PRINCIPES ENONCES DANS LE RAPPORT DU COMITE AD HOC D'EXPERTS
SUR LES PROGRES DES SCIENCES BIOMEDICALES
(CAHBI, publié en 1989)

Principes

I. Champ d'application et définitions

Les principes énoncés ci-après s'appliquent aux techniques de procréation artificielle des êtres humains, notamment à l'insémination artificielle, aux méthodes comportant le prélèvement d'ovules - en particulier la fécondation in vitro - ainsi qu'aux méthodes impliquant le don de sperme, d'ovules ou d'embryons ainsi qu'aux actes et procédés rendus applicables aux embryons par ces techniques.

Aux fins d'application des présents principes on entend:

a.  par insémination artificielle, l'introduction de sperme dans l'appareil génital d'une femme par tout autre moyen que la relation sexuelle;

b.  par fécondation in vitro, la fusion d'un ovule humain, prélevé instrumentalement, avec un spermatozoïde dans un récipient de culture;

c.  par embryon, le résultat de la fusion des gamètes humains dans tous les stades de développement avant le stade foetal;

d.  par donneur, la personne, autre que la mère de substitution, qui offre ses gamètes ou un embryon dans l'intérêt d'autrui;

e.  par mère de substitution, la femme qui porte l'enfant pour le compte d'autrui ayant accepté dès avant la grossesse de lui céder l'enfant après sa naissance.

II. Conditions générales de la mise en oeuvre des techniques de la procréation artificielle

Principe 1

1. Les techniques de procréation artificielle humaine peuvent être employées en faveur d'un couple hétérosexuel (et dans les circonstances prévues au paragraphe 1 du Principe 7 ci-après), lorsque les conditions appropriées existent pour assurer le bien-être de l'enfant à naître et seulement lorsque:

a. - soit les autres méthodes de traitement de l'infertilité ont échoué, n'offrent aucune perspective de succès ou ne sont pas appropriées dans le cas d'espèce;

- soit un risque sérieux existe de transmettre à l'enfant une grave maladie héréditaire;

-  soit qu'il y ait un risque sérieux que l'enfant souffre d'une autre maladie qui entraînerait sa mort précoce ou un handicap grave;

b. - et lorsque ces techniques ont une chance raisonnable d'aboutir et qu'il n'y a pas de risque significatif de compromettre la santé de la mère ou de l'enfant.

2. Les techniques de procréation artificielle humaine ne doivent pas être utilisées pour obtenir des caractéristiques particulières chez l'enfant à naître et notamment pour permettre de choisir son sexe, sauf lorsque, conformément à l'alinéa a du paragraphe précédent, il s'agit d'éviter une maladie héréditaire grave liée au sexe.

Principe 2

Tout acte requis par les techniques de procréation artificielle et les procédés appliqués aux embryons qui y sont liés doit être fait sous la responsabilité d'un médecin et dans le cadre d'un établissement agréé par une autorité compétente de l'Etat ou par une autorité créée par l'Etat à cet effet.

Principe 3

Nul individu ne peut être obligé ou requis à contribuer directement à l'exécution des actes énoncés dans les présents Principes s'il y fait objection pour des motifs de conscience.

Principe 4

1. Les techniques de la procréation artificielle ne peuvent être utilisées que si les personnes concernées ont donné explicitement et par écrit, selon les dispositions nationales, leur consentement libre et éclairé.

2. Avant d'obtenir ce consentement, le médecin et l'établissement utilisant les techniques de procréation artificielle doivent s'assurer que les personnes concernées reçoivent les renseignements et les conseils appropriés au sujet des implications éventuelles d'ordre médical, juridique, social et, si nécessaire, génétique de ce traitement, notamment celles qui risquent d'affecter l'intérêt de l'enfant susceptible de naître.

Principe 5

Le médecin et l'établissement utilisant les techniques de procréation artificielle doivent effectuer les enquêtes et investigations appropriées afin de diagnostiquer et diminuer le risque de transmission d'une maladie héréditaire ou infectieuse ou de tout autre facteur qui pourrait présenter un danger pour la santé de la femme ou de l'enfant susceptible de naître.

