et aux embryons, ne peuvent pas encore être, dans la pratique, cryoconservés, le risque dans ce cas pour l’enfant à naître restant indéterminé. Toutefois, des recherches sont en cours en ce domaine qui, si elles aboutissent, permettront de limiter la cryoconservation des embryons.
La tendance aujourd’hui est de réduire l’apport hormonal utilisé pour stimuler l'ovaire et donc le nombre d’ovocytes produits. Le nombre d’embryons transférés à chaque fois tend aussi à diminuer, se réduisant même dans certains cas à un seul, ce qui limite les risques de grossesse multiple. Toutefois, la constitution d’un nombre d’embryons supérieur au nombre d’embryons pouvant être transférés au cours d’un cycle de traitement est considérée, là où elle est autorisée, comme une bonne pratique en matière de FIV, compte tenu de l’état actuel des connaissances.
Un problème, cependant, n’a pas encore été résolu par la législation ou la réglementation de plusieurs pays : celui de la durée maximale de conservation des embryons en vue d’un transfert ultérieur (voir Section II.C).
La question du devenir des embryons qui ne font plus l'objet d’un projet parental soulève également certaines questions. Le sort des embryons dont les parents ont décidé d’interrompre leur projet parental est généralement décidé par le couple géniteur, conformément aux possibilités prévues par la loi : leur conservation peut être interrompue, ils peuvent être utilisés aux fins de recherches autorisées ou ils peuvent être donnés à un autre couple.
La question du sort des embryons constitués en grand nombre par FIV afin d’accroître les chances de succès de l’ensemble de la procédure, mais qui ne font plus partie d’un projet parental, a conduit certains pays à décider de limiter le nombre d’embryons pouvant être constitués au cours de chaque cycle de traitement. La question du nombre d’embryons pouvant être constitué n’est donc pas envisagée en premier lieu du point de vue de la réussite du traitement et des besoins individuels du couple, bien que ces besoins soient réellement reconnus. Cette question est envisagée du point de vue des valeurs générales de la société, (souvent présentées comme basées notamment sur la constitution du pays), et de l’évaluation du suivi des embryons qui ne font plus partie d’un projet parental. La demande individuelle d’aide adressée à la société en vue de donner naissance à un enfant, aussi compréhensible et moralement justifiée soit-elle, est considérée comme n’impliquant au sens strict ni droit négatif, ni droit positif (voir Section II.F). La solidarité de la société ne peut donc être sollicitée, dans ce contexte, en référence à un droit mais seulement pour des raisons plus ou moins admises de compassion.
Dépistage de l’aneuploïdie
Lorsque le nombre d’embryons constitués par FIV au cours de chaque cycle de traitement n’est pas limité, il est possible de sélectionner un certain nombre de ces embryons afin de bénéficier des meilleures chances d'implantation et de développement. Cette sélection, lorsqu’elle est pratiquée, s’effectue sur la base de critères visuels sans aucune intervention sur les embryons. Toutefois, dans certains pays, il est possible, dans le cas de femmes ayant fait plusieurs fausses couches, ou chez lesquelles la FIV a échoué plusieurs fois, d'effectuer une analyse cytogénétique, impliquant une procédure plus invasive (biopsie d’une ou deux cellules), afin de déterminer les types éventuels d’aneuploïdie susceptibles d’affecter les capacités de développement ou d'implantation de l’embryon.
Les embryons aneuploïdes contiennent un nombre anormal de chromosomes, ce qui entraîne dans presque tous les cas l’échec de l'implantation ou une fausse couche. La fréquence de l’aneuploïdie semble, d’une manière générale, assez élevée chez les embryons humains et elle s’accroît avec l’âge de la mère. L’aneuploïdie peut être identifiée dans l’embryon in vitro à l’aide de techniques comme la biopsie et l’hybridation in situ par fluorescence (FISH). Cette procédure vise à accroître le taux de réussite de la FIV et on a pu montrer qu’elle permettait de réduire la fréquence des cas de fausse couche. La possibilité de sélectionner des embryons ne présentant aucune aneuploïdie permet également de réduire le nombre d’embryons à transférer et de réduire, par conséquent, le risque de grossesse multiple.
Cependant, cette méthode, bien qu’elle ait été mise en œuvre dans un certain nombre de cliniques dans le monde, en est encore à ses débuts. L’aneuploïdie peut, en outre, affecter uniquement certaines cellules et non la totalité des cellules de l’embryon (mosaïque) et ceci peut être la cause d’erreurs de diagnostic, tant positives que négatives.
Certaines questions éthiques ont aussi été soulevées à l’égard de cette procédure de dépistage, notamment à propos du principe même de la sélection des embryons et de la procédure invasive mise en œuvre (biopsie). Le diagnostic préimplantatoire (DPI) et le dépistage de l’aneuploïdie embryonnaire peuvent d’ailleurs être considérés comme comparables sous certains aspects et l’argumentation développée au sujet du DPI peut aussi être considéré pertinente pour le dépistage de l’aneuploïdie (voir Section V.B.). Toutefois, pour certains, les différences fondamentales entre les deux procédures justifient qu’elles soient envisagées de manière différente d’un point de vue éthique. Le DPI, en effet, a pour but d’identifier la présence dans le génome de l’embryon d’éléments susceptibles non pas d’affecter son développement dans l’utérus et, ultérieurement, la naissance de l’enfant, mais d’être à l’origine de certains troubles ou maladies chez le futur enfant. Le dépistage de l’aneuploïdie vise au contraire à identifier les embryons qui ne parviendraient pas à s’implanter ou à se développer naturellement et influence donc directement la réussite de la FIV.
Le respect de l’autonomie de la personne est l’un des principes éthiques fondamentaux en médecine. Ce principe implique notamment le respect de l’autodétermination et des choix de la personne autonome et la protection de toute personne dont l’autonomie est diminuée. La règle du consentement libre et éclairé découle directement de ce principe. L’article 5 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine énonce à ce propos les dispositions fondamentales suivantes :
« Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.
Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques.
La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement. »
Et le rapport explicatif souligne à propos de cet article : « Cette règle [du consentement éclairé] fait apparaître l’autonomie du patient dans sa relation avec les professionnels de santé et conduit à restreindre les approches paternalistes qui ignoreraient la volonté du patient. »
L’article 6, paragraphes 3 à 5 de la Convention, adapte la règle générale de l’information et du consentement aux personnes majeures n’ayant pas la capacité de consentir.
La règle du consentement libre et éclairé fait partie intégrante des exigences qui s’appliquent à la FIV.
Toutefois, il est nécessaire, dans ce contexte, de souligner certains points concernant en particulier le type d’information fournie et la forme sous laquelle cette dernière est communiquée, ainsi que l’étendue et la durée de validité du consentement.
Information
On admet généralement que le consentement éclairé nécessite la communication préalable d’une information objective sur la procédure et, en particulier, sa description ainsi que celle des interventions envisagées, ainsi que leur durée prévisible, leurs risques et implications possibles, les résultats qui peuvent en être attendus (en termes d’échec comme de réussite) et les éventuelles alternatives existantes.
Toutefois, des préoccupations ont été exprimées au sujet de la quantité d’informations fournie. Ceci est le cas en particulier de l’information concernant le sort des embryons qui ne seraient plus conservés dans le cadre du projet parental initial, (par exemple, selon la législation nationale, leur don éventuel à un autre couple ou pour la recherche, l’arrêt de la conservation). La nécessité d’évoquer de telles éventualités est généralement admise, mais certains s’inquiètent de ce que de telles informations puissent être source de confusion dans la mesure où elles ne sont pas directement pertinentes pour le consentement requis. En effet, si le projet parental devait être interrompu, un nouveau consentement serait nécessaire pour toute décision concernant l’avenir des embryons. C’est pourquoi ils souhaitent que soit établie une distinction claire entre l’information directement liée au consentement requis et les autres informations et que ces dernières puissent être communiquées aux personnes concernées à un autre moment.
Dans la pratique, sont également fournies des informations supplémentaires concernant des dispositions juridiques pertinentes, notamment sur les situations où le consentement peut être invalidé (séparation des membres du couple, par exemple) ou bien des situations dans lesquelles l’autorisation d’un juge est requise (don de sperme en France, par exemple). Lorsque cela est nécessaire, des informations sur certaines conséquences juridiques (en terme de filiation par exemple) sont aussi communiquées.
Les modalités de communication de l’information et sa forme sont aussi déterminantes pour permettre un consentement libre et éclairé. Le principe du consentement libre et éclairé exige que l’information soit communiquée de manière non directive et en des termes compréhensibles à la personne concernée. Il est généralement admis que la personne chargée de communiquer l’information doit disposer de connaissances et de compétences lui permettant de présenter cette information en des termes clairs et adaptés à chacun de ses interlocuteurs.
Dans le cas de la FIV, on établit généralement une distinction entre l’information devant être communiquée dans tous les cas, comme par exemple l’information sur les procédures impliquées dans la FIV, la chronologie de ces procédures et les dispositions légales en ce domaine, et l’information qui doit répondre à la situation individuelle, ainsi qu’aux aspects cliniques, biologiques et psychologiques propres à chaque cas. Si en pratique, le premier type d’information peut être communiqué sous forme écrite, il n’en va pas en général de même pour le second type d’information qui est normalement communiqué aux personnes concernées par un membre de l’équipe médicale.
Outre l’information communiquée avant le consentement, on admet aussi que, pendant le traitement, les personnes concernées doivent avoir la possibilité de solliciter et d’obtenir des informations complémentaires et d’être informées de l’évolution et des résultats intermédiaires de la procédure, notamment en ce qui concerne les éventuels aspects suivants :
- le nombre d’ovocytes effectivement recueillis ;
- le nombre d’embryons obtenus ;
- le nombre d’embryons à transférer ;
- l’évolution de la grossesse.
Consentement
La forme sous laquelle le consentement doit être recueilli, a également fait l’objet de certaines discussions. On a en particulier défendu l’idée que le consentement devait être formulé de manière explicite et par écrit, compte tenu par exemple du risque de désaccord entre les personnes en cas de modification de la décision initiale ou bien en raison de certaines conséquences juridiques éventuelles.
En outre, conformément aux principes internationalement reconnus, le consentement doit pouvoir être librement retiré à tout moment. Toutefois, les normes et obligations professionnelles peuvent dicter les mesures immédiates à prendre par le professionnel dans le cas où le retrait du consentement risquerait de mettre en danger la santé de la femme et/ou de l’embryon ou du fœtus.
Le consentement des deux membres du couple est généralement demandé. Toutefois, en raison de son rôle biologique dans le processus de procréation, la femme est beaucoup plus impliquée physiquement dans la procédure car elle doit en particulier se soumettre à des procédures invasives. Ce fait, bien que le consentement de chacun des membres du couple ait une importance égale du point de vue de la procédure de FIV, peut être considéré comme justifiant une différence dans la prise en compte des deux consentements. Une intervention sur le corps de la femme ne peut, en particulier, être effectuée sans son consentement. Cette différence apparaît particulièrement pertinente s’agissant du consentement à un diagnostic prénatal (DPN)et à un diagnostic génétique préimplantatoire (DPI). Dans le premier cas, la procédure implique une intervention invasive sur une femme enceinte tandis que, dans le second, l’intervention est effectuée sur un embryon in vitro. Dans le premier cas, la discussion a lieu essentiellement entre le médecin et la femme concernée. Dans le cas du DPI, les deux membres du couple participent à la discussion et celle-ci implique généralement une équipe médicale multidisciplinaire.
En ce qui concerne les embryons non transférés, dans le cas d’une interruption du projet parental, il est généralement admis que la décision demeure dans tous les cas soumise au consentement des parents, qui ont pris l’initiative du projet, y compris dans le cas où l’embryon n’a pas été constitué à partir de leurs gamètes (dans le cas de don de sperme, par exemple). Toutefois, le don de l’embryon peut être soumis à certaines conditions dont le couple devrait être informé avant le commencement de la procédure de FIV.
Les possibilités suivantes pourront être envisagées, dans la mesure où elles sont autorisées par la loi :
- le don d’embryon à un autre couple ;
- la permission d’utiliser les embryons dans le cadre d’un protocole de recherche biomédicale ;
- l’interruption de la conservation.
Cependant, les difficultés que peut rencontrer le couple pour prendre une telle décision, ainsi que le caractère irréversible de certaines procédures une fois qu’elles ont été mises en œuvre doivent être reconnues. C’est pourquoi il a été suggéré d’imposer une période de réflexion entre la communication de l’information relative aux différentes possibilités et l’enregistrement du consentement, et de modifier le délai à partir duquel ce consentement, une fois formulé, peut être retiré.
Dans certains pays, les couples ayant eu recours à une FIV au cours de laquelle des embryons ont été constitués à partir de leurs gamètes ont la possibilité de faire « don » d’un ou plusieurs embryons à un autre couple, en vue d’un transfert. Ce « don » d’embryon n’est pas autorisé dans d’autres pays.
Dans les pays où il est autorisé, ce type de don concerne en général des embryons constitués par FIV pour un projet parental initial, mais qui n’en font plus l’objet. Toutefois, quelques pays autorisent la constitution d’embryons en vue de leur don.
Il est à noter que le concept de « don » soulève occasionnellement un problème car il englobe l’idée sous-jacente de « propriété ». La France a par exemple fait le choix de ne pas utiliser le terme de « don », mais d’employer le mot « accueil ».
La plupart des préoccupations éthiques exprimées autour du « don » d’embryon sont liées à la notion de respect de la dignité de l’être humain. Il est avancé que la pratique pourrait mener à une instrumentalisation des embryons, et s’apparenter à un simple moyen de répondre à des problèmes d’infertilité sans en traiter la cause. A cet égard, pour les défenseurs de cette position, le don d’embryon est considéré comme un facteur aggravant les problèmes éthiques soulevés par le don de sperme et d’ovocyte. Certains jugent totalement inacceptable la constitution d’embryon dans le but exclusif d’en faire don. Cette raison explique également les inquiétudes exprimées quant à la possibilité de constituer, par FIV, plus d’embryons que nécessaire au succès d’une procédure FIV.
Les partisans du don opposent à ces arguments que le « don » d’embryon est au contraire respectueux de la dignité humaine et profite aux embryons en leur donnant la possibilité de se développer dans des conditions adéquates strictement définies, plutôt que d’être détruits (voir Section III.D). Ils estiment que si des conditions strictes sont respectées, en particulier pour la protection du futur enfant, le don d’embryon peut être considéré comme une alternative à leur destruction, tout en offrant une réponse satisfaisante aux couples confrontés au problème d’infertilité.
Dans les pays autorisant le don d’embryon, la pratique reste en général peu courante. Au Royaume-Uni par exemple, où le don d’embryon est autorisé, beaucoup de couples souffrant de problèmes d’infertilité préfèrent bénéficier d’un don d’ovocyte plutôt que d’un don d’embryon.
Si le don a souvent été comparé à une adoption, le débat de fond persiste dans certains pays quant à savoir s’il doit également en être rapproché sur le plan juridique – tout embryon pouvant alors être accueilli - ou bien s’il devrait plutôt suivre un régime apparenté à celui du don de gamètes – avec la possibilité de définir des critères d’appariement entre couple donneur et couple receveur.
Les principales conditions fixées pour le don d’embryon sont l’absence de profit, des mesures de protection de la santé et des procédures de protection juridique. Un principe fondamental est établi par l’Article 21 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine qui précise que le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit. Il est demandé aux couples de passer une série de tests destinés à vérifier la présence de certaines maladies susceptibles de nuire à la santé du futur enfant ou de la receveuse et par la même d’empêcher le don. Enfin, des formalités sont effectuées pour garantir que les termes juridiques du don et leurs conséquences sont connus, en particulier en ce qui concerne la filiation légale. Indépendamment du consentement du couple donneur, le consentement du couple receveur (ou de la femme dans les pays autorisant le don à une femme seule) est également requis. Le don d’embryon exige souvent une décision de la part d’une autorité ou une garantie du respect des critères essentiels et juridiques pertinents.
Parallèlement à ces conditions qui font l’objet d’un consensus général, la question de l’anonymat du don a récemment été soulevée. Cet anonymat est généralement la règle. Il est considéré que le respect de cette règle vise à protéger aussi bien le donneur et les parents receveurs que le futur enfant, car des informations sur l’identité du donneur ou des parents receveurs ne pourraient être qu’un facteur psychologique perturbant pour les parents et l’enfant. Il est également avancé que l’essentiel dans la création de liens familiaux et le développement de l’identité personnelle provient moins de la filiation biologique que de la filiation sociale.
Toutefois, une argumentation autour de l’anonymat a été développée soutenant la thèse opposée. A cet égard, un parallèle peut être établi avec le débat sur l’anonymat en cas d’adoption. Deux raisons essentielles ont été mises en avant contre le don anonyme. La première est le risque de souffrance psychologique pour l’enfant à la recherche de ses origines. La seconde est basée sur le développement d’applications génétiques à des fins médicales et l’importance que représente pour l’enfant l’accès à des informations sur ses parents biologiques, y compris les éléments génétiques, qui peuvent s’avérer déterminantes pour sa santé. Au vu de l’importance de ces données, ceux qui soutiennent le principe de l’anonymat peuvent également considérer que l’accès à de telles informations pertinentes pour la santé de l’enfant, mais non identifiantes, devrait être possible.
La question de savoir s’il faut autoriser la recherche sur l’embryon in vitro, et dans l’affirmative dans quelles conditions, est l’une des questions éthiques les plus sensibles à traiter. A l’heure actuelle, différents Etats membres du Conseil de l’Europe ont résolu la question de façons diverses. D’autres Etats envisagent actuellement le développement d’une législation à ce sujet.
Bien que la question du statut de l’embryon (abordée dans la Section II.B ci-dessus) soit fondamentale pour répondre à celle de la recherche sur l’embryon, d’autres aspects qui auront également une incidence sur le débat seront discutés dans cette section.
Il a été avancé que toute réglementation restreignant la recherche a une incidence simultanée sur la liberté de la recherche scientifique. Toutefois, la recherche peut également être source de violation des droits fondamentaux. Un accord a donc été obtenu au niveau international sur la nécessité de préserver un juste équilibre entre la protection des droits fondamentaux et celle de la liberté de recherche. Ce principe ressort clairement de l’Article 2 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, qui affirme la primauté de l’intérêt et du bien de l’être humain sur le seul intérêt de la société ou de la science. L’Article 15 de la Convention applique ce principe à la recherche en stipulant que « la recherche scientifique dans le domaine de la biologie et de la médecine s'exerce librement sous réserve des dispositions de la présente Convention et des autres dispositions juridiques qui assurent la protection de l'être humain. ». Comme l’indique le rapport explicatif de la Convention, si « la liberté de la recherche scientifique dans le domaine de la biologie et de la médecine ne se fonde pas uniquement sur le droit de l'homme à savoir, mais également sur les progrès considérables que ses résultats peuvent permettre de réaliser en matière de santé et de bien-être des patients », elle « n'est cependant pas absolue... elle a pour limite les droits fondamentaux de la personne… qui assurent la protection de l'être humain ».
Néanmoins, les méthodes employées d’un pays à l’autre pour protéger la liberté de recherche comportent des différences.
Dans certains pays européens, cette liberté fait partie intégrante (à l’instar d’autres droits fondamentaux) de la Constitution. Parfois, science et recherche sont mentionnées toutes deux, alors que dans les constitutions traitant exclusivement de la « liberté scientifique », la recherche est implicitement couverte (en tant que principale méthode scientifique de travail). Par ailleurs, un certain nombre de constitutions imposent expressément à l’Etat de développer et de promouvoir la science.
Dans d’autres pays, la liberté de la recherche scientifique n’est pas explicitement protégée, mais découle indirectement de la protection de la liberté individuelle (d’action), de la liberté d’opinion, de la liberté de création intellectuelle et/ou de la liberté académique. Toutefois, s’il peut être reconnu que les libertés de pensée et d’opinion mériteraient d’être aussi larges que possible, la recherche, et en particulier la recherche expérimentale, ne peut être comparée à l’expression d’une opinion.
La diversité des situations dans les approches de la « liberté de la recherche scientifique » peut en partie provenir des différences de conceptions de la portée du concept. A titre d’exemple, les libertés de création intellectuelle et d’opinion peuvent être jugées distinctes de l’expérimentation scientifique, même si cette dernière est généralement perçue comme une composante à part entière de la science définie au sens large. En conséquence, une distinction entre recherche fondamentale ou de base et recherche expérimentale ou appliquée est souvent faite, cette dernière étant particulièrement soumise à des restrictions. Néanmoins, cette distinction n’a pas de caractère absolu. De nombreux types de recherche biomédicale de base ne font pas seulement intervenir des spéculations théoriques, mais également des méthodes expérimentales. Ces recherches fondamentales peuvent aussi imposer la nécessité d’obtenir des éléments et produits du corps humain utilisables dans la recherche, soulevant ainsi des questions relatives aux droits et à la protection de ceux chez lesquels ils ont été prélevé.
En outre, le champ de la protection personnelle envisagé dans le concept de liberté de la recherche scientifique fait l’objet d’interprétations très diverses.
Les cellules souches sont des cellules qui ont la capacité unique de se multiplier à l’identique et de se différencier en différents types cellulaires spécialisés. En fonction de leur origine, trois grandes catégories de cellules souches peuvent être identifiées : les cellules souches adultes, fœtales et embryonnaires. Les cellules souches ne sont pas totalement indifférenciées. Elles peuvent, selon leur origine, se différencier en un ou plusieurs tissus.
La présence de cellules souches adultes a été montrée dans différents tissus de l’organisme adulte et il est probable qu’un grand nombre de ces tissus en contient. Elles ont la capacité de se différencier en un nombre limité de types cellulaires spécialisés. De récentes études semblent toutefois indiquer la présence dans l’organisme adulte de cellules souches dont les capacités de différenciation seraient bien plus élevées.
Les cellules souches d’origine fœtales peuvent être obtenues à partir de tissus fœtaux ou de sang de cordon ombilical. Comme les cellules souches adultes, leur capacité de différenciation semblent plus limitées que celles des cellules souches embryonnaires. Les recherches sur ces cellules en vue d’applications thérapeutiques ont essentiellement concerné des cellules souches prélevées à partir de tissu nerveux fœtal et des cellules souches hématopoïétiques récupérées dans le sang de cordon.
Les cellules souches embryonnaires (cellules ES) sont obtenues à partir d’un embryon au stade blastocyste (5 – 7 jours). Elles ont la capacité de se différencier en une large variété de tissus (pluripotence). Toutefois, elles ne peuvent générer à elles seules un embryon.
Les connaissances actuelles sur les cellules souches embryonnaires proviennent essentiellement des recherches menées sur l’animal. L’isolement et la manipulation des cellules ES de souris est désormais une procédure de routine. La différenciation de ces lignées de cellules peut être induite aussi bien in vitro qu’in vivo en des tissus identifiables et divers types de cellules (ectoderme, mésoderme et endoderme).
La différenciation des cellules ES peut être empêchée en cultivant les cellules sur une couche de cellules nourricières, produisant un ou des facteurs inhibant la différenciation et maintenant la prolifération et la pluripotentialité des cellules ES. En 1988, un facteur susceptible de remplacer la couche nourricière a été isolé : le facteur inhibiteur de la leucémie (LIF). Les cellules ES peuvent ainsi être maintenues en culture durant de longues périodes en l’absence de couche nourricière, par l’adjonction de LIF dans le milieu. Toutefois, il existe un risque d’apparition d’aneuploïdies ou d’autres aberrations chromosomiques.
Historique
En 1981, ont été publiés les deux premiers rapports relatifs à la dérivation de cellules souches embryonnaires (ES, embryonic stem) à partir de la masse cellulaire interne (MCI) de blastocystes de souris âgés de 3,5 jours. Cultivées in vitro, les cellules de la MCI ont donné naissance à des lignées de cellules capables de proliférer indéfiniment. Ces cellules ES étaient en mesure de se différencier en plusieurs types de cellules : en culture, ces cellules ES ont donné naissance à des cellules souches de tissus adultes, hématopoïétiques, musculaires, nerveux, intestinales, d’épithélium squameux stratifié, etc.
Le premier rapport concernant des cellules ES humaines a été publié en 1998 par le Dr J. Thomson et ses collaborateurs. Les lignées de cellules présentaient les marqueurs de surface de cellule caractéristiques des cellules ES. Quatre lignées de cellules testées ont produit des tératomes lors de leur croissance chez des souris immunodéprimées. La culture des embryons a été prolongée jusqu’au stade blastocyste. Cinq lignées de cellules ES ont été dérivées à partir de cinq embryons différents. Quatre des lignées de cellules ont été cryoconservées après cinq à six mois de prolifération continue sans différenciation. L’autre lignée a conservé un caryotype normal après six mois de culture et ne manifeste pas de signe de sénescence réplicative après plus de huit mois (32 passages) (Thomson et al., 1998). Des lignées de cellules ES humaines ont été obtenues depuis lors dans d’autres pays, dont l’Australie, la Suède et Israël.