Principe 6

Le médecin et l'établissement utilisant les techniques de procréation artificielle doivent tenir des dossiers contenant toute information nécessaire afin de remplir leurs obligations en vertu des présents Principes ou d'apporter la preuve que celles-ci ont été accomplies.

III. Conservation de gamètes et embryons

Principe 7

1. Une personne seule qui court un risque d'infertilité ou tout autre danger qui pourrait diminuer sérieusement sa capacité de procréation dans le futur peut déposer ses gamètes pour son usage futur et personnel, pourvu qu'au moment de la procréation artificielle toutes les conditions énoncées dans les présents Principes soient remplies.

2. Lorsqu'une personne qui fait conserver ses gamètes pour son propre usage décède durant la période de conservation ou ne peut pas être retrouvée à la fin de la période, ses gamètes ne seront pas utilisés pour la procréation artificielle.

3. Les gamètes ne peuvent pas être conservés au-delà d'une période fixée par la loi nationale ou par tout autre moyen approprié.

4. La procréation artificielle avec le sperme du mari ou du compagnon décédé ne sera pas permise.

Principe 8

1. Seul le nombre minimal d'ovules strictement nécessaire pour assurer le succès de la procréation sera fécondé.

2. Les embryons ne doivent pas être gardés au-delà d'une période fixée par la loi nationale ou par tout autre moyen approprié.

3. Le sort des embryons destinés à un couple pour la procréation et non utilisés par celui-ci ne sera déterminé qu'avec le consentement des deux membres du couple.

IV. Don de gamètes et embryons

Principe 9

1. Les dons d'ovules, de sperme, d'embryons et de tout élément prélevé sur ceux-ci ne peuvent donner lieu à aucun profit. Seuls la perte de salaire ainsi que les frais de déplacement et autres dépenses directement causées par le don peuvent être remboursés au donneur.

2. La personne ou l'organisme public ou privé qui est autorisé à céder les gamètes aux fins de procréation artificielle ou de recherche ne doit pas le faire dans un but lucratif.

3. Le don de gamètes pour la procréation artificielle ne doit être assujetti à aucune condition discriminatoire. Le donneur peut exiger, à tout moment avant leur utilisation, que ses gamètes ne soient pas employés dans le but initialement fixé et donner des instructions quant à leur destination.

Principe 10

Le nombre d'enfants issus des gamètes d'un même donneur doit être limité par la loi nationale ou par tout autre moyen approprié.

Principe 11

1. En principe, la fécondation in vitro doit être effectuée avec les gamètes du couple. La même règle s'appliquera à toute autre méthode impliquant des ovules in vitro ou des embryons in vitro. Toutefois, dans des cas exceptionnels à définir par les Etats membres, l'utilisation des gamètes de donneurs peut être autorisée.

2. Le don d'embryons non utilisés par un couple à un autre couple aux fins de procréation artificielle peut être permis par les Etats membres dans des cas exceptionnels.

Principe 12

Le transfert d'un embryon de l'utérus d'une femme à celui d'une autre ne doit pas être permis.

Principe 13

1. Le médecin et le personnel de l'établissement utilisant les techniques de procréation artificielle doivent préserver l'anonymat du donneur et, sous réserve des dispositions de la loi nationale en cas de procédure judiciaire, le secret de l'identité des membres du couple ainsi que le secret sur la procréation artificielle elle-même. Des informations concernant les caractéristiques génétiques du donneur peuvent être fournies en cas de nécessité dans l'intérêt de la santé de l'enfant ou aux fins d'un conseil génétique.

2. Toutefois, le droit national peut prévoir que l'enfant, à un âge approprié, peut avoir accès à l'information relative aux modalités de sa conception ou même à l'identité du donneur.

V. Détermination de la maternité et de la paternité

Principe 14

1. La femme qui donne naissance à l'enfant est considérée en droit comme la mère.

2. En cas d'utilisation du sperme d'un donneur:

a. son mari est considéré comme le père légitime et, s'il a consenti à la procréation artificielle, celui-ci ne peut pas contester la légitimité de l'enfant sur le fondement de la procréation artificielle;

b. et lorsque le couple n'est pas marié, le compagnon de la mère qui a donné son consentement ne peut s'opposer à l'établissement de responsabilités parentales à l'égard de l'enfant, sauf s'il prouve que l'enfant n'est pas né de la procréation artificielle.