Intérêts de l’étude des cellules souches et applications éventuelles
Les exemples suivants sont parmi les arguments avancés pour soutenir l’intérêt potentiel de l’étude de ces cellules:
- Les cellules ES sont dans un état d’instabilité similaire à celui des cellules précancéreuses et pourraient nous permettre d’en savoir plus sur la transformation d’une cellule en cellule cancéreuse ;
- Si un contrôle était possible, le potentiel de différenciation des cellules ES in vitro permettrait d’établir des modèles pour des études pharmacologiques sur des cellules qui font défaut aujourd’hui. En effet, ces dernières sont actuellement limitées aux tissus d’origine animale et aux cellules humaines qui habituellement sont différentes du type normal ;
- Sur le plan thérapeutique, des perspectives sont envisagées en matière de médecine régénérative avec la possibilité de produire des tissus de substitution destinés aux patients atteints de maladies dégénératives et métaboliques ou de maladies entraînant des nécroses cellulaires, incurables à l’heure actuelle.
Les limites actuelles
Les connaissances sur les cellules souches, qu’elles soient embryonnaires, adultes ou fœtales restent encore limitées, notamment en ce qui concernent les mécanismes de différenciation, leur isolement (cellules souches adultes) ou la mise au point de leurs conditions de culture. En outre, il existe, avec les cellules souches embryonnaires, un risque important de tumeur (tératomes) lorsqu’elles sont transplantées dans un organisme hôte. Enfin, le risque de rejet immunologique lors de transplantation dans un organisme de cellules provenant d’un organisme différent reste un problème important dans la perspective d’utilisation des cellules souches à des fins thérapeutiques.
Des résultats ont montré la possibilité de dériver des cellules souches dans la perspective de thérapies cellulaires visant diverses maladies humaines. Toutefois, un grand nombre de scientifiques semblent s’accorder sur la difficulté, dans l’état actuel des connaissances, de prendre position sur l’intérêt comparatif des différents types de cellules souches dans une perspective thérapeutique.
Mais reste au centre des discussions sur les cellules souches, la question de l’utilisation d’embryons humains pour dériver les cellules ES et de son acceptabilité éthique (voir Section IV.D).
Acceptabilité de la recherche sur l’embryon
L’utilisation à des fins de recherche d’embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental soulève deux problèmes éthiques : le premier concerne le caractère éthique de l’utilisation d’un embryon pour toute autre finalité que la procréation et le second le fait que de telles recherches entraînent la destruction de l’embryon. Ces préoccupations sont à l’origine d’une réflexion critique, et de la nécessité de justifier ces recherches.
La question philosophique et juridique centrale, est de savoir si la recherche destructive sur l’embryon peut déboucher sur des bénéfices ou servir des valeurs, qui priment sur les considérations ayant trait au bien de l’embryon. Comme cela a été discuté à la Section II.B., les points de vue sur le statut de l’embryon diffèrent. Pour certaines personnes, aucun bénéfice obtenu, ne peut l’emporter sur le statut accordé à l’embryon, ou en d’autres termes sur son bien.
Dans ce contexte, il est avancé que plutôt que de choisir entre deux méthodes de destruction d’un embryon ne faisant plus l’objet d’un projet parental (recherche ou procédure habituelle), il vaudrait mieux faire en sorte que de tels embryons n’existent pas, et éviter ainsi ce dilemme éthique (voir Section III. C.).
Néanmoins, pour ceux qui adoptent une approche gradualiste – comme les Etats qui autorisent la recherche sur les embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental – le statut de l’embryon au tout début de son développement se situe « entre » le fait de considérer l’embryon comme un élément de la « vie humaine » et comme une personne humaine ayant des droits. Cela a conduit au principe de « respect de la vie humaine », une constante devant être respectée tout au long de la période de développement de l’embryon/fœtus (voir Section II.C). Ce respect implique que l’embryon est reconnu comme étant plus qu’une simple partie du corps humain ou un amas de cellules. Néanmoins, la question du « droit à la vie » est distincte, et pour les tenants de l’approche gradualiste, c’est progressivement au fur et à mesure du développement que l’on peut considérer qu’un embryon ou un fœtus possède un tel droit.
Ce principe signifie, pour ses défenseurs, que le « respect de la vie », dans certaines conditions, peut passer après le « bien » de la santé. Pour les tenants de cette position, le fait que cela soit possible ne s’oppose pas nécessairement à la reconnaissance de la dignité de l’embryon : cette dignité peut être considérée comme fondamentale, même si elle n’entraîne pas un droit à la vie. La prédominance d’autres bénéfices potentiels pour l’humanité sur le respect de la vie de l’embryon est appuyée par le fait qu’en cas d’abandon du projet parental les embryons sont inéluctablement voués à la destruction.
Mais cette approche pourrait être comprise par d’autres comme relevant d’une philosophie conséquencialiste. Cela soulève toutefois la question de savoir si la fin justifie les moyens.
Une distinction peut également être faite entre les embryons constitués dans le cadre d’une FIV dans le but de n’utiliser que ceux ayant le plus de chances de se développer après le transfert (en d’autres termes, quand il est envisagé dès le départ que tous les embryons ne feront pas partie du projet parental) et ceux constitués à l’origine pour être tous transférés. Ce dernier cas peut se rencontrer dans des pays dont la loi interdit la constitution par FIV d’un nombre d’embryons supérieur à celui pouvant être transféré au cours d’un cycle de traitement (comme l’Autriche et l’Allemagne), quand par exemple la mère décède au cours du traitement. Dans ces pays, l’objectif est que les embryons ne soient utilisés qu’à des fins de procréation.
Les partisans de cette approche notent également que, si certains utilisent le terme « embryon » avant l’apparition de la ligne primitive (après environ 15 jours (voir fig. 2 à l’Annexe I)), puis parlent du « fœtus », d’autres chercheurs emploient le terme « pré-embryon » pour distinguer ces stades précoces du développement embryonnaire des étapes ultérieures, et qu’il pourrait s’agir d’une façon de « dissimuler » le fait que l’objet de recherche est en réalité un embryon humain. Le terme « pré-embryon » n’est en effet pas utilisé pour la recherche sur les autres mammifères. Toutefois, pour les tenants de l’approche gradualiste, le terme « pré-embryon » est utile pour distinguer différentes étapes de la vie embryonnaire pouvant justifier des degrés de protection différents.
Objectifs de la recherche sur l’embryon
Si la recherche sur l’embryon in vitro n’est pas exclue par principe, la question se pose de savoir quels objectifs peuvent justifier l’utilisation d’un embryon. Les recherches sur des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental sont conduites dans plusieurs pays européens, dont tous ne disposent pas d’une législation concernant cette pratique. Néanmoins, qu’il existe ou non une loi, il semble être accepté de façon générale que cette recherche ne peut être conduite qu’à des fins de ce que l’on peut qualifier d’une façon générale « de santé », que ce soit directement (recherche appliquée) ou indirectement (recherche fondamentale, dont les résultats pourraient avoir un bénéfice direct pour la santé humaine).
Les premières lois, comme la loi de 1990 du Royaume-Uni relative à la fécondation et à l’embryologie humaines, interprétaient la « santé » de façon relativement restreinte et n’autorisaient la recherche sur l’embryon que pour des objectifs concernant globalement la médecine de la reproduction et le processus de procréation (y compris l’assistance médicale à la procréation). Toutefois, plus récemment, des spéculations sur la possibilité que la recherche sur les cellules souches embryonnaires débouche sur des traitements de certaines maladies non liées à la reproduction (comme la maladie de Parkinson) ont conduit certains pays à autoriser l’utilisation d’embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental pour des objectifs ayant trait à la santé au sens plus large.
Recherches sur la reproduction humaine et l’assistance médicale à la procréation
Deux principaux types de recherches dans ce domaine utilisent des embryons qui ne font plus l’objet d’un projet parental :
- Recherches liées plus spécifiquement à l’amélioration des techniques d’assistance médicale à la procréation, en particulier des traitements et procédures de FIV. Il peut s’agir d’études visant à améliorer la fécondation, ou portant sur les cultures prolongées, la congélation et la viabilité embryonnaire, ou encore de la mise au point d’analyses embryonnaires à visée diagnostique ou thérapeutique. Ces analyses permettent d’aider de potentiels futurs parents, porteurs ou atteints d’une maladie génétique, dans leur désir d’avoir un enfant en bonne santé, et de reconnaître les souffrances et les dilemmes que ces couples rencontrent parfois face au risque de mettre au monde un enfant malade. Les souffrances peuvent découler de leur expérience personnelle avec un enfant ou un membre de la famille atteint de cette même maladie. La reconnaissance de cette situation dans la loi ou dans la pratique est le fondement des recherches pour l’amélioration du DPI.[4]
- Recherches fondamentales, comme certaines études du développement embryonnaire, notamment au niveau moléculaire dans ses premières étapes, dont on connaît mal les différences significatives entre êtres humains et animaux. Ces recherches pourraient également être conduites à des fins de santé plus larges, qui seront discutées un peu plus loin dans ce rapport.
Il est de façon générale admis qu’un embryon qui a fait l’objet de recherches ne doit pas être par la suite transféré dans l’utérus d’une femme. Une exception est faite pour les recherches limitées à l’observation du développement embryonnaire, où l’on part généralement du principe que le risque pour l’embryon ou la mère n’est pas plus grand que si les recherches n’avaient pas eu lieu. L’autre exception concerne une intervention plus invasive sur l’embryon, dans les pays où le diagnostic génétique préimplantatoire est autorisé et considéré comme une procédure de recherche (voir Chapitre V).
Pour d’autres types de recherches par contre, les risques d’effets négatifs pour l’embryon ou son développement ultérieur peuvent être jugés beaucoup plus importants. Néanmoins, certains soutiennent que pour que d’éventuelles améliorations dans le domaine de la FIV bénéficient à la pratique clinique, le transfert d’embryons ayant été soumis à des recherches sera, à un moment ou un autre, nécessaire.
Objectifs de recherche plus récents
Il est difficile de donner une définition exacte et brève des fins de santé. Toutefois, il est évident qu’il s’agit, à court ou long terme, de la santé des patients concernés. Au cours des toutes dernières années, l’attention s’est portée de plus en plus sur la possibilité que les recherches sur les cellules souches embryonnaires ou cellules ES puissent avoir des bénéfices pour la santé humaine. Certains évoquent notamment le traitement des patients atteints de la maladie de Parkinson, de diabète, et des personnes qui auraient besoin d’une greffe d’organe ou de tissu. D’autres estiment que ce ne sont que des espoirs, et qu’il s’agit en réalité de promouvoir davantage de recherches dans lesquelles peuvent être utilisés des embryons. Ils font le rapprochement avec la thérapie génique, dont on a beaucoup attendu au cours des 15 dernières années, mais dont les résultats sur le plan clinique ont été très limités.
Dans ce débat difficile, l’importance d’une distinction claire entre les faits et les espoirs a été soulignée, ainsi que les dangers liés à la prédiction de dates auxquelles des interventions utiles sur le plan thérapeutique seraient disponibles. D’autres ont mis l’accent sur l’importance de la liberté de recherche, comme nous l’avons vu plus haut dans le présent rapport (voir Section IV. B.).
Les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur un embryon, qui est détruit lors de cette procédure.[5] Les connaissances actuelles sur les cellules souches embryonnaires sont limitées. On sait toutefois qu’elles ont deux propriétés essentielles : la plasticité (capacité à se différencier en lignées de cellules du sang, du cerveau, du foie ou des muscles selon les conditions de culture in vitro) et la capacité à se multiplier presque à l’infini (voir Section IV.C.).
Les bénéfices potentiels de l’étude de ces cellules ont été évoqués dans la Section IV.C. De nombreuses questions demeurent néanmoins sans réponse chez les êtres humains quant aux moyens de renouveler les cellules ES, d’induire leur différenciation pour former des tissus précis et de contrôler leur prolifération. En outre, l’interaction entre les cellules ES et le système immunitaire et les dommages que pourrait éventuellement causer le transfert de telles cellules nécessiteraient d’être étudiés.
Par ailleurs, l’utilisation de cellules souches provenant du sang de cordon et de tissus adultes nourrit des espoirs thérapeutiques de plus en plus grands. Certaines études récentes laissent en effet penser que des cellules progénitrices, et en particulier celles provenant de la moelle osseuse chez l’adulte, présentent des comportements in vitro très proches des cellules ES. Ceux qui sont d’avis que la recherche sur l’embryon n’est pas acceptable ont donc suggéré de ne pas étudier les cellules ES tant que les espoirs d’obtenir les mêmes bénéfices à partir de cellules souches adultes n’ont pas été totalement écartés. D’autres, qui jugent la recherche sur l’embryon acceptable dans certaines circonstances, mais uniquement si les résultats ne peuvent être obtenus par aucune autre méthode, ont également adopté cette position.
Cependant, en l’état actuel de nos connaissances, plusieurs arguments semblent indiquer que la source adulte ne peut pas être considérée comme une alternative à la source embryonnaire[6], et que les deux méritent donc d’être étudiées. Les tenants de cette position invoquent les souffrances de patients qui pourraient être soulagées grâce aux résultats des travaux sur les cellules ES, et estiment qu’en retardant le lancement de ces recherches on risque de prolonger des souffrances. D’autres sont en revanche d’avis que les droits des patients qui pourraient être guéris par le transfert cellulaire ne devraient pas entrer en considération, car tout droit dans ce domaine ne pourrait exister que dans le futur : de nombreux scientifiques pensent en effet que d’éventuelles thérapies utilisant le transfert de cellules ne seront pas disponibles avant 10 ou 15 ans. En outre, du point de vue éthique, il peut être discutable de donner aux patients atteints de maladies graves de tels espoirs, car cela ne les aide pas à mieux faire face à leur situation actuelle. Par ailleurs, il ne peut exister de droit d’être guéri par un moyen immoral. En revanche, si l’embryon qui sera détruit au cours des recherches en question a des droits, ces droits existent dès maintenant. S’il est possible que de futurs patients puissent bénéficier d’une thérapie mise au point grâce à des recherches effectuées actuellement, on ne connaît pas leur identité, et on ne pourrait donc invoquer un devoir envers quelqu’un. Par contre, c’est un embryon bien précis et identifiable qui sera détruit par les recherches.
Réglementation de la recherche
Il est évident qu’en dernière analyse la question de l’acceptabilité ou non de la recherche sur des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental dépend essentiellement de la position adoptée quant au statut de l’embryon. Il est donc important que les arguments positifs et négatifs concernant ces recherches soient discutés en détail avant de parvenir à une conclusion.
Les Etats qui ont conclu que la recherche sur ces embryons pouvait être autorisée ont clairement reconnu les dilemmes éthiques en jeu. Les procédures et les institutions impliquées dans ces recherches font l’objet de réglementations, et les projets individuels de recherche sont autorisés et surveillés par l’organe compétent en la matière.
Une dernière question concernant la réglementation de la recherche peut être brièvement soulevée. Un Etat peut choisir d’interdire complètement les recherches sur l’embryon, mais se pose alors la question de l’autorisation sur son territoire de techniques, de matériaux ou même de résultats qui ont été mis au point ou produits dans le cadre de telles recherches menées dans un autre état les autorisant. Par exemple, les recherches qui ont rendu possibles l’ICSI[7] ou le DPI[8] et sont indispensables avant le passage dans la pratique clinique, devraient-elles être effectuées chez les uns et bénéficier ensuite à d’autres qui les ont préalablement condamnées ? Si c’est le cas, n’y a-t-il pas lieu d’informer les patients qui pourraient bénéficier de ces techniques en pratique sur les moyens employés pour les mettre au point ?
Importation de lignées de cellules souches embryonnaires
Dans les pays où la recherche sur l’embryon est interdite, comme en Allemagne, l’autorisation de l’importation de lignées de cellules souches embryonnaires a soulevé des questions difficiles. Le problème de l’importation se pose également parfois dans des pays où les ressources scientifiques nécessaires au développement de lignées de cellules souches embryonnaires font défaut.
Comme nous l’avons vu précédemment, certains considèrent qu’il est important de poursuivre les expériences prometteuses réalisées avec des cellules souches et des modèles animaux en utilisant des lignées de cellules à la fois embryonnaires et adultes.
Certains pays ayant adopté une position stricte vis-à-vis de la recherche sur l’embryon ont décidé d’autoriser l’importation de cellules souches embryonnaires en provenance d’autres pays. C’est le cas de la France, par un décret de février 2000 (cette possibilité a toutefois été suspendue depuis. Cette question est en cours de réexamen dans le cadre de la révision de la législation de 1994 en matière de bioéthique).
L’Allemagne est un autre exemple. Selon la Loi allemande sur la protection de l’embryon, la production de cellules souches embryonnaires humaines est interdite en Allemagne. La loi allemande sur les cellules souches, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2002, interdit, d’une façon générale, l’importation et l’utilisation de cellules souches embryonnaires humaines. Une exception n’est prévue qu’à des fins de recherches publiques ou privées, dans des conditions strictes et sous réserve de l’approbation par une agence gouvernementale.
Comme nous l’avons vu dans la Section précédente, il existe différentes approches de la constitution d’embryons dans le contexte de la FIV. Certains pays reconnaissent l’existence d’embryons en dehors de tout projet parental, puisque des embryons sont conçus en surnombre, en sachant qu’ils ne pourront pas tous être transférés dans l’utérus au cours du cycle ou par la suite. Dans des pays comme l’Allemagne et l’Autriche, légalement, on ne peut constituer un nombre d’embryons supérieur au nombre pouvant être transféré au cours d’un cycle de traitement. Il ne devrait donc pas exister d’embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental. On estime en conséquence qu’il existe en Allemagne moins de 70 embryons stockés dans cette situation, alors que dans le reste de l’Europe il y aurait plus de 100 000 embryons de ce type cryoconservés.
Le débat actuel et les décisions concernant les cellules souches embryonnaires montrent à quel point il est difficile de trouver un équilibre satisfaisant entre le désir de jouer un rôle actif dans un domaine de recherche dont les résultats suggérés pourraient s’avérer déterminants pour le progrès de la médecine et de bénéficier de ces applications éventuelles, et le souhait de maintenir une approche très restrictive de façon générale quant à la recherche sur l’embryon. Les initiatives juridiques prises actuellement dans plusieurs pays européens témoignent d’une volonté de cohérence dans l’approche adoptée.
Constituer délibérément un embryon aux fins d'un projet de recherche est interdit par la Convention des droits de l’homme et la biomédecine (Article 18(2)) et est largement considéré comme inacceptable éthiquement. Cela impliquerait l'utilisation de l'embryon purement comme un moyen en vue d'une fin précise. Ce degré d'instrumentalisation de l'embryon est rejeté même par nombre de ceux qui acceptent l'utilisation d'embryons qui ne font plus l’objet d’un projet parental pour des projets de recherche bien réglementés. Comme évoqué dans la Section IV.D. ci-dessus, il est avancé que si un embryon n’est pas transféré dans un utérus, il ne survivra de toute façon pas, aussi pourrait‑on considérer que l'utiliser pour des recherches utiles qui pourraient être bénéfiques ou contribuer à réduire les souffrances est préférable à sa non utilisation. Cet argument ne vaut pas pour les embryons constitués à des fins de recherche, étant donné qu'ils n'auraient pas existé si ce n'avait été pour le projet de recherche. Toutefois, il est allégué que certaines recherches spécifiques bénéficiant à la santé humaine ne peuvent être menées sur des embryons existants et nécessitent la constitution d’embryons en dehors d’un projet parental. C’est sur cette base et en respectant des critères et des objectifs définis de manière très stricte que le Royaume-Uni et la Belgique, par exemple, ont autorisé la constitution d’embryons à des fins de recherche.
Le statut de l'embryon lui-même, une fois qu'il existe, est probablement le même, qu'il ait été constitué directement afin de pallier une infertilité (FIV) ou d'éviter la naissance de bébés affectés de troubles graves (DPI) - ou pour la recherche, visant également le traitement de l’infertilité ou la prévention ou le traitement de troubles ou de maladies graves in fine. En principe, tous les embryons constitués, quelle que soit la finalité, ont la capacité à se développer. L’éventail des points de vue sur le statut de l’embryon a été examiné précédemment dans ce rapport (voir Section II.B).
L'intention immédiate lors de la constitution d’un embryon peut bien entendu varier : il s'agit, dans un cas, de faire naître un bébé et, dans l’autre, de constituer un embryon qui sera détruit au cours de la recherche. Lorsqu’est constitué un nombre d'embryons supérieur à celui qui peut être transféré sans risque dans l'utérus au cours d’un même cycle, il est pratiquement sûr que certains de ces embryons périront, mais l’espoir est de renforcer les chances de succès du projet parental. Lorsque des embryons sont délibérément constitués pour la recherche, le bénéfice espéré est à la fois moins direct et à plus long terme.
Du point de vue de la proportionnalité, il existe des projets de recherche considérés utiles et nécessaires qui ne peuvent être effectués sur des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Plusieurs exemples peuvent être donnés. Aujourd'hui, la cryoconservation des embryons est sûre et relativement efficace. Il serait préférable pour des raisons aussi bien cliniques qu'éthiques de pouvoir cryoconserver des ovocytes non fécondés, par exemple pour les jeunes femmes qui suivent un traitement contre le cancer risquant de compromettre leur fertilité et qui souhaitent conserver une possibilité de procréer. Malheureusement, la stabilité chromosomique est plus faible chez les ovocytes que chez les embryons, de sorte que pour développer des méthodes optimales de congélation et de décongélation des ovocytes, il est nécessaire de féconder des ovocytes expérimentaux et ensuite vérifier que les embryons obtenus ne présentent pas d’anomalies du processus de division et de la répartition des chromosomes. Cela implique leur destruction, mais l'alternative consiste à transférer directement dans l'utérus des embryons obtenus avec des ovocytes congelés à titre expérimental, soumettant ainsi le fœtus et la mère à une expérimentation. De même, les embryons obtenus par injection intracytoplasmique (ICSI) d’un spermatozoïde immature par opposition à un spermatozoïde mature, exigent que l’on vérifie l’absence d’anomalie avant que l'injection intracytoplasmique de spermatozoïde immature soit introduite dans la pratique clinique. Ceci supposerait bien évidemment la constitution d’embryons qui ne seraient pas transférés ultérieurement dans l’utérus.
A l’heure actuelle, une part importante des recherches internationales en biologie humaine de la reproduction concerne les stades précoces de la fécondation menant à la conception d’embryons qui devront être analysés par des techniques invasives. La constitution d’embryons fait ainsi partie intégrante de ces recherches ou constitue une étape nécessaire pour l’analyse des résultats de ces recherches. Il est avancé que, dans ces cas, les embryons constitués pourraient être considérés comme ayant été constitués « par la recherche », les différenciant ainsi de ceux constitués « pour la recherche ». Pour certaines personnes, la distinction est importante, certaines estimant que la constitution d’embryons à d’autres fins que la procréation n’est acceptable que dans le contexte de la recherche sur la fécondation.
Les dizaines de milliers d'embryons cryoconservés en Europe à l'heure actuelle font qu'il est peu probable qu'il s'avère nécessaire de féconder des ovocytes donnés spécifiquement afin de dériver de nouvelles lignées de cellules souches. Toutefois il est avancé qu’à un moment donné, le fait que les embryons congelés proviennent en grande majorité d'un échantillon sélectionné de la population des personnes connaissant des problèmes de fertilité et qu’ils présentent souvent un faible potentiel de développement - les embryons paraissant les plus susceptibles de se développer étant transférés en priorité dans l’utérus de la femme - pourrait devenir un élément important. Par ailleurs, en raison de l’amélioration de l’efficacité de la FIV et de la réduction du nombre d'ovocytes récupéré, le nombre des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental pourrait être amené à diminuer et par la même celui des embryons cryoconservés.
Pour les pays dont la législation autorise la constitution d'embryons à des fins de recherche, les réglementations ont fixé des restrictions à la procédure. Comme pour la recherche sur des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental, ces réglementations visent à garantir que les objectifs du projet de recherche sont utiles et ne peuvent être obtenus par d’autres moyens. Dans la pratique, le nombre d’embryons constitués à des fins de recherche est extrêmement faible si on le compare à celui des embryons constitués initialement pour une finalité reproductive.