3. Lorsque le don de gamètes a été réalisé par l'intermédiaire d'un établissement agréé, aucun lien de filiation entre les donneurs de gamètes et l'enfant conçu par procréation artificielle ne peut être établi. Aucune action à fin alimentaire ne peut être intentée contre le donneur ou par celui-ci contre l'enfant.

VI. Mères de substitution

Principe 15

1. Aucun médecin ou établissement ne doit utiliser les techniques de procréation artificielle pour la conception d'un enfant qui sera porté par une mère de substitution.

2. Aucun contrat ou accord entre une mère de substitution et la personne ou le couple pour le compte de laquelle ou duquel un enfant est porté ne pourra être invoqué en droit.

3. Toute activité d'intermédiaire à l'intention des personnes concernées par une maternité de substitution doit être interdite, de même que toute forme de publicité qui y est relative.

4. Toutefois, les Etats peuvent, dans des cas exceptionnels fixés par leur droit national, prévoir, sans faire exception au paragraphe 2 du présent Principe, qu'un médecin ou un établissement pourra procéder à la fécondation d'une mère de substitution en utilisant des techniques de procréation artificielle, à condition:

a. que la mère de substitution ne retire aucun avantage matériel de l'opération; et

b. que la mère de substitution puisse à la naissance choisir de garder l'enfant.

VII. Actes et procédés appliqués aux embryons

Principe 16

La fertilisation d'ovules in vitro et la récupération d'embryons par lavage ne seront pas permises aux fins de recherche.

Principe 17

1. Aucun acte ou procédé ne peut être pratiqué sur l'embryon in vitro, à l'exception de ceux effectués dans son propre intérêt et de simples observations qui ne le léseraient pas.

2. Lorsqu'un Etat permet des investigations et des expérimentations autres que celles mentionnées au paragraphe précédent dans un but préventif, thérapeutique ou de diagnostic de maladies graves des embryons, il devra exiger que celles-ci soient faites aux conditions suivantes:

a.  le but ne peut pas être atteint par un autre moyen;

b.  l'embryon ne doit pas être utilisé plus de quatorze jours après la fécondation, toute période de conservation par congélation ou par tout autre moyen n'étant pas comprise;

c.  le consentement du couple a été donné conformément au paragraphe 3 du Principe 8 et, si l'embryon est le résultat de la fécondation in vitro avec des gamètes de donneurs, l'accord de ceux-ci sera également requis; et

d.  un comité d'éthique multidisciplinaire dûment constitué a donné son approbation.

3. La séparation des cellules d'un embryon ne peut être permise par les Etats membres que pour en utiliser une partie à des fins de diagnostic lorsqu'il s'agit de vérifier la présence d'une maladie ou d'une anomalie grave chez l'enfant à naître et si les conditions b, c et d mentionnées au paragraphe 2 ci-dessus sont remplies.

Principe 18

L'introduction, dans l'utérus d'une femme, d'un embryon humain qui a fait l'objet d'un acte ou de procédés autres que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 3 du Principe précédent doit être interdite.

Principe 19

Dès qu'il est implanté, un embryon résultant d'une fécondation in vitro ne doit pas faire l'objet d'expérimentation in utero.

Principe 20

L'utilisation des techniques de procréation artificielle afin de créer des êtres humains identiques par clonage ou par toute autre méthode doit être interdite.

Principe 21

1. L'implantation d'un embryon humain dans l'utérus d'une autre espèce ou l'opération inverse doit être interdite.

2. La fusion d'un gamète humain avec le gamète d'une autre espèce doit également être interdite. Il en est de même de la fusion d'embryons et tout autre procédé pouvant produire une chimère.

3. Toutefois, les Etats membres peuvent prévoir la fusion de gamètes humains et animaux pour des investigations visant à diagnostiquer l'infertilité, à condition que le développement de l'hybride s'arrête au stade de deux cellules.