Don d’ovocyte
Des préoccupations ont également été soulevées au sujet du risque d’instrumentalisation des êtres humains, et en particulier des donneuses d’ovocytes aux fins de ce type de recherche (par exemple, sur l’amélioration de la fécondation et des techniques de cryoconservation des ovocytes). La recherche pouvant ne pas bénéficier à la donneuse d’ovocytes, certains ont avancé des similitudes avec les recherches ne présentant pas de bénéfice potentiel pour des personnes qui n’ont pas la capacité de consentir. Toutefois, du point de vue de certains patients, il peut être considéré que la participation à ces recherches ne comporte pas plus de risques ni un degré d’instrumentalisation plus élevé que n’importe quel autre projet de recherches. Du point de vue des donneuses, si elles reçoivent toutes les informations nécessaires sur les risques que peut entraîner le don d’ovocytes, et sur l’utilisation future de leurs ovocytes, elles devraient être en mesure de décider de donner ou non leur consentement libre et éclairé. Cependant, certaines inquiétudes ont été exprimées quant aux risques de commercialisation, notamment pour des femmes en situation financière difficile qui pourraient être tentées de vendre leurs ovocytes. La possibilité de détourner des ovocytes de la finalité pour laquelle ils ont initialement été obtenus, a également été évoquée. Toutefois, si une femme a donné son consentement, il pourrait être inopportun de parler à son sujet d’instrumentalisation. A cet égard, l’exactitude et l’étendue des informations données sont bien évidemment essentielles. Dans ce contexte, il a parfois été suggéré qu’après le recueil du consentement, un temps puisse être laissé au couple/à la femme pour reconsidérer leur/sa décision. De même, il a été proposé que la demande de consentement soit formulée par une autre personne que le médecin traitant. Par ailleurs, la nécessité impérative de s’assurer que d’une façon générale, le consentement du couple/la femme est libre, a été soulignée.
Clonage
Des arguments sont également développés en faveur d’une possible nouvelle catégorie d’embryons constitués pour la recherche par transfert du noyau d’une cellule somatique, procédure conduisant au clonage. Comme évoqué précédemment, la portée morale des différentes méthodes de constitution d’un « embryon » fait l’objet d’un débat (voir Section II.B). Dans ce cas, l'embryon est défini comme le stade le plus précoce du développement, plutôt que le produit de la fécondation d'un ovocyte par un spermatozoïde. A l'heure actuelle, rien ne prouve qu'une telle procédure fonctionnerait chez l'être humain. Si elle fonctionnait effectivement, un domaine de recherche pouvant être considéré potentiellement utile pourrait être la production de lignées de cellules souches embryonnaires à partir de cellules provenant de patients souffrant de maladies métaboliques ou génétiques rares et mal connues, afin de fournir le matériel nécessaire à l’étude de la biochimie ou de la physiologie de la maladie. Un autre objectif pourrait être de dériver des lignées de cellules souches embryonnaires à partir de cellules provenant de patients souffrant de maladies dégénératives, en vue de l’utilisation thérapeutique des cellules souches chez le même patient, évitant ainsi le risque de rejet de greffe. Toutefois, il est avancé que les difficultés déjà rencontrées avec les cellules souches embryonnaires (par exemple le contrôle de la différenciation et de la prolifération) devraient d’abord être résolues avant d’envisager une telle technique. Par ailleurs, cette approche, parfois improprement appelée «clonage thérapeutique» (voir ci-dessous), ne semble pas, pour des raisons économiques, susceptible d'être développée à des fins d’utilisation clinique. Outre l'objection la plus fondamentale, à savoir l'inacceptabilité éthique de la constitution d'embryons pour la recherche et l'instrumentalisation des embryons qui en résultent, la principale objection au «clonage thérapeutique» est qu’il faciliterait le développement du clonage aboutissant à la naissance d’un enfant (souvent appelé «clonage reproductif»). Ce « clonage reproductif » est quasi-universellement rejeté pour des raisons éthiques et interdit dans plusieurs pays européens (ainsi que par le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, portant interdiction du clonage d'êtres humains, du Conseil de l'Europe).
Ceux que l’utilisation d’embryons à des fins de recherche préoccupe ont également souligné l’utilisation, au sujet des cellules ES, de ce que l’on pourrait qualifier de « politique de langage ». Ils s’inquiètent en particulier de l’emploi du terme « thérapeutique », qui n’est utilisé que parce que l’intention est d’obtenir des cellules souches embryonnaires qui pourraient éventuellement être utilisées dans une perspective thérapeutique. Pour ceux qui pensent que le produit du transfert de noyau dans un ovocyte est un embryon, le fait que l’objectif de la procédure de clonage « thérapeutique » ne soit pas de créer un bébé ignore le fait que l’embryon ainsi conçu est porteur de ce potentiel et donc que sa constitution soulève des questions éthiques. Ils soutiennent, en outre, que le terme « thérapeutique » est trompeur, puisque la procédure de clonage elle-même n’a rien de thérapeutique et qu’il n’existe aucune garantie qu’elle aboutira à des résultats utilisables sur le plan thérapeutique. Ils estiment donc qu’il serait plus exact de parler de « clonage dans le but d’obtenir des cellules souches » et de même de « clonage dans le but de donner naissance à un enfant» plutôt que de « clonage reproductif ». Enfin, il est proposé par d‘autres soucieux également de ne pas utiliser une terminologie abusive, de faire à chaque fois référence à la finalité précise du clonage : de recherche, thérapeutique, reproductive.
Le diagnostic génétique pré-implantatoire (DPI) permet la détection des anomalies génétiques avant l’implantation. Il a été développé initialement pour offrir une alternative au diagnostic prénatal aux couples à risque de transmission d’une anomalie génétique particulièrement grave, leur évitant ainsi la décision difficile d’interrompre ou non une grossesse présentant un risque.
La première indication pour le DPI a été la détection d’anomalies génétiques spécifiques aboutissant au développement d’une maladie génétique chez le futur enfant (y compris les maladies liées au sexe), ou des anomalies chromosomiques pouvant entraîner une fausse couche précoce ou des problèmes de santé majeurs chez l’enfant. Les indications pour le DPI ont récemment évolué pour étendre les chances de succès des FIV par le dépistage chez l’embryon des aneuploïdies courantes ou liées à l’âge. La pratique du dépistage des aneuploïdies est abordée dans la Section III.C. Les applications cliniques du DPI ont commencé en 1990 en Angleterre et sont aujourd’hui proposées dans de très nombreux pays, mais dans un nombre limité de centres.
Procédure de DPI
Les procédures de DPI associent la fécondation in vitro et l’analyse génétique des embryons obtenus pour sélectionner et ne transférer dans l’utérus de la femme que les embryons non atteints de l’anomalie recherchée. La première partie de la procédure est identique à un traitement FIV/ICSI classique, produisant pour ces couples le plus souvent fertiles, un nombre d’embryons tel que la probabilité d’obtenir des embryons non atteints est grande, même dans les situations à risque de 25 à 50%. La grande majorité des cycles de DPI ont eu recours à l’ICSI afin d’éviter la contamination par de l’ADN « étranger » provenant d’autres spermatozoïdes. Le prélèvement sur l’embryon est réalisé trois jours après la fécondation par aspiration douce d’une ou deux cellules (blastomères) ou, bien plus rarement, au cinquième jour par biopsie du trophecdoterme (futur placenta) du blastocyste (stade de l’embryon juste avant son implantation). Une alternative à la biopsie des blastomères est celle du premier et/ou second globule polaire. Cette stratégie évite de prélever du matériel embryonnaire, mais présente l’inconvénient de ne permettre d’analyser que le génome maternel. La plupart des procédures de DPI sont réalisées sur les blastomères.
L’analyse génétique, selon l’indication, relève de deux techniques différentes :
1) La PCR (réaction en chaîne de polymérase) qui amplifie la petite quantité d’ADN obtenue à partir des blastomères, détermine la présence ou l’absence du gène testé par une analyse à l’échelle moléculaire.
2) La FISH (hybridation in situ par fluorescence) consiste à colorer spécifiquement certains chromosomes pour rechercher une anomalie portant sur le nombre ou la morphologie de chromosomes suspectés.
Dans tous les cas, seuls les embryons dont l’analyse ne présente pas l’anomalie recherchée sont transférés. Les autres peuvent faire l’objet d’un don pour la recherche dans les pays où la loi l’autorise.
Réglementation
Dans certains pays, le DPI est considéré comme une technique de recherche et dans d’autres, il est considéré comme de la pratique clinique. Selon les pays, il existe des différences considérables sur le plan juridique, allant de l’interdiction totale à l’absence quasi complète de toute réglementation. Dans la majorité des pays proposant le DPI, une autorité assure la régulation et le respect des bonnes pratiques pour le DPI ainsi que pour le diagnostic prénatal (DPN).
Le DPI requiert une équipe médicale multidisciplinaire combinant les compétences et les aptitudes nécessaires pour mener à bien les diverses étapes de la procédure. Dans ce contexte, un soutien psychologique et moral, indépendant et non directif doit pouvoir être proposé au couple avant et après le DPI.
Résultats du DPI
Le diagnostic génétique pré-implantatoire est utilisé pour les couples présentant le risque de transmettre une maladie génétique grave, généralement identifiée d’après les antécédents familiaux ou la naissance d’un premier enfant atteint de la maladie. Techniquement, les embryons peuvent faire l’objet de tests pour plus de vingt maladies monogéniques déterminées génétiquement, ainsi que pour des anomalies chromosomiques[9]. La biopsie des blastomères est réalisée avec succès dans 97% des cas et des diagnostics sont obtenus pour 86% des blastomères prélevés[10].
Les informations scientifiques et médicales actuellement disponibles suggèrent que l’utilisation du DPI ne fait courir aucun risque de santé à l’enfant à naître. Néanmoins, la technique étant encore relativement récente, un suivi des enfants nés après DPI a été suggéré pour établir clairement la sécurité de la procédure.
Evolution future du DPI
La plupart des centres proposant le DPI disposent de tests pour les maladies génétiques les plus courantes. Les avancées porteront maintenant sur la capacité à développer des diagnostics pour des maladies rares et l’amélioration des diagnostics existants.
Toutefois, un éventail de plus en plus larges d’utilisations potentielles du DPI est évoqué. Parallèlement à la sélection du sexe à des fins diverses, le DPI pourrait intervenir dans le dépistage de certaines formes de cancers ou, bien qu’elle prête à controverse, pour la recherche de la compatibilité HLA au sein d’une même fratrie. Cette dernière application est abordée plus en détail dans la Section D ci-dessous. Des craintes ont également été exprimées quant à la possibilité de concevoir des bébés « à la carte », même si le terme peut prêter à confusion. Plutôt que de concevoir un enfant « à la carte », une sélection serait effectuée sur la base de caractéristiques particulières - qui peuvent être sans rapport avec la santé, par exemple la couleur des cheveux, si la base génétique d’une telle caractéristique est connue - et seuls les embryons disposant des caractéristiques choisies seraient transférés dans l’utérus et auraient donc une chance de se développer.
Le diagnostic pré-implantatoire (DPI) peut être considéré par certains, comme une forme anticipée de diagnostic prénatal (DPN) même si chacun relève d‘indications propres. En tant que tel, il soulève alors des questions éthiques communes à d’autres types de diagnostics prénataux, notamment celles de la discrimination et de la stigmatisation. Néanmoins, comme le DPI suppose la constitution d’embryons par FIV, l’intervention sur les embryons et leur sélection avant transfert, d’autres inquiétudes sont exprimées en référence au statut de l’embryon et concernant l’eugénisme.
Pour le couple, et en particulier pour la mère, les conséquences des procédures de DPI et de DPN sont très différentes. Le DPN est effectué en cours de grossesse. Suite au test, les couples sont placés devant le dilemme de mener la grossesse à son terme ou de l’interrompre si l’anomalie génétique recherchée est détectée. Le diagnostic pré-implantatoire (DPI) offre la possibilité d’identifier les embryons affectés avant la grossesse. Seuls les embryons non atteints seront transférés dans l’utérus. Cette technique pare à la nécessité du dépistage en cours de grossesse et permet ainsi d’éviter les traumatismes physiques et psychologiques associés d’une part à la prise en considération d’une éventuelle interruption de grossesse, puis, si cette solution est retenue, à l’interruption proprement dite. Toutefois, actuellement, les résultats d’un DPI sont généralement contrôlés ensuite par un DPN.
Sans l’accès au DPI, les couples se sachant porteurs d’une maladie génétiquement transmissible et souhaitant éviter la transmission à leur enfant sont confrontés à deux options : décider de ne pas avoir d’enfant ou entreprendre un DPN, avec en corollaire l’éventualité d’une interruption de grossesse. Pour ceux qui jugent l’interruption de grossesse inacceptable, cela signifie la perte de tout espoir d’avoir un enfant qui soit biologiquement le leur. Pour ces couples, le bénéfice potentiel du DPI est de leur permettre d’envisager une grossesse sans l’anxiété associée au risque de transmission d’une maladie génétique grave et d’avoir des enfants qui sont à la fois les leurs sur le plan biologique et exempts de cette maladie spécifique.
D’un autre côté, un certain nombre de questions ont été soulevées à propos de cette pratique : elles sont abordées ci-dessous. En effet, pour ceux qui considèrent l’embryon comme un être humain doté d’un droit à la vie dès le moment de la conception (voir Section II.B), le DPI est contestable car il implique une sélection moralement inacceptable entre des embryons disposant tous d’un droit égal à la vie.
Des débats ont eu lieu à propos des capacités du blastomère prélevé sur l’embryon et soumis au test génétique. Si un tel blastomère était totipotent, ou en d’autres termes s’il avait la capacité de former un embryon, la réalisation du test aboutissant à la destruction du blastomère pourrait être considérée comme synonyme de destruction d’un embryon et pour certains d’un être humain. Néanmoins, la plupart des scientifiques estiment que le blastomère prélevé sur l’embryon au stade 8 cellules est pluripotent (en ce sens qu’il peut se différencier en plusieurs types de cellules de l’organisme, mais est incapable de former un embryon) plutôt que totipotent.
D’autres ont insisté sur le fait que si un embryon atteint d’une anomalie génétique a la possibilité de se développer et aboutir à la naissance d’un enfant vivant, l’anomalie ne donne pas systématiquement lieu à un trouble ou à une maladie chez cet enfant. Les variantes génétiques (allèles) ont un facteur de pénétrance, qui mesure leur efficacité ou leur force. A titre d’exemple, l’allèle à l’origine de la maladie de Huntington a une pénétrance de 100 % : un individu porteur de cet allèle, à condition de vivre suffisamment longtemps, développera cette maladie. D’autres caractéristiques génétiquement déterminées ont une pénétrance moindre : 15 % en ce qui concerne le fait d’être gaucher. D’où l’argument selon lequel, si le DPI était autorisé pour des maladies à pénétrance si faible, de nombreux embryons seraient détruits alors même que l’anomalie dont ils sont porteurs n’aurait jamais causé de maladie.
Le DPI a également été source d’inquiétude quant à ses conséquences sociales et en particulier le risque d’eugénisme (voir ci-dessous).
Hypothèses sous-jacentes au DPI
Pour le diagnostic prénatal, et par conséquent pour le DPI en tant que catégorie particulière de ce type de diagnostic, le postulat est que certaines anomalies ou caractéristiques sont considérées comme des maladies ou malformations ou ne sont tout simplement pas souhaitées. D’où l’importance de clarifier certains concepts, par exemple celui de maladie, de normalité, de variante génétique ou encore d’eugénisme. Il s’agit en particulier de préciser la notion trompeuse de « perfection génétique », par opposition à la réalité de « l’anomalie » génétique en tant que partie intégrante des caractéristiques de tout être humain. La mise au clair de ces concepts suppose d’expliciter les conceptions sous-jacentes de maladie et de qualité de vie et de peser le pour et le contre des approches potentielles des indications du DPI. Le problème du statut de l’embryon et la garantie du caractère volontaire de la prise de décision ont également leur importance dans ce débat.
La distinction entre maladies, troubles et caractéristiques mérite un examen minutieux. S’il peut être considéré comme moralement acceptable de recourir au DPI pour des maladies génétiques graves, la possibilité d’utiliser ce diagnostic pour sélectionner des embryons sur la base de certaines caractéristiques soulève des inquiétudes.
Différents types de risques peuvent en découler : en particulier, pour les enfants nés avec ces caractéristiques (par exemple un handicap), celui d’être ou de se sentir stigmatisés, et le risque de pression exercée sur les parents qui, du fait de la disponibilité de la technique, auraient pu éviter d’avoir un enfant présentant ce handicap ou cette anomalie génétique.
Certaines personnes affirment déjà que le recours actuel au DPI suscitera discrimination et stigmatisation. D’autres s’inquiètent des conséquences sociales négatives du DPI, ou du moins de la probabilité de ces conséquences.
Les problèmes de définition et de classification devraient être examinés dans ce contexte. Dans beaucoup de pays, le DPI n’est autorisé que pour diagnostiquer des maladies génétiques graves. Mais la gravité des maladies n’est pas évaluée partout de manière identique. Certaines associations de patients se sont opposées à l’utilisation du DPI et d’autres méthodes de diagnostic prénatal, au motif qu’ils portent atteinte au principe d’égalité des êtres humains. Elles ont également avancé que les notions telles que les « maladies génétiques graves » sont de pures constructions sociales.
Il a été répondu qu’il fallait distinguer une maladie génétique particulière et la personne qui en est atteinte. Estimer que la maladie est un facteur négatif et juger qu’il est souhaitable et légitime de chercher à l’éviter ne signifie pas pour autant que la personne atteinte de cette maladie doit faire l’objet d’un jugement négatif. De cette façon, il n’existe pas de conflit d’intérêts entre les tentatives pour éradiquer une maladie (ou réduire sa prévalence) et le fait d’aider ceux qui en souffrent.
Néanmoins, il a été avancé que l’utilisation du DPI, même si telle n’est pas l’intention, aura pour conséquence une stigmatisation, car elle réduira le nombre de personnes affectées par certaines maladies génétiques. La pression sociale peut être suffisante pour exercer cet effet. Si les valeurs sous-tendant ces définitions, classifications et pratiques sociales et reproductives sont plus généralement soutenues dans la société, de telles évaluations peuvent mener à une discrimination plus évidente et plus franche, entraînant à son tour une pression accrue sur les parents, les incitant à recourir au DPI ou autres techniques similaires pour éviter les embryons porteurs de certaines maladies ou caractéristiques.
Le risque d’extension des indications, de sorte que la méthode est utilisée tout d’abord pour éviter la naissance d’enfants affectés par des maladies génétiques graves, mais ensuite pour des maladies de moins en moins graves, a été souligné. Certains ont affirmé que ce risque ne pouvait être écarté, en particulier du fait de l’importance croissante accordée au respect de l’autonomie du couple/de la femme. Si la méthode peut être stigmatisante et discriminatoire lorsqu’elle est appliquée de manière restrictive, elle peut l’être encore plus si le champ des indications est étendu.
Comme nous le verrons ci-dessous, des questions ont été soulevées concernant l’eugénisme quant à la promotion des caractéristiques jugées souhaitables. Il est à noter que les êtres humains peuvent chercher à améliorer leurs propres aptitudes. C’est par exemple le cas de l’entraînement dans le domaine sportif ou encore des parents cherchant à améliorer les aptitudes de leurs enfants par des moyens complémentaires d’éducation. Certaines personnes se sont interrogées sur la justification morale à établir une distinction entre de tels agissements et l’utilisation du DPI - à condition que la base génétique des caractéristiques recherchées puisse être établie - dans le but de donner naissance à un enfant ayant le potentiel de développer de grandes aptitudes dans certains domaines.
La référence à « l’eugénisme »
Le terme « eugénisme » suscite une vive émotion et il est particulièrement important de tenter d’en clarifier le sens. L’eugénisme implique une sélection sur la base de caractéristiques génétiques. Certaines personnes pourraient avancer que toute sélection d’êtres humains, jouissant chacun de certains droits, relève de l’eugénisme - la question de l’eugénisme concernant le DPI étant essentiellement à rapprocher de celle du statut de l’embryon (voir Section II.B). Néanmoins, d’autres estimeront que toute sélection n’implique pas forcément un eugénisme. L’eugénisme présuppose une sélection sur la base d’un certain type de caractéristiques génétiques et un fondement moral inacceptable en termes d’objectifs et/ou de conséquences de la sélection, impliquant une discrimination et une stigmatisation de certains individus ou groupes. Par ailleurs, l’eugénisme a été historiquement associé aux notions de coercition et d’influence tierce dans le choix reproductif. Il est de ce fait perçu comme une expression extrêmement négative.
Une distinction a traditionnellement été faite entre eugénisme positif et négatif. Dans le premier cas, des parents, dotés de ce qui est considéré comme un bon héritage génétique, sont encouragés à procréer. Dans le second, des individus porteurs de gènes jugés « mauvais », sont dissuadés ou empêchés (parfois par le biais d’une stérilisation forcée) d’avoir des enfants.
Des inquiétudes ont été exprimées quant à la moralité de l’eugénisme pour deux motifs. Tour d’abord, parce qu’il porte atteinte au respect de la dignité humaine et à l’égalité des êtres humains. Le second motif a des fondements plus historiques. Dans le contexte du DPI, il a été suggéré que nous devrions tirer profit des expériences du passé et tenir compte de l’éventualité d’un élargissement progressif du champ des indications pour le DPI pour aboutir à une pratique eugénique.
Dans le contexte du DPI, il est clair qu’en dépit de son utilisation visant à prévenir la transmission d’une maladie grave à un enfant, la possibilité de recourir à la technique pour sélectionner des qualités « positives » et non pas simplement pour s’assurer de l’absence de maladie ou de trouble ne peut pour le moins être exclue. De surcroît, il s’agit du choix d’un couple particulier, choix censé être effectué librement et sans intervention d’un tiers. La question est donc de savoir si oui ou non le DPI est systématiquement, ou peut être dans certaines circonstances, une pratique eugénique.
Le terme d’eugénisme s’emploie aussi en général pour caractériser une pratique susceptible d’être appliquée à tous les membres d’un groupe particulier. Toutefois, les questions de discrimination et de stigmatisation des membres d’un groupe particulier sont, elles aussi, importantes, qu’une forme d’intervention soit appliquée ou non au groupe dans son ensemble. La nécessité de lutter contre cette discrimination au niveau européen est soulignée par l’Article 11 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, qui interdit toute forme de discrimination en raison d’un patrimoine génétique. De même, au niveau mondial, l’Article 6 de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme de l’UNESCO stipule que « Nul ne doit faire l'objet de discriminations fondées sur ses caractéristiques génétiques, qui auraient pour objet ou pour effet de porter atteinte à ses droits individuels et à ses libertés fondamentales et à la reconnaissance de sa dignité. ». Ces inquiétudes ont conduit plusieurs pays à élaborer des lois et des lignes directrices pour réduire le risque d’eugénisme et d’atteinte au respect de la dignité humaine. Dans certains pays, des restrictions explicites ont été mises en place, avec pour conséquence l’application exclusive du DPI aux couples atteints de maladies graves, progressives et héréditaires pouvant mener à une mort prématurée et pour lesquelles il n’existe pas de traitement à l’heure actuelle. D’autres pays n’ont pas jugé nécessaire d’exiger que la maladie soit « progressive » ou qu’elle mène expressément à une mort prématurée et se sont contentés de faire référence à la forte probabilité pour l’enfant de naître avec une maladie génétique grave et incurable. D’autres encore ont opté pour une approche plus souple, limitant le recours au DPI aux seules fins d’établir si un embryon est atteint d’une anomalie génétique grave.
Trois approches différentes peuvent être retenues face aux maladies concernées :
- Définition d’une liste de maladies pour lesquelles le DPI est autorisé
Il s’agit de l’approche la moins flexible. Nos connaissances de la base génétique des maladies étant amenées à s’étendre, une telle liste nécessiterait d’être révisée régulièrement pour rester appropriée. De même, vu l’évolution des possibilités de traitement de différentes maladies, il peut être nécessaire de procéder à des révisions pour juger de l’adéquation des indications. La détermination des critères d’inclusion dans la liste peut poser problème pour les mêmes raisons que celles évoquées en liaison avec la deuxième approche possible. Une liste spécifique soulèverait des problèmes particuliers de discrimination et de stigmatisation pour ceux qui sont atteints des maladies concernées.
- Utilisation du DPI exclusivement pour des maladies graves incurables, mais sans liste définie
La difficulté de cette approche réside dans la définition de la méthode et de la personne qui aura la responsabilité de décider de la gravité d’une maladie. Même pour une seule maladie génétique, la façon dont la vie du patient en est affectée peut considérablement varier. Une autre question est de savoir s’il faut ou non prendre en considération l’avis du couple concerné dans la détermination de la gravité d’une maladie. Ceux qui ont fait l’expérience de la maladie dans leur famille ou qui ont déjà un ou plusieurs enfants atteints, peuvent avoir une vision différente de leur capacité à s’occuper d’un enfant affecté par cette maladie. Une approche rigide peut rendre plus difficile la prise en compte de la perception individuelle. Par ailleurs, les généticiens peuvent avoir des opinions différentes précisément sur les maladies jugées « graves ». Pour le couple, ceci peut signifier que dans certains endroits il pourra recourir au DPI pour une maladie précise, alors qu’il n’en aura pas la possibilité ailleurs.
- Examen au cas par cas, en partant de l’hypothèse que la notion de gravité de la maladie peut varier d’une personne à l’autre, tout comme peuvent varier leurs capacités ou leur volonté de prendre en charge diverses maladies
C’est la démarche la plus souple, elle permet une approche plus personnalisée du couple. Toutefois, les résultats peuvent faire l’objet de critiques du fait de leur caractère quelque peu arbitraire.
La cohérence entre la protection offerte à l’embryon in vitro (sur lequel est effectué le DPI) et le foetus in vivo (pour lequel le DPN est réalisé) dans un système national individuel a également été évoquée au sujet des restrictions mises en place à l’égard du DPI. A titre d’exemple, si le DPI n’est autorisé que pour une série très limitée de maladies alors que le DPN et l’interruption de grossesse subséquente sont possibles pour un éventail plus large de maladies, cela pourrait être interprété par certains, comme accordant un niveau de protection plus élevé à l’embryon qu’au fœtus. Pour les tenants d’une approche gradualiste, telle que décrite dans la Section II.B précédente, considérant que la protection et les droits d’un embryon/fœtus se développent progressivement, cette situation pourrait apparaître anormale.
L’importance de la libre volonté
L’autonomie est une valeur importante, et le fondement de l’exigence d’un consentement libre et éclairé. La libre volonté - une expression de l’autonomie - est généralement jugée cruciale en matière de soins de santé, et l’Article 5 de la Convention des droits de l’homme et la biomédecine insiste sur ce point.
Des inquiétudes ont été exprimées quant à la pression sociale et aux « attitudes eugéniques » que les professionnels des soins de santé, y compris les personnes chargées du conseil génétique, sont susceptibles d’exercer, consciemment ou inconsciemment, sur leurs patients. Ainsi, une influence pourrait être exercée sur les choix faits par le couple, diminuant le caractère volontaire du consentement et menant à des conséquences eugéniques au sens où l’objectif de la sélection ainsi que ses effets serait de réduire le nombre de personnes atteintes de certaines maladies génétiques ou présentant un risque accru de contracter certaines maladies héréditaires.
Bien que le choix volontaire des personnes en matière de DPI soit généralement considéré comme essentiel, des inquiétudes ont été exprimées au sujet de cas particuliers pour lesquels il a été demandé une sélection exclusive d’embryons affectés en vue de leur implantation dans l’utérus. De telles demandes peuvent découler du désir d’un couple affecté d’une maladie que leur enfant « cadre » avec la famille ou la culture sociale où il vivra (par exemple dans une communauté de malentendants). Toutefois, il est alors généralement avancé qu’une importance primordiale devrait être accordée au bien-être de l’enfant potentiel, avec une prise en compte des incidences éventuelles de la maladie pour cet enfant, en termes de fonctionnement et de perspectives pris dans leur globalité.
Comme cela a été indiqué précédemment, il est possible de recourir au DPI pour sélectionner le sexe des embryons qui seront transférés dans l’utérus de la patiente. Trois raisons principales peuvent être envisagées pour justifier cette sélection :
i) Des raisons médicales
Il s’agit de l’indication la plus simple. Lorsqu’une maladie génétique est liée au sexe, plutôt que d’identifier le gène spécifique responsable de la maladie, il suffirait d’identifier la présence du chromosome du sexe concerné pour sélectionner les embryons non affectés par la maladie. Une telle approche ne diffère en rien sur le plan du principe de la sélection sur la base de la présence d’un gène spécifique. L’Article 14 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine autorise l’utilisation des techniques d’assistance médicale à la procréation pour choisir le sexe de l’enfant à naître si l’objectif est d’éviter une maladie héréditaire grave liée au sexe. Le DPI peut être considéré comme faisant partie de ces techniques.
Toutefois, comme nous l’avons noté dans la section précédente, il n’est pas simple de définir ce qu’est une maladie « grave ». Les problèmes déjà évoqués dans la Section V.B s’appliqueraient également aux maladies liées au sexe.
ii) Des raisons sociétales
Dans certaines sociétés, les enfants d’un sexe peuvent être considérés plus désirables que ceux de l’autre. Ou bien il peut être considéré souhaitable que le premier enfant soit d’un sexe particulier. Dans ces sociétés, la préférence est habituellement donnée à un enfant de sexe masculin. Des inquiétudes ont été soulevées à propos de l’identification du sexe du fœtus au cours de la grossesse à l’aide de techniques non-invasives telles que l’échographie, suite à des rapports faisant état d’avortements de fœtus féminins sans problème de santé. Dans ces sociétés, l’existence de telles préférences soulève des problèmes de discrimination fondée sur le sexe. Il peut être avancé que permettre la sélection du sexe en soutien de telles préférences revient à renforcer la discrimination et porte atteinte à la dignité humaine et au respect de l’égalité à laquelle tout être humain a droit.
A l’inverse, il a été considéré que l’utilisation du DPI dans de telles situations peut être un moyen d’empêcher les interruptions de grossesse à des stades plus avancés de gestation. Du point de vue de l’approche gradualiste des droits et de la protection de l’embryon et du fœtus, cela pourrait être jugé souhaitable. Néanmoins, permettre le recours au DPI dans cette optique peut aussi être considéré comme une approbation implicite de l’interruption de grossesse pour les fœtus du sexe non désiré, et de la discrimination liée à cette pratique. Par ailleurs, l’Article 14 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine interdit l’utilisation à ces fins, des techniques d’assistance médicale à la procréation.
iii) Des raisons d’équilibre familial
Lorsqu’un couple a un ou plusieurs enfants d’un même sexe, il peut désirer « équilibrer » la famille par un enfant du sexe opposé. Il peut s’agir d’une variante des raisons sociales évoquées ci-dessus, mais dans ce cas il a été avancé que les risques de renforcer la discrimination ou l’approche menant à des pratiques eugéniques étaient considérablement réduits. En effet, le sexe du premier enfant n’est pas choisi délibérément, et le DPI n’est utilisé que pour choisir le sexe « opposé », et non pas pour effectuer une sélection systématique des embryons d’un sexe spécifique.
Les valeurs de la société n’étant peu ou pas remises en cause, certains affirment que des parents désireux d’exercer leur autonomie en choisissant d’avoir une famille équilibrée doivent en avoir la liberté. Toutefois, la sélection délibérée des embryons dotés de caractéristiques particulières peut générer des craintes quant à l’instrumentalisation de l’enfant et la porte ouverte à la sélection d’enfants sur la base d’autres caractéristiques. A titre d’exemple, si deux enfants de la famille montrent des prédispositions pour le sport, serait-il acceptable - dans la mesure où la technique le permettrait - de sélectionner un futur enfant sur la base de ses talents musicaux potentiels ? Il pourrait aussi être estimé, en regard du principe de proportionnalité, que les conséquences pour les parents de ne pas avoir accès à cette procédure pour créer un équilibre familial seraient limitées par rapport au risque présenté par l’extension de ce type de sélection.
Au plan mondial, le caractère moral de la recherche d’un équilibre familial fait toujours débat et la divergence de vues est plus grande sur ce sujet que sur la sélection du sexe pour d’autres raisons sociales, généralement jugée inacceptable. L’Article 14 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine interdit néanmoins le recours à cette fin aux techniques d’assistance médicale à la procréation.
Une autre application du DPI a été envisagée. Bien qu’elle puisse desservir un objectif de santé pour l’embryon lui-même, elle peut toutefois avoir une autre visée. C’est par exemple le cas d’une famille dont l’enfant est atteint d’une maladie extrêmement grave, telle que l’anémie de Fanconi. Un traitement a été mis au point, impliquant le prélèvement et la transplantation de cellules sanguines du cordon ombilical d’un autre enfant non affecté de la maladie et de système immunitaire (HLA) compatible afin d’éviter les problèmes de rejet du transplant. Le DPI peut être utilisé pour déterminer si un futur enfant répond à ces critères. Par voie de conséquence, la fécondation in vitro est également nécessaire, bien que les parents ne souffrent pas de problèmes d’infertilité. Dans cette situation, le DPI a deux objectifs : vérifier la compatibilité HLA avec l’enfant existant et confirmer que le futur enfant n’est pas atteint de la maladie concernée.
Certains affirment que le DPI est détourné de son objectif initial. L’enfant à naître, appelé parfois « bébé médicament » (même si ce terme prête à confusion), ne sera pas conçu pour lui-même, mais au bénéfice d’une tierce personne. Il s’agit de la première objection éthique. Toutefois, les parents pourront répondre qu’ils désirent de toute façon un autre enfant qui soit en bonne santé. Certains ont insisté sur l’importance des motivations des parents pour déterminer si le DPI est acceptable sur le plan éthique dans une situation précise.
Néanmoins, en pratique, il serait assez difficile d’établir le fondement réel des motivations des parents avant le début de la procédure. Prenons comme exemple la situation d’un couple pour lequel un DPI a été entrepris et où il s’avère que les embryons non affectés de la maladie ne sont pas HLA compatibles avec l’enfant existant. Si ce couple venait à refuser tout transfert d’un embryon, on pourrait en déduire qu’en dépit de leurs affirmations précédentes, leur motivation initiale n’était pas seulement d’avoir un enfant en bonne santé. En dépit de la difficulté à cerner la motivation exacte des parents, à l’instar de tout traitement FIV, on s’accorde en général sur la nécessité d’un conseil non directif pour s’assurer de la réelle prise en considération du bien-être du futur enfant. Les parents doivent en particulier envisager par avance leurs éventuelles réactions en cas d’échec de la transplantation de cellules du sang du cordon ombilical.
Une seconde objection éthique met en lumière le fait qu’en de telles circonstances, si un embryon est en bonne santé mais non HLA compatible, le transfert dans l’utérus ne pourra aider l’enfant existant. La question est alors de savoir quel sera le sort de cet embryon. Les options envisageables incluent le transfert dans l’utérus, la conservation pour un éventuel transfert ultérieur ou la destruction. Dans ce dernier cas, il est soutenu qu’il s’agit d’une « instrumentalisation » évidente de l’embryon.
De surcroît, en cas de transfert d’un embryon à la fois non affecté par la maladie et HLA compatible, des inquiétudes quant au bien-être du futur enfant peuvent être exprimées. S’il s’avère par exemple que le recueil de cellules du sang du cordon ombilical est impossible ou insuffisant, les parents peuvent demander le prélèvement de moelle osseuse de l’enfant pour pouvoir traiter leur enfant malade ou entamer une nouvelle procédure de DPI/FIV pour obtenir un autre embryon capable de fournir le matériel nécessaire au traitement de l’enfant malade. Là encore, le problème de l’instrumentalisation intervient.
Il est également à noter que les transplantations de cellules du sang du cordon ombilical peuvent être employées pour traiter un vaste éventail de maladies, y compris certaines maladies non génétiques. Dans ces cas, certains considèrent que le recours au DPI est souhaitable uniquement dans le but d’établir la compatibilité HLA. Contrairement au premier exemple où l’on pouvait estimer que le DPI offrait des bénéfices potentiels pour l’embryon concerné en établissant qu’il n’était pas affecté de la maladie, dans cette situation le DPI n’apporterait aucun bénéfice à l’embryon concerné.
Certains soutiennent que le devoir de solidarité familiale justifie le recours au DPI sous cette forme pour promouvoir une telle solidarité. Par ailleurs, il est avancé que le devoir de solidarité sociale implique que la société n’interdise pas aux parents l’accès à un traitement permettant de sauver la vie de leur enfant. Par opposition, d’autres affirment que le recours au DPI sous cette forme - en particulier lorsqu’il ne sert aucun objectif de santé pour l’embryon concerné - constitue un détournement de l’objectif du DPI et de l’assistance médicale à la procréation. Pour eux, l’utilisation de ces techniques à ces fins impliquerait une instrumentalisation inacceptable de l’enfant.
Ce rapport a pour but de présenter une vue d’ensemble des positions actuelles en Europe sur la protection de l’embryon humain in vitro et des arguments qui les sous-tendent.
Il montre un large consensus sur la nécessité d’une protection de l’embryon in vitro. Néanmoins, la définition du statut de l’embryon reste un domaine où l’on rencontre des différences fondamentales reposant sur des arguments forts. Ces divergences sont, dans une large mesure, à l’origine de celles rencontrées sur les questions ayant trait à la protection de l’embryon in vitro.
Toutefois, même en l’absence d’accord sur le statut de l’embryon, la possibilité de réexaminer certaines questions à la lumière des récents développements dans le domaine biomédical et des avancées thérapeutiques potentielles, pourrait être envisagée. Dans ce contexte, tout en reconnaissant et respectant les choix fondamentaux des différents pays, il semble possible et souhaitable – au regard de la nécessité de protéger l’embryon in vitro reconnue par tous les pays - d’identifier des approches communes afin d’assurer des conditions adéquates d’application des procédures impliquant la constitution et l’utilisation d’embryons in vitro. Ce rapport se veut une aide à la réflexion vers cet objectif.
Aneuploïdie se caractérise par un nombre de chromosomes différent d’une cellule normale.
Blastomères cellules de l’embryon en division pendant la segmentation.
Blastocyste stade normalement atteint entre le 5ème et le 7ème jour après fécondation; c’est le stade au cours duquel débute le processus d’implantation dans l’utérus maternel.
Cellules souches embryonnaires (cellules ES) cellules embryonnaires qui peuvent proliférer indéfiniment et se différencier en de nombreux tissus.
Transfert nucléaire technique de clonage impliquant le transfert du noyau d’une cellule prélevé sur l’organisme (par exemple, l’animal) que l’on désire cloner dans un ovocyte dont le propre noyau a été éliminé.
Différenciation cellulairerestriction progressive des évolutions cellulaires possibles jusqu’à l’acquisition d’une fonction spécialisée.
Endométriose présence anormale de cellules de l’endomètre (limitées normalement à la paroi utérine) par exemple dans les trompes de Fallope, les ovaires ou la cavité péritonéale.
Fécondation elle débute par la pénétration du gamète mâle dans l’ovocyte et se termine par l’union des chromosomes mâle et femelle pour former le zygote.
Folliculogénèse l’ensemble du processus de maturation du follicule dans l’ovaire.
Implantation processus qui dure environ une semaine, débutant par la fixation du blastocyste dans la paroi de l’utérus, ou à titre exceptionnel dans un lieu extra-utérin, et se terminant lorsque la nidation est achevée.
Masse cellulaire interne groupe de cellules dans un blastocyste qui formera le fœtus et certaines membranes périphériques.
Caryotype analyse du nombre, de la taille et de la forme des chromosomes d’un individu.
Méiose mécanisme de division des cellules germinales (cellules reproductrices de l’ovaire ou du testicule) aboutissant à la formation des gamètes haploïdes (contenant un seul jeux de chromosomes, résultat de la recombinaison entre les chromosomes d’origine maternelle et les chromosomes d’origine paternelle).
Monozygote issu d’un même zygote.
Hyperstimulation ovarienne l'hyperstimulation ovarienne est la conséquence d'une sur-stimulation folliculaire par traitement hormonal. Dans sa forme modérée, elle se manifeste notamment par une hypertrophie ovarienne liée à la formation de kystes volumineux. Dans sa forme la plus grave, elle peut présenter un risque vital.
Ovocyte l’ovocyte mature, appelé également ovule, est le gamète femelle. Il est porteur d’un patrimoine génétique réduit de moitié (génome haploïde), soit normalement 23 chromosomes.
Ovocyte en cours de fécondationissu de la pénétration d’un ovocyte par un gamète mâle, il renferme deux noyaux (ou pronucléi) ; l’un mâle contenant l’ensemble des chromosomes provenant d’un gamète mâle, et l’autre femelle comportant l’ensemble des chromosomes provenant du gamète féminin.
Pénétrance fréquence avec laquelle des porteurs d’une caractéristique génétique responsable d’une maladie manifestent les symptômes de la maladie.
Polyploïde contenant, contrairement aux deux jeux correspondant à la situation normale, trois jeux de chromosomes ou plus (plus de 46 chromosomes chez l’être humain).
Pronuclei noyaux haploïdes de l’ovocyte et du spermatozoïde après la fécondation, mais avant la dissolution de leur membrane et la première division de l’œuf fécondé.
Pluripotente se dit d’une cellule qui possède la capacité de devenir n’importe quel tissu dans l’organisme final.
Cellules somatiques toutes les cellules du corps à l’exception des cellules de la lignée germinale (cellules sexuelles).
Spermatide cellule haploïde (contenant un seul jeu de chromosomes) de la lignée germinale qui se différenciera ensuite en spermatozoïde.
Spermatocytecellule diploïde (deux jeux de chromosomes) de la lignée germinale qui après deux divisions meiotiques aboutira à la production de spermatides.
Totipotente se dit d’une cellule à partir de laquelle un organisme entier peut se former.
Zygote cellule unique au dernier stade de la fécondation, lorsque se sont unis les deux ensembles de chromosomes, l’un provenant du gamète mâle l’autre du gamète femelle.
· Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (Oviedo, 4.IV.1997) ETS n° 164
http://conventions.coe.int/Treaty/fr/WhatYouWant.asp?NT=164&CM=7&DF=
· Protocole additionnel à la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, portant interdiction du clonage d'êtres humains ETS n° 168
http://conventions.coe.int/Treaty/fr/WhatYouWant.asp?NT=168&CM=7&DF=
· Assistance médicale à la procréation et protection de l'embryon humain : étude comparative sur la situation dans 39 pays
Clonage : étude comparative sur la situation dans 44 pays......................................... CDBI/INF (98) 8
· IIIème symposium sur la bioéthique : l'assistance médicale à la procréation et la protection de l'embryon humain 15-18 décembre 1996
· Aspects éthiques des techniques de clonage........................................................................
..................................................................... Avis n° 9 du 28 mai 1997 du Groupe Européen d’Ethique
des sciences et des nouvelles technologies auprès de la Commission Européenne (EGE)
http://europa.eu.int/comm/european_group_ethics/gaieb/fr/avis9.pdf
· Les aspects éthiques de la recherche sur les cellules souches humaines et leur utilisation.......
................................................... Avis n° 15 du 14 novembre 2000 du Groupe Européen d’Ethique
des sciences et des nouvelles technologies auprès de la Commission Européenne (EGE)
http://europa.eu.int/comm/european_group_ethics/docs/avis15_fr.pdf
· Rapport relatif à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines
(Commission européenne)........................................................................................... SEC(2003)441
http://europa.eu.int/comm/research/conferences/2003/bioethics/pdf/sec2003-441report_fr.pdf
· Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme........ 11 novembre 1997
http://unesdoc.unesco.org/images/0010/001096/109687fb.pdf
MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PROTECTION DE L’EMBRYON ET DU FOETUS HUMAINS
Prof. Yvon ENGLERT, Président du Groupe HEF, Clinique de Fertilité Erasme, Route de Lennik 808, B-1070 BRUXELLES (jusqu’en 2001)
Mme Sylviane FRIART, Conseiller, Ministère de la Justice, 115 bd de Waterloo, B-1000 BRUXELLES
Mrs Grete GJERTSEN, Adviser, Ministry of Health and Social Affairs, PO Box 8011 Dep., N-0030 OSLO 1
Mrs Ellen A. M. DE HILSTER, Counsellor of Legislation, Ministry of Justice, Schedeldoekshaven 100, Postbox 20301, 2500 EH DEN HAGUE (jusqu’en 2001)
Mrs Ljubov KURILO, National Research Centre for Medical Genetics Russian Academy of Medical Sciences, PO Box Moskvorechie str. 1, 115478 MOSCOW
Dr Anne McLAREN, Principal Research Associate, Wellcome/CRC Institute, Tennis Court Road, Cambridge CB2 1QR
M. Jean MICHAUD, ancien Conseiller à la Cour de Cassation, membre du Comité Consultatif National d’Ethique, 2 rue Ernest Renan, 75015 PARIS
Prof. Dr. theol. Dietmar MIETH, Abteilung f. Theologische Ethik, der Universität Tübingen, Blumenstrasse 3, 72149 TÜBINGEN
Dr Miguel PARDO, Scientific Director, Centro Internacional Medicine Avanzada C/Osi, 14-16, 1°1a 08034 BARCELONA
M. Daniel SERRÃO (Chair), M. D., Ph. D, Professeur de bioéthique et d’éthique médicale à la Faculté de Médecine de Porto, Laboratoire d’Anatomie pathologique, Rua de São Tomé 746, P-4200 PORTO
Ms Sylvia TOMOVA, Conseiller juridique en chef, Université de Médecine, 15 bd Dimitar Nestorov 15, BG-1000 SOFIA
COMITE EUROPEEN DE LA SANTE (CDSP) : Professor Helge BOMAN, Department of Medical Genetics, Haukeland University Hospital, University of Bergen, PO BOX 1, 5021 BERGEN, Norvège
(jusqu’en 2000)
COMMISSION EUROPEENNE
Dr. Line MATTHIESSEN, Principal Scientific Officer, Commission Européenne, Direction Générale de la Recherche, Direction B.0 – Biotechnology, agriculture and food, SDME Bureau 9/8, Rue de la Loi 200, B-1049 Bruxelles
M. Hugh WHITTALL, Scientific Officer, DG XII-E5, Office SDME 8/03, Commission des Communautés Européennes, rue de la Loi 200, B-1049 BRUXELLES (jusqu’en 1999)
Prof. Göran HERMEREN, Président du Groupe européen d’éthique, Dept. of Medical Ethics, Lund University, St. Gräbrödersgatan 16, 22222 LUND, Sweden
Dr Jacques MONTAGUT, Directeur de l'IFREARES, 20 route de Revel, 31400 TOULOUSE, France
Prof. Dr. Jochen TAUPITZ, Managing Director, Institute for German, European and International Medical Law, Public Health Law and Bioethics of the Universities of Heidelberg an Mannheim, D-68131 Mannheim
Dr Stéphane VIVILLE, Responsable du centre de DPI du CHU de Strasbourg, IGBMC, 1 rue Laurent Fries, BP 10142, 67404 ILLKIRCH Cedex, France
[1] CDBI/INF (98) 8 La procréation médicalement assistée et la protection de l’embryon humain: étude comparée de la situation dans trente‑neuf Etats; le clonage: étude comparée de la situation dans quarante‑quatre Etats.
[2] Taux de fécondation : rapport entre le nombre d’embryons obtenus et le nombre d’ovocytes fécondés.
[3] Cette aptitude est évaluée sur la base de critères visuels et parfois également en prolongeant la culture de l’embryon jusqu’au stade blastocyste.
[4] Selon les pays, certaines procédures en cours de développement sont considérées ou non comme des recherches aux fins de la législation pertinente. Cela a, par exemple, été le cas pour le développement du DPI dans certains pays.
[5] Dans un petit nombre de pays (par exemple, Royaume-Uni, Japon) la constitution d’embryons, par fécondation ou par clonage est prévue par la loi, et quelques autres l’envisagent. Ailleurs, ces recherches ne sont conduites que sur des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental.
[6] Par exemple : potentiel de division moindre ; faible quantité dans tous les tissus, voire absence dans certains tissus ; nécessité de modification génétique en cas de maladie génétique.
[7] Injection intracytoplasmique de spermatozoïde
[8] Diagnostic préimplantatoire
[9] The ESHRE PGD Consortium steering committee, Geraedts J, Handyside A, Harper J, Liebaers I, Sermon K, Staessen C, Thornhill A, Vanderfaeillie A, Viville S, Wilton L. ESHRE preimplantation genetic diagnosis (PGD) consortium: data collection III (May 2001). Hum. Reprod. 2002; 17 : 233-246.
(Maladies pouvant faire l’objet d’un diagnostic par PCR – 2001)
Central core disease, Charcot-Marie-Tooth 1A, maladie de Charcot Marie Tooth, Charcot-Marie-Tooth 2A, Crouzon syndrome, FAP-Gardner, Syndrome de Gardner, HD-exclusion, Huntington’s disease, maladie de Huntington, Marfan’s syndrome, syndrome de Marfan, Myotonic dystrophy, dystrophie miotonique, Neurofibromatosis, neurofibromatose, Osteogenesis imperfecta I, Osteogenesis imperfecta IV, Stickler syndrome, Tuberous sclerosis, sclérose tubéreuse, Beta-thalassemia, Beta-Thalassémie, CDG1C, CDG1C, Cystic fibrosis, mucoviscidose, Epidermolysis bullosa, Gaucher’s disease, maladie de Gaucher, Hyperinsulinemic hypoglycemia PHH1, Sickle cell, Spinal muscular atrophy, Tay-Sachs disease, maladie de Tay-Sachs, Agammaglobulinemia, Alport syndrome, maladie d’Alport, Duchenne’s muscular dystrophy, dystrophie musculaire de Duchenne, Hunter’s syndrome MPSII, Spinal and Bulbar muscular atrophy, Alport syndrome, Fragile X syndrome, syndrome de l’X fragile, Oro-facial-digital syndrome type 1, MELAS, CF+FRAXA, CF+XL mental retardation
[10] Hum.Reprod. 2002, 17 :3260-3